B – Quelle est la contribution des autres
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B – Quelle est la contribution des autres
B – Quelle est la contribution des autres organisations politiques ? a) – Le rôle de la société civile organisée dans les sociétés démocratiques 1. La société civile organisée correspond à une partie de la société civile constituée d’organisations (parfois qualifiées de « représentants de la société civile »)qui participent au bon fonctionnement de la démocratie, par distinction avec la société civile constituée de citoyens non organisés. La société civile organisée vient s’intercaler entre les citoyens et le pouvoir politique, et rentre dans un rapport de conflits, d’influence et de coopération avec les partis politiques. Elle joue un rôle de relais entre la société civile et les partis politiques. Ainsi, pendant longtemps, les syndicats ont été la courroie de transmission des revendications des salariés (la CGT était proche du Parti Communiste français, les Trade-Unions britanniques ont donné naissance au Parti Travailliste et l’ont financé, le syndicat suédois LO a toujours soutenu le Parti Social-démocrate suédois…) ou des revendications patronales (les syndicats patronaux soutiennent financièrement les partis de droite). De nos jours, des associations se créent autour des partis pour relayer l’opinion publique et exercer une influence sur les programmes des partis (Terra Nova, l Fondation Copernic pour le PS, l’Institut Montaigne pour la droite en France…). Elle joue un rôle de contestation des décisions politiques. Ainsi, le mouvement noir aux Etats-Unis, le mouvement féministe ou homosexuel, les associations écologistes, les associations de consommateur, ont contesté l’ordre social existant pour promouvoir de nouvelles valeurs et de nouvelles normes sociales qui se sont traduite par des lois (déségrégation des universités aux Etats-Unis, loi sur l’avortement ou le mariage pour tous, interdiction des OGM dans l’U.E, principe de précaution…). Elle joue un rôle d’influence auprès des décideurs politiques. La société civile a su mettre en place des groupes de pression, des lobbies, qui agissent auprès des députés, des partis politiques, de la haute fonction publique, pour obtenir des lois en leur faveur ou pour empêcher l’adoption de textes contraires à leurs intérêts. 2. Tocqueville souligne l'importance de la société civile représentée par des corps intermédiaires et de la prise en compte de ses revendications par l'État. Cette tradition considère, en effet, que l'État doit être limité et ne peut assumer seul la charge du bien commun. Un parti majoritaire risque de confisquer la totalité des pouvoirs et d’empêcher l’opposition de s’exprimer. La société civile doit donc s’organiser en associations pour contester le pouvoir politique. La liberté d’association est donc le garant de la démocratie et une bonne relation avec la société civile est, dès lors, indispensable. De ce point de vue, le lobbying est une application de cette mise en relation entre décisionnaires et société civile, au même titre que les corps intermédiaires que sont, par exemple, les syndicats. Ici, le groupe de pression est vu de manière positive. Les lobbies sont parfaitement acceptés aux Etats-Unis et sont déclarés en tant que tel. b) – La société civile renforce la démocratie par la contestation 1. D’autres formes d’organisations participent, avec les partis, au bon fonctionnement de la démocratie. C’est le cas, par exemple, des syndicats, des associations, des groupes d’intérêt et, plus généralement, des différentes composantes organisées de la société civile. De fait, dans le cadre de la démocratie représentative, les partis ne sont pas les seuls à pouvoir jouer un rôle de représentation : le « champ de la représentation » semble plus vaste que celui de la représentation politique classique et s’étend à la représentation professionnelle (assurée en particulier par les syndicats), mais aussi associative, voire à des formes de représentations opérées par des porte-parole occasionnels. Par ailleurs, depuis quelques années, se constituent des mouvements sociaux qui contestent aux partis et aux syndicats leur monopole de la représentation, en se faisant les porte-parole de groupes sociaux qui ne se sentent pas suffisamment représentés par les instances classiques. Syndicat Mouvement des sans Association écologiste Question politique soulevée - Droits sociaux - Droits syndicaux - Négociation salariale - Droit au logement - Droit à l’emploi - Droit à la régularisation - Préservation de l’environnement - Santé publique Moyens d’action utilisés - Grèves - Occupation d’usines - Manifestation - Occupation