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Evaluation de la Réforme foncière à Madagascar :
Rapport final synthétique
Produit par J. Comby, J‐M. Durand, S. Jonckheere, H. Liversage, P. Mathieu, J. Mérat, D. Nourrissat, E. Raparison, R. Ramboarison, D. Savouré
Compilé par Andrianirina – Ratsialonana Rivo et Rémi Legendre1 PREAMBULE
Le présent document est une synthèse des différentes évaluations thématiques menées dans le cadre global de l’évaluation de la réforme foncière conduite en 2011, à la fois par les experts nationaux et internationaux mais aussi à travers les ateliers régionaux. L’objectif du document est de compiler et de condenser les différents éléments de diagnostic et de recommandations dans le but de faciliter la lecture et d’avoir une appréciation synthétique de l’évaluation. Le contenu est donc rédigé à partir des rapports suivants : Comby, J. « Evaluation de la réforme foncière » ‐ CSN « Evaluation juridique de la Réforme foncière à Madagascar » (Nourrissat, D., Savouré, D.) ‐ FIDA – FAO « Evaluation institutionnelle de la Réforme foncière à Madagascar » (Durand, J‐M., Mathieu, P., Liversage, H., Jonckheere, S.), Consortium BEST ‐ Land Ressources ‐ Idées « Contribution à l’évaluation sur les volets formation – communication, modernisation, informatisation » ‐ SAHA – Intercoopération Suisse « Evaluation de la gestion foncière décentralisée » (Raparison, E., Mérat, J.). Nous tenons à exprimer notre profonde gratitude aux institutions et experts qui ont contribué techniquement et financièrement à la conduite de cette évaluation. Par ailleurs, nous tenons à formuler nos vifs remerciements à tous ceux qui ont rendu possible, et qui ont contribué de près ou de loin à la réalisation de cette évaluation de la réforme foncière. Nous voudrions particulièrement adresser notre profonde gratitude pour les appuis techniques, institutionnels et financiers des institutions suivantes : le Fonds International pour le Développement Agricole, l’Agence Française de Développement, le Ministère de l’Agriculture de Madagascar et le Projet d’Appui pour le Développement du Menabe et du Melaky, le Service de Coopération et d’Action Culturelle de l’Ambassade de France, l’Intercoopération Suisse et le Programme SAHA, la Food and Agriculture Organization, ainsi que tous ceux qui ont bien voulu siéger et participer au Comité de Pilotage, les institutions et acteurs qui ont échangé leurs avis et points de vue sur la réforme foncière. 1
Respectivement Directeur de l’Observatoire du Foncier et Conseiller Technique du SCAC auprès du Secrétaire Général du MATD Page | 1 ACRONYMES
AD2M (Projet) d’Appui au Développement du Menabe et du Melaky FIDA Fonds International pour le Développement Agricole AFD Agence Française pour le Développement FNF Fonds National Foncier AGF Agent du Guichet Foncier GF Guichet Foncier. GFI : Guichet Foncier Informatisé ; GFP : Guichet foncier papier AMVR Aire de Mise en Valeur Rurale GLA Géomètres Libres Assermentés AP Aires Protégées IFPB Impôts Fonciers sur les Propriétés Bâties BIANCO Bureau Indépendant Anti – Corruption IFT Impôts Fonciers sur les Terrains BM Banque Mondiale INDDL Institut National de la Décentralisation et du Développement Local BV Lac (Projet de protection des) Bassins Versants du Lac Alaotra IPVI Impôts sur la Plus Value Immobilière BVPI Bassins versants et périmètres irrigués LPF Lettre de Politique Foncière C2D Contrat de Désendettement pour le Développement MATD Ministère de l’Aménagement du Territoire et de la Décentralisation CCPNF Cellule de Coordination du Programme National Foncier MCA Millennium Challenge Account CF Certificat Foncier MLM Madagascar Land Management CIRDOMA Circonscription Domaniale OF Observatoire du Foncier CIRTOPO Circonscription Topographique OPCI Organisme Public de Coopération Intercommunale CSJ Certificat de Situation Juridique PC Périmètres de Colonisation CR Commune Rurale PGDI Programme de Gouvernance et de Développement Institutionnel CRIF Centre de Ressource en Informations Foncières PLOF Plan Local d’Occupation Foncière CRL Commission de Reconnaissance Locale PNF Programme National Foncier CSN Conseil Supérieur du Notariat français PPNT Propriétés Privées Non Titrées CU Commune Urbaine PPRR Projet de Promotion des Revenus Ruraux DCEM Délégation de la Communauté Européenne à Madagascar PTF Partenaires Techniques et Financiers DDSF Direction des Domaines et des Services Fonciers RFT Réserve Foncière Touristique DE Droit d’Enregistrement RPI Ressources Propres Internes (fonds public du gouvernement Malagasy) DGSF Direction Générale des Services Fonciers SAHA Sehatr’Asa Hampandrosoana ny eny Ambanivohitra DM Droit de Mutation SCAC Service de Coopération et d’Action Culturelle DRGFD Direction de la Réforme et de la Gestion Foncière Décentralisée SF Services Fonciers DST Direction des Services Topographiques SIF Solidarité des Intervenants sur le Foncier ECD Emploi de Courte Durée SMB Secrétariat Multi – Bailleurs EDBM Economic Development Board of Madagascar TF Titre Foncier ENAM Ecole Nationale d’Administration de Madagascar ZAF Zone d’Aménagement Foncier FAO Food and Agriculture Organization ZIA Zone d’Investissement Agricole Page | 2 Lexique de quelques termes techniques
CRIF Centre de ressources et d’informations foncières. C’est un bureau disposant de matériels informatiques qui assure le service de numérisation des parcelles et l’impression des CF pour le compte des GF « papier » voisins. Le CRIF peut aussi être consulté pour le statut ou la localisation des parcelles dans le PLOF. Le CRIF est géré par une structure intercommunale et était supposé fonctionner sur cotisation des Communes à la fin du financement international. Guichet Foncier (communal) Dispositif ou bureau rattaché à la Commune compétent pour la gestion des propriétés privées non – titrées. Les activités quotidiennes du GF sont réalisées par des techniciens appelés agents du guichet foncier (1 ou 2 par Commune), formés spécialement pour le métier. Tous les documents du GF sont toutefois signés par le maire, particulièrement le certificat foncier. Le GF peut être informatisé (GFI) s’il est installé dans une Commune électrifiée. Il dispose d’un parc informatique (imprimante, photocopieuse, un ou deux ordinateurs dans lesquels sont installés un PLOF numérique), et fonctionne de manière autonome pour la délimitation et la sauvegarde des informations numériques sur les parcelles ainsi que l’impression des CF. Par contre, le GF est dit « papier » s’il ne dispose pas de source d’électrification et gère des documents papier, notamment le PLOF (v. aussi CRIF). Guichet Unique (Topo – Domaines) Bâtiment qui regroupe en un seul espace d’accueil les services des domaines et topographiques. Historiquement, ces deux services ont toujours fonctionné séparément. Dans certaines circonscriptions, les deux bâtiments peuvent être distants de plusieurs kilomètres. L’objectif du guichet unique est d’accueillir l’usager au niveau d’une seule réception (front – office) pour toutes les demandes d’opération foncière. C’est à partir de la nature de l’opération que le dossier est affecté à un circuit particulier (back – office). Dans certaines circonscriptions, le guichet unique comprend aussi le service de l’aménagement du territoire qui délivre les autorisations de transaction, et un représentant du centre fiscal pour l’enregistrement des actes de mutation foncière. MLM (Logiciel) Logiciel développé pour la gestion informatique des informations foncières au niveau des services domaniaux et topographiques. Il existe trois fonctionnalités du Logiciel : MLM « Topo », MLM « Titre » et MLM « cadastre ». Les informations contenues dans les archives « papier » (matrices cadastrales, livres et dossiers fonciers, plans topographiques) sont au préalable scannées ou saisies. Elles sont ensuite prévues d’être mises en relation grâce à un identifiant commun des informations foncières (titre foncier ou cadastre et plan) et un réseau Intranet qui va connecter les ordinateurs « Topo » et « domaines ». La fonction primaire du Logiciel consiste à assurer la sauvegarde numérique, une recherche rapide des dossiers, et une production automatique de CSJ (v. aussi PLOF). OPCI Organisme Public de Coopération Intercommunale. Type d’intercommunalité prévu par le décret 99 – 952. Le regroupement en OPCI vise à traiter des questions de gestion territoriale d’une problématique ou d’un projet de développement (infrastructures, aménagements hydro‐agricoles, gestion forestière,…). Les Communes membres sont obligatoirement des voisins immédiats (constituant le « périmètre de solidarité »), à l’opposé de l’association des Communes qui peut regrouper des Communes non ‐ limitrophes. PLOF Plan Local d’Occupation Foncière. Dans son sens large, le PLOF désigne tout support cartographique qui permet de renseigner sur la répartition spatiale des différents statuts des terrains, permettant de délimiter les territoires de compétence du GF et du SF. Plus particulièrement, c’est un Logiciel développé à partir de la superposition des informations foncières alphanumériques et cartographiques (plans, cadastres, titres fonciers, demandes de titre), numérisées et saisies au niveau des services topographiques et domaniaux, avec un fond d’image satellitaire ou aérienne de haute résolution (ou un plan de repérage topographique). Le PLOF est destiné dans sa conception pour les Guichets fonciers ou CRIF et informe sur l’ensemble des statuts des terres et leur répartition spatiale dans la Commune. Le PLOF dans sa version imprimée est appelée PLOF « papier », par opposition au PLOF numérique. Page | 3 RESUME EXECUTIF
Le système d’administration foncière Malagasy était inspiré et calqué sur le « système Torrens » appliqué par l’administration coloniale. L’Etat, par le principe de la domanialité, était présumé être propriétaire de tout le territoire. Il s’attribue en même temps le pouvoir de gérer l’espace domanial et de « créer » les droits privés fonciers par l’attribution d’un titre foncier. En l’absence de documents écrits, les occupations coutumières étaient à tout moment susceptibles d’être révoquées afin de faire place à ce qui était présenté comme le véritable droit moderne de propriété. Ce principe juridique de monopole de l’administration des domaines de l’Etat et de la propriété foncière privée se trouvait vite décalé par la paupérisation de l’Etat qui n’a plus les moyens de maintenir les ressources financières, humaines et logistiques pour faire face aux demandes de formalisation des droits émanant de centaines de milliers d’usagers. Les principaux constats de la réforme foncière
« Répondre à la demande en sécurisation foncière massive, dans des délais raisonnables et des coûts ajustés au contexte économique des ménages », tel a été le défi que le Gouvernement Malagasy s’est donné en engageant une nouvelle politique de réforme foncière en 2005. Après six années de mise en œuvre, la gestion foncière décentralisée a connu une montée en puissance entre 2006 et 2009 en termes de délivrance de documents de preuve de propriété à des coûts abordables et des délais moindres. Désormais, les habitants dans les quelques 400 communes Malagasy disposant de guichets fonciers peuvent obtenir un document qui atteste leur plein droit de propriété, le certificat foncier, pour environ 28.000 Ariary (14 USD) et en 6 mois. Ce qui représente un net progrès par rapport aux coûts et délais initiaux estimés pour le titre foncier qui étaient de 500 USD et 6 années. Qualitativement, la mise à disposition d’une institution de proximité a permis de développer la gouvernance locale en termes de participation citoyenne au développement local, d’accès aux informations et de processus transparent dans la reconnaissance des droits. Au niveau juridique, la réforme a le mérite d’avoir bâti de nouvelles fondations juridiques concernant les statuts des terres et de leur gestion. De grandes innovations ont été apportées notamment la suppression de la présomption de domanialité, l’instauration du principe de propriété privée non titrée ainsi que la décentralisation de sa gestion par les Communes. Il est par contre apparu que des lacunes sont à combler en matière de formation des acteurs territoriaux, de capacité d’appui – conseils et de contrôle administratif des actes délivrés par le guichet foncier. Concernant la modernisation des services fonciers, de grandes réalisations sont à rapporter concernant l’informatisation des données qui a touché 20 circonscriptions sur les 36 existantes. La finalité et la mise en cohérence nationale de l’ensemble de ces activités restent toutefois à réaffirmer en termes de vision à moyen et long terme, notamment sur le choix stratégique entre une dématérialisation intégrale ou une informatisation des données. Quoiqu’une multitude d’études et d’outils de conception ait été mise à a disposition de la réforme, la partie restructuration n’a pas encore véritablement démarré et connaît les mêmes lacunes en termes de vision politique du Ministère. Les chantiers de conception telle que le fonds national foncier ou l’externalisation des fonctions topographiques ne sont pas encore allées loin dans leur application effective. La mise en place des guichets uniques a Au bout, les activités réalisées ont encore peu impacté sur l’amélioration des services publics rendus par les services fonciers que sur leur capacité d’appui aux collectivités. Globalement, il a été constaté une mise en œuvre de la réforme à deux vitesses, en faveur de la gestion foncière décentralisée, tant au niveau institutionnel qu’au niveau technique quoique les deux composantes ont relativement bénéficié des mêmes investissements financiers. De plus, la crise Page | 4 politique a fortement ralenti l’ensemble du processus qui n’a pas pu atteindre une véritable maturation et appropriation par les institutions et acteurs concernés. Les défis
Au stade de l’avancement actuel, il serait peut être encore hâtif de parler d’irréversibilité des tendances, et il est hautement important de continuer les efforts et investissements dans le sens de consolider et de valoriser les premiers acquis pour servir de fondation à une réforme plus ancrée et efficace. Aussi, il est primordial pour le gouvernement de confirmer la volonté et réaffirmer les options politiques nécessaires à la poursuite du processus de réforme. Ce processus devrait en effet répondre à des attentes de fond dans plusieurs domaines et ses outils devraient être valorisés à d’autres fins (gouvernance institutionnelle, aménagement et développement rural & urbain, agricole, décentralisation, fiscalité foncière, etc.). Sans une stratégie claire de restructuration institutionnelle des fonctions et de l’organisation des services fonciers, et de choix technique entre dématérialisation et informatisation des documents fonciers, ainsi qu’en absence d’intégration du Guichet Foncier dans un processus général de décentralisation et de renforcement de la gouvernance locale, la continuité et la pérennisation des dispositifs de la réforme sont exposés à des grands risques de perte des investissements initiaux. Particulièrement pour la gestion foncière décentralisée, le rôle du guichet foncier et du maire devrait être élargi aux questions de la gestion des transactions et de leur enregistrement, ainsi que sur les aspects d’aménagement et de gestion territoriale de la Commune. La réforme étant inscrite dans un processus dynamique de mise en œuvre, d’observations et de réajustement, l’évaluation a ressorti que plusieurs chantiers de réflexions et de conception juridique sont encore à engager pour renforcer la sécurisation foncière à la base (revue de la Loi sur la propriété privée titrée, régularisation des vieux statuts, gestion des petits papiers, métayages, pâturage, droits secondaires, enregistrement des mutations, etc.) et la mise en cohérence des politiques nationales. Le rôle de la société civile en tant que balise, contre – pouvoir, et d’appui à la réalisation est primordial pour la conception de ces textes. Le pilotage et la construction institutionnelle autour de la mise en œuvre de la réforme foncière nécessitent aussi des réflexions et des structurations de fond, notamment concernant les différentes articulations : déconcentrée et décentralisée, interministérielle et intersectorielle, et entre l’administration foncière et la Cellule de Coordination du Programme Foncier. La pérennisation financière des institutions et des investissements constitue aussi des enjeux à traiter en priorité, non seulement au retrait des bailleurs de fonds mais dans les modalités même de financement. Les conceptions sur la fiscalité locale et le fonds national foncier devront être abordées au plus vite au début de l’acte 2. Enfin, les enseignements tirés de l’évaluation vont dans le sens d’instaurer une réelle appropriation au niveau des institutions cibles pour la suite de la mise en œuvre de la réforme. Ceci suppose une cohérence de vision entre les partenaires techniques et financiers et les bénéficiaires, ainsi que l’implication, la consultation et la concertation avec ces derniers dans les prises de décision stratégiques et opérationnelles. Les recommandations
