Anne Roumanoff répond aux questions de France Loisirs (octobre

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Anne Roumanoff répond aux questions de France Loisirs (octobre
Anne Roumanoff répond aux questions
de France Loisirs (octobre 2016)
Votre spectacle à l'Alhambra est en partie inédit, que va y découvrir le public ?
Le spectacle change un peu tous les soirs car il est très ancré dans l’actualité. Je
parle aussi beaucoup de la vie quotidienne : le couple, les femmes, les ados, la
queue à la mairie pour refaire ses papiers d’identité, les parents d’élève, les
émissions de téléréalité, le deuil… Il y aussi une énarque, une touriste américaine qui
râle contre les serveurs qui ne viennent pas prendre sa commande, une bouchère
qui a peur pour ses économies avec le Brexit… Il y a deux sketchs où je fais monter
des spectateurs sur scène, j’aime bien ces moments propice à l’inattendu.
L'actualité est souvent lourde ces derniers mois, est-ce devenu plus compliqué
de faire rire ?
Peut-être un peu plus car certains sujets sont très sensibles mais on a encore plus
besoin de rire avec cette actualité anxiogène. Nous avons la chance de vivre dans
un pays où on a une grande liberté d’expression, c’est donc un devoir d’exercer cette
liberté, de la savourer, d’en profiter.
Avez-vous des rituels au quotidien pour trouver l'inspiration ?
Je passe beaucoup de temps à flâner sur internet, je lis beaucoup les commentaires.
Plus que l’actualité en elle-même, c’est la façon dont elle est perçue qui m’inspire.
J’échange beaucoup, je suis toujours en éveil, comme une éponge. J’écoute aussi
les rires du public quand je suis sur scène. Le rire doit tomber toutes les 15
secondes, c’est presque un travail d’horlogerie suisse.
En week-end ou en vacances, arrivez-vous à décrocher de l'actualité ?
Pas vraiment… (rires). Je suis un peu accro. Je crois que c’est très important pour
son équilibre personnel d’arriver à se déconnecter. Je m’y emploie même si j’ai du
mal. C’est l’inconvénient des Smartphones, on les tripote en permanence, j’en parle
d’ailleurs dans mon spectacle, j’appelle ça de la « smarturbation ».
Scène, radio, vie de famille... Comment arrivez-vous à trouver l'équilibre ?
Je dois avouer que ça n’est pas toujours simple (rires). Je suis toujours sur le fil. J’ai
peu de temps libre, surtout en tournée. Il m’arrivait de faire 4h de train pour passer
une journée avec mes filles, maintenant qu’elles ont grandi, je culpabilise moins si je
ne peux pas rentrer pour les voir. Mais je ne me plains pas, j’ai la chance de faire un
métier que j’adore et c’est un grand privilège. Forcément ça demande parfois
quelques sacrifices mais on n’a rien sans rien.
Quelle relation avez-vous créée avec votre public au fil des années ?
Une relation simple et chaleureuse. Je suis comme quelqu’un de leur famille. Quand
on m’interpelle dans la rue, c’est toujours très gentil. Sur les réseaux sociaux, c’est
autre chose, disons que les gens sont parfois moins tendres (rires).
Le public est mon seul juge lorsque j’écris mes spectacles. J’ai la chance de faire ce
métier depuis pratiquement 30 ans, cela a été beaucoup de travail mais c’est avant
tout grâce au public si je suis là. J’éprouve beaucoup de reconnaissance. Ce qui me
touche le plus, c’est que les gens viennent toujours à mes spectacles après toutes
ces années.
L'avènement des réseaux sociaux a-t-il permis de la faire évoluer ?
Les réseaux sociaux apportent une formidable proximité avec le public, un contact
direct très sympathique qui peut également avoir des effets négatifs. Il faut essayer
de ne pas se laisser affecter par l’opinion de ces personnes courageuses qui se
planquent derrière leurs claviers pour déverser leur haine anonymement !
Vous êtes la première femme à entrer dans la collection des « Pensées »…
C’est vraiment un honneur pour moi de faire partie de cette collection qui comprend
des auteurs d’humour prestigieux : Coluche, Desproges, Guitry, Bedos..., même si ça
a été un grand travail de revenir sur presque 30 ans de sketchs Je suis la première
femme à entrer dans la collection mais j’espère bien ne pas être la dernière !
Pour vous l'écrit est-il le complément naturel de la scène ?
Évidemment, même si cela a l’air naturel une fois joué sur scène, il faut un gros
travail d’écriture en amont. Il suffit parfois de remplacer un mot par un autre pour ne
plus faire rire. Lorsque je joue un sketch pour la première fois, je m’enregistre pour
voir à quels moments les gens rient, et j’ajuste le texte afin d’augmenter la cadence,
c’est un travail assez rigoureux et minutieux.
Quelle lectrice êtes-vous ?
J’ai des gouts très éclectiques. J’aime beaucoup lire, j’ai commencé par la littérature
classique à l’adolescence : Balzac, Zola… Aujourd’hui je lis de tout : de la littérature
contemporaine, des polars, des livres de bien-être, des livres de régime, des
documents... Chez moi j’ai aussi beaucoup d’ouvrages américains sur l’écriture
comique.
Quel livre serait-on surpris de trouver dans votre bibliothèque ?
La magie du rangement, un livre qui explique les bienfaits du rangement, c’est assez
paradoxal car je suis plutôt bordélique !
Est-ce important pour vous d'accompagner de jeunes humoristes ?
Ils sont nombreux et la concurrence est rude. J’essaie d’être bienveillante lorsque je
croise de jeunes humoristes que je trouve doués, de leur filer un coup de pouce. J’en
invite beaucoup dans mon émission quotidienne sur Europe 1. On a beaucoup à
apprendre de l’énergie et du talent des autres.
Qu'est-ce qui vous fait rire dans cette nouvelle génération ?
Il y a parfois plus de créativité et d’envie d’oser de nouvelles choses que chez les
humoristes installés.
Qui est votre coup de cœur du moment ?
J’ai beaucoup aimé Ahmed Sylla que j’ai découvert au Marrakech du rire. Beaucoup
d’efficacité comique et une grande humanité. Je trouve qu’il a le même type de
charisme qu’Omar Sy, je suis sûre qu’il va faire du cinéma.
Pour la jeune génération, avez-vous le sentiment que c'est plus facile d'être
une femme ET une humoriste ?
À mes débuts c’était très compliqué de faire de l’humour en tant que femme,
heureusement aujourd’hui les choses ont évolué. Il persiste malgré tout un plafond
de verre pour les femmes en France, dans le spectacle comme dans n’importe quel
autre métier.