Concentration géographique et spécialisation sectorielle, Quel

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Concentration géographique et spécialisation sectorielle, Quel
Concentration géographique et spécialisation sectorielle,
Quel schéma pour l’Algérie ?
SAADAOUI Mouhamed1
BOULAHBEL Samira2
Résumé :
L’objectif de ce travail est de voir si les activités économiques sont concentrées
géographiquement en Algérie, et si oui, au profit de quelles régions. Aussi, par rapport à la
spécialisation, les zones spécialisées et les spécialités vers lesquelles elles s'orientent seront
identifiées.
Pour se faire, les indices de concentration et de spécialisation d’Herfindhal, Krugman et Gini
seront mesurés afin de déterminer les régions et les secteurs les plus concentrés.
Mots clés : concentration, spécialisation, indices, Herfindhal, Krugman, Gini.
Abstract:
The objective of this work is to see if economic activities are concentrated geographically in
Algeria, and if so, in what regions. Specialized areas and specialties to which they are moving
will be identified. To do so, the concentration ratios and Herfindahl specialization, Krugman
and Gini are measured to determine the regions and the most concentrated sectors.
Keywords: concentration, specialization, indices, Herfindahl, Krugman, Gini
1
Attachée de recherche C.R.E.A.D. E-mail : [email protected]
2
Attachée de recherche C.R.E.A.D. E-mail : boulahbel.samira@ yahoo.fr
Introduction :
La prise en compte de l’hétérogénéité des territoires en économie industrielle a permis
d’enrichir l’analyse des phénomènes économiques. En effet, le territoire joue un rôle
important dans la création d’entreprises, dans la compétitivité entre entreprises, mais surtout
dans le choix de localisation de ces dernières.
L’hétérogénéité de l’espace se traduit généralement par la répartition inégale des activités
économiques sur le territoire. Ainsi la concentration géographique des activités économiques
dans une région particulière, engendre un ensemble d’externalités positives, telles que la
réduction des coûts de transport, l’élargissement de la taille des marchés, la création de
marchés locaux de biens et services intermédiaires spécialisés et l’établissement de réseaux
d’information. La concentration spatiale des activités génère aussi d’autres facteurs de gains
de productivité en permettant aux entreprises de bénéficier d’un bassin d’emploi spécifique et
d’accroître leur flexibilité et leur capacité d’innovation.
L’explication de la distribution inégale des activités économiques dans un territoire et
l’importance des relations entre les activités ne peut se faire sans l’évaluation de la
concentration géographique et la spécialisation régionale des activités.
La concentration géographique d'un secteur s'attache à mesurer la façon dont les effectifs de
ce secteur se répartissent à l’intérieur d’une zone spécifique. Une industrie spécifique est
considérée comme « concentrée » si une grande partie de la production est réalisée dans un
nombre réduit de régions.
Quant à la spécialisation régionale (qu’on appelle aussi : concentration sectorielle), elle est
définie comme étant la distribution du poids d’un secteur dans l’activité économique totale
d’une région spécifique. Une structure industrielle d’une région est dite « fortement
spécialisée » si un nombre réduit d’industries a un grand poids dans l’ensemble des industries.
L’élaboration d’indicateurs clairs, cohérents et transposables à la diversité des régions n’est
pas très simple. Effectivement, pendant longtemps, le PIB/habitant a été utilisé pour mesurer
les inégalités économiques. Cependant cet indicateur reste une mesure simple mais pas
suffisante.
C’est avec les travaux fondateurs de Paul Krugman (1991) que la nouvelle économie
géographique et que plusieurs indicateurs permettant d’appréhender le degré d’inégalité
spatiale ont été génères.
Ces indicateurs sont comparables entre secteurs et entre zones géographiques, et permettent
de mesurer la concentration géographique et la spécialisation régionale. Ils peuvent être
absolus ou relatifs. Les indices absolus caractérisent la distribution géographique d’une
variable sans référence à une autre variable, tandis que les indices relatifs définissent la
concentration d’une variable en prenant comme référence la distribution géographique d’une
autre variable. A titre d’exemples : les indices d’Herfindahl et Gleaser pour les indices
absolus et l’indice de Gini et de Hoover pour ceux relatifs. Tous ces indices peuvent mesurer
et la concentration géographique et la spécialisation régionale.
C’est dans ce cadre que le présent article s‘intéresse à la répartition spatiale des entreprises
Algériennes sur la période 2001-2009.
L’objectif de ce travail est de voir si les activités économiques sont concentrées
géographiquement en Algérie, et si oui, au profit de quelles régions. Aussi, par rapport à la
spécialisation, les zones spécialisées et les spécialités vers lesquelles elles s'orientent seront
identifiées.