Les principales recommandations concernent les aspects politiques, juridiques, institutionnels, et techniques. Pour le niveau politique, il est essentiel pour Madagascar de travailler sur un cadrage unique des visions nationales pour la gestion foncière et territoriale à travers la production d’un document de politique foncière unique qui aborderait les questions de la gestion des acquisitions foncières à grande échelle, la gestion des terrains de l’Etat, la modernisation des services fonciers, la décentralisation de la gestion foncière, la gestion des droits fonciers secondaires et l’accès pour les sans – terre. Par ailleurs, il est important d’articuler la politique foncière avec les autres politiques sectorielles notamment agricole, forestière, minière, aménagement du territoire et de la décentralisation. De manière opérationnelle, les activités dans le cadre de la sécurisation Page | 5 foncière devraient être étroitement associées à la gouvernance institutionnelle, que ce soit au niveau des services administratifs de l’Etat qu’au niveau des Communes. Au niveau juridique, il est nécessaire de mettre en cohérence et de compiler les différents textes réglementaires qui sont actuellement éparpillés sous différentes formes (ordonnance, Lois, décrets, circulaires, notes). Il est recommandé donc de produire un Code foncier Malagasy qui fédérerait le contenu de ces textes. Des chantiers sont aussi nécessaires pour affiner ou ré‐
questionner les textes existants et légiférer certaines conceptions et pratiques locales. Ces chantiers aborderont la réaffirmation des contours juridiques du certificat foncier et du titre foncier (attaquabilité, réversibilité), la légalisation du métayage, la prescription des recours pour les occupations au‐delà d’une certaine durée sans contestation, la régularisation des statuts obsolètes et des terrains titrés au nom des colons. Une grande réflexion porte aussi sur la réforme du système de conservation des TF qui est largement tributaire des archives papier, donc vulnérables à la détérioration. Au niveau institutionnel, il faudrait revoir la réattribution et la clarification des rôles des institutions maîtres d’œuvre de la réforme : la CCPNF et l’administration. Le maintien de la CCPNF est primordial en termes de pilotage et d’appui institutionnel, toutefois il faudrait remettre à jour ses attributions compte tenu de la nécessaire articulation du foncier avec les autres thématiques, son organigramme et son statut pour lui permettre un fonctionnement souple et pérenne. La définition et la portée de la notion de réforme serait aussi à ré‐questionner au niveau de l’administration foncière étatique. Le portage institutionnel d’un Programme National Foncier (ministériel, interministériel, primature) serait aussi à remettre en débat vu le caractère transversal et intersectoriel du foncier. Les modalités de collaboration avec les partenaires techniques et financiers sont aussi à rediscuter à travers la remise à neuf de la Charte de partenariat et du Comité d’orientation et de Suivi. Le rôle, le statut et le rattachement de l’Observatoire du Foncier, rendu autonome en 2010, sont à affiner pour que ses produits soient intégrés institutionnellement par le maître d’ouvrage de la réforme. Pour la modernisation, la conduite d’un audit institutionnel ou organisationnel concernant la restructuration des fonctions en cohérence avec l’informatisation avec le logiciel MLM – les guichets uniques – et les fonctions d’appui aux collectivités, est importante avant de construire les activités et les financements. Des débats et innovations seraient aussi à apporter du côté des procédures et législations portant sur l’enregistrement et les mutations des titres fonciers, considérées comme blocage à l’actualisation. Page | 6 Lexique de quelques termes techniques .............................................................................................. 3 RESUME EXECUTIF ................................................................................................................................. 4 Section A : Pourquoi une évaluation de la Réforme Foncière Malagasy ? ......................................... 10 I. Le moule colonial du système foncier à Madagascar .............................................................. 10 II. Asphyxie du système et nécessité d’une réforme ................................................................... 10 III. Principes et contenu de la réforme foncière ........................................................................ 11 IV. Une évaluation pour préparer l’Acte 2 .................................................................................. 11 Section B : les principaux éléments de diagnostic .............................................................................. 12 I. La modernisation et la restructuration des services fonciers ................................................. 12 1. Etat des lieux de l’administration foncière avant la réforme .............................................. 12 2. Les orientations et composantes de la modernisation ....................................................... 12 3. Résultats et principaux constats .......................................................................................... 13 a. Une multitude d’études réalisées et d’outils conçus ............................................................. 13 b. Un appui conséquent à la base de plusieurs réalisations ...................................................... 13 c. Une restructuration institutionnelle qui n’est pas effective .................................................. 17 d. Peu d’impacts observés en termes de délais .......................................................................... 18 e. La politique de l’administration à long terme peu visible ...................................................... 18 f. Une faible appropriation par les fonctionnaires .................................................................... 19 g. Le fondement d’une sécurisation tributaire des archives ..................................................... 20 II. La décentralisation de la gestion foncière ............................................................................... 21 1. Principes et contenus ............................................................................................................ 21 2. Les principales constatations ............................................................................................... 22 a. Une innovation juridique et institutionnelle .......................................................................... 22 b. Une montée en puissance des dispositifs ............................................................................... 22 c. Un document de sécurisation à des coûts et délais réduits .................................................. 24 d. Faiblesse des mutations sur le CF .......................................................................................... 24 e. Des dispositifs soumis à des contraintes techniques et institutionnelles .............................. 25 f. Des réflexions nécessaires autour de la gestion du PLOF ...................................................... 25 g. La viabilisation et la pérennisation incertaines des dispositifs ............................................. 26 III. Evaluation institutionnelle de la réforme foncière ............................................................. 28 1. Niveau central ....................................................................................................................... 28 a. Un pilotage institutionnel bicéphale ..................................................................................... 28 b. Un pilotage tributaire du financement international ........................................................... 29 c. Insertion difficile de la réforme au niveau de l’administration ............................................. 29 2. Déconcentration et décentralisation .................................................................................. 29 a. La gouvernance locale renforcée .......................................................................................... 29 b. Complémentarité et non‐concurrence des deux filières ....................................................... 30 c. Les acteurs déconcentrés moins impliqués ............................................................................ 31 IV. Volet juridique – législations foncières ................................................................................ 32 1. De grandes réalisations en matière de production de textes ............................................. 32 2. Points de discussion .............................................................................................................. 32 a. Une compilation nécessaire.................................................................................................... 32 b. Réinterroger les sécurisations et les relations entre CF – TF .................................................. 32 Page | 7 c. Des types de droits à tenir en compte ................................................................................... 33 d. Une appropriation sociale faible des textes et insuffisance de la vulgarisation ................... 34 e. Le droit positif est à rapprocher des pratiques locales ......................................................... 34 f. La taxation des mutations anti ‐ économiques ..................................................................... 34 V. Volet Formation ........................................................................................................................ 35 1. Principes et contenus ........................................................................................................... 35 2. Les principaux constats ........................................................................................................ 35 a. Le plan national de formation : le grand absent ................................................................... 35 b. Des outils ponctuels développés ........................................................................................... 35 c. Modes opératoires diversifiés ............................................................................................... 35 d. Une couverture large des cibles ............................................................................................ 35 e. La pérennité et le transfert des savoirs en question ............................................................. 36 Section C : Les Recommandations ....................................................................................................... 37 I. Consolider la politique foncière Malagasy et mettre en synergie avec les politiques sectorielles ......................................................................................................................................... 37 II. Structurer le pilotage institutionnel de la réforme foncière .................................................. 38 III. Redéfinir les modalités d’appui à la réforme ...................................................................... 38 IV. Actualiser les missions des services fonciers ...................................................................... 39 V. Poursuivre et améliorer la décentralisation de la gestion foncière ....................................... 39 VI. Revoir l’enregistrement des actes, la mutation et la fiscalité foncière ............................. 40 VII. Assainir et engager de nouveaux chantiers juridiques ........................................................ 41 Page | 8 Historique de la réforme (les grandes dates) 2004 Novembre et décembre : réunions de l’UTP (Unité Technique de Préparation) 2005 Février : atelier de Politique Foncière conduit par le Premier – Ministre. Mai : validation de la Lettre de Politique Foncière Juin : Sortie du Décret officiel de création d’une Cellule de Coordination du Programme National Foncier, rattachée au MAEP (Ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche), La Commune d’Amparafaravola devient pilote pour la mise en œuvre d’une opération de sécurisation foncière dans le cadre du projet BV Lac. La Commune inaugurera le premier guichet foncier en juillet et délivrera le premier certificat foncier en février 2006. Octobre : Adoption de la Loi cadre 2005 – 019 PGDI lance le standard de service et le concept de Guichet Unique pour les Services Fonciers Lancement du Projet MCA pour financer la réforme foncière à hauteur de 38 millions USD. Conduite de l’opération pilote GF 19 pour expérimenter la phase de démarrage de la Gestion Foncière décentralisée. Novembre : sortie de la loi 2006 – 031 sur la gestion de la Propriété Privée non – titrée Février : Création de l’Observatoire du Foncier, rattaché à la CCPNF Février : Première réunion du Comité d’Orientation et de Suivi Signature de la Charte de partenariat Passage du Programme National Foncier du MAEP vers le MRFDAT (Ministère de la Réforme Foncière, de la Décentralisation et de l’Aménagement du Territoire), un Ministère nouvellement créé. La DARF (Direction d’Appui à la Réforme Foncière) est créée au sein au sein du MRFDAT Sortie de la Loi sur le Domaine Public (2008 – 013) et le Domaine Privé (2008 – 014) 2009 Mars : Un gouvernement de transition est créé, le MRFDAT devient le MATD (Ministère de l’Aménagement du Territoire et de la Décentralisation). La DARF devient DRGFD, Direction de la Réforme et de la Gestion Foncière Décentralisée. Juillet : suite à la crise politique, le Millennium Challenge Account décide de suspendre les financements. Cette suspension sera suivie par l’Union Européenne. Le Programme National Foncier se trouve privé d’une grande partie de son financement global. Le financement de l’AFD/C2D d’un montant de 1 million d’Euros appuie la CCPNF et l’OF. 2010 La Direction des Domaines, rattachée à l’Aménagement du territoire auparavant, devient une Direction Générale. La topographie, jusque là un service au sein de la DDSF, devient une direction. Juillet : un décret ministériel autonomise l’Observatoire du Foncier Décembre : redynamisation du COS par un atelier à Morondava Evaluation de la réforme foncière Décembre : fin des conventions de financement du FIDA/AD2M et C2D pour la CCPNF et l’OF 2006 2007 2008 2011 Page | 9 Section A : Pourquoi une évaluation de la Réforme Foncière
Malagasy ?
