La première loi sur les successions en République
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La première loi sur les successions en République
Sonderdrucke aus der Albert-Ludwigs-Universität Freiburg HARRO VON SENGER La première loi sur les successions en République Populaire de Chine Originalbeitrag erschienen in: Revue de droit international et de droit comparé 64 (1987), S. [65]-87 LA PREMIÈRE LOI SUR LES SUCCESSIONS EN RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE PAR Harro VON SENGER Docteur en droit, docteur ès lettres, Privatdozent à l'université de Zürich, Collaborateur scientifique de l'Institut suisse de droit comparé, Lausanne Cette loi est le résultat de six ans de travaux législatifs entrepris initialement par une commission chargée depuis novembre 1979 d'élaborer un code civil chinois ('). Le projet du code civil chinois élaboré par cette commission a été revisé quatre fois. Un des chapitres de ce projet du code civil chinois a été consacré au droit des successions. Toutefois, les vastes réformes économiques et structurelles actuellement en cours en Chine font que le temps ne semble pas encore propice à la promulgation d'un code civil complet. Les autorités chinoises préfèrent promulguer d'abord des lois spécifiques concernant des matières urgentes où une communis opinio peut être acquise. Une telle matière est entre autres le droit des successions. La commission législative du comité permanent du Parlement chinois et la Cour suprême de la Chine se chargèrent de l'élaboration d'un projet de loi sur les successions. C'est le chapitre sur les successions contenu dans le projet du code civil chinois qui leur a servi de base de même que des recherches sur les pratiques chinoises et étrangères en matière successorale ( 2 ). Le projet de loi sur les successions a été achevé en septembre 1984 ( 3). Après des consultations internes qui ont abouti à certaines (1) «Wang Hanbin zai liu jie Quanguo Renda Changweihui dishisan ci Huiyi shang Zuo guanyu Zhonghua Renmin Gongheguo Minfa Tongze Cao'an de Shuoming», in : Renmin Ribao, Beijing, 15 novembre 1985, p. 4. (2) Tong Rou et al., Woguo diyi bu Jichengfa de Tedian, in : Zhongguo Fazhi Bao, Beijing, 26 avril 1985, p. 3. (3) «Guanyu ,Zhonghua Renmin Gongheguo Jichengfa (Cao'an)' de Shuoming -Quanguo Renda Changweihui Mishuzhang, Fazhi Gongzuo Weiyuanhui Zhuren Wang Hanbin», in : Beijing Ribao, Beijing, 14 avril 1985, p. 2. 66 LA PREMIÈRE LOI SUR LES SUCCESSIONS modifications du projet, la première loi sur les successions de la République populaire de Chine ( 4 ) fut adoptée le 10 avril 1985 par l'Assemblée populaire nationale de Chine, donc par le Parlement chinois. Elle entra en vigueur le ler octobre 1985. Cette loi comporte cinq chapitres et 37 articles. Ces cinq chapitres traitent respectivement : — des règles générales — de la succession ab intestat — de la succession testamentaire et du legs — de la dévolution — des règles additionnelles Une traduction française de toute la loi étant présentée dans l'annexe, on se limite ici à rendre compréhensible quelques aspects de cette loi en combinant des considérations historiques avec des remarques analytiques et comparatives. 1. ASPECTS HISTORIQUES En ce qui concerne le cadre historique, on peut distinguer, de façon simplifiée, trois époques de l'histoire du droit chinois. La 1' : l'ère de la Chine traditionnelle, c'est-à-dire la Chine avant la fondation de la République de Chine de 1911 ; la 2e : l'ère de la Chine républicaine de 1911 à 1949 en ce qui concerne la Chine continentale, et jusqu'à ce jour en ce qui concerne Taiwan ; la 3e : l'ère de la République populaire de Chine, en Chine continentale depuis 1949. En Chine traditionnelle, la succession en matière patrimoniale — en principe — n'a pas fait l'objet d'une réglementation législative pour la raison suivante. L'obligation des héritiers de consentir des sacrifices pour les ascendants de la ligne paternelle a été considérée comme l'élément essentiel des relations successorales. Seuls les descendants masculins étaient capables de faire des sacrifices valables acceptés par les ancètres. C'est pourquoi, les descendants féminins étaient exclues de la succession ( 5 ). (4) «The Right of Inheritance», in : China Faily, Beijing, 20 avril 1985, p. 4. (5) M. H. VAN DER VALK «The Law of Inheritance in Eastern Europe and in the People's Republic of China», Leyden 1961, p. 297. : EN RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE 67 Un homme décédé sans laisser de fils mais seulement des filles était considéré comme un homme sans héritier ( 6). On disait qu'un fils incarnait le souffle vital du père et que père et fils formaient un seul corps ( 7). La mort du père ne signifiait donc pas la fin de son existence. Il survivait dans ses descendants masculins. Ceux-ci continuaient l'existence de l'ascendant masculin décédé aussi en ce qui concerne sa fonction de propriétaire des biens et sa fonction de débiteur. Ainsi, la transition des biens et des dettes sur les héritiers était conçue comme un automatisme tout à fait naturel sans aucun caractère légal. Cette conception de la succession pratiquée dans la vie quotidienne du peuple chinois n'exigeait pas l'intervention du législateur ( 8 ). Par exemple, l'État n'a jamais établi en Chine l'institution de l'impôt successoral ( 9 ), qui d'ailleurs n'est pas prévue non plus dans la nouvelle loi chinoise sur les successions de la République populaire de Chine. Dans les législations de la Chine traditionnelle, il existait par exemple, sous la dynastie des Tang (vit e au x e siècle), strictement parlant seulement un article concernant le droit successoral. Il s'agissait d'un article dans le code administratif portant sur les biens d'un foyer éteint. En ce cas, l'État recevait les biens pourvu qu'il n'existe ni de testament, ni de descendants féminins ou d'autres parents du dernier membre masculin du foyer éteint ( 10). En outre, on mentionne souvent dans des oeuvres sur l'histoire du droit successoral chinois que l'on trouve, dans les législations de la Chine traditionnelle des règles concernant le partage des biens familiaux (11) Le partage des biens familiaux était le plus fréquemment pratiqué par les frères d'un père décédé. Mais un tel partage n'était pas automatiquement déclenché par la mort du père. Il fallait la demande explicite d'un des frères, sinon les biens restaient la propriété commune (6) Shiga SHÜZÖ, «Family Property and the Law of Inheritance in Traditional China», in David C. BUxsAUM (éd.), «Chinese Family Law and Social Change», Seattle and London 1978, pp. 126-27. (7) Shiga Sxurzb, ibid., pp. 122-125. (8) Shiga SHÜzb, ibid, p. 124. (9) Shiga SHezö, Chngoku Kazokuhö no Genri, 2' éd., Tokyo 1976, p. 110. (10) Shiga SHÜZÖ, ibid. ; Niida NoBURO, «Tôrei Shûi», 2' éd., Tokyo 1964, p. 835. (11) Voir par exemple : Shi FENGn, «Zhongguo Fengjian Shehui de Jicheng Zhidu» in : Faxue Yanjiu, Beijing, Nr. 3/1985, p. 58. 