de logement - Détournements - Manifestation - Fauchage d’OGM - Action juridique - Referendum d’initiative populaire Objectifs poursuivis - Défense de l’emploi - Améliorer les conditions d’emploi et de travail - Sensibiliser l’opinion sur le sort des exclus - Interpeller les pouvoirs publics - Sensibiliser l’opinion sur l’environnement - Faire appliquer le principe de précaution 2. Ainsi le mouvement des droits civiques aux Etats-Unis, mais aussi les mobilisations féministes et, plus récemment, le mouvement des « sans », sont des exemples de mouvements sociaux qui portent sur la scène publique des enjeux spécifiques et se font les représentants de groupes sociaux ou de franges de l’opinion qui ne se sentent pas représentés par ailleurs : en cela ces mouvements sociaux remplissent bien une fonction de représentation qui participe au bon fonctionnement de la démocratie. Nouveaux mouvements sociaux Nouveaux acteurs Nouveaux objets Nouvelles modalités d’action Coordinations étudiantes Accès aux études et à l’emploi Occupation et manifestation Organisations féministes Droit à l’égalité Pétition Unions de consommateurs Principe de précaution Poursuite judiciaire Partis régionalistes Droit à l’autonomie Action de « commandos » Mouvement noir Refus du racisme Concerts de soutien Associations homosexuelles Droit à la différence Manifestations festives Comité de chômeurs Droit à la solidarité Occupation de locaux administratifs Collectif de sans papiers Droits de l’homme Interventions de personnalités Associations de malades Protection de la santé Lobbying 3. Les groupes d’intérêt peuvent chercher à influencer les décisions des pouvoirs publics (afin de demander une décision politique ou de l’empêcher) par le recours à la contestation, autrement dit par l’établissement d’un rapport de forces leur étant favorable. La contestation peut reposer sur le recours à la force dans le but de contraindre les pouvoirs publics à renoncer à (ou à adopter) une décision politique (les manifestations contre la dernière réforme du système de retraites, les manifestations anti-nucléaires, la mobilisation des entrepreneurs « pigeons » contre la réforme de la fiscalité sur les plus-values, les mobilisations pour ou contre le mariage homosexuel…). Dans ce cas, l’opinion publique doit être convaincue par le groupe d’intérêt du caractère illégitime de la situation concernée et du bien fondé de leurs actions. Plusieurs moyens d’action peuvent être employés par les groupes d’intérêt dans ce cadre : pétition, grèves, manifestation, occupation de locaux, etc. Il faut noter que ces mouvements sociaux usent, en général, de répertoires d’action collective différents par rapport à ceux des organisations traditionnelles avec lesquelles ils peuvent néanmoins entretenir des liens plus ou moins forts. La contestation peut également reposer sur l’établissement de relations directes avec les pouvoirs publics (c’est-à-dire sans la médiation de l’opinion publique), relations dans le cadre desquels le groupe d’intérêt menace les pouvoirs publics de sanctions en cas d’adoption (ou de non retrait) d’une décision publique. Par exemple, Google qui menace d’entraver l’accès aux sites de journaux français si elle se trouve contrainte de verser une taxe pour contribuer à leur financement. 4. Il arrive parfois que l’organisation crée le mouvement social. Dans ce cas, les dirigeants de l’organisation agissent comme des « entrepreneurs de mouvements sociaux ». Ces dirigeants politisés vont s’emparer d’un problème et le porter sur la place publique. Pour cela, ils doivent : Mobiliser des ressources internes : ce sont les militants qui consacrent leur temps et leur argent pour convaincre les populations concernées par le sujet que l’on veut mettre en avant. Un mouvement social est fort si les adhérents et les militants sont soudés dans l’action, s’ils se sentent solidaires. Ceci suppose : La désignation de l’adversaire : les nouveaux mouvements sociaux se battent sur le terrain politique et non dans l’entreprise. L’adversaire peut être un groupe d’industrie (le lobby nucléaire, par exemple) mais la négociation doit passer par le pouvoir politique. La fabrication d’un discours cohérent, l’élaboration d’une plateforme de revendication, la confection de tracts, de pétitions, de banderoles…qui pourront mobiliser la population ciblée. Ce n’est donc pas la conscience des acteurs qui détermine le mouvement mais le mouvement qui crée l’identité de l’acteur social dans l’action. Le choix d’un leader charismatique qui servira de porte parole auprès des médias et des pouvoirs publics. On peut remarquer que ce sont souvent des personnalités connues et reconnues qui facilitent