I. Le moule colonial du système foncier à Madagascar
Au lendemain de la déclaration de la colonisation, l’administration coloniale française a instauré un système foncier inspiré de celui instauré par la colonie britannique en Australie (Torrens Act du 2 juillet 1858) a pris le nom de « système Torrens » construit sur les points : •
Par le principe de domanialité, le territoire est déclaré propriété de l’Administration coloniale, qui attribue les droits individuels aux colons qui arrivent à mettre en valeur (mise en culture, construction) ; •
Une fois vérifiée la mise en valeur effective du terrain, l’attributaire devient propriétaire en recevant de l’Administration un titre foncier ; •
Toute transmission de la propriété (vente ou héritage, etc.) se réalise par enregistrement du transfert du titre auprès de l’Administration qui en garantit la validité. Constatant que les formes de tenures coutumières étaient déjà importantes, l’administration coloniale ne pouvait pas nier tout droit préexistant sur le sol. La solution fut alors de considérer qu’en l’absence de documents écrits, il ne pouvait s’agir que d’occupations coutumières susceptibles d’être révoquées afin de faire place à ce qui était présenté comme le véritable droit moderne de propriété. En instaurant les « périmètres de colonisation » et les « concessions », l’administration visait à « apurer » la situation juridique d’un espace plus ou moins vaste en s’attribuant à elle‐même un titre foncier qui serait par la suite subdivisé et attribué à différents titulaires. Les formes d’occupation coutumières, sans être révoquées, étaient rassemblées dans des espaces délimités par l’administration elle – même, les « réserves indigènes », qui étaient paradoxalement quelquefois titrés au nom de l’Etat. Par ailleurs, en possession des moyens humains et financiers pour inventorier son patrimoine foncier, l’administration coloniale à établi les opérations cadastrales pour délimiter et enregistrer les terrains porteurs de potentiels agricoles ou économiques. II. Asphyxie du système et nécessité d’une réforme
Au lendemain de la déclaration d’indépendance en 1960, l’Etat Malagasy a conservé ce système foncier qui a vite fait face à un décalage des réalités. Le système qui jusque là était conçu pour sécuriser un petit nombre de parcelles de grande superficie pour les entreprises coloniales, et qui peut donc se contenter d’un effectif limité d’agents, se trouvait confronté à une demande massive de la part de simples citoyens Malagasy. Il est devenu difficile pour l’administration de gérer son vaste domaine et de garantir la sécurisation des droits privés, alors que dans le même temps, ses moyens financiers, humains, que matériels se réduisaient. On parlait alors de double crise domaniale et foncière. Cette paralysie du service public se traduit par un long délai pour le traitement des demandes, ainsi que pour la délivrance des documents fonciers. Par ailleurs, face aux procédures complexes et onéreuses, peu d’usagers accordent de l’intérêt ou arrivent au bout de l’enregistrement des actes de mutation, creusant davantage l’écart entre la « propriété de papier » fondée sur d’anciens titres et la « propriété de terrain » fondée sur l’occupation paisible et continue. La complexité et le délai prolongé des procédures sont autant de raisons pour favoriser la pratique de la corruption par des agents des services. Les usagers, surtout ruraux, ont eu recours à des formes plus simples de reconnaissance de la propriété : les « petits papiers », actes de transaction sous seing privé, visés, légalisés ou pas par les autorités locales. Face à ces constats, le gouvernement Malagasy a décidé en 2005 d’adopter une nouvelle politique de réforme foncière qui doit faire face à plusieurs défis dont principalement : Page | 10 -
Le défi de concilier un système de droit foncier positif conçu pour rendre l’Etat seul maître de l’attribution des droits, et les pratiques locales par les populations qui obéissait déjà de facto à une série de règles informelles d’appropriation du territoire, -
Le défi de mettre à disposition un service public accessible financièrement face aux revendications démocratiques à la protection des droits sur le sol du plus grand nombre, dans un pays où les revenus sont particulièrement bas. III. Principes et contenu de la réforme foncière
La réforme foncière Malagasy visait donc à créer de nouvelles conditions pour fournir aux demandeurs de sécurisation foncière formelle une qualité de service améliorée, de proximité et à des délais moindres. Aussi, l’objectif annoncé de cette réforme de « répondre à la demande massive en sécurisation foncière, dans des délais raisonnables et à des coûts ajustés », était basé principalement sur deux principes : (i) l’amélioration des capacités d’accueil, de traitement et d’archivage des dossiers au niveau des services fonciers, et (ii) la démultiplication des institutions en charge de la gestion foncière par la décentralisation de certaines compétences au niveau des Communes. Cet objectif était décliné en quatre axes stratégiques dont (1) la modernisation et restructuration des services fonciers, (2) la décentralisation de la gestion foncière, (3) la rénovation de la législation foncière, et (4) la conception et la mise en œuvre d’un plan national de formation et de communication. IV. Une évaluation pour préparer l’Acte 2
La planification de la mise en œuvre de la réforme a prévu une première phase dite de démarrage orientée vers la conception et l’expérimentation des outils juridiques et techniques. La durée de cette phase étant prévue pour deux années, une évaluation aurait dû avoir lieu en 2008 avant de passer à la phase d’extension. Toutefois, l’enclenchement immédiat et accéléré de la phase d’extension n’a pas permis de démarquer la frontière entre les deux phases. De manière pratique, il convient de considérer les six premières années de la réforme comme une seule phase appelée Acte 1. L’évaluation a pour objectif de faire le point sur l’Acte 1 : les réalisations, les facteurs de succès et d’échecs, les enseignements tirés et les recommandations utiles pour la formulation des orientations de l’Acte 2 de la réforme. Vu le large champ couvert par l’évaluation, les grandes thématiques ont été regroupées et ont fait l’objet d’évaluation spécifique par des experts. On a ainsi catégorisé cinq thématiques : juridique, institutionnelle, modernisation, GFD et gouvernance communale, et sociale. Phases et intervention
Première réunion du CP Chef de mission (J. Comby) Conseil Supérieur du Notariat Consortium BEST – Land Ressources – IDEES FIDA – FAO SAHA – Intercoopération Suisse Ateliers régionaux Deuxième réunion du CP Troisième réunion du CP Thématique
Lancement officiel de l’évaluation Evaluation institutionnelle Evaluation juridique Modernisation des services fonciers – Informatisation des SF et GF – Formation Evaluation institutionnelle GFD et gouvernance locale Evaluation sociale et institutionnelle Restitution et discussion des diagnostics Restitution et discussion des premiers éléments de recommandation Forum national Consultation sur les orientations Acte 2 Fig. 1 : les différentes phases de l’évaluation de la réforme foncière Période (2011)
16 février Février – septembre 21 au 25 mars Mars – juin 03 – 13 mai Mai – juillet 10 au 17 juin 22 juin 06 juillet Troisième trimestre Page | 11 Section B : les principaux éléments de diagnostic
I. La modernisation et la restructuration des services fonciers
1. Etat des lieux de l’administration foncière avant la réforme
La Lettre de politique foncière de 2005 donne un aperçu général de l’administration foncière avant l’engagement de la réforme. Sa faible capacité à délivrer des titres fonciers est illustrée par quelques chiffres révélateurs : 400 à 500.000 demandes restées en souffrance, 330.000 TF établis depuis un siècle, 1.000 à 1.500 titres par an. La superficie des propriétés titrées est estimée entre 7 à 10 % du territoire. Par ailleurs, une étude conduite pas le cabinet ECR en 2006 avance que les coûts moyens de l’immatriculation se situent autour de 500 USD et le délai moyen de six années. L’état d’actualisation ou de décalage des occupations réelles sur terrain et les inscriptions dans les livres n’est pas connu de manière exact. Les opérations cadastrales, tentatives de sécurisation groupée, non seulement coûtent cher à l’Etat (70 USD/ ha), mais aucune n’a jamais été menée jusqu’au bout, laissant les possesseurs dans un état flou de sécurisation. Faute de capacité d’entretien, les bâtiments et les conditions d’archivage (mobiliers) sont dans des états qui ne garantissent plus la conservation des documents fonciers. D’ailleurs, on estime entre 11 à 12 % le taux de plans et livres fonciers perdus ou détériorés. L’éloignement physique entre les bâtiments des services domaniaux et topographiques occasionnent le va‐et–vient des usagers. La concentration des agents topographes et géomètres au niveau des circonscriptions étatiques, en concurrence tarifaire très avantageuse par rapport aux privés, constitue un facteur d’engorgement des services et n’assure pas une offre de service compétitive face aux demandes de repérage, d’établissement de plans et de bornage. 2. Les orientations et composantes de la modernisation
Le terme « modernisation » désigne l’ensemble des approches menées au niveau des services fonciers contribuant aux objectifs de : i. améliorer les services publics rendus au niveau des usagers surtout en termes de délais de traitement et de la délivrance des documents fonciers, ii. accompagner les services dans leurs nouvelles fonctions liées à l’informatisation et à l’appui aux collectivités, notamment pour la mise à disposition des PLOF et l’appui – conseil aux GF. iii. traiter les dossiers en cours en les purgeant juridiquement (actualisation des propriétés privées titrées, demandes en instance, restauration ou reconstitution des documents) ou en les transférant aux Communes. Cette composante de la réforme comprend deux grands volets : -
l’informatisation des documents fonciers consiste à les inventorier et les numériser afin de faciliter leur archivage et leur traitement. Les informations contenues dans les documents écrits (livres et dossiers fonciers, matrice cadastrale) sont saisies tandis que les plans topographiques (repérage et individuel) sont scannés, géoréférenciés et calés sur des orthophotos aériennes ou satellitaires. Les informations numériques sont gérées par un Logiciel appelé MLM2. La restauration des documents détériorés et la reconstitution des données manquantes figurent aussi dans les plans d’informatisation. 2
MLM ou Madagascar Land Management composé du MLM Domaines (Titre et Cadastre) et MLM Topo. Les MLM Domaines et MLM Topo sont censés fonctionner en complémentarité grâce à une connexion réseau local Intranet. Page | 12 -
la restructuration des fonctions domaniales et topographiques désigne l’ensemble des stratégies juridiques, institutionnelles, techniques visant à améliorer la gestion des ressources humaines et l’efficacité de l’administration foncière étatique. Cette composante comprend la création des Guichets Uniques Topo – Domaines et l’externalisation des fonctions topographiques (création de l’ordre des géomètres libres assermentés). Des actions de rénovation ou construction des bâtiments, et de dotation en matériels roulants ou de bureau accompagnent aussi les stratégies de modernisation. Par ailleurs, pour assurer la pérennisation financière des investissements et des activités engagées, la conception d’un Fonds National Foncier (FNF) autonome par rapport au budget général de l’Etat figure parmi les grandes activités de la modernisation. 3. Résultats et principaux constats
a. Une multitude d’études réalisées et d’outils conçus La conception des actions et activités à mener dans le cadre de la modernisation a bénéficié de plusieurs études et outils de planification. Parmi les principales études et conceptions réalisées, il est à citer (par ordre chronologique) : Avant la réforme : 1. Système de cadastre numérique de Madagascar (Programme Environnemental, DDSF – IGN, Cap Gemini. 1999) 2. Etude pour la promotion de cabinets de géomètres libres assermentés à Madagascar (MINATV, DGDSF – ADAPT. Mai 2000). Pendant la réforme : 1. Stratégie de modernisation des conservations foncières et topographiques (SCAC – ATW, Ingenyosa, Mada Geomatic. Février 2005) 2. L’inventaire et classement des archives foncières (MCA – CITE. 2006) 3. Modernisation des Services fonciers régionaux dans les deux zones MCA et Antananarivo (MCA – SOFRECO. Juin 2006) 4. Les données de référence sur les coûts et temps moyens requis pour l’exécution des procédures foncières (MCA – ECR. Juillet 2006) 5. Etude de faisabilité de la contractualisation des opérations de modernisation des Services Fonciers Régionaux de la Côte Est (DCEM – Eurata. 2006) 6. Standard de service des services fonciers (PGDI – Hermès. 2006) 7. Schéma directeur de la modernisation et de restructuration des Services Fonciers (CCPNF – 2007), 8. Conception d’un Guichet unique des services fonciers (PGDI – 2007) 9. Eléments pour le plan d’actualisation des propriétés titrées (SCAC/ PNF – Rochegude, A. et Raharison, H. 2007) 10. Etudes pour la conception d’un Fonds National Foncier (MCA – FTHM. 2007) 11. Conception du plan d’externalisation du service topographique et des cadastres, et étude de l’état des lieux des établissements de formation (MCA – FTHM) b. Un appui conséquent à la base de plusieurs réalisations Environ 21 Millions USD ont été investis dans la modernisation des services fonciers, grâce essentiellement à l’appui des partenaires financiers (PGDI, MCA, DCEM) et la contribution de l’Etat sur ressources propres (estimé à 950.000 USD, représentant environ 5 % en termes de coûts d’investissement). Les réalisations jusqu’en décembre 2010 font état de : • Démultiplication du nombre des circonscriptions foncières, passées de 29 à 36 entre 2007 et 2010, Page | 13 • Adoption de la Loi n° 2011 – 005 du 01 août 2011, portant création de l’Ordre des Géomètres experts. Par ailleurs, en 2010, 25 nouveaux géomètres nouvellement assermentés sont venus renforcer le nombre des 22 géomètres existant. • 20 SF ont été concernés par la numérisation totale ou partielle des documents fonciers, • 20 SF ont pu mettre en commun les bâtiments des circonscriptions topographique et domanial pour constituer un Guichet Unique, • 20 SF ont bénéficié de la rénovation ou de nouvelles constructions de bâtiments, • 14 SF ont bénéficié de la dotation de matériels roulants, et 20 SF de matériels de bureau et informatiques. • 116.000 km2 d’images satellitaires ou aériennes de haute résolution ont prises3. 3
103.777 km2 dans le cadre du MCA, 7703 km2 par le DCEM, 2988 km2 par le PE 3, 1421 km2 par le BVPI/AFD Page | 14 Fig.2 : situation des activités de modernisation des SF au premier semestre 2011 (Sources : DGSF, CCPNF, OF, PTF) Fig.3 : répartition des sources de financement de la modernisation (Sources : DGSF, CCPNF, OF, PTF) Page | 15 Activités Réalisations Circonscriptions ou services fonciers concernés Partenaires Inventaire des documents fonciers 19 SF Antsiranana, Nosy Be, Mahajanga, Vatomandry, Toamasina, Fénérive Est, Ambatondrazaka, Antananarivo ville, Antananarivo Sud, Antananarivo Nord, Ambohidratrimo, Ambatolampy, Antsirabe, Ambositra, Fandriana, Morondava, Manakara, Arivonimamo, Moramanga MCA/CITE, PGDI, AFD/ Projet BV Lac, RPI, DCEM, PE 3 Apurement de demandes de CSJ en instance 1 SF appuyé Antananarivo PGDI Création de Guichet Unique 20 GU créés Antananarivo Avaradrano, Antananarivo Atsimondrano, Ambatolampy, Antsirabe, Ambositra, Fandriana, Morondava, Toamasina, Vatomandry, Mahajanga, Antsiranana, Tsiroanomandidy, Moramanga, Sambava, Farafangana, Fianarantsoa, Manjakandriana, Fénérive – Est, Toliara, Taolagnaro PGDI, MCA, RPI, DCEM, PIC Nouvelles constructions ou rénovation de bâtiments 20 SF Antananarivo Avaradrano – Atsimondrano, Ambatolampy, Antsirabe, Ambositra, Fandriana, Morondava, Toamasina, Vatomandry, Mahajanga, Nosy Be, Antsiranana, Tsiroanomandidy, Moramanga, Sambava, Farafangana, Fianarantsoa, Manjakandriana, Fénérive – Est, Toliara, Taolagnaro PGDI, MCA, DCEM, RPI, PIC/QMM Dotation en matériels de bureau et informatiques (en vue gestion MLM) 22 SF Antsiranana, Nosy Be, Mahajanga, Vatomandry, Toamasina, Fénérive Est, Ambatondrazaka, Antananarivo ville, Antananarivo Atsimondrano, Antananarivo Avaradrano, Ambohidratrimo, Manjakandriana, Ambatolampy, Antsirabe, Ambositra, Fandriana, Morondava, Moramanga, Arivonimamo, Manakara, Taolagnaro, Tsiroanomandidy PGDI, MCA, DCEM, RPI, PIC/QMM Dotation en matériels roulants 14 SF Antsiranana, Nosy Be, Mahajanga, Vatomandry, Toamasina, Fénérive Est, Antananarivo, Ambatolampy, Antsirabe, Ambositra, Fandriana, Morondava, Manakara, Taolagnaro MCA, PIC/QMM, DCEM, PGDI Numérisation totale des informations foncières 14 SF Antsiranana, Nosy Be, Mahajanga, Vatomandry, Toamasina, Fénérive Est, Ambatondrazaka, Antananarivo, Ambatolampy, Antsirabe, Ambositra, Fandriana, Morondava, Manakara MCA, DCEM, AFD/ BV Lac, PGDI Numérisation partielle des informations foncières 6 SF Farafangana, Moramanga, Fianarantsoa, Mananjary, Taolagnaro, Ambovombe DCEM, PE 3, PIC, RPI, PGDI Acquisition de photographies aériennes ou satellitaires 116.000 km2 de photos Antsiranana, Nosy Be, Sambava, Mahajanga, Grand Tanà (Tanà ville, Tanà Sud, Tanà Nord, Ambohidratrimo), Vatomandry, Toamasina, Ambatondrazaka, Moramanga, Ambatolampy, Antsirabe, Fandriana, Ambositra, Morondava, Manakara, Farafangana, Fénérive Est, Manjakandriana (Mianadanandriana) MCA, PE 3, DCEM, AFD/BVPI, Interreg – SFAT Mise en place du Logiciel 3 SF dotés du Antananarivo ville, Fénérive Est (Domaines), Manakara MLM Logiciel Fig.4 : récapitulation des réalisations dans le cadre de la modernisation des services fonciers (Sources : DGSF, CCPNF, OF, PTF)
