Rites signes, symboles et sacrements

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Rites signes, symboles et sacrements
Rites signes, symboles et sacrements
Le mot de sacrement ne figure nulle part dans le Nouveau Testament. Sacramentum latin est un terme juridique qui a d’abord
désigné la caution que 2 personnes en procès déposaient devant les dieux païens, comme garantie de leur bonne foi. Puis c’est devenu
le serment qui accompagnait le dépôt. En français le mot a donné serment et sacrement. Le terme sacrement traduit aussi le grec
mysterion désignant le secret que les dieux grecs ne dévoilaient que progressivement aux hommes (cf. les cultes à mystères1). Dans la
Nouveau Testament, ce n’est plus un secret mais la révélation destinée à tous.
Définition : les sacrements sont les signes sensibles (parole et action) accessibles à notre humanité. Ils réalisent efficacement la
grâce qu’ils signifient en vertu de l’action du Christ et par la puissance de l’Esprit-Saint.
L’Eglise-sacrement
Vatican 2 : « L’Eglise est en quelque sorte le sacrement, i.e. à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité du genre
humain » (Lumen Gentium §1). Avant de parler des sacrements, la définition de l’Eglise elle-même comme sacrement de salut dit sa
mission dans toute l’humanité. Elle n’est qu’une portion de l’humanité et sa sacramentalité reprend celle d’Israël, défini comme la
Lumière des Nations : « Je t'ai destiné à être la lumière des nations, afin que mon salut soit présent jusqu'à l'extrémité de la terre » (Isaïe
49,6). Cette sacramentalité dépasse les sacrements que nous célébrons :
« Au sens où on l’appelle l’Eglise ‘sacrement du salut’, toute sa vie, et pas seulement la célébration des (sept) sacrements proprement dits, fait partie
de ce sacrement : la parole et l’annonce explicite ; la profession de la foi dans le culte…, la pénitence…, la prière, l’intercession, le témoignage de la
vie religieuse, celui des familles et des communautés, les missions avec les œuvres… Les activités de sa charité ou de sa diaconie qui s’exercent si
souvent dans les structures dites profanes du monde… C’est l’immense chantier de tous les combats pour la dignité et la libération des hommes »
(Y. Congar Un peuple messianique 1975 p.80).
Le rite
Tout sacrement est une action liturgique, c’est-à-dire qu’il s’exprime en public dans un rite. Le rite (avec des règles) est indispensable
à la cohésion d’un groupe. Il y a des rituels même chez les animaux. Les membres d’un groupe se reconnaissent entre eux dans les
rites et déconcertent ceux qui ne sont pas du groupe. Par exemple la prière des juifs au Mur occidental du Temple de Jérusalem, le
pèlerinage à La Mecque, le Ramadan des musulmans. Il y aussi des rites de la société civile, autour des fêtes nationales, ou du sport,
pour ressouder la ‘communauté nationale’.
Le rite évite l’évaporation intellectuelle. Pour baptiser il faut de l’eau, pour célébrer des funérailles il faut des signes. Les rites font
appel à la beauté, à l’art de célébrer (costumes, musique, etc.). Le rite suppose la répétition, soulignant le temps qui passe. Pour ne
pas enfermer dans la culpabilité (comme disent les sociologues par rapport au rite qui se réfère au temps des origines mythiques), le
rite doit permettre des évolutions.
En Eglise, le rite a au moins 3 niveaux : le niveau social (il soude un groupe), le niveau personnel (il transforme chaque personne) et
le niveau symbolique : le rite construit un symbole où se rencontrent à la fois l’homme responsable et une altérité. Le rite ne fait pas
le sacrement, c’est le sacrement qui se manifeste dans un rite.
Les signes et les symboles
La modernité occidentale a redécouvert l’importance et la fonction du symbole dans l’expérience humaine. (Par exemple les travaux
de Claude Lévi-Strauss sur les mythes et la rationalité de l’ordre symbolique, cf. La Pensée sauvage, 1962).
a) les signes
Avant d’accéder à la parole l’homme premier s’est exprimé par des gestes devenus des signes pour ses familiers vivant en société. Pour
dire non, on peut bouger la tête mais aussi lever les bras à l’horizontale (Egypte ancienne). Pour transmettre des informations, on
peut utiliser des feux de brousse, des sifflets, des tambours. Les animaux eux-mêmes utilisent des signes pour communiquer, dans un
langage gestuel, non verbal. Karl von Frisch (prix Nobel 1973) a décodé la danse des abeilles. Plus étonnamment, le verbe ‘dire’ dans
les langues indo-européennes signifie ‘montrer du doigt’ : doigt/index/indiquer/diriger sont des mots de la même racine que ‘dire’.
On a la une trace du passage du langage des gestes au langage verbal.
Jésus, lui aussi, s’est exprimé par des signes : miracles, guérisons, déplacements en montagne etc. En Jean 9, la guérison de l’aveuglené, Jésus dit explicitement que cet aveugle-né est là non parce que ses parents ont péché mais pour que soit manifestée la gloire de
Dieu. Toute occasion lui sert de signe/prétexte pour enseigner.
Dans toute liturgie, l’assemblée elle-même est un premier signe fort. Un événement public (jamais privé) traduisant la volonté d’être
et de vivre ensemble. La liturgie de l’Eglise reprend, intègre, sanctifie des éléments de la culture en leur donnant une nouvelle dignité
de signes de l’alliance, de la grâce en Jésus-Christ (imposition des mains, sacrifice, onctions, la Pâque, le repos hebdomadaire etc.)