68 LA PREMIÈRE LOI SUR LES SUCCESSIONS des frères et de leurs descendants masculins pendant des années, des décades ou même des générations ( 12). C'est pourquoi, la réglementation légale du partage des biens familiaux en Chine ancienne stricto sensu n'appartenait pas à ce que nous appelons aujourd'hui le «droit successoral» ( 13 ). Ce n'est qu'au début de notre siècle que la Chine, sous l'influence des puissances occidentales, a commencé à codifier le droit successoral dans un sens moderne. Prenant pour modèle le code civil japonais de 1898, qui lui-même était largement influencé par le droit allemand ( 14), les chinois ont décidés de régler le droit successoral dans le cadre d'une codification globale du droit civil. Dans le premier projet du code civil chinois, terminé en 1911, le droit successoral était encore dominé par des conceptions chinoises traditionnelles, particulièrement concernant l'obligation de sacrifices aux ancêtres Cette conception n'a été abandonnée que dans l'ère de la République de Chine ( 16 ). Dans le code civil chinois, promulgué livre par livre en 1929 et 1930, et entré en vigueur dans les années 1929-1931, le droit successoral était réglé — comme dans le code civil japonais de 1898 — dans le dernier des cinq livres. Pour la première fois dans son histoire, la Chine était ainsi munie d'une législation successorale globale. Dans son contenu, cette législation successorale était complètement occidentalisée ( 17 ). Elle est encore en vigueur actuellement à Taiwan En Chine continentale, elle a été, comme toute la législation chinoise républicaine, abrogée en février 1949 par un décret du comité central du Parti communiste chinois ( 15 ). ( 18 ). ( 19 ). (12) Shiga Sien, op. cit. in note 6, pp. 115-116. (13) Klaus MÄDING, «Chinsesisches traditionelles Erbrecht», Berlin 1966, p. 59. (14) Harro VON SENGER, «Japans drei Rechtsrezeptionen», in : Zeitschrift fuir Rechtsvrgliun,W1976p.20 (15) Xiao YONGQING (éd.), «Zhongguo Fazhishi Jianbian», xia, Taiyuan 1982, pp. 39-40 ; Zhang JINFAN (éd.), «Zhongguo Fazhishi», Beijing 1982, p. 347 ; You SHAOYIN et al., «Zhongguo Zhengzhi Falü Zhidu Jianshi», Hu bei 1982, p. 337. (16) Frances FOSTER-SIMONS, «The Development of Inheritance Law in the Soviet Union and the People's Republic of China», in : The American Journal of Comparative Law, Berkeley, Vol. 32/1985, p. 39, note 37. (17) Klaus MÄDING, op. cit., p. 3. (18) Voir : «A Compilation of the Laws of the Republic of China», Vol. 1, Taipeh 1967, pp. 307-326 ; Tao BA.ICxuAN (éd.) : «Zui Xin Liu Fa Quanshu», Taipeh 1983, pp. 322-331. (19) Lan QuANPU, «Sanshi Nian lai Woguo Fagui Yange Gaikuang», Beijing 1980, p. 2. EN RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE 69 Après la fondation de la République populaire de Chine, on trouve les premières traces d'un nouvel ordre juridique successoral dans la loi sur le mariage de 1950 ( 20) ainsi que dans le texte révisé de cette loi de 1980. Cette loi établit le droit des époux ainsi que des parents et des enfants d'hériter réciproquemment de leurs biens. En outre, la constitution de 1954 proclamait la protection, selon les dispositions de la loi, du droit des citoyens à l'héritage des biens privés. Une telle dispositions manquait dans les constitutions de 1975 et 1978, mais ressurgit dans la constitution de 1982 qui est actuellement en vigueur (art. 13) . Finalement, le code de procédure civile de 1982 contient une disposition concernant les litiges successoraux (art. 3° n° 4). Selon cette disposition, des litiges successoraux sont portés devant le juge du dernier domicile enregistré du de cujus ou devant le juge de l'endroit où se trouvent les biens les plus importants de la succession. Les vastes lacunes du droit successoral chinois étaient comblées par des instructions internes administratives ainsi que par des décisions de la justice. Les créations de la pratique juridique pendant plus de trente ans sont un des fondements de la première loi sur les successions de la République populaire de Chine de 1985 ( 21 ). Pendant plus de trente ans, la Chine a donc vécu sans une loi sur les successions. On peut dès lors se demander pourquoi il faut maintenant promulguer une telle loi ? Pour répondre à cette question, il faut attirer l'attention sur la ligne politique du parti communiste chinois ( 22 ) en vigueur depuis décembre 1978 et demandant la modernisation de la Chine. La modernisation de la Chine signifie après tout et surtout la promotion de la prospérité économique ( 23 ). Or, l'accélération du progrès économique ne peut être (20) Frances FOSTER- SIMONS, op. cit., p. 44. (21) Zhang Youhy zai liu jie Quanguo Renda disan ci Huiyi Zhuxituan Huiyi shang Zuo Jichengfa Cao'an Shenyi Jieguo de Baogao, in : Xinhua Yuebao, Beijing, no 4/1985, p. 35. (22) En ce qui concerne le concept de la ligne politique du parti communiste chinois voir : Harro VON SENGER, «Recent Developments in the Relations between State and Party Norms in the People's Republic of China», in : Stuart R. ScmRAM (éd.), «The Scope of State Power in China», London, Hong Kong, New York 1985, p. 183. (23) Zhang PEiI,rN, «Shi Lun Woguo Caichan Jicheng Zhidu de Xingzhi he Cunzai de Biyaoxing», in ; Zhengfa Luntan (Zhongguo Zhengfa Daxue Xuebao), Beijing, no. 1/1985, reproduit in : Zhongguo Renmin Daxue Shubao Ziliaoshe (éd.) : «Fuyin Baokan Ziliao (Falü)», Beijing, no 3/1985, p. 76. 