MCA, DCEM Page | 16 c. Une restructuration institutionnelle qui n’est pas effective L’insertion de nouveaux outils, la création de nouvelles compétences pour l’appui des collectivités, l’adoption de la stratégie d’informatisation des informations un nouveau mode de conservation justifient la restructuration des services fonciers. Elle consiste à (i) organiser les fonctions domaniales et topographiques autour de la gestion du logiciel MLM et de la création des guichets uniques, (ii) rendre compétitives les offres de service par l’externalisation des fonctions topographiques par la création de l’ordre des géomètres libres assermentés, (iii) créer et renforcer les compétences d’appui – conseil aux GF, (iv) concevoir un schéma de financement autonome pour la pérennisation des investissements. Si les appuis faits à l’administration ont le mérite d’avoir permis de concevoir différents outils, leur application reste à rendre effective : •
Concernant le Fonds National Foncier, supposé assurer la viabilisation et la pérennisation financière des investissements dans le cadre de la modernisation, qui reste à l’état de projet malgré une étude faite par le cabinet FTHM4 en 2009. •
Concernant l’externalisation des fonctions topographiques, le rôle des services étatiques devrait se concentrer sur les fonctions régaliennes (contrôles de qualité, authentification et sécurisation de la conservation des documents). Il est toutefois constaté que ces services continuent à assurer les mêmes activités que les géomètres privés, en incohérence avec le contenu du Plan d’externalisation. Qui plus est, l’installation des bureaux de ces privés dans l’enceinte même des services topographiques, au lieu de cabinets privés en ville, crée une confusion pour les usagers. Il semble aussi que la présence et l’arrivée des géomètres libres est vécu plus comme une concurrence qu’une volonté d’amélioration du service public. •
L’organisation des fonctions domaniales et topographiques autour de l’opérationnalisation du Logiciel MLM reste à redéfinir et à appliquer. Des questions de mise en réseau Intranet sont notamment à résoudre. La mise en compatibilité du MLM avec le PLOF des GF, garant de la faisabilité des échanges d’informations, demeure des questions en suspens. •
Pour les guichets uniques, une première conception (front et back office) a déjà été réalisée, mais le concept se résume souvent dans la pratique au rapprochement physique des bâtiments qu’à une véritable fusion opérationnelle des deux services. L’évaluation a ressorti qu’au lieu d’avoir une réception unique pour les dossiers, l’usager se déplace lui – même à chaque guichet concerné. Un modèle standard de guichet unique est aussi à concevoir, le modèle créé à Fianarantsoa incluant les services de l’aménagement du territoire et de l’enregistrement alors que celui d’Antananarivo regroupe juste les services topographique et domanial. Une étude organisationnelle serait à mener et à opérationnaliser pour adapter les nouvelles fonctions. •
La fonction attendue d’appui de l’administration aux guichets fonciers n’est pas encore assise ou la modalité n’est pas encore claire. Le cas de la circonscription de Bongolava, dont le service foncier a appuyé la mise en place de quelques GF (formation, mise à disposition de plan de repérage pour le PLOF) et les ont accompagné dans les activités de certification foncière, semble pour l’instant unique. •
Un plan de relève pour rajeunir le personnel et remplacer les fonctionnaires partis en retraite n’est pas encore conçu. 4
« Appui à la conception d’un Fonds national foncier pour la pérennisation financière de la réforme foncière », Cabinet FTHM, avril 2009. Pour générer 3 milliards d’Ariary annuels, l’étude préconisait la réaffectation des recettes et droits non fiscaux sur l’administration des actes fonciers, et de 20% des impôts et taxes perçus sur les transactions des titres fonciers (DE, DM, IPVI). Par ailleurs, il a été prévu que ce FNF pourrait aussi être alimenté par du financement international. Page | 17 d. Peu d’impacts observés en termes de délais L’évaluation menée sur les coûts et délais des opérations foncières au niveau des SF a ressorti que le délai moyen d’immatriculation d’un terrain domanial au nom d’un acquéreur privé est de 10 ans5. Comparée avec la moyenne de 6 ans sortie par le cabinet ECR en 2006, il semble que la mise en œuvre des activités de modernisation n’a encore porté les impacts escomptés concernant la réduction des délais de traitement des dossiers. Quelques faits pourraient être avancés pour expliquer cette situation : •
la mise en lien entre les activités et les impacts au niveau des services fournis est conditionnée par l’opérationnalisation du Logiciel MLM dans le traitement quotidien des dossiers. Tant que le Logiciel n’est pas opérationnel, la gestion reste toujours au niveau « papier » et donc soumis aux contraintes des traitements de vieilles archives. •
lié au premier, le problème de fond concernant la restauration ou la reconstitution des archives papier (détérioration, égarement, perte) a encore été très peu abordé par la réforme. Les longs délais, surtout concernant les mutations, sont surtout dus à l’égarement des documents fonciers. Dans la pratique, il serait difficile voire impossible de concevoir et de mettre en œuvre un plan de reconstitution totale des archives papier vu le décalage entre les occupants réels et la dernière inscription, la perte de vue des propriétaires originaux ou des documents en leur possession. •
le concept de GU n’a pas encore pris une effectivité dans l’accélération des procédures, soit parce que le GU reste au simple stade de rapprochement des bâtiments, soit parce que le standard de service n’est pas encore appliqué (discussion traitée en supra). e. La politique de l’administration à long terme peu visible Malgré les différentes informations fournies par les études faites, les actions menées dans le cadre de la modernisation des services fonciers semblent s’inscrire dans une vision de résultats immédiats ou « intermédiaires6 ». L’absence d’une finalité annoncée et de mise en cohérence des interventions avec les préconisations des différentes études est constatée. Il est à citer par exemple : -
le flou sur la finalité entre « informatisation » ou « dématérialisation » des documents fonciers. Le premier concept suppose la coexistence de deux types de sauvegarde, papier et informatique, et leur mise à jour devrait se faire en simultané. Le second implique la destruction physique des archives et le basculement intégral vers un système informatisé. -
Le manque d’uniformisation entre les services régionaux. Si les activités de modernisation s’inscrivent réellement dans le cadre d’une politique nationale de réforme foncière, son application devrait être uniforme dans tous les services fonciers. Or, il est constaté que ce sont essentiellement les services appuyés par du financement international qui sont les plus avancés (cf. fig. 3). Il existe des SF qui accumulent plusieurs bailleurs simultanés. Par ailleurs, les procédures et les outils techniques devraient être standardisés pour tous les services (type de Logiciel, composantes et fonctionnement d’un GU). -
La restructuration du personnel, essentielle pour rendre effectives les nouvelles fonctions, n’accompagne pas forcément la modernisation. Des fonctionnaires topographes continuent à assurer les mêmes prestations que les géomètres libres externalisés. L’organigramme et la répartition des postes sont encore calés aux anciennes missions des services fonciers. 5
Groupement BEST – Land Ressources – IDEES Madagascar, Rapport d’investigation sur le volet « coûts et délais de la titrisation ». Juin 2011. 54 pages. La moyenne de 3.713 jours a été calculée sur la base de 3000 TF délivrés entre 2005 et 2010 (demandes anciennes et récentes) échantillonnées dans 6 circonscriptions visitées. 6
Terme utilisé notamment par le PGDI dans le cadre de son appui à la modernisation, sous – entendant que des stratégies qui s’ouvrent davantage sur le long terme et le pérenne sont à construire. Page | 18 -
L’absence de plan de relève annoncée rend les services dépendants vis‐à‐vis d’assistance ponctuelle assurée par des agents en ECD. f.
Une faible appropriation par les fonctionnaires Dans le cadre de la modernisation des services fonciers, plusieurs constats rapportent les cas de « résistance » des agents face à la réforme. Si l’idée de « décalage d’appropriation » est unanimement partagée, les principales raisons annoncées varient selon le positionnement des interlocuteurs : (i)
Les activités inscrites dans le cadre de la modernisation (études, conception, réalisations techniques), concernant l’informatisation ou la restructuration, ont toutes été confiées à des prestataires extérieurs à l’administration. Ce choix qui est justifié pour certaines activités pour éviter les conflits d’intérêt, semble toutefois réduire les possibilités de création d’un processus endogène d’auto – évaluation par l’administration. Au bout, les directives pour mettre en œuvre le processus de modernisation sont ressenties comme des impositions, (ii) l’inadéquation ou l’insuffisance des formations fournies aux bénéficiaires, qui ne permet pas le transfert des compétences et savoirs. Il n’est pas rare, par exemple, que les bailleurs de fonds font appel à des opérateurs spécialisés pour la confection des PLOF. (iii) Le ressenti par certains fonctionnaires d’une perte imminente des avantages procurés par le système avant la réforme. Quoiqu’il en soit, quelques faits issus de l’évaluation ont démontré que : •
L’opérationnalisation du logiciel MLM fait état de quelques dysfonctionnements (les agents des services fonciers affirment qu’ils auraient pu être évités s’ils avaient été plus impliqués), •
Des inadaptations fonctionnelles ou techniques ont été soulevées dans le cadre de la mise en place des GU ou de l’opérationnalisation du logiciel MLM (immobiliers de rangement, locaux trop étroits, faible mémoire vive et capacité RAM des ordinateurs dotés,…) •
Les agents des services topographiques n’ont pas les capacités techniques à valider les PLOF ou à faire le contrôle qualité. •
Les échanges des données et informations foncières entre les SF et les GF n’ont jamais été initiés durant les six années de mise en œuvre de la réforme. Les agents de SF avancent qu’ils n’ont ni la compétence ni les matériels requis pour assurer ces échanges. •
Le parc informatique doté est largement sous – utilisé (réduit aux travaux bureautiques) et a fait l’objet de peu de maintenance dans certaines circonscriptions. Certains matériels sont tombés en panne alors que d’autres ont disparu. D’une manière générale, la portée qu’on voudrait donner au concept de « réforme » reste floue au niveau des services fonciers. Par exemple, certaines initiatives comme les opérations dites « 75.000 titres », ou la création de nouveaux formats infalsifiables de premier duplicata du titre foncier, sont citées comme des activités entamées par le ministère mais extérieures à la réforme. Par ailleurs, une ambigüité s’installe entre réforme administrative qui vise à améliorer l’efficience des services (diminution des actes de corruption, rotation du personnel dans les circonscriptions, etc.), et la réforme technique centrée essentiellement sur l’informatisation. Il semble que les activités des services fonciers relèvent de deux natures : certaines qui rentrent dans le cadre de la réforme et coordonnées par la DRGFD et la CC PNF, et celles qui sont « intérieures », gérées au quotidien par les autres directions. Page | 19 g. Le fondement d’une sécurisation tributaire des archives Le système Malagasy de sécurisation de la propriété est fondé sur l’enregistrement et la conservation des documents fonciers depuis la première immatriculation du terrain en passant par les mutations successives jusqu’au propriétaire actuel. Ce système se caractérise par : (i)
l’importance de la conservation des archives (papier pour l’instant) qui s’accroissent d’année en année suivant l’évolution des attributions de nouveaux titres ou des mutations, (ii)
sa fragilité, car plus le temps passe, plus les archives tendent à se détériorer. Cette situation est déjà réelle dans toutes les circonscriptions dans lesquelles les chiffres en 2005 rapportent que 11 % des documents fonciers sont détruits ou sont manquants7. Ce chiffre n’a pas été mis à jour depuis mais ils ont probablement augmenté. Si ce système est maintenu, des interventions ponctuelles de restauration et de reconstitution des documents et informations fonciers seront toujours nécessaires. Encore faut –il que les procédures de reconstitution soient mises au point et légiférées et surtout faisables. Une telle démarche, si elle est réalisable, coûterait beaucoup en termes de ressources financières et de mobilisation des ressources humaines. 7
Lettre de Politique Foncière Page | 20 II. La décentralisation de la gestion foncière
1. Principes et contenus
La gestion foncière décentralisée, consistant à conférer à l’échelon communal la compétence pour la sécurisation de la propriété privée non titrée, est un concept qui s’appuie sur deux principes : (i) s’inscrire dans la démarche de décentralisation effective de certaines compétences aux Communes8, et (ii) démultiplier des structures de proximité viables en charge de la gestion foncière. L’idée de proximité et de viabilité justifierait le choix politique de créer des structures décentralisées et non des services déconcentrés de l’administration étatique au niveau des Districts qui seraient exposés aux mêmes problèmes logistiques à moyen terme. En termes d’accompagnement juridique du processus, la Loi 2006 – 031 portant sur la gestion des propriétés privées non – titrées et de son Décret d’application 1109 – 2007, ont introduit de grandes innovations juridiques telles que : •
La suppression du principe de domanialité des terrains non – titrés et la présomption de propriété privée sur les terres non – immatriculées mais faisant l’objet d’occupation et d’emprise permanente attestée. •
Le transfert de la compétence pour la gestion de ces propriétés dites privées non – titrées au niveau des Communes dotées d’un Guichet foncier. A partir de 2006, les dispositions légales prévoient deux types de preuves de propriété : le titre foncier délivré par les services fonciers et le certificat foncier délivré par le guichet foncier. Les activités de la réforme foncière relatives à la composante décentralisation de la gestion foncière consistent à accompagner la mise en place des guichets fonciers communaux dont les principaux éléments d’appui s’inscrivent dans la : •
conduite des diagnostics socio – fonciers, dont l’objectif est d’étudier la pertinence, la faisabilité et la viabilité de la mise en place d’un guichet foncier dans la Commune, •
