Les Gabonais déclinent leurs orientations pour résorber le chômage

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Les Gabonais déclinent leurs orientations pour résorber le chômage
Dépêche No. 96 | 1 juin 2016
Les Gabonais déclinent leurs orientations pour
résorber le chômage
Dépêche No. 96 Afrobaromètre | Christian Wali Wali et Bertrand Dimitri Ndombi
Boundzanga
Résumé
Depuis 2014, le Gabon traverse une conjoncture économique défavorable compte tenu de
la baisse continue du prix du pétrole, qui fournit l’essentiel de ses recettes.
Cette crise du secteur pétrolier a des conséquences importantes sur l’ensemble de
l’économie nationale. En effet, on observe davantage de chômage, notamment dans les
villes pétrolifères comme Port-Gentil, lié à la fermeture des entreprises sous-traitantes des
sociétés pétrolières et au ralentissement des activités connexes. Cela va augmenter le
nombre des Gabonais économiquement faibles recensés par la Caisse Nationale
d’Assurance Maladie et de Garantie Sociale (CNAMGS). Pour le Ministère de la Santé et de
la Prévoyance Sociale, ces Gabonais, qui étaient de 550.000 personnes en 2015, pourraient
passer à 800.000 en 2016 (Quotidien l’Union, 2016).
Le chômage, qui était déjà un problème avant la crise pétrolière, devient une
préoccupation plus prononcée. Selon la Banque Mondiale, le taux de chômage au Gabon
était à 16% en mai 2015, soit environ 150.000 personnes. Chez les jeunes, il représente un taux
de plus de 30% de cette population. La Banque Mondiale rapporte que 35,7% des chômeurs
au Gabon sont les jeunes de 15-24 ans et 26% des actifs de 25-34 ans. Le chômage est deux
fois plus élevé chez les femmes que chez les hommes.
Bien qu’il ne relève pas fondamentalement d’un service gouvernemental, le chômage
constitue l’un des défis majeurs pour les pouvoirs publics. Pour répondre à cette
préoccupation, les autorités gouvernementales déploient un certain nombre d’initiatives et
cible un ensemble de politiques. Concernant les femmes, le gouvernement du Gabon a
consacré la décennie 2015-2025 « Décennie de la Femme » avec l’ambition de promouvoir
les activités rémunératrices d’autonomisation des femmes.
Pour les jeunes, le Ministère de la Formation Professionnelle, de l’Insertion et de la Réinsertion
a lancé en 2016 le programme pilote « Un Jeune = Un Métier – de l’Existence à l’Emploi »
destiné à offrir à 2.500 jeunes gabonais âgés de 16 à 35 ans des opportunités de formation
aux petits métiers dans plus de 50 filières. De plus, les pouvoirs publics ont décidé d’une
politique volontariste en faveur des femmes et des jeunes en consacrant une représentativité
dans les postes de nomination et électifs à 30% de femmes et 30% de jeunes. Et les autorités
ont reformé l’Office National de l’Emploi (ONE) en déconcentrant ses services dans les
arrondissements et les communes en vue d’être au plus près des populations et répondre
plus rapidement au problème du chômage.
Mais en dépit de toutes ces politiques, selon la plus récente enquête d’Afrobaromètre au
Gabon, les citoyens jugent durement la politique du gouvernement sur la capacité
d’endiguer le chômage.
Les Gabonais pensent que les gouvernants doivent davantage mettre l’accent sur la
formation et l’éducation des jeunes et accorder plus de crédits aux entreprises pour lutter
contre le chômage.
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1
L’enquête Afrobaromètre
Afrobaromètre est un réseau de recherche panafricain et non-partisan qui mène des
enquêtes d'opinion publique sur la démocratie, la gouvernance, les conditions économiques,
et d’autres questions connexes dans plus de 30 pays en Afrique. Cinq séries d'enquêtes ont
été réalisées entre 1999 et 2013, et les résultats des enquêtes du Round 6 (2014/2015) sont
actuellement en cours de dissémination. Afrobaromètre mène des entretiens face-à-face
dans la langue du répondant avec des échantillons représentatifs à l'échelle nationale de
1.200 ou 2.400 répondants.