Pour cela, la première section de l’article examinera la répartition géographique des
entreprises en Algérie en considérant deux facteurs : la superficie et la taille de la population
des wilayas. Ensuite, dans la deuxième section la méthodologie adoptée et les indices utilisés
seront définis. Enfin, la dernière section soulèvera la question de la concentration et la
spécialisation en Algérie. Une Conclusion résumera l’essentiel du travail effectué.
I. Répartition spatiale des entreprises algériennes:
Avant de regarder la concentration et la spécialisation des entreprises en Algérie, il est
intéressant de décrire brièvement leur répartition spatiale.
Selon les résultats du Recensement Economique de 2011, il existerait 959 718 entités
économiques réparties sur tout le territoire national.
Plus de la moitié de ces entreprises activent dans le secteur du commerce (55.1%) et près de
34% d’entre elles appartiennent au secteur des services. Les entreprises industrielles ne
représentent que 10.1% des entreprises avec un taux de 2.6 entreprises par 1000 habitants.
La structure sectorielle des activités au niveau des régions est quasi identique à celle du
niveau national avec près de 90% de l’activité qui est concentrée au niveau du secteur
tertiaire.
Près de deux entreprises sur trois sont implantées dans le nord de l’Algérie (66.1%), et une
entreprise sur quatre dans les Hauts plateaux. Le grand Sud quant à lui n’accapare que 8.9%
des entreprises.
La région du Nord englobe donc le nombre le plus important d’entreprises en particulier la
région Nord-Centre qui détient plus de 33% des entreprises. Avec plus de 99 000 entreprises,
Alger enregistre le nombre le plus élevé d’entreprises, suivie d’Oran (53 537 entreprises), de
Sétif (48 238 entreprises) et de Tizi Ouzou avec 39 722 entreprises. Ces quatre wilayas
canalisent plus de 25% des entités économiques.
Graphique 1 : Répartition des entités économiques selon les différents secteurs d’activités (à gauche),
Répartition des entités économiques par secteur dans chaque région(à droite)
70,0
60,0
33,9
10,1
50,0
0,9
Industrie
Construction
Commerce
55,1
Services
40,0
30,0
20,0
10,0
0,0
Industrie
Construction
Commerce
Services
Les éléments qui viennent d’être présentés mettent en exergue deux éléments importants :
l’inégalité de la répartition des entreprises et la domination des secteurs Commerce et
Services dans les différentes régions. Ce constat suggère, d’une part, que les créations
d’entreprises en Algérie ne se distribuent pas de manière homogène sur l’ensemble du
territoire et, d’autre part, que les créateurs d’entreprises s’orientent particulièrement vers deux
secteurs spécifiques (le commerce et les services. Afin de mettre en évidence la concentration
géographique des activités économiques et la spécialisation sectorielle, il est préférable de
mettre en œuvre des méthodes statistiques plus adéquates.
Dans ce cadre, la section suivante
présentera les indicateurs utilisés pour mesurer la
concentration géographique. Il s’agit des indices d’Herfindhal, Krugman et de l’indice de
Gini.
Graphique 2 : Distribution des entités économiques selon le Recensement Economique 2011
II- Méthodologie :
1. Les données :
A défaut d’avoir des données sur le nombre d’emplois et sa structure par wilaya, cette
analyse de la concentration géographique des activités utilise comme entités de base les
entreprises. La base de données exploitée est celle relative au Centre National du Registre du
Commerce (CNRC).
L’information est disponible au niveau de la wilaya. Au total, 1 233 036 entreprises
immatriculées ont été enregistrées au CNRC durant la période allant de 2001 à 2009. Ces
entreprises sont réparties selon cinq secteurs d’activité : i) le commerce de détail, le
commerce de gros, les services, l’import et l’export et la production industrielle et les BTPH.
Selon la nomenclature du CNRC, neuf régions sont définies : le nord-centre, le nord-est, le
nord-ouest, les hauts plateaux-centre, les hauts plateaux-est, les hauts plateaux-ouest, le grand
sud, le sud-est et le sud-ouest.
2. Les indices :
Malgré le regain d’intérêt qu’a suscité la concentration géographique des activités
économiques dans la littérature économique au cours de ces dernières années, il est
impossible de trouver un indicateur de concentration spatiale idéal pouvant être à la fois
comparable entre secteurs et entre zones géographiques, insensible aux changements de
définitions des secteurs ou des régions, et ne nécessitant pas beaucoup de données.
Dans ce travail, les trois indices retenus sont ceux qui sont généralement utilisés dans la
littérature économique. Il s’agit de l’indice d’Herfindahl, de Gini et de l’indice de Krugman.