l’accès aux médias : l’Abbé Pierre pour les sans-logis, Josiane Balasko et les sans-papier, Augustin Legrand, le fondateur des enfants de Don Quichotte, Nicolas Hulot, José Bové ... Mobiliser des ressources externes : il faut faire partager au public la justesse de la cause que l’on défend. La popularisation du mouvement est une clé essentielle de sa réussite. Cela passe par : L’utilisation de nouveaux répertoires de l’action collective (Charles Tilly) : La grève n’est plus possible comme forme d’action dans ce type de mouvement social. D’où la nécessité d’employer d’autres méthodes : boycott, marches de protestation, barrages routiers, occupations de locaux, grèves de la faim, sit-in, fauchage de champs d’OGM, ...Plus les actions sont spectaculaires, plus elles vont attirer l’œil des médias. Plus elles sont festives, plus elles recevront un accueil favorable du public. La mise en scène doit être soignée. L’utilisation de réseaux sociaux et médiatiques : pour faire connaître le mouvement, sa thématique, ses revendications, il faut utiliser son carnet d’adresse pour joindre la bonne personne au bon moment (« l’agenda politique »). Les médias jouent un rôle clé dans la popularisation du mouvement et sur la pression qu’il effectue sur les pouvoirs publics. Le développement d’Internet et des réseaux sociaux (Facebook, Twitter…) et le recours à des vedettes du spectacle ou du sport, peuvent faciliter la mobilisation. La maitrise de l’agenda politique et de la conjoncture : une grève a plus de chance de réussir si la conjoncture est bonne (carnet de commande rempli, absence de chômeurs…). De même une action collective a de forte chance de réussir si elle se situe avant les élections et si elle est proche des préoccupations électorales des députés. Facteur déclenchant lié au contexte social Expertise Organisation Mobilisation des ressources Institutionnalisation Production de sens Mobilisation collective Mouvement social Structuration de l’espace politique et social autour des enjeux c) – La société civile renforce la démocratie par la coopération 1. Les groupes d’intérêt peuvent chercher à influencer les pouvoirs publics par le recours à la négociation, c’est-àdire par le recours à l’argumentation et à la coopération dans le cadre d’une relation directe avec les pouvoirs publics. La coopération peut être plus ou moins institutionnalisée, avec des règles précises qui encadrent la négociation et les accords qui peuvent en résulter. La coopération peu institutionnalisée peut consister pour les groupes d’intérêt à produire et à diffuser de leur propre initiative, auprès des décideurs politiques, des informations relatives aux sujets dont ils sont porteurs (ces groupes d’intérêt sont des lieux d’analyse, de discussion et d’élaboration de propositions politiques), à proposer des projets de loi (par exemple, le projet de loi sur le RMI proposé par l’association ATD Quart Monde), voire à recourir à la corruption. La coopération institutionnalisée consiste pour les pouvoirs publics à mettre en place des dispositifs institutionnels de négociation des groupes d’intérêt, voire de participation à la décision. Il peut s’agir d’une consultation ponctuelle dans le cadre de la préparation d’un projet de loi (Le « Grenelle de l’environnement, par exemple), ou de l’attribution de sièges dans un organisme consultatif (Haut conseil à l’intégration, Conseil national pour la protection de la nature, Conseil économique, social et environnemental…). 2. Un lobby est donc un groupe plus ou moins informel, constitué pour la défense d’intérêts particuliers et visant à influencer l’opinion publique et le pouvoir en place. Contrairement aux associations politiques ou parapolitiques, comme les partis ou les clubs politiques, il ne cherche pas à assumer le pouvoir politique mais à influencer ses décisions. Cela peut concerner des groupes d’entreprise (le lobby de l’automobile, par exemple), des groupes professionnels (le lobby agricole ou celui des médecins, par exemple) ou des groupes sociaux (les associations de consommateurs ou les groupes écologistes, par exemple). Ils ont à leur disposition différents moyens : L’expertise : ces groupes produisent des rapports valorisant telle ou telle mesure ou dénonçant telle ou telle action ou produit. Ainsi, les associations de consommateurs publient des études sur la qualité des produits ou sur les dangers qui guettent les consommateurs ou sur les ententes entre les entreprises et la fabrication du prix d’un produit. De même, les associations écologistes mesurent les radiations dues au nucléaire, les effets d’une infrastructure sur la biodiversité… La propagande en direction de l’opinion publique : elle se fait par des campagnes de presse, des interventions à la télévision, la publication de revues, qui visent à alerter l’opinion pour qu’elle bascule dans tel ou tel sens. Ainsi, les médecins de santé publique ont réussi leur travail de lobbying en mettant en avant le rôle du tabac dans le développement du cancer et en transformant le fumeur en un quasi délinquant. De même, les écologistes et les mouvements de consommateurs ont réussi à persuader le public de la nocivité des ondes téléphoniques. La persuasion des décideurs politiques : elle consiste à présenter aux parlementaires des arguments, voire à les rémunérer, pour qu’ils fassent passer des lois favorables aux intérêts défendus. Le lobby de l’automobile a ainsi réussi pendant longtemps à imposer du plomb dans l’essence au détriment de la santé du consommateur alors que des solutions alternatives existaient. De même, le lobby des écologistes a réussi à interdire la diffusion des OGM en Europe. L’action judiciaire : les associations portent plainte collectivement en justice (« class action ») pour demander réparation d’un préjudice réel ou imaginaire. Aux Etats-Unis, ce sont souvent les avocats qui initient ce type d’action en espérant se rétribuer sur les indemnités obtenues. On remarque en Europe le développement de ces logiques d’influence : les groupes d’intérêt et les cabinets de lobbying, en effet, sont de plus en plus présents à Bruxelles et sont devenus, dans certains domaines, des interlocuteurs privilégiés pour les institutions communautaires. En effet, celles-ci apprécient autant l’expertise technique qu’ils peuvent apporter que, paradoxalement, la légitimité dont ils sont porteurs en tant que représentants d’une sorte de « société civile européenne ». 3. Les pouvoirs publics peuvent notamment y trouver plusieurs intérêts : l’ajustement d’intérêts contradictoires sur des problèmes complexes, la légitimation de leurs décisions aux yeux de l’opinion publique et des groupes d’intérêt (la contestation des décisions prises sera moins forte) et le bénéfice de la capacité d’expertise des groupes d’intérêt consultés sur la question. La réussite d’un mouvement social s’apprécie aux changements sociaux qu’il a pu provoquer. Ceci peut être appréhendé de deux façons : Par l’imposition de nouvelles normes sociales et de nouvelles valeurs. Le mouvement féministe a ainsi réussi à imposer l’idée que les hommes et les femmes devaient être égales non seulement en droit mais dans les faits. La maîtrise de la contraception, le divorce par consentement mutuel, les lois sur le viol et le harcèlement, l’activité professionnelle féminine ont profondément modifié les rapports sociaux au sein de la famille et de la société même si beaucoup de choses restent à faire. Le mouvement féministe, même s’il n’est pas totalement responsable de tous ces acquis, a joué un rôle primordial dans ces conquêtes. Par un processus de domestication du mouvement social : les pouvoirs publics ont su récupérer les mouvements sociaux soit par la création de lieux de négociations spécifiques («le « Grenelle de l’environnement », par exemple), soit par des nominations (Martin Hirsch pour le RSA, par exemple) soit par des subventions. Un exemple de cette institutionnalisation est la création de ministères durant les années soixante-dix à partir de revendications portées par des mouvements sociaux (Droit des femmes, Lutte contre les discriminations, Environnement, Consommation, etc.). Parfois réduits à une dimension purement symbolique (Fadela Amara, ancienne présidente de l’association « Ni putes, ni soumises », par exemple) ces administrations recrutent souvent d’anciens militants qui y voient des stratégies de reconversion. 4. Cependant, ce lobbying n’est pas toujours favorable au renforcement de la démocratie. Rousseau considérait le lobbying comme étant l'expression d'intérêts purement particuliers et menaçant l'intérêt général que seul l'État peut arbitrer. Aux Etats-Unis, les lobbies sont financièrement très puissants. Ils financent les campagnes électorales des élus qui, en retour, votent des lois en faveur du groupe de pression. Le « National Rifle association » a, ainsi, réussi à interdire toute loi contrôlant la vente des armes malgré les tueries qui se répètent régulièrement. En Europe, le lobbying agit au niveau des institutions de l'Union européenne, où se situent les enjeux globaux (énergétiques, environnementaux). La confusion des responsabilités au niveau juridique entre les États, où se définit encore aujourd'hui la souveraineté, et l'Union européenne, peut aboutir à un risque d'affaiblissement des processus de décision et à une menace pour les souverainetés des États.