l`expert et l`avocat dans le procés pénal - criminalistique

Transcription

l`expert et l`avocat dans le procés pénal - criminalistique
Faculté de Médecine
Laboratoire d’Ethique Médicale et de Médecine Légale
Directeur : Professeur Christian HERVE
L’EXPERT ET L’AVOCAT DANS LE PROCÉS PÉNAL
MEMOIRE
Diplôme Universitaire de Criminalistique
Université de PARIS V
DIRECTEUR DU MEMOIRE
Lieutenant Colonel VANDEN-BERGHE
Directeur adjoint de l’Institut de Recherche Criminelle
de la Gendarmerie Nationale
PH I L IPP E TH O M A S
AN N E E UN IV ER SI TAI RE 2 008/ 200 9
« La science restera toujours la satisfaction du plus haut
désir de notre nature, la curiosité ; elle fournira à
l’homme le seul moyen qu’il ait pour améliorer son sort. »
Ernest Renan
2
INDEX
AVANT PROPOS
04
LISTE DES ABBREVIATIONS
05
PLAN
06
INTRODUCTION
08 - 12
TITRE UN
13 - 40
TITRE DEUX
41 – 56
CONCLUSION
57 - 58
BIBLIOGRAPHIE
59 – 61
ANNEXES
62 - 87
3
Avant propos
L’expertise dans le procès pénal suit le progrès des techniques scientifiques, elle ne subit pas
une mutation à proprement parler mais connaît des difficultés d’intégration dans la forme
structurelle de notre droit civiliste, l’appréhension de ce phénomène se décline sous deux
aspects, l’interprétation d’une expertise d’une part et les moyens donnés aux parties
d’intervenir d’autre part.
C’est dans la logique de cette évolution que le principe du contradictoire a été renforcé ces
dernières années et notamment depuis la loi du 5 mars 2007, si la procédure reste toutefois
complexe et rigoureuse, les avocats des parties doivent pouvoir s’organiser en conséquence.
Ce mémoire est divisé en deux parties ; la phase de l’instruction et celle du procès, la
première partie est la plus abondante en texte et s’explique par l’importance de l’expertise
pendant l’instruction et par une procédure trop lourde à mon sens.
La seconde partie expose le déroulement d’un procès pénal, le rôle de ses acteurs et
intervenants, il sera notamment souligné l’intervention d’experts aux rapports d’une clarté
remarquable qui domineront les débats, jusqu’à ceux d’une dimension plus modeste, qui
donneront une impression d’inutile et de confusion propre à tromper la « religion » d’un
tribunal ou d’une Cour.
C’est aussi le regard du juriste sur les relations entre le juge, l’expert, l’avocat des parties, le
ministère public d’un bout à l’autre de la procédure.
Le pénaliste doit estimer la cohabitation difficile entre deux sciences différentes mais
complémentaires : celle du droit et de la science criminalistique avec pour corollaire le poids
de l’expertise dans le procès pénal.
Les nouvelles dispositions réglementaires sur l’expertise qui viennent au 1er janvier 2010 sont
évoquées mais faute d’un recul nécessaire elles ne seront pas commentées, cela ne signifie pas
pour autant que ces travaux soient d’ores et déjà obsolètes, ils reprennent en partie une
situation d’aujourd’hui évoquée par le témoin d’une procédure qui mérite d’évoluer dans le
sens de l’équité.
PHILIPPE THOMAS
4
TABLE DES ABREVIATIONS
Art :
Article
Bull. crim. :
Bulletin des arrêts de la Chambre criminelle de la Cour de Cassation
CA :
Cour d’appel
Cass. Crim :
Chambre criminelle de la Cour de cassation
C. civ. :
Code civil
CD :
Centre de Détention
CP :
Centre Pénitentiaire
Coll. :
Collection
Comm. :
Commentaire
CNB :
Conseil national des barreaux
C. pén :
Code pénal
CPP :
Code de procédure pénale
DSP :
Dispositif de Soins en Psychiatrie
Dr. Pén :
Droit pénal
Ed :
Edition
Fasc :
Fascicule
FNEJ :
Fédération national des experts judiciaires
Ibid.:
Ibidem
Id :
Idem
JURISPR :
Jurisprudence
NCPC :
Nouveau code de procédure civile
Obs.
Observations
RD pén. Crim :
Revue de droit pénale et de criminologie
Rép. Pén. Dalloz : Dalloz encyclopédie (droit pénal)
REV.SC.CRIM :
Revue de recherche juridique – Droit prospectif
SOMM :
Sommaires commentés dans le Recueil Dalloz
Supra :
Au dessus
T:
Tome
TRIB. CORR :
Tribunal correctionnel
UCSA :
Unités de consultations et de soins ambulatoires
SMPR :
Service Médico Psychologique Régional
5
SOMMAIRE
INTRODUCTION
Pertinence de l’enseignement des sciences criminalistiques auprès des
auxiliaires de justice
-----------------
TITRE 1
L’INSTRUCTION PRÉPARATOIRE DU PROCÈS PÉNAL
1.
LA DEMANDE D’EXPERTISE
A. Phase préparatoire selon la catégorie d’infraction
B. La réquisition judiciaire
C. Les expertises judiciaires
1 à la demande du magistrat instructeur
2 à la demande de l’avocat
2.
L’EXPERTISE
A. Le rapport provisoire
1 les expertises psychiatriques
2 sur les délais des parties
3 sur les observations des parties
B. Le rapport définitif
1 les notifications des rapports
C. La distinction des expertises complémentaires
1
2
la contre expertise
l’expertise complémentaire ou la nouvelle expertise
a) le rejet des expertises complémentaires par le juge
b) les recours
6
TITRE 2
LE PROCÈS PÉNAL
A
Les différentes juridictions
A.1
EXPOSÉ DES RAPPORTS D’EXPERTISES
a. déposition des experts à l’audience
b. interrogatoire et contre interrogatoire des experts
B.1
EXPOSÉ DES PARTIES CIVILES, DU MINISTÈRE PUBLIC ET DE LA DÉFENSE
a. les conclusions des parties au procès
b. la démonstration de la preuve
3
CONCLUSIONS
L’expertise dans le procès pénal
7
INTRODUCTION
Si la criminalistique fascine nos contemporains, c’est par l’image combinée de la science et de
l’aventure qu’elle véhicule dans l’imaginaire populaire. Au delà, les applications de cette
science participent à la manifestation de la vérité dans une variété de techniques scientifiques
multidisciplinaires dont le but est d’identifier le ou les auteurs de faits infractionnels.
La série « les experts » a contribué à vulgariser cette science et le taux d’audience télévisuel
témoigne de son succès. La recette est simple, celle d’une enquête policière mais réalisée sous
le prisme de la police scientifique, bien loin du raisonnement du lieutenant Colombo !
Les personnages de la série sont à l’image de notre époque, froids et méthodiques, avec une
rationalité télévisuelle, il importe peu ici de savoir pourquoi un crime a été commis, il s’agit
désormais de savoir comment il s’est déroulé !
L’apport des sciences forensiques et criminalistiques en justice est en fait plus difficile qu’il
n’y parait, deux modes de pensée s’affrontent, l’une littéraire et l’autre scientifique. Si le
premier mode ne pose aucun problème pour le magistrat, l’autre en revanche sera livré à son
appréciation sans qu’il ait reçu pour autant une formation adéquate.
Le cas est plus remarquable quand il s’agit du jury populaire que le hasard d’une liste
électorale a érigé en magistrat d’un jour ou d’un procès et, où sa connaissance des techniques
criminalistiques se limite le plus souvent dans le divertissement de séries télévisées incultes.
