Assurance vol : l`écueil de l`absence d`effraction

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Assurance vol : l`écueil de l`absence d`effraction
Assurance vol : l’écueil de l’absence d’effraction
Cass. 1ère civ., 6 avril 2016, n° 14-29.611, inédit
Assurance vol – Effraction définie par le contrat – Absence d’effraction au sens du
contrat –garantie non due
Obs. : La preuve d’une effraction au sens du contrat d’assurance n’étant pas
rapportée, l’assureur n’est pas tenu à garantie
La mise en œuvre des garanties vol est souvent mal vécue par les assurés. Nul doute que
l’arrêt rendu le 19 mai 2016 ne parviendra pas à atténuer l’amertume et la rancœur qui
les animent à l’égard des assureurs.
La décision est cependant parfaitement rigoureuse sur le terrain du droit. En l’espèce, un
assuré avait souscrit un contrat le garantissant contre le vol commis à l’intérieur de son
domicile à la suite d’une effraction. Celle-ci était définie dans ledit contrat comme « le
forcement, la dégradation ou la destruction de tout dispositif de fermeture ou de tout
élément de clos et de couvert des locaux assurés ».
Un cambriolage étant survenu, l’assuré avait sollicité son assureur. Celui-ci avait refusé
sa garantie au motif qu’aucune infraction, au sens du contrat d’assurance, n’avait pu être
constatée par les services de police.
Précisément, si la baie de la véranda était sortie de son logement initial, aucune trace de
pesée n’était recensée. Du reste, les enquêteurs avaient émis l’hypothèse qu’un des accès
au domicile n’avait pas été verrouillé ou encore que l’un des auteurs du vol s’était laissé
enfermer à l’intérieur de la maison.
La définition de l’effraction a pour objet non seulement de délimiter l’obligation de
couverture de l’assureur, en écartant les vols rendus aisés voire inévitables par la
négligence des assurés, mais encore d’inciter ces derniers à faire preuve de prudence et
de prévention. Elle consiste en une condition de garantie (sur les difficultés de
qualification, v. S. Abravanel-Jolly, « Nécessité du maintien de la distinction entre
exclusion et condition de garantie », D. 2012, p. 957), dont la réalisation doit être
prouvée par l’assuré, conformément aux principes gouvernant la charge de la preuve (v.
déjà, R. Perrot, « La charge de la preuve en matière d’assurance », RGAT 1961, p. 5). Cette
condition sera aisément établie lorsque les services de police en font la constatation ;
elle ne pourra être remplie lorsqu’ils se prononcent fermement dans le sens d’une
absence d’effraction. Toutefois, cela suppose que l’effraction reçoive la même définition
dans les clauses de la police d’assurance et dans le vocabulaire des effectifs de la police
scientifique. Rien n’oblige en effet les parties à un contrat d’adopter la définition légale,
lorsqu’elle existe, des termes de leur accord. Il faut et il suffit que la définition
alternative adoptée conventionnellement soit claire et précise. Ainsi, si selon l’article
132-73 du Code pénal, « l'effraction consiste dans le forcement, la dégradation ou la
destruction de tout dispositif de fermeture ou de toute espèce de clôture. Est assimilé à
l'effraction l'usage de fausses clefs, de clefs indûment obtenues ou de tout instrument
pouvant être frauduleusement employé pour actionner un dispositif de fermeture sans
le forcer ni le dégrader », la police d’assurance peut retenir une autre définition.
Cela étant, pour la victime du vol, deux pistes auraient pu être explorées. La première,
celle de l’irrégularité ou de l’inopposabilité de la clause (rappr. Cass. Com., 16 nov. 2010,
n° 09-17.435), était sans doute fermée en l’espèce. La seconde, celle de la clause abusive,
avait peu de chance de mener au succès, même si, récemment, la Cour d’appel de Paris a
jugé abusive une clause d’un contrat garantissant le vol de véhicule commis par
effraction, en ce qu’elle limitait les moyens de preuve de l’effraction et en ce que les
moyens retenus ne correspondaient plus à la réalité des techniques modernes mises en
œuvre pour le vol de véhicule, s’agissant d’un véhicule à clef électronique (CA Paris, pôle
2, 5ème ch., 22 sept. 2015, n° 14/14596). Les clauses relatives à la preuve sont en effet
vues d’un mauvais œil aussi bien par la Cour de cassation (Cass. 2ème civ., 10 mars 2004 :
Bull. civ. II, n° 101 ; RGDA 2004. 644 et J. Kullmann, « De l’aménagement contractuel de la
preuve du vol à la liberté de la preuve du sinistre… la Convention Européenne des Droits
de l’Homme à l’assaut du contrat d'assurance », RGDA 2004. 541 ; RCA 2004, comm.
n° 199 et chron. n° 20 par D. Noguéro. – adde, M. Robineau, « Regard critique sur la
jurisprudence protectrice des assurés contre le vol », JCP G 2005, I, 151) que par la
législation sur les clauses abusives (v. l’article R. 132-1, 12° c. consom., pris en
application de l’actuel art. L. 132-1, texte abrogé par l’ordonnance n° 2016-301 du 14
mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation, déplacé à l’article
L. 212-1).
En l’espèce, aucun aménagement de la charge de la preuve n’avait été institué par le
contrat et aucune inadéquation de la définition de l’effraction aux techniques employées
par les cambrioleurs ne pouvait être déplorée. Faute d’établir l’effraction, l’assuré n’a
donc pu prouver que les conditions de la garantie étaient réunies et n’a pu obtenir
indemnisation.
Matthieu Robineau
Cass. 1re civ., 6 avril 2016
N° 14-29.611, inédit
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Douai, 30 octobre 2014), que M. X... a conclu avec la
société Assurances Banque populaire un contrat le garantissant de tout vol commis à
l’intérieur de son domicile à la suite d’une effraction, définie dans ledit contrat comme «
le forcement, la dégradation ou la destruction de tout dispositif de fermeture ou de tout
élément de clos et de couvert des locaux assurés » ; qu’alléguant avoir été victime d’un
cambriolage, M. X... l’a assignée en réparation de ses préjudices ;
Attendu que M. X... fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes ;
Attendu que l’arrêt retient qu’il résulte du procès-verbal de synthèse établi par les
services de gendarmerie que, si la baie de la véranda était sortie de son logement initial,
aucune trace de pesée n’était recensée, que M. et Mme X... avaient précisé qu’en leur
présence, ils laissaient ouverte la porte du garage située à l’arrière de la maison, que
Mme X... s’était absentée pour faire une course et qu’à l’issue de leurs constatations de
police technique et scientifique, les enquêteurs avaient conclu à l’absence d’effraction,
retenant, comme hypothèses, le non-verrouillage de l’un des accès au domicile ou la
volonté du ou des auteurs de se laisser enfermer à l’intérieur de la maison ; qu’au regard
de ces constatations, la cour d’appel a, sans dénaturation, souverainement estimé que la
preuve d’une effraction au sens du contrat d’assurance n’était pas rapportée ; que le
moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;