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St Etienne – Formation permanente – 24 novembre 2009 – Michel Martin. –Version du 7 octobre.
Deuxième exposé
Sur la croix, Jésus élève l’acte humain du pardon à la dignité de sacrement,
signe et moyen de la réconciliation avec Dieu et entre les êtres humains
2.1. Sur la croix, Jésus élève l’acte humain du pardon à la dignité de sacrement
2.1.1. La portée sacramentelle de l’existence de Jésus et de nos existences humaines
Je trouve que le titre de Schillebeeckx est éclairant : Le Christ sacrement de la
rencontre de Dieu. 1 : Le Christ est sacrement de Dieu (c’est une expression de la tradition)
Il a aussi la définition de l’Eglise à Vatican II dans L G 2 : L'Eglise est, dans le
Christ, en quelque sorte le sacrement, c'est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l'union
intime avec Dieu et de l'unité de tout le genre humain… : L’Eglise est sacrement du Christ
Et je relis aussi le préambule du Décret sur les sacrements au Concile de Trente3 :
Suite à l’exposé de la doctrine de la justification (ou du salut)…C’est par les sacrements que
toute vraie justice commence, ou qu’elle s’accroît quand elle a commencé, ou qu’elle se
répare quand on l’a perdue. : La vie chrétienne est sacramentelle
Le Christ est le sacrement fondamental
Bernard Sesboué4 dit que « le fondement de nos sacrements, c’est Jésus, ses gestes et
ses paroles tout au long de son itinéraire terrestre. »
Jésus prend ses distances par rapport aux rites anciens, au sabbat, aux sacrifices et il
n’institue pas de nouveaux rites (en ce sens « matériel » on ne peut pas dire que Jésus a
institué formellement de nouveaux rites religieux que seraient nos sacrements).
« Jésus – continue Sesboué - rencontre concrètement des hommes : il guérit, partage
le pain, offre aux pécheurs une compassion pardonnante. Arrivé au terme de son existence, il
accepte une mort injuste par amour pour ses frères et pour son Père. Ses gestes n’ont rien de
rituel : ils sont existentiels. Ils sont aussi exemplaires et proposent des normes de vie nouvelle.
Ils sont l’expression concrète d’une attitude d’amour, de don de soi, de désappropriation
absolue, de « pro- existence ».
Les paroles et les gestes accomplis par Jésus sont en quelque sorte les sacrements
originels de notre salut… [Et] la liturgie et la tradition ont toujours compris les sacrements
dans leur lien avec les actes de Jésus. Les sacrements de l’Eglise ne sont rien d’autre que
l’expression rituelle de ce que Jésus accomplit pour nous. C’est particulièrement évident dans
la liturgie eucharistique, mais aussi dans celle des autres sacrements.
Le Christ est, par son incarnation, le premier et le grand sacrement de Dieu, capable de
fonder l’Eglise – sacrement, et en elle les sacrements de notre salut. »
L’Eglise est le sacrement du Christ et de l’Esprit
La Constitution sur la Liturgie de Vatican II dit : « L’Eglise est à la fois humaine et
divine, à la fois visible et riche de réalités invisibles, elle est fervente dans l'action et
occupée à la contemplation, elle est présente dans le monde et pourtant étrangère. Mais de
telle sorte qu'en elle ce qui est humain est ordonné et soumis au divin ; ce qui est visible à
1
Edward SCHILLEBEECKX, Le Christ sacrement de la rencontre de Dieu, Paris, Cerf, 1973, Foi vivante 133,
Concile de Vatican II, Constitution sur l’Eglise, Lumen Gentium, n° 1
3
Concile de Trente, 7° session, dans G. Dumeige, La Foi Catholique, Paris, Editions de l’Orante, 1969, n° 662
4
Bernard SESBOUE, Croire, Paris, Droguet Ardant, 1999, p. 479-480
2
1
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l'invisible; ce qui relève de l'action, à la contemplation ; et ce qui est présent, à la cité future
que nous recherchons. » 5
L’Eglise, qui célèbre les sacrements, est à la fois une institution sociale, (humaine), et
une réalité spirituelle, œuvre de l’Esprit, (divine). L’Eglise est à la fois visible et invisible,
mystère à la fois révélé et caché. C’est ce que l’on veut dire en parlant du Mystère de l’Eglise
et de l’Eglise sacrement.
« Le Christ – dit Sesboué - est le sacrement fondateur de l’Eglise, qui est pour sa part
un sacrement fondé, puisqu’elle doit tout ce qu’elle est au don du Christ et de l’Esprit. Si le
Christ est le sacrement de Dieu, l’Eglise est le sacrement du Christ et de l’Esprit. »6
Le chrétien est « sacrement » du Christ et de son corps qu’est l’Eglise
Celui qui a reçu l’onction est « christ » disent les Pères aux nouveaux baptisés : « vous
avez été baptisés dans le Christ : « votre vêtement c’est le Christ », vous êtes devenus
« semblables au Fils » de Dieu... et on vous appelle « christs ». Cela est juste…Vous êtes
devenus des christs quand vous avez reçu la marque de l’Esprit Saint. Tout cela s’est produit
sur vous en image, parce que vous êtes les images du Christ… » 7
« Vous êtes le corps de Christ et vous êtes ses membres, chacun pour sa part. » dira St
Paul aux Corinthiens (1 Co 12, 27).
Les sept sacrements sont des signes visibles d’une réalité invisible, des signes concrets
de la vie que Dieu nous donne dans le Christ. Ils inscrivent dans notre monde, dans notre vie,
une part du visage de Dieu. Il y a sacrement lorsque la vie de l’homme est fécondée par
l’Esprit de Dieu et porte du fruit. Les sept sacrements sont enracinés dans la personne de Jésus
le Christ, dans ses actes et ses paroles, mais pas tous de la même manière.