C’est donc sur le rapport de l’expert en particulier que les magistrats professionnels et les
jurés devront s’appuyer pour juger de la réalité d’un fait mais aussi dans la pertinence des
questions qu’ils n’hésiteront pas à poser.
En amont de la procédure, la désignation de l’expert peut déterminer le résultat du procès,
cette prérogative du juge d’instruction peut être à l’origine d’une source de conflit quand on
sait que certains magistrats nomment invariablement les mêmes experts qui correspondent le
plus à leurs façons de penser.
8
Aussi critiquable que soit le mode qui désigne un expert, celui-ci doit être désigné, les parties
pourront utiliser d’autres moyens pour compenser tous les déséquilibres de l’instruction et/ou
celles de la procédure pénale.
Peut être pourrait-on suggérer un tableau de roulement à l’instar de la désignation des juges
d’instruction ou un tirage au sort par un juge de l’expertise qui serait à l’écart de toute
procédure.
La criminalistique est avant toute chose une affaire de vérité qui doit matérialiser l’indice en
preuve, la logique scientifique de ses différentes disciplines soulève le problème de son
intégration dans le monde juridique.
Cette difficulté n’est pas sans rappeler les travaux du doyen Carbonnier dans son opposition
au panjurisme après le constat d’une « passion de la République pour plus de droit » 1
La réglementation à outrance n’est pas synonyme de garantie, aussi quand Jean Carbonnier
déduit que la culture juridique représente « tout le poids du non droit »
2
il expose sa
préférence dans l’approche globale du phénomène juridique qui rejette la conception moniste
du droit dogmatique en privilégiant la flexibilité de la règle de droit sur la diversité sociale et
culturelle de la nation.
La démonstration scientifique est censée remplacer la culture de l’aveu, et si ses applications
techniques ne présentent pas de difficulté particulière dans l’enquête policière il n’en est pas
de même dans notre tradition juridique et les déductions du Juge.
Le magistrat va donc s’entourer d’auxiliaires dont les missions consistent à établir avec
loyauté la matérialité de faits, leurs catégories infractionnelles et déterminer une relation de
cause à effet qui relie l’infraction à l’infracteur3,
1
Jean Carbonnier : Droit et passion du droit sous la Ve République (ed. Flammarion 2006)
Jean Carbonnier : Pour une sociologie sans rigueur (7ème éd. Paris 1992)
3
Infracteur, personne qui commet une infraction, qualificatif employé en criminologie. V. Robert CARIO,
Introduction aux sciences criminelles, 6è éd. 2008, p. 260.
2
9
Pierre Dray, Président de la Cour de Cassation écrivait que « L’expert est au temps de sa mission
le compagnon de route du juge à la recherche de la vérité », c’est effectivement une relation de
confiance qui va sceller l’instruction et/ou le procès en intégrant les conclusions des services
de police, de gendarmerie et d’experts.
Les méthodes policières aiment toutefois s’affranchir du poids des lois, l’exemple le plus
concret est celui du fichier de la police nationale « STIC » puisque ce dernier a fonctionné en
toute illégalité à partir de 1995 avant d’être « légalisé » par le décret N° 2001-583 du 5 juillet
2001.
La gendarmerie a de son coté, exposé plus tardivement la réalité du fichier « JUDEX » auprès
de la CNIL en décembre 2002, celui-ci fonctionnait en effet de manière clandestine depuis 20
ans avant qu’une existence légale ne lui soit reconnue par décret le 22 novembre 2006 4 .
Ce souci de légaliser était non seulement indispensable mais permettait de légiférer sur
l'interconnexion des fichiers STIC et JUDEX qui devraient se fondre dans un fichier unique et
qui répondra au nom d’ARIANE.
Si donc ce système « à la marge » est toléré, c’est en raison des résultats qu’il génère,
cependant il ne faut pas oublier que l’enquête conduite à l’écart des règles de droit pose un
problème sur les garanties du justiciable dans un procès équitable.
Ces « écarts » sont généralement sanctionnées par la nullité totale ou partielle de l’enquête ou
d’un ou plusieurs PV voire de l’intégralité de la procédure si le visa du parquet est absent au
début d’une procédure et/ou si « l’absence » du contrôle du juge compromet durablement les
droits du justiciable et de la défense.
Notre société admet ainsi une absence de règles dans un « non droit » gérée au sein de notre
culture juridique, mais les nouvelles techniques ne peuvent remettre en question l’égalité des
armes dont l'objectivité impose le respect de toutes les garanties de régularité dans
l’organisation d’un procès.
4 Décret n°2006-1411 du 20 novembre 2006 portant création du système judiciaire de documentation et d'exploitation dénommé " JUDEX ".
10
Des principales cultures juridiques occidentales celle de la « common law » semble la plus
adaptée dans l’administration de la preuve scientifique et le caractère contradictoire des
expertises au procès.
La culture juridique anglo-saxonne est une procédure accusatoire et distingue différemment
les garanties juridiques de la procédure pénale française dans le droit à une procédure
équitable, celle-ci a pour origine l’habeas corpus de 1272 sous Edouard 1er Roi d’Angleterre,
avant d’être légalisé formellement par une loi, l’habeas corpus act de 1679.5
La culture juridique française intègre au 12ème siècle les pratiques du tribunal fondé par
l’Eglise dont la mission était de réunir les preuves essentiellement par l'aveu.
L’absolutisme inquisitoire est toujours d’actualité dans l’esprit procédural français qui nous
vient en ligne directe du droit médiéval, ce droit précisait notamment que « l'aveu rend la
chose notoire et manifeste, il devient la preuve incontestable de la culpabilité de l'accusé ».6
La force de l’aveu donne ainsi à l’intime conviction du Juge un moyen de décider de la
culpabilité d’un justiciable, cela explique que dans cette configuration procédurale les arrêts
des cours d’assises ne comportent aucune motivation et se référent uniquement à l’article 353
du code de procédure pénale « La loi ne leur fait que cette seule question, qui renferme toute
la mesure de leurs devoirs : " Avez-vous une intime conviction ? »
L’absence de motivation est ici regrettable dans l’articulation d’un jugement car l’intime
conviction qui rejoint le serment des jurés prévu à l’article 304 du code de procédure pénale
peut défier toutes les lois physiques et autres vérités mathématiques, le procès de Galilée7 est
l’exemple parfait de cette forme d’hérésie où la croyance remplace l’évidence.
5
L’ordonnance d'habeas corpus énonce une liberté fondamentale, celle de ne pas être emprisonné sans jugement. Toute personne arrêtée a
le droit de savoir pourquoi elle est arrêtée et de quoi elle est accusée- V. Evidentiary Hearings In Federal Habeas Corpus Cases, 1990 B.Y.U.
L. REV. 131.
6
Karine Trotel Costedoat, La torture dans la justice criminelle médiévale, Histoire Médiévale, n°18, juin 2001.
7
Le 22 juin 1633 Galileo Galilei, est condamné à la prison à vie par la congrégation du Saint-Office, le bras judiciaire de l'Inquisition. Il a
été obligé d’abjurer le système héliocentrique de Copernic
11
Il est probable que notre culture juridique n’échappera pas à ses contradictions dans les
réformes qui dénaturent sa tradition civiliste au profit de normes juridiques anglo-saxonnes.
De ce fait, l’équité juridique impose une refonte de la procédure pénale qui ne soit pas en
opposition avec son histoire. Pour intégrer le volet scientifique dans la démonstration de la
preuve, le législateur doit tenir compte d’une culture juridique séculaire avant de l’adapter aux
évolutions de la science criminalistique dans les règles du procès équitable.
