Impact de la régulation des vitesses sur un écoulement autoroutier

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Impact de la régulation des vitesses sur un écoulement autoroutier
Impact de la régulation des vitesses sur un écoulement autoroutier
Aurélien DURET (auteur correspondant)
Docteur en modélisation dynamique du trafic
Chargé d’études en modélisation du trafic
Département Mobilités
Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement
25, av François Mitterrand - Case n°1
69674 Bron Cedex
France
Tel : +33 (0)4.72.14.31.74
Fax : +33 (0)4.72.14.31.80
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Christine BUISSON
Directrice de Recherche IFSTTAR
Laboratoire Ingénierie Circulation Transport, unité mixte de recherche ENTPE/IFSTTAR
Rue Maurice Audin
69518 Vaulx-en-Velin Cedex
France
Tel : +33 (0)4.72.04.77.13
Fax : +33 (0)4.72.14.77.12
[email protected]
Mots clés
Écoulement autoroutier, Modélisation dynamique du trafic, Gestion du trafic, Dispositif de
régulation, Régulation des vitesses, Utilisation des voies.
Les résultats présentés dans ce papier sont extraits des travaux de thèse préparés par Aurélien
Duret (Soutenue le 24 Novembre 2010) et intitulés :
Hétérogénéités du trafic autoroutier : identification, quantification, modélisation et impact
sur l'écoulement
Résumé
L’usage des réseaux de transports routiers ne cesse de s’accroître en même temps que ralenti le
rythme de construction de nouvelles infrastructures. Les exploitants autoroutiers ont donc
recours à de nouveaux dispositifs de gestion de trafic tels que la régulation des vitesses. En
France, ce dispositif est utilisé sur autoroute interurbaine, par ASF notamment, afin de prévenir
de l’apparition de la congestion. Si les bénéfices de ce dispositif semblent avérés, aucune étude
n’explique les mécanismes qui permettent de retarder l’apparition de la congestion.
L’objectif de la présentation est d’expliquer comment le dispositif de régulation des vitesses
permet de retarder l’apparition de la congestion.
Ce travail repose sur des données de trafic relevées au cours de l’été 2007 pendant lequel
l’exploitant Autoroute du Sud de la France à mis en place un dispositif de régulation des
vitesses. Cette campagne de mesures a permis de relever en trois points kilométriques de
l’autoroute A7 les temps de passage et les vitesses de chaque véhicule pendant 52 jours, dans
les deux sens de circulation. L’analyse de ces données exhaustives montre que le dispositif de
régulation modifie la répartition des véhicules sur chaque voie de circulation. Une
extrapolation théorique nous permet ensuite d’observer que le débit maximal observé est
supérieur lorsque la régulation des vitesses est active.
A partir de ces observations, des pistes d’explication physique des mécanismes d’efficacité de
la régulation des vitesses sont étudiées. Les premiers éléments montrent que les véhicules se
répartissent mieux sur les différentes voies de circulation. On évite ainsi la sous-utilisation de la
voie lente. Pour expliquer ce phénomène, il est raisonnable de penser que le dispositif de
régulation des vitesses modifie le comportement de changement de voie et que les conducteurs
ont alors davantage tendance à se rabattre vers les voies lentes.
L'immense majorité des études de trafic s'attache à mieux comprendre le lien entre les variables
fondamentales du trafic que sont le débit, la concentration et la vitesse d'une part, et les caractéristiques
dynamiques du trafic qui en résultent (Lighthill, 1955a ; Lighthill, 1955b ;Richards, 1956) telles que les
vitesses de propagation des états de trafic d'autre part. Ainsi les caractéristiques de propagation des
états de trafic sur une voie de circulation, de l'amont vers l'aval ou de l'aval vers l'amont, ont largement
été étudiées ces dernières décennies. Toutefois, des études récentes indiquent que pour les sections
multivoies, les mécanismes physiques engagés lors du passage de l'état fluide à l'état congestionné sont
liés à des caractéristiques spécifiques à chacune des voies au moment qui précède la congestion
(Cassidy, 1999 ; Daganzo, 2002a ; Daganzo, 2002b ; Chung, 2004). En conséquence, il est déterminant
de comprendre les caractéristiques transversales du trafic, notamment en étudiant le fonctionnement
simultané de chaque voie de circulation. Ici, on entend par caractéristiques transversales l'ensemble des
caractéristiques du trafic relatives aux différentes voies d'une section multivoies.
L’objectif de la présentation est d'étudier les niveaux d'utilisation des voies de circulations pour une
section autoroutière à trois voies. Cette étude permet d’expliquer et de mesurer les effets du dispositif de
régulation des vitesses sur les niveaux d'utilisation de chaque voie de circulation et de comprendre ainsi
pourquoi, grâce à ce dispositif, le date d'apparition de la congestion peut être retardée.
Pour cela, le papier s'organise en trois parties.
La première partie du papier présente les principaux travaux de la littérature sur la répartition des débits
par voie.
La deuxième partie du papier présente l'analyse d'un jeu de données autoroutières et montre que la
répartition des débits sur chaque voie de circulation suit une évolution particulière à mesure que le débit
total augmente. Elle montre également que sous certaines conditions, la voie de droite est utilisée en
dessous de sa capacité.
La troisième partie du papier montre que les dispositifs de régulation, tels que l'interdiction de circuler
pour les PL (ICPL pour Interdiction de Circuler pour les Poids Lourds) ou bien la régulation des
vitesses (VSL pour Variable Speed Limit) changent l'allure du schéma de répartition et conduisent à une
meilleure utilisation de la voie de droite.
