Evolution du Service de protection AC et historique de l

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Evolution du Service de protection AC et historique de l
Evolution du Service de protection AC et historique de l’Association
Romande des Spécialistes NBC (AROPAC)
(Exposé présenté par le Major Daniel Martin, Président d’honneur de
l’AROPAC le 31 mars 2007 à Colombier, à l’occasion du 60ème anniversaire
de l’association).
En préambule, je préciserai d’emblée que, si l’ancêtre de notre
association AROPAC, c’est-à-dire l’Association des of gaz du 1er CA a été
fondée le 23 mars 1947 à l’Hôtel de la Paix à Lausanne (lieu où nous avons
célébré le cinquantenaire de notre association le 12 avril 1997) c’est en fait
ici même, au Château de Colombier, que s’est tenue le 30 juin 1946, une
séance constitutive préalable qui a réuni une trentaine d’of gaz du 1 er
Corps.
Je reviendrai tout à l’heure un peu plus en détail sur ce point.
Les faits et les menaces qui ont conduit à la création et au
développement du Service de protection AC ainsi qu’à la constitution de
notre association s’étendent sur une période de plus de 90 années. Il est
dès lors évident, que pour un exposé d’une trentaine de minutes, de
nombreux raccourcis ont dû être pris, aussi me suis-je efforcé de faire
ressortir au mieux les éléments les plus marquants, les plus curieux, voir
les plus insolites.
Mon exposé s’articule sur 3 thèmes :
1. Faits et menaces qui ont conduit au développement de mesures
de protection AC
2. La Suisse et la détention de l’arme chimique et nucléaire
3. Evolution de la protection AC et historique de notre association
Quant aux sources utilisées, elles proviennent notamment des
archives de notre association.
En effet, le comité de la Société suisse des officiers de protection AC avait
chargé, en 1983, un groupe d’anciens officiers spécialistes AC de rédiger
un ouvrage sur l’historique du SPAC. C’est sous la direction du Major
Pierre Zbinden de l’AROPAC que des travaux de recherche et de
compilation ont été entrepris. Cette tâche importante n’a malheureusement
jamais pu se concrétiser sous la forme d’un ouvrage, essentiellement faute
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de moyens financiers et les documents du Major Zbinden nous ont été
remis après son décès en 1992. D’autres éléments furent puisés dans
l’étude de l’historien Jürg Stüssi (Aperçu historique de la question d’un
armement nucléaire pour la Suisse, paru en 1995) ainsi que dans des
articles parus dans des revues et la presse.
Les événements qui ont décidé de la mise en place des premières
mesures et des premiers moyens de défense contre des armes spéciales
se situent évidemment au début de la première Guerre mondiale, guerre au
cours de laquelle sont apparues des armes nouvelles telles que les chars
de combat et l’aviation, mais aussi, les gaz asphyxiants.
C’est en effet le 22 avril 1915, devant la difficulté de progresser vers
l’ouest, que les Allemands engagèrent près d’Ypres, dans les Flandres, du
gaz de chlore contre des positions françaises sur un front de 6 km.
Résultat: 5’000 morts et 15’000 intoxiqués et blessés. Par la suite, les
engagements d’autres gaz toxiques composés de phosgène ou d’une
combinaison de chlore et de phosgène se multiplièrent rapidement. Au
total, ce sont 125'000 tonnes de substances chimiques qui ont été utilisées
durant la Grande Guerre. Elles ont tué ou blessé 1,3 millions de personnes.
Cet emploi massif de toxiques de combat sur les théâtres
d’opérations militaires en Europe ne pouvait être ignoré par le
commandement de notre Armée, mais il semble que l’on y vit pas une
menace particulière. On se donna du temps pour prendre des mesures en
matière de protection et ce n’est que 2 années après le premier
engagement de gaz de combat que furent livrés à la troupe les 200
premiers masques à gaz à des fins d’instruction seulement. A la même
époque, on créa à l’Etat-major de l’Armée un poste d’officier de protection
gaz (Gasschutzoffizier) qui se tenait personnellement au service de la
troupe pour l’instruction au masque à gaz.