70 LA PREMIÈRE LOI SUR LES SUCCESSIONS réalisée que par une mobilisation de toute la population chinoise. Une façon possible de motiver le peuple chinois à s'engager dans la lutte pour la modernisation et pour la croissance économique est l'usage de stimulants matériels. Depuis 1978, cette méthode est officiellement appliquée en Chine. Les individus peuvent accumuler des biens privés ( 24 ) et posséder même certains moyens de production tels que les automobiles, les bateaux motorisés, les équipements, les outils, etc. (25). Il est clair que la possibilité de transmettre par héritage ces biens individuels va renforcer encore ce que l'on appelle en Chine «l'enthousiasme» et «l'activisme» du peuplé chinois ( 26 ). Un autre aspect important de la loi est qu'elle permette et favorise les investissements des Chinois d'outre-mer ( 27 ). Si la promotion de la formation du patrimoine du peuple chinois est selon les commentateurs chinois un des buts de la nouvelle loi, un autre de ces buts est le renforcement et la stabilisation de la famille qui à l'heure actuelle joue un rôle essentiel dans la production, dans la consommation et en ce qui concerne l'assistance aux personnes agées, aux mineurs ainsi qu'aux personnes ayant besoin de soins et aux inaptes au travail. D'une part, la loi sur les successions, en donnant des réponses plus ou moins claires à de nombreuses questions successorales, peut contribuer à la prévention de litiges successoraux et ainsi à un bon climat social ( 28 ). D'autre part, cette loi peut promouvoir par des règles spécifiques qui seront mentionnées plus tard, des fonctions d'aide sociale à l'échelon individuel, ce qui décharge l'État chinois dans une certaine mesure. Finalement, l'ouverture de la Chine ces dernières années a provoqué une augmentation des problèmes successoraux internationaux au sujet desquels il n'existe pas une prise de position officielle du droit international de la Chine. Pour la première fois, une (24) Frances FoSTER-SIMONs, op. cit., p. 55. (25) «Zhonghua Renmin Gongheguo Jichengfa' Jianghua (2), in : Renmin Ribao, Beijing, 12 mai 1985. (26) Gu ANRANG, «,Zhonghua Renmin Gongheguo Jichengfa' Jianghua» (1), in : Renmin Ribao, Beijing, 10 mai 1985 ; Tong Rou et al., op. cit. (27) «,Zhonghua Renmin Gongheguo Jichengfa' Jianghua» (2), in : Renmin Ribao, Beijing, 12 mai 1985 ; «Equality in Inheritance legalized», in : China Daily, Beijing, 19 avril 1985. (28) Li YONGII, «Xuexi ,Jichengfa' Wenda», in : Gongren Ribao, Beijing, 19 avril 1985, p. 2. EN RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE 71 telle règle a été établie dans la loi chinoise sur les successions qui prescrit la lex domicilii pour les meubles et la lex rei sitae pour les immeubles transmis par un héritage international. H. ASPECTS COMPARATIFS Se composant de 5 chapitres et de 37 articles, la loi chinoise sur les successions est une des codifications successorales des plus concises, des plus courtes du monde, en tout cas au regard de la documentation sur le droit successoral international recueillie par Ferid-Firsching dans leur ouvrage «Internationales Erbrecht» (7 volumes, Munich, 1955 et années suivantes). Il semble que seule l'Union Soviétique dispose d'une codification successorale encore plus courte que la Chine. La section sur les successions dans le code civil soviétique de 1961 ne contient que 35 articles. A la vérité, il faut encore y ajouter entre autres les 17 articles sur la conservation de la succession de la loi sur le notariat de 1974. A titre de comparaison, je me permets de mentionner quelques autres chiffres. Le droit successoral est réglé dans le code civil actuellement en vigueur à Taiwan par 88 articles ; dans le code civil japonais par 162 articles ; dans le code civil suisse par environ 185 articles et dans le code civil de la République fédérale allemande par plus de 460 articles. Naturellement, ces chiffres n'ont qu'une valeur indicative, puisqu'il existe dans les cas cités en général d'autres actes législatifs ou même des dispositions dans le code civil lui-même qu'il faudrait prendre en considération. Quoi qu'il en soit, on peut constater de prime abord, que la loi sur les successions de la République populaire de Chine est assez courte, non seulement en comparaison des codifications similaires des pays de l'ouest, mais même en comparaison de celles de certains pays socialistes, parmi lesquels la Yougoslavie, dont les six républiques et les deux provinces autonomes disposent de lois successorales contenant en moyenne environ 230 articles ). La brièveté est la première des trois particularités soulevées ici de la loi chinoise sur les successions. Cette première particularité est certainement liée à la tradition législative chinoise, qui ne délivre pas un édifice préfabriqué d'institutions successorales comme point de départ ( 29 (29) B. T. BLAGOJEVIC, «Nasledno pravo u Jugoslaviji», Belgrad 1983, pp. 403-410. 72 LA PREMIÈRE LOI SUR LES SUCCESSIONS d'une législation moderne. En outre, elle est sans doute liée au caractère principalement agraire de la société chinoise contemporaine dont 80% environ de la population vit ä la campagne et dont 25% à peu près est analphabète ou demi-analphabète. Une telle société n'a pas besoin et ne pourrait pas digérer des lois aussi détaillées et raffinées qu'une société moderne de l'ouest. La troisième raison de la brièveté de la loi chinoise sur les successions est, et elle me semble être la raison principale, le système politique, économique et social de la République populaire de Chine. La République populaire de Chine se considère comme un état socialiste, dont le caractère distinctif est la collectivisation des moyens de production, avant tout de la terre, des usines, des entreprises etc. (30) Cette collectivisation a été terminée en Chine en 1956 ( 31 ) La conséquence en est pour le droit successoral chinois une limitation très considérable des biens qui peuvent être l'objet d'une succession ( 32 ). C'est pourquoi par exemple, il ne faut pas en Chine, comme en Suisse, régler la succession des immeubles, des exploitations agricoles et des industries accessoires. Beaucoup d'autres normes juridiques, indispensables en Suisse où la propriété individuelle a des dimensions virtuellement illimitées sont superflues en Chine. Il n'est pas extraordinaire en Chine d'être confronté avec des litiges successoraux déférés en justice concernant une commode, une table et des chaises, le tout pour une valeur d'environ 250 francs suisses. Ce cas est un des 129 cas rapportés par Wang Zhenshao et Dan Zhengping dans leur livre «Zenyang jicheng yichan» (Manuel concernant la dévolution), publié à Shanghai en mars 1985 ( 33 ). En général, le bien le plus précieux qui peut être transmis pour cause de mort est la maison en propriété individuelle. Une maison, en principe considérée en Chine comme «moyen d'existence», peut, comme tous les autres «moyens d'existence», être l'objet d'une propriété individuelle et donc d'une succession (34). (30) Gu ANGRAN, ibid. (31) Liu