td analyse conversationnelle - Atelier des Sciences du Langage

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td analyse conversationnelle - Atelier des Sciences du Langage
UNIVERSITÉ PAUL-VALÉRY MONTPELLIER 3
ITIC, DÉPARTEMENT DE SCIENCES DU LANGAGE
E41SLL TEXTUALITÉ
ANALYSE CONVERSATIONNELLE
B. VERINE
DOCUMENTS DE TRAVAIL
CONVENTIONS DE TRANSCRIPTION
/
°h
↑
:
()
x
pause silencieuse
inspiration audible
intonation ascendante
allongement vocalique
élision de phonème
élision de syllabe
phonème ininterprétable
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ABSENCE D’INTERLOCUTION
France Inter, journal de 8h, 21 septembre 2007
1A – et il n’est pas sûr que l’intervention présidentielle / ait fait baissé la températur(e) voyez c(e)
qu’en disent / ces fonctionnair(e)s Force Ouvrièr(e) de Marseille avec qui Thierry Fiorile a suivi
l’interview de Nicolas Sarkozy
1B – dans les écol(e)s ya la maîtresse ou l(e) professeur que tout l(e) mond(e) réclame / parc(e) qu’i(l)
il est celui dont on sait parfait(e)ment qu’i(l) donne encor(e) plus aux enfants
C – je suis donc euh / professeur des écol(e)s maint(e)nant °h pour les enseignants le salaire au mérite
ça veut dir(e) que °h on s(e)rait payés en fonction du résultat d(e) ses élèves °h et quand on connaît les
conditions de travail euh dans nos classes °h avec l’augmentation du nombr(e) d’élèves avec
l’intégration des élèves handicapés °h nous payer en fonction du résultat d(e) nos élèv(e)s c’est
quelque chos(e) qui est aberrant
2B – c’est la question du financ(e)ment des régim(e)s de r(e)traite c’est l(e) cas de c(e) qu’on appell(e)
les régim(e)s spéciaux
D – je suis électricien donc euh la retraite c’e:st un contrat qui a été passé qui vraisemblablement °h ne
sera pas tenu effectivement ça génère une inquiétude auprès des salariés demain peut-être une colère
3B – regardez à l’hôpital c’est inadmissibl(e) ce qui s’est passé des dizain(e)s de milliers d’heur(e)s
supplémentair(e)s qui n(e) sont pas payées aux infirmièr(e)s aux agents hospitaliers
E – je suis infirmier d(e) profession quand il dit travailler plus pour gagner plus aujourd’hui dans tous
les établiss(e)ments / on doit des millie:rs des dizain(e)s de milliers d’heur(e)s supplémentaires qui
n(e) sont pas payées aux personnels alors que ceux-ci sont obligés de les faire à caus(e) du manqu(e)
de personnel
4B – moi j’ai été élu par les Français pour trouver des solutions aux problèm(e)s de la France
F – on a à lutter contre la grande lucarne magique °h mais les salariés euh qui peuvent se laisser abuser
une fois se laisseront pas abuser dix fois / il est jamais trop tard / pour récupérer c(e) qu’on a perdu
2A – reportage à Marseill(e) Thierry Fiori- Fioril(e)
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Jonathan Franzen, 2004, trad. fr. Jean-François Ménard, La Vingt-septième ville (Seuil, 413)
Le bruit des femmes attablées autour d’elles les encerclait, elles entendaient le marmonnement, le
mâchonnement d’une longue phrase collective, si merveilleux très mignon, intéressant samedi en
voiture au Frontenac Billblass Power Hall, j’ai vu des petits chelems, j’ai pris un brunch divorcé
(Hilary Fontbonne, Ashley Chesterfield), mais écoute-moi mercredi (touche du bois), les soldes chez
Eric, le Saks de Londres, le cancer, les rideaux, Vail, trois kilos.
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2
DIALOGUE DE SOURDS
J. Franzen, 2004, trad. fr. Jean-François Ménard, La Vingt-septième ville (Seuil, 295-296)
[L’autre femme dont parlent Barbara puis Martin est la chef de la police, originaire d’Inde.]
1A – Alors, va donc la voir. Elle lui tapota la joue et dégagea ses cheveux de son front. – Comment tu
te sens ?
2B – Je pense que je vais le faire. Elle est remarquablement ouverte au dialogue, d’après ce qu’on m’a
dit.
Barbara attendit un instant.
3A – Tu as toujours mal à la gorge ?
4B – Je ne serais pas étonné qu’elle aille loin, poursuivit-il. Elle nous en remontre un peu.
5A – Tu veux sans doute prendre une douche et te changer, dit Barbara. On va peut-être avoir des
invités.
6B – J’imagine que là d’où elle vient, les femmes font ce genre de choses.
7A – Je vais laver un peu de vaisselle et ensuite moi aussi, j’irai me rafraîchir.
8B – On a du mal à croire qu’elle a seulement trente-cinq ans.
9A – Martin.
Elle lui pinça les joues entre le pouce et l’index et l’obligea à la regarder.
10B ou 9A ? – Tais-toi, tu veux ?
Il se dégagea.
10B ou 11A ? – S’il-te-plaît, va prendre une douche ou fais ce que tu voudras.
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DIALOGUE
TRANSCRIPTION DE L’INTERVIEW ORALE DE LAETITIA BERNARD
PAR MATHIEU VIDARD (FRANCE INTER, 12 JUIN 2008
MV1– alors justement je souhaitais avoir en ligne: la journaliste Laetitia Bernard que les
auditeurs de France Inter connaiss(e)nt bien puisque: elle a présenté le journal des sports dans le 79 du week-end euh bonjour Laetitia
LB2– bonjour
MV3– alors vous êt(es) en c(e) moment en Charent(e)s-Maritimes puisque vous travaillez à
France Bleu La Rochelle euh
LB4– exact
MV5– je précis(e) que vous êt(e)s non-voyante et j’avoue qu(e) j’étais très curieux d(e)
comprendre comment vous parveniez à présenter euh les journaux ici à: France Inter °h alors
d’abord vous êt(e)s non seul(e)ment journalist(e) mais également sportive hein puisque: vous
pratiquez l’é- l’équitation depuis votre enfance c’est ça hein↑
LB6– c’est ça oui
MV7– et en 2003 vous êt(e)s mêm(e) dev(e)nue championn(e) de France Handisport dans la
catégorie saut d’obstacle:s °h et l’année dernièr(e) vous avez également gagné la final(e) de la
coup(e) de France
LB8– exactement je vois qu(e) vous savez tout
MV9– voilà vous skiez égal(e)ment Laetitia↑
LB10– j’ai skié oui eu:h avec un guid(e) mais à l’adolescenc(e) j(e) me suis fait un peu peur là
la dernièr(e) fois parc(e) qu’y avait beaucoup d(e) snowbords qui nous passaient entre et autour ça
m(e) faisait un peu peur alors j’ai arrêté
MV11– alors justement Laetitia puisque vous êt(e)s la marraine de de ce prix Novembre cette
année c’est autour d’un snowbord que le prix a récompensé ces étudiants donc on va en parler
euh dans dans un instant °h alors Laetitia Bernard comment est-c(e) que vous êt(es) arrivée à la
radio↑ °h
3
LB12– comment je suis arrivée à la radio↑ eu:h (rire) en f(ai)sant une écol(e) de journalisme
sérieus(e)ment j’écou- j’écoutais la radio j(e) pens(e) que c’est °h l(e) meilleur moyen
d’information euh surtout quand on est non-voyant d’autant plus que: °h y a un(e) dizain(e)
d’années quand j’étais au lycée euh la presse écrite on n’avait quasiment pas accès ou alors avec
un(e) semain(e) de décalage °h le temps que: les associations enregistrent les journaux °h . donc euh
c’étaient mes copin(e)s qui m(e) lisaient ça pouvait être Charlie Hebdo ça pouvait être Jeune et
jolie (rire de MV) mais bon c’était toujours sporadique (rire de MV) et voilà c’était selon les les
humeurs de mes camard(e)s de classe °h et mais y avait un média stable où je pouvais écouter
(en)fin m’informer de la manièr(e) que je voulais c’était la radio °h en l’occurrenc(e) ça a
commencé avec France Inter eu:h et donc euh voilà c’est je pens(e) qu(e) c’est pour ça °h
qu’ensuit(e) j(e) me suis destinée que je voulais êtr(e) journaliste et mais j’avais envie euh de
parler mes text(es) et de °h fair(e) passer des informations par voie oral(e) (en)fin en par- en parlant
MV13– alors vous avez décroché une bourse importante hein c’e:st la bourse Julien PRUNET
en 2005 euh °h qui permet aux étudiants à profil atypique justement d’intégrer le le Centre de
Formation des Journalistes sans passer le concours et c’est comme ça que vous êtes arrivée à Inter
euh
LB14– c’est comm(e) ça qu(e) je suis arrivée au CFJ en fait à l’école de journalisme j’ai fait
mes deux ans d(e) formation °h ensuit(e) j’ai pris la spécialisation radio euh qui é:tait chapeautée