En réalité, on ne peut parler d’instruction spécifique dans ce domaine
particulier qu’à la fin de la Grande Guerre. C’est en effet en 1918 que des
cours centralisés furent organisés pour des officiers subalternes
fonctionnant comme officiers gaz à l’échelon du bataillon.
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A la fin de la Première Guerre mondiale, on disposait de 100’000
masques à gaz dont seules étaient équipées les troupes particulièrement
exposées de certains postes frontière et, au terme de l’occupation des
frontières, le Service gaz fut même dissous.
Ce n’est qu’en 1923 que fut à nouveau créé, à l’Ecole polytechnique
fédérale de Zurich, un centre de protection contre les gaz, qui avait pour
mission prioritaire le développement d’un nouveau masque. Deux années
plus tard, ce centre fut transféré à Wimmis, localité que la plupart d’entrevous connaissent bien.
En 1928/29, furent introduits les premiers cours au Service gaz
(Gasdienst) pour les officiers instructeurs, mais il faut attendre 1933 pour
que paraisse le premier règlement. C’est également en 1929 que le masque
à gaz subit des améliorations (mod. GM 33) et il équipera la troupe jusqu’à
la fin de la Deuxième Guerre mondiale.
Le développement de l’aviation militaire fit apparaître la nécessité de
protéger également la population civile contre les effets d’une guerre aérochimique comme l’on disait à l’époque. C’est ainsi qu’en 1936, il fut décidé
de produire un masque à gaz spécialement conçu pour un usage civil et
celui-ci fut ensuite remis aux troupes de protection aérienne. Il faut à ce
titre relever qu’au début des années 30, le spectre de la guerre chimique
devint une affaire politique, tant il inquiétait la population. On peut même
parler d’une véritable psychose.
Les autorités fédérales mirent en place, en 1928 déjà, toute une série
de mesures d’information et de formation de la population. C’est ainsi que
fut fondée en 1931 à Lausanne la « Ligue suisse contre le péril
aérochimique » et en 1934 à Zurich, le « Schweizerische
Gasschutzverband » devenu plus tard le « Luftschutzverband ».
En octobre 1936 fut créée pour la première fois une Section gaz
(Sektion für Gasdienst) d’abord subordonnée au Service de l’infanterie puis
au Service de l’état-major général. Ce n’est qu’à partir de ce moment-là que
le Service gaz de l’Armée prit une forme claire et bien définie.
Des officiers gaz avec une fonction à plein temps furent incorporés
dans les grandes unités d’Armée, les corps de troupe et les unités
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indépendantes. Ils avaient pour mission de former une équipe gaz de 6
hommes par bataillon à l’observation et à l’alarme gaz, ainsi qu’aux travaux
de désintoxication.
Le déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale favorisa
évidemment le développement du Service gaz. L’organisation, l’instruction
et la dotation en équipements furent nettement améliorés. Pendant la
période de service actif, la responsabilité de l’instruction et de la
préparation à la défense se situaient avant tout au niveau des Corps
d’Armée. Ce sont eux qui édictaient les directives pour l’instruction aussi
bien des spécialistes que de la troupe. Ainsi, l’of gaz des CA se voyait-il
investi d’une mission importante. Le Général Guisan apporta au Service
gaz une attention toute particulière lorsqu’en 1943, il précisa clairement
dans un règlement les tâches des spécialistes gaz (officiers gaz, équipes
gaz, détachements de désintoxication) et attribua au cadres de la troupe la
responsabilité de l’ajustage et de l’instruction au masque à gaz.
Dès 1943, chaque soldat disposait d’un équipement de
désintoxication individuel. Une année plus tard, c’est aux chevaux d’être
équipés d’un masque à gaz et un premier lot de 1’500 pièces fut produit.