Le papier se clôt par une analyse qualitative des décisions de changer de voies permettant d'expliquer
les niveaux d'utilisation des voies mesurés dans les données.
1. Revue de la littérature
Sur une section multivoies, en condition fluide, chaque conducteur choisit sa voie de circulation selon
ses propres caractéristiques de conduite et les conditions de trafic environnantes. Il en résulte une
répartition particulière des débits sur chaque voie de circulation (LFD pour Lane Flow Distribution). La
LFD est donc le résultat macroscopique des choix de voie individuels. (Carter, 1999 ; Banks, 2006) ont
établi un lien entre la capacité d'une section multivoies et le niveau d'utilisation de chaque voie. En
conséquence, il est important de comprendre la manière dont se répartit un écoulement sur chaque voie
de circulation : cela apporte un éclairage sur les choix de voie individuels; cela peut également éclairer
sur les caractéristiques globales d'un écoulement multivoies.
A partir de données autoroutières, (Amin, 2005) ont étudié les LFD en fonction du débit total, du site et
de l'heure de la journée. D'une manière générale, la LFD varie en fonction de l'heure de la journée avec
une LFD davantage uniforme en milieu de journée. En régime fluide, la proportion de véhicules sur la
voie de gauche augmente avec le débit total et reçoit davantage de véhicules que les autres voies lorsque
la demande est très élevée. Ces résultats s'accordent avec les observations de (McDonald, 1994) qui
montrent qu'en Angleterre, sur section autoroutière à 3 voies, la LFD évolue avec des tendances
linéaires lorsque le débit total augmente.
(Wu, 2006) propose également une étude de la LFD sur des sections autoroutières allemandes et
américaines à 2 et 3 voies, et montre également que la LFD évolue en fonction du débit total. Les
tendances observées sont cette fois-ci non-linéaires. En effet, à cause de l'absence de filtrage de données,
les données utilisées pour cette étude sont particulièrement dispersées. En conséquence, les états de
trafic analysés ne correspondent pas à des états de trafic stables et fluides. Une analyse complémentaire
serait nécessaire pour tester la sensibilité des résultats à la durée de la période d'agrégation.
Enfin, plus récemment, (Lee, 2010) ont étudié les caractéristiques des LFD sur des sections courantes
ayant entre 2 et 4 voies de circulation. Les auteurs proposent d'utiliser la concentration plutôt que le
débit pour représenter la répartition de l'écoulement sur chacune des voies afin d'analyser cette
répartition de la même manière en fluide, en période de transition et en congestion. Les conclusions de
l'étude sont cohérentes avec les études précédentes, à savoir que la voie de gauche est de plus en plus
utilisée (en proportion) lorsque la concentration totale augmente. Ils mettent également en évidence le
fait que la LFD peut être impactée par la présence de PL.
En somme, la littérature propose différents modèles pour décrire la LFD sur les sections autoroutières
multivoies. Comme le résume le (Highway Capacity Manual, 2001), ces formes semblent dépendre
largement du débit total, de la composition du trafic, de la proximité d'une bretelle d'accès ou de sortie et
du dispositif de régulation entre autres. Toutefois, les effets n'y sont pas décrits principalement parce
qu'ils restent méconnus. Et au-delà de ces premières questions, les effets des dispositifs de régulation sur
les niveaux d'utilisation des voies sont absents de la littérature.
Ces conclusions posent les principales questions auxquelles ce papier tente d'apporter un éclairage :
 Quelles sont les principales caractéristiques les LFD?
 Quelles sont les implications comportementales des LFD observées?
 Quel est l'impact de la composition du trafic sur les LFD?
 Quel est l'impact de la régulation des vitesses sur les comportements de changement de voie et sur
les LFD?
2. Analyse de données
Figure 1 Schéma du site de recueil
Les données utilisées dans cette partie sont issues d'une campagne de mesure menée au cours de l'été
2007 par le concessionnaire autoroutier des Autoroutes du Sud de la France (ASF). Les données ont été
relevées par des boucles électromagnétiques placées aux points kilométriques (PK) 33, 98 et 113 de
l'autoroute A7, dans les deux sens de circulation. Les trois sites de recueil sont assez éloignés pour
considérer qu'en situation fluide, les conditions de trafic y sont indépendantes. En ces lieux, la section
courante présente trois voies de circulation et les bretelles d'entrée et de sortie les plus proches sont à
plus de 5 kilomètres des points de mesure (voir Figure 1).
Dans la suite de ce papier, l'indice 1 fera référence à la voie de droite, l'indice 2 à la voie centrale et
l'indice 3 à la voie de gauche. Les données ont été relevées entre le 24 juillet 2007 et le 9 septembre
2007 et contiennent les temps de passage, les vitesses et les longueurs de chaque véhicule.
1 Traitement des données
Ces données ont été traitées en trois étapes afin de ne conserver que les situations de trafic fluides.
Tout d'abord, l'étape de sélection des données. Cette étape a permis d'identifier et d'éliminer les périodes
de panne des capteurs. Elle a également permis de vérifier que les jours de mesures étaient des jours de
beau temps (route sèche).
Ensuite, l'étape d'agrégation qui consiste à regrouper les données par périodes de 3 minutes. Cette durée
est à la fois assez courte pour présenter des niveaux de demande stables et assez longue pour estimer la
vitesse sur chaque voie de circulation par la moyenne (harmonique) des vitesses individuelles.