L’origine des trois sacrements de l’initiation chrétienne (Baptême, Confirmation,
Eucharistie) est, pourrait-on dire, plus spécifiquement christique. Ils ont leur racine historique
dans des initiatives originales de Jésus qui réalisent le don de Dieu, qui sont la manifestation
concrète de la grâce :
* son baptême dont il dit lui-même que c’est sa mort sur la croix : « Pouvez-vous boire la
coupe que je vais boire, être baptisés du baptême dont je vais être baptisé ? » (Marc 10, 38)
* son onction messianique dont il parle à la synagogue : « L'Esprit du Seigneur est sur moi
parce qu'il m'a conféré l'onction pour annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres » (Luc 4, 18)
* son dernier repas : « Ceci est mon corps donné pour vous. Faites cela en mémoire de moi.
Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang versé pour vous. » (Luc 22, 19)
Par contre les quatre autres sacrements sont un peu différents. Même s’ils font
référence à des gestes ou paroles de Jésus considérés comme fondateurs par la Tradition, ce
sont d’abord des réalités humaines fondamentales et universelles, à forte consistance humaine
L’amour, le couple, la famille – partout et toujours on s’unit pour donner la vie – c’est
la consistance du sacrement de mariage.
La maladie, la vie menacée – partout et toujours on souffre et on soigne – c’est la
consistance du sacrement de l’onction des malades.
La responsabilité, le service du groupe – partout et toujours on désigne et on institue
des chefs – c’est la consistance du sacrement de l’ordre.
Le conflit, la violence, la division, l’offense - partout et toujours on se divise et on se
réconcilie – c’est la consistance du sacrement du pardon.
5
Concile de Vatican II, Constitution sur la Liturgie n° 2
Bernard SESBOUE, Croire, Paris, Droguet Ardant, 1999, p. 439-440
7
St Cyrille de Jérusalem, Catéchèses mystagogiques, n° 2, 3, 4
6
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Ces quatre ordres de réalité humaine ne sont pas propres aux chrétiens. Cela
caractérise tous les hommes de tous les temps, sous toutes les latitudes et de toutes les cultures
et religions et cela touche quelque chose de réel et de profond en chacun de nous.
Mais les sacrements sont précisément des réalités à forte consistance humaine où se
révèle, par transparence et par grâce, la présence et l’action de Dieu.
Le pardon n’est pas une vertu spécifiquement chrétienne, mais un acte humain qui est
par le Christ et l’Eglise élevé au rang de sacrement. Si bien que, dans la foi, lorsque deux
personnes vivent le pardon, elles sont signes du pardon de Dieu.
De la même manière, lorsque deux personnes se marient elles sont signes de
l’alliance entre Dieu et les hommes, entre le Christ et l’Eglise ; de même encore lorsque
quelqu’un est malade, il est signe du Christ souffrant ; et lorsqu’une personne est ordonnée,
elle devient signe du Christ serviteur et pasteur.
Avec Schillebeeckx, on peut imaginer des cercles concentriques : « La présence
visible et efficace de la grâce du Christ dans l’Eglise et dans le monde nous fait penser aux
cercles concentriques de l’eau dans laquelle on a jeté une pierre : les vagues se déploient dans
toutes les directions à partir d’un seul point. L’Eglise constitue le point central de la présence
du Christ sur terre par une grâce visible, et de ce point partent tous les développements
ultérieurs. Dans ce centre se trouve l’eucharistie, le foyer même de la présence du Christ
parmi nous. De ce foyer partent les premiers rayons lumineux, les six autres sacrements. »8
2.1.2. Les textes évangéliques fondateurs du sacrement du pardon
Le texte principal c’est Mathieu 18, 18 : En vérité, je vous le déclare : tout ce que vous
lierez sur la terre sera lié au ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié au ciel.
Qui est repris par Jean 20, 23 : Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et leur dit : Recevez
l'Esprit Saint ; ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis. Ceux à qui vous les
retiendrez, ils leur seront retenus.
Cela signifie que lorsque l’Eglise pardonne, c’est Dieu qui pardonne.
Et puis il y a la parole de Jésus sur la croix en Luc 23, 33 : Père pardonne-leur car ils
ne savent pas ce qu’ils font.
Voici ce que dit Claire LY à propos de cette parole de Jésus : « C’est très prétentieux
de dire que nous avons pardonné pour les deux millions de morts du génocide des Khmers
rouges. Seules les victimes peuvent pardonner. Il nous faut regarder et écouter Jésus sur la
croix : il ne dit pas qu’il pardonne. Et comme lui et avec lui nous tourner vers le Père « Père
pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font. » Car cette blessure qui touche l’humain est
aussi une blessure de notre Dieu. Quand on touche l’homme on touche aussi Dieu. « Père,
nous sommes incapables de dire que nous avons pardonné aux Khmers rouges, mais nous les
mettons entre tes mains. »9
Voici également ce qu’écrit Francine COCKENPOT : « Quand je me présenterai
devant Toi, c’est de lui d’abord que je Te parlerai. Peut-être que personne d’autre, jamais, ne
T’aura parlé de lui. Peut-être que personne d’autre, jamais ne T’aura demandé avec autant de
force qu’il soit Ton fils prodigue. Peut-être que personne d’autre, jamais, n’aura payé aussi
cher le prix d’une filiation égarée. Peux-Tu me pardonner de Te dire : Ne me sauve pas sans
le sauver… Père, je remets son âme entre Tes mains. Prends-la, sanglante et torturée, et rendsla-lui pacifiée…Et moi je ne savais pas que Tu allais permettre que son salut soit lié au mien
par le crime de sang. Père, je remets nos âmes entre tes mains. » 10
8
Edward SCHILLEBEECKX, Le Christ sacrement de la rencontre de Dieu, Paris, Cerf, 1973, Coll. Foi vivante
133, p. 240-241
9
Conférence à Viviers le 30 mars 2009
10
Francine COCKENPOT, L’agresseur, Paris, Seuil, 1986, p. 90-91
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Pour ces deux témoins, pardonner c’est confier l’autre à Dieu. C’est ce que fait Jésus
sur la croix. « Celui qui n’avait pas connu le péché, Dieu l’a fait péché pour nous, afin qu’en
lui nous devenions justice de Dieu » (2 Co 5, 21). « Sa mort est une mort au péché une fois
pour toutes, mais sa vie est une vie à Dieu » (Romains 6, 10). Il est le nouvel Adam qui, alors
que le premier ne l’a pas fait, demande pardon à Dieu, pas seulement pour lui-même mais
pour l’humanité, pour tout homme. Et son Père répond en le ressuscitant, en le relevant
d’entre les morts. (1 Co 15, 3-4).
