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Revues
Lexbase Hebdo édition publique n˚338 du 3 juillet 2014
[Urbanisme] Questions à...
L'ensemble des terrains desservis rentre-t-il dans le calcul de
l'assiette de la participation pour voirie et travaux ? —
Questions à Jean-François Rouhaud, Avocat au barreau de
Rennes, associé au cabinet Lexcap
N° Lexbase : N2910BUC
par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo — édition
publique
Réf. : CE 9˚ et 10˚ s-s-r., 26 mai 2014, n˚ 350 472, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6401MPR)
Dans un arrêt rendu le 26 mai 2014, le Conseil d'Etat est venu préciser que des terrains déjà desservis par
une autre voie peuvent être regardés comme bénéficiant de la nouvelle desserte au sens des dispositions
de l'article L. 332-11-1 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L1512IPP) et entrer, par suite, dans le calcul de
l'assiette de la participation pour voirie et réseaux. Afin de déterminer si une telle solution peut entrer en
conflit avec les principes du droit de propriété garanti par l'article 1er du Premier protocole additionnel à la
CESDH (N° Lexbase : L1625AZ9) et du principe d'égalité devant les charges publiques entre propriétaires,
Lexbase Hebdo — édition publique a rencontré Jean-François Rouhaud, Avocat au barreau de Rennes,
associé au cabinet Lexcap.
Lexbase : Pouvez-vous nous rappeler la fonction de la participation pour voirie et réseaux ?
Jean-François Rouhaud : L'article 46 de la loi n˚ 2000-1208 du 13 décembre 2000, relative à la solidarité et au
renouvellement urbains (N° Lexbase : L9087ARY), dite loi "SRU", a instauré la participation pour voie nouvelle et
réseaux (PVNR). Cette participation a été instituée afin de remplacer un dispositif existant jugé inéquitable et source
de pratiques illégales.
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Inspirée de la participation des riverains en Alsace-Lorraine, la PVNR visait à permettre au conseil municipal d'instaurer une contribution au financement de la réalisation de voies et réseaux pesant sur les propriétaires souhaitant
construire. Les dispositions de la loi "SRU" sont toutefois apparues d'une complexité redoutable, en raison, notamment, d'importantes difficultés d'interprétation des textes. L'application de la PVNR a même parfois abouti au
blocage de projets dans certaines communes.
Une circulaire ministérielle a été publiée en 2003, afin de donner une interprétation de la loi plus conforme aux
vraies intentions du législateur. Toutefois, il a fallu que la loi n˚ 2003-590 du 2 juillet 2003, urbanisme et habitat
(N° Lexbase : L6770BH9), vienne clarifier le dispositif. Cette loi remplace la participation pour voie nouvelle et
réseaux (PVNR) par la participation pour voiries et réseaux (PVR).
Selon la circulaire UHC/DU 3/5 n˚ 2004-8 du 5 février 2004, relative aux modalités de mise en œuvre de la participation pour voiries et réseaux (N° Lexbase : L6147I33), la PVR permet aux communes de percevoir des propriétaires
de terrains nouvellement desservis par un aménagement, une contribution correspondant à tout ou partie du financement des travaux nécessaires. Les travaux concernés sont la réalisation ou l'aménagement d'une voie.
Cela peut inclure :
— l'acquisition des terrains, les travaux de voirie (chaussée et trottoirs, y compris pistes cyclables ou stationnements
sur voirie, ou espaces plantés), l'éclairage public, le dispositif d'écoulement des eaux pluviales et les éléments
nécessaires au passage, en souterrain, des réseaux de communication (travaux de génie civil, gaines, fourreaux
et chambres de tirage, à l'exclusion du coût des câbles) ;
— la réalisation des réseaux d'eau potable, d'électricité et d'assainissement (hors des secteurs d'assainissement
individuel) ;
— et les études nécessaires à ces travaux.