QIAN, Xiao Du, «Cong Lilun he Shijian shang Kan Zhiding Jichengfa de Biyaoxing», in : Renmin Ribao, Beijing, 7 avril 1985, p. 5. (32) Ren YAN, «Yi bu juyou Zhongguo Tese de Shehuizhuyi Jichengfa», in : Hongqi, Beijing, no 9/1985, p. 24; Frances FOSTER-SIMONS, op. cit., p. 58. (33) Wang ZHENSHAO, Dan ZHENGPING, op. cit., pp. 166-167. (34) Quanguo FuLIAN (éd.), «Baohu Funü Ertong Hefa Quanyi Jianghua», Beijing 1984, p. 51. EN RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE 73 Malgré toutes les réformes économiques récentes, la terre reste exclue de la succession, car elle demeure collectivisée. Il y a une seule exception : le droit d'usage du bien-fonds sur lequel est située la maison en propriété individuelle est transmis par succession avec la maison (35) Sans entrer dans plus de détails sur ce point, il y a une deuxième particularité de la nouvelle loi chinoise sur les successions. Cette particularité est son caractère de prévoyance sociale ( 36 ). La constitution chinoise en vigueur depuis 1982 stipule que les enfants majeurs sont obligés d'entretenir et d'aider leurs parents (art. 49 al. 3) et qu'il est interdit de les maltraiter. Cette disposition est concrétisée par la loi sur les successions. Elle prévoit la perte du droit de succession si les héritiers abandonnent ou — en cas de circonstances graves — maltraitent le de cujus. Un héritier qui était en mesure ou dans des circonstances lui permettent d'entretenir le de cujus, mais qui n'a pas exécuté son obligation doit s'attendre à ne se voir attribuer rien, ou à se voir attribuer seulement une portion réduite en cas de partage de la succession. Il faut préciser ici le concept chinois d'«héritier» : comme le droit soviétique, la loi chinoise sur les successions distingue deux ordres d'héritiers légaux. Les héritiers de premier ordre sont le conjoint, les enfants et les parents. Les frères et soeurs ainsi que les grans-parents sont des héritiers de deuxième ordre. Ils sont exclus de la succession tant qu'il existe des héritiers du premier ordre. Sont dénommés «héritiers» par la loi seulement des personnes appartenant à un des deux ordres. Les héritiers du même ordre succèdent par tête s'ils ne s'entendent pas autrement. Eu égard au caractère de prévoyance sociale de cette loi, il n'est pas surprenant qu'elle contienne un article spécial prescrivant que la bru qui est veuve ou le gendre qui est veuf sont traités comme des héritiers de premier ordre s'ils ont pris principalement en charge l'entretien de leurs beaux-parents. En outre, une portion équitable de l'héritage peut être attribuée à un non-héritier qui a donné un entretien considérable au défunt. La liberté de disposer, modelée sur l'exemple soviétique et permettant au testateur chinois de transmettre ses biens éventuellement même (35) Wang ZHENSHAO, Dan ZHENGPING, op. cit., pp. 161-162. (36) Gu ANGRAN, «Schutz individueller Erbrechte», in : Beijing Rundschau, Beijing, Nr. 24/1985, p. 28. 74 LA PREMIÈRE LOI SUR LES SUCCESSIONS à des non-héritiers est — en raison de l'esprit d'aide sociale qui imprègne la loi chinoise sur les successions — quand même restreinte dans un cas : s'il existe des héritiers dans l'incapacité de travailler et sans moyens de subsistence, le testament doit leur réserver en tout cas la portion héréditaire dont ils ont besoin. En outre, les héritiers vivant dans des circonstances particulièrement difficiles et incapables de travailler doivent être pris spécialement en considération en cas de partage de la succession. Finalement, une part équitable de la succession peut être attribuée à un non-héritier qui a été, dans son entretien, dépendant du de cujus, qui n'est pas capable de travailler et qui n'a pas de moyens de subsistance. Une disposition similaire se trouve dans le droit successoral de la République de Chine encore en vigueur à Taiwan (art. 1149 du code civil). A part cela, toutes les dispositions mentionnées, suivent dans les grandes lignes le modèle soviétique. Contrairement au droit successoral de l'Union Soviétique, mais tout de même avec des similarités avec le droit successoral de la Hongrie, comme des commentateurs chinois l'observent ( 37 ), la loi sur les successions de la République populaire de Chine contient une disposition concernant le pacte successoral. Il ne s'agit pas pourtant d'une disposition de caractère général, mais d'une disposition spécifique qui règle un pacte successoral appelé «convention sur un legs en échange de l'entretien». Il s'agit donc d'un pacte successoral qui porte sur un legs en contreprestation d'une rente viagère ( 38 ). Une telle convention peut être conclue avec une personne privée ou avec une entité collective qui est obligée de prendre à sa charge l'entretien du cocontractant ainsi que les frais funéraires. En revanche, elle recevra le legs du cocontractant. La «convention sur un legs en échange de l'entretien» s'était déjà développé en Chine dans la vie pratique avant la promulgation de la loi sur les successions où elle est pour la première fois reconnue dans un acte législatif ( 39 ). Il va de soi que cette convention contribue elle aussi (37) Liu NANZHENG, Zhang PEIUN, «Yizeng Fuyang Xieding Chutan», in : Faxue Yanjiu, Beijing, no 3/1985, p. 6. (38) Ulrich MANTHE, «Das Erbrechtsgesetz der Volksrepublik China», in : Osteuropa Recht, Stuttgart, septembre 1985, p. 202. (39) Liu NANZHONG, ibid. EN RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE 75 ä la réalisation de l'idée de l'aide sociale en Chine ( 40) — pays du tiers monde — dont le trésor public n'offre pas encore les moyens de financer un système général d'institutions de service social. Outre les deux traits caractéristiques de la brièveté et de l'esprit social de la nouvelle loi chinoise sur les successions, il y a un troisième signe distinctif de cette loi. Ce sont les traces de l'héritage historique qui marque cette loi de son empreinte à maints égards. Je me permets de souligner trois aspects. D'abord, il s'agit d'un aspect remarquable par exemple en comparaison avec les États-Unis, où le droit successoral est réglé par chaque État. Aux États-Unis, il n'existe donc pas pour ainsi dire, une législation successorale unifiée ( 41 ). En Chine, la situation est différente dans ce domaine. Depuis l'établissement de l'empire chinois en 221 avant Jésus-Christ, la Chine a toujours été — dans les périodes d'unification — un État unitaire, institution dans laquelle la République populaire de Chine