Sur la croix, Jésus ne pardonne pas à ses bourreaux, mais demande à son Père de leur
pardonner. Et je pense que l’on peut dire que c’est là, en fait, que le pardon devient sacrement.
On peut dire cela parce que, comme le dit B. Sesboué, « les gestes de Jésus n’ont rien
de rituel : ils sont existentiels. Ils sont aussi exemplaires et proposent des normes de vie
nouvelle. Ils sont l’expression concrète d’une attitude d’amour, de don de soi, de
désappropriation absolue, de « pro- existence »11.
On peut dire cela à cause de ce qu’est le pardon, le don en excès dont la source est en
Dieu. Le Fils a bien tout reçu du Père pour nous le donner, mais lorsque c’est lui-même qui
est offensé, il ne s’arroge pas le droit de pardonner mais demande à Dieu lui-même de le faire.
Il y a quelque chose de semblable dans la manière dont Jésus élève le mariage à la
dignité de sacrement : que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni. Ici également, pour se
prononcer sur l’indissolubilité, Jésus s’en remet à Dieu, au commencement.
Car le sacrement du pardon contient le pardon possible à l’homme et le pardon
impossible à l’homme, mais possible à Dieu.
En élevant ainsi l’acte de pardon à la dignité de sacrement, Jésus ouvre un chemin
royal vers le Père. N’est-il pas le Christ roi ? Et le sacrement n’est plus seulement le canal
d’où coule la grâce de Dieu vers nous, mais le chemin sur lequel nous sommes attirés et
conduits vers Dieu.
Il nous faut regarder Jésus sur la croix, comme le peuple dans le désert regarde le
serpent de bronze élevé par Moïse pour être sauvé de la morsure du péché. (Livre des
Nombres 21, 7-9).
Jean 3, 14-15 : Comme Moïse a élevé le serpent de bronze dans le désert, il faut que le
Fils de l'homme soit élevé afin que quiconque croit ait, en lui, la vie éternelle. Dieu, en effet, a
tant aimé le monde qu'il a donné son Fils, son unique, pour que tout homme qui croit en lui ne
périsse pas mais ait la vie éternelle. Car Dieu n'a pas envoyé son Fils dans le monde pour
juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui.
2.1.3. L’efficacité sacramentelle du pardon
Pour comprendre l’efficacité des sacrements, il faut reconnaître l’efficacité du
symbole : s’entendre dire « je t’aime » par un autre produit quelque chose dans notre vie.
C’est une parole efficace de bien être. De même, le sacrement du pardon est parole et geste
efficaces, signe visible et tangible que le pardon de Dieu nous est toujours offert. Et
l’efficacité des sacrements n’est pas seulement une question d’école. Nous pouvons
légitimement parler d’efficacité, car dans le sacrement du pardon, nous sommes pardonnés.
Concrètement, cela passe par une succession d’actes conscients et libres (il n’y a rien de
magique) : d’abord par la conscience d’avoir péché, la décision de demander pardon à Dieu,
la démarche, la confession de l’amour de Dieu, l’aveu du péché, le dialogue pastoral,
l’engagement à un acte de réparation, l’absolution.
Cela passe également par la vérité de la parole et du geste qui constituent le rite
sacramentel. Cela implique que le rite sacramentel soit un beau et vrai acte liturgique.
11
Bernard SESBOUE, Croire, Paris, Droguet Ardant, 1999, p. 439-440
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Ecoute de la Parole de Dieu : elle est première. Mais également expression de parole
humaine : confession de la foi, confession du péché, aveu, dialogue entre le pénitent et le
ministre, parole de libération (remise, absolution), parole d’action de grâces du pénitent. Pour
que le sacrement soit efficace, il faut que la parole soit une vraie parole, une parole vraie
(chez le pénitent et chez le ministre), que le dialogue soit un vrai dialogue, que l’aveu soit
une vraie contrition, que l’écoute réciproque soit réelle.
Le geste humain aussi doit être vrai : la démarche du pénitent, la posture (assis,
debout, à genoux, couché pour les malades), l’accueil par le ministre, la salutation, l’écoute,
l’imposition des mains, le signe de croix. Rien n’est dérisoire ou sans importance.
Nous avons commencé par dire que le pardon est au service de la relation. Nous
pouvons ajouter que le sacrement lui-même est au service de la relation, car le sacrement
relève du symbole qui est assemblage, union, unité.
Le sacrement du pardon est au service de la relation entre les êtres humains et entre les
hommes et Dieu.
Bien sûr, nous savons tous que nous recommencerons à pécher…des mêmes péchés.
C’est la même dynamique que celle de la création…sans cesse…avec ses ratés et ses progrès,
et les douleurs de l’enfantement… C’est comme les cheveux…que l’on coupe et qui
repoussent.
2.2. Le sacrement du pardon est le signe et le moyen de la réconciliation avec Dieu et
entre les êtres humains.
Cf. LG 1 : L'Eglise étant, dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c'est-à-dire à
la fois le signe et le moyen de l'union intime avec Dieu et de l'unité de tout le genre humain…
Le Sacrement du pardon est un signe sacré de la présence et de l’action de Dieu dans
nos vies. Le sacrement du pardon est signe et moyen, c’est à dire qu’il représente et réalise à
la fois l’union intime avec Dieu et l’unité des hommes entre eux, de trois manières :
Le sacrement est un signal, une veilleuse, il nous tient en éveil, en état de veille, et il
nous indique la direction à prendre.
Le sacrement du pardon est une signification, il contient le sens de notre existence, le
sens de nos relations, et l’oriente.
Le sacrement est un symbole, il construit notre vie dans l’unité, il unifie notre passé,
notre présent et notre avenir, il fait l’unité entre notre mémoire et notre espérance. Il est le
chemin qui conduit à l’union avec les autres et avec Dieu, à l’unité entre notre histoire et
l’éternité.