En 1944, le Service gaz, devenu Service chimique fut subordonné à la
section Matériel de l’EM d’Armée qui regroupait encore le Service
technique et le Service météorologique de l’Armée.
En plus du laboratoire de Wimmis, l’Armée disposait d’un laboratoire
C à Brienz, spécifiquement destiné à l’analyse d’échantillons relatifs à des
engagements chimiques. C’est aussi à ce laboratoire que les officiers gaz
pouvaient recevoir une instruction technique spéciale. Il convient encore
d’y ajouter 7 laboratoires de Corps d’Armée, 3 laboratoires de fortifications,
de même que des laboratoires mobiles et des laboratoires portables de
détection chimique.
On peut ainsi supposer que dès 1943, l’Armée et la Protection
aérienne étaient bien préparées à affronter psychologiquement et
matériellement une guerre chimique.
Un fait à relever et qu’on a tendance à occulter, c’est que notre armée
aussi, a tenté de se doter de l’arme chimique. En effet, en février 1937, le
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chef du Département militaire fédéral (DMF), Rudolf Minger, décida de
lancer un programme pour équiper l’armée de gaz de combat. Pour
contourner les dispositions du protocole de Genève sur les gaz toxiques et
ratifié par la Suisse en 1932, Minger se base sur l’objection de la
« menace » et le programme démarre, sans que les autres membres du
Conseil fédéral ne soient informés. Avec Ciba pour partenaire industriel, on
décide de produire de l’ypérite dans l’usine de Monthey. Lorsque la guerre
éclate en 1939, le Conseil fédéral est enfin mis au courant, il entérine le
programme déjà en route et débloque un crédit de près de 1,7 mio Fr. et
autorise le Général Guisan de doter les troupes de l’arme chimique.
Ce programme secret porte le nom de RN1 et c’est le début d’une
histoire rocambolesque. L’ypérite étant très volatile et corrosif entraîne des
difficultés jamais résolues de transport et de stockage. A la production, les
accidents de travail se multiplient : intoxications, empoisonnements. Les
premières tonnes de gaz moutarde ont été entreposées à Lattigen ( vous
connaissez ?).
Le Général Guisan tient absolument à la réalisation de ce programme
et des exercices sont effectués avec des fumigènes déversés par dizaines
de tonnes dans plusieurs cantons, à Uri notamment. Près de 14'000 têtes
de bétail ont dû être abattues suite à ces exercices (on les appela les
Nebelkühe).
Puis on passe à des exercices en grandeur réelle en été 1941. A
nouveau, les résultats sont désastreux, les équipements de protection de
la troupe sont défectueux à 75 % en moyenne (gants avec fissures,
pantalons et vestes sont perméables, de même que les bottes). Plusieurs
soldats sont atteints, parfois sur le corps entier et doivent être soignés
pendant 4 à 5 semaines.
Sur le plan militaire, les exercices révèlent que la volatilité de l’ypérite
rend son usage pour le moins problématique. Mais les travaux se
poursuivent et commencent à coûter cher et finalement, les plus
convaincus se rendent à l’évidence : la Suisse est incapable de maîtriser le
projet sans l’aide d’un partenaire disposant du savoir-faire technique
nécessaire, si bien qu’en mars 1943, le Général Guisan annonce au chef du
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DMF qu’il renonce au programme « armement chimique » qui s’est donc
avéré un véritable fiasco.
Voici qu’une nouvelle menace encore plus destructrice apparaît. En
1945, on assiste successivement le 16 juillet au premier essai d’une bombe
atomique dans le désert du Nouveau Mexique, puis le 6 août au largage de
la première bombe A sur Hiroshima suivie 3 jours plus tard d’une deuxième
bombe A sur Nagasaki. Ce n’est toutefois que 5 ans plus tard que les
premières mesures contre cette arme furent prises, car ce n’est
effectivement qu’en 1950 que les données techniques sur les effets des
armes atomiques furent rendues publiques par les Américains.