Au delà, l’égalité des armes exige une formation adaptée des magistrats mais aussi des
avocats, dans l’accusation comme dans la défense.
12
TITRE 1
L’INSTRUCTION PRÉPARATOIRE DU PROCÈS PÉNAL
13
1.1
LA DEMANDE D’EXPERTISE
1.1.A PHASE PRÉPARATOIRE SELON LA CATEGORIE D’INFRACTION
Il existe trois types d’infractions :
1. Les contraventions qui relèvent d’infractions mineures, l'article 131-13 du Code pénal
dispose que « constituent des contraventions les infractions que la loi punit d'une
amende n'excédant pas 3 000 euros ».
2. Les délits qui sont des infractions punies d'une peine correctionnelle, par une amende
supérieure à 3750 €, et d'autre part, une peine d'emprisonnement.
3. Le crime qui est la catégorie infractionnelle la plus grave.
L’article 79 du code de procédure pénale prévoit que si l’instruction est obligatoire en matière
criminelle, elle est facultative en matière délictuelle et exceptionnelle en matière
contraventionnelle.
L’instruction doit rassembler les preuves d’une infraction et en rechercher les auteurs, ses
principes généraux disposent qu’elle est secrète, écrite et non contradictoire mais qu’elle doit
être équitable, équilibrée et respecter le droit des parties.
C’est dans ce cadre tendancieux qu’intervient l’expert, son ministère se retrouve de
l’instruction préparatoire jusqu’au procès pénal, il peut effectivement être requis8 dans une
enquête préliminaire et sous le contrôle du ministère public, il peut être nommé par le juge
d’instruction9 il peut déposer à la barre du Tribunal correctionnel pour éclairer le juge ou les
défenseurs sur les détails techniques d’une expertise.
Qu’il soit inscrit ou non sur la liste de la Cour d’appel 10, l’expert agit en qualité d’auxiliaire
de justice bien loin du justiciable ordinaire, dans le procès pénal, il est en général présent
devant les juridictions statuant en matière correctionnelle et/ou criminelle.
8
Article 60 du code de procédure pénale
Article 156 du code de procédure pénale
10
Article 157 du code de procédure pénale
9
14
1.1.B LA RÉQUISITION JUDICIAIRE
La réquisition est un ordre ou une injonction donnée par une autorité qui agit dans les limites
de sa compétence auprès d’un homme de l’art, ouvrier, manouvrier, experts, ou toutes
personnes pouvant prêter son concours dans un cadre administratif ou judiciaire.
La réquisition provient soit d'une autorité judiciaire, soit d'une autorité administrative, l’article
R.642-1 du code pénal opère une distinction entre la réquisition administrative et la
réquisition judiciaire.
La réquisition judiciaire dépend des articles 16, 60 et 67 du code de procédure pénale.
Les personnes habilitées à agir dans le cadre judiciaire sont :

L’officier de police judiciaire (O.P.J.) policier ou gendarme

Le magistrat : procureur ou un substitut

Un président de Cour d'Assises, en vertu de son pouvoir discrétionnaire.
L’autorité judiciaire a la possibilité de requérir, sans restriction alors que récemment, son
pouvoir était limité à l’exécution judiciaire par l’article R.30-12 du code pénal.
La réquisition Judiciaire est une mesure entourée par un cadre légal définie dans le code de
procédure pénale, c’est une injonction ou un ordre qui entraîne une exécution immédiate.
L’alinéa premier de l’article 77-1 du code de procédure pénale encadre la réquisition comme
suit « S’il y a lieu de procéder à des constatations ou à des examens techniques ou
scientifiques, le P.R. ou, sur autorisation de celui-ci, l’OPJ a recours à toutes personnes
qualifiées. »
Lorsque le juge d’instruction n’a pas été saisi, c’est le procureur de la République qui dirige
l’enquête judiciaire. Il possède toute latitude pour recourir à des experts qui assisteront les
enquêteurs.
15
C’est ce que la procédure pénale prévoit dans le « recours à des personnes qualifiées ».
Ce pouvoir tendra à se renforcer dans le contexte d’une disparition programmée du magistrat
instructeur, il permet au procureur d’éviter le recours au juge d’instruction chaque fois qu’un
problème technique se pose.
Cette possibilité permet au parquet d’associer l’expert au travail des enquêteurs qui sont
autorisés à pratiquer la réquisition dans une procédure de flagrant délit11 s’ils possèdent la
qualité d’officier de la police judiciaire.
Il peut s’agir d’une réquisition pour une prestation de service, qui peut être réalisée par toutes
personnes (tiers, professionnel, APJ) sous le contrôle de l’OPJ dans le cadre d’une enquête
préliminaire.
La réquisition de service est destinée à demander l’exécution d’un travail qui nécessite une
connaissance ou une compétence particulière comme l’ouverture de porte par un serrurier,
l’enlèvement d’un cadavre par les pompiers, la prise en charge d’un blessé par une
ambulance, un renseignement spécifique.
Dans ce genre de réquisition, la personne requise ne prête pas serment et ne fournit aucun
avis, constat ou rapport. Elle est cependant passible d’une contravention de seconde classe en
cas de refus injustifié de déférer à la réquisition.
La procédure est justifiée dans une décision de la Cour d’appel de Grenoble en date du 7
juillet 2000 qui précise que si les réquisitions dites « à manœuvrier » entre dans le champ
d’application de l’article 77-1 du code de procédure pénale, elles n’exigent pas pour autant le
formalisme exigé pour les personnes qualifiées, attendu que les réquisitions dites « de
service » sont des actes simples permettant d’orienter utilement l’enquête.
11
Article 62 du code de procédure pénale
16
La réquisition à personne qualifiée doit en effet, observer un formalisme rigoureux en ce
qu’elle relève de la compétence d’un OPJ et qu’elle est soumise aux articles 77-1 et 60 du
code de procédure pénale et 151 du code pénal.
La réquisition à personne qualifiée comporte une mission précise qui doit être signifiée par
écrit et doit être signée de l’autorité judiciaire, le visa du parquet ou du magistrat demandeur
est un impératif qui vaut à peine de nullité.
Le procureur de la République peut requérir une information, notamment pour rechercher les
causes d’une mort, si la mort est d'origine criminelle, la procédure de flagrant délit12 permet à
l'OPJ de pratiquer la réquisition sous le contrôle du parquet.
L’article 60 du code de procédure pénale souligne le caractère d’urgence, il dispose que « s'il
y a lieu de procéder à des consultations ou des examens techniques ou scientifiques qui ne
peuvent être différés, l'officier de police judiciaire a recours à une personne qualifiée »
.
La réquisition en ce cas, consiste à pratiquer un ou plusieurs examens techniques qui
détailleront la preuve d'une infraction avant que ces dernières ne dépérissent ou disparaissent.
Dans le cas de coups et blessures, de découverte d’un cadavre, c’est le corps médical qui sera
sollicité pour procéder au constat de la matérialité de l’infraction.
Les textes indiquent que la réquisition est impérative et nominative et que le médecin requis
est tenu de déférer à cette dernière, celui-ci est « obligé » vis-à-vis des dispositions de l'article
R.642-1 du Code pénal13, mais également de celles contenues à l’article L.4163-3 alinéa 2 du
code de la santé publique qui prévoit une amende de 3.750 euros si le requis n’a pas fait droit
aux réquisitions de l’autorité publique.