2.2.1. La longue, belle et riche histoire du sacrement du pardon
Du baptême pour la rémission des péchés à la confession individuelle, l’histoire de ce
sacrement est éloquente. C’est l’histoire d’une adaptation permanente et continue. Il faut la
connaître pour bien comprendre le sens du sacrement.
Durant les deux premiers siècles, il n’y a pas véritablement d’institution de la
pénitence mais des pratiques diverses. Il y a le seul baptême qui est pour la rémission des
péchés, qui consiste en un changement radical de vie, en une rupture définitive avec le péché.
Cependant, même baptisés les chrétiens restent des pécheurs. Et toute la communauté
est partie prenante de la lutte cotre le péché. On voit ainsi apparaître deux types de
pratiques.
- La confession des péchés avant l’eucharistie dominicale, aidée par des listes de
péchés établies d’après le NT. On trouve un témoignage de cela dans la Didaché (4,14 / 14,1).
Texte liturgique de la fin du premier siècle.
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- La réintégration dans la grâce du baptême par une pénitence exigée pour les fautes
graves. Le pécheur est d’abord écarté de l’Eucharistie, il est l’objet de la correction fraternelle
et s’il refuse de faire pénitence il est exclu de la communion, (mais ce n’est pas définitif).
Dans un livre consacré à la pénitence à Rome vers 140, le Pasteur d’Hermas parle
d’une « ultime chance, exceptionnelle et ultime » comme le baptême. C’est ce que l’on
appelle la « pénitence seconde ».
Au 3° siècle apparaît une « institution pénitentielle », suite à deux évènements : la
controverse montaniste avec Tertullien (rigorisme avec la notion de péchés irrémissibles) et la
querelle novatienne avec St Cyprien (concernant ceux qui sont tombés dans les persécutions,
qui ont renié le Christ); Cyprien, plus modéré que Tertullien, admettra à la communion toutes
les catégories d’apostats, pourvu que le temps de pénitence soit long et sévère et
s’accomplisse sous le contrôle de la hiérarchie.
Du 4° au 6° siècle : la pénitence canonique : discipline publique et unique, de plus
en plus rigide. Alors que les bonnes œuvres et la mortification privée suffisent pour pardonner
les péchés légers ou quotidiens (St Augustin), la pénitence canonique s’impose pour les
péchés graves. Elle est institutionnalisée, juridique, unique et non réitérable, libre c'est-à-dire
demandée par le pénitent et accordée par l’Evêque. Elle est très sévère, au point que
pratiquement, elle ne sera de plus en plus demandée qu’à l’article de la mort. Pour l’éviter il
faut se faire moine ou convers (conversion). Jamais dans cette période on ne voit le moindre
essai pour l’aménager ou l’assouplir.
Il y a un déroulement en trois temps : 1- rite liturgique d’entrée avec imposition des
mains par l’Evêque, imposition du silice et d’une pénitence, 2- Stage pénitentiel dans l’ordre
des pénitents qui peut durer d’un carême à plusieurs années (exercices expiatoires comme
jeûne, aumône, abstinence ; rites liturgiques par exemple se tenir à genoux les jours de fête
ou enterrer les morts ; imposition d’interdits, jusqu’à la mort, du genre abstinence conjugale,
exclusion de fonctions publiques ou ecclésiales). En fait cela consiste à entrer dans une vie de
sainteté, si bien que certains chrétiens rejoignaient les pénitents même sans avoir péché
gravement. 3- Réconciliation par l’Evêque (ou un prêtre en cas de danger de mort) dans un
rite solennel le jeudi saint, par l’imposition des mains et une prière sacerdotale.
La discipline est tellement sévère que les fidèles vont la repousser le plus tard possible
si bien que la réconciliation des mourants va devenir une préoccupation pastorale majeure.
Du 7° au 13° siècle : la pénitence tarifée. Cette pratique est née dans des chrétientés
qui n’ont pas connu la pénitence canonique (Celtes et Anglo-saxons) et elle s’est propagée par
les moines irlandais. Elle introduit une rupture radicale dans la manière de concevoir les
rapports entre Dieu et le pécheur et entre le pécheur et l’Eglise. Elle a contribué à forger une
spiritualité nouvelle qui survit encore aujourd’hui.
C’est une démarche ouverte à tous, privée et secrète, auprès d’un prêtre, réitérable
aussi souvent que nécessaire pour le soutien de la vie chrétienne, et le pardon est accordé
après que la peine ait été exécutée. Les peines sont appliquées selon un système de taxation
précise des fautes, qui est codifié dans des « livres pénitentiels », et elles peuvent être
« rachetées ».
Le plus nouveau c’est que la démarche est pour tous et réitérable. C’est une
innovation pastorale décisive, et même « moderne » par la prise en compte de l’individu.
C’est l’ancêtre de notre confession avec quelques différences (aujourd’hui l’expiation est
symbolique, par contre la confession a toute la place).
La double pratique du 9° au 12 ° siècle : la réforme carolingienne a tenté de revenir
à l’ordre ancien, mais ce fut un demi échec, si bien que du 9° au 12° on a une double
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pratique : pénitence publique pour fautes graves publiques et pénitence secrète tarifée pour
fautes graves occultes. A quoi il faut ajouter le pèlerinage pénitentiel qui apparaît fin du 12°.
La pénitence sacramentelle privée naît de l’obligation de la confession annuelle au
curé de la paroisse (4° Concile du Latran en 1215). Suit le Traité de la Pénitence de St
Thomas d’Aquin (III, II, 84-90 - 1273). Il y a plus tard le Décret du Concile de Trente (14°
session – 1551) qui affirme, contre les Réformateurs, la nécessité de ce sacrement et son
institution par le Christ. Le Concile distingue contrition parfaite (par amour pour Dieu) et
imparfaite (par crainte de l’enfer), et indique les quatre actes majeurs : contrition, confession,
absolution, satisfaction.