Enfin, l'étape d'identification des périodes de trafic fluide. Pour cela, des contraintes de vitesses
minimales ont été imposées. Les vitesses moyennes par voie doivent être supérieures à 125km/h sur la
voie de gauche, 115km/h sur la voie centrale et 90 km/h sur la voie de droite afin de garantir des
conditions de trafic fluide. De plus, l'ensemble des vitesses individuelles doivent être supérieures à
115km/h sur la voie de gauche, 105km/h sur la voie centrale et 85km/h sur la voie de droite. Ces
contraintes de vitesse sont résumées dans le Tableau 1. Le trafic est considéré comme fluide lorsque
toutes ces conditions de vitesse sont satisfaites sur une période de trois minutes.
Vitesse moyenne supérieure à
Vitesses individuelles supérieures à
Voie de droite
90 km/h
85 km/h
Voie centrale
115 km/h
105 km/h
Voie de Gauche
125 km/h
115 km/h
Tableau 1 Conditions de trafic fluide pour une période de 3 minutes
Finalement, le traitement permet d'identifier 105 jours (cumulés sur les trois sites et dans les deux sens
de circulation) au cours desquels les données recueillies permettent d'analyser les périodes de trafic
fluides. Ces jours sont résumés dans le Tableau 2. Il est important de noter qu'un dispositif de VSL a
été mis en place aux niveaux des trois sites de recueil au cours de l'été 2007. Le Tableau 2 distingue
donc les jours sans et avec VSL. Il est important de noter ici que certains PK présentent très peu de
jours d'observation : cela est dû aux pannes capteurs principalement.
Site
PK33
PK33
PK98
PK98
PK113
PK113
Total
Direction
SudNord
Nord Sud
SudNord
Nord Sud
SudNord
Nord Sud
Nombre de jours sans VSL
4
6
20
10
18
3
31
Nombre de jours avec VSL
8
0
9
13
11
3
44
Tableau 2 Nombre de jours d'observation de conditions de trafic fluides
2 Répartition des débits par voie
A partir des données sélectionnées, la répartition des débits par voie (LFD) a été calculée pour chaque
jour d'observation. La section suivante présente les résultats obtenus pour un jour de semaine classique.
Pour représenter la LFD, le pourcentage de débit est calculé sur chacune des voies de circulation.
Observation sur une journée
Le pourcentage sur la voie i est noté pi=Qi /Qtot, où Qi désigne le débit sur la voie i et Qtot le débit total
de la section. Nous avons donc Q1+Q2+Q3=Qtot et p1+p2+p3=1.
La Figure 2 représente l'évolution du pourcentage du débit par voie en fonction du débit total au cours
du vendredi 24 août 2007, au PK98 en direction du sud.
Figure 2 Répartition des débits par voie au cours du vendredi 24 août 2007, PK98 en
direction du sud
Sur cette figure, on observe que lorsque le débit total est faible (environ 1800 veh/h), 50% des véhicules
circulent sur la voie 2, 30% circulent sur la voie 1 et les 20% restant circulent sur la voie 3. Lorsque le
débit total augmente à 2800 veh/h, les voies 1 et 3 supportent la même charge de trafic (autour de 26%)
et la voie 2 supporte alors environ 48% du trafic total. Enfin, lorsque le débit total atteint 4800 veh/h,
les voies 2 et 3 supportent la même charge de trafic (autour de 40%) tandis que la voie 1 ne supporte
plus que 20% du trafic environ.
La Figure 3 montre que ces tendances sont observées de manière récurrente, indépendamment du site,
du sens de circulation, de la composition du trafic (les cas d'activation du dispositif de régulation des
vitesses ne sont pas représentés sur cette figure).
Figure 3 Répartition des débits pour 6 autres jours de mesure sans VSL
Proposition d'un schéma linaire
Même si les données présentées sur la Figure 3 sont légèrement dispersées, la récurrence des tendances
observées nous amène à proposer un schéma simplifié pour représenter la LFD en fonction du débit
total. Il est possible d'imaginer différentes formes de LFD, des plus simples (linéaires) aux plus
complexes (linéaires par morceaux, polynomiales, exponentielles, etc.). Ici, nous n'avons pas de
motivation spécifique à proposer un schéma complexe et nous proposons donc un schéma linéaire. Le
pourcentage de débit sur chaque voie s'écrit alors:
pi = ai + bi . Qtot
où Qtot représente le trafic total pour trois voies de circulation. Il en résulte le schéma de répartition
illustré par la Figure 4.
Figure 4 Représentation linéaire de la répartition des débits par voie
D'après les données A7, les pentes des droites respectent systématiquement : b_1<b_2<0<b_3. La
Figure 4 montre également que le schéma peut être caractérisé par deux points A et B. A est le point de
coordonnées (QA, pA) : il correspond au débit total QA pour lequel les pourcentages des voies 1 et 3
s'égalisent. Les pourcentages de débit par voie respectent alors l'équation suivante :
pA = p1 = p3 = (1-p2)/2
De manière équivalente, B est le point de coordonnées (QB,pB) : il correspond au débit total QB pour
lequel les pourcentages des voies 2 et 3 s'égalisent. Les pourcentages de débit sur chaque voie de
circulation suivent alors la relation suivante :
pB = p2 = p3 = (1-p1)/2
La simplicité de ce schéma linéaire permet de mieux comprendre les implications physiques de la
répartition des débits sur chaque voie de circulation. Il est important de noter que les caractéristiques
des trois droites (pentes et ordonnées à l'origine) du schéma linéaire peuvent être calculées à partir des
coordonnées des deux seuls points A et B. Il est également intéressant de noter que si la proportion de
débit par voie est une fonction linéaire du débit total, alors le débit sur une voie est une fonction
polynomiale du second degré du débit total. La Figure 5 résume les coordonnées des points A et B pour
l'ensemble des jours de mesure.