1
Les cultes à mystères, aussi appelés cultes initiatiques ou cultes orientaux, sont des cultes apparus avant l'ère chrétienne dans le monde gréco-romain.
b) les symboles
- Alors que le signe ne renvoie qu’au signifié, le symbole va plus loin. Le symbole n’est pas défini par ce qu’il est mais par ce qu’il fait
et par ce qui le fait. Il appartient à ce qu’il symbolise. Le symbole rend présent ce qu’il signifie.
- Le symbole exprime un niveau authentique des choses au-delà de ce qui est immédiatement perceptible. Il engage toujours une
dualité : visible/invisible, nature/grâce, humain/divin. Pour comprendre cela il suffit d’en venir à l’étymologie : symballein (lier
ensemble). Cela évoque la céramique cassée qu’emportent avec eux deux individus ou deux groupes humains. Dans l’avenir, il leur
suffira de ‘mettre ensemble’ les morceaux cassés pour se reconnaître membres d’un même groupe. Symbolique s’oppose
étymologiquement à diabolique (symbole : lier vs diab[o]le : diviser).
- Le symbole ne relève pas d’une théorie mais d’une expérience de vie. Il n’appelle pas tant l’intelligence (le concept, la théorie) que
les ‘entrailles’, ainsi que dit la Bible. Dans l’histoire longue de l’Eglise il y a eu des hérésies comme la Gnose (jusqu’au 3ème siècle) et
encore la période iconoclaste au VIIIème siècle condamnée par un concile2 ; ces hérésies prétendaient purifier le christianisme du
recours à l’expérience et au symbole et aux images.
Faut-il encore rappeler le langage imagé/parabolique/symbolique de Jésus pour son enseignement relatif au Royaume de Dieu ?
Les sacrements
Dans la tradition de l’Eglise primitive on utilisait à la fois sacramentum et mysterium pour parler des sacrements. Le terme
sacramentum ne figure pas dans le Nouveau Testament, alors qu’on trouve le mot mysterium, traduction directe du grec mysterion.
Ce terme dit plus de choses que la définition habituelle des sacrements comme ‘signes et instruments’. Il dit que le sacrement cache
(mysterium – secret) et révèle à la fois sa nature divine en exprimant la relation au Christ et au salut.
Ce qui est propre aux sacrements, c’est l’adjonction d’un signe/geste et d’une parole. La Parole est accompagnée de signes :
- Ephésiens 5,26 : « Le Christ a aimé l’Eglise. Il s’est livré pour elle, afin de la rendre sainte, en la purifiant par le bain de l’eau
qu’une parole accompagne. »
- Mc 16,20 : « Quant à eux, ils partirent prêcher partout. Le Seigneur agissait avec eux et confirmait la Parole par les signes qui
l’accompagnaient. »
- Jn 10,38 : « Quand bien même vous ne me croiriez pas (les paroles), croyez en ces œuvres (les signes) afin que vous connaissiez et
que vous sachiez bien que le Père est en moi comme je suis dans le Père. »
Le sacrement permet à notre vie d’avoir une valeur plus grande que celle que nous sommes capables de lui donner par nous-mêmes.
Le sacrement n’est pas donné comme un avantage personnel, il nous confère une mission. Chaque sacrement a un ministre (on ne se
donne pas le baptême soi-même) où le ministre signifie le Christ agissant comme Tête de son Corps. Le temps du sacrement (de la
célébration) pose la totalité du mystère du Christ ressuscité (jusqu’à ce qu’il revienne) dans notre existence comme un germe. Ne
reste qu’à en vivre tout au long de l’existence. Par exemple le mariage est tout entièrement célébré le premier jour, il reste cependant
à en découvrir toute la plénitude tout au long de l’existence.
Entre la Pentecôte et la fin des temps (le temps de l’Eglise), le Christ communique son œuvre de salut jusqu’à ce qu’il vienne, dans la
liturgie. Les sept sacrements sont pour l’Eglise ; ils font l’Eglise (Saint Augustin). Trois d’entre eux (baptême, confirmation, ordre)
ne sont pas réitérables car ils configurent au Christ.
Parfois on parle des sacrements comme des ‘sacrements de la foi’ : ils supposent la foi et en même temps ils la nourrissent, la
fortifient et l’expriment.
Un sacrement est une réalité humaine qui annonce le Royaume de Dieu parce qu’elle est un lieu privilégié de sa réalisation. On a
besoin de signes et de symboles parce que nous sommes des êtres à la fois corporels et spirituels. Chez les chrétiens orientaux, on
rappelle toujours que la liturgie est célébrée en écho à la liturgie céleste (cf. l’Apocalypse), celle où il n’y a plus de signes parce qu’au
Ciel le Christ préside une liturgie dans une fête et une communion parfaites. On dit que le Christ préside la liturgie, alors que la
communauté célèbre. Les baptisés sont consacrés pour être un sacerdoce saint. Même si tous les baptisés n’ont pas la même fonction.
Pour les vendredis de la foi – le Blanc Mesnil le 7 novembre 2008 – Alain Le Négrate
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Léon III s'empare du pouvoir en 717 à Constantinople, juste avant que les Sarrasins ne mettent le siège une deuxième fois devant sa ville. En 726 il
décrète la destruction de toutes les icônes. La querelle des images est condamnée aussitôt à Rome par le pape Grégoire II, puis par le pape Grégoire III.
Dans l’empire d’Orient, c’est l’impératrice Théodora qui mettra fin à l’iconoclasme en 843.