°h par Gérard COURCHELLE °h euh donc de France Inter et euh à la fin de la formation (en)fin à
la fin de la spécialisation y a un(e) procédur(e) de recrut(e)ment euh que que mèn(e) Radio
Franc(e) dans tout(e)s les écol(e)s reconnues dans tout(e)s les écol(e)s de journalisme °h où on fait
un journal on fait un(e) maquette et c’est pour fair(e) des CDD d’été au sein de Radio France
(mm) donc sur Franc(e) Bleu ou sur France Inter et moi j’ai été ret(e)nue à France Inter pour l’été
dernier °h et puis ensuit(e) j’ai croisé la rout(e) de Jacqu(e)s VANDROUX qui m’a dit euh viens
on a besoin d(e) toi au servic(e) des sports
MV15– alors quels sont les problèm(e)s techniqu(e)s qui s(e) pos(ent) à un(e) journaliste nonvoyant(e) dans l(e) trait(e)ment des informations comment vous avez travaillé euh ici au sein d(e)
France Inter ou en c(e) moment à Franc(e) Bleu La Rochelle
LB16– J’ai un ordinateur donc avec un(e) synthès(e) vocal(e) c(e) qui me permet de: de lire
enfin d’avoir un(e) vocalisation de tout c(e) qui est sur l’écran °h la synthès(e) fonctionn(e) très
très bien pour euh internet enfin tout c(e) qui est internet enfin tous les logiciels standard Word
euh euh et cetera (mm) mais pour des logiciels en in- en interne comme on a à Radio Franc(e)
pour le Montag(e) de so:ns °h ou mêm(e) pour euh O- Open Media bon euh les auditeurs
connaiss(e)nt pas forcément mais c’est c(e) qui nous permet de rentrer les les informations euh
qu’on se pass(e) par jou- entre journalistes là c’est plus difficile il a vraiment fallu vraiment
adapter euh la synthès(e) vocal(e) refair(e) c(e) qu’on appell(e) des scripts °h donc justement les
nouvell(e)s technologies vont jouer un vrai grand rôle dans tout ça (mm) euh donc moi j’ai un(e)
lecture euh oral(e) de tout euh des dépêches d’information (ouais) °h euh que je note ensuit(e) j’éj’écris mon journal euh en autonom(e) sur un(e) petite: sur un bloc-notes en fait sur un °h un petit
ordinateur avec un(e) ligne braille et un clavier braille (ouais) e:t euh avec un clavier braille et que
j’emmène ensuite à l’antenn(e) pour avoir un support écrit quand je lis quand je présent(e) mon
journal
MV17– l’ensembl(e) de votre journal est écrit en braille
LB18– tout est écrit en braille oui (ouais) tout est écrit en braille alors c’est pas très pratiqu(e)
parc(e) que c’est un(e) plag(e) de trente ou de quarant(e) caractèr(e)s qu’on peut défiler qu’on fait
défiler en appuyant sur un p(e)tit bouton °h (ouais) donc des fois ça donn(e) lieu à quelques couacs
(rires) ou à quelques blancs quand quand y a u:n(e) p(e)tit(e) faut(e) de frappe (ouais) ou si j(e) me
trouv(e) face à un(e) ligne blanche bon je fais quasiment du par cœur hein aussi mais euh °h j’ai
un support écrit en braille euh un(e) machine où je peux justement modifier si y a une
information qui tombe sur à à la dernièr(e) minut(e) °h c’est pas pratiqu(e) pratiqu(e) mais au
moins je prends les not(e)s important(e)s trois mots-clés et puis les avoir sous les doigts quoi
MV19– et alors quell(e)s sont les technologies dont vous auriez besoin en priorité aujourd’hui
pour d’un(e) part votre métier d(e) journaliste et puis ensuit(e) pour votre vie quotidienne
LB20– °h eu:h pour mon métier de journaliste je dirai encor(e) des avancées informatiqu(e)s
pour que les tous les logiciels puiss(e)nt être accessibles °h mais là euh ff ça m(e) paraît encor(e)
4
compliqué parc(e) que °h beaucoup de logiciels à bas(e) de graphiques et cetera où les synthès(e)s
vocal(e)s peuv(e)nt pas bien s(e) repérer ne comprenn(e)nt pas euh (mm) et par exempl(e) sur un
plan vraiment de de rapidité pour être efficac(e) pour pouvoir fair(e) des recherch(e)s plus vite: °h
quand on a besoin d’une info très très vite: avant le journal euh °h c’est là encore où où ça pèche
et puis euh tout(e)s les tous les blocs-not(e)s braille aussi euh peut-êtr(e) les rendr(e) plus °h
encor(e) plus opérationnels euh là j(e) vois le nou- j’ai un tout nouveau prototyp(e) qui est très
ergonomiqu(e) mais quand on appuie parfois sur les boutons pour écrire °h euh ben y a certains
points qui march(e)nt pas bien donc (mm) c’est comm(e) si:: c’est comm(e) si comm(e) moi j’écris
vit(e) peut-être °h comm(e) si l’appareil était pas prévu pour euh un(e) telle: efficacité (rire) je sais
pas quoi (ouais) un(e) telle: °h rapidité °h euh
21 un troisième participant– ya un marché tout petit euh le marché des des aveugles donc eu:h
ce sont ds appareils qui sont proch(e)s de °h du prototype °h mais j(e) voulais dire à Laetitia que
l’année dernière à xx on présentait par exemple °h un appareil qui a été développé par les Anglais
qui permet de rendr(e) les graphiqu(e)s °h euh en relief c’(es)t-à-dire euh °h c’est fait dans un but
pédagogique on peut par exempl(e) montrer un écorché d’un corps humain ou montrer un °h un
schéma technique °h alors bon c’est encor(e) quelque chos(e) qui est aussi au d- au début °h mais
j(e) désespèr(e) pas pour moi et pour ell(e) que: °h bientôt on puiss(e) voir des imag(e)s au bout des
doigts °h ça pos(e) des problèm(e)s d’interprétation c’est moins immédiat qu(e) la vue
22 LB– bien sûr c’est sûr °h mais euh bon c’est sûr que tout(e)s les avancées des nouvell(e)s
technologies (en)fin tout(e)s les recherches °h euh sont à encourager °h euh j(e) vois on parlait des
téléphon(e)s portabl(e)s euh moi j’en ai un vocalisé ya deux ans j’en avais pas ça existait pas °h
euh main(te)nant je peux mêm(e) pas m’imaginer °h ne plus avoir de vocalisation sur mon
téléphon(e) j(e) pourrais plus accéder à mon répertoir(e) (mm) j(e) pourrais plus lir(e) mes SMS ç’a
été un(e) révolution (ouais) d’avoir la vocalisation
23 MV– °h merci beaucoup Laetitia Bernard j’espèr(e) qu’on va bientôt vous r(e)voir sur
France Inter euh
24 LB– on verra ça dans quelques mois (voilà) pour l’instant j(e) suis très bien ici à La Rochelle
25 MV– à La Rochell(e) ben écoutez en tout cas merci pour euh pour vos explications e:t et à
très bientôt
26 LB– à bientôt
27 MV– au r(e)voir euh
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VERSION ÉCRITE DE L’INTERVIEW DE LAETITIA BERNARD
PAR MATHIEU VIDARD (FRANCE INTER, 12 JUIN 2008)
1 MV– Je souhaitais avoir en ligne la journaliste Laetitia BERNARD, que les auditeurs de France
Inter connaissent bien puisqu’elle a présenté le journal des sports dans le 7-9 du week-end. Vous êtes
en ce moment en Charentes-Maritimes, puisque vous travaillez à France Bleu La Rochelle. Je précise
que vous êtes non-voyante, et j’avoue que j’étais très curieux de comprendre comment vous parveniez
à présenter vos journaux ici à France Inter. Vous êtes non seulement journaliste, mais également
sportive, puisque vous pratiquez l’équitation depuis votre enfance, et en 2003 vous êtes même devenue
championne de France Handisport dans la catégorie saut d’obstacles, et l’année dernière vous avez
également gagné la finale de la coupe de France. Laetitia Bernard, comment est-ce que vous êtes
arrivée à la radio ?
2 LB– Comment je suis arrivée à la radio ?... Mais en faisant une école de journalisme ! Plus
sérieusement, j’écoutais la radio : je pense que c’est le meilleur moyen d’information, surtout quand
on est non-voyant, d’autant plus que, quand j’étais au lycée il y a une dizaine d’années, on n’avait
quasiment pas accès à la presse écrite, ou alors avec une semaine de décalage, le temps que les
associations enregistrent les textes. Donc c’étaient mes copines qui me lisaient les journaux et c’était
toujours sporadique, selon leurs humeurs : ça pouvait être Charlie Hebdo, ça pouvait être Jeune et
jolie. Par contre, il y avait un média stable que je pouvais écouter et sur lequel je pouvais m’informer à
ma guise, c’était la radio, en l’occurrence France Inter. Je voulais être journaliste, et c’est pour ça
qu’ensuite j’ai eu envie de parler mes textes, de faire passer des informations par voie orale.