Figure 5 Points A et B représentant l'égalisation des débits entre les voies 1 et 3 (x)
et entre les voies 2 et 3 (+), sans activation du dispositif de VSL
Sur cette figure, les coordonnées des points A et B ont quelques propriétés intéressantes. Tout d'abord,
pA est relativement constant jour après jour, avec des valeurs comprises entre 25% et 27%. De manière
équivalente, les valeurs de pB sont concentrées entre 41% et 47%. Au contraire, les valeurs de QA et QB
sont plus largement dispersées et les analyses des sections suivantes montrent que ces dispersions sont
liées à la composition en trafic et à l'activation du dispositif de VSL.
Le schéma linéaire donne une indication du niveau d'utilisation de chaque voie de circulation en fonction
du débit total. Il montre que lorsque le débit total est élevé (>4000 veh/h), le pourcentage de débit sur la
voie lente est relativement faible. A partir de l'estimation des paramètres du schéma linéaire, la Figure 6
représente la distribution du pourcentage de débit sur la voie de droite lorsque le débit total est de
4000veh/h.
Figure 6 Histogramme des pourcentages de débit sur la voie lente lorsque
Qtot=4000veh/h
Cette figure souligne une variabilité importante du pourcentage de débit sur la voie 1 entre les jours de
semaine et les jours de week-end. La section suivante concentre donc son analyse sur le niveau
d'utilisation de la voie 1.
Phénomène de U-turn (demi-tour)
La littérature évoque souvent le phénomène de sous-utilisation de la voie de droite. Cette section utilise
le schéma de répartition des débits par voie pour constater, expliquer et mesurer ce phénomène. Pour
cela, elle étudie dans le détail les implications du schéma identifié précédemment. Cette étude montre
que sous certaines conditions, le débit maximum de la voie 1 (de droite) est inférieur à sa capacité
théorique : cette voie est donc sous-utilisée.
Observation du phénomène de U-turn
La Figure 7reprend les données du vendredi 24 août 2007. Sur cette journée, nous avons extrait 4
périodes de 3 minutes (indicées de 1 à 4) correspondant à un débit progressivement plus élevé. Pour
chaque période, le point de fonctionnement de chaque voie est représenté sur un diagramme fondamental
dans le plan (Q,K). Sur cette figure, la droite de pente la plus élevée correspond à la voie 3 (rapide)
tandis que les deux autres correspondent à la voie 2 (centrale) et la voie 1 (lente).
Figure 7 Evolution des points de fonctionnement sur le diagramme fondamental
lorsque le débit total augmente (données A7)
Sur la voie 2 et la voie 3, les débits augmentent continûment (1→2→3→4) lorsque le débit total passe
de 2000veh/h et 4400veh/h. Sur la voie 1, le débit augmente jusqu'à une valeur maximale (1→2→3)
puis chute (3→4) lorsque le débit total continue d'augmenter. Dans la suite de ce papier, nous
désignerons ce phénomène demi-tour par « U-turn ». Ce phénomène indique que le débit de la voie de
droite atteint une valeur maximale Q1* lorsque le débit total atteint une valeur critique Qtot*. Ce
phénomène a été mesuré 51 fois sur les 61 jours sans dispositif de VSL. Le débit de la voie 1 semble
donc avoir la particularité d'être borné par une valeur Q1*.
La LFD décrit la répartition des débits sur chaque voie de circulation : le phénomène de U-turn doit
donc être capturé par la mesure de LFD. C'est ce qu'étudie le paragraphe suivant.
Estimation du débit maximal sur la voie de droite
Il est possible de calculer analytiquement les débits Q1* et Qtot* à partir du schéma de LFD, supposé
linéaire. Le débit de la voie de droite s'écrit alors :
Q1
= p1 . Qtot
Q1
= (a1 + b1.Qtot) . Qtot
Q1
= a1 . Qtot + b1 . Qtot2
Le débit Q1 peut donc s'exprimer comme une fonction du débit total Qtot, cette fonction étant un simple
polynôme du second degré. Pour ce polynôme, il existe un maximum positif pour Q1 si a1>0 et b1<0,
comme l'illustre la Figure 8.
Figure 8 Evolution du débit Q1* en fonction du débit total Qtot, pour a1>0 et b1<0
On peut alors facilement montrer que :
Q1* = -a1/(2 . b1}
Qtot* = -a12/(4 . b1)
De manière équivalente, Q1* et Qtot* peuvent également s'exprimer en fonction des coordonnées des
points A et B : (QA, pA) et (QB, pB) D'après la théorie des ondes cinématiques, le point de capacité C1 de
la voie de droite correspond au point de rencontre entre la courbe d'offre et la courbe de demande (voir
Figure 9).
Il est couramment admis que les voies atteignent leur capacité simultanément. Ici, la LFD montre que
par un phénomène de U-turn, le débit maximum Q1* de la voie 1 est atteint alors que les voies 2 et 3
n'ont pas encore atteint leurs capacités respectives.