constitution des PLOF (assemblage des documents fonciers se rapportant à une zone géographique ou administrative particulière, numérisation des parcelles titrées et demandes en cours, prise de vue aérienne et calages des informations cartographiques scannées sur les orthophotos), •
construction de nouveaux bâtiments ou rénovation, •
dotation en équipements de bureau et matériels informatiques, •
dotation en matériels roulants (motos ou bicyclettes), •
appui à la conduite de certaines activités relatives aux compétences de la Commune : sortie des arrêtés de création du GF, recrutement de l’Agent du GF, mise en place des CRL, établissement du budget de fonctionnement du GF, •
formation initiale des acteurs de la GFD : acteurs d’appui (services fonciers, Districts) et acteurs communaux (maire, conseillers, agents GF, membres CRL), sur les aspects techniques, juridiques, financiers, •
appui – conseil périodique sur la gestion technique des activités du GF, •
prise en charge du fonctionnement du GF pendant une période déterminée (salaire, fournitures, carburant, etc.). Il n’y a pas de standardisation des interventions dans le cadre de l’appui à la GFD, dont le contenu peut différer d’un opérateur ou bailleur de fond à l’autre, pouvant inclure une ou plusieurs des composantes citées ci – dessus. 8
Ce processus a déjà commencé par la décentralisation effective de la gestion de la fiscalité foncière à la Commune en 2006. Page | 21 2. Les princiipales consstatations
a. Une inno
ovation jurid
dique et insttitutionnelle Avant to
oute réalisattion techniq
que, les inno
ovations app
portées par lla réforme e
et la GFD son
nt d’abord d’ordre juridique. Parallèlemen
P
nt à l’innovvation instittutionnelle de d création des GF co
ommunaux compéttents pour la l gestion foncière, f
la décentralisation de la gestion foncière a inttroduit un nouveau
u mode de r
reconnaissan
nce des droits. La préso
omption de propriété découlant de
e l’occupatio
on, tel que défini par la L
Loi 2006 – 0
031 comme « une déétention du sol se tradu
uisant par une u emprise personnellee ou collective, réelle, évidente é
et permaneente, selon l
les usages du moment eet du lieu », i
introduit un
n type de recconnaissancce de droit tout à fait différentt de celui re
econnu par l
e titre fonciier. Alors qu
ue l’Etat déliivre (et donc crée) un e propriété s
sur une terre qui lui app
partenait au
uparavant, laa Commune formalise u
un droit de droit de
propriétté pour un occupant qui q était dé
éjà présumé
é propriétairre. Il s’agit donc de deux types différen
nts de reconnaissance des droits. Ce
e nouveau p
principe mett une structu
ure de sécurrisation de proximité à la disp
position des centaines de milliers de parcelless occupées et exploitées par les ménage
es essentielle
ement rurau
ux. b. Une montée en puisssance des diispositifs Entre 20
006 et 2011, on a comptabilisé 416 G
GF créés (soiit le quart du
u territoire n
national), qu
ui ont reçu 120.000 demandes et ont délivvré plus de 6
60.000 certifficats foncie
ers. Ces chifffres qui annoncent un rythme élevé, sont indissociables de l’appu
ui par le finaancement intternational. En effet, plus de 93 % des GF fonctionnels ont été ap
ppuyés en totalité t
ou en e grande partie par de
es bailleurs de d fonds9. Cette assistance a été nécesssaire pour impulser à la GFD une
e vitesse qui lui perm
mettrait de concrétiser rapidem
ment sur terrain les diffférentes co
onceptions juridiques ett techniquess, pour lui conférer une appro
opriation sociale. Dans un certain sens, s
ces chiffres pourront aussi ag
gir en tant que cliq
quet pour re
endre le pro
ocessus GFD
D irréversible et atteind
dre un éventuel « pointt de non – retour »». Fig. 5. Evvolution annuelle du nombre de GF crééss et des CF déélivrés (sourcee : OF). 9
L’appuii par les baille
eurs de fonds pour la GFD est estimé au
ux environs de 25 millions USD. Les 7 % des GF restants ont été crééss à la demand
de et à l’initiattive des Comm
munes, appuyées techniqu
uement danss le montage
e par la CCPNF ou la DRGFD ou les serviices fonciers d
déconcentréss. Page | 22 Fig. 6 Situation des Guichets fonciers en juillet 2011 Fig. 7 Répartition des appuis financiers de la GFD
Page | 23 c. Un document de sécurisation à des coûts et délais réduits L’objectif global de la réforme de répondre aux demandes massives en sécurisation foncière, dans des délais raisonnables et à des coûts ajustés a été atteint avec le CF. Le prix moyen pour un CF10 était respectivement de 48.000 Ariary (24 USD), 22.000 Ariary (11 USD), 32.000 Ariary (16 USD) et de 10.200 Ariary (5 USD) entre 2007 et 2010. Pour les mêmes années, les délais moyens ont été respectivement de 105, 207, 170 et 387 jours. Les tarifs les plus élevés sont ceux appliqués dans les Communes Urbaines (Ambatondrazaka, Tsiroanomandidy) qui avoisinent 123.000 Ar/CF, soit 62 USD. Les prix les plus bas ont été appliqués pendant les périodes promotionnelles « Kara – tany Malaky » de 2008, avec 500 Ariary pour l’obtention d’un CF. La Commune Rurale de Ramena (Antsiranana) a même délivré des CF gratuits pour pouvoir constituer une base de données cartographique des terrains agricoles et récupérer ensuite les recettes pendant le recouvrement fiscal. 500
Couts (x 10 USD)
Délais (jours)
400
387
300
240
207
200
170
160
100
105
110
50
0
2007
2008
2009
2010
Fig. 8 Evolution des coûts et délais moyens d’obtention du CF de 2007 – 2010 (source : OF) Au – delà de ces valeurs, il s’agit de porter la réflexion entre créer un service public qui n’exclut pas les ménages à moindre revenu, et assurer un service pérenne financièrement. Il faut aussi signaler le contexte de subvention durant lequel ont été définis ces tarifs. Il serait vraisemblable que les tarifs appliqués ne seraient pas les mêmes si la Commune supporte intégralement toutes les charges liées au fonctionnement. d. Faiblesse des mutations sur le CF Si la GFD a réussi à assurer à établir une première sécurisation d’une partie du « stock » de PPNT, grâce aux quelques 60.000 documents délivrés, la sécurisation des flux (transactions) reste incertaine. Très peu de mutations sont inscrites au niveau des GF, encore moins enregistrées au niveau des services fiscaux. D’une part, il semble que les procédures instruites aux AGF soient floues au sujet de la mutation11 et qu’ils ne font pas l’effort d’informer les titulaires de CF pour continuer à formaliser les transactions. D’autre part, les propriétaires et acquéreurs appréhendent mal la logique de se déplacer encore au niveau des centres fiscaux alors qu’un guichet foncier à été mis à leur disposition au niveau de la Commune. 10
L’Observatoire du Foncier réalise annuellement des estimations statistiques basées sur les coûts réels payés par les usagers au niveau de quelques GF échantillonnés. 11
Le décret d’application 2007 – 1109 sur la gestion des PPNT stipule que la procédure de mutation des CF est identique à celle s’imposant aux TF, c’est à dire qu’elle fait l’objet d’un enregistrement au niveau des délégués d’arrondissement, s’acquitte des droits fiscaux, et est inscrite au niveau des GF. Page | 24 Cette faiblesse de la mutation des CF risque de reproduire les mêmes problèmes que pour l’actualisation des TF. Il est donc important d’aborder cette question de la mutation et de l’enregistrement des actes liés aux transactions des CF. Les réflexions devraient donc questionner s’il ne faut pas décentraliser la gestion des transactions sur la terre et de la fiscalité des mutations à la Commune à la manière de celle de la fiscalité foncière. e. Des dispositifs soumis à des contraintes techniques et institutionnelles Le choix pour le montage d’un GF informatisé autonome ou d’un CRIF/ GFP géré par un OPCI a été dicté par la disponibilité ou non de source d’électrification12. L’évaluation a fait ressortir que le montage de ces dispositifs a rencontré des contraintes techniques et institutionnelles souvent communes à tous les GF : -
La dépendance des GFI à l’informatique a fait que tout le processus est bloqué lorsque les matériels tombent en panne (imprimante, ordinateur), ce qui arrive fréquemment. Les AGF doivent se déplacer au niveau des grandes villes pour effectuer les réparations. De même, les pannes au niveau des CRIF pénalisent tous les GFP utilisant ses services. f.
Des réflexions nécessaires autour de la gestion du PLOF La législation sur la GFD annonce la disponibilité du PLOF comme une condition d’ouverture d’un GF. Au vu de l’importance conférée à cet outil, plusieurs constatations convergent dans le sens d’améliorer davantage cet outil et sa gestion : -
L’incomplétude des premières informations dans le PLOF initial due à la perte ou la détérioration des documents au niveau des services fonciers. Vu la difficulté voire l’impossibilité de concevoir un plan de restauration et de reconstitution des données manquantes, il convient de réfléchir d’une part sur la possibilité de montage technique et juridique d’un plan de reconstitution des données à partir des délimitations constatées sur terrain (bornes topographiques, délimitations des aires protégées). D’autre part, cette réflexion rejoint celle de la prescription (trentenaire) des recours et la possibilité de certifier sur les terrains titrés s’il n’y a pas de contestations argumentées reçues. -
La validité : la sécurité conférée par le PLOF réside dans l’adéquation des numérisations avec les informations foncières et topographiques originales. Cette cohérence devrait donc être attestée par les agents en charge de la conservation. Or ces agents n’ont pas été suffisamment formés pour pouvoir assurer cette fonction13. -
Les véritables limites des Communes sont parfois floues, préjudiciant certains Fokontany qui ne sont pas inscrits dans le PLOF, ou même exposant les parcelles aux risques de double certification par deux Communes voisines. -
L’accès équitable des Communes à l’outil. Le coût de l’acquisition d’une photographie aérienne a été estimé entre 35 à 50 USD au km2. Si une Commune s’étend en moyenne sur 350 km2, l’acquisition seule des orthophotos couteraient 30 millions d’Ariary soit environ la moitié du budget annuel d’une Commune rurale. Les réflexions pourraient être orientées vers (i) l’adoption d’outil moins cher mais de même fiabilité, (ii) la subvention totale de l’acquisition des photos sur financement international, (iii) la promotion de sources de financement local par la fiscalité foncière ou le partage des coûts d’investissement sur plusieurs secteurs intervenant dans la Commune (environnement, projet agricole, etc.). -
La mise à jour périodique du fond image (orthophoto aérienne ou satellitaire). L’avantage du PLOF réside dans sa facilité de lecture sociale grâce à la présence de repères visuels (cours d’eau, limites de champs, habitations, etc.). L’occupation du sol est toutefois amenée à évoluer rapidement et l’actualité de ces repères est vite remise en question. La 12
Les monographies nationales annoncent 6 % de taux d’électrification pour les Communes malagasy. La numérisation des PLOF, le suivi et contrôle – qualité ont toujours été confiés à des prestataires privés. Sans maîtriser le logiciel standard ArcGis pour la constitution du PLOF, les agents topographiques ont développé leur propre méthode de numérisation des plans sur Autocad. 13
Page | 25 question de la fréquence de mise à jour des images devient légitime, et surtout la question de la prise en charge des coûts financiers de ces mises à jour. -
Calage des outils de cartographie : il a été constaté que l’utilisation des GPS pour la délimitation des parcelles pourrait créer des décalages jusqu’à 15 à 20 mètres par rapport aux limites réelles sur terrain ou aux délimitations visuelles sur le fond image. De telles différences pourront difficilement résoudre les conflits de délimitation au cas où le GF est amené à les arbitrer, ou risqueront même de créer les conflits. -
La fréquence d’impression et la mise à jour des tirages « papier » : les PLOF, à force d’être amenées sur terrain lors des reconnaissances, s’usent vite et sont surchargées de croquis au crayon. D’autre part, les nouvelles délimitations sur les cartes doivent pouvoir suivre le rythme de certification et d’immatriculation. -
La sauvegarde des données : les ordinateurs des GF sont soumis à plusieurs aléas (virus, inondations, vol, etc.) qui porteraient atteinte à la sauvegarde et à l’accès aux informations enregistrées sur le disque dur. Cette situation rend la sauvegarde et la sécurisation par le CF fragile. Il faudrait concevoir un système de sauvegarde automatique et de double archivage au niveau des institutions décentralisées (CRIF, GF) et déconcentrées (SRD). -
Echanges de données : des procédures d’échanges de données initiales et de nouvelles délimitations devraient être appliquées, d’abord entre les GF et les SF, mais aussi avec les services des eaux et forêts, des mines, de l’agriculture. Une concertation et une harmonisation des outils cartographiques est cruciale pour rendre ces échanges effectifs (repères, échelle, système de projection, points géodésiques, logiciel SIG). -
L’extension des fonctions du PLOF pour l’aménagement communal ou la gestion de la fiscalité foncière. Cette extension pourrait être conçue de manière standard en amont par le développement d’un logiciel intégré incluant ces fonctionnalités. g. La viabilisation et la pérennisation incertaines des dispositifs Si les dispositions de la Lettre de Politique Foncière ont prévu une prise en main du fonctionnement du GF par les collectivités, le constat actuel fait état d’une difficulté des Communes pour relever ce défi. Au lendemain du retrait anticipé des bailleurs de fonds, les activités des GF ont fortement ralenti. Face à un manque manifeste de ressources propres stables et conséquentes, et en l’absence de subvention dédiée par l’Etat pour le foncier, les Communes n’arrivent pas à payer le salaire des agents du GF ou prendre en charge les dépenses liées au fonctionnement ou à la maintenance des matériels roulants ou informatiques. Rares sont les Communes qui arrivent à réinvestir pour développer les activités du GF14. Plusieurs GF ont établi leurs stratégies de recouvrement des coûts en raisonnant que le patrimoine foncier constitue un capital économique que les propriétaires voudront sécuriser à n’importe quel prix pourvu qu’il soit inférieur aux coûts de l’immatriculation. Le calcul simplifié consistait donc à se fixer un objectif de nombre de CF ou de demandes par mois dont les droits payés équilibreraient les charges de fonctionnement. Ainsi, le prix moyen d’un CF était à 24 USD (environ 50.000 Ariary) en 2007. Cette stratégie a doublement manqué ses objectifs puisque d’une part le faible nombre d’usagers, peu incités par les tarifs proposés, n’a pas permis de générer la recette calculée, mais d’autre part le nombre de parcelles/ ménages sécurisés reste modeste. D’autres GF ont misé sur un plus grand nombre de demandes reçues à des prix bradés. Ce fut notamment l’esprit de l’opération « Kara – tany malaky » menée dans plusieurs Communes, basée sur l’établissement d’une période promotionnelle pendant laquelle les ménages sont incités à faire la demande. Les remises sont allées jusqu’à 90 % du prix normal. La finalité était à la fois de sécuriser le maximum de terrain et de procéder au recouvrement fiscal sur les parcelles enregistrées. L’opération s’appuyait sur un élément essentiel : la présence de bailleur de fonds qui 14
Il est à citer notamment le cas du GF Soavinandriana (Itasy) qui a réussi à doubler son personnel, acquérir un nouvel ordinateur et une nouvelle moto dans une période de trois ans après le retrait de la FAO. Page | 26 puisse prendre en charge les dépenses engagées. Si les Communes ont réussi à certifier massivement les terrains, le départ anticipé des bailleurs n’a pas permis de poursuivre l’opération dans les autres Fokontany. Qui plus est, la différence de traitement fiscal entre les parcelles enregistrées et celles qui ne le sont pas pose un problème d’éthique sociale. Des pistes de réflexion pourront être étudiées autour de la combinaison d’alternatives associant la fiscalité foncière (et celles des transactions), la subvention par l’Etat et le prélèvement sur les droits de certification. Page | 27 III.