Aux 19° et 20 ° siècles l’accent est mis sur la confession, qui désigne l’ensemble du
sacrement. La confession fréquente est le signe d’une vie chrétienne fervente. La durée de
l’antique pénitence a fait place à la répétition de la confession. Cette pratique a porté des fruits
au plan spirituel et pastoral, mais elle a aussi des limites :
Risque d’oublier la dimension communautaire si insistance sur l’aspect individuel
Risque de perdre la substance du sacrement par l’aspect répétitif
Risque de l’automatisme de l’absolution (il suffit de se confesser)…même pour péchés graves
Risque de conception magique s’il n’y a pas une authentique démarche de conversion
Risque de formalisme rituel par la rapidité et l’absence de véritable contenu existentiel
Ces éléments expliquent en partie la désaffection du sacrement, mais il faut y ajouter
La crise de la foi, la perte du sens de Dieu
La perte du sens du péché
La perte du sens absolu de l’existence et la relativisation des valeurs
La perte du sens de la richesse du sacrement et chez les prêtres et chez les fidèles pendant que
se développaient les pratiques d’écoute psy et parareligieuses.
Le renouveau post conciliaire du sacrement de pénitence
Le Concile de Vatican II en a très peu parlé. Le texte principal est LG 11 (+ PO 5 et
13) et bien sûr SC 72 qui a demandé la révision du rite.
L’Ordo Paenitentiae de Paul VI en 1973 est à reprendre par les conférences
épiscopales, et cela donnera le rituel francophone de 1978, réédité en 1991. Il prend en
compte les mentalités contemporaines tout en invitant à retourner à la tradition ; il privilégie
le terme de « sacrement de la réconciliation » (plus moderne et plus ancien à la fois) ; il
institue les quatre formes ; il dit l’importance de la parole de Dieu ; il insiste sur le caractère
communautaire et sur le lien entre le rite et la vie.
Au plan théologique, rien de très neuf mais le renouveau du rite est fondamental et surtout
l’esprit qui l’anime : accent sur la rencontre de l’action de Dieu et de l’action de l’homme
dans l’Eglise.
Il y eut ensuite le synode de 1983 « La Réconciliation et la Pénitence dans la mission
de l’Eglise » qui fut suivi de l’Exhortation apostolique de Jean-Paul II en 1984. A quoi il faut
ajouter son encyclique sur la Miséricorde divine en 1980. Dans ces deux textes le Pape insiste
d’une part sur la réconciliation comme initiative divine, tâche de l’Eglise et engagement de
l’homme, d’autre part sur la victoire du péché par l’amour, révélé par le Père et incarné dans
le Fils.
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2.2.2. Le rituel de 1978 : interprétations et pratiques
Cela fait donc une trentaine d’années que nous pratiquons le rituel issu de Vatican II.
Dans la longue histoire que nous venons d’évoquer, trente ans, c’est court, mais cela constitue
une étape nouvelle de la Tradition, et c’est nous qui l’écrivons.
L’évolution de la pratique du sacrement du pardon depuis le Concile est certainement
un des lieux de la mission où s’est exercé et continue de s’exercer cette vertu du peuple de
Dieu que le Concile nomme Sens de l’Eglise, Sens de la foi, ou encore Sens chrétien des
fidèles, même si c’est à travers des tâtonnements, des hésitations et des imperfections.12
Il faut dénoncer pour qu’elle cesse cette suspicion sur les quarante années depuis le
Concile selon laquelle dans cette période l’Eglise se serait égarée. En ce qui concerne notre
sacrement, le renouveau conciliaire est aussi important que les renouveaux successifs et
cumulatifs du sacrement dans l’histoire (comme le passage de la première chance à la
pénitence canonique, le passage de la pénitence canonique à la pénitence tarifée, le passage de
la pénitence tarifée à la confession individuelle.) C’est l’histoire du salut et de l’Eglise, et de
la liturgie… qui continue et aucune période n’est plus parfaite que les autres.
Le rituel de 1978 a ouvert à des nouvelles pratiques qui conduisent à une
compréhension renouvelée du sacrement et les chrétiens ne s’y sont pas trompés, mais il faut
du temps pour sortir d’une époque et de ses mentalités et entrer dans un monde nouveau.
Même s’il est vrai que l’on a pu parfois abuser de l’absolution collective – dont la
décision est réservée à l’Evêque qui doit régler la discipline dans son diocèse – (introduction
au rituel de 1978, N° 46 et CIC 961-963), il ne faut pas trop vite affirmer qu’on a « bradé »
le sacrement, car ce n’est pas vrai.
Il ne faut pas idéaliser l’histoire et il ne faut pas oublier que la pénitence canonique
antique a été reléguée à l’article de la mort… (c’était contraire à l’objectif pastoral), et que la
pénitence tarifée a donné lieu au rachat pénitentiel…(cela pas toujours été glorieux) etc.…
Les gens, les « fidèles du Christ » ont bien reçu les célébrations communautaires, y
compris avec absolution collective, comme « un plus », « un mieux » possible. Depuis trente
ans que je suis prêtre, j’ai été vingt ans curé de paroisse et je parle en connaissance de cause.
J’ai lu dans un ouvrage sur le pardon (je préfère avoir oublié volontairement et
l’auteur et le titre) le mépris pour l’Eglise lorsque l’auteur compare l’absolution collective au
« baptême à la lance d’arrosage ». C’est triste ! On est loin du Sensus Fidei et du Sensus
Ecclesiae ! Et de la Caritas in veritate !
Il n’y a pas plus de criminels ou d’adultères qui se sentent libérés par une absolution
collective les dispensant de l’aveu que de ministres du sacrement qui se complaisent de
manière perverse à triturer les consciences des pénitents.
S’il y a des gens qui sont contrariés par l’absolution collective, il y a aussi des gens
qui sont contrariés par les pratiques étriquées de la confession, et d’autres qui sont blessés par
les critiques injustes des recherches et des efforts pastoraux.
Et les pratiques neuves que l’on voit surgir ces dernières années ne sont pas une
revanche sur les initiatives hésitantes et imparfaites des années précédentes.