En revanche, les équipements qui ne figurent pas dans la liste précitée ne peuvent pas être financés par la PVR. En
particulier, ne peuvent être financés les équipements dont l'existence ne conditionne pas la délivrance des permis
de construire, tels que :
— les réseaux de communication aériens, de gaz, de chauffage urbain ;
— et les autres équipements communaux, crèches, écoles ou salles de sports par exemple.
Contrairement à la PVNR, la PVR peut être utilisée pour financer des réseaux le long d'une voie existante sur laquelle
aucun aménagement n'est réalisé. La PVR est aujourd'hui prévue par l'article L. 332-11-1 du Code de l'urbanisme.
Elle est instituée sur le territoire de la commune par une simple délibération du conseil municipal. Ensuite, une
délibération propre à chaque voie précise les travaux qui sont prévus et le montant de la participation par mètre
carré de terrain, qui sera mise à la charge des propriétaires. Le montant et la (ou les) date(s) de versement de la
participation doivent être prévus explicitement dans l'autorisation d'urbanisme.
La disparition de la PVR est programmée par l'article 28 de la loi n˚ 2010-1658 du 29 décembre 2010, de finances
rectificative pour 2010 (N° Lexbase : L9902IN3), qui a créé la taxe d'aménagement. La suppression de la PVR
est ainsi intervenue le 1er mars 2012 dans les secteurs où les assemblées délibérantes compétentes ont décidé
d'appliquer les taux majorés de la taxe d'aménagement (taux supérieurs à 5 %). En dehors de cette hypothèse, la
suppression de la PVR sera effective à compter du 1er janvier 2015.
Selon la circulaire du 18 juin 2013, relative à la réforme de la fiscalité de l'aménagement (N° Lexbase : L6189I3M),
pour les PVR "spécifiques" existantes au 1er janvier 2015, la délibération PVR "spécifique" continuera à produire
ses effets tant qu'elle n'aura pas été abrogée : les permis continueront à indiquer le montant de la PVR et des
conventions pourront toujours être signées.
Lexbase : Quelles sont les interactions entre cette participation et le certificat d'urbanisme ?
Jean-François Rouhaud : L'absence ou la présence de la PVR, qui est une modalité de financement des réseaux,
n'a aucun impact juridique direct sur la délivrance ou non d'un permis de construire ou d'un certificat d'urbanisme.
La délivrance des permis de construire et des certificats d'urbanisme est déterminée avant tout par les documents
d'urbanisme (PLU, carte communale) et suppose également la présence des principaux réseaux : eau potable,
électricité, assainissement et accès pompiers.
Toutefois, pour garantir la stabilité des renseignements fournis dans le certificat d'urbanisme, l'alinéa 4 de l'arp. 2
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ticle L. 410-1 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L3418HZM) prévoit une "cristallisation" du régime des taxes
et participations applicables aux demandes d'autorisation d'urbanisme déposées dans les dix-huit mois de la délivrance de ce certificat.
Ainsi que la rappelle la circulaire du 5 février 2004, relative aux modalités de mise en œuvre de la participation pour
voiries et réseaux, trois situations peuvent se rencontrer.
Dans le premier cas, la PVR n'est pas instituée sur la commune à la date de délivrance du certificat d'urbanisme
(délibération générale non intervenue ou non exécutoire). Celui-ci ne mentionne pas la PVR parmi les participations
applicables. La PVR ne pourra pas être exigée si la demande de permis de construire est déposée dans le délai de
validité du certificat d'urbanisme, même si la commune l'a instituée entre temps.
Dans le deuxième cas, la PVR est instituée sur la commune (délibération générale exécutoire), mais la délibération
particulière relative à la voie n'est pas encore intervenue. Le certificat d'urbanisme mentionne le fait que la PVR est
exigible dans la commune. Si la délibération particulière concernant la voie est prise avant la délivrance du permis
de construire, le propriétaire devra payer la PVR.