Ces indices mesurent et la concentration géographique d'un secteur et la spécialisation
régionale étant donné qu’il suffit d'intervertir les rôles joués par les découpages sectoriels et
géographiques pour passer d'un indicateur de concentration géographique à un indicateur de la
spécialisation locale

L’indice d’Herfindahl
L'indice de concentration géographique d’Herfindahl est souvent utilisé en économie
industrielle notamment pour sa simplicité.
L’indice d’Herfindahl de spécialisation est donné par :
=
Où
le poids de l’emploi dans le secteur d’activité j de la région i parmi l’emploi total de la
région i.
Pour la concentration géographique, l’indice d’Herfindhal est défini par :
=
Où représente le poids de l’emploi dans le secteur d’activité j de la région i parmi l’emploi
total du secteur j.
Cet indice prend la valeur maximale de 1 quand tous les effectifs du secteur sont concentrés
dans une seule zone et prend la valeur minimale (1/R) quand les effectifs sont répartis
équitablement entre les R zones.
La simplicité de cet indicateur représente aussi son inconvénient principal. L’indice
d’Herfindahl ne tient pas compte de la structure globale des effectifs par secteur et par zone et
ne considère pas l’effet de taille.

L’indice de Gini :
Cet indice fait parti des indices relatifs empruntés à un autre champ de la théorie
économique. En effet, cet indice a été utilisé d’abord pour mesurer les inégalités de revenus
entre individus, et a été par la suite, appliqué à l’économie spatiale pour mesurer la répartition
des activités économiques.
L’indice de Gini mesurant la spécialisation de la région i est donné par :
=
Avec : Rj =
2
λ
−
;
R = la moyenne du Rj pour les secteurs ;
λj = la position du secteur j dans le classement par ordre croissant des Rj .
Plus ce coefficient est élevé et plus la zone étudiée est spécialisée dans un ou plusieurs
secteurs d'activités.
L’indice de Gini relatif à la concentration géographique d’une région :
=
Avec :
Ci=
2
̅
λ(
− ̅)
;
m=le nombre des régions ;
C=la moyenne du Ci pour les régions ;
λi= la position de la région i dans le classement par ordre croissant des Ci.
Plus l’indice de Gini de concentration est élevé, plus la concentration globale de l’emploi est
importante.

L'indice de de Krugman :
L'indice de Krugman représente la différence entre la structure industrielle de la zone
d'emploi étudiée et le reste de la région. Il est égal à la somme des écarts en valeur absolue
entre la structure industrielle d’une zone et celle du reste du territoire de référence. Cet indice
varie entre 0 et 1.
L’indice de Krugman de spécialisation est donné par:
DSRi=∑
Et l’indice de Krugman de la concentration :
DCRj=∑
−
−
Après avoir présenté la base de données exploitée et défini les indices qui seront utilisés, la
prochaine section traitera de l’évolution de ces derniers en Algérie sur la période allant de
2001 à 2009.
III. Étude de la concentration des activités économiques en Algérie :
1. Étude de la concentration géographique des activités économiques :
Les évolutions de la concentration géographique au sens de Krugman et de Gini sont
quasiment identiques.
Les indices de concentration géographique, calculés de manière agrégée sur les secteurs
d’activités, mettent en évidence des différences entre les secteurs : le secteur de l’importexport se distingue avec la concentration la plus élevée. Le deuxième secteur présentant une
dispersion moindre que les autres est le commerce de gros.
Le secteur le plus dispersé est celui des services, ce qui semble logique vu que les services
sont essentiellement liés au phénomène urbain.
Graphique : Concentration géographique des activités économiques par secteur d’activité
Selon l’indice de Krugman (à gauche) et de Gini (à droite)
1,40
0,80
1,20
0,70
Commerce de
Detail
1,00
Services
0,80
0,60
Production
Commerce de
Detail
0,60
Services
0,50
0,40
Production
industrielle et
BTPH
0,30
Commerce de
gros
0,20
Import et
Export
2009
2008
2007
2006
2005
2004
2003
2002
2001
0,00
Commerce de
gros
0,20
0,10
Import et
Export
0,00
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
0,40
Tableau : Concentration géographique des activités économiques par secteur d’activité
Selon l’indice d’Herfindhal, de Krugman et de Gini
Secteurs
Commerce de Détail
Herfindhal
Krugman
Gini
Commerce de gros
Herfindahl
Krugman
Gini
Import et Export
Herfindahl
Krugman
Gini
Production industrielle et BTPH
Herfindahl
Krugman
Gini
Services
Herfindahl
Krugman
Gini
2001
2009
0,04
0,14
0,09
0,05
0,12
0,10
0,05
0,30
0,26
0,06
0,41
0,33
0,11
0,70
0,52
0,22
0,81
0,52
0,04
0,31
0,22
0,04
0,18
0,15
0,05
0,17
0,12
0,05
0,10
0,07
2. Étude de la spécialisation des activités économiques :
Que se soit pour l’indice de Krugman ou l’indice de Gini, les régions les plus spécialisées
sont le Sud, les hauts plateaux-est et la région Nord-Centre. Ceci pourrait s’expliquer par
le fait qu’il n’y ait pas beaucoup d’entreprises dans le Sud et les Hauts plateaux-Est et que
celles implantées ne s’orientent que vers le secteur tertiaire. Pour le Nord-Centre, les
secteurs comme l’import-export ne peuvent que se localiser dans cette région vue les
avantages qu’elle offre.