5
3 MV– Vous avez décroché une bourse importante, c’est la bourse Julien PRUNET en 2005, qui
permet aux étudiants à profil atypique, justement, d’intégrer le Centre de Formation des Journalistes
sans passer le concours, et c’est comme ça que vous êtes arrivée à Inter ?
4 LB– C’est comme ça que je suis arrivée au CFJ, à l’école de journalisme. J’ai fait mes deux ans
de formation, puis j’ai pris la spécialisation radio qui était chapeautée par Gérard COURCHELLE de
France Inter. À la fin de la spécialisation, il y a une procédure de recrutement que mène Radio France
dans toutes les écoles reconnues de journalisme : on présente une maquette pour faire des CDD d’été
au sein de Radio France, sur France Bleu ou sur France Inter. J’ai été retenue sur France Inter l’été
dernier, et ensuite j’ai croisé la route de Jacques VANDROUX qui m’a dit : « Viens, on a besoin de toi
au service des sports ».
5 MV– Quels sont les problèmes techniques qui se posent à une journaliste non-voyante dans le
traitement des informations ?
6 LB– J’ai un ordinateur avec une synthèse vocale, ce qui me permet de « lire », enfin d’avoir une
vocalisation de tout ce qui est sur l’écran. La synthèse fonctionne très bien pour tous les logiciels
standard, Word, Internet, etc. Mais c’est plus difficile pour les logiciels internes à Radio France, pour
le montage de sons, ou Open Media qui permet de rentrer les informations qu’on se passe entre
journalistes. Là, il a fallu vraiment adapter la synthèse vocale, refaire ce qu’on appelle des scripts.
7 MV– Concrètement, comment avez-vous travaillé sur France Inter ?
8 LB– J’ai donc une lecture orale de toutes les dépêches. Ensuite, j’écris mon journal en autonome
sur un bloc-notes, un petit ordinateur avec une ligne braille et un clavier braille, et je l’emmène à
l’antenne pour avoir un support écrit quand je présente mon journal.
9 MV– L’ensemble de votre journal est écrit en braille ?
10 LB– Tout est écrit en braille, oui. La plage braille n’est pas très pratique, parce qu’il n’y a
qu’une ligne de 40 caractères qu’on fait défiler en appuyant sur un petit bouton. Donc parfois ça donne
lieu à quelques couacs ou à quelques blancs, quand il y a une petite faute de frappe ou si on ne trouve
pas sa ligne. En réalité, je fais quasiment du par coeur, mais grâce au support écrit en braille, je peux
modifier s’il y a une information qui tombe à la dernière minute, je prends les notes importantes, trois
mots-clés et je peux les avoir sous les doigts.
11 MV– Quelles sont les technologies dont vous auriez besoin en priorité pour votre métier de
journaliste ?
12 LB– Je dirai encore des avancées informatiques. D’abord pour que tous les logiciels puissent
être accessibles, parce que beaucoup sont à base de graphiques, et les synthèses vocales ne peuvent pas
bien se repérer, ne les comprennent pas. Ensuite, le matériel pèche encore au plan de la rapidité, pour
être efficace, pour pouvoir faire des recherches très vite, quand on a besoin d’une info pendant le
journal. Il faut aussi rendre tous les blocs-notes braille encore plus opérationnels : par exemple, j’ai un
tout nouveau prototype qui est très ergonomique, mais comme j’écris vite, il y a certains boutons qui
ne marchent pas bien ; c’est comme si l’appareil n’était pas prévu pour une telle efficacité.
13 MV– Et pour votre vie quotidienne ?
14 LB– Toutes les avancées des nouvelles technologies, toutes les recherches sont à encourager.
Par exemple, j’ai un téléphone portable vocalisé. Il y a dix ans je n’en avais pas, ça n’existait pas.
Maintenant, je ne peux même pas m’imaginer ne plus avoir de vocalisation sur mon téléphone : je ne
pourrais plus accéder à mon répertoire, je ne pourrais plus lire mes SMS... ça a été une révolution, la
vocalisation.
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6
DIALOGUES DE PRESSE ÉCRITE
Midi libre, 24 septembre 2005
« On épargne les lobbies »
ENTRETIEN
Éric Céciliot est secrétaire général du Snap-Unsa, premier syndicat au Conseil supérieur de la pêche
1A– Les agences du CSC sont aussi chargées de la police de l’eau. En période de sécheresse, des
restrictions d’usage sont décidées. Sont-elles efficaces ?
2B– Les restrictions ne sont pas à la mesure de la crise. Quand elles le sont, souvent, le mal est déjà
fait. Dans beaucoup de départements, le poids des lobbies agricoles et hydroélectriques fait que l’on
préserve des intérêts particuliers plutôt que l’intérêt général. Dans certains départements, la justice
rechigne même à poursuivre les contrevenants.
3A– Quels sont les conséquences ?
4B– La destruction du milieu et de sa faune mais aussi un surcoût pour la collectivité. Car les rivières
arrivent à des débits tellement faibles qu’elles ne peuvent plus diluer les pollutions. Cela donne une
eau de piètre qualité en bout de chaîne, ce qui n’est pas sans conséquence sur la santé humaine.
5A– Sur le terrain, est-il facile de faire respecter les textes ?
6B– Depuis quelques années, les 850 agents du CSP sont confrontés à des agressions physiques et à
des menaces de mort. Nous en sommes à 6 ou 7 affaires par an. Notre syndicat se porte partie civile à
chaque fois. La dernière affaire en date s’est passée cet été en Charente-Maritime. Un syndicat
agricole avait appelé ses troupes à ne pas respecter l’arrêté de restriction. Un agriculteur contrôlé s’est
saisi de l’arme d’un collègue. Ça s’est arrêté là car il a été ceinturé. Certains nous disent : « Il va vous
arriver ce qui est arrivé à l’inspecteur du travail en Dordogne ! »
7A– Pensez-vous que le nouveau projet de loi sur l’eau changera quelque chose ?
8B– Si rien n’est fait pour que les mentalités changent, notamment chez les agriculteurs, préleveurs et
pollueurs d’une eau qu’ils payent dix fois moins cher que les autres, la situation ne s’améliorera pas.
Pour respecter la directive-cadre européenne du « bon état écologique des eaux » à l’horizon 2015, la
France risque d’être à l’amende si rien ne bouge.
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Télérama n° 2657 –13 décembre 2000
ÇA VA MIEUX EN LE DISANT1
Magali D. 13 ans et demi Montpellier
Quand ma mère m’a dit que pour Noël vous faisiez une sélection de livres, disques… je me suis dit :
« Génial, tu vas sûrement trouver des superlivres à lire pendant les vacances, et en plus pour ton
âge ! » J’attends donc le mercredi suivant avec impatience. À midi, je rentre chez moi et je me jette sur
Télérama. Bon : « 305 cadeaux bla-bla-bla, pages 42 à 128. » Je me mets en quête de cette fameuse
page 42. Alors, Dior, les Nubians, oh ! tiens, pas mal cette voiture, les anges volent bas : rien à faire,
36, publicité et encore de la publicité pour ne pas dire toujours de la publicité ! Aaaah !… Enfin
j’arrive à la page 42. Voyons, livres, adolescents, mince ça n’y est pas! Ah ! enfants : page 100. Je
repars donc avec pour destination la page 100. « 3 ans, 5 ans, 8 ans… » Pardon ? Je n’en reviens pas,
la sélection s’arrête aux 8 ans. Alors là, pour un journal soi-disant culturel, je vous tire vraiment mon
chapeau !!! Déçue, je dois me rendre à l’évidence : Télérama ne pense pas aux jeunes. Malgré ma
déception, je ne perds pas espoir qu’un jour Télérama fasse une sélection de livres et pourquoi pas de
cadeaux en tout genre pour une tranche d’âge à la culture spéciale : les 13-15 ans.
Chère Magali, dès la semaine prochaine tu trouveras dans Télérama une sélection de livres
jeunesse.
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1
Titre de la rubrique courrier des lecteurs de Télérama.
7
DIALOGUE TÉLÉPHONIQUE INCOMPLET
Éric Reinhardt, Le Moral des ménages (Stock, 2002 p. 76-83)
1 Attendez. Laissez-moi réfléchir. Six ans et trois mois.
3 Une Simca 1307 GLS.
5 D’occasion.
7 La précédente ? Attendez-voir. Une R14.
9 D’occasion. Nous l’avons gardée cinq ans.
11 Une R16 TS à injection électronique. D’occasion également. En panne en permanence. Un
cauchemar. Nous avons dû la donner. Personne n’en voulait.
13 La Simca ? Du moment qu’elle roule, hors de question.
15 Je refuse catégoriquement. Vous savez, pour aller à la gare, il a pas besoin d'une Maserati.
17 Il va au travail en RER. Avec la Carte orange, j’ai calculé, c’est moins cher. Et puis comme ça,
il économise sa Simca.
19 Non, pas facile. Vous avez raison. Il rechignait. Comme pour le bois. Mais j’ai insisté. Je lui ai
dit va au travail en RER je t’achète ta Carte orange c’est quarante-cinq minutes sinon tu vas user ta
Simca.