Dans le dernier cas, la PVR est instituée sur la commune (délibération générale exécutoire) et la délibération particulière est intervenue. Dans ce cas, le certificat d'urbanisme mentionne les deux délibérations.
Lexbase : Le Conseil d'Etat a-t-il déjà eu à trancher des différends en la matière ?
Jean-François Rouhaud : C'est précisément en ce qui concerne l'articulation entre PVR et certificat d'urbanisme
que le Conseil d'Etat a eu l'occasion de trancher une question de droit intéressante.
L'affaire soumise à la Haute juridiction concernait le cas d'un certificat d'urbanisme "positif" accordé par une commune après que celle-ci ait institué sur son territoire la PVR, mais avant qu'elle ait approuvé la seconde délibération
propre à la voie concernée par l'opération faisant l'objet du certificat. Ce certificat d'urbanisme "positif" ne mentionnait pas la PVR instituée sur la commune. Par la suite, un permis de construire avait été accordé, mettant à la
charge du constructeur la participation.
Par un arrêt du 15 novembre 2007, la cour administrative d'appel de Bordeaux a considéré que, "c'est à bon droit que
le certificat ne mentionne pas, au titre du régime des taxes et participations applicables à ce dernier, la participation
au financement des voies nouvelles et réseaux, et que par conséquent sont illégales les dispositions du permis
de construire par lesquelles le maire a mis à la charge du constructeur la participation pour voirie et réseaux, non
mentionnée dans le certificat d'urbanisme" (1).
Cet arrêt a été infirmé le 22 janvier 2010 par le Conseil d'Etat (2). La Haute juridiction a considéré, tout d'abord, que,
"dès lors qu'une commune a institué la participation pour le financement des voies nouvelles et réseaux réalisés
sur son territoire pour permettre l'implantation de nouvelles constructions, le certificat d'urbanisme doit indiquer aux
propriétaires de terrains situés dans un secteur où est susceptible d'être créée une telle voie ou un tel réseau que
cette participation pourra leur être réclamée", avant d'ajouter "même si la délibération arrêtant pour chaque voie
nouvelle ou pour chaque réseau la part du coût des travaux mise à la charge des propriétaires riverains n'a pas
encore été prise".
Selon la Haute juridiction, par ailleurs, si à la date du certificat d'urbanisme la participation pour voiries et réseaux
a été instituée dans la commune, et même si le certificat a omis d'en faire mention, elle peut être mise à la charge
du constructeur dès lors que la délibération la mettant en œuvre pour une voie particulière est en vigueur le jour de
la délivrance du permis de construire, quand bien même elle ne l'était pas à la date du certificat d'urbanisme.
Ce dernier raisonnement se situe dans la droite ligne de la jurisprudence, qui considère qu'un certificat d'urbanisme
erroné ou incomplet n'est pas créateur de droit pour son bénéficiaire.
Lexbase : Quel est l'apport essentiel de l'arrêt du 26 mai 2014 concernant les territoires d'une commune
devant être soumis à cette participation ?
Jean-François Rouhaud : L'une des questions les plus sensibles, au plan juridique, au stade de la mise en œuvre
de la PVR, est celle de savoir qui doit supporter le paiement de cette participation. L'article L. 332-11-1 du Code de
l'urbanisme fixe un certain nombre de règles à ce sujet.
Selon cette disposition, la part des équipements publics à réaliser "est répartie entre les propriétaires au prorata de
la superficie des terrains bénéficiant de cette desserte et situés à moins de quatre-vingts mètres de la voie". La loi
précise que "le conseil municipal peut, en fonction des circonstances locales, modifier la distance de quatre-vingts
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mètres sans que celle qu'il fixe puisse être supérieure à cent mètres ni inférieure à soixante mètres".