persévère. C'est pourquoi les provinces chinoises ne disposent que de compétences législatives très limitées. Ainsi, la loi chinoise sur les successions fait-elle autorité pour toute la Chine continentale. Il est vrai, cependant, qu'elle contient un article en faveur des 55 minorités qui vivent en Chine, partiellement dans des zones minoritaires autonomes, par exemple comme Xinjiang. Les parlements de ces zones minoritaires peuvent, conformément aux circonstances concrètes du régime successoral de la minorité concernée, édicter des règles modifiant ou complétant la loi sur les successions. Un deuxième aspect de l'héritage historique de celle-ci est l'accentuation des droits successoraux de la femme ( 42 ), qu'elle soit la fille ou la veuve. Dans le droit successoral d'un pays européen, on ne trouvera certainement pas une disposition similaire à l'article 9 de la loi chinoise sur les successions. Cet article dit : «Le droit de succession est égal pour homme et femme». Une telle règle devait évidemment être inscrite dans la loi chinoise sur les successions, et cela bien que la constitution de la République (40) «Yi bu juyou Zhongguo Tese de ,Jichengfa', in : Guangming Ribao, Beijing, 14 avril 1986, p. 2. (41) FERID-FIRSCHING, «Inte rn ationales Erbrecht», München 1955 et années suivantes, USA, Einführung, p. 1. (42) «Equality in Inheritance Legalized», in : China Daily, Beijing, 19 avril 1985. 76 LA PREMIÈRE LOI SUR LES SUCCESSIONS populaire de Chine stipule déjà l'égalité des sexes (art. 33, al. 2, art. 48). La disposition citée donne à une fille, même si elle est mariée, le même droit de succession qu'à un fils. En Chine, cela ne va pas du tout de soi (43) La même disposition en relation avec l'article 26 de la loi, garantit à la femme mariée qu'en cas de mort de son époux, la moitié des biens réunis par le couple pendant la durée de l'union conjugale et définis par la loi sur le mariage comme propriété commune est, avant le partage de l'héritage, attribuée à la veuve. Celle-ci partage par la suite la deuxième moitié considérée comme l'héritage laissé par son mari avec les autres héritiers légaux de premier ordre. La femme chinoise est en outre protégée par l'article 30 de la loi chinoise sur les successions. Cet article dit : «Le conjoint survivant a le droit de disposer, au moment de son remariage, de sa part des biens hérités. Aucune intervention d'une tierce personne n'est permise». Cette disposition semble être sans pareil dans les législations successorales européennes. Le but principal de cette disposition est la protection de la veuve. En Chine traditionnelle, la veuve était tenue de rester fidèle à son mari décédé jusqu'à sa mort. Le remariage d'une veuve était condamné comme une infidélité conjugale. Sous l'influence de cette conception confucéenne de la veuve chaste, il arrive souvent, surtout dans des régions rurales, que l'on empêche une veuve qui se remarie d'emporter l'héritage de son mari défunt. Les articles cités de la loi chinoise sur les successions constituent une réaction contre les discriminations de la femme qui persistent malgré toute la propagande permanente faite en faveur de l'égalité des sexes. La ténacité de ce genre d'idées qui influencent la pensée et le comportement des chinois contemporains, ne peut être expliquée que par la longue tradition qui les a enracinées profondément dans l'âme chinoise. En République populaire de Chine, on en parle dans les termes suivants : «Les séquelles des idées féodales n'ont pas encore complètement disparus» ( 44 ). En fait, déjà le code civil de la République (43) Li p. 2. (44) Li p. 2. YoNGn, «Jichengfa Wenda», in : Gongren Ribao, Beijing, 25 avril 1985, YONGn, «Jichengfa' Wenda», in : Gongren Ribao, Beijing, 11 mai 1985, EN RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE 77 de Chine, promulgué en 1929 et 1930, proclamait dans son chapitre sur les successions l'égalité en matière successorale de l'époux et de l'épouse ( 45 ) . 55 ans plus tard, on peut lire dans une publication de Peking : «Certes, pour assurer une véritable égalité du droit à l'héritage entre homme et femme, il faut encore faire beaucoup de travail de propagande et d'éducation» ( 46 ) Un troisième aspect de la continuité historique s'exprimant dans la loi sur les successions de la République populaire de Chine est la continuité frappante avec la législation successorale de la République de Chine, en ce qui concerne le vocabulaire ainsi que la simplicité des constructions juridiques. Quinze d'une totalité d'environ 25 termes techniques de la loi sur les successions de la République populaire de Chine se trouvent aussi dans le chapitre sur les successions du code civil chinois promulgué en 1930. Par conséquent, on utilise aujourd'hui des termes identiques à Taiwan et en République populaire de Chine pour exprimer les notions suivantes : successions — droit de succession — de cujus — héritier — héritier de premier ordre — héritier de deuxième ordre — héritier substitué — héritage — partage de l'héritage — testateur — testament — testament olographe — testament notarié — legs — légataire. On peut constater une identité presque complète à Taiwan et en République populaire de Chine des termes désignant : — le testament écrit par un représentant et — le testament oral tandis que le terme «testament enregistré par bande magnétique» est évidemment une création de la République populaire de Chine, symbolisant peut-être l'aube de sa modernisation. Une autre création terminologique du législateur de la Chine continentale est la «convention sur un legs en échange de l'entretien» que j'ai déjà mentionnée. Dans la plupart des cas, l'identité de terminologie reflète une identité du substrat juridique, soit absolue, soit approximative. On peut même trouver des dispositions entièrement identiques dans le code civil en (45) Wang ZUTANG et al., «Minfa Jiaocheng», Beijing 1983, p. 428. (46) Gu ANGRAN, «La loi chinoise sur l'héritage », in : Beijing Information, Beijing, no 24/ 1985, p. 27. 