12
Article 62 du code de procédure pénale
Article R.642-1 du CP « le fait, sans motif légitime de refuser ou de négliger de répondre à une réquisition, est
puni de l’amende prévue par les contraventions de 2ème classe. »
13
17
1.1.C LES EXPERTISES JUDICIAIRES
Dans le procès pénal, l’encadrement de la procédure expertale s’applique dans un schéma
vertical où le juge contrôle la personne qualifiée dans la mission qu’il va lui confier en
définissant ses limites par un encadrement de questions précises, l’expert s’y conformera
selon la doctrine expertale « la mission et rien que la mission »14
Cette instrumentalisation relève d’une politique souverainiste qui guide la main invisible du
droit où l’expertise n’est pas censée s’écarter du cadre fixé par le juge sans le risque d’altérer
« la pureté de la fonction juridictionnelle »15
L’avocat doit défendre les intérêts des personnes qu’il représente, dans l’expertise son rôle
appuie ou combat les conclusions d’une expertise, son objectif n’est pas de rechercher une
quelconque vérité mais d’obtenir l’adhésion même momentanée du juge dans son
argumentation qui sera reprise dans la motivation d’une décision.
Il s’agit ici d’une stratégie de la règle du contradictoire où un rapport de force s’engage contre
« l’adversaire », car le magistrat jouit d’une liberté d’action dans la présentation du rapport
d’expertise qu’il peut évaluer, rejeter ou entériner avant d’en faire ou non la source de sa
décision.
Le recours à l’expert est un recours à « la personne qualifiée », à « l’homme de l’art », c’est le
technicien, le comptable, l’artiste, le médecin etc. qui accepte de mettre son savoir au service
de la Justice.
L’expert judiciaire ne dispose d’aucun statut dans le corps judiciaire, il reste affilié à sa
profession et attaché à son organisation professionnelle, la dénomination relève plus d’une
qualité que d’un titre selon un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de Cassation en date
du 10 janvier 1991.
14
Article 158 du CPP « La mission des experts qui ne peut avoir pour objet que l'examen de questions d'ordre
technique est précisée dans la décision qui ordonne l'expertise »
15
Bruno Oppetit « les rôles respectifs du juge dans l’administration de la preuve … » in IEJ 1976 p. 62
18
Son serment est un appel solennel à l’honneur et à la conscience, il s’agit d’un rappel du
principe de loyauté qui doit accompagner l’expert dans sa mission et dont les modalités sont
prévues par les articles 77-1 al.2, 157 et 160 du code de procédure pénale.
La qualité d’expert est ainsi reconnue à toutes personnes qualifiées qui restent soumises à
l’article 60 du code de procédure pénale.
L’existence de la mission suffit à déterminer la qualité qu’elles soient ou non inscrites sur les
listes de la cour d’appel comme le prévoit l’article 157 du code de procédure pénale. C’est
ainsi que la jurisprudence définit le rôle de l’expert comme une personne qualifiée désignée
par le Juge et qui donne en toute indépendance et impartialité un avis d’ordre technique.
Le rapport d’expertise se divise en général en quatre parties distinctes :
1. Un préambule qui rappelle les termes de la mission, un résumé de la procédure
avec une distinction des parties en présence et leurs positions respectives.
2. Un exposé des différentes phases de l’expertise
3. Une discussion des éléments recueillis
4. L’avis de l’expert
C’est l’absence d’intérêt personnel qui détermine le caractère exceptionnel de la parole de
l’expert dont l’acte possède la valeur de la force probante absolue16, le rapport contribue à
attester de la réalité ou d’une réalité, il s’agit donc d’une démonstration de causalités qui
éclaire une situation qui échappe plus ou moins à la compréhension du Juge.
Si la nature exogène de l’expertise dans le procès pénal contribue à l’élaboration d’une
décision, elle ne garantie pas pour autant l’infaillibilité des résultats, car comme le souligne
Karl Popper, les procédures de l’expert sont soumises au critère de falsification17 .
16
17
Michel olivier « l’expertise en matière civile » de l’expertise et des experts T.2 p.20
Karl Popper « conjonctures et réfutations. La croissance du savoir scientifique » Paris ed. Payot 1985
19
Le principe du contradictoire et de la contre expertise sont par conséquent indispensables tout
particulièrement dans les sciences humaines et les sciences appliquées plus favorables à
l’interprétation subjective.
L’avocat ne doit donc pas sous estimer la force d’un rapport d’expertise défavorable pour son
client et doit agir en conséquence, notamment en cas de non respect de la procédure, où quand
la qualité du rapport d’expert est de mauvaise qualité, plein d’erreurs où entaché d’un vice de
forme.
20
1.1.C.1
LA DEMANDE D’EXPERTISE PAR LE MAGISTRAT INSTRUCTEUR.
Le recours à une expertise est prévu par les dispositions de l’article 156 du code de procédure
pénale, c’est une décision rendue sous la forme d’une ordonnance de commission d’expert par
le juge.
Le choix d’un expert dans l’instruction repose donc sur le magistrat, l’expert qui sera désigné
peut être inscrit sur la liste des experts inscrits auprès de la Cour d’appel18 mais cela n’est pas
obligatoire.
Selon le principe « Audiatur et altera pars »19 les parties en présence doivent être entendues.
Le secret de l’instruction et la « solitude » du juge tendent à donner à l’expertise un caractère
non contradictoire contraire à l’article 6§1 de la CEDH qui détermine la notion d’égalité des
armes et qui doit s’appliquer à tout moment de la procédure.
Il est possible de désigner plusieurs experts contre un seul, la procédure civile retenait en
1806 le principe d’une collégialité à trois, jusqu’à la loi du 15 juillet 1944 qui décida d’une
réduction de cette pluralité à un seul expert.
En matière pénale les textes élaborés en 1958 prévoyaient deux experts jusqu’à l’ordonnance
du 4 juin 1960 qui autorisait au juge de n’en choisir qu’un seul.
La loi du 30 décembre 1985 met fin au principe de collégialité des experts, et l’article 159 du
code de procédure pénale reprend pour règle la désignation d’un seul expert.
La commission de plusieurs experts sur une même mission par le magistrat instructeur est
donc une mesure inhabituelle au regard des textes et doit être spécialement motivée. Cette
pluralité ne donnera pas au juge autant de rapport qu’il y a d’expert mais un seul avec
cependant les avis de chaque co-expert.
18
19
Article 157 du code de procédure pénale
« Qu'on entende l'autre partie également » traduction, se dit à propos d’un procès ou d’une contestation
21
La loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 organise le caractère contradictoire dans l’instruction d’un
dossier, le juge d’instruction qui ordonne une expertise doit avant de saisir l’expert
communiquer la copie de l’ordonnance au Procureur de la République et aux parties.
Les nouvelles dispositions de l’article 161-1 du CPP prévoient que la copie de la décision du
juge d’instruction ordonnant l’expertise est adressée sans délai au procureur de la République
et aux avocats des parties.
Cette nouveauté est d’importance car avant la loi du 5 mars 2007, le secret de l’instruction ne
permettait pas aux parties de connaître une mesure d’expertise décidée par le juge, ainsi les
termes de la mission de l’expert demeuraient parfaitement inconnus par la défense.
Enfin l’article 161-2 du CPP permet au juge d’instruction qui accorde à l’expert un délai
supérieur à un an, le droit de requérir avant l’expiration du délai un rapport d’étape qui sera
notifié aux parties comme rapport provisoire, celles-ci pourront alors adresser au juge et à
l’expert des observations en vue du rapport définitif.
