CRITIQUES DE LIVRES Return of a King: The Battle for Afghanistan
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CRITIQUES DE LIVRES Return of a King: The Battle for Afghanistan
CRITIQUES DE LIVRES Return of a King: The Battle for Afghanistan par William Dalrymple Londres, Bloomsbury Publishing Plc, 2013 567 pages, 15,99 $ (poche) ISBN 978-1-4088-2287-6 Critique de Geoff Tyrell A vant de lire l’excellent ouvrage de William Dalrymple, Return of a King, l’auteur de ces lignes ne connaissait de la première guerre anglo-afghane (1839–1842) que ce qu’il avait lu dans le roman éponyme de George MacDonald Fraser, de la série Flashman. Dans Return of a King, Dalrymple examine les conséquences catastrophiques de la convergence des intérêts stratégiques britanniques, de la politique impériale et d’animosités personnelles qui a entraîné l’invasion de l’Afghanistan, une action dont les profondes répercussions se font encore sentir de nos jours. Au début des années 1800, la British East India Company continue son expansion au nom de la prospérité économique britannique. Craignant la concurrence de l’empire de la Russie tsariste, les dirigeants civils de la Grande-Bretagne finissent par croire que Moscou a des visées sur l’Inde, ce qui va nécessiter la création d’une alliance avec l’Afghanistan afin de contrecarrer toute tentative par la Russie de s’emparer du territoire du sous-continent sous contrôle britannique ou d’y exercer une quelconque influence. La perception de cette menace stratégique culmine en 1839 quand, croyant que le chef afghan en poste à Kaboul, Dost Mohammed Khan, accueillera à bras ouverts une alliance avec leurs rivaux russes, les Britanniques décident de remplacer son régime Barakzai. À cette fin, ils misent sur la réinstallation sur le trône d’un roi Sadozai, Shah Shuja qui, déposé 30 ans plus tôt, avait dû s’exiler. Accompagné par l’Armée anglo-indienne des Indes, Shuja est réinstallé à Kaboul, sous l’étroite surveillance (lire supervision) de l’envoyé britannique, Sir William Hay Macnaghten. Pendant les deux années qui suivent, il devient évident que le Shah est au mieux un dirigeant faible et au pire, une simple marionnette dont les ficelles sont tirées par les Britanniques. La colère des Afghans gronde de plus en plus contre les intrus britanniques et la résistance armée contre les étrangers prend forme. En janvier 1842, l’Armée des Indes est forcée d’abandonner Kaboul dans une retraite désastreuse qui ne laissera que quelques survivants. L’ouvrage de Dalrymple compte en quelque sorte trois sections, à commencer par le survol historique de l’Afghanistan et de ses monarques ainsi que de la croissance des intérêts britanniques dans la région, laquelle culmine par la réinstallation sur le trône de Shuja. L’ouvrage retrace ensuite l’histoire de l’occupation britannique et du désenchantement de la population afghane, ce qui débouche sur l’anéantissement de l’Armée des Indes. Finalement, il décrit le cruel châtiment que l’Armée de Rétribution a infligé à l’Afghanistan et ses répercussions. De ces trois sections, on peut affirmer que c’est la deuxième qui rejoint le mieux le lecteur moderne. L’Afghanistan était à l’époque 88 et demeure aujourd’hui un pays déchiré, ravagé par la misère et la violence et dont le gouvernement impopulaire et soutenu par l’étranger tente d’établir des organes étatiques fonctionnels tout en luttant contre une insurrection ravageuse. Dans un contexte comme dans l’autre, Dalrymple appelle les forces afghanes opposées aux étrangers « la résistance », suggérant que la guerre actuelle en Afghanistan, plutôt qu’un affrontement moderne entre civilisations, constitue la poursuite d’une guerre de clan meurtrière vieille de centaines d’années et qui ne montre aucun signe d’épuisement dans un avenir rapproché. Return of a King est bien écrit et se fonde sur une gamme de sources pour donner vie aux rôles principaux et de soutien dans la tragédie de la première guerre anglo-afghane. L’auteur a la chance d’avoir accès à des sources d’informations sur le conflit provenant de l’Afghanistan et il décrit clairement les frustrations croissantes, les jalousies et les idéologies qui ont abouti à une véritable rébellion, laquelle a commencé avec le meurtre de l’un des principaux agents britannique à Kaboul, à l’automne 1841. Il présente également avec brio le conflit du point de vue de l’Afghanistan, c’est-à-dire une lutte pour se libérer d’un oppresseur arrogant et détesté. Natif de l’Écosse, Dalrymple est un historien qui vit à Delhi; il est l’auteur de nombreux travaux portant sur l’histoire de l’Asie du Sud-Ouest. Depuis qu’il s’est établi en Inde, au milieu des années 80, il a parcouru la région et connaît très bien la géographie, la culture et le paysage politique de l’Afghanistan. Sa connaissance des différentes tribus afghanes, en particulier, lui permet d’expliquer les liens politiques des plus complexes qui se sont tissés entre les tribus, dans le contexte du début du XIXe siècle. Écrit avec clarté et concision, Return of the King a pourtant le dynamisme qu’il faut pour animer une vaste gamme de politiciens, de soldats, d’espions et de gens ordinaires, dont la vie a été à jamais bouleversée par la guerre. Cet ouvrage comporte bien quelques défauts, mais ils ne sont que mineurs. L’ensemble des illustrations et des portraits des principaux acteurs d’un important chapitre du « Grand Jeu » sont de première qualité. Les cartes laissent quelque peu à désirer et pourraient peut-être mieux faire comprendre au lecteur les vastes distances qui séparaient les avant-postes britanniques dans les nouveaux territoires de l’Empire, tout en soulignant la fragilité du lien vital avec l’Inde. Il en va encore de même aujourd’hui pour les forces étrangères qui luttent actuellement contre le terrorisme en Afghanistan. Pour ceux qui souhaitent approfondir leurs connaissances sur l’histoire de l’imbroglio moderne des États étrangers en Afghanistan, Return of the King est un excellent point de départ. Plus loin dans un futur éloigné, je trouverais intéressant de lire le récit que ferait Dalrymple de la guerre qui sévit actuellement en Afghanistan. On ne peut qu’espérer qu’elle aura un dénouement plus heureux que celui de l’intervention maquée en 1839–1842. Le capitaine Geoff Tyrell est diplômé du Collège militaire royal. Il est actuellement instructeur au Centre d’instruction de logistique des Forces canadiennes (CILFC) à la Base des Forces canadiennes Borden. Il a servi en Afghanistan de 2009 à 2010 auprès de l’Équipe de liaison et de mentorat opérationnel de la Force opérationnelle 3-09. Revue militaire canadienne • Vol. 14, N o. 2, printemps 2014