Pour la tendance de l’évolution de la spécialisation, comme pour la concentration
géographique la période 2003-2005 connait un décroissement des indices causé
probablement par les entrées et sorties d’entreprises.
Tableau : Evolution de la spécialisation des régions selon les indices d’Herfindhal, Krugman et
Gini 2001 -2009
Régions
2001
Le Nord-Centre
Herfindahl
Krugman
Gini
Le Nord-Ouest
Herfindahl
Krugman
Gini
Le Nord-Est
Herfindahl
Krugman
Gini
0,31
0,11
0,06
0,32
0,03
0,02
0,36
0,13
0,09
2009 Régions
2001
Les Hauts Plateaux Centre
0,32 Herfindahl
0,32
0,04 Krugman
0,09
0,07 Gini
0,15
Les Haut Plateaux Ouest
0,34 Herfindahl
0,35
0,05 Krugman
0,22
0,06 Gini
0,20
Les Hauts Plateaux Est
0,35 Herfindahl
0,34
0,08 Krugman
0,17
0,08 Gini
0,10
2009 Régions
Le Sud Ouest
0,33 Herfindahl
0,09 Krugman
0,20 Gini
Le Sud Est
0,33 Herfindahl
0,08 Krugman
0,21 Gini
Grand Sud
0,32 Herfindahl
0,08 Krugman
0,09 Gini
2001
2009
0,31
0,42
0,35
0,29
0,23
0,35
0,28
0,25
0,20
0,34
0,22
0,23
0,32
0,18
0,25
0,30
0,15
0,36
Graphique : Evolution de la spécialisation des régions selon l’indice de Krugman (en haut) et l’indice de
Gini (en bas) 2001-2009
0,60
Grand Sud
0,50
Les Hauts Plateaux Centre
0,40
Les Hauts Plateaux Est
Les Hauts Plateaux Ouest
0,30
Le Nord-Centre
0,20
Le Nord-Est
Le Nord-Ouest
0,10
Le Sud Est
Le Sud Ouest
0,00
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
0,80
Grand Sud
0,70
Les Hauts Plateaux Centre
0,60
Les Hauts Plateaux Est
0,50
Les Hauts Plateaux Ouest
0,40
0,30
Le Nord-Centre
0,20
Le Nord-Est
0,10
Le Nord-Ouest
0,00
2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009
Le Sud Est
Le Sud Ouest
Conclusion :
Ce travail nous a permis de faire une analyse descriptive de la répartition des activités
économiques en Algérie.
Nous avons essayé de voir si les activités économiques sont concentrées géographiquement en
Algérie, et au profit de quelles régions.
Le calcul des indices de concentration et de spécialisation de Krugman, Gini et Herfindhal
sur la période 2001-2009 a fait ressortir la région où ce concentre le plus les activités
économiques et qui n’est autre que le Nord du pays.
Par rapport à la spécialisation, le Grand Sud, les Hauts Plateaux-Est et le Nord présente les
régions les plus spécialisées de l’Algérie.
Bibliographie :
[1].«Spécialisation et concentration de l’économie Champ ardennaise : Des activités et des
territoires vulnérables». INSEE. 2006.
[2]. «L’analyse de la concentration géographique du développement économique en
Roumanie». Andreea Iluzia Iacob et Tudorel Andrei 2000.
[3]. «Concentration géographique des activités et spécialisation des départements français».
Michel Houdebine. 1999.
[4]. «L’impact des zones d’activités sur la localisation des entreprises en milieu urbain : le cas
de la périphérie lyonnaise», François MILLION.2004.
[5]. «Construire des indicateurs de spécificité économique des territoires». Guillaume
Gaudron 2007.
[6]. «Economie régionale et urbaine» .Henri Capron. 2009.
[7]. «Economie d’agglomération et productivité des entreprises : estimation sur données
individuelles françaises» Yoann Babesol , Anthony Briant .2008.
[8]. «Economie spatiale : Les mécaniques de l'espace». François PLASSARD. 2000.