78 LA PREMIÈRE LOI SUR LES SUCCESSIONS vigueur à Taiwan et la première loi sur les successions, de la République populaire de Chine. Dans les deux droits, les portions héréditaires du même ordre sont égales ; dans les deux droits, comme d'ailleurs aussi dans le droit successoral suisse, les enfants légitimes et illégitimes sont mis sur le pied d'égalité, la succession s'ouvre par la mort du de cujus, l'enfant conçu est capable de succéder s'il naît vivant, et l'enfant mort-né ne succède pas. Un autre aspect de la continuité entre les deux législations successorales de 1930 et de 1985 est leur simplicité si on les compare avec les droits successoraux du continent européen. Le droit successoral en vigueur à Taiwan ne connaît par exemple pas le pacte successoral, le pacte de renonciation à l'héritage, le testament commun, etc. En ce qui concerne la loi sur les successions de la République populaire de Chine, on y cherche en vain par exemple la distinction entre propriété et usufruit ou des termes comme «réserve», «quotité disponible», «libéralités», «substitutions vulgaires» et «fidéicommissaires», «action en réduction», «action en nullité», «rapports», «mesure de sûreté», «le bénéfice d'inventaire», «l'administration d'office de la succession», «la liquidation officielle», «l'indivision», etc. Par contre, des phénomènes inconnus en Europe occidentale apparaissent en République populaire de Chine, non dans la loi sur les successions, mais dans des collections de décisions sur des litiges successoraux, par exemple l'institution de la concubine légale typique de l'ancien droit chinois de la famille. Après la fondation de la République populaire de Chine, il a fallu résoudre en Chine continentale quelques cas où l'homme décédé laissait une épouse ainsi qu'une concubine légale. Le principe général était qu'on considérait l'épouse et la concubine comme égales ( 47 ). Quelques éléments de la nouvelle loi sur les successions de la République populaire de Chine sont en concordance avec des éléments correspondants du droit successoral suisse. Quelques convergences ont déjà été mentionnées, concernant l'enfant conçu, les enfants illégitimes et l'ouverture de la succession. Mais il y a encore d'autres parallèles. Ainsi par exemple le fait même que les enfants prédécédés sont représentés par leurs descendants ; que le testateur peut révoquer son testament en tout temps et désigner un (47) Wang ZHENSHAO, Dan ZHENGPING, op. Cit., pp. 16, 66. EN RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE 79 exécuteur testamentaire et que le dernier de plusieurs testaments contradictoires fait foi. En outre, il y a quelques similarités entre les droits successoraux suisse et chinois en ce qui concerne le testament public et oral, les causes d'incapacité des témoins testamentaires, les conditions de forme du testament olographe, la répudiation de la succession et la prescription de l'action en pétition d'hérédité. Naturellement, toutes ces similarités devraient être analysées encore plus profondément en vue des différences de détails. Comme il a été montré, il existe une certaine continuité entre la première loi chinoise sur les successions de 1985 et le chapitre sur les successions dans le code civil de la République de Chine de 1930 qui lui-même, comme c'est écrit dans l'«Introduction dans l'histoire du droit chinois», deuxième volume, Taiyuan 1982, prenait comme exemple l'Allemagne, le Japon et la Suisse ( 48 ) Avec la loi sur le mariage de 1950, révisée en 1980, la loi sur les contrats économiques de 1981, la loi sur les marques de fabrication de 1982, la loi sur les brevets d'inventions de 1984 et la loi sur les contrats économiques avec l'étranger de 1985, la loi sur les successions forme une partie d'une future législation intégrale du droit civil chinois ( 49 ). Les derniers résultats de son développement sont les «Règles générales de la République populaire de Chine concernant le droit civil» (50) Elles ont été approuvées le 12 avril 1986 par l'Assemblée nationale de la Chine et vont entrer en vigueur le ler janvier 1987. En développant l'esprit de l'art. 36 al. 1 et 2 de la loi sur les successions, ces «Règles» prescrivent dans l'art. 149, que la succession ab intestat portant sur des immeubles est soumise à la lex rei sitae, tandis que la succession ab intestat concernant des biens mobiliers est dominée par le droit du domicile du de cujus au moment de sa mort. Tout cela montre qu'on est les témoins de la période de formation du droit de la République populaire de Chine, c'est-à-dire de l'un des grands systèmes de droit contemporains du Monde. (48) Xiao YONGQING (éd.), op. cit., p. 299 ; Richard LAWFON THURSTON, «China's Civil Law Reform Movement 1912-1930», thèse de doctorat, Université de Virginia (USA), 1979, p. 26. (49) Gu ANGRAN, voir supra les notes 26 et 46. (50) Texte chinois in : Renmin Ribao, Beijing, 17 avril 1986, pp. 1-3. 80 LA PREMIÈRE LOI SUR LES SUCCESSIONS ANNEXE La loi sur les successions de la République populaire de Chine (Traduction française) ( 51 ) PREMIER CHAPITRE : DES RÈGLES GÉNÉRALES. Art. L Cette loi a été édictée selon la «constitution de la République populaire de Chine» (du 4 décembre 1982, art. 13 al. 2) et a pour but la protection du droit de succession des citoyens concernant leurs biens personnels. Art. 2. La succession commence par la mort du de cujus. Art. 3. Les biens de la succession sont le patrimoine légal individuel laissé par le citoyen à son décès et comprennent : 1) les revenus du citoyen ; 2) maison, épargne et articles d'usage courant du citoyen ; 3) arbres, bétail et animaux domestiques du citoyen ; 4) biens culturels (comme des antiquités) et livres du citoyen ; 5) moyens de production dont la propriété est permise au citoyen par la loi ; 6) droits patrimoniaux contenus dans un droit d'auteur ou un droit de brevet d'invention du citoyen ; 7) autres biens légaux du citoyen. Art. 4. La succession du revenu individuel provenant d'un mandat individuel est réglée selon les dispositions de la loi présente. Un mandat individuel dont la continuation par l'héritier est légal est exécuté selon le contrat du mandat. Art. 5. Lorsqu'une succession commence, elle est liquidée selon (les dispositions concernant) la succession légale ; s'il existe un testament, elle est liquidée (51) Traduction allemande par Frank Münzel in : «Chinas Recht», Hamburg, 10.4.85/1 ; traduction anglaise in : «Summary of World Broadcoast — Part III. The Far East», FE/7931/C/I (B), Reading, 22 avril 1985. EN RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE 81 selon le testament ou selon le legs ; s'il existe une convention sur un legs en échange de l'entretien (cf. art. 31), on procède selon cette convention. Art. 6. Concernant une personne sans capacité d'exercer, le droit de succession et le droit de recevoir un legs sont exercés par son représentant légal. Concernant une