guide d`écoute - Festival de Violoncelle de Beauvais
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guide d`écoute - Festival de Violoncelle de Beauvais
Concerto pour violoncelle de Chostakovitch G U I D D’ÉCOUTE Texte : David d’Hermy Mise en page : Francine Perrot E Dmitri Dmitrievitch CHOSTAKOVITCH (1906-1975) En 1959, alors qu’il sort d’une grave crise d’inspiration, Chostakovitch déclare que sa « prochaine œuvre sera un Concerto pour violoncelle. (...) L’impulsion première, dit-il, m’est venue lors d’une audition de la Symphonie-Concerto de Serge Prokofiev qui m’intéressa beaucoup et me donna l’envie de m’essayer à ce genre. » Tout comme la Symphonie concertante de son homologue russe, l’œuvre est dédiée à Mstislav Rostropovitch qui l’a créée le 4 octobre 1959 à Leningrad avec l’Orchestre de la Philharmonie de Leningrad sous la direction de Mravinski. Rostropovitch, après avoir été l’élève en composition de Chostakovitch et de Prokofiev au Conservatoire de Moscou, joua un rôle de premier plan, comme l’on sait, dans la création et la diffusion des œuvres pour violoncelle de ces deux compositeurs (parmi elles, la Sonate pour violoncelle et piano de Prokofiev et le Concerto pour violoncelle n°2 de Chostakovitch qu’il créa également). Chostakovitch avoue qu’il lui « serait bien difficile de dire quoi que ce soit de concret à propos du contenu [de son œuvre] et que de telles questions, en dépit de leur caractère apparemment naturel et simple, [lui] causent toujours des problèmes… » Mais derrière cette pudeur, réelle ou de circonstance, se cache la réalité d’une œuvre autobiographique. La cellule initiale de 4 notes qui lance la « marche badine » du début et imprègne l’œuvre entière n’est autre que la signature musicale à peine voilée du compositeur (une déformation des initiales de Dmitri SCHostakovitch : DSCH = ré, mib, do, si - serait-ce son double ?) apparue dès la Symphonie n°10 et reprise l’année suivante dans le dramatique Quatuor n°8. C’est ce même quatuor qui, dans son 3ème mouvement –une sorte de scherzo diabolique– associe la fameuse cellule DSCH au thème initial du concerto pour violoncelle… Le Quatuor en question regorge par ailleurs de citations (Symphonies n°1 et n°8, Trio n°2, Lady Macbeth…) fournissant par là même bon nombre de clés. Le compositeur confia à son sujet dans ses mémoires : « Je me suis dit qu’après ma mort personne sans doute ne composerait d’œuvre à ma mémoire. J’ai donc résolu d’en composer une moi-même… ». Lev Lebedinski fait très justement remarquer que le Quatuor n° 8 est contemporain de l’adhésion de Chostakovitch au Parti Communiste, « et ceci, pour lui, équivalait à la mort même »… « Tout a été dit sur Chostakovitch (…) : son positionnement par rapport au pouvoir, ses compromissions, le drame permanent de son existence ballotée entre les distinctions les plus élevées et les rabaissements les plus humiliants, l’esprit de sa musique où le tragique unissant l’individu et la nation, le grotesque, l’introspection insondable, la détresse poignante se mêlent aux ricanements sous cape, aux trépignements haineux de la victime et à la langue de bois musicale de l’homo sovieticus, et par-dessus tout, la dualité fondamentale du message de son œuvre. Une chose peut être affirmée avec certitude : jamais un artiste ayant atteint une semblable renommée dans son pays et dans le monde entier n’aura vécu dans une telle souffrance et dans une peur panique aussi constante. » (André Lischke in La musique en Russie depuis 1850, pp. 197-198) MALADRERIE SAINT-LAZARE Samedi 25 mai 2013 [ 9h30 ] 203, rue de Paris I 60000 BEAUVAIS MASTERCLASS de Philippe MULLER avec Axel Bosquillon de Jenlis , Angèle Legasa , Camille Berthollet > 1er MOUVEMENT Allegretto (« Mib Majeur ») • exposition Thème Principal de l’œuvre au violoncelle ponctué par les bois puis les cordes, en progression constante jusqu’à sa reprise par le soliste puis l’orchestre galvanisé par le violoncelle. Un court épisode de transition, un trille du violoncelle, et les timbales lancent le Second Thème, véhément, au violoncelle, qui se développe sur une rythmique implacable de l’orchestre. La clarinette conclut ce passage. • développement Le cor interpelle (Thème Principal) avec force le soliste. Un dialogue s’engage entre le cor hiératique, le violoncelle et un orchestre aux sonorités de plus en plus sardoniques. Le débat s’anime, s’envenime, et tourne vite à l’affrontement entre les trois protagonistes (le cor redonne le Thème