21 Supprimé. J’ai pris cette décision quand les enfants ont quitté la maison. S’il veut téléphoner, il
appelle d’une cabine. Par contre, on peut nous appeler. Ils appellent ça ligne restreinte. Une excellente
mesure. Quand je téléphone à ma mère, je l’appelle d’une cabine. Ça revient meilleur marché. Comme
elle habite à Carpentras, c’était très cher. On parlait, on parlait, on parlait, et puis après, quand je
recevais la facture de téléphone, c’étaient des sommes astronomiques. Alors que maintenant, avec la
carte de téléphone, je lui dis ça va couper, au revoir ça va couper, et je raccroche. Comme ça, le budget
téléphone, je le maîtrise. Je sais où j’en suis.
23 Aucun. Et puis ça sert à quoi. Franchement parler. Mon mari, il voulait courir. Le docteur
Loquet lui avait dit faudrait faire de l’exercice. Mon mari m’a dit j’ai pas les bonnes chaussures qu’il
faut pour courir. Je lui ai dit et tes tennis alors c’est pas bon tes tennis tu peux pas courir avec ? Il m’a
dit non ces tennis-là c’est bon pour le jardin c’est trop léger il me faudrait des trucs spéciaux. Il voulait
des tennis américaines avec de l’air dans les semelles. Vous vous rendez compte. De l’air dans les
semelles. Il m’a dit avec ça on va plus vite c’est comme les aéroglisseurs. Il m’a dit ça coûte pas cher
seulement trois cents. Je lui ai dit tu peux mettre. J’avais raison. Le modèle qu’il voulait, il l’avait vu à
la TV, il coûtait six cents francs. Il en a de bonnes, le docteur Loquet, on voit bien que c’est pas lui qui
achète les chaussures de course. Du coup, il court pas. Comme quoi, voyez, ça tient à peu de choses.
25 Chez Childebert, un soldeur de la rue Custine, au pied de la butte Montmartre.
27 Une paire tous les deux ans. Pour vos statistiques, ça donne une demi-paire par an. A savoir une
seule chaussure. Depuis que je suis mariée, j'ai une paire de chaussures pour l’été et une paire de
chaussures pour l’hiver, sans compter les bottes en caoutchouc pour le jardin. C’est largement
suffisant. Sauf que là, cette année, statistiquement, j'ai eu la paire entière. Le mois dernier, alors que
j’aurais dû attendre l’hiver prochain, j’ai dû acheter des Charles Jourdan. Trois cent cinquante francs,
un modèle ancien avec un défaut sur le cuir, une rayure sur le pied droit, pas grand-chose, faut
vraiment s’approcher. C’est parce que le mois dernier, nous avons été invités à dîner chez un ancien
collègue de mon mari. Ils ne s’étaient pas vus depuis des années. Le type, il fêtait sa retraite. Il y avait
tout un tas d’anciens collègues avec leurs femmes. C’était ça, son problème. Les épouses des technicocommerciaux. Mon mari, il a honte. Honte de sa femme. Honte de ses chaussures déformées. Comme
si j’en avais quelque chose à battre. Mon mari, il a toujours été très sensible au regard des autres. C’est
pour ça qu’il veut vendre la Simca. Il m’a dit tu vas t’acheter une nouvelle paire de chaussures tu peux
pas sortir comme ça avec tes vieilles tatanes. Texto.
29 On les regarde à la télévision. Mon fils, quand il me dit va voir ce film, je lui réponds j’attends
qu’il passe à la télé. Prenez Pretty Woman. La voisine, elle voulait qu’on aille le voir au cinéma. Je lui
ai dit attendons donc qu’ils le donnent à la télé. Non mais c’est vrai. Pourquoi aller au cinéma quand
on sait qu’ils vont les donner à la télé deux ans plus tard. Elle y est allée, elle a payé trente francs, plus
l’essence pour aller à Evry, plus le panaché qu’ils ont bu après dans la galerie marchande. Quand j’ai
vu sur le programme qu’ils donnaient Pretty Woman, je suis allée la voir. Je lui ai dit vous avez vu.
Qu’est-ce que je vous avais dit. Ils donnent Pretty Woman sur Antenne 2. J’ai bien vu qu’elle était
ennuyée. Elle avait qu’à m’écouter.
8
31 Ça me coupe l’appétit. Ça m’a toujours coupé l’appétit. Au restaurant, j’ai remarqué, j’ai jamais
faim.
33 Pas vous. Ah bon. C’est bizarre. Moi oui. Comme je lui dis toujours, y a pas à tortiller, on est
bien mieux à la maison. Pour quoi faire, le restaurant. Le moins cher, en plus, c’est pas forcément ce
que vous préférez, alors vous devez vous forcer à manger un truc que vous aimez pas, la dernière fois
j’ai dû manger des tripes, c’est dégueulasse, j’ai failli vomir. Non, vraiment, c’est pas du tout mon
truc.
35 C’est mon mari qui me les coupe. C’est pas génial, mais bon, qu’est-ce que vous voulez. Et puis
de toute manière, à qui voulez-vous que je plaise. Le coiffeur, c’est bon pour les femmes qui sortent.
Ou qui travaillent. Ou qui ont des amants. Mais moi, à part madame Bonnemaire, madame Felix, les
caissières de Carrefour, je vois jamais personne. Je sors jamais.
37 Longueurs et Pointes.
39 Oui, une bonne teinture. Avec le gant transparent, la petite spatule en bois, au-dessus de la
baignoire, je fais ça moi-même. Vous savez, faut pas se faire d’illusions. Les coiffeurs, ils utilisent les
mêmes produits. Faut pas croire. Et après ça ils vous facturent deux cents francs minimum alors qu’à
Carrefour c’est trente-huit francs la boîte, enfin trente-neuf cinquante, ça a augmenté le mois dernier,
les vaches, un franc cinquante d’augmentation, faut pas charrier. C’est bien simple, je dépense le
moins possible. Vous savez, avec un peu d’entraînement, on y arrive. Au début de notre mariage, pour
m'être agréable, mon mari, il m’accompagnait faire les courses. Une catastrophe. Il pouvait pas
s’empêcher d’acheter. Il avait rien compris. Il remplissait mon Caddie avec des trucs dont j’avais pas
besoin, des chocolats liégeois, des Danette, de la crème chantilly, de la crème de marrons, des cornets
Miko, du Coca-Cola, des boissons gazeuses, des biscuits, des côtes de boeuf, du boudin blanc, des
rillettes de canard, du saumon fumé, des oeufs de lump, du tarama, du vin blanc, du champagne, du
fromage de chèvre, du roquefort, que sais-je encore. Franchement parler, toutes ces saletés inutiles
qu’il jetait dans mon Caddie. Mon mari, il serait capable d’acheter un minuscule fromage de chèvre à
vingt francs pièce. Vous vous rendez compte. Comment voulez-vous que je l’envoie faire les courses.
Sans compter qu’à vingt francs pièce, c’est tellement bon qu’il l’avale en une seule soirée. Alors qu’un
camembert Carrefour à quatre francs vingt, ça fait la semaine. Non, les courses, voyez, c’est pas un
truc d’homme. Les hommes, ils sont tous pareils, ils regardent pas à la dépense. Prenez les asperges.
Mon mari, il a toujours pas compris qu’en novembre, les asperges, c’est hors de prix. Les saisons,
connaît pas. Je vous dis ça mais remarquez, les asperges, on en mange jamais. Même en été, c’est pas
vraiment meilleur marché.
41 Un plan d’épargne-logement, un compte d’épargne-logement, un portefeuille de Sicav. J’ai
choisi la formule de placement la moins risquée. Mon mari, il voulait placer l’argent sur un truc
performant. Et puis il suffit d’un krach boursier, un coup d'État en Amérique latine, la mort du
président des États-Unis, vlout, tout est perdu.
43 Au Crédit agricole. Le jeune homme qui s’occupe de moi, il est ravi. Il dit toujours madame
Carsen vous êtes la cliente idéale. Du coup, je veux pas le décevoir, il est très gentil, je lui apporte de
plus en plus. Le mois dernier, j’ai battu mon record, j’ai placé six mille francs.
45 Des pois chiches. De l’huile de tournesol avec une petite goutte d’huile d’olive. Des gratins de
courgettes. J’ai supprimé le camembert. Ça fait grossir. Il a du ventre. Je lui ai dit tu as du ventre c’est
à cause du fromage je supprime le camembert. Et puis c’est très mauvais pour le cholestérol. Et puis ça
fait trente ans qu’il mange du camembert tous les soirs, on peut pas dire qu’il a été privé, faudrait voir
à s’arrêter un jour. Des navets bouillis.
47 Vous avez tort. C’est délicieux. Essayez pour voir, votre mari va être ravi.
49 Ah bon. Désolée.
51 Ah d’accord. Bon. Pourquoi pas. Et puis des yogourts maison.
53 Pardon ?
55 De l’eau du robinet. Du listel quand on a du monde.
57 Pratiquement jamais. Ma belle-soeur Jackline deux fois par an. Mes enfants. Surtout ma fille.
Mon fils, allez savoir pourquoi, il vient jamais. Les enfants, je dis toujours, faut pas compter sur eux.