Le rituel actuel s’inscrit bien dans l’évolution de la pratique deux fois millénaire du
sacrement. A la fois il fait retrouver les richesses oubliées ou perdues de la Tradition, à la fois
il donne un cadre et des moyens pour inventer des pratiques contemporaines, car il s’agit bien
d’être contemporain, de « proposer la foi dans la société actuelle », n’est-ce pas ?
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Cf. Dictionnaire critique de théologie de Lacoste, GS 52 « Le sens chrétien des fidèles » ; LG 12 « Grâce à ce
sens de la foi …» ; LG 35 :« sens de la foi et de la grâce de la parole… » Cf. aussi PO 9 et AG 19
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St Etienne – Formation permanente – 24 novembre 2009 – Michel Martin. –Version du 7 octobre.
•
La redécouverte (ou peut-être simplement découverte) des richesses oubliées de la
Tradition
1. la dimension communautaire
Dans les Notes doctrinales et pastorales du rituel je relève simplement les titres :
N° 2 : Le mystère de la réconciliation est situé dans l’histoire du salut (c'est-à-dire du
peuple de Dieu, du peuple de l’Alliance)
N° 6-7-8 : Conversion, pénitence et réconciliation dans la vie de l’Eglise
N° 9 à 13 : L’Eglise célèbre la victoire du Christ sur le péché ; le sacrement met en
cause la communauté des croyants, l’Eglise
N° 18 : La célébration de la pénitence dans la vie des communautés chrétiennes
N° 20 à 25 : La réconciliation œuvre de toute l’Eglise ; le rôle de la communauté
Je pense que beaucoup d’entre nous qui ont connu la confession autrefois ne sont pas
déçus du repositionnement de ce sacrement dans la vie ecclésiale.
2. La relation nécessaire à la Parole de Dieu et la réflexion qu’elle inspire et nourrit
Cette insistance est concomitante avec l’intérêt croissant pour l’Ecriture dans la vie
des communautés, la place de la Parole de Dieu dans la liturgie, le rétablissement de
l’ambon, les nombreux groupes bibliques, la mise en lumière de la vie chrétienne
comme une relation avec Dieu, etc.…
N°1 à 4 : La situation de la réconciliation dans l’histoire du salut et les nombreuses
références
N° 16 : Les composantes du sacrement : Ecouter la Parole de Dieu
N° 36 à 38 : la place donnée à la célébration de la Parole de Dieu dans la célébration
communautaire
3. La diversité des formes du pardon
Les différentes formes rappellent qu’il n’y a pas toujours sacrement au sens strict :
N° 17 : « Les expression pénitentielles dans la vie de l’Eglise dépendent à la fois de la
situation personnelle de chaque chrétien et des différents types de rassemblement qui
existent dans l’Eglise. Chacune de ces formes a sa valeur propre. Elles sont des
expressions complémentaires d’une même réalité qu’aucune forme, à elle seule, ne
peut prétendre épuiser dans sa totalité. Elles peuvent permettre une mise en valeur des
différents aspects de la pénitence et manifestent ainsi la diversité de la vie ecclésiale.
Le sacrement en constitue le sommet et comme la clé de voûte. Pour produire
pleinement ses fruits de conversion, le sacrement doit pouvoir s’appuyer sur les
différentes pratiques pénitentielles et se prolonger en elles. Il doit aussi, dans sa forme
de célébration, être adapté à la diversité des situations. »
Les quatre types de la célébration reprennent des pratiques issues de la Tradition.
Les étapes permettent le déploiement de la démarche pénitentielle dans la durée
(préparation, prière, jeûne, partage, célébration communautaire puis personnelle,
parfois distincte dans le temps…)
Une attention est également portée dans l’esprit du rituel sur les rythmes, les temps,
les lieux de la célébration, le cadre liturgique, la qualité du dialogue…etc.…
4. Le rôle de la communauté, du ministre, du pénitent
N° 20 à 23 : La communauté intervient en invitant à la pénitence par la proclamation
de la Parole de Dieu, elle accueille les pécheurs et elle intercède pour eux
Pour le ministre : rappel des aspects canoniques, exercice pastoral, nécessité d’une
formation continue à la prudence et au discernement
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St Etienne – Formation permanente – 24 novembre 2009 – Michel Martin. –Version du 7 octobre.
Pour le pénitent « …lorsqu’il expérimente et proclame dans sa vie la miséricorde de
Dieu, il célèbre avec le prêtre la liturgie de l’Eglise qui se renouvelle
continuellement ».
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La naissance de pratiques neuves et contemporaines
Nombreux et féconds sont aujourd’hui les efforts et les initiatives pour remettre en
valeur le sacrement et permettre au peuple chrétien d’entrer avec bonheur dans la
richesse du sacrement, ceci notamment dans quatre domaines :
1. Le soin donné à l’aménagement du cadre liturgique, d’espaces différentiés d’accueil,
favorisant la rencontre, l’écoute et le dialogue, le silence, la prière, la réflexion, la
dimension ecclésiale…
2. La revalorisation du ministère du prêtre qui n’est plus isolé mais relié à la mission de
toute l’Eglise : présence de diacres, de laïcs, voire avec des compétences particulières
3. L’investissement dans les pèlerinages, les rassemblements (JMJ), les sanctuaires, les
grandes fêtes liturgiques, les journées paroissiales du pardon, où le sacrement est situé
et célébré dans une démarche spirituelle large, accompagné d’une catéchèse, au sein
de vraies et belles liturgies.
4. Le travail commencé, aidé par la théologie et les sciences humaines,
d’approfondissement du sens et de la conscience du péché, de la conversion, du
pardon, approfondissement qui permet de sortir d’un ritualisme étroit. Bien sûr il y a
encore beaucoup à faire, mais comment ne pas reconnaître le chemin déjà parcouru
dans ce domaine ?
Cet été je suis tombé par hasard dans la Semaine religieuse de mon diocèse de mars
1967 sur une Note de la Commission épiscopale de liturgie intitulée « Les célébrations
communautaires de la pénitence ».