Le titre IX du code de procédure pénale révisé par la loi du 5 mars 2007 vise donc à renforcer
le caractère contradictoire de l'expertise, c’est ainsi que la loi introduit deux importantes
dispositions : celle du rapport d’étape et celle du rapport provisoire.
Afin de limiter les longueurs de transmission, l’article 166 du code al. 4 offre la possibilité à
l’expert de communiquer les conclusions du rapport auprès du ministère public et aux avocats
des parties mais toujours avec l’accord du magistrat instructeur.
Les nouvelles dispositions permettent au ministère public et aux avocats des parties de
demander dans un délai de dix jours suivant une commission d’experts par le juge
d’instruction :

d'adjoindre un expert à celui ou à ceux désignés par le magistrat

modifier ou compléter les questions posées à l'expert.
22
L'association française des magistrats instructeurs s’est montrée particulièrement sévère
envers ces mesures qu’elle considère comme « une atteinte à l'efficacité de l'enquête dans la
divulgation du contenu des expertises en cours. »
Cette appréciation apparaît exagérée dans la mesure où l’évolution de la procédure ne
consacre plus le caractère secret de l’instruction et que l’avocat dans la procédure pénale ne
peut intervenir que par observations après notification du rapport provisoire ou du rapport
définitif.
Le projet de loi prévoyait explicitement que la décision ordonnant l'expertise n'est pas
transmise aux parties en cas d'urgence ou si cette communication « risque d'entraver
l'accomplissement des investigations.»
23
1.1.C. 2
LA DEMANDE D’EXPERTISE PAR L’AVOCAT.
Nous savons que les parties disposent depuis 2007 d'une capacité d'initiative accrue en
matière d’expertise et le Conseil National des Barreaux avait précédé ces réformes en se
rapprochant de la Fédération Nationale des Compagnies d'Experts Judiciaires.
Le 18 novembre 2005 une charte de recommandations entre le CNB et la FNCEJ a été signée
sur les bons usages entre experts et avocats.20 On doit L’initiative de cette démarche au
Conseil nationale des barreaux qui esquissait un rapprochement entre l’avocat et l’expert pour
temporiser le défaut du contradictoire qui dénaturait le principe de l’égalité des armes.
Sans doute la loi du 5 mars 2007 a modifié une situation tendue qui explique une certaine
frustration de l’avocat dans le rapport qu’il peut entretenir avec l’expert.
Cela n’emporte pas véritablement une suspicion systématique que l’avocat manifesterait à
l’égard des experts, en fait ce que l’avocat redoute le plus est le déficit d’information qui met
en péril les moyens de sa défense.
Car les moyens d’une partie doivent disposer d’une parfaite liberté et de la maîtrise totale de
l’accès des sources d’informations sous peine de formuler à l'issue d'une expertise le reproche
de partialité
Les parties peuvent aujourd’hui demander au juge d'instruction d'ordonner une expertise sur
un aspect du dossier en précisant le choix de leurs questions.
Le nouvel article 161-1 du code de procédure pénale installe la discussion des parties qui
disposent de dix jours après la notification de la décision du juge d'instruction qui ordonne
l'expertise pour lui demander de modifier ou compléter les questions posées à l'expert.
L’article prévoit que si les parties l’estiment nécessaire et si les circonstances le justifient, ils
peuvent demander d'adjoindre à l'expert ou aux experts déjà désignés un expert de leur choix
20
Recommandations sur les bons usages entre avocats et experts du 18.11.2005
24
qui doit figurer sur la liste nationale dressée par la Cour de Cassation ou sur les listes dressées
par les Cours d'appel.
Le juge d'instruction ne peut refuser cette demande que par une ordonnance motivée au plus
tard dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande
Les limites du débat contradictoire dépendent de la bonne ou de la mauvaise interprétation
d’une expertise, la multiplication des techniques scientifiques peuvent nous conduire à
envisager un nouveau métier de personnes capables de comprendre et traduire le même
langage que l’expert judiciaire en jouant un rôle d’interface entre les parties en présence.
C’est devant cette évolution que selon toute vraisemblance, les avocats spécialisés
supplanteront les avocats généralistes.
Mais dans sa culture, l’avocat français admet difficilement son incompétence dans un
domaine en particulier, cela concerne plus les avocats généralistes et ce mode de pensée est
appuyé par les centres de formation des avocats qui demandent une connaissance générale du
droit processuel, cette position explique que la défense d’une partie peut être mal représentée
si elle se situe en dehors du débat technique à l’instruction et à l’audience
Le risque du hors-jeu est donc permanent quand des difficultés de compréhension
apparaissent, ce qui engage la responsabilité professionnelle de l’avocat. Il est utile de
rappeler à ce propos que l’avocat qui a prêté serment de probité a moins d'excuses pour le
transgresser qu’un simple justiciable.
L'avocat qui cause un préjudice à son client peut être envisagé sous différentes hypothèses, il
n'a pas été diligent, il a été négligent, inconséquent, absent ou franchement malhonnête et une
procédure qui aurait pu être gagnée se retrouve perdue.
La loi de 2007 qui crée les pôles spécialisés d’instruction oblige les magistrats et les
représentants des parties à se préparer pour mieux appréhender les dossiers qui nécessitent
une connaissance particulière.
25
Le décret n° 2009-313 du 20 mars 2009 remplace l’article D15-4-4 du CCP par un nouvel
article énumérant les Tribunaux de grande instance dotés de pôles d’instruction et le ressort de
compétence territoriale de ceux-ci21
Les pôles spécialisés d’instruction suivent l’exemple réussi des Juridictions interrégionales
spécialisées (JIRS) qui traitent efficacement des dossiers de délinquance organisée au niveau
interrégional et qui sont chargées des plus gros dossiers de délinquance et de criminalité
organisées.
La loi n° 2004-130 du 11 février 2004 et le décret 2004-1463 du 23 décembre 2004 modifié le
19 juillet 2007 réforment le statut des experts judiciaires tel qu’il était prévu par la loi du 29
juin 1971, il est désormais indispensable pour un expert judiciaire agréé auprès d’une Cour
d'appel de suivre une formation continue.
La loi permet non seulement d’évaluer les connaissances de l’expert dans sa spécialité mais
contrôle également sa connaissance dans « les principes du procès et des règles de procédure
applicables aux mesures d'instruction »
Les dispositions des lois de 2007 ci-dessus rappelées permettent de meilleures garanties sur la
compétence de l’expert et du magistrat instructeur.
Il est dommage que le conseil national des barreaux (CNB) ne prenne pas véritablement en
considération l’importante évolution de la situation.
Le CNB estimait en 2008 que « La complexité croissante du droit, de la procédure et des
contentieux, impose une technicité accrue des avocats. En outre, la réponse aux besoins de
notre clientèle, qui réclame toujours plus de compétences, rend nécessaire l’accession du plus
grand nombre à une ou plusieurs spécialités. »
21
Le 22 mars 2009, le ministère de la Justice a fait publier au Journal officiel un nouveau décret fixant la liste des 91 pôles d’instruction
suite à l’annulation partielle en décembre 2008 du Conseil d’Etat du précédent décret du 16 janvier 2008.
Source : Décret n° 2009-313, 20 mars 2009 : JO 22 mars 2009, p. 5188 - F V. http://pratiquepenale.free.fr
26
Mais dans la réalité l’avocat reste seul pour se remettre en question et redéfinir son rôle dans
la représentation d’une partie. Nous prendrons par exemple, l’avocat spécialiste en finances,
dans la réglementation bancaire avec à l’appui de sa formation juridique une seconde
formation d’économiste.
