Une Vie, roman naturaliste ou réaliste

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Une Vie, roman naturaliste ou réaliste
Synthèse : Une Vie, un roman réaliste ou naturaliste ?
Le réalisme se définit en opposition au romantisme, qui donne la première place à l’individu, à
l’imagination, aux sentiments, à l’inspiration et à l’idéal.
Le réalisme est une volonté de reproduire le réel, sans jamais l’idéaliser.
Le naturalisme, théorisé par Zola, ajoute au réalisme une démarche scientifique.
Le romancier est un observateur et un expérimentateur. Comme un savant, il étudie les espèces
humaines, l’influence de l’hérédité et du milieu sur les individus.
I-
L’influence de Flaubert
1) Les leçons de Flaubert
Pour Une Vie, Maupassant se soumet aux exigences de Flaubert :
- Labeur régulier et patient
- Absence de lieux communs (originalité)
- Adaptation du style à ce que l’on veut raconter
- Impersonnalité du narrateur
Dans Une Vie, Maupassant délègue son regard et ses émotions au personnage de Jeanne
2) Madame Bovary et Une Vie
Ces deux romans sont centrés sur deux destins de femmes, victimes d’une éducation étriquée
(restreinte) qui leur donne de la vie une vision naïve : elles ont trop rêvé, trop lu et accordent trop de
place à l’imagination, d’où leurs désillusions et leurs échecs.
Ces deux romans présentent la condition morale, conjugale et sexuelle de la femme au XIX° siècle, quel
que soit son milieu d’origine (petite bourgeoisie chez Emma, aristocrate de province chez Jeanne). La
femme est condamnée à l’échec et l’insatisfaction. La vie de Jeanne est encore plus ennuyeuse que
celle d’Emma : Jeanne subit sa vie et ne se révolte pas, à la différence d’Emma, qui fuit sa médiocrité
dans l’adultère et le suicide.
Jeanne est un des personnages littéraires les plus insignifiants (sans dimension héroïque ni tragique).
C’est un personnage mou, comme Frédéric Moreau, dans L’Education Sentimentale de Flaubert.
II-
Aspects réalistes et naturalistes d’Une Vie
1) Une histoire banale
« L’humble vérité » : Maupassant refuse l’intrigue à rebondissements, à l’exception du chapitre III
Cependant, cela ne signifie pas qu’il y a une absence de plan : chaque détail est rigoureusement
ordonné et signifiant.
2) Le choix de l’époque contemporaine
Les romanciers privilégient l’histoire de leur époque (Une Vie : 1819-1848). A la différence de Flaubert
et Balzac, qui ancrent leur œuvre dans l’Histoire, Maupassant ne fait aucune allusion aux nombreux
évènements de la période.
3) Le choix d’une humanité moyenne
Le personnage, pour le réaliste, est intéressant pour ses relations avec son milieu, sa classe sociale,
son métier et ses origines. C’est pourquoi on privilégie des personnages moyens et non des héros.
Certains personnages apparaissent comme des types :
- Les abbés (Picot et Tolbiac)  Prêtres de campagne
- Le baron  Petite noblesse terrienne, ouvert d’esprit mais attaché aux privilèges et préjugés
Même si elle fait preuve de résistance ponctuelle (insistance pour sauver Rosalie, engrossée par Julien ;
délaissement de la religion après le massacre de la chienne par l’abbé Tolbiac), Jeanne rate sa vie,
parce qu’elle est victime de son éducation, son milieu et son époque, et non pas seulement à cause de
sa passivité
Jeanne et le profil moyen de la femme de son temps
4) Le goût de la description
Dans le roman, la description occupe une place très importante, mais elle est intégrée à la narration,
à la différence de Balzac. Au début d’Une Vie, on découvre le château des Peuples avec Jeanne, en
compagnie de son père.
5) Un naturalisme nuancé
Maupassant est plus réaliste que naturaliste. Dans Une Vie, on ne retrouve pas les trois axes de l’œuvre
de Zola (thème de l’hérédité, projet scientifique, volonté militante).
Maupassant accorde plus d’importance à l’éducation qu’à l’hérédité.
Zola s’intéresse à la dégénérescence du peuple (alcoolisme, prostitution, tares), à la misère du peuple
et sa grossièreté.
Chez Maupassant, l’ironie marque une certaine distance par rapport à ce qu’il raconte.
On trouve des scènes proprement naturalistes (importance du corps et de la sexualité) : nuit de noces
de Jeanne, accouchements de Rosalie et de Jeanne, massacre de la chienne, corps mutilés de Jeanne
et de Gilberte. Au sein de ces scènes, il y a la même douleur d’entrailles. Le narrateur décrit la réalité
physiologique du corps.
Ce qui l’emporte chez Maupassant, c’est la rigueur de la description : il refuse les métaphores et les
comparaisons, propres à Zola.
Pourtant, Julien n’éprouve que du dégoût pour Rosalie et Jeanne, comme si la grossesse et
l’accouchement ravalaient le désir humain aux instincts de bête (reproduction et continuation de
l’espèce). Le corps est aussi le cadavre (ceux de Julien et de Gilberte). La relation entre Jeanne et la
nature et l’influence des saisons sur son comportement est naturaliste.