Ainsi, la théorie des ondes cinématiques n'est pas suffisante pour évaluer la capacité d'une section
multivoies puisque Q1* n'a pas la définition d'une capacité telle que la définit la théorie des ondes
cinématiques. La conséquence directe est que les données de débit et de concentration agrégées sur
plusieurs voies ne sont pas capables d'évaluer la capacité d'écoulement d'une section. Ainsi, le débit
maximum de la voie de droite ne dépend plus de la théorie des ondes cinématiques mais des
caractéristiques de la LFD. Si les valeurs de a1 et b1 sont telles que Q1*<C1, alors c'est le schéma de
répartition qui donne le débit maximum de la voie de droite. Au contraire, si a1 et b1 sont tels que
Q1*>C1, alors le débit maximum de la voie de droite est tel que le décrit la théorie des ondes
cinématiques.
Figure 9 Schéma du phénomène de U-turn
Prenons un exemple analytique simple pour illustrer ce phénomène. Considérons une section
autoroutière à trois voies sur laquelle le débit maximum observé est de 4500veh/h avec p1=20% et
p2=p3=40%. En considérant que les voies atteignent leurs capacités simultanément, on obtient une
capacité de la voie de droite d'environ 900veh/h, très inférieure à la capacité attendue. Cette incohérence
peut alors être expliquée par le fait que la voie de droite est utilisée en dessous de sa capacité
d'écoulement.
Comment expliquer le phénomène de U-turn d'un point de vue physique ou comportemental? En régime
fluide et lorsque le débit total est faible, les véhicules rapides circulent sur la voie de droite et utilisent
ponctuellement les voies centrale et rapide pour dépasser les véhicules plus lents. Et après chaque
manœuvre de dépassement, les véhicules rapides se rabattent quasi systématiquement sur les voies les
plus à droite. Lorsque le débit total augmente, les véhicules rapides sont davantage contraints par les
véhicules lents et tendent à rester sur leur voie de dépassement. Ils évitent donc de zigzaguer d'une voie
à l'autre entre chaque manœuvre de dépassement. En conséquence, lorsque le débit total est élevé, les
véhicules rapides se maintiennent sur les voies les plus à gauche et seuls les véhicules les plus lents
utilisent la voie de droite. Cette voie devient alors sous-utilisée.
3. Impact de dispositif de régulation
Dans cette section, on étudie l'impact de deux dispositifs de régulation sur la LFD :
en premier le dispositif d'interdiction de circulation des poids lourds de plus de 7,5 tonnes (ICPL) qui est
actif tous les jours de weekend sur l'autoroute A7;
en second le dispositif de régulation des vitesses (VSL) qui est déclenché à la discrétion de l'opérateur de
trafic pendant les jours de forte demande.
1 Impact de l'ICPL
Les PL se caractérisent par une vitesse libre faible et sont généralement considérés comme des
perturbations de l'écoulement. La littérature aborde largement l'impact de la présence de PL sur une
section autoroutière (Elefteriadou, 1997 ; Sun, 2008 ; Chanut, 2005). Deux moyens sont couramment
employés pour prendre en compte l'impact de PL sur une section autoroutière. Le premier consiste à
considérer un coefficient d'équivalence entre le PL et le VL, un PL occupant un espace plus important et
pour une plus longue période qu'un VL (HCM, 2000 ; Chanut, 2005). (HCM, 2000) recommande alors
un coefficient d'équivalence compris entre 1.5 et 4.5 selon le type et les caractéristiques de
l'infrastructure. L'inconvénient de cette méthode est qu'elle ne prend pas en compte les dynamiques des
perturbations engendrées par la présence de PL. Pour répondre à cela, un second moyen consiste à
considérer chaque PL comme une réduction de capacité mobile (Laval, 2009). On arrive ainsi à
modéliser l'initiation et la propagation des perturbations dues à la présence de PL sur une section
autoroutière.
En France, les PL de plus de 7.5 tonnes ont des restrictions de circulation les jours de weekend pendant
l'été. Pour différencier les jours de semaine (lundi→vendredi) des jours de weekend (samedi-dimanche),
les jours de weekend ont été cerclés dans la figure \ref{fig:Points d'égalisation des débits} où sont
représentés les points (QA, pA) et (QB, pB). Sur cette figure, QA varie significativement entre les jours de
semaine et les jours de weekend. Pour 80% des jours de semaine, QA varie entre 2600veh/h et 3200veh/h
tandis que pendant les jours de weekend, QA varie entre 3200veh/h et 4000veh/h. On peut donc affirmer
que la restriction de circulation pour les PL change significativement la manière dont se répartit le débit
total sur les trois voies de circulation. On peut alors suspecter que ces variations affectent directement le
débit maximal Q1* de la voie 1 : c'est ce que montre le paragraphe suivant.
Sur la base des estimations de (QA, pA) et (QB, pB), Q1* a été estimé pour les 61 jours sans VSL. La
Figure 10.a présente l'histogramme de Q1* en différenciant les jours de semaine des jours de week-end.
Pendant les jours de semaine, 80% des estimations de Q1* sont comprises entre 720veh/h et 800veh/h.
Pendant les jours de week-end, les estimations de Q1*sont plus élevées et comprises entre 900veh/h et
1100veh/h.