Principal à plusieurs reprises, en entier puis morcelé). Le violoncelle s’empare avec rage du Second Thème pour faire face à l’agressivité des bois, et le tumulte est grand quand le cor reprend (en entier) le Thème Principal avec la même autorité qu’au début du développement. • réexposition Le Thème Principal revient au violoncelle puis, rapidement, le Second Thème. Mais cette fois les rôles changent : le violoncelle est contraint d’accomplir l’accompagnement rythmique du cor qui assène le Second Thème. Mais le soliste s’échappe dans l’aigu, reprenant la parole (fin du Second Thème) puis ramène le Thème Principal du début. L’atmosphère semble s’être calmée mais un dernier sursaut du cor et de l’orchestre montre que « l’ennemi » est toujours là !… > 2ème MOUVEMENT Moderato (« la mineur ») Premier Thème chantant qui se meut noblement aux cordes, sur un rythme de sarabande ; les dissonances sont contenues. Transition du cor appelant le Second Thème, tendrement mélancolique au violoncelle, contrepointé par les altos (contrechant) et soutenu par les basses en pizzicati. Développement mélodique du soliste qui cède la parole à la clarinette (Second Thème encore) puis la reprend et finit par conclure le passage dans le grave. Retour du Premier Thème en fa# aux cordes, dans une nuance pp et un registre plus aigu, prolongé cette fois par le violoncelle, dont la mélodie très expressive fait figure de Troisième Thème (issu de la phrase du cor, au début du mouvement) ; il est développé, interrompu par de courtes cadences, puis repris ; il prend alors l’allure d’une Danse Populaire. L’angoisse latente jusqu’ici grandit progressivement, le violoncelle voyage du grave à l’aigu, la tension s’accroît, et la Danse Populaire, acculée dans le suraigu des violons, devient pathétique. Après le coup de timbale, réapparition du Premier Thème écourté, ff. Le cor, plus insistant qu’au début, laisse la place à une musique qui n’est plus que l’ombre d’ellemême, comme désincarnée, dans laquelle le Second Thème se partage entre le violoncelle en harmoniques et le célesta… > 3ème MOUVEMENT Cadenza Dans ce paysage de désolation, le violoncelle se relève, seul. Le Troisième Thème, la Danse Populaire, puis le Second Thème et son contrechant (le tout issu du 2ème mouvement). La cadence s’anime progressivement, devenant de plus en plus virtuose, le Thème Principal du début refait surface. Le combat peut reprendre, plus âpre encore… > 4ème MOUVEMENT Allegro con moto (« sol mineur » - « Mib Majeur ») • refrain Premier Thème tragi-comique (est-ce la parodie de Suliko, la chanson préférée de Staline dont parle Rostropovitch dans ses souvenirs ?) par les clarinettes et les hautbois à l’unisson auxquels se joignent les flûtes qui persifflent, accompagnés par les quintes pesantes des cordes qui bientôt se déhanchent. Premier Thème repris par le soliste. • couplet 1 Danse rapide « à la cosaque », Second Thème syncopé au violoncelle (grande énergie rythmique impulsée par les cordes en pizzicati) ponctué par les traits stridents des bois. Second Thème repris par les cordes graves tandis que le soliste commente de façon extrêmement virtuose. • refrain Premier Thème aux bois. Le violoncelle poursuit sa course folle. • couplet 2 PRÉCIPITATION/DISLOCATION et CODA Sorte de Valse à 3/8 , tout d’abord au cordes, puis au violoncelle qui laisse resurgir la tête du Thème Principal du 1er mouvement. Développement, cassures, tournoiements, vertige, intervention du cor qui parait dépassé, début du Second Thème puis du thème de Valse repris en boucle par le violoncelle tandis que les clarinettes « hurlent » le début du Second Thème. Le Premier Thème, lui aussi en boucle aux violons, se lance dans la danse infernale qui peu à peu dérape, se perd dans l’extrême aigu par les bois (Second Thème). Les timbales ramènent le Thème Principal dont le début si caractéristique est répété à l’orchestre, puis au cor qui conduit le violoncelle sur la voie de ce qui s’annonce être la réexposition du 1er mouvement : Thème Principal comme au début du concerto ! Tout semble être rentré dans l’ordre mais tourne rapidement à la parade la plus grotesque qui soit, avec : retour parodique du Premier Thème aux bois, Thème Principal tourné en ridicule au cor, accompagnement férocement moqueur au violoncelle. Le soliste s’échappe, insaisissable, grimaçant parfois. Dernier appel des bois, fin de la partie « sifflé » par les timbales. Dmitri Dmitrievitch Chostakovitch et Mstislav Rostropovitch