Vous vous saignez aux quatre veines pour les élever. Et puis quand ils sont grands, vlout, ils
disparaissent. Mon fils, il me donne du souci. Beaucoup de souci. Il est chanteur. Enfin bon, il essaye.
C’est pas facile, avec toute cette concurrence.
59 Manuel Carsen.
9
61 Vous êtes pas la seule. Mon fils, personne connaît.
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DIALOGUES ORAUX
Conil VIII
[G, Auguste, sept ans et demi, manipule une bouteille de Casera, limonade espagnole. Gustave,
noté F, est son frère jumeau ; C leur mère, D leur père, E leur soeur aînée, A et B un couple d’amis.]
1B – fais attention en ouvrant / que ça fass(e) pas pchi
2G – et si ça fait pchi qu’est-c(e) qui s(e) passe↑
3A – hé bé: t’en prends plein la poire (rire)
4B – (xxx) et Gustave s(e) r(e)trouve trempé (rire G) (alors là G) / douché
5F – j(e) m(e) suis d(é)jà r(e)trouvé tout trempé à caus(e) de papa / il était en rogn(e) contre
Auguste //
6A – ah bon↑
5F – ouais / alors il a pris la bouteille il avait un(e) pasqu’i(l) ram(e)nait la bouteill(e) d’eau / tchou
hou::: pf::: // e:t trempé
7B – t’en veux↑
8G – non
9B – Tristan tu veux d(e) la casera↑
10A – eu::h ouais s’(il) te plaît
11B – un vasito2↑
12A – un vasito d’accord
13F – mais j’ai pas / osé le dire à papa de peur qu’alle ait été fâchée de peur qu’i(l) m(e) gronde
aussi
14A – ah ouais (rire A et B)
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Conil IX
1D – par contre euh / y en a une à l’écol(e) qui est amoureuse de / d’Auguste /
2B – et que Auguste n’aim(e) pas
1D – et qu’i(l) la laisse /
3C – Christel Jordi
1D – qui même lui a dit tu verras quand tu viendras chez moi / quand tu verras
4B – mes estampes japonaises (rire D)
1D – quand tu verras mon jardin tu t’évanouiras / (ouah A) tell(e)ment il est grand
5C – et qui a tout fait pour l’invite:r / et qui lui a promis la BMW décapotable de son pèr(e)
6D – euh non la Mercedes
5C – la Mercedes décapotable de papa (sifflement) (2) Zazie Zazie / Zazie c’était propre ce
matin (2) / va rincer là où t’as fait des taches de de graisse / tu as vu où → / tu passes de l’eau s’il te
plaît
7E – c’est pas juste
8D – et alors euh donc euh / i(l)s sont r(e)partis avec le papa (guarra3 C) dans la Mercedes
décapotable / mais euh le papa n’a pas voulu décapoter
9G – non (rire A) / au retour
10D – ben si
9G – pasque à l’aller il y avait pas pensé / au r(e)tour / c’est pasque
11B – il a voulu vérifier
9G – c’est pasque à l’aller elle était d(é)jà ouverte
12D – ouais / et au re- / au retour i(l) pleuvait (rire D et B) donc il a pas voulu l(e) papa // décapoter
13B – et bing ça a complèt(e)ment euh / ruiné la réputation euh
14A – mauvais plan
2
3
Un petit verre, en espagnol.
Cochonne, en espagnol.
10
DIALOGUES THÉÂTRAUX
Alfred de Musset, Les Caprices de Marianne (I, 1)
(Entre Octave.)
1OCTAVE– Comment se porte, mon bon monsieur, cette gracieuse mélancolie ?
2COELIO– Octave ! ô fou que tu es ! tu as un pied de rouge sur les joues ! D’où te vient cet
accoutrement ? N’as-tu pas de honte en plein jour ?
3OCTAVE– Ô Coelio ! fou que tu es ! tu as un pied de blanc sur les joues ! D’où te vient ce large
habit noir ? N’as-tu pas de honte en plein carnaval ?
4COELIO– Quelle vie que la tienne ! Ou tu es gris, ou je le suis moi-même.
5OCTAVE– Ou tu es amoureux, ou je le suis moi-même.
6COELIO– Plus que jamais de la belle Marianne.
7OCTAVE– Plus que jamais de vin de Chypre.
8COELIO– J’allais chez toi quand je t’ai rencontré.
9OCTAVE– Et moi aussi j’allais chez moi. Comment se porte ma maison. Il y a huit jours que je ne
l’ai vue.
10COELIO– J’ai un service à te demander.
11OCTAVE– Parle, Coelio, mon cher enfant. Veux-tu de l’argent ? Je n’en ai plus. Veux-tu des
conseils ? Je suis ivre. Veux-tu mon épée ; voilà une batte d’arlequin. Parle, parle, dispose de moi.
12COELIO– Combien de temps cela durera-t-il ? Huit jours hors de chez toi ! Tu te tueras, Octave.
13OCTAVE– Jamais de ma propre main, mon ami, jamais ; j’aimerais mieux mourir que d’attenter à
mes jours.
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11
Marivaux, Les Fausses confidences (II, 2)
ARAMINTE, DORANTE, M. REMY
1 M. REMY– Madame, je suis votre très humble serviteur. Je viens vous remercier de la bonté que
vous avez eue de prendre mon neveu à ma recommandation.
2 ARAMINTE– Je n’ai pas hésité, comme vous l’avez vu.
3 M. REMY– Je vous rends mille grâces. Ne m’aviez-vous pas dit qu’on vous en offrait un autre ?
4 ARAMINTE– Oui, Monsieur.
5 M. REMY– Tant mieux ; car je viens vous demander celui-ci pour une affaire d’importance.
6 DORANTE, d’un air de refus.– Et d’où vient4, Monsieur ?
7 M. REMY– Patience.
8 ARAMINTE– Mais, monsieur Remy, ceci est un peu vif ; vous prenez assez mal votre temps, et j’ai
refusé l’autre personne.
9 DORANTE– Pour moi, je ne sortirai jamais de chez Madame qu’elle ne me congédie.
10 M. REMY, brusquement.– Vous ne savez ce que vous dites. Il faut pourtant sortir ; vous allez voir.
Tenez, Madame, jugez-en vous-même ; voici de quoi il est question. C’est une dame de trente-cinq
ans, qu’on dit jolie femme, estimable, et de quelque distinction ; qui ne déclare pas son nom ; qui dit
que j’ai été son procureur ; qui a quinze mille livres de rente , pour le moins, ce qu’elle prouvera ; qui
a vu Monsieur chez moi ; qui lui a parlé ; qui sait qu’il n’a pas de bien, et qui offre de l’épouser sans
délai : et la personne qui est venue chez moi de sa part doit revenir tantôt pour savoir la réponse, et
vous mener tout de suite chez elle. Cela est-il net ? Y a-t-il à consulter là-dessus ? Dans deux heures il
faut être au logis. Ai-je tort, Madame ?
11 ARAMINTE, froidement.– C’est à lui à répondre.
12 M. REMY– Eh bien ! à quoi pense-t-il donc ? Viendrez-vous ?
13 DORANTE– Non, Monsieur, je ne suis pas dans cette disposition-là.
14 M. REMY– Hum ! Quoi ? entendez-vous ce que je vous dis, qu’elle a quinze mille livres de rente,
entendez-vous ?
15 DORANTE– Oui, Monsieur ; mais en eût-elle vingt fois davantage, je ne l’épouserais pas ; nous ne
serions heureux ni l’un ni l’autre : j’ai le cœur pris ; j’aime ailleurs.
16 M. REMY, d’un ton railleur, et traînant ses mots.– J’ai le cœur pris : voilà qui est fâcheux. Ah, ah,
le cœur est admirable ! Je n’aurais jamais deviné la beauté des scrupules de ce cœur-là, qui veut qu’on
reste intendant de la maison d’autrui, pendant qu’on peut l’être de la sienne. Est-ce là votre dernier
mot, berger fidèle5 ?
17 DORANTE– Je ne saurais changer de sentiment, Monsieur.
18 M. REMY– Oh ! le sot cœur, mon neveu ! Vous êtes un imbécile, un insensé ; et je tiens celle que
vous aimez pour une guenon, si elle n’est pas de mon sentiment ; n’est-il pas vrai, Madame, et ne le
trouvez-vous pas extravagant ?
19 ARAMINTE, doucement.– Ne le querellez point. Il paraît avoir tort ; j’en conviens.
20 M. REMY, vivement.– Comment, Madame, il pourrait6 !…
21 ARAMINTE– Dans sa façon de penser je l’excuse. Voyez pourtant, Dorante, tâchez de vaincre
votre penchant, si vous le pouvez ; je sais bien que cela est difficile.
22 DORANTE– Il n’y a pas moyen, Madame, mon amour m’est plus cher que ma vie.
23 M. REMY, d’un air étonné.– Ceux qui aiment les beaux sentiments doivent être contents ; en voilà
un des plus curieux qui se fassent. Vous trouvez donc cela raisonnable, madame ?
24 ARAMINTE– Je vous laisse ; parlez-lui vous-même. (À part) Il me touche tant, qu’il faut que je
m’en aille ! (Elle sort.)