(a)
(b)
Figure 10 (a) Histogramme du débit maximum de la voie 1 Q1* (b) Variations de Q1*
en fonction de la longueur moyenne des véhicules de la voie 1
Cette observation suggère que le pourcentage de PL sur une section autoroutière a un impact significatif
sur le débit maximum de la voie de droite. Cette tendance est confirmée par la Figure 10.b qui montre
que Q1* décroît (linéairement) lorsque la longueur moyenne des véhicules de la voie de droite augmente.
Par conséquent, la présence de PL sur une section autoroutière augmente la sous-utilisation de la voie 1
car elle diminue significativement le débit maximum observable sur cette voie.
Comment expliquer cette l'influence des PL sur le schéma de répartition des débits par voie d'un point de
vue physique? Nous avons constaté dans la section précédente qu'en présence de véhicules lents sur une
section autoroutière, les véhicules rapides se maintiennent sur les voies les plus à gauche pour éviter de
zigzaguer d'une voie à l'autre et, par conséquent, entraînent une sous-utilisation de la voie de droite.
Lorsque les PL sont absents de la voie de droite, les véhicules rapides effectuent moins de manœuvres
de dépassement et cessent de zigzaguer d'une voie à l'autre. Ils ont alors davantage tendance à se
rabattre sur les voies de droite entre chaque manœuvre de dépassement. Par conséquent, les voies lentes
sont plus (et mieux) utilisées.
2 Impact du dispositif de régulation des vitesses
Le dispositif de régulation des vitesses (VSL) consiste à préconiser une vitesse maximale plus faible
(généralement 110km/h ou 90km/h) afin de l'adapter aux conditions de trafic.
Il peut être utilisé de deux manières :
 lorsque l'écoulement est fluide : l'objectif est alors de retarder l'apparition de la congestion;
 lorsque l'écoulement est congestionné : l'objectif est alors d'avancer la date de disparition de la
congestion.
Au cours de l'été 2007, le dispositif de VSL a été mis en place afin de retarder l'apparition de la
congestion. Lorsque l'opérateur de trafic prévoit une forte demande de trafic sur une journée, il
déclenche (manuellement) le dispositif de VSL dès que le débit dépasse une valeur critique comprise
entre 3000veh/h et 4000veh/h.
La littérature présente de nombreuses références proposant une explication à l'efficacité du dispositif de
régulation des vitesses. Certaines références citent des bénéfices par « son action sur l'écoulement »,
tout en restant très évasif sur les mécanismes sous-sous-jacents (Certu, 1997).
D'autres références soupçonnent le fait que la capacité de l'infrastructure augmente lorsque la vitesse
maximale autorisée est plus faible (Papageorgiou, 2008). Le dispositif de régulation agirait donc sur la
forme du diagramme fondamental. Enfin, certains auteurs évoquent le lien entre la vitesse maximale
autorisée, la distribution des vitesses dans l'écoulement et l'occurrence des manœuvres de changement de
voie. Le dispositif de régulation agirait donc sur le comportement de changement de voie.
Les données utilisées dans ce papier ont été relevées avec et sans dispositif de VSL. Les situations
peuvent donc être comparées afin de tester l'effet du dispositif de VSL sur la répartition des débits par
voie. La Figure 11 présente la LFD du vendredi 27 juillet 2007 au PK 113 en direction du sud pendant
une période d'activation du dispositif de VSL.
Figure 11 Répartition des débits le vendredi 27 juillet 2007 au PK 113 en direction du
sud, pendant l'activation du dispositif de VSL
La Figure 11 montre que la LFD suit des tendances (linéaires) lorsque le dispositif de VSL est activé.
Ce dispositif ne semble donc pas déformer les tendances linéaires observées sans VSL. La LFD
pouvant être totalement définie à partir des points A et B définis précédemment, il suffit donc de mesurer
les nouvelles coordonnées de ces points pour mesurer l'effet de VSL sur la LFD. La Figure 12 résume
les points A=(QA,pA) et B=(QB,pB) obtenus pour les 44 jours de mesures avec dispositif de VSL.
Figure 12 Points A et B représentant l'égalisation des débits entre les voies 1 et 3 (x)
et entre les voies 2 et 3 (+) avec VSL
Cette figure montre que lorsque le dispositif de VSL est activé, les plages de variation de A et B sont
similaires à celles mesurées en l'absence de dispositif de régulation. On constate également sur cette
figure que les points correspondant aux jours de weekend ne se distinguent pas des points
correspondants aux jours de semaine. Cela indique que l'impact (négatif) des PL sur la LFD est atténué
lorsque le dispositif de VSL est activé. Les valeurs de pA augmentent très légèrement avec QA et restent
comprises entre 26% et 28%. Au contraire, les valeurs de pB sont groupées autour de 40%, ce qui est
inférieur à la moyenne sans VSL. Cela signifie que lorsque les débits des voies 2 et 3 s'égalisent,
l'activation de la VSL augmente fortement le pourcentage de débit sur la voie 1.
La Figure 13 représente le pourcentage de débit de la voie 1 lorsque le débit total est de 4000veh/h. En
comparaison à la distribution de ce même pourcentage en l'absence du dispositif de VSL, la voie de
droite est largement plus utilisée lorsque le dispositif de VSL est activé. Cette figure illustre également
le fait que le bénéfice de l'ICPL est moindre lorsque le dispositif de VSL est actif.