Evaluation institutionnelle de la réforme foncière
1. Niveau central
a. Un pilotage institutionnel bicéphale La Lettre de Politique Foncière adoptée en 2005 annonce les fondations du pilotage de la réforme foncière. Si la maîtrise d’ouvrage est attribuée à la Direction des Domaines et des Services Fonciers, l’organisme d’exécution désigné est le Programme National Foncier. Par ailleurs, un Comité d’orientation et de Suivi (COS) interministériel était censé vérifier la cohérence des activités du PNF avec les orientations de la LPF. A titre consultatif, il formule des recommandations pour l’orientation du programme de travail du Programme National Foncier. Ce COS devrait être entre autres composé de représentants du Ministère de tutelle du foncier, de l’administration foncière, des autres ministères concernés, des élus, de représentants des organisations de la société civile, et des bailleurs de fonds. Un Observatoire du foncier (OF), organe consultatif informel au service du maître d’ouvrage, est chargé de la production régulière d’informations et de connaissances pour appuyer les orientations des activités du PNF, et de l’évaluation des impacts de la mise en œuvre de la réforme foncière. En 2008, l’administration foncière a créé la DARF (Direction d’Appui à la Réforme Foncière) dont la mission est à moyen terme de se substituer au PNF, défini alors comme une structure temporaire qui va passer progressivement les activités à la DARF pour ne plus s’occuper que de la gestion des financements internationaux et des conceptions méthodologiques. La DARF a ensuite pris le nom de DRGFD (Direction de la Réforme et de la Gestion Foncière Décentralisée) en 2009. Mission/ Activité Coordination des activités (priorités thématiques, zones) Gestion des financements internationaux pour la mise en œuvre des activités Conceptions méthodologiques (juridique, technique) Délégation de service (prestataire) Activités opérationnelles directes par le personnel central (formation, appui – conseil, etc.) Activités opérationnelles régionales Suivi des activités Communication Production et diffusion d’informations Evaluation (impacts, technique) PNF Oui Oui DRGFD Oui Non OF Non Non Oui Oui Oui Oui Non Oui Appui Non Non Oui Oui Oui Oui Non Non Oui Oui Non Non Non Non Oui Oui Oui Fig. 9 : répartition des attributions entre le PNF et la DRGFD Il apparaît qu’il y a un doublon de leadership entre le PNF et la DRGFD. Le PNF, gestionnaire de plusieurs portefeuilles de bailleurs de fonds, a l’avantage de la reconnaissance de ces derniers. En conséquence, le PNF dispose des ressources financières, humaines (composé de consultants nationaux) et logistiques pour la réalisation des activités. Par contre, le PNF est lésé par l’absence de statut, et surtout une insertion et une reconnaissance difficile au niveau de l’administration. La DRGFD, disposant de la légitimité et de la pérennité institutionnelle au sein de l’administration, mais aux moyens faibles (RPI), dispose peu de l’opportunité de dialogue direct avec les bailleurs de fonds. Ce cloisonnement institutionnel a aussi marqué le paysage d’intervention puisque le PNF est surtout intervenu sur l’appui de la GFD et la DRGFD a davantage appuyé l’administration sur les aspects de modernisation des services fonciers. Page | 28 b. Un pilotage tributaire du financement international Le fonctionnement et les activités du PNF et de l’OF sont intégralement supportés par le financement international. Tant du point de vue statut que par les coûts de fonctionnement et d’activités de ces institutions, le budget public (RPI) ne pourrait pas les prendre en charge. La crise et le retrait des bailleurs de fonds en 2009 ont mis en évidence la fragilité de ce système, surtout au niveau des opérations puisque les Cellules régionales du PNF assurent la quasi – totalité des appuis aux Communes. L’absence de statut adéquat et de sources de financement internes conséquentes rend donc le pilotage de la réforme tributaire des fonds internationaux. D’autre part, la mise en œuvre du fond national foncier reste encore au stade de conception. Il faudrait définir des mécanismes de pérennisation des deux institutions. c. Insertion difficile de la réforme au niveau de l’administration D’une manière générale, la réforme a connu une difficulté pour être institutionnellement appropriée par l’administration foncière pour plusieurs raisons notamment : •
•
•
•
le pilotage du processus de réforme par une structure paraétatique, la remise en question des valeurs et cultures administratives de l’immatriculation foncière qui a été l’unique processus de sécurisation pendant un siècle, l’émergence d’une institution concurrente en matière de reconnaissance des droits, les Communes, sans que les dirigeants n’aient suivi les mêmes formations diplomantes, certains pouvant même être illettrés.
La perte de certains privilèges ou prérogatives créés par le monopole de la formalisation des droits de propriété par une institution unique. Il serait nécessaire de construire un environnement institutionnel favorable à l’intégration effective de l’administration foncière dans le processus. 2. Déconcentration et décentralisation
a. La gouvernance locale renforcée La réforme répond à une demande réelle pour une sécurisation foncière simplifiée, décentralisée et accessible, au moins dans un grand nombre de communes et de régions. Elle a produit des résultats quantitativement importants qui la rendent sans doute irréversible. La rupture du monopole détenu par l’administration a amené les acteurs locaux à participer davantage au processus de gestion de leur territoire. Plusieurs faits illustrent la participation locale témoignent du renforcement de la gouvernance locale : l’institution des CRL avec une représentation des villageois, un meilleur accès aux informations sur les procédures et les textes pour les usagers, la transparence et la possibilité d’opposition pendant l’instruction des demandes. A part le rôle de médiation confié aux membres de la CRL, la possibilité de délibération de sentence arbitrale par le conseil communal renforce la légitimité des institutions locales pour le règlement des conflits fonciers. Au niveau de l’administration communal, la disponibilité du PLOF permettrait de mettre en cohérence les stratégies de gestion du territoire communal, en particulier l’aménagement, l’urbanisme et le recensement fiscal. Le niveau d’appropriation des collectivités pour la gestion du nouveau service foncier communal est variable. On pourrait définir trois types de montage : les GF entièrement montés et appuyés par les bailleurs de fonds, les GF créés suite à la demande des Communes mais dans le cadre d’un projet appuyé par un bailleur de fonds, les GF montés à l’initiative propre des Communes en dehors de tout contexte d’appui par un projet. De manière générale, les faits suivants ont été constatés : Page | 29 •
L’instauration d’une politique d’objectifs chiffrés a priorisé la vitesse aux dépens de la qualité et d’un véritable ancrage institutionnel15. Les structures d’appui – conseil n’arrivaient pas à suivre16. Les programmes de formation ont souvent favorisé les AGF que leur « chef », le maire, qui maîtrise rarement les procédures d’instruction des demandes, et se retrouve seulement au bout de la chaîne en tant que signataire du CF. Les membres des CRL, garants de la reconnaissance locale, ont reçu des formations qui ont duré une seule journée17. Si cette politique des résultats chiffrés a été quelque part nécessaire pour justifier le choix de la réforme, sa performance et sa qualité peuvent être mesurées autrement qu’à partir d’un suivi – évaluation du nombre de CF délivrés seulement. •
La logique basée sur l’opportunité plutôt que la demande, a souvent généré une appropriation locale assez faible. Le financement in extenso des investissements et du fonctionnement par les bailleurs a souvent créé un attentisme de la part des élus locaux, voire un sentiment d’assistanat. Le retrait anticipé de certains bailleurs, avant que soit engagé le financement dégressif et la prise de relais par les Communes a par ailleurs renforcé cet effet pervers. Les importants coûts de fonctionnement et de maintenance du dispositif (entre 6 à 10 millions d’Ariary annuels) ne sont pas à la portée du budget communal. Les Communes ont tenté de maintenir le fonctionnement du GF avec les moyens du bord mais n’y arrivent pas toujours. •
Le montage des OPCI pour gérer les CRIF a été accéléré sans maturation suffisante pour permettre une capacité associative viable. Ces structures sont pour la plupart des coquilles vides avec seulement un président, souvent le maire de la Commune dans laquelle est installé le CRIF. Les caisses de la majorité des OPCI18 sont vides face aux problèmes d’incapacité (ou de démotivation) de paiement des cotisations par les Communes membres. •
Le foncier a été mené de manière sectorielle et n’a pas été inscrit dans une politique de développement local, ou de décentralisation. Les actions de renforcement de la gouvernance institutionnelle ont été peu initiées. Les dirigeants locaux maîtrisent faiblement pour la plupart les bases de la gouvernance communale encore moins les questions de gestion foncière, la mise en relation du foncier avec les thématiques de fiscalité d’aménagement communal ou agricole alors que le PLOF est un outil qui pourrait être largement valorisé. •
Par ailleurs, le recours à des structures d’appui – conseil extérieures aux services techniques déconcentrés (prestataires, projets d’appui, cellules régionales du PNF, centres d’appui aux Communes), qui a l’avantage d’une assistance soutenue et de la disponibilité financière et logistique, soulève des questions sur la durabilité de ces structures et la dépendance financière de l’appui – conseil. b. Complémentarité et non‐concurrence des deux filières Une partie des acteurs clés (au niveau national surtout) ont commencé à réaliser que la filière de sécurisation foncière décentralisée (guichets fonciers ; certificats) et les services fonciers de l’Etat (Services Topos et Domaines) ne sont pas concurrents mais bien complémentaires. L’un et l’autre ont vocation à perdurer, et tous deux pourront se développer et renforcer leur qualité comme 15
Certaines interventions, à l’instar de SAHA Intercoopération Suisse et le projet BV Lac ont quand même investi dans la formation soutenue des dirigeants et agents sans contrepartie d’objectifs chiffrés immédiats. 16
Il s’agit en général des Cellules Régionales du PNF, et des agents des prestataires d’appui financés dans le cadre d’un contrat temporaire avec le bailleur de fonds. Quelquefois, les agents des services fonciers déconcentrés contribuent à l’appui – conseil. Le ratio général est de 1 agent pour 5 à 10 Communes. 17
Le rapport d’activités 2010 de la CCPNF fait état de 200 heures de formation allouées aux AGF, 14 heures pour les élus et 6,5 heures pour les CRL. 18
Il existe une soixantaine d’OPCI, regroupant entre 2 et 7 Communes, créés dans le cadre de la GFD. Page | 30 leurs ressources, à condition qu’ils se complètent et se supportent mutuellement. Au plan opérationnel et aux niveaux régional et local, cette complémentarité reste cependant encore très problématique, et tout ou presque reste à faire pour mieux définir les rôles, promouvoir une bonne coexistence et créer les synergies nécessaires. De manière générale, il conviendrait de réaffirmer que s’agissant de deux types différents de reconnaissance de droits (attribution ou création de droit pour le TF, formalisation du droit pour le CF), il n’y pas lieu à définir des hiérarchies entre les deux documents, et par extension entre les deux institutions. c. Les acteurs déconcentrés moins impliqués Si dans certaines Communes, la gouvernance locale est effectivement assise, ce n’est pas encore le cas pour d’autres. Parmi les principales raisons, l’insuffisance ou l’absence d’encadrement institutionnel et technique par le District ou les services fonciers déconcentrés. Les contrôles de légalité sont quasi – absents pour les actes fonciers. Certains maires se sentent tout – puissants et des cas de corruption ou de détournement de fonds au niveau de ces GF sont rapportés au niveau de l’opinion publique19. La collaboration entre les SF et les GF, devant entre autres se traduire par des échanges d’informations périodiques, est encore faible, voire inexistante. L’absence de logiciel informatique compatible avec le PLOF, le manque de compétence et d’équipements informatiques au niveau des services fonciers, constituent les principales raisons avancées. 19
Un article de Midi Madagasikara (n°8466 du 17 juin 2011) rapporte les plaintes reçues au niveau du BIANCO pour corruption et détournements à l’encontre des maires et AGF, se chiffrant à plusieurs millions d’Ariary. Page | 31 IV.