personne dont la capacité d'exercer est limitée, le droit de succession et le droit de recevoir un legs sont exercés par son représentant légal ou personnellement après avoir demandé et obtenu l'approbation du représentant légal. Art. 7. Un héritier qui a commis un des actes mentionnés ci-dessous perd son droit de succession : 1) homicide prémédité du de cujus ; 2) homicide d'un co-héritier pour obtenir des biens de la succession ; 3) abandon du de cujus ou — en cas de circonstances graves — mauvais traitement du de cujus ; 4) — en cas de circonstances graves — faux (intégral), falsification (partielle) ou destruction du testament. Art. 8. Le délai pour intenter un procès en cas de conflit concernant le droit de succession est de deux ans comptés à partir du jour où l'héritier sait ou doit savoir que son droit est violé. Néanmoins, plus de 20 ans après le commencement de la succession, un procès ne peut plus être intenté. DEUXIÈME CHAPITRE : DE LA SUCCESSION AB INTESTAT. Art. 9. Le droit de succession est égal pour homme et femme. Art. 10. Les biens de la succession du de cujus sont hérités dans l'ordre suivant : 1e` ordre : conjoint, enfants, parents ; 2e ordre : frères et soeurs, grand-parents de ligne paternelle et maternelle. Dans une procédure de succession, les héritiers de premier ordre héritent, les héritiers de deuxième ordre n'héritent pas. S'il n'existe pas d'héritier de premier ordre, les héritiers de deuxième ordre héritent. Lorsque cette loi parle des enfants, elle comprend les enfants légitimes, les enfants illégitimes, les enfants adoptés et les enfants d'un autre lit avec lesquels il existe des liens d'entretien. 82 LA PREMIÈRE LOI SUR LES SUCCESSIONS Lorsque cette loi parle des parents, elle comprend les parents naturels, les parents adoptifs et les beaux-parents avec lesquels il existe des liens d'entretien. Lorsque cette loi parle des frères et soeurs, elle comprend les frères et soeurs des mêmes parents, les demi-frères et demi-soeurs, les frères et soeurs adoptifs ainsi que les frères et soeurs de lits différents avec lesquels il existe des liens d'entretien. Art. 11. Les enfants prédécédés du de cujus sont représentés par leurs descendants de ligne directe qui en général ne peuvent hériter que la portion héréditaire du père ou de la mère prédécédée. Art. 12. La bru qui est veuve ou le gendre qui est veuf sont traités comme des héritiers de premier ordre s'ils ont exécuté leurs obligations principales d'entretien envers leurs beaux-parents. Art. 13. En général, les portions héréditaires des héritiers du même ordre doivent être égales. Lors d'un partage successoral, il faut tenir compte des héritiers vivant dans des circonstances particulièrement difficiles et n'étant pas capable de travailler. Lors d'un partage successoral, on peut attribuer une portion plus grande à l'héritier qui a exécuté ses obligations principales d'entretien envers le de cujus ou qui a fait ménage commun avec lui. Lors d'un partage successoral, il faut attribuer rien ou seulement une portion réduite à l'héritier qui était en mesure ou dans les circonstances d'entretenir (le de cujus), mais n'a pas exécuté son obligation. Des portions héréditaires inégales peuvent être attribuées par l'accord commun des héritiers. Art. 14. Une portion héréditaire équitable peut être attribuée à un non-héritier qui a été entretenu par le de cujus, n'est pas capable de travailler et n'a pas de moyens de subsistance ou à un non-héritier qui a donné un entretien considérable au de cujus. Art. 15. En réglant des problèmes liés à la succession, les héritiers doivent faire preuve d'esprit de compréhension, de compromis, d'harmonie et de solidarité. Le moment, la manière et les portions héréditaires sont négociées et déterminées par les héritiers. Si une entente ne peut pas être atteinte, on peut recourir EN RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE 83 à un comité populaire de médiation en vue d'une médiation ou intenter une action à un tribunal populaire. TROISIÈME CHAPITRE : DE LA SUCCESSION TESTAMENTAIRE ET DU LEGS. Art. 16. Le citoyen peut selon les provisions de cette loi disposer par testament de ses biens personnels et désigner un exécuteur testamentaire. Le citoyen peut par testament assigner ses biens personnels à un ou plusieurs des héritiers légaux. Le citoyen peut par testament attribuer ses biens personnels à l'État, à un collectif ou à des personnes qui ne sont pas des héritiers légaux. Art. 17. Le testament notarié est fait par-devant un office notaire. Le testament olographe est écrit, signé et clairement daté avec l'indication de l'an, du mois et du jour de la main du testateur. Le testament écrit par un représentant doit être fait en présence d'au moins deux témoins. Un des témoins écrit le testament indiquant l'an, le mois et le jour. Le testament est signé par la personne qui l'a écrit pour le testateur, par l'autre (les autres) témoin(s) et par le testateur. Le testament en forme d'enregistrement doit être fait en présence d'au moins deux témoins. En face d'un danger imminent, un testament oral peut être fait. Un testament oral doit être fait en présence d'au moins deux témoins. Lorsque le testateur a pu faire un testament olographe ou en forme d'enregistrement après la cessation du danger imminent, le testament oral n'est plus valable. Art. 18. Les personnes mentionnées ci-dessous ne peuvent pas être témoins testamentaires : 1) les personnes sans capacité ou avec une capacité restreinte d'exercer les droits civils ; 2) les héritiers et les légataires ; 3) les personnes qui ont des intérêts communs ou divergeants avec des héritiers ou des légataires. Art. 19. Le testament doit réserver aux héritiers sans capacité de travail et sans moyens de subsistance la portion héréditaire dont ils ont besoin. Art. 20. Le testateur peut annuler ou changer son propre testament. 