N’oublions pas non plus, qu’après l’expérience ratée de l’introduction
de l’arme chimique, notre pays a aussi tenté, avec la même obstination, de
se doter de l’arme nucléaire. En novembre 1945, trois mois à peine après
les bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki, le DMF a créé une
Commission atomique suisse chargée de construire une bombe ou tout
autre moyen militaire basé sur les principes de l’arme nucléaire.
Cette commission est présidée par Paul Scherrer, alors directeur de
l’institut de physique de l’Ecole polytechnique de Zurich. Dix ans plus tard,
la question de la bombe, tenue secrète jusque-là est ouvertement posée. La
guerre froide et l’invasion de la Hongrie vont précipiter les choses et le CF
charge le DMF d’étudier sérieusement l’acquisition d’armes nucléaires.
De plus, les officiers qui prenaient part aux délibérations de la Commission
de défense militaire (qui conseillait le chef du DMF) voyaient une bombe
atomique suisse plutôt à un niveau opératif et tactique, mais il y avait aussi
la voix du Cdt des troupes d’aviation, le Div Etienne Primault, qui déclarait,
selon un procès-verbal que, et je cite : « si l’on avait un avion, comme par
exemple le Mirage, qui soit en mesure de voler avec des bombes
atomiques jusqu’à Moscou, l’on pourrait également imaginer un
engagement en territoire ennemi ».
La Suisse devient ainsi l’un des rares petits pays à se prononcer en
juillet 1958 en faveur de ce type d’armement. Le 13 octobre 1959, lors d’une
rencontre entre les membres de l‘Etat-Major général helvétique et le chef
d’Etat-major des Armées françaises, la Suisse a expressément demandé à
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la France de l’aider pour son « armement atomique ». Des demandes ont
aussi été faites par Berne à la Grande-Bretagne et aux Etats-Unis s’ils
étaient prêts à lui livrer des armes atomiques « clé en main », mais la
réponse de Londres et de Washington aurait été négative.
A l’instar de « l’arme chimique », ont repart dans le rocambolesque.
Si le consensus populaire coïncide avec les positions de la plupart des
militaires, certains vantent la bombe à neutrons, d’autres la bombe tout
court. Le Div Eugène Studer (alors sous-chef d’état-major planification)
imagine le plus sérieusement du monde la réalisation d’essais nucléaires
en Suisse. Il prévoit qu’ils se dérouleront dans des cavernes et précise que
la zone devra être hermétiquement fermée dans un rayon de 2 à 3 km.
Nos autorités estiment que la Suisse pourrait se doter de 400 ogives
nucléaires et le DMF opte pour l’achat d’avions capables de larguer des
bombes nucléaires, soit le Mirage III français. Mais cette acquisition va
porter un coup rude aux aventuristes, puisque le scandale autour des
Mirages va provoquer un revirement de l’opinion publique. Les crédits du
DMF seront rognés. En 1969, la Suisse signe le Traité de non-prolifération
nucléaire (TNP) qui interdit aux puissances non-nucléaires d’acquérir la
bombe, ce qui n’empêche pas le DMF de mettre sur pied une cellule de
travail pour les questions atomiques, mais ses moyens sont faibles.
En 1977, le CF finira par ratifier le Traité de non-prolifération nucléaire
signé huit ans auparavant.
Enfin, en 1981, le CF décide de lever le secret sur les 5 tonnes
d’uranium que la Suisse s’est procurée en 1954 à la société belge Union
minière du Haut-Katanga, stockés à l’usine de poudre de Wimmis et
annonce cette réserve stratégique à l’Agence internationale de l’énergie
atomique à Vienne.