Je cite « Ces célébrations sont opportunes en Carême, lors d’une retraite ou d’une
mission paroissiale, à l’occasion d’un pèlerinage, etc. Elles ne doivent pas être présentées
comme s’il s’agissait d’une institution nouvelle, destinée à supplanter l’ancienne. Elles ne
doivent pas aboutir à ce que les fidèles se confessent moins souvent, mais à ce qu’ils se
confessent mieux, ayant mieux compris le caractère évangélique, communautaire et positif
d’un sacrement qu’ils ont actuellement tendance à délaisser. »
Malgré cet avertissement très pastoral, il y a eu une certaine méprise dans la réception
du nouveau rituel. En effet, ce rituel avait été préparé pour une Eglise en situation de
chrétienté : il s’agissait d’améliorer la démarche de l’intérieur par un retour à la Tradition et
des adaptations pour aujourd’hui. En fait il a été reçu dans une Eglise où (mai 68 aidant…en
France au moins) la confession était de plus en plus désertée et on y a vu une manière de
rattraper la désaffection. Conséquence, c’est dans les paroisses où on venait se confesser le
plus que l’absolution collective a eu le plus de succès. Ainsi on n’a pas sauvé la pratique de la
confession individuelle mais on a permis aux chrétiens de prendre conscience du besoin d’être
sauvé. Il y a eu des dérives, certes, mais aussi certainement encore plus de richesses. Par
exemple, je me souviens très bien de ces personnes qui me disaient combien elles appréciaient
de se voir proposer par la paroisse une heure de méditation et de réflexion sur leur vie à la
veille des fêtes. Plus récemment j’ai souvent entendu individuellement des pénitents qui
avaient d’abord participé quelques jours plus tôt à la célébration communautaire. Tout cela
c’est quand même autre chose que la file d’attente au confessionnal où l’on cherche à passer
avant son tour pour aller plus vite faire son marché.
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St Etienne – Formation permanente – 24 novembre 2009 – Michel Martin. –Version du 7 octobre.
2.2.3. Le sacrement du pardon dans la vie chrétienne aujourd’hui
Le sacrement du pardon est un bien de l’Eglise, un trésor de la foi, une richesse de la
tradition. Côté doctrine il n’y a rien de neuf. C’est toujours aussi simple : « tu es aimé de
Dieu, de toute éternité, tourne-toi vers lui pour te l’entendre redire et poursuis ton chemin
dans la joie ! »
Il y a tant de gens qui sont en recherche de réconciliation, de pardon (parfois sans le
savoir : d’où les confusions fréquentes avec la guérison…), tant de personnes qui ont soif de
retrouver la paix du cœur (Cf. les demandes d’exorcisme, les deuils difficiles « quelqu’un me
veut du mal »). C’est aujourd’hui « Le moment favorable »…pour annoncer l’Evangile du
pardon…pour inviter à la reconnaissance de notre péché et faire prendre conscience de notre
besoin de salut.
Pour cela il faut des pratiques, des rites : aujourd’hui lesquels sont le plus
convenables ? Comment se fait-il que nos propositions anciennes aient subi une telle
désaffection ? Ignorance ? Mauvaise publicité ? Mauvaises pratiques ? Comment revitaliser
les bonnes pratiques de la pénitence et de la réconciliation ?
La prière chrétienne et surtout le Notre Père
Voir ce que nous avons dit plus haut
Commenter : Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous
ont offensés.
La Liturgie des Heures et les psaumes
Psaume 32 (31)
Heureux l’homme dont l’offense est enlevée et le péché couvert
Heureux celui à qui le Seigneur ne compte pas la faute et dont l’esprit ne triche pas
Psaume 51 (50)
Pitié pour moi, mon Dieu dans ton amour,
Selon ta grande miséricorde, efface mon péché.
Lave-moi tout entier de ma faute, purifie-moi de mon offense.
Oui, je connais mon péché, ma faute est toujours devant moi.
Contre toi et toi seul j’ai péché, ce qui est mal à tes yeux je l’ai fait.
Psaume 85 (84)
Tu as montré ton amour pour ton pays, Seigneur !
Tu as fait revenir les déportés de Jacob.
Tu as enlevé la faute de ton peuple, tu as couvert tout son péché.
La messe : pénitence et eucharistie ont un lien particulier
Ces deux sacrements sont tous les deux SAV du baptême, les deux seuls sacrements
vraiment réitérables (l’onction des malades exceptionnellement)
Voir ce que nous avons dit plus haut sur tout ce que la messe dit du péché et du
pardon. (Sur le lien entre pénitence et eucharistie, on peut peut-être l’aborder en
mars ?)
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St Etienne – Formation permanente – 24 novembre 2009 – Michel Martin. –Version du 7 octobre.
La célébration du sacrement du pardon sous les quatre formes du rituel et les
pratiques nouvelles
Les journées du pardon, les pèlerinages, les propositions des paroisses, des sanctuaires
des centres spirituels et des différentes communautés, les JMJ dont je peux témoigner.
La vie chrétienne est un chemin
La vie chrétienne, ce n’est pas « le bien ou le mal ». Nous ne sommes pas ou « bien »
ou « mal », ou « saint » ou « pécheur ». Nous sommes des êtres en chemin et Dieu marche
avec nous, dans le temps, dans la durée de nos existences. Et notre chemin n’est jamais
achevé, sinon dans les bras de Dieu au terme de notre vie. Et, avec l’eucharistie, le pardon est
sacrement de la route. C’est une grâce que nous recevons aussi souvent que nous le désirons.
Le pardon accompagne notre cheminement spirituel. La vie chrétienne est une suite du
Christ, ce n’est pas « tout ou rien », ni « tout tout de suite ». Il faut se méfier du radicalisme,
de l’intégrisme, de l’absolutisme. Etre chrétien cela doit être réaliste, sinon ce n’est pas
humain. A toutes les périodes de l’histoire de l’Eglise certains ont pu être tentés de radicaliser,
cela a été le plus souvent condamné comme hérésie. D’autres ont pu être tentés de relativiser,
cela a été également souvent condamné comme hérésie. Dans la durée, grâce à l’action
constante de l’Esprit Saint, les deux tendances se corrigent et contribuent à l’équilibre.