84 LA PREMIÈRE LOI SUR LES SUCCESSIONS S'il existe plusieurs testaments contradictoires, le dernier testament (en date) fait foi. Le testament olographe, écrit par un représentant, en forme d'enregistrement et en forme orale ne peut pas annuler ou changer un testament notarié. Art. 21. Si la succession par testament ou le legs est grevée d'une obligation, l'héritier ou le légataire doit exécuter l'obligation. Si sans des raisons légitimes l'obligation n'est pas exécutée, le droit de recevoir les biens de la succession peut être annulé par un tribunal populaire sur demande de l'unité concernée ou de l'individu concerné. Art. 22. Le testament fait par une personne sans capacité d'exercer ou avec une capacité limitée d'exercer est nul. Le testament doit exprimer la vraie intention du testateur. Est nul un testament fait sous l'empire d'une menace ou d'une fraude. Est nul un testament contrefait. Est nulle la partie altérée du testament. CHAPITRE 4 : DE LA DÉVOLUTION. Art. 23. Après le commencement de la succession, l'héritier qui a connaissance de la mort du de cujus doit tout de suite informer les autres héritiers et l'exécuteur testamentaire. Si aucun héritier n'a connaissance de la mort du de cujus ou s'il ne peut pas en transmettre l'information, l'unité (de travail) où le de cujus se trouvait avant sa mort ou le comité de résidants ou le comité de village de son dernier domicile sont tenus d'en transmettre l'information. Art. 24. La personne qui détient des biens de la succession assume la responsabilité de les garder adéquatement, personne n'est autorisé à se les approprier ou à les réclamer. Art. 25. La répudiation de la succession doit être exprimée avant qu'on dispose des biens de la succession. Qui ne s'exprime pas, est considéré comme ayant accepté (la succession). Le légataire doit dans un délai de deux mois après en avoir été informé exprimer son acceptation ou sa répudiation. Si le délai expire sans une telle manifestation, il est considéré comme ayant répudié le legs. EN RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE 85 Art. 26. En cas de partage successoral, il faut attribuer d'abord au conjoint survivant la moitié des biens acquis par les époux pendant la durée de l'union conjugale et étant leur propriété commune pourvu qu'il n'existe pas un (autre) arrangement. Le reste constitue les biens de la succession du de cujus. Lorsque des biens de la succession font partie des propriétés communes familiales, il faut, avant le partage successoral, d'abord retirer les biens appartenant aux autres propriétaires. Art. 27. Dans un des cas mentionnés ci-dessous, la portion héréditaire concernée est traitée selon (les règles sur) la succession légale : 1) l'héritier testamentaire répudie la succession ou le légataire répudie le legs , 2) l'héritier testamentaire perd son droit de succession ; 3) l'héritier testamentaire ou le légataire prédécède ; 4) les biens de la succession concernés par des parties nulles du testament ; 5) les biens de la succession dont le de cujus n'a pas disposé dans son testament. Art. 28. Lors d'un partage successoral, il faut réserver la portion hériditaire de l'enfant conçu. Lorsque l'enfant est mort-né, on dispose de la portion réservée selon (les règles concernant) la succession ab intestat. Art. 29. Le partage successoral doit être au bénéfice de la production et servir les besoins de la vie, il ne doit pas nuire à l'usage des biens de la succession. Les biens de la succession dont le partage n'est pas approprié peuvent être convertis en argent et liquides par compensation équitable ou transformés en co-propriété etc. Art. 30. Le conjoint survivant a le droit de disposer, au moment de son remariage, de sa part des biens hérités. Aucune intervention d'une tierce personne n'est permise. Art. 31. Le citoyen peut conclure avec la personne qui l'entretient une convention sur un legs en échange de l'entretien. Selon la convention, la personne qui fournit l'entretien est obligée de prendre à sa charge la vie et la sépulture du citoyen et (en contrepartie) jouit du droit de recevoir le legs. 86 LA PREMIÈRE LOI SUR LES SUCCESSIONS Le citoyen peut conclure avec une organisation en propriété collective une convention sur un legs en échange de l'entretien. Selon la convention, l'organisation en propriété collective est obligée de prendre à sa charge la vie et la sépulture de ce citoyen et jouit du droit de recevoir le legs. Art. 32. Les biens de la succession que personne n'hérite ou reçoit comme legs reviennent à l'État. Si le défunt était membre d'une organisation en propriété collective, les biens de la succession sans héritiers reviennent à cette organisation. Art. 33. Les impôts et les dettes légalement dus par le de cujus doivent être acquittés au débit des biens de la succession dans la limite de leur valeur réelle. En ce qui concerne les dettes au-delà de la valeur réelle des biens de la succession, tout paiement volontaire des héritiers n'est pas restreint. L'héritier qui répudie la succession peut être délié de l'obligation de payer les impôts et les dettes légalement dus par le de cujus. Art. 34. L'exécution d'un legs ne doit pas empêcher le paiement des impôts et dettes légalement dus par le de cujus. CHAPITRE 5 : DES RÈGLES ADDITIONNELLES. Art. 35. L'assemblée populaire d'une zone nationale autonome peut, selon les principes de cette loi conformément aux circonstances concrètes (du régime de) la succession en matières patrimoniales d'usages dans cette minorité, édicter des dispositions modifiant ou complétant (cette loi). Les dispositions d'une région autonome doivent être rapportées au comité permanent de l'assemblée populaire nationale pour qu'il en prenne note. Les dispositions d'un département autonome ou d'un district autonome doivent être rapportées au comité permanent de l'assemblée populaire de la province ou de la région autonome (concernée) et entrent en vigueur après y avoir été approuvées. En outre, elles sont rapportées au comité permanent de l'assemblée populaire nationale pour qu'il en prenne note. Art. 36. Lorsqu'un citoyen chinois hérite des biens d'une succession situés à l'extérieur de la République populaire de Chine ou s'il hérite des biens d'une succession d'un étranger situés à l'intérieur de la République populaire de Chine, est applicable pour les biens meubles la loi du domicile du de cujus et pour les biens immeubles la loi du lieu des biens immeubles. EN RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE 87 Lorsqu'un étranger hérite des biens d'une succession situés à l'intérieur de la République populaire de Chine ou s'il hérite des biens d'une succession d'un citoyen chinois situés à l'extérieur de la République populaire de Chine, est applicable pour les biens meubles la loi du domicile du de cujus et pour les biens immeubles la loi du lieu des biens immeubles. S'il existe des traités et accords conclus entre la République populaire de Chine et un pays étranger, est applicable le traité ou l'accord. Art. 37. Cette loi entre en vigueur le 1 `r octobre 1985.