Ainsi, pendant plus de 30 ans, une poignée de militaires, de
scientifiques éclairés, d’agents doubles et de politiciens ont rêvé tout haut
de doter l’armée suisse du feu nucléaire.
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Parlons maintenant un peu de notre association et de l’évolution de
la protection AC.
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Comme je l’ai dit en préambule, c’est d’un groupe d’officiers gaz du
1er CA qu’a surgi, après la fin de la guerre, l’idée et le besoin de se
rencontrer hors service et, par conséquent, de créer une association
regroupant les spécialistes qu’ils étaient. Aussi est-ce en juin 1946 qu’une
trentaine d’officiers gaz de cette grande unité d’armée se sont réunis ici au
Château de Colombier pour jeter les premières bases d’un groupement.
Certes, il était bon de se retrouver entre camarades ayant vécu de
longues périodes de mobilisation. Toutefois, l’objectif n’était pas
seulement de fonder une amicale, mais une association permettant aussi
de travailler en commun à des tâches nouvelles et de rester ainsi au
service du pays.
C’est une personnalité remarquable, que les anciens de notre
association ont bien connue et dont le souvenir reste bien vivant, je veux
parler du Major Pierre Zbinden, capitaine à l’époque, qui procéda à
l’ouverture de cette séance. Il y fut nommé président d’un comité
provisoire, chargé comme je l’ai dit, de formuler les bases de l’Association
des Officiers gaz du 1er CA, dont la constitution définitive devait intervenir
9 mois plus tard. Il est encore intéressant de noter que lors de cette
réunion, un conférencier de marque, le Professeur Auguste Piccard, initia
les participants de manière simple et vivante, lit-on, aux secrets de
l’énergie atomique.
Suite à cette séance, l’of gaz du 1er CA, le Lt col Bourquin écrivit une
lettre au Cdt du 1er CA, l’informant de la création d’une association d’ of
gaz et lui signalant l’inquiétude des membres quant aux aspects financiers
(frais de convocation des membres, cachet du Pr. Piccard pour sa
conférence soit Fr.150.- ). Ce à quoi le Cdt C Borel répond qu’il salue avec
satisfaction la création de cette société et, qu’après avoir étudié la question
avec le commissaire des guerres du CA, il a été décidé d’attribuer une
somme de Fr. 500.- à l’association sur les caisses de l’ordinaire, faisant
ainsi une petite entorse au règlement. Ceci dit, il s’étonne que le Pr.
Piccard se fasse payer Fr. 150.- pour sa conférence qui, selon certains,
était plutôt décevante. Il dit textuellement : …le fait d’avoir vogué dans les
espaces stratosphériques semble avoir fait perdre le sens de la mesure à
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mon ancien camarade du Poly, l’illustre savant Piccard. Je ne manquerai
pas (dit encore le cdt C Borel) de lui faire amicalement la remarque si je
peux le rencontrer avant qu’il ne disparaisse dans les profondeurs
océaniques !
Comme je l’ai déjà mentionné, l’assemblée lors de laquelle furent
adoptés les statuts eut lieu à l’Hôtel de la Paix de Lausanne, le 23 mars
1947. Le Général Guisan en personne honora l’assemblée de sa présence
et apporta ses voeux et encouragements à la nouvelle association dont les
buts (encore fondamentalement les mêmes aujourd’hui) étaient:
- de permettre à ses membres de parfaire leurs connaissances
militaires et techniques hors service
- de réunir les officiers gaz anciens et incorporés pour entretenir
la camaraderie.
La cotisation annuelle fut fixée à Fr 5.--, montant qui malgré l’inflation a été
maintenu durant 30 ans !
L’année qui suivit la fondation de notre association marque un
tournant qui ne fut pas des plus heureux pour le Service chimique qui se
voit rattaché en 1948 au Service de santé. Les propositions de
développement adressées par le chef du Service chimique d’alors au
Médecin-chef de l’Armée restèrent pratiquement sans écho.