Figure 13 Histogramme des pourcentages de débit sur la voie lente lorsque
Qtot=4000veh/h
A partir des coordonnées des points A et B, le débit maximum de la voie 1 Q1* a été estimé. La Figure
14 résume les valeurs de Q1* obtenues pour les 44 jours de mesure avec le dispositif de VSL.
Sur cette figure, Q1* se répartit de manière homogène entre 800veh/h et 1200veh/h. En présence de PL,
on peut conclure que le dispositif de VSL augmente significativement la valeur de Q1*. Elle permet donc
une meilleure utilisation de la voie de droite, ce qui justifie le fait qu'elle retarde l'apparition de la
congestion. En l'absence de PL, les bénéfices du dispositif de VSL sont moins évidents. En conséquence,
les bénéfices de l'interdiction de circuler pour les PL et de la VSL ne se cumulent pas.
Figure 14 Histogramme de Q1*
A noter qu'ici, les propos de cette section se limitent uniquement à une analyse visant à améliorer
l'écoulement routier. D'autres facteurs peuvent également motiver l'activation du dispositif de VSL, afin
de :
 diminuer les nuisances sonores;
 diminuer les émissions de polluants;
 améliorer les conditions de sécurité routière;
 etc.
La Figure 15 résume l'estimation de Q1* et de Qtot* en fonction des différentes combinaisons de
dispositifs de régulation. Il apparaît clairement que lorsqu'aucun dispositif de régulation n'est activé
(cercles vides sur la figure), Q1* est faible et est atteint pour de faible débit Qtot*. Cela signifie que
lorsque la section se charge, la voie de droite atteint rapidement le point de fonctionnement maximal et
le phénomène de U-turn apparaîtra plus tôt. Lorsque l'un des deux dispositifs de régulation est activé
(cercles noirs pour le dispositif d'ICPL et carrés vides pour le dispositif de VSL sur la figure), Q1*
augmente significativement. Toutefois, Q1* est atteint pour un Qtot* plus élevé lorsque VSL est activé.
La figure montre également les effets des deux dispositifs de régulation combinés (carrés noirs sur la
figure). Ainsi, la combinaison des deux dispositifs de régulation montre clairement une meilleure
utilisation de la voie de droite avec une forte augmentation de Q1*. Cela confirme également que les
effets des deux dispositifs de régulation ne sont pas cumulatifs. En effet, si tel était le cas, il apparaîtrait
sur la Figure 15 que les coordonnées des carrés noirs (VSL et ICPL combinés) seraient directement
corrélées aux coordonnées des carrés blancs (VSL uniquement) et des cercles noirs (ICPL uniquement).
Figure 15 Q1* en fonction de Qtot*
4. Implications comportementales
La LFD est en lien étroit avec le comportement de choix de voie et la décision de changer de voie. Il est
donc possible de faire le lien entre les comportements individuels de changement de voie et l'utilisation
globale des voies. Le paragraphe suivant propose une synthèse comportementale à l'ensemble des
observations faites sur les LFD.
Le processus de changement de voies a deux composantes. La première consiste à effectuer des
manœuvres de dépassement en se décalant vers les voies les plus rapides. La seconde consiste à
effectuer des manœuvres de rabattement vers les voies les plus lentes.
Comme on l'a constaté sur les LFD, lorsque le débit est faible, les véhicules conduisent pour la plupart
sur la voie lente. Les véhicules les plus rapides sont parfois contraints par les véhicules plus lents (PL) :
ils utilisent alors temporairement la voie centrale et la voie rapide pour effectuer des manœuvres de
dépassement. \'A la suite de chacune des manœuvres de dépassement, ils retournent sur les voies lentes.
Lorsque le débit total augmente, les véhicules rapides sont de plus en plus gênés par les véhicules plus
lents et effectuent davantage de manœuvres de dépassement. En conséquence, pour éviter de zigzaguer
sans cesse entre les voies lentes et les voies rapides, les véhicules rapides font le choix de ne plus se
rabattre à la suite de leur manœuvre de changement de voie. Ainsi, la voie lente (de droite) devient
mécaniquement sous-utilisée puisque seuls les véhicules les plus lents (PL et les VL les plus lents) y
circulent.
Lorsque l'interdiction de circuler pour les PL est en place les jours de week-end, les véhicules rapides
sont moins gênés par les véhicules lents, les manœuvres de dépassement sont donc moins fréquentes et
les véhicules rapides peuvent retourner plus facilement sur les voies de droite à la suite de chaque
manœuvre de dépassement. En conséquence, le débit de la voie de droite est mécaniquement plus élevé.
Un effet similaire se passe lorsque VSL est activé : la différence de vitesse entre la voie lente et la voie
centrale diminue et en conséquence, le bénéfice d'un changement de voie vers la voie centrale est
moindre. Les véhicules restent donc plus facilement sur la voie de droite. En conséquence, la voie de
droite est plus (et mieux) utilisée.
En résumé :
 l'interdiction de circuler pour les PL facilite le rabattement des véhicules à la suite de leur
manœuvre de dépassement;
 le dispositif de régulation des vitesses diminue le nombre de manœuvres de dépassement.
La conséquence commune de ces deux dispositifs de régulation est une utilisation plus élevée de la voie
de droite.
Ces implications comportementales permettent de mieux comprendre comment les choix individuels de
changement de voie influencent la répartition des débits par voie. Les résultats empiriques de cette étude
peuvent être un support dans l'élaboration de modèle de décision de changer de voie.