====================
4
= d’où vient ceci ?
Allusion aux personnages du genre littéraire de la pastorale, à la mode au siècle précédent.
6
= il pourrait faire une chose pareille !
5
12
Beaumarchais, Le Mariage de Figaro (I, 10)
1 FIGARO, tenant une toque de femme, garnie de plumes blanches et de rubans blancs, parle à la
comtesse.– Il n’y a que vous, madame, qui puissiez nous obtenir cette faveur.
2 LA COMTESSE– Vous les voyez, monsieur le comte, ils me supposent un crédit que je n’ai point,
mais comme leur demande n’est pas déraisonnable...
3 ALMAVIVA, embarrassé.– Il faudrait qu’elle le fût beaucoup.
4 FIGARO, bas à Suzanne.– Soutiens bien mes efforts.
5 SUZANNE, bas à Figaro.– Qui ne mèneront à rien.
6 FIGARO, bas.– Va toujours.
7 ALMAVIVA, à Figaro.– Que voulez-vous ?
8 FIGARO– Monseigneur, vos vassaux, touchés de l’abolition d’un certain droit7 fâcheux que votre
amour pour madame...
9 ALMAVIVA– Eh bien, ce droit n’existe plus. Que veux-tu dire ?
10 FIGARO, malignement.– Qu’il est bien temps que la vertu d’un si bon maître éclate ; elle m’est
d’un tel avantage aujourd’hui, que je désire être le premier à la célébrer à mes noces.
11 ALMAVIVA, plus embarrassé.– Tu te moques, ami ! L’abolition d’un droit honteux n’est que
l’acquit d’une dette envers l’honnêteté. Un Espagnol peut vouloir conquérir la beauté par des soins8 ;
mais en exiger le premier, le plus doux emploi, comme une servile redevance, ah ! c’est la tyrannie
d’un Vandale, et non le droit avoué d’un noble Castillan.
12 FIGARO, tenant Suzanne par la main.– Permettez donc que cette jeune créature, de qui votre
sagesse a préservé l’honneur, reçoive de votre main, publiquement, la toque virginale, ornée de plumes
et de rubans blancs, symbole de la pureté de vos intentions : adoptez-en la cérémonie pour tous les
mariages, et qu’un quatrain chanté en choeur rappelle à jamais le souvenir...
13 ALMAVIVA– Si je ne savais pas qu’amoureux, poète et musicien sont trois titres d’indulgence
pour toutes les folies...
14 FIGARO– Joignez-vous à moi mes amis !
15 Tous ensemble– Monseigneur ! monseigneur !
16 SUZANNE, à Almaviva.– Pourquoi fuir un éloge que vous méritez si bien ?
17 ALMAVIVA, à part.– La perfide !
18 FIGARO– Regardez-la donc, monseigneur. Jamais plus jolie fiancée ne montrera mieux la
grandeur de votre sacrifice.
19 SUZANNE– Laisse là ma figure, et ne vantons que sa vertu.
20 ALMAVIVA, à part.– C’est un jeu que tout ceci.
21 LA COMTESSE– Je me joins à eux, monsieur le comte ; et cette cérémonie me sera toujours chère,
puisqu’elle doit son motif à l’amour charmant que vous aviez pour moi.
22 ALMAVIVA– Que j’ai toujours, madame ; et c’est à ce titre que je me rends.
23 Tous ensemble– Vivat !
24 ALMAVIVA, à part.– Je suis pris. Haut. Pour que la cérémonie eût un peu plus d’éclat, je voudrais
seulement qu’on la remît à tantôt.
====================
7
8
Le « droit de cuissage » était officiel et la législation sur le viol très limitée.
Almaviva poursuit effectivement Suzanne de ses assiduités.
13
DIALOGUE CINÉMATOGRAPHIQUE
Arnaud DESPLECHIN et Roger BOHBOT, Rois et reines (Denoël, 2005, p. 47-48)
14 Suite entretien à l’hôpital – Matin
[...]
1 Dr HÉLÈNE VASSET : Ah. C’est quoi votre définition de l’âme ?
2 ISMAËL : Eh, on ne va pas parler de théologie maintenant. Je ne suis pas votre copain ; je suis
enfermé dans cette clinique merdeuse, et vous m’examinez pour dire que je suis normal et que je suis
enfermé d’une manière tout à fait scandaleuse depuis hier soir.
3 Dr HÉLÈNE VASSET : Non, je voudrais vraiment savoir votre définition de l’âme.
4 ISMAËL : Vous voulez que je vous réponde : une bite et deux couilles ? Eh ben non. Une âme, c’est
une manière de négocier au quotidien avec la question de l’Être. Je ne dis pas que ça vous est
inaccessible. Je vous dis que je négocie au putain de quotidien avec la question de l’Être. Et ne me
toisez pas avec votre regard de mère la vertu, féministe de je ne sais quoi. Avec votre bloc-notes sur
les genoux, à guetter que je vous refile du symptôme pour pouvoir m’enfermer. Et vous venger de je
ne sais quel dol de dingue que vous portez sur la gueule. Je vous ai rien fait, j’ai rien fait à personne et
je ne suis pas fou. T’as compris le message ? Tu peux aller le répéter à ton politburo toute seule ou t’as
besoin de moi ?
5 Dr HÉLÈNE VASSET, elle s’est levée et dirigée vers la porte : Vous n’êtes peut-être pas fou, mais
une bonne semaine à vous calmer ici, ça ne pourra vous faire que du bien...
6 ISMAËL, furieux, il est resté assis : C’est quoi le recours légal ?
7 Dr HÉLÈNE VASSET : Ah, vous pouvez toujours écrire au substitut du procureur.
8 ISMAËL : Très bien, j’exige du papier et un stylo.
9 Dr HÉLÈNE VASSET : Mais certainement.
10 ISMAËL : Je vais vous dénoncer, ma petite connasse.
11 Dr HÉLÈNE VASSET, elle sort : Je vous conseillerai de vous calmer avant d’écrire votre courrier.
12 ISMAËL : Du papier et un crayon. Et rendez-moi mes lacets !...
====================
TRANSCRIPTION DE LA SÉQUENCE DU FILM
(Ils sont assis côte à côte.)
1 H.V.– c’est quoi votre définition de l’âme↑
2 I.– attendez on va pas parler de théologie maintenant je suis pas votre copain je suis enfermé dans
cette clinique merdeuse depuis hier soir vous êtes là pour m’examiner et dire que c’est tout à fait
scandaleux
3 H.V.– non je voudrais vraiment connaître votre définition de l’âme
4 I.– pff vous voulez que je vous réponde une bite et deux couilles↑ (Il se lève et s’éloigne.) ben une
âme, c’est une manière de négocier au quotidien avec la question de l’Être (Il s’assied près de la
fenêtre.) voilà je ne dis pas que ça vous est inaccessible je dis que je négocie au putain de quotidien
avec la question de l’Être (Elle saisit sa tasse sur le bureau.) et ne me toisez pas avec votre regard de
mère la vertu ou féministe de je ne sais pas quoi avec votre bloc-notes sur les genoux (Elle regarde
d’un air surpris son bloc-notes, qui est sur le bureau.) à guetter que je vous refile du symptôme pour
mieux pouvoir m’enfermer (Il se lève.) et vous venger de je ne sais quel dol de dingue que vous portez
sur la gueule (Il se rassied à côté d’elle sur le siège où il était initialement.) je vous ai rien fait (Elle se
lève et s’éloigne.) j’ai rien fait à personne, je ne suis pas fou t’as compris le message↑ (Elle prend son
sac.) tu peux aller le répéter à ton politburo toute seule ou t’as besoin de moi↑
5 H.V. (Elle est derrière le bureau et range des objets dans son sac.)– non je pense que vous n’êtes
peut-être pas fou mais
I.– ah
H.V.– une bonne semaine ici à vous calmer ne pourra vous faire que du bien
6 I.– quel est le recours légal↑
7 H.V.– ah vous pouvez toujours écrire au substitut du procureur
8 I.– ah très bien j’exige du papier et un stylo
14
9 H.V. (Elle décroche son imperméable.)– ah mais certainement
10 I.– je vais vous dénoncer ma petite connasse
11 H.V. (Elle ouvre la porte et se retourne vers lui, on voit la secrétaire dans la pièce à côté.)– je vous
conseillerai de vous calmer avant de rédiger votre courrier (Elle lui tourne le dos.)