Le Service de Santé devint par la suite responsable de toutes les
questions relatives à la protection contre les armes atomiques, biologiques
et chimiques et le Service chimique se mua en Service ABC (ABC-Dienst).
En 1952 eurent lieu des cours de recyclage pour convertir en quelque
sorte les officiers gaz en officiers ABC qui devinrent alors des conseillers
techniques et des aides de commandement. Ils étaient d’ailleurs à l’époque
pratiquement seuls à pouvoir informer leurs supérieurs sur les implications
techniques et tactiques d’une guerre atomique qui alors hantait leurs
esprits. Il est à ce propos amusant de relever que l’engagement massif de
bombes atomiques dans le scénario d’un exercice opératif en 1955 a fait
dire au Cdt de Corps Gonnard: « On jette des bombes atomiques comme
des confettis! »
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Ainsi, même si depuis le milieu des années 50 un nouveau masque à
gaz (mod. 53) fut progressivement introduit, on peut dire que durant une
assez longue période, la préparation à la défense contre l’arme chimique a
été négligée.
Pour tout ce qui touchait aux problèmes de la guerre bactériologique,
il est évident que la plupart des officiers ABC ne disposaient pas des
compétences techniques nécessaires. Cette responsabilité leur fut
d’ailleurs définitivement retirée en 1967 et ils prirent la dénomination
d’officiers de protection AC. C’est aussi à ce moment-là que le Service de
protection AC (SPAC) devint une section avec son propre insigne d’arme,
l’atome d’hélium, section qui en 1972, fut transférée du Service de santé au
Groupement de l’état-major général pour être subordonnée au Sous-chef
EM Front. Une nouvelle dimension s’ouvre également au Service de
protection AC dans le cadre du concept de défense générale. Un Service de
protection AC coordonné est introduit en 1973, impliquant notamment
l’organisation de systèmes d’alarme à large échelle.
Dès la fin des années 60, des progrès importants et continus ont
considérablement renforcé l’efficacité du SPAC, que ce soit au niveau du
nombre de spécialistes incorporés, du développement des matériels de
protection individuels et collectifs, de l’instruction et des moyens
didactiques mis à disposition.
Ainsi, 1977 a été une grande année pour le SPAC et celles et ceux qui
ont fait du service à l’époque doivent s’en souvenir. La troupe reçoit le
matériel nécessaire pour modifier elle-même le MP 53 en MP 74, qui dès
lors fait partie du matériel que le soldat prend à domicile. C’est aussi
l’introduction du matériel personnel de protection et des consignes pour la
défense ABC.
Cette année marque encore l’inauguration du Centre AC de Spiez qui
permet la formation de spécialistes et d’officiers AC dans des conditions
techniques et environnementales optimales.
Au niveau de l’organisation enfin, des officiers de protection AC sont
incorporés dans les EM de bataillon dès le début des années 80, alors
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qu’auparavant il s’agissait d’une fonction accessoire attribuée à un officier
de troupe.
Enfin, en 2004 et pour la première fois dans l’Armée suisse, des
troupes de défense ABC sont déjà formées pendant l’Ecole de recrues.
Pour terminer, j’aimerais revenir à notre association et mentionner
quelques points marquants de son évolution.
Lors de sa constitution en 1947, l’Association des of gaz du 1er CA
comptait une cinquantaine de membres. Pouvaient être membres de
l’association tous les of gaz du 1er CA et des troupes attribuées à ce C,
ainsi que d’autres officiers qui manifestent un intérêt particulier au service
des gaz.
En 1952, notre société prend le nom d’Association des officiers de
protection ABC, section romande, puis, en 1969 elle devient l’Association
romande des officiers de protection AC (AROPAC) qui, à titre de membre
associé, admet également les of sub instruits au SPAC et les chefs du
Service de protection AC de la Protection civile. Enfin, en 2004, notre
société prend sa dénomination actuelle : Association romande des
spécialistes NBC – AROPAC. De nouveaux statuts entrent en vigueur le 1er
avril 2006 et formalisent notamment des changements au niveau des
critères d’admission, puisque dès lors peuvent aussi être admis des
membres (avec droit de vote à l’AROPAC) des personnes appartenant à la
Protection de la population ou intéressées par le domaine NBC.