Volet juridique – législations foncières
1. De grandes réalisations en matière de production de textes
Le volet juridique constitue un des piliers essentiel de la réforme. A l’évidence toute activité à initier devrait sonder le cadrage juridique existant en amont, et l’élaboration de législation pour les cadrer constitue la finalité des nouvelles conceptions. Le chantier juridique apparaît comme l’un des plus actifs pendant la mise en œuvre de la réforme foncière. En l’espace de 6 années, une dizaine de textes a été sortie concernant la régulation de la gestion foncière à Madagascar. Il est à citer notamment : •
La loi de cadrage 2006 – 019 portant statut des terres, •
La loi 2006 – 031 et son décret d’application 2007 – 1109 portant gestion de la propriété privée non – titrée, •
La loi 2008 – 013 et son décret 2008 – 1141 sur les domaines publics, •
La loi 2008 – 014 et son décret 2010 – 233 sur les domaines privés de l’Etat, texte qui a notamment abrogé les Réserves Indigènes. •
La circulaire 621/10/MATD/SG/DGSF sur les procédures de mise en place des Guichets fonciers, •
La circulaire 321/10/MATD/SG/DGSF sur les procédures d’accueil des grands investissements fonciers •
Loi sur l’ordre des géomètres libres assermentés •
Dernièrement, un projet de Loi sur la PPT est en cours de révision, a déjà été soumis au Conseil Supérieur de Transition mais a finalement été retiré pour être affiné. A part le projet de Loi sur la PPT qui n’est pas encore adopté, la Loi sur les aires à statuts spécifiques n’est pas encore élaborée par le Comité de révision de la législation foncière. Il s’agit d’une Loi qui va régir et mettre en cohérence les différents textes qui régissent ces aires. Ces textes relèvent souvent de réglementations sectorielles à l’exemple de la délimitation des ZIA (arrêté ministériel du ministère de l’agriculture), ou des RFT (arrêté interministériel Ministère du tourisme – MATD). Une Loi sur le Statut du notariat (2007 – 026 du 12 décembre 2007) a aussi été votée en vue de réguler la profession des notaires à Madagascar. 2. Points de discussion
a. Une compilation nécessaire Depuis la colonisation, en passant par les premières républiques, jusqu’à l’époque contemporaine, la législation Malagasy a eu l’avantage d’avoir prévu une panoplie de textes pour se référer pour chaque procédure, et le désavantage d’avoir des textes éparpillés qui rendent confus les non – juristes. Il serait peut – être pertinent de compiler les différents textes en vigueur pour en faire un Code foncier Malagasy. b. Réinterroger les sécurisations et les relations entre CF – TF Si la fondation de la décentralisation de la gestion foncière est juridiquement assise, l’avancement dans sa mise en œuvre a soulevé la nécessité d’approfondir quelques réflexions portant sur la portée et les limites juridiques du CF : -
l’affirmation des limites de la notion de PPNT et des ponts entre les deux filières TF et CF. Si les positionnements des institutions tendent souvent à discuter autour des valeurs juridiques et de la hiérarchie des deux documents, il convient de baser les réflexions sur le fait que les deux filières coexistent et sont complémentaires si les limites des compétences Page | 32 sont bien établies. Les réponses à certaines questions demeurent floues sur « peut – on immatriculer directement les PPN ? quelle durée d’occupation minimale peut – on certifier ? comment rendre formelles les notions d’emprise ? ». -
la détention d’un CF ne confère pas une sécurisation totale, et il existe plusieurs asymétries de droit : le CF est valable jusqu’à preuve contraire, celle‐ci pouvant être apportée par la démonstration d’un TF délivré préalablement au CF, sur la même emprise. L’absence de prescription, ajoutée à la difficulté de localiser précisément les TF déjà délivrés et à la disparition d’une part importante de l’information foncière, crée une forte insécurité juridique du CF. D’autre part, le CF peut être transformé en TF, et l’inverse n’est pas possible. -
hypothèque et mise en garantie : le CECAM, une des deux grandes institutions de micro – crédit à Madagascar ne reconnaît pas encore le CF comme document valable de garantie de prêt. La raison évoquée porte sur la validité de l’hypothèque réalisée par la Commune (éventuellement, la procédure n’étant pas explicite dans les textes). -
les procédures pratiques de mutation ne sont pas explicites dans les textes, concernant notamment l’authentification et l’enregistrement des actes de transaction, le paiement des différents droits fiscaux ou parafiscaux. -
Les compétences du GF pour la formalisation des aires de pâturage par le CF ne sont pas encore bien établies (si des demandes sont formulées). Les conditions et les modalités pratiques demeurent à étudier (notion d’emprise, limites, propriétaires, ayant – droits et gestion des droits). -
Les avis sur la pertinence de la mise en place d’un GF urbain semblent encore être divergents. Les arguments portent essentiellement sur le fort pourcentage du TF, la notion floue d’emprise en milieu urbain, et la pertinence et la composition des CRL face aux transactions foncières très dynamiques. D’autre part, la plupart des Communes classées urbaines le doivent à l’évolution du chef – lieu, alors que les autres Fokontany restent souvent ruraux. L’absence de GF léserait les ménages dans ces Fokontany pour l’accès à la formalisation de leur propriété. Le constat général fait encore état d’une fragilité et d’un sentiment d’une moindre valeur du CF par rapport au TF. La politique de la GFD devrait réaffirmer s’il s’agit de créer un droit à part entière et œuvrer dans ce sens, ou de créer un document de sécurisation transitoire. c. Des types de droits à tenir en compte Le dispositif juridique de la GFD apparaît cohérent dans son ensemble et déjà relativement abouti dans le sens où les régimes juridiques qui régissent les occupations du sol sont presque définis. A part les affinements à apporter dans le contenu de certains décrets d’application, des vides ou flous demeurent encore sur les tenures foncières suivantes : -
la notion d’emprise collective pour la gestion des pâturages dont les notions d’emprise ne sont pas encore valides par les textes pour qu’ils soient considérés faisant partie des PPNT, et qui font donc encore juridiquement partie du domaine privé de l’Etat. Ces zones de pâturage sont la plupart du temps confrontées aux conflits avec la délimitation des grands investissements agricoles, -
après la cassation de la présomption de domanialité, le statut des terrains aménagés ou mis en valeur à l’intérieur des zones forestières est flou. A part les forêts classées ou les aires protégées dont les statuts et la délimitation sont plus ou moins connus, il est à se demander si le droit domanial prévaut encore lorsqu’il y a occupation dans ces forêts. -
la nature et le niveau de sécurisation dans les parcelles cadastrales inachevées et qui n’ont pas abouti au jugement n’appartiennent ni au régime de la PPNT ni au régime domanial, ni au régime des propriétés titrées. Seule la clôture de ces opérations permettrait de les faire basculer dans le régime de la PPNT. Page | 33 -
La nature des droits pour les occupations et possessions antérieures dans les zones décrétées nouvelles aires protégées ou zones de protection régies par les textes internationaux (RAMSAR). d. Une appropriation sociale faible des textes et insuffisance de la vulgarisation Le dicton « nul n’est censé ignorer la Loi » n’est peut être pas applicable partout, y compris à Madagascar. Les forums régionaux tenus dans quatre régions au cours de l’évaluation on ressorti les mêmes conclusions que beaucoup reste à faire en matière de vulgarisation des textes juridiques sur le foncier. En illustration, la loi portant Statut du notariat est très peu connue et appliquée même par le personnel des services de domaines, alors que cette loi annonce que toute transaction foncière supérieure à 15 millions d’Ariary doit faire l’objet d’acte notarié. L’absence de l’application de cette disposition réduit de toute évidence la sécurité de l’acquéreur en cas de conflit ou de litige porté au tribunal. De même, les procédures pour les prescriptions acquisitives ou extinctives ne sont pas connues par le grand public, origine d’abus pour s’approprier les biens d’autrui dans certains cas. Il est étonnant que la disposition légale offerte par les textes20 n’a pas permis de régler depuis longtemps les problèmes liés aux terrains titrés au nom des colons. e. Le droit positif est à rapprocher des pratiques locales La pratique du métayage est interdite depuis la loi 74 – 021 (portant abus du droit de propriété). Cette disposition apparaît aujourd’hui décalée par rapport aux pratiques locales quand il est constaté que le métayage est pratiqué un peu partout à Madagascar. Par ailleurs, il apparaît que la mise en œuvre de la réforme n’a pas pour l’instant réussi à réduire les pratiques décennales des petits papiers. Ces petits papiers font aujourd’hui l’objet de modes d’enregistrement hétérogènes, plus ou moins formalisés, à la valeur administrative ou juridique aléatoire. Une législation allant dans le sens de l’harmonisation et la légalisation des pratiques permettrait, là aussi, de rapprocher le légal du légitime. Cette mission confiée aux GF irait alors dans le sens de la cohérence de la GFD, en permettant aux Communes de maîtriser les informations et les transactions foncières, pouvant être étendu à des objectifs fiscaux. Il s’agirait en l’occurrence pour la commune d’authentifier simplement l’identité des contractants, sans s’engager sur la validité de la procédure de transaction. f.
La taxation des mutations anti ‐ économiques Les récentes réformes qui assouplissent les coûts de mutation par décès semblent pénaliser les transactions entre vifs. D’une part, la disposition générale fiscale semble anti – économique en créant moins d’incitations pour les transactions entre vifs (taxées notamment du droit d’enregistrement de 6 % et de l’IPVI), mais créerait aussi une insécurité foncière puisque les partages entre cohéritiers ne seront abordés qu’au décès du propriétaire. Au bout, il n’est pas rare que plusieurs terrains sont encore immatriculés au nom de personnes déjà décédées. 20
L’ordonnance 60 – 146 (portant régime de la propriété privée titrée) a prévu la prescription acquisitive pour toute occupation non – contestée supérieure à 20 ans, et l’Ordonnance 74 – 021 (portant abus du droit de propriété) a prévu la prescription extinctive pour les terrains non – occupés ou mis en valeur par son propriétaire pour une durée supérieur à 5 années – pour les superficies plus de 5 ha en zone rurale et plus de 1.000 m2 en zone urbaine. Page | 34 V. Volet Formation
Le volet formation figure ici comme une section d’évaluation indépendante pour respecter les quatre axes stratégiques de la réforme foncière. Dans la pratique, les composantes de ce volet sont déjà insérées dans les thématiques précédentes (GFD et modernisation). Il s’agit ici d’un résumé à titre de rappel des points déjà abordés dans d’autres sections. 1. Principes et contenus
La mise en œuvre de la réforme ayant introduits des innovations juridiques, techniques et institutionnelles, la formation des acteurs pour les nouveaux métiers du foncier semblait évidente pour accompagner et surtout pérenniser le processus. 2. Les principaux constats
a. Le plan national de formation : le grand absent La conception d’un plan national de formation constituait la première action envisagée par la réforme foncière. Ce plan identifierait les acteurs cibles, les thèmes et modules de formation, l’identification des formateurs ou centre de formation adéquats, les supports, etc. Malgré les différents efforts engagés (mise en place d’un Comité de conception des cursus de formation), le document n’a jamais vu le jour. Il apparaît que ce lacune relève plus d’ordre organisationnel que financier. b. Des outils ponctuels développés Malgré l’absence du plan stratégique de formation, des outils ponctuels ont pu être développés pour construire les activités de renforcement de capacités des acteurs de la réforme. Il est à citer entre autres le Guide GFD, le guide VAOFY élaborés par le PNF, ainsi que le manuel de l’AGF développé par le MCA. D’autres composantes comme l’informatisation des informations foncières et la constitution du PLOF n’ont pas pu bénéficier de la production de support de formation. c. Modes opératoires diversifiés Il n’existe pas de standardisation des cursus de formation. Selon les opérateurs ou agents de formation, les modes de formation varient. Le cursus le plus fourni semble être celui dispensé par la Cellule Foncière d’Alaotra (CFA) qui prévoit une formation initiale théorique bloquée de 3 mois et une formation pratique sur terrain de deux mois et demi, avec pas moins de vingt modules enseignés. Il a été constaté dans l’ensemble le manque manifeste de véritables formateurs professionnels calés sur l’andragogie. En l’absence de formation de formateurs, le personnel issu des institutions maîtres d’œuvre de la réforme s’est improvisé formateurs, eux – mêmes ayant appris sur le tas. De même, les supports étaient souvent improvisés. Cette situation serait la conséquence du fait que le foncier soit un thème pointu et spécifique dont très peu d’individus maîtrisent les grandes notions. Par manque de partage et d’échange de connaissances et de savoir – faire, plusieurs acteurs appartenant à des ONG, à des cabinets de prestation, à des projets d’appui interviennent à leur manière au niveau des Communes. De même, les formations dispensées font rarement l’objet d’évaluation ou de test d’assimilation. Il n’y a pas de certification des nouveaux formés. d. Une couverture large des cibles Le bilan en termes de couverture est plutôt positif si l’on considère que tous les cibles de la réforme ont bénéficié au moins d’une séance de formation : institutions académiques, agents de l’administration (centraux et déconcentrés), maires, AGF, CRL, magistrats, etc. Il a été toutefois constaté que dans l’ensemble, les agents de la Région et du District ont été les moins invités aux séances. Ce fait expliquerait en partie le manque de contrôle de légalité des actes fait par le Chef du district. Page | 35 Par ailleurs, les formations ont davantage bénéficié aux techniciens qu’aux dirigeants, et aux acteurs des collectivités qu’à ceux des services fonciers. A titre illustratif, le bilan fait par le PNF (rapport 2010) fait état d’environ 200 heures de formation allouées aux agents CRIF et AGF, de 137 heures pour les agents des services fonciers, de 14 heures pour les élus et 6,5 heures pour les CRL. e. La pérennité et le transfert des savoirs en question Plusieurs efforts ont été menés pour former initialement les premiers acteurs de la réforme. Les formateurs étaient souvent des agents des Cellules régionales du PNF ou des prestataires privés dans le cadre d’un contrat à durée déterminée. Les bénéficiaires des formations sont parfois appelés à changer de fonction ou de localité (maire qui n’est plus réélu, agent démissionnaire, etc.). Le transfert du savoir pour les nouveaux acteurs n’est donc pas assuré en l’absence de structure pérenne de proximité qui puisse renouveler à souhait les compétences. L’INDDL répond en partie à la préoccupation de la formation initiale des agents des collectivités. Il a toutefois le désavantage de la centralisation au niveau de la capitale. Des agences de l’INDDL au niveau des régions auraient résolu la question de la proximité. Dans tous les cas, le développement de cursus de formation « foncier » est urgent lors de l’ouverture de cet institut. La question d’une structure pérenne plus décentralisée ou déconcentrée au niveau local est aussi à considérer. Le rôle des services fonciers ou d’une structure intercommunale dans l’appui aux GF devrait être revu. Page | 36 Section C : Les Recommandations
De manière générale, l’évaluation a ressorti la pertinence des orientations prises dans l’acte 1 à savoir l’amélioration des services offerts par les services fonciers et le transfert de la compétence pour la gestion du foncier aux Communes. Les recommandations générales à l’issue de l’évaluation convergent donc vers la poursuite et l’amélioration des efforts entrepris los de la première phase. Par ailleurs, des recommandations iront dans le sens de l’innovation juridique, technique et institutionnel. La déclinaison des recommandations porteront sur sept axes : 1.