5. Synthèse des résultats
1 Conclusion
Ce papier a étudié les caractéristiques de répartition des débits par voie (LFD) sur les sections
autoroutières à 3 voies lorsque les conditions d'écoulement sont fluides.
L'analyse montre que la LFD suit un schéma linéaire récurrent, quels que soient la composition du trafic
ou le dispositif de régulation mis en place. L'étude montre que pour un grand nombre de cas, la voie de
droite est utilisée très en deçà de sa capacité. Elle montre également que si le schéma est linéaire, les
coordonnées des droites varient de jour en jour. Une analyse détaillée montre que ces variations sont
principalement liées à la composition du trafic et à l'activation de dispositifs de régulation (ICPL/VSL).
Ces deux dispositifs de régulation ont le même effet : ils conduisent à une meilleure utilisation de la voie
de droite qui n'est donc plus sous-utilisée.
La LFD est l'observation agrégée des choix de voie individuels. Il est donc possible de lier ces
observations au processus de décision de changer de voie. Les résultats du papier montrent qu'en
proportion, la voie 1 est de moins en moins utilisée à mesure que le débit total augmente, au contraire
des voies 2 et 3 qui sont plus en plus utilisées à mesure que le débit augmente. Cela signifie qu'en
moyenne, les véhicules se décalent vers les voies rapides à mesure que le débit total augmente.
D'un point de vue comportemental, on peut raisonnablement penser que par défaut les véhicules se
positionnent sur la voie de droite. Ensuite, les véhicules sont libres de décider de changer de voie en
fonction des conditions de trafic environnantes. Deux processus de décision de changer de voie se
superposent alors. Le premier correspond aux manœuvres de dépassement; le second correspond aux
manœuvres de rabattement. Ainsi, pour les bas débits, les véhicules se rabattement systématiquement
sur la voie lente à la suite d'une manœuvre de dépassement. Pour les hauts débits, les véhicules ne se
rabattent plus afin d'éviter de zigzaguer trop souvent d'une voie à l'autre.
Les données montrent également que les dispositifs de régulation améliorent les conditions de trafic
principalement parce qu'ils agissent sur ces comportements de changement de voie.
Le dispositif d'ICPL rend la voie lente plus attractive parce qu'il n'y a plus de PL qui y circulent; le
dispositif de VSL rend les voies rapides moins attractives parce que leurs vitesses y sont réduites. Dans
les deux cas, il en résulte une meilleure utilisation de la voie lente.
2 Limites et recherches futures
Le sujet des LFD reste un sujet exploratoire car trop peu étudié et trop peu présent dans la littérature.
Pourtant, c'est un élément déterminant pour comprendre les caractéristiques globales d'un écoulement
multivoies. Ici le papier étudie la LFD dans un cadre précis : bien d'autres cadres doivent être étudiés
pour avoir une compréhension générale de la LFD sur les sections multivoies.
 Le papier analyse la LFD pour des conditions de trafic fluide : il est tout aussi important de
comprendre les caractéristiques de la LFD pour les régimes d'écoulement transitoires (ou semicongestionnés) et congestionnés.
 Le papier étudie la LFD sur une section autoroutière à trois voies : les recherches futures doivent
s'étendre aux sections à deux voies, quatre voies et plus.
 Le papier étudie la LFD pour une autoroute française sur laquelle le dépassement s'effectuent par
la gauche. (May, 1997) illustre qualitativement l'influence de la règle de dépassement sur la
répartition des débits par voie. Des études de données complémentaires doivent être menées
dans des pays où les règles de dépassement sont différentes de celle pratiquées en France. Cela
permettra de mesurer l'effet de la règle de dépassement sur la LFD, d'en tirer des conclusions
sur les comportements de changement de voie et d'identifier les avantages et les inconvénients de
ces différentes règles.
 Le papier étudie l'influence de deux dispositifs de régulation (ICPL et VSL) sur la LFD. Des
études de données similaires doivent être menées pour comprendre les effets d'autres dispositifs
de régulation sur la LFD : l'interdiction de dépasser pour les PL par exemple. En complément, il
serait intéressant de tester l'efficacité du dispositif de VSL pour des sections interurbaines
multivoies : si VSL augmente la charge sur la voie de droite, alors les véhicules issus des
bretelles d'accès auront davantage de difficulté à s'insérer. Cela pourrait expliquer l'échec de la
mise en place du dispositif de VSL sur le,
 Le papier étudie la LFD sur des sections courantes éloignées des bretelles d'accès ou de sortie, ce
qui permet de faire un lien avec les comportements de changement de voie de confort.
(DuBoisberranger, 2010 ; Ma, 2008 ; Ahn, 2010) ont récemment étudié des données
microscopiques et ont montré, notamment, que le débit de la section courante et la LFD sont
largement perturbées par la présence d'une bretelle d'entrée (sur quelques centaines de mètres en
aval). De la même manière, la LFD peut être étudiée aux abords d'une bretelle de sortie afin de
mesurer les effets des manœuvres de changement de voie obligatoires. Elle peut également l'être
en aval de la bretelle d'accès pour mesurer l'impact des manœuvres d'insertions de la bretelle
d'accès vers la voie courante.
L'ensemble de ces recherches permettra une meilleure connaissance des caractéristiques générales des
écoulements multivoies. Ces recherches permettront également une meilleure compréhension des
comportements de changement de voie. Ces réflexions apporteront des éléments clés pour le
développement de modèle de changement de voie d'une part et la validation des modèles multivoies
d'autre part.
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