Quant à notre société faîtière, c’est encore sous l’impulsion d’un
membre de l’AROPAC, le Colonel Henri-Louis Lehmann, alors président de
notre association, que fut créée le 20 avril 1968 la Société suisse des
officiers de protection AC (SSOPAC), suite à la constitution, nettement plus
tardive il est vrai, d’autres groupements à Zurich (1965), Bâle (1964) et
Berne-Soleure (1964). De nouvelles sections sont venues s’ajouter à la
SSOPAC : en 1988, fut créée à Lucerne la section Zentralschweiz puis en
1990 à Weinfelden la section Ostschweiz. Ces deux dernières sections ont
été dissoutes une dizaine d’années plus tard, vu le nombre restreint de
leurs membres et le peu d’activités mises sur pied.
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Enfin, suite aux décisions prises lors de l’Assemblée des délégués
du 9 septembre 2003 à Bâle, la SSOPAC affiche son ouverture en devenant
la Société des spécialistes ABC suisses – ABC Suisse.
Notre association a été présidée successivement
de 1946 à 1959
par le Major Pierre Zbinden (†)
de 1960 à 1975
par le Colonel Henri-Louis Lehmann (†)
de 1976 à 1977
par le Major Pierre Zbinden (†)
en 1978
par le Major Claude-Raymond Tripet (†)
de 1979 à 1983
par le Colonel Carlo Perotto (†)
de 1984 à 1993
par le Major Daniel Martin
de 1994 à 1998
par le Colonel Edmund Arnold
de 1999 à 2000
par le Capitaine Georges Barré
depuis 2001
par le Major Blaise Pierrehumbert.
Effectifs
Au cours de ses 60 ans d’existence notre association a connu des
variations d’effectif. Depuis la cinquantaine de membres lors de sa
fondation en 1947 notre association a dépassé la centaine de membres au
cours de l’année 2000 pour retomber à l’heure actuelle à 72 membres. 50
sont des militaires (48 officiers et 2 caporaux), 11 des CS SPAC de la PCi et
11 autres membres.
La première femme ayant été accueillie dans nos rangs est le maj Katia
Hurni en 2000, suivie du cpl Fanny Zarpellon et de Mme Natacha Gay,
toutes deux entrées en 2006.
Présidents et membres d’honneur
Présidents d’honneur
1980
† Major Pierre Zbinden
1994
Major Daniel Martin
Membres d’honneur
1977
† Colonel Henri-Louis Lehmann
1998
† Major Alfred Fonjallaz
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2007 † Lieutenant-colonel Georges Gander
Lieutenant-colonel Philippe de Werra
Voyages à l’étranger de l’AROPAC
Certains membres de l’AROPAC, peu nombreux il est vrai, ont participé à
des visites à des armées étrangères, organisées sous l’égide de la
SSOPAC ou de la Commission Rex :
1976
Visite du Centre de l’Ecole militaire des armes spéciales à Grenoble
(13 participants)
1981
Visite du Centre de défense ABC de la Bundeswehr à Sonthofen
(8 participants)
1989
Visite du centre NBC de la RAF à Honington (3 participants).
Enfin, et pour conclure, je dirai que, si les progrès fulgurants de la
technique ont entraîné de profondes mutations dans la terminologie,
l’organisation et les missions de la protection atomique et chimique, les
valeurs de la camaraderie restent, elles, immuables et c’est dans cet esprit
que j’aimerais souhaiter à notre association un avenir plein de succès.
Yverdon-les-Bains, le 30 mars 2007 / D. Martin