En outre, la faculté est donnée d'"exclure les terrains qui ne peuvent supporter de constructions du fait de contraintes
physiques et les terrains non constructibles du fait de prescriptions ou de servitudes administratives dont l'édiction
ne relève pas de la compétence de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale".
Dans l'affaire jugée par le Conseil d'Etat dans l'arrêt rapporté, une commune avait décidé de mettre à la charge
des propriétaires riverains d'un chemin à aménager et à prolonger, pour un coût estimé à un montant de 610 000
euros, la totalité de ce coût en prenant en compte, pour le calcul de la PVR, les terrains situés dans une bande
de 80 mètres à compter de la future voie et en fixant à 35 euros par m² de terrain desservi le montant de cette
participation.
Afin de déterminer ce montant au m², la collectivité avait pris en compte la seule superficie des terrains situés du
côté est du chemin à aménager en excluant la superficie des terrains situés du côté ouest parce qu'ils ne pouvaient
bénéficier de la nouvelle desserte en raison de forts dénivelés, que certains d'entre eux ne pouvaient supporter de
nouvelles constructions et qu'ils étaient déjà desservis par une autre voie.
La collectivité avait également soustrait certaines emprises de la superficie prise en compte pour la détermination de
la participation de 35 euros par m² en raison de leur inconstructibilité en application des prescriptions du règlement
du plan d'occupation des sols.
De telles exclusions avaient été sanctionnées par la cour administrative d'appel de Versailles, dans un arrêt du 14
avril 2011 (3). Le Conseil d'Etat confirme ici l'analyse de la cour. La Haute juridiction relève très explicitement que la
cour administrative d'appel a pu, sans entacher son arrêt d'erreur de droit, regarder les terrains situés du côté ouest
du chemin à aménager "comme bénéficiant de la voie et estimer qu'ils devaient entrer dans l'assiette du calcul de la
participation pour voirie et réseaux", et ce, malgré l'existence d'une autre voie susceptible de desservir ces terrains.
Elle écarte, par ailleurs, les critiques formulées par les requérants à l'encontre de l'appréciation de la cour qui
avait considéré qu'une commune ne peut exclure de la PVR des "terrains rendus non constructibles du fait de
prescriptions ou de servitudes administratives dès lors que ce caractère inconstructible résulte de l'application de
sa propre réglementation".
Une telle solution est importante de conséquences pratiques, d'une part, pour les collectivités publiques qui ont
la responsabilité de déterminer le périmètre dans lequel elles décident d'exiger la participation, ce qui conditionne
nécessairement la légalité de la PVR instituée, mais encore, d'autre part, pour les redevables, dont la participation
calculée au m² dépend non seulement des équipements publics réalisés, mais encore de l'étendue du périmètre
pris en compte.
Elle vient sérieusement nuancer certaines indications contenues dans la circulaire du 5 février 2004 et notamment
celle selon laquelle "en ce qui concerne les terrains situés à l'intersection d'une voie existante et qui supportent
déjà une construction raccordée à la voie existante, le conseil municipal peut estimer qu'ils ne bénéficient pas du
nouvel aménagement. La partie de ce terrain considérée comme bâtie (c'est-à-dire soumise à la taxe foncière sur
les propriétés bâties) peut alors être exclue des terrains bénéficiant de la desserte".
Il est ainsi rappelé aux collectivités locales que ces dernières ne peuvent pas sans limite chercher à restreindre la
périmètre d'application de la PVR dans l'unique objectif de faire supporter à quelques constructions à venir, la part
la plus importante du coût des équipements publics à réaliser.
(1) CAA Bordeaux, 1ère ch., 15 novembre 2007, n˚ 05BX01 049 (N° Lexbase : A6370D4P).
(2) CE 3˚ et 8˚ s-s-r., 22 janvier 2010, n˚ 312 425, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4549EQK).
(3) CAA Versailles, 2ème ch., 14 avril 2011, n˚ 10VE00 368 (N° Lexbase : A6156HUK).
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