Consolider la politique foncière Malagasy et mettre en synergie avec les politiques sectorielles 2. Structurer le pilotage institutionnel de la réforme foncière 3. Redéfinir les modalités d’appui à la réforme 4. Actualiser la mission des services fonciers 5. Poursuivre et améliorer la décentralisation de la gestion foncière 6. Revoir l’enregistrement des actes, la mutation et la fiscalité foncière 7. Engager de nouveaux chantiers juridiques I. Consolider la politique foncière Malagasy et mettre en synergie avec les
politiques sectorielles
•
Concevoir une politique unique de la gestion foncière à Madagascar avec une disposition particulière pour une gestion active des propriétés de l’Etat A travers son domaine privé, l’Etat est le plus grand et le moins actif de tous les propriétaires. Sans que l’Etat engage des projets d’investissement d’une part, et la propriété domaniale étant exonérée d’impôts d’autre part, les terrains ne lui rapportent rien et il ne connaît même pas la consistance. En dehors du domaine public, il doit valoriser les terrains dont il détient la propriété à travers des procédures d’enchères publiques de vente, de location ou bail, avec des conditions transparentes d’acquisition et de mise en valeur consignées dans un cahier de charges. Le recensement, la cartographie et l’immatriculation des terrains constitue un préalable à cette mesure. Des typologies seront ensuite dressées pour connaître les affectations et les modalités de cession convenables pour chaque type. Les terrains répondant aux critères de la PPNT ainsi que les terrains de tenure collective coutumière seront transférées à la gestion de la Commune. Les terrains urbanisables non – aménagées seront transférés à la gestion des Communes urbaines pourvu qu’elles disposent des ressources financières pour les aménager. Une partie des produits financiers issus des ventes, baux servira à alimenter le Fonds National Foncier. •
Elaborer un Code foncier qui serait un document unique de compilation des textes sur le foncier, Les visions de la gestion foncière dans sa globalité semblent encore cloisonnées et nécessitent une mise en cohérence. Il existe plusieurs législations régissant la gestion des acquisitions foncières à grande échelle, la gestion domaniale, la décentralisation de la gestion foncière, la gestion de la propriété privée titrée, et une batterie de textes concernant les aires à statut spécifique (RFT, AMVR, ZIA, etc.). Par ailleurs, le foncier est le support de toute activité économique, tout aménagement spatial et sert de socle aux ressources naturelles biologiques ou minérales. Il est donc essentiel de pouvoir Page | 37 articuler la politique foncière avec les autres politiques sectorielles, principalement agricole, forestière et minière. II. Structurer le pilotage institutionnel de la réforme foncière
•
Il serait primordial pour le Gouvernement malagasy de réaffirmer la volonté politique pour poursuivre la réforme foncière, et décliner les visions et les grandes orientations. •
Redimensionner le dispositif institutionnel de la réforme foncière et assumer son caractère transversal avec la décentralisation, le développement rural, la gouvernance locale et la fiscalité foncière. Le nouveau dispositif de pilotage, dont le statut resterait à définir, devrait être doté d’une personnalité morale. Etant un programme transversal, l’ancrage pourrait être interministériel, rattaché à la primature ou à la présidence. Il assurerait la coordination des bailleurs de fonds sur toutes les questions foncières et de décentralisation, afin d’harmoniser les différentes interventions, et sortir d’une logique de l’offre pour s’inspirer d’une logique de renforcement des compétences locales basées sur la demande et les capacités locales. Il développerait des partenariats avec le FDL et l’INDDL, organismes d’appui à la décentralisation. •
Les Guichets fonciers communaux doivent pouvoir s’appuyer sur une colonne vertébrale nationale. Le besoin en sera d’autant plus grand si l’option d’un élargissement des tâches des Guichets est effectivement adoptée. Actuellement, c’est la CC PNF qui, avec ses relais régionaux, remplit cette fonction. A terme, si l’on prend en compte la polyvalence souhaitée des Guichets, il serait plus logique qu’un tel organisme prenne un statut d’Etablissement public national d’appui aux communes21, avec un conseil d’administration où les Communes seraient largement représentées. Il reprendrait l’ensemble des personnels qui, au sein de l’actuel CC PNF, exercent déjà ce type de tâches. Provisoirement, en fonction des financements disponibles, il est bien sûr possible de conserver l’unité de l’actuelle CC PNF avec sa double mission de pilotage de la Réforme et d’appuis aux Guichets fonciers, en réactivant cependant la première de ces missions pour préparer l’avenir. •
Les missions de la DRGFD seraient réorientées en priorité vers la modernisation des services fonciers. •
Revoir la composition et les missions du COS qui pourrait s’appeler le Comité de Pilotage de la réforme foncière, ou Conseil d’orientation qui pourrait être présidé par un SG ministériel. •
Revoir le statut et les fonctions de la CCPNF. Etudier la pertinence et la faisabilité du choix parmi les différents statuts proposés par la législation Malagasy : EPIC, EPA, autorité, agence, office. La CCPNF pourrait aussi déléguer la mise en œuvre opérationnelle des appuis à la réforme à d’autres institutions étatiques, paraétatiques ou privées, et se concentrer sur des rôles de conception, de suivi et de gestion de financements. Cette structure allégée lui permettrait de fonctionner avec un budget moins lourd. •
Clarifier les fonctions attendues de l’Observatoire du Foncier, pour lesquelles le statut et le rattachement institutionnel adéquats seront aussi à définir. III. Redéfinir les modalités d’appui à la réforme
Les principales recommandations ici portent sur les modalités d’appui technique et financier pour initier et par la suite pérenniser les activités : •
Tenir compte des contextes spécifiques des Communes, imprimer un rythme basé sur la demande pour les GF. Adopter une approche sélective pour la mise en place des GF et prioriser les Communes qui pourraient viabiliser la structure. Notamment, il faudrait 21
L’organisation de la CC PNF en établissement public figurait d’ailleurs dans les projets initiaux de 2005
Page | 38 concevoir un schéma d’approche dans lequel les Communes contribuent dès le départ à la prise en charge des dépenses d’investissement •
Finaliser et appliquer les conceptions pour le Fonds National Foncier, •
Remettre dans la discussion la Charte de partenariat pour cadrer la collaboration avec les différents partenaires techniques et financiers. •
Réinterroger les questions de dotation de l’Etat central aux guichets fonciers. •
Creuser les questions d’appui à la promotion de la fiscalité financière non – seulement pour les Communes dotées de GF mais aussi pour celles qui voudraient s’investir dans la mise en place du dispositif. IV. Actualiser les missions des services fonciers
La suite de la mise en œuvre de la modernisation devrait sortir du simple cadre technique de la modernisation mais revoir les questionnements généraux sur l’actualisation des titres fonciers par rapport aux occupations de terrain. Partant de l’hypothèse qu’il est techniquement impossible de mettre en œuvre le plan de reconstitution, il est proposé de : •
Concevoir une innovation juridique basée sur un plan de constatation des occupations actuelles sur les propriétés titrées et une actualisation systématique des inscriptions dans les livres fonciers. L’occupant actuel est présumé propriétaire s’il n’y a pas de contestations avérées, une disposition de confrontation opposable aux tiers étant mise en place. Un délai de recours pendant une période de 20 ans est mise à disposition des éventuels contestataires pour contester du droit de l’occupant actuel. Au – delà des 20 ans, le droit de recours est prescrit et n’est donc plus recevable. •
Etablir la vision à long terme concernant l’objectif de l’informatisation, cette vision pourrait influencer en amont sur les fonctions de conservation et les modules de formation à l’ENAM. La plupart des composantes d’intervention concernant la restructuration des services fonciers ont déjà été identifiées dans les études citées dans la partie diagnostic. Il manque l’accompagnement effectif pour la mise en œuvre de ces activités. Toutefois, il est important de : •
Etablir un état des lieux avant d’engager la suite des activités : utilisation des matériels dotés par les bailleurs de fonds, nombre de matériels en état de marche – en panne ou disparus. •
Mener un audit institutionnel et organisationnel qui devrait aboutir à une nouvelle organisation des services fonciers, à la conception d’un plan de relève des SF incluant entre autres les prévisions annuelles du nombre de nouveaux sortants des différents instituts de formation, l’inventaire des compétences ou diplôme requis pour chaque poste et l’âge de chaque fonctionnaire. V. Poursuivre et améliorer la décentralisation de la gestion foncière
•
Elargir le rôle du GF La principale recommandation concernant le dispositif technique concerne l’élargissement des compétences des GF à toutes les missions communales relevant de l’information foncière. Il est proposé d’élargir progressivement le champ d’activité des Guichets vers une série de services connexes à leur fonction initiale : 1.
Maintien de l’activité principale de certification de la propriété et de conservation de la documentation correspondante ; 2. Prise en charge de l’élaboration des bases fiscales de l’impôt sur les terrains et de l’impôt sur les constructions, dont la gestion a été transférée aux communes Page | 39 3. Encourager l’enregistrement local22 des actes sous seing privé (« petits papiers ») et, en particulier, l’enregistrement des contrats de métayages. 4. Renseignement objectif du public sur toutes les questions foncières, y compris les procédures traitées ailleurs qu’au guichet. 5. Missions éventuelles de conseil. Par exemple, en matière de succession, on pourrait concevoir un bref document de sensibilisation disponible dans les guichets, que les agents, eux‐mêmes été sensibilisés, seraient capable d’utiliser ou commenter pour répondre aux questions de base et inciter les héritiers à ne pas rester en indivision, source récurrente d’insécurité futurs. 6. Application des règles environnementales et d’urbanisme, et d’aménagement du territoire communal, 7. A termes, lorsque les esprits auront évolué, il existera une logique à ce que les Guichets communaux soient utilisés comme relais locaux par les Services fonciers, non pas pour s’y substituer, mais pour transmettre les informations, pour recueillir les demandes, etc. •
Intégrer les Guichets dans une logique de gouvernance communale A l’origine, les guichets fonciers ont souvent été créés dans une « logique de projet », avec le soutien de bailleurs de fonds. Ils étaient les outils d’une action politique et d’une seule : reconnaître la « propriété privée non titrée » par la délivrance de certificats fonciers en grand nombre, pour répondre à une demande de sécurisation qui était jugée « massive » et qui devait assurer rapidement l’équilibre financier de ces Guichets. A l’expérience, on se rend compte que la mise en place du GF devait répondre à une demande sociale (et pas simplement à une demande solvable de certificats) et que si cette reconnaissance de la propriété était placée sous l’autorité politique du maire, cela ne pouvait fonctionner que dans une logique d’amélioration générale de la gouvernance communale dont le Guichet serait l’outil technique dans les domaines du foncier. L’installation d’un Guichet devrait donc s’appuyer davantage sur une analyse de la capacité technique, financière et humaine de la commune à assumer cette nouvelle compétence foncière. •
Développer la profession du foncier Il s’agit dans un premier temps d’intégrer un cycle de formation initiale à la gestion foncière décentralisée au cursus de l’INDDL avec des promotions de l’ordre d’une centaine de diplômés chaque année. Par ailleurs, une professionnalisation de la formation aux métiers du foncier est à instaurer par le biais de formation « qualifiante » de formateurs certifies ou attestés (ONG, cabinets de prestation). L’absence d’attestation sera un critère pour le refus des services d’un formateur. VI. Revoir l’enregistrement des actes, la mutation et la fiscalité foncière
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Revoir les coûts et les procédures de mutation Les constatations du blocage de la mutation des titres fonciers, d’une part, par les coûts d’enregistrement des actes (non seulement les 6 % de droit d’enregistrement mais surtout l’imposition de l’IPVI) laissent planer les mêmes inquiétudes sur les mutations des CF si les mêmes démarches sont demandées. Il est généralement connu que les terrains objet de certification sont des petites parcelles de moins de 0,6 ha donc de faible valeur marchande. La crainte de l’imposition excessive de l’enregistrement entraînerait les titulaires de CF vers l’informel. De même, afin d’assurer la cohérence avec la logique de proximité de la GFD, il conviendrait de revoir les dispositions juridiques en cours afin que l’ensemble des procédures de mutation puissent 22
Il faudra cependant expertiser les pratiques communales d’authentification des signatures et de conservation des documents. Page | 40 être effectué au niveau communal, dans le cadre d’un processus simplifié. Les droits de mutation devraient également être établis de façon à avoir un caractère incitatif. •
Renforcer la fiscalité foncière annuelle Outre les dispositions techniques pour l’amélioration de la fiabilité du recensement, il conviendrait de renforcer la relation propriétaire – contribuable et rendre le propriétaire explicitement redevable. La formulation de l’article 10.01.02 du Code général des impôts est trop vague puisqu’il rend redevable de l’impôt foncier « les propriétaires ou les occupants effectifs au 1er janvier de l’année d’imposition » sans autre précision. Il est donc proposé de modifier cet article comme suit : « le redevable de l’impôt est le propriétaire ou, en l’absence de propriétaire connu, l’occupant effectif au 1er janvier de l’année d’imposition ». Cela aurait pour effet d’interdire ou de rendre difficiles les revendications abusives de propriété en marquant le lien entre les qualités de propriétaire et de contribuable. VII. Assainir et engager de nouveaux chantiers juridiques
•
Réaffirmer l’unité de droit de propriété Les différents textes sortis dans la première phase devraient être rendus cohérents entre eux. Il semble notamment que le contenu des textes sortis sur la PPNT et la PPT induisent des notions d’asymétrie de droits et d’hiérarchie qu’il convient de dépasser en adoptant une Loi unique sur la propriété avec deux systèmes de preuves. Cette loi redéfinirait les prérogatives attachées au droit de propriété, ainsi que ses limites (en particulier les différents types de servitudes de droit public et de droit privé) ; elle organiserait ses deux systèmes de preuves formelles : 1.
La preuve par le titre foncier reposant sur une filiation continue de transmissions depuis l’immatriculation initiale du terrain, donc sur la conservation publique d’une documentation foncière sans faille, engageant la responsabilité de l’Etat au cas où les droits des tiers n’auraient pas été respectés. 2. La preuve par le certificat foncier reposant sur le constat observable d’un état de fait lors de son attribution, mais ne garantissant pas le titulaire contre l’existence éventuelle de droits des tiers. •
Prescrire de vingt ans les recours des ayants droit. La réapparition d’un vieux titre ou d’un ancien plan de bornage dont l’existence n’était pas connue, ou la revendication de descendants de cohéritier sur un même terrain, ou d’un ancien propriétaire sont sources de litiges et d’insécurité. Une innovation juridique serait d’introduire le principe général d’un délai de prescription des recours possibles des ayants droit contre les tiers : le propriétaire (ou les propriétaires successifs) d’un bien qui serait resté trop longtemps sans engager aucune action contre un tiers ayant porté atteinte à ses droits, ne serait plus recevable à le faire, une fois passé un certain délai. Le délai minimum proposé est de 20 ans. •
Revenir sur l’irréversibilité du régime de l’immatriculation Lorsque la chaine de conservation depuis l’immatriculation originale est cassée (détérioration ou perte des documents), le système devient une cause d’insécurité et de blocage des procédures de sécurisation. Dans la proclamation du caractère « définitif et inattaquable » du titre foncier, ce n’est pas le droit du propriétaire sur le terrain titré qui est définitif et inattaquable, mais seulement le fait que le terrain soit titré. Et cette irréversibilité est davantage porteuse d’insécurité que de sécurité. Aujourd’hui, il serait plus économique et réaliste, lorsque l’on se trouve en présence d’espaces anciennement immatriculés, où existe de facto une possession paisible et incontestée, de pouvoir procéder à la simple certification de cette possession. Il convient donc simplement de rendre possible la délivrance de certificat foncier sur un terrain anciennement titré sans qu’il puisse en Page | 41 résulter aucun dommage pour un ayant droit disposant d’un titre, à charge pour l’ayant droit lésé de na pas attendre plus de vingt ans pour réagir. De même, sur un terrain où les titres ont disparu, la procédure du certificat présenterait moins de risque, étant toujours précisé que le certificat est délivré « sous réserve du droit des tiers ». Pour le foncier urbain, la mise en œuvre de la prescription contre les recours et la suppression de l’irréversibilité de la propriété titrée ouvriraient un champ nouveau pour la GFD. Celle‐ci devrait cependant être accompagnée par des procédures adaptées à ce contexte, alors que celles en cours ont été élaborées sur la base de contextes largement ruraux. •
Repréciser les critères de certification de la propriété L’appropriation du sol pouvant donner lieu à reconnaissance par un certificat foncier est défini comme « une détention du sol se traduisant par une emprise personnelle ou collective, réelle, évidente et permanente, selon les usages du moment et du lieu ». Selon l’interprétation qui est faite, une telle définition exclurait les aires de pâturage dont le caractère saisonnier n’est souvent ni « évident », ni « permanent » alors que ce propriétaire est bien identifié par le voisinage et unanimement considéré comme légitime. En pratique, la délivrance d’un certificat foncier fait intervenir davantage les notions de légitimité et de consensus social du voisinage, que l’aspect « évident » et « permanent » de l’emprise du propriétaire. Il faudrait donc faire correspondre ces termes aux pratiques locales. De même, il faudrait créer une personnalité morale aux droits collectifs. •
Autoriser le métayage Se conformer aux dispositions de l’Ordonnance 74.022 du 20 juin 1974 qui interdit le métayage et qui ne reconnaît donc pas la pratique, créerait davantage d’insécurité pour le propriétaire et le métayer alors qu’elle est largement répandue à Madagascar. A fin de rapprocher le légal du légitime, il serait utile d’autoriser les différentes pratiques de métayage et de fermage. Afin de sécuriser les deux parties (le propriétaire contre d’éventuelles usurpations de propriété, et le métayer par rapport à des intentions de vente du terrain par le propriétaire), les terrains sous contrat seront inscrits dans les registres (parcellaires, foncier) en tant que grevés d’une charge. Par ailleurs, un contrat standard officiel passé entre le propriétaire et le métayer sera légalisé et conservé par la Commune. Page | 42