Il faut faire avec le chemin de chacun…et de Dieu avec nous, il faut compter avec le
temps.
Croire, c’est aller …J’ai cueilli un jour ces trois mots dans un livre de Régis Debray,
Dieu, un itinéraire, qui ajoute que l’homme croit parce qu’il a deux pieds. Ces mots m’ont
touché parce que j’ai toujours beaucoup aimé que Jésus se désigne lui-même comme Le
Chemin. L’image du chemin que la grande tradition a souvent utilisée pour parler de la vie
chrétienne et plus largement de la vie spirituelle, s’applique tout aussi justement à chaque
existence humaine. Qui que nous soyons, quelle que soit notre origine, notre histoire ou notre
destinée, notre culture ou notre religion, nous sommes tous et toutes d’abord des êtres en
chemin. Et notre Eglise est un peule de pèlerins, de nomades…
Nos vies vont ainsi d’étape en étape, et à ces étapes de rencontre en rencontre. Et
chacune de ces rencontres laisse en nous des traces indélébiles qui, plaisirs ou blessures,
forgent notre mémoire tout comme notre avenir.
A échanger et à collaborer, à faire ensemble des projets et à les réaliser, mais aussi à
débattre et à s’affronter, voire à nous diviser puis à nous pardonner, nous nous façonnons ainsi
réciproquement les uns les autres, et le visage, et le cœur et l’esprit.
Tant la société civile que la communauté chrétienne se construisent dans ces
compagnonnages. C’est en route que nous devenons des femmes et des hommes ouverts au
dialogue et au partage. A condition de ne juger, ni en bien ni en mal, aucune personne sur une
seule étape de son chemin d’homme ou de femme.
Croire, c’est aller…
Croire, c’est aller à la rencontre des autres pour écouter d’abord ce qui les fait vivre et
agir et ensuite leur parler de l’Autre qui nous anime et nous donne souffle.
Croire, c’est aller sur les pas de Celui qui est allé jusqu’au bout pour nous y révéler où
conduit le chemin.
Croire, c’est aller là où l’Esprit pousse chacun afin qu’il vive en vérité avec lui-même,
avec les autres et avec Dieu.
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St Etienne – Formation permanente – 24 novembre 2009 – Michel Martin. –Version du 7 octobre.
Conclusion
Le sacrement de la joie
En conclusion, je vous invite à relire l’Evangile de Luc13, évangile de l’aujourd’hui du
salut et de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit, de la joie du berger qui
retrouve sa brebis perdue, de la joie de la femme qui retrouve sa pièce, de la joie du Père qui
retrouve son fils perdu, de la joie de Zachée qui accueille Jésus dans sa maison.
« De toutes les sources d’où jaillit la joie – dit le Cardinal Etchegaray – je n’en
connais pas de plus abondante, de plus intarissable que celle du pardon. De plus miraculeuse
aussi, car « là où le péché a proliféré, la grâce a surabondé » (Rom 5,20). La plaie ouverte au
flanc de l’homme par le péché, loin de se refermer sous le baume du pardon, se transforme en
fontaine de jouvence. Mais ne vous trompez pas de jeunesse, de joie !
Le péché vous vieillit, avouez votre âge. Sans honte. Nous sommes tous des vieux. Le
péché n’est pas un mot abstrait de dictionnaire ou de catéchisme, mais quelqu’un en chair et
en os qui vous ressemble étrangement. « C’est vous-même, c’est moi-même, donnons-nous la
main, comme tu as vieilli !...et toi donc ! C’est triste de vieillir… »
Le pardon vous rajeunit, bondissez de joie. Plus de bandelettes. Je suis un ami de celui
qui a pleuré sur ma mort et m’a crié d’une voix forte : « Lazare, sors ! » (Jn 11,43). Je suis
l’enfant prodigue qui revient de loin, de ce pays du froid qui s’appelle le péché. Je vous
assure, mon père m’attendait devant la porte, il m’a vite revêtu de la plus belle robe, mieux il
m’a couvert de baisers (Lc 15,20-22).
Connaissez-vous la joie née du pardon ? La joie que nous sommes chargés de donner
au monde ? « Fais-leur comprendre que ce n’est pas un mot vague, un insipide lieu commun
de sacristie. Mais une horrible, une superbe, une absurde, une éblouissante, une poignante
réalité, et que tout le reste n’est rien auprès. Quelque chose d’humble et de matériel et de
poignant, comme le pain que l’on désire, comme le vin qu’ils trouvent si bon, comme l’eau
qui fait mourir si l’on ne vous en donne pas, comme le feu qui brûle, comme la voix qui
ressuscite les morts » (Claudel).
Connaissez-vous l’art d’être pécheur ? C’est tout simplement quand on abuse du
pardon plus que du péché, quand on donne à Dieu la joie de nous pardonner. Il raffole de cela.
Il associe le ciel et la terre au geste du mendiant impudique qui tend la main à son pardon. « Il
fallait festoyer et se réjouir, parce que ton frère que voici était mort et il est vivant, il était
perdu et il est retrouvé » (Lc 15,32). « Je vous le déclare, c’est ainsi qu’il y aura de la joie
dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit, plus que pour quatre-vingt-dix neuf justes
qui n’ont pas besoin de conversion » (Lc 15,7).
La joie a toujours été signature inimitable du Dieu Vivant. « Entre dans la joie de ton
Maître » (Mt 25,21). Pour cela il faut sortir de nous-mêmes, de nos peines mais aussi de nos
joies. Car la joie de Dieu ne peut entrer en nous, elle est trop grande pour notre cœur. Alors,
entrons dans sa joie, jusqu’à y perdre pied. Laissons-nous emporter par cette lame d’éternité.
La joie de Dieu, le Christ nous dit que personne ne peut nous la ravir (Jn 16,2).
La joie du pécheur pardonné se mesure à la joie de Dieu qui pardonne. »14
13
14
Cf. introduction de la TOB
Cardinal Roger ETCHEGARAY, J’avance comme un âne, Paris, Fayard, 1984, p. 165 La joie née du pardon
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