Peut-il apprécier avec justesse les conclusions d’une analyse chimique ou de la configuration
architecturale d’un logiciel ou bien de la différence qui existe entre l’ADN nucléaire et l’ADN
mitochondrial ?
C’est pourquoi l’avocat s’attachera à comprendre les tenants et aboutissants d’une expertise et
veiller à une description intelligible du rapport qui éclaire les zones favorables aux intérêts du
client.
1.1.C.2.a
LES EXPERTISES PSYCHIATRIQUES
Les expertises qui appellent le plus de réserves sont sans conteste les expertises psychiatriques
qui, pour des raisons d’éthiques médicales se situent en dehors du contradictoire, la personne
examinée est lors de l’examen sans assistance et entièrement livré à un regard inquisiteur qui
va évaluer son degré de conscience.
Nous sommes ici loin des vérités mathématiques tant le débat sur la conscience est ici
subjectif et où les expertises de ce type se contredisent souvent entre elles.
L’enjeu de l’expertise psychiatrique est de déterminer si le sujet présente une dangerosité
particulière, s’il est réadaptable, s’il était en état de conscience lors de la commission des faits
et s’il est accessible à une sanction pénale.
La part de l’intuitif a été dénoncée lors du procès d’Outreau et l’expertise psychiatrique doit
pour survivre à ses approximations être entièrement repensée car il ne peut y avoir d’expertise
équitable sans possibilité de la contester.
Dans le contenu de la loi de 2007, l’article 161-2 du CPP comporte trois dispositions qui
renforcent et organisent les droits des parties vis-à-vis des experts.
27
La première permet l’information de l’avocat lors de la fin de l’expertise, la seconde lui
permet de poser directement les questions « à toutes les personnes appelées à la barre »,
parmi lesquelles les experts.
Enfin la troisième disposition offre la possibilité aux avocats des parties de saisir directement
la chambre de l’instruction si dans un délai d’un mois, le juge d’instruction ne statue pas sur
le rejet des demandes de contre-expertise et/ou de nouvelle expertise.
Avant la réforme de 2007, c’était effectivement au Président de la chambre de l’instruction
d’estimer si l’appel de l’ordonnance du juge d’instruction qui rejette une demande d’actes par
l’avocat justifiait la saisine de la chambre de l’instruction.
L’appréciation du Juge d’instruction coordonne l’intervention des parties dans l'expertise, il
s’agit là d’un lien de subordination qui peut restreindre certaines garanties.
Dans la phase de l’instruction, l’avocat doit appréhender avec précisions les éléments d’une
expertise et veiller à ce que l’interprétation du juge ne soit pas erronée et qui pourrait tromper
la religion d’un Tribunal ou d’une Cour.
Il ne resterait alors que l’audience de jugement pour débattre contradictoirement de
l’expertise, puisque comme il a été rappelé plus haut, « l'avocat peut interroger l'expert
déposant à la barre et lui opposer l'avis d'un autre expert. »
28
1.2
L’EXPERTISE
1.2.A
LE RAPPORT PROVISOIRE
Si l’instruction peut désormais disposer d’un rapport d’étape prévu à l’article 161-2 du code
de procédure pénale, elle peut également obtenir de l’expert un rapport provisoire avant son
rapport définitif.
Le magistrat instructeur peut s’informer des expertises en cours et demander à l’expert un
rapport provisoire, cette mesure prévue à l’article 167-2 du CPP sert à orienter une enquête
dans les demandes du juge auprès des services de police.
Le dépôt du rapport provisoire est obligatoire lorsqu’il est requis par le procureur de la
République ou si l’un des avocats des parties en fait la demande selon l’avant dernier alinéa
de l’article 81 du code de procédure pénale.
Ce rapport doit faire l’objet d’observations qui doivent obligatoirement intervenir dans des
délais fixes.
1.2.A.1
SUR LES DÉLAIS DES PARTIES :
L’avocat des parties dispose d’un délai fixé par le juge d’instruction, il ne peut être inférieur à
quinze jours ou un mois s’il s’agit d’une expertise comptable ou financière.
Les délais pour agir peuvent être volontairement limités par le juge mais dans les limites
prévues par la loi, c’est ainsi que le délai commence à courir le jour de l’envoi de
l’ordonnance du juge qui fixe le délai à quinze jours.
Dans la pratique de l’instruction pénale il n’est pas rare que des magistrats instructeur
expédient les ordonnances le vendredi après midi à la veille d’un long week-end.
Ainsi l’avocat qui reçoit le rapport provisoire de l’expert le mardi ou mercredi suivant voit les
délais dont il dispose, diminués d’un tiers (5 jours pour 15 jours) pour une expertise qui n’est
pas financière.
29
La jurisprudence a fait évoluer les délais dont disposaient les avocats des parties en matière
d’appel, les rigueurs de la jurisprudence sur l'absence d'avis de réception, ou de la date de
présentation du pli au destinataire doivent permettre à l’avocat d’exercer un droit de recours le
cas échéant.
Dans la mesure ou cette pratique prive l’une des parties au procès d’exercer son droit de
recours, elle est contraire à l’article 6§1 de la convention européenne des droits de l’homme.
La Cour de Cassation estime que « Les arrêts du 22 mai et du 28 octobre 2008 mettent fin à la
jurisprudence retenant comme point de départ pour le délai d'appel contre une ordonnance
du juge d'instruction la date de notification indiquée par le greffier sur l'ordonnance.
Désormais, doit être retenue la date de remise du pli recommandé à la poste. »
Cela ne sera pas suffisant pour limiter l’inflation de règlement de procédure au titre de
l’article 175 du code de procédure pénale entre les 15 et 21 juillet.
1.2.A.2
SUR LES OBSERVATIONS DES PARTIES
Dans la pratique pénale, l’expert doit respecter les dispositions de l’article 164 du CPP s’il
souhaite recueillir des observations de la personne mise en examen, du témoin assisté ou de la
partie civile.
L’article 164 prévoit en effet l’autorisation préalable du juge d’instruction ou du magistrat
désigné par la juridiction pour recueillir leurs observations. Ainsi quand l’expert dépose son
rapport provisoire, il doit tenir compte des observations qui lui seront soumises.
Un arrêt de la Cour de Cassation en date du 17 janvier 2006 rappelle cette règle et expose que
« l’expert désigné ne peut recevoir, à titre de renseignement et pour le seul accomplissement
de sa mission, les déclarations de la personne mise en examen, du témoin assisté ou de la
partie civile, que si le juge d’instruction l’y a autorisé. »
Si le rapport contient des inexactitudes et/ou des conclusions préjudiciables pour le mis en
cause ou la partie civile, l’avocat doit soumettre à l’expert des questions pertinentes et utiles
aux intérêts de la partie qu’il représente
30
En l’absence d’observation dans les délais fixés, le rapport provisoire est considéré comme
définitif.
L’article 165 du code de procédure pénale permet aux parties de demander pendant le cours
de l’expertise qu’il soit prescrit à « l’expert de procéder à certaines recherches ou auditions
leur paraissant utiles au plan technique ».
Un arrêt de la chambre criminelle en date du 11 avril 1965 précise les limites des dispositions
qui entourent les observations des parties, ainsi dés lors qu’une personne a été inculpée (mise
en examen) à la suite du rapport d’expertise, la Cour de Cassation considère qu’il n’y pas de
violation des droits de la défense attendu que la personne a toute latitude pour solliciter une
contre expertise ou expertise complémentaire.22
La personne ne peut plus faire des observations mais seulement une demande d’expertise
complémentaire conformément à l’article 167 du CPP dans les délais fixés par le magistrat
instructeur.