L'équipe Afrobaromètre au Gabon, dirigé par le Centre de Recherche en Géoscience
Politique et Prospective (CERGEP), a interviewé 1.200 adultes gabonais en septembre et
octobre 2015. Un échantillon de cette taille donne des résultats avec une marge d'erreur de
+/-3% à un niveau de confiance de 95%. C’est la première fois que les enquêtes
Afrobaromètre sont menées au Gabon.
Résultats clés



Parmi les problèmes les plus importants du pays, le chômage est le troisième
problème évoqué (cité par 34% des répondants).
Plus de trois-quarts des Gabonais (80%) jugent mauvaise la performance du
gouvernement en matière de création d’emplois.
Concernant les solutions à apporter pour résoudre le problème du chômage,
particulièrement celui des jeunes, les Gabonais proposent une meilleure formation et
éducation des jeunes (30%) et la mise des crédits supplémentaires à la disposition des
entreprises privées (29%).
Le chômage un problème prioritaire
Lorsque les Gabonais ont été invités à se prononcer sur « les problèmes les plus importants
auxquels le pays fait face et auxquels le gouvernement devrait s’attaquer » et autorisés à
fournir jusqu'à trois réponses, le chômage apparait en troisième place, cité par 34% de
répondants, après la santé (55%) et l’éducation (48%) (Figure 1).
Figure 1: Problèmes prioritaires | Gabon | 2015
Santé
Education
Chômage
Infrastructures routières
Logement
Eau
Pauvreté/Exclusion sociale
Gestion économique
Electricité
Crime et sécurité
Salaires et revenus
Corruption
55%
48%
34%
30%
19%
17%
14%
12%
12%
12%
9%
6%
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
Question posée aux répondants: A votre avis, quels sont les problèmes les plus importants auxquels le
pays fait face et auxquels le gouvernement devrait s’attaquer?
NB: Chaque répondant pouvait donner jusqu’à trois réponses. La figure montre les pourcentages de
répondants qui identifient chaque thématique comme un des trois problèmes prioritaires de leur pays.
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La création des emplois
De façon globale, les Gabonais trouvent « très mal » ou « plutôt mal » (80%) la performance
du gouvernement en matière de création d’emplois, contre 19% qui la juge « très bien » ou
« plutôt bien » (Figure 2). On observe très peu de différences d’appréciation entre les
hommes et les femmes, les urbains et les ruraux, les instruits et les non-instruits, quoique les
Gabonais sans instruction formelle sont légèrement plus sévère dans leur jugement (85% qui
disent « plutôt » ou « très » mal) que les autres (Figure 3). On note quand-même qu’en ce qui
concerne les âges, les jeunes sont moins durs dans l’appréciation de la performance de
création d’emplois par le gouvernement (75% chez les 18-25 ans et 78% pour les 26-35 ans,
contre 90% chez les 66 ans et plus, 88% chez les 36-45 ans, et 87% chez les 56-65 ans).
Figure 2: Performance du gouvernement dans la création d’emplois | Gabon | 2015
1%
19%
Très/Plutôt mal
Très/Plutôt bien
Ne sait pas
80%
Question posée aux répondants: Qualifier la manière, bonne ou mauvaise, dont le gouvernement
actuel répond aux préoccupations suivantes, ou n’en avez-vous pas suffisamment entendu parler pour
vous prononcer: Création d’emploi?
Figure 3: Performance du gouvernement dans la création d’emplois | par âge, sexe,
milieu, et niveau d’instruction | Gabon | 2015
Gabon
80%
66 ans et plus
56-65 ans
46-55 ans
36-45 ans
26-35 ans
18-25 ans
90%
87%
84%
88%
78%
75%
Femme
Homme
82%
80%
Rural
Urbain
82%
80%
Universitaire
Secondaire
Primaire
Sans instruction formelle
81%
80%
82%
85%
0%
20%
40%
60%
80%
100%
Question posée aux répondants: Qualifier la manière, bonne ou mauvaise, dont le gouvernement
actuel répond aux préoccupations suivantes, ou n’en avez-vous pas suffisamment entendu parler pour
vous prononcer: Création d’emploi? (% qui disent « plutôt mal » ou « très mal »)
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Une comparaison faite sur 35 pays africains indique que l’opinion négative des Gabonais sur
la performance de création d’emploi du pays dépasse la moyenne observée sur le
continent (Figure 4). Dans la sous-région, les citoyens du Cameroun (55% plutôt/très mal) et
de São Tomé et Príncipe (59%) sont moins critiques.