12 I.– je veux du papier et un stylo (Elle n’est plus là.) et rendez-moi mes lacets
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Lucas Belvaux, La Raison du plus faible (2006)
1 ROBERT– toi t’as pas une idée↑
2 MARC– pour↑
3 ROBERT– pour trouver d(e) quoi ach(e)ter un(e) mobylette
4 MARC– pourquoi moi↑
5 ROBERT– je n(e) sais pas parc(e) que nous on en n’a pas
6 MARC– et moi j(e) suis censé entrer dans une épicerie et partir avec la caisse c’est ça↑
7 ROBERT– non non Marc assieds-toi c’est pas c(e) que j(e) voulais dire
8 MARC– si c’est exactement c(e) que tu voulais dire j(e) vais t(e) raconter un truc tous les jours j(e)
vais signer d(e)vant un flic il a un(e) têt(e) de bon gars jovial sympathiqu(e) comm(e) tout pourtant
pour lui j(e) suis un braqueur j(e) serai toujours un braqueur il est persuadé que j(e) recommenc(e)rai
un jour et il attend et ça l(e) fait marrer et toi t’es comm(e) lui tu pens(e)s comm(e) lui en fait t’es un
gros con un gros con sympathique main(te)nant tu m(e) lâch(e)s faut qu(e) j’aill(e) travailler
9 ROBERT– eh eh fais pas l(e) malin parc(e) que tu vas travailler hein parc(e) que nous aussi on a
travaillé et plus que toi encore et plus dur et si d(e)main i(l) fallait un coup d(e) main on y
r(e)tournerait on n’a pas d(e)mandé à s’arrêter avant l’âg(e) compris↑
10 MARC– lâch(e)-moi Robert
11 JEAN-PIERRE– lâch(e)-le Robert
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15
DIALOGUES ROMANESQUES ET ADAPTATIONS TÉLÉVISÉES
Flaubert, Bouvard et Pécuchet, chap. X (Folio, p. 386-387)
Victorine, à ce moment-là, grimpait le talus et cueillait des primevères, des hyacinthes et des
violettes, sans avoir peur d'un vieux cheval qui broutait l’herbe, au pied.
–« N’est-ce pas qu’elle est gentille ? » dit Bouvard.
–« Oui ! c’est gentil, une petite fille ! » et la veuve poussa un soupir, qui semblait exprimer le long
chagrin de toute une vie.
–« Vous auriez pu en avoir. »
Elle baissa la tête.
–« Il n’a tenu qu’à vous ! »
–« Comment ? »
Il eut un tel regard, qu’elle s’empourpra, comme à la sensation d’une caresse brutale –mais de suite,
en s’éventant avec son mouchoir :
–« Vous avez manqué le coche, mon cher ! »
–« Je ne comprends pas » et sans se lever, il se rapprochait.
Elle le considéra de haut en bas, longtemps, –puis, souriante et les prunelles humides : –« C’est de
votre faute ! »
Les draps, autour d'eux, les enfermaient comme le rideau d’un lit.
Il se pencha sur le coude, lui frôlant les genoux de sa figure.
–« Pourquoi ? hein ? pourquoi ? » et comme elle se taisait, et qu’il était dans un état où les serments
ne coûtent rien, il tâcha de se justifier, s’accusa de folie, d’orgueil : –« Pardon ! ce sera comme
autrefois !... voulez-vous ?... » et il avait pris sa main, qu’elle laissait dans la sienne.
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DIALOGUE TÉLÉVISUEL DE JEAN-CLAUDE CARRIÈRE
1 BOUVARD– (rire) c’est gentil un(e) petit(e) fille
2 BORDIN– vous auriez pu en avoir / il n’a t(e)nu qu’à vous
3 BOUVARD– comment↑
4BORDIN– vous avez raté l(e) coch(e) mon cher / c’est d(e) votr(e) faute
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Flaubert, Bouvard et Pécuchet, chap. IX (Folio, p. 352-353 et 363-366)
– [...] monsieur, je vous raconte de l'histoire. Les catholiques en Irlande éventrèrent des femmes
enceintes pour prendre leurs enfants ! »
– « Jamais. »
– « Et les donner aux pourceaux ! »
– « Allons donc ! »
– En Belgique, ils les enterraient toutes vives. »
– « Quelle plaisanterie. »
– « On a leurs noms ! »
– « Et quand même » objecta le Prêtre, en secouant de colère son parapluie « on ne peut les appeler
des martyrs. Il n'y en a pas en dehors de l'Église. »
[...]
Le curé se fâcha. – « Niez la Révélation, ce sera plus simple. »
– « Comment voulez-vous que Dieu ait parlé ? » dit Bouvard.
– « Prouvez qu’il n’a pas parlé ! » disait Jeufroy.
– « Encore une fois, qui vous l’affirme ? »
– « L’Église ! »
– « Beau témoignage ! »
Cette discussion ennuyait M. de Mahurot ; – et tout en marchant :
– « Écoutez donc le curé ! il en sait plus que vous ! »
16
Bouvard et Pécuchet se firent des signes pour prendre un autre chemin, puis à la Croix-Verte : –
« Bien le bonsoir. »
– « Serviteur » dit le baron.
Tout cela serait conté à M. de Faverges ; et peut-être qu’une rupture s’en suivrait ? tant pis ! Ils se
sentaient méprisés par ces nobles ; on ne les invitait jamais à dîner ; et ils étaient las de Mme de Noaris
avec ses continuelles remontrances.
Ils ne pouvaient cependant garder le De Maistre ; – et une quinzaine après ils retournèrent au
château, croyant n’être pas reçus.
Ils le furent.
Toute la famille se trouvait dans le boudoir, Hurel y compris, et par extraordinaire Foureau.
La correction n’avait point corrigé Victor. Il refusait d’apprendre son catéchisme ; et Victorine
proférait des mots sales. Bref le garçon irait aux « Jeunes Détenus », la petite fille dans un couvent.
Foureau s’était chargé des démarches, et il s’en allait quand la Comtesse le rappela.
On attendait M. Jeufroy, pour fixer ensemble la date du mariage qui aurait lieu à la mairie, bien
avant de se faire à l’église, afin de montrer que l’on honnissait le mariage civil.
Foureau tâcha de le défendre. Le Comte et Hurel l’attaquèrent. Qu’était une fonction municipale
près d’un sacerdoce ! – et le Baron ne se fût pas cru marié s’il l’eût été, seulement devant une écharpe
tricolore.
– « Bravo ! » dit M. Jeufroy, qui entrait. « Le mariage étant établi par Jésus... »
Pécuchet l’arrêta. – « Dans quel évangile ? Aux temps apostoliques on le considérait si peu, que
Tertulien le compare à l’adultère. »
– « Ah ! par exemple ! »
– « Mais oui ! et ce n’est pas un sacrement ! Il faut au sacrement un signe. Montrez-moi le signe,
dans le mariage ! » Le curé eut beau répondre qu’il figurait l’alliance de Dieu avec l’Église. « Vous ne
comprenez plus le christianisme ! et la Loi... »
– « Elle en garde l’empreinte » dit M. de Faverges ; « sans lui, elle autoriserait la Polygamie ! »
Une voix répliqua : « Où serait le mal ? »
C’était Bouvard, à demi caché par un rideau. « On peut avoir plusieurs épouses, comme les
patriarches, les mormons, les musulmans et néanmoins être honnête homme ! »
– « Jamais » s’écria le Prêtre ! « l’honnêteté consiste à rendre qui est dû. Nous devons hommage à
Dieu. Or qui n’est pas chrétien, n’est pas honnête ! »
– « Autant que d’autres » dit Bouvard.
Le comte croyant voir dans cette repartie une atteinte à la Religion l’exalta. Elle avait affranchi les
esclaves.
Bouvard fit des citations, prouvant le contraire :
– Saint Paul leur recommande d’obéir aux maîtres comme à Jésus. – Saint Ambroise nomme la
servitude un don de Dieu. – Le Lévitique, l’Exode et les Conciles l’ont sanctionnée. – Bossuet la
classe parmi le droit des gens. – Et Mgr Bouvier l’approuve.
Le comte objecta que le christianisme, pas moins, avait développé la civilisation.
– « Et la paresse, en faisant de la Pauvreté, une vertu ! »
– « Cependant, monsieur, la morale de l’Évangile ? »
– « Eh ! eh ! pas si morale ! Les ouvriers de la dernière heure sont autant payés que ceux de la
première. On donne à celui qui possède, et on retire à celui qui n’a pas. Quant au précepte de recevoir
des soufflets sans les rendre et de se laisser voler, il encourage les audacieux, les poltrons et les
coquins. »
Le scandale redoubla, quand Pécuchet eut déclaré qu’il aimait autant le Bouddhisme.
Le prêtre éclata de rire. – Ah ! ah ! ah ! le Bouddhisme. »
Mme de Noaris leva les bras. – « Le Bouddhisme ! »
– « Comment, – le Bouddhisme ? » répétait le comte.
– « Le connaissez-vous ? » dit Pécuchet à M. Jeufroy, qui s’embrouilla.
– « Eh bien, sachez-le ! mieux que le christianisme, et avant lui, il a reconnu le néant des choses
terrestres. Ses pratiques sont austères, ses fidèles plus nombreux que tous les chrétiens, et pour
l’incarnation, Vischnou n’en a pas une, mais neuf ! Ainsi, jugez ! »
– « Des mensonges de voyageurs » dit Mme de Noaris.
– « Soutenus par les francs-maçons » ajouta le curé.
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Et tous parlant à la fois : – « Allez donc – Continuez ! – Fort joli ! – Moi, je le trouve drôle – Pas
possible » si bien que Pécuchet exaspéré, déclara qu’il se ferait bouddhiste !