Ces conditions très restrictives ne permettent pas d’apprécier la pertinence du caractère
contradictoire dans la procédure, c’est donc sur le résultat d’une première expertise que le
Juge devra statuer sur l’opportunité d’en ordonner une seconde.
22
Crim.11 avril 1970 : Bull. crim. n° 118
31
1.2.B
LE RAPPORT DÉFINITIF
Avant la rédaction de son rapport définitif, l’expert doit puiser les éléments de ses conclusions
dans les notes de synthèse et/ou du rapport provisoire, il est regrettable en l’espèce que
l’avocat ne puisse avoir accès à ces notes pour évaluer les progrès d’une expertise.
La procédure pénale devrait s’inspirer de la procédure civile où l’avocat peut effectivement
s’investir dans l'expertise en cours en demandant de statuer sur des incohérences, des
contradictions ou des aspects du dossier qui seraient occultés, cette procédure est écrite
comme le prévoit les dispositions de l’article 276 du Nouveau Code de Procédure Civile
(NCPC), ces écrits sont appelées « dires ».
Quand l’expertise est terminée, l’expert rédige un rapport qui contient le détail des expertises
ainsi que leurs conclusions, si les parties ont versé leurs observations à l’issue d’un rapport
provisoire, l’expert doit en tenir compte et répondre aux interrogations et aux questions
posées.
Il arrive que plusieurs experts soient d'avis différents, les réserves formulées sur des
conclusions en commun doivent indiquer les motifs propres à ces réserves, le rapport est
remis au greffe du juge d’instruction ou de la juridiction qui a ordonné l’expertise, ce dépôt
fait l’objet d’un procès-verbal.
1.2.B.1
LES NOTIFICATIONS DES RAPPORTS
Ce rapport peut être directement adressé aux différentes parties par l’expert avec l'accord du
juge d'instruction, mais la règle veut que ce soit le juge d'instruction qui communique les
conclusions des experts aux parties et aux avocats après les avoir convoqués comme le prévoit
le deuxième alinéa de l'article 114 du CPP.
La copie intégrale du rapport est remise aux avocats des parties sur demande faite par lettre
recommandée, les conclusions du rapport d’expertise peuvent aussi être notifié par lettre
recommandée ou par les soins du chef de l'établissement pénitentiaire lorsque la personne
mise en cause est détenue.
32
Les avocats des parties qui disposent d'un télécopieur et/ou d’une adresse électronique
peuvent se faire adresser l'intégralité du rapport par télécopie et/ou courriel selon les
modalités prévues par l'article 803-1 du CPP
33
1.2.C
DISTINCTION DES EXPERTISES COMPLÉMENTAIRES
Les différentes expertises complémentaires peuvent être distinguées en deux catégories.
1. la contre expertise
2. l’expertise complémentaire
En considérant dans une première hypothèse, que les conclusions de l’expert soient contraires
à la logique de l’enquête judiciaire, les avocats des parties, le ministère public et même le juge
d’instruction peuvent demander une contre expertise.
Dans une seconde hypothèse, la mission de l’expert n’apporte pas les réponses souhaitées ou
bien la mission n’est effectuée que partiellement voire être jugée inacceptable, les avocats des
parties peuvent demander une nouvelle expertise ou une expertise complémentaire.
L’information de l’enquête peut conduire à une nouvelle expertise, ce peut être le cas quand le
magistrat en charge du dossier estime que la mission ne l’a pas renseigné d’une manière
satisfaisante.
Pendant l’information le dossier évolue et des nouvelles circonstances peuvent exiger d’autres
expertises.
Nous avons précédemment évoqué les limites d’une mission d’expertise tenue à la règle
doctrinale « la mission et rien que la mission ». Si donc de nouveaux éléments apparaissent,
l’expert reste enfermé dans les limites de sa mission, il ne peut se substituer au juge en
évoquant la nécessité d’une extension de sa mission ou celle d’une nouvelle expertise.
Sans doute, pourrait-il habilement suggérer de l’utilité d’une nouvelle mission sans forcer le
trait ou bien se gardera t’il de le faire pour ménager d’éventuelles susceptibilités.
Ce n’est que vers la fin d’une mission soit après la notification du rapport provisoire, du
rapport d’étape ou du rapport définitif que les avocats peuvent intervenir pour « ajuster »
l’expertise dans l’intérêt des parties qu’ils représentent.
34
L’expertise peut rencontrer des difficultés et l’expert peut solliciter du juge l’aide d’un
sapiteur23 dont les compétences spécifiques permettent d'apporter un avis éclairé sur un aspect
de la mission d’expertise, il doit prêter le serment prévu par la loi nº 71-498 du 29 juin 1971.
Il s’agit ici plus d’un consultant que d’un second expert, son avis se limite en général à une
partie spécifique de la mission et non pas à la mission dans son ensemble. Aux termes de
l’article 162, alinéa 3 le rapport du sapiteur doit être intégralement annexé au rapport de
l’expert.
Le Juge adresse les conclusions de l’expertise par voie de notification, au prévenu ou l’accusé
et aux avocats des parties selon les modalités prévues par l’article 803-1 du code de procédure
pénale, l’intégralité du rapport peut être adressé par lettre recommandée ou par courriel à la
demande de ces derniers.
L’article 167 du CCP dispose que dans tous les cas, « le juge d'instruction fixe un délai aux
parties pour présenter des observations ou formuler une demande, notamment aux fins de
complément d'expertise ou de contre-expertise. »
23 : Michel OLIVIER - Mesure d’instruction confiée à un technicien - Répertoire de procédure civil - Ed Dalloz – 1997. page 26
35
1.2.C.1
LA CONTRE EXPERTISE
Le principe en droit pénal reste l’intime conviction du juge, cela implique que l’expertise
n’aboutira pas systématiquement à une condamnation, le rapport de l’expert qui sert à
l’accusation doit dans un autre moyen servir à la défense.
Il importe pour les avocats des parties d’étayer les éléments issus des moyens de l’enquête qui
leurs seront favorables, ainsi lorsqu’une expertise est contraire aux intérêts de l’une des
parties au procès pénal, la contre expertise peut être demandée pour rétablir un déséquilibre
ou à tout le moins atténuer une responsabilité.
Les demandes de complément d’expertise et de contre expertise doivent être formées dans le
délai fixé par le juge d'instruction, le silence des parties au-delà des délais entérine le rapport
et il n’est plus possible de solliciter une demande de contre-expertise, de complément
d’expertise voire d’une nouvelle expertise sur les mêmes faits.
Cette demande doit être formée conformément aux dispositions du dixième alinéa de l'article
81 du code de procédure pénale.
Le nouvel article 175 du code de procédure pénale prévoit désormais que le parquet et les
parties disposent ensemble des mêmes délais d’un mois si le mis en cause est en détention ou
trois mois s’il est en liberté, pour présenter les réquisitions pour le parquet et les observations
et demandes d’actes pour les avocats des parties.
Il est donc possible aux parties d’adresser des observations écrites au juge, observations qui
doivent être communiquées au ministère public qui peut y répondre.
A l’expiration de ces délais, le parquet et les parties disposent d’un délai de 10 jours si la
personne est détenue ou d’un mois si elle est libre pour adresser des réquisitions ou
observations complémentaires en réponse aux observations qui leur ont été précédemment
communiquées.