Figure 4: Performance du gouvernement dans la création d’emplois | 35 pays
| 2014/2015
Madagascar
Zimbabwe
Tunisie
Gabon
Burkina Faso
Guinée
Maroc
Nigeria
Afrique du Sud
Cap-Vert
Bénin
Ghana
Swaziland
Liberia
Sierra Leone
Burundi
Kenya
Sénégal
Lesotho
Moyenne 35 pays
Zambie
Togo
Mali
Egypte
Côte d'Ivoire
Île Maurice
Namibie
Algerie
Malawi
Uganda
Tanzanie
São Tomé et Príncipe
Cameroun
Botswana
Mozambique
Niger
90%
87%
83%
80%
80%
78%
78%
78%
77%
77%
77%
76%
75%
74%
74%
74%
73%
72%
71%
70%
69%
69%
68%
65%
65%
64%
64%
63%
63%
62%
62%
59%
55%
54%
54%
43%
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90% 100%
Question posée aux répondants: Qualifier la manière, bonne ou mauvaise, dont le gouvernement
actuel répond aux préoccupations suivantes, ou n’en avez-vous pas suffisamment entendu parler pour
vous prononcer: Création d’emploi? (% qui disent « plutôt mal » ou « très mal »)
[Cette question n’a pas été posée au Soudan]
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En termes de travail salarié, 23% des Gabonais sont employés à temps plein, et 8% sont
employés à temps partiel. Les résultats indiquent aussi que 30% ne sont pas employés et sont
à la recherche d’un emploi. De même, 39% ne sont ni employés, ni à la recherche d’un
emploi (Figure 5). Par facteurs démographiques, les résultats sont conformes aux attentes,
avec plus d’emploi salarié parmi les hommes, les répondants ayant un âge moyen (36-55
ans), et les mieux instruits. On note qu’un tiers des femmes (35%) recherchent d’emplois
(contre 26% d’hommes), et que même chez ceux avec le niveau universitaire, seulement
44% ont un travail salarié. Aussi, on constate que les tranches d’âges qui recherchent le plus
l’emploi sont les 26-35 ans (45%) et les 36-45 ans (35%).
Figure 5: Exercice d’un travail salarié | par niveau d’instruction, sexe, et âge
| Gabon | 2015
Gabon
23%
8%
Universitaire
37%
Secondaire
19%
Primaire
Sans instruction
8%
7%
8%
20%
8%
23%
28%
62%
35%
9%
41%
26%
7% 3%3%
71%
46-55 ans
40%
36-45 ans
40%
26-35 ans
29%
5% 6%
10%
37%
87%
14% 3% 12%
0%
38%
48%
18% 6%
56-65 ans
36%
35%
Homme
18-25 ans
39%
34%
11% 5%
Femme
66 ans et plus
30%
10%
19%
11%
8%
35%
13%
45%
25%
20%
32%
18%
64%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
Employé à plein temps
Employé à temps partiel
Pas employé, à la recherche d'un emploi
Pas employé, pas à la recherche d'un emploi
Questions posées aux répondants: Exercez-vous un travail salarié? [Si oui:] Est-ce un emploi à plein
temps ou à temps partiel? [Si non:] Êtes-vous présentement à la recherche d'un emploi?
Pour les citoyens sondés qui ont un emploi, 39% travaillent dans le secteur privé, 31%
exercent pour le gouvernement (c’est-à-dire dans la fonction publique), et 29% sont des
indépendants (Figure 6).
En dehors des élèves (31%), les principales occupations mentionnées par les Gabonais sont
essentiellement les artisans ou travailleurs qualifiés (10%), puis suivent les professionnels de
classe moyenne et « agriculture/ferme/pêche/forêt » avec respectivement 7% et les
travailleurs non qualifiés (6%) (Figure 7).
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Figure 6: Secteur de travail | Gabon | 2015
1%
Secteur privé
29%
Gouvernement
39%
Travailleur
indépendant
Organisation nongouvernemental ou
société civile
31%
Question posée aux répondants: Travaillez-vous pour vous-même, pour quelqu’un d’autre dans le
secteur privé, ou pour le gouvernement?