– « Vous insultez des chrétiennes ! » dit le Baron. Mme de Noaris s’affaissa dans un fauteuil. La
Comtesse et Yolande se taisaient. Le comte roulait des yeux ; Hurel attendait des ordres. L’abbé, pour
se contenir, lisait son bréviaire.
Cet exemple apaisa M. de Faverges ; et considérant les deux bonshommes : – « Avant de blâmer
l’Évangile, et quand on a des taches dans sa vie, il est certaines réparations... »
– « Des réparations ? »
– « Des taches ? »
– « Assez, messieurs ! vous devez me comprendre ! » Puis s’adressant à Fourreau : « Sorel est
prévenu ! Allez-y ! » Et Bouvard et Pécuchet se retirèrent sans saluer.
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DIALOGUE TÉLÉVISUEL DE JEAN-CLAUDE CARRIÈRE
1 CURÉ– niez la Révélation ce s(e)ra plus simple
2 BOUVARD– qui nous la prouv(e) la révélation↑
3 CURÉ– l’Église
4 BOUVARD– beau témoignage
5 PÉCUCHET– dans c(e) cas moi j’aim(e) mieux vous dir(e) j(e) préfèr(e) le bouddhisme
(rires)
6 CURÉ– le Bouddhisme
7 PÉCUCHET– oui parfait(e)ment parc(e) que pour ce qui est des incarnations Vichnou n’en a pas
qu’un(e) mais neuf
(brouhaha)
8 CURÉ– mensonges de voyageurs
9 UN HOMME– soutenus par les francs-maçons
(rires)
10 PÉCUCHET– riez riez riez tant qu(e) vous voulez je vais m(e) fair(e) bouddhiste
(brouhaha)
11 PÉCUCHET– bouddhiste
12 MME BORDIN– mais vous insultez des chrétiens
13 BOUVARD– les chrétiens parlons-en des chrétiens votre dieu qui a tout(e) bonté a bien permis le
massacre d(e) la saint Barthélémy (oh oh oh) et des Albigeois
14 PÉCUCHET– commis en son nom
15 BOUVARD– les catholiqu(e)s en Irlande ont éventré des femmes enceintes (cris)
16 PÉCUCHET– pour prendre leurs enfants (cris) c’est historique pour les j(e)ter aux pourceaux (cris)
et en Belgiqu(e) les femm(e)s qu’on a enterrées vives les païens aussi ont leurs martyrs votr(e) fameux
saint Augustin là qui a envoyé les xxx au massacre vous n(e) pouvez l(e) nier ça
17 UN HOMME– c’est un(e) plaisant(e)rie
18 CURÉ– vous n’avez pas l(e) droit de les app(e)ler des martyrs il n’y a pas de martyrs en dehors de
l'Église."
19 BOUVARD– tu viens↑
20 PÉCUCHET– j(e) te suis
21 BOUVARD– et permettez-nous de n(e) pas vous saluer
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QUESTIONS POSSIBLES À L’EXAMEN
Quelles sont les principales possibilités de finalité externe ou interne pour une interaction ?
Définissez les trois modes formels d’enchaînement des réactions sur les initiatives en les illustrant
par un exemple du texte.
Définissez les captateurs et indiquez leurs principales formes possibles en vous appuyant sur les
exemples du texte.
Même type de question sur les régulateurs.
Même type de question sur les interventions évaluatives.
Même type de question sur les complétions et les soufflages.
Même type de question sur les demandes de précision et de confirmation.
Même type de question sur les échanges tronqués.
Définissez les principales interprétations possibles des tours inachevés en les illustrant par les
exemples du texte.
Même type de question sur les suspensions.
Même type de question sur les interruptions.
Même type de question sur les intrusions.
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BASES DE RÉPONSE AUX QUESTIONS
Finalités
– externes à l’interaction : achat, obtention de renseignements pratiques (indication d’itinéraire),
consultation médicale ou juridique, commande au restaurant, entretien d’embauche, club de jeu…
– internes à l’interaction : converser = « parler pour parler », pour passer un bon moment, établir ou
entretenir une relation avec quelqu’un, donner à l’autre une certaine image de soi (interview), avoir
raison (débat)…
– « il s’agit là d’une dimension graduelle, chaque type d’interaction se situant quelque part sur un axe
allant des échanges les plus « gratuits » aux transactions les plus manifestement orientées par une
tâche » (Kerbrat 127)
Trois modes formels d’enchaînement des réactions sur les initiatives
– lexical, par la répétition d’un mot au moins ou la reprise d’un ou plusieurs syntagmes
– syntaxique, par un mot-phrase répondant à une interrogation totale, par un SN, un SP, un pronom ou
un adverbe répondant à une interrogation partielle, par un pronom ou un adverbe reprenant
anaphoriquement tout ou partie du tour antérieur ;
– sémantique, grâce à un ou des termes appartenant à un des champs lexicaux utilisés dans le tour
précédent.
Captateurs
Marques verbales d’engagement dans l’interaction de la part du locuteur : toutes les apostrophes et les
formules du type tu sais ou vous savez, tu vois ou vous voyez, je te dis pas ou je vous dis pas, je vais te
dire ou je vais vous dire, dis ou dites, hein, n’est-ce pas... (Kerbrat 18)
Régulateurs
Marques verbales d’engagement dans l’interaction de la part de l’interlocuteur assurant trois fonctions
principales :
– « je te suis » (faire acte de présence dans l’interaction, ratifier l’autre dans son rôle de parleur, et
l’assurer que le message « passe »),
– « j’ai un problème communicatif » (« hein ? », « quoi ? » : demande de répétition ou
d’éclaircissement),
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– « je ne suis plus présent dans l’interaction : régulateurs négatifs ou anti-régulateurs » (Kerbrat 19) :
par exemple, Excuse-moi deux secondes ou, au téléphone fixe, Ne quitte pas je te reprends tout de
suite, ou encore au téléphone mobile, Je t’entends mal ça va peut-être couper...
Interventions évaluatives ou évaluations
Mot, proposition ou tour de parole dont la fonction est métadiscursive : ils ne proposent rien de
nouveau sur l’objet du discours, mais prennent pour objet le dialogue lui-même, en commentant sa
forme ou son contenu. Au lieu de réagir sur l’objet du discours ou de prendre une initiative, ou même
en plus de ces interventions, le locuteur donne son avis à propos de la communication en cours, de
l’objet du discours ou des mots employés, ou encore de l’attitude générale de l’interlocuteur, etc. On y
placera les régulateurs, mais aussi toutes les « expressions à valeur émotive, évaluative ou
commentative » et toutes les propositions manifestant la félicité, l’insatisfaction ou l’indisponibilité
interactionnelle. (cf. Kerbrat 187 et 226). L’évaluation constitue forcément un échange avec ce qui
précède.
Complétions et soufflages
« interruptions coopératives par lesquelles l’interlocuteur collabore activement à l’élaboration du
discours d’un locuteur » (Kerbrat 187) :
– soufflage : face à une hésitation ou à une erreur ponctuelle du locuteur, l’interlocuteur lui souffle le
mot qu’il croit pertinent ;
– complétion : l’interlocuteur achève ou prolonge la phrase commencée par le locuteur.
Demandes de précision et de confirmation
avant de réagir à une injonction ou à une interrogation, l’interlocuteur prend l’initiative de demander
une précision (souvent interrogation partielle) ou une confirmation (souvent interrogation totale), et
attend la réaction du premier locuteur pour réagir lui-même à la première initiative : cela crée donc
deux échanges embrassés, que l’on peut symboliser, un peu comme les rimes en poésie, par la
formule 1A-2B-2A-1B.
Échanges tronqués
« une intervention à prétention initiative ne donne lieu à aucune réaction, verbale ou non verbale : elle
n’est tout simplement pas prise en compte par l’interlocuteur. » (Kerbrat 235) : soit il garde le silence,
soit il parle d’autre chose, soit il s’adresse à quelqu’un d’autre…
Tours inachevés. un tour de parole ne va pas jusqu’à son terme : la phrase est syntaxiquement
incomplète et typographiquement marquée par des points de suspension. Il peut s’agir
– d’une suspension de la part du locuteur,
– d’une interruption par l’interlocuteur,
– d’une intrusion par un troisième participant.
Suspensions. l’inachèvement d’un tour de parole provient du locuteur lui-même, qui rend la parole
avant d’avoir mené son tour à terme,
– parce qu’il ne trouve pas ses mots en raison d’une émotion forte,
– ou parce qu’il ne veut pas tenir des propos imprudents, ou déplaisants pour l'interlocuteur,
– ou au contraire parce qu’il désire faire un sous-entendu malicieux ou lourd de menace...
Interruptions. l’inachèvement d’un tour de parole provient du fait qu’un participant coupe la parole
au locuteur
– de manière coopérative dans certains cas de soufflages, de complétions ou d’évaluations
appréciatives ;
– de manière non coopérative, notamment quand l’interlocuteur émet une évaluation dépréciative ou
change de sujet de conversation.
Intrusions. « Un seul successeur prend la parole, mais ce n’est pas le bon » (Kerbrat 180) : le
participant qui intervient n’est pas celui à qui s’adressait l’initiative précédente.
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