Ainsi s’il apparaît que de nouvelles circonstances dans l’enquête exigent une ou plusieurs
missions d’expertise l’avocat doit présenter une requête en ce sens et à l’issue de ses
36
observations, cependant il ne semble pas possible de solliciter une mission d’expertise déjà
ordonnée par le juge et où le rapport définitif de l’expert n’a pas fait l’objet d’une mesure de
contre expertise.
Les demandes d’expertises complémentaires ne peuvent être sollicitées que sur des faits qui
n’ont pas fait l’objet d’une mission expertale.
Le sénat avait lors des discussions parlementaires de la loi du 5 mars 2007 envisagé la
reconnaissance de la demande de contre-expertise comme un droit, la procédure pénale
contenant déjà des dispositions en ce sens dans l’expertise psychiatrique.
L’article 167-1 prévoit que les conclusions de l’expert qui relèverait l’irresponsabilité
mentale24 d’un mis en cause peut faire l’objet d’observations de la partie civile qui peut
demander une contre expertise qui est de droit, elle doit être accomplie par au moins deux
experts.
Elle est également de droit dans le cadre de la loi très contreversée de la rétention de sûreté.
L’article 706-53-15 du code de procédure pénale dispose que « dans le débat contradictoire…
et, si le condamné le demande, public, au cours duquel le condamné est assisté par un avocat
choisi ou commis d’office. La contre-expertise sollicitée par le condamné est de droit »
La contre expertise est en fait une source d’appel dans la contestation de l’une des partie s’il
estime le rapport d’expert partial ou erroné, et cela ne reste qu’une possibilité laissée à
l’appréciation souveraine du juge sauf dans les cas rappelés plus haut.
Le principe du contradictoire ne s’est pas étendu partout malgré les mérites de la loi du 5 mars
2007, elle ne permet pas une contre expertise de droit comme le prévoit le droit anglo saxon.
24
Article 122-1 du code pénal « N'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des
faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes. »
37
1.2.C.2
L’EXPERTISE COMPLÉMENTAIRE
Il est regrettable que le complément d’expertise en procédure pénale ne soit pas distingué de
la contre expertise et que cette mesure prévue à l’article 167 du code de procédure pénale se
confonde dans la contre expertise.
Pourtant les professionnels du droit s’accordent à penser que le complément d’expertise ne
remet pas en cause une expertise sur le fond ou la forme, mais qu’elle est sollicitée lorsque
certaines questions demandent des réponses supplémentaires dans le rapport de l’expert.
Cette distinction apparait dans la procédure civile où l’examen et la critique d’un rapport
d'expertise judiciaire appartient au tribunal, les demandes de contre expertise sont adressées
au tribunal, qui statue sur le fond du dossier et le juge de la mise en état peut ordonner un
complément d'expertise, dans le cadre de l'instruction du dossier et sans préjuger du fond.
Il ne s’agit pas ici de refaire une expertise mais d’ajouter des renseignements à une expertise
cette mesure va se focaliser sur un ou plusieurs éléments clefs qui sont essentiels à
l’évaluation des responsabilités.
L’expertise complémentaire est donc une démarche qui contribue à améliorer la transparence
d’une instruction et par ce biais, accroître l’efficacité d’un rapport d’expertise tout en
garantissant le droit à l’équité.
Le droit à un procès équitable, à l’égalité des armes n’est pas un concept nouveau, mais sa
codification ne signifie pas pour autant que ce principe soit respecté.
L’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme reprend dans ses dispositions
la garantie du procès équitable qui a été ratifié par la France, pourtant les nombreuses
condamnations de la France par la commission européenne des droits de l’homme expose la
l’application de notre droit dans des tergiversations que le législateur a bien du mal à gérer. 25
25
O. Dutheillet de Lamothe - L’influence de la Cour Européenne des droits de l’homme sur le conseil constitutionnel – Rapport en annexe
38
1.2.C.1.a
LE REJET DES EXPERTISES COMPLÉMENTAIRES
Le juge d’instruction peut rejeter la demande d’une expertise complémentaire ou de contreexpertise, il doit cependant motiver son ordonnance et sa décision doit intervenir sous un mois
à compter de la réception de la demande.
Le rejet peut être partiel, par exemple, le juge d'instruction commet un expert alors que le
demandeur en a sollicité plusieurs. Il devra donc statuer dans le délai rappelé plus haut, faute
de quoi la partie peut saisir directement la chambre de l'instruction.
La règle n’est toutefois pas la même selon le statut du mis en cause, soit il est mis en examen,
soit témoin assisté, dans ce dernier cas le magistrat instructeur n’est pas tenu de rendre une
ordonnance motivée s'il estime que la demande n'est pas justifiée
La seule solution envisageable reste pour le témoin assisté de demander à être mis en examen
en application de l'article 113-6 du code de procédure pénale.
1.2.C.1.b
LES RECOURS
La chambre de l'instruction, saisie du règlement de la procédure peut à la demande des parties
ordonner un complément d’expertise ou de contre-expertise sans qu’on puisse leur opposer
l'expiration du délai prévu par l'article 167, alinéa 3, du CPP.
C’est en effet au moment du règlement que la jurisprudence se montrera intéressante pour
l’avocat d’une partie qui souhaite apurer les difficultés sur ses demandes d’expertises
complémentaires ou de contre expertises
La jurisprudence va dans le sens de ces dispositions, la Cour de Cassation en date du 19
septembre 1995 a en effet décidé que « la demande de complément d’information n’est
soumise devant la chambre d’accusation à aucune condition de recevabilité »26
26
Crim. 19 sept. 1995 – Bull. crim. n°272
39
La chambre criminelle précisera le 2 octobre 2001 que le complément d’expertise ou la contre
expertise peuvent être demander par les parties à la chambre d’instruction « sans que le délai
prévu à l’alinéa 3 de l’article 167 du code de procédure pénale puisse leur être opposé »27
27
Crim. 2 oct. 2001 – Bull. crim. n° 184
40
TITRE 2
LE PROCÈS PÉNAL
41
2.A
DISTINCTION DES TRIBUNAUX CORRECTIONNELS ET DES COURS D’ASSISES
Dans le vocable judiciaire le tribunal correctionnel doit être distingué de la Cour d’assises.
Le tribunal est compétent pour juger des délits commis par des personnes majeures, les délits
commis par les mineurs sont jugés par le tribunal des enfants.
Les personnes qui comparaissent devant le tribunal correctionnel sont des prévenus qui sont
susceptibles d’être retenus dans les liens de la prévention, la compétence du tribunal s'étend
aux complices et coauteurs de l'infraction.
La présomption d'innocence est la règle que doivent observer les tribunaux. Les victimes qui
entendent demander la réparation d’un préjudice par l'infraction peuvent se constituer auprès
du procureur avant l’enquête, pendant la phase d’instruction mais doivent obligatoirement se
constituer partie civile à l’audience pour être reçu en cette qualité par les Juges.
Les débats sont publics mais à la demande de l’une ou l’autre des parties, le huis clos peut être
ordonné, il s’agira notamment de veiller à une publicité qui peut être préjudiciable à l'intérêt
des tiers ou porter atteinte à la dignité d’une personne.
Les conclusions de nullité ou d'incompétence du tribunal sont obligatoirement déposées avant
tout débats sur le fond, le tribunal peut délibérer sur le champ ou joindre l'incident au fond et
statuer au moment du délibéré sur ces exceptions de nullité.
Le prévenu est interrogé, les témoins sont entendus les experts peuvent être cités à la demande
des parties, la partie civile expose ses prétentions, le procureur de la République fait son
réquisitoire, l'avocat du prévenu plaide pour son client et enfin c’est le prévenu qui a la parole
en dernier.
Le tribunal