Figure 7: Principales occupations | Gabon | 2015
Artisan ou travailleur qualifié
10%
Professionnel de classe moyenne
7%
Agriculture/ferme/pêche/forêt
7%
Travailleur non qualifié
6%
Commerçant/Vendeur
5%
Professionnel de classe supérieure
4%
Femme de ménage/Homme au foyer
4%
Services de sécurité
3%
Employé de bureau ou secrétaire
3%
Superviseur/Gestionnaire senior
1%
Elève/Etudiant
31%
Autres
10%
N'a jamais eu d'emploi
8%
0%
5%
10%
15%
20%
25%
30%
35%
Question posée aux répondants: Quelle est votre principale occupation? (Si chômeur, retraité, ou
invalide), quelle était votre dernière occupation principale?
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Solutions de lutte contre le chômage
Pour s’attaquer au problème du chômage, notamment celui des jeunes, les Gabonais
pensent que le gouvernement doit mettre l’accent sur une meilleure formation et éducation
des jeunes (30%), ajouter des crédits supplémentaires à la disposition des entreprises privées
pour accroitre l’emploi des jeunes (29%), financer davantage les activités des entreprises
(25%), et accroitre l’autonomie financière de l’Office Nationale de l’Emploi du Gabon (14%)
(Figure 8).
Figure 8: Lutte contre le chômage des jeunes | Gabon | 2015
Mettre l'accent sur une meilleure
formation et éducation des jeunes
30%
Mettre un crédit supplémentaire à la
disposition des entreprises privées pour
accroître l’emploi des jeunes
29%
Mettre en place des lignes de crédit pour
le financement des activtés des
entreprises
25%
Accroître l’autonomie financière de
l’Office Nationale de l’Emploi au Gabon
14%
Ne sait pas
2%
0%
10%
20%
30%
40%
50%
Question posée aux répondants: On assiste de nos jours à l'augmentation du chômage des jeunes,
surtout des jeunes diplômés. Laquelle des interventions suivantes diriez-vous que le gouvernement
devrait promouvoir comme étant la meilleure voie pour s'attaquer à ce problème de chômage des
jeunes dans ce pays?
Faites vos propres analyses des données d’Afrobaromètre – sur
n’importe quelle question, pays, ou période. C’est facile et
gratuit au www.afrobarometer.org/online-data-analysis.
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Références
Banque Mondiale. (2015). Rapport sur la croissance et l’emploi en république gabonaise. Disponible
à http://www-wds.worldbank.org/.
Quotidien l’Union. (2016). N°12084, 18 mars 2016. Disponible à http://www.union.sonapresse.com/.
Christian Wali Wali est chercheur et Investigateur National d’Afrobaromètre au Centre
d'Etudes et de Recherche en Géosciences Politique et Prospective (CERGEP), Gabon. Email:
[email protected].
Bertrand Dimitri Ndombi Boundzanga est enseignant au Département de Sociologie
etmembre du CERGEP, Faculté des Lettres et Sciences Humaines de l’Université Omar Bongo
à Libreville, Gabon. Email: [email protected].
Afrobaromètre, projet collaboratif de recherche par enquêtes, est conduit par un réseau de
spécialistes des sciences sociales de plus de 30 pays africains. La coordination des activités
est assurée par le Centre pour le Développement Démocratique (CDD) au Ghana, l’Institut
de Justice et de la Réconciliation (IJR) en Afrique du Sud, l’Institut de Recherche Empirique
en Économie Politique (IREEP) au Bénin, et l’Institut de Recherche pour le Développement
(IRD) à l’Université de Nairobi au Kenya. L’Université de l’État de Michigan et l’Université de
Cape Town fournissent de l’assistance technique au projet.
Afrobaromètre est soutenu financièrement par le Département britannique pour le
développement international (DFID), l’Agence suédoise de coopération pour le
développement international (SIDA), l’Agence des États-Unis pour le développement
international (USAID), la Banque Mondiale, et la Fondation Mo Ibrahim.
Pour plus d’informations, veuillez visiter www.afrobarometer.org.
Dépêche No. 96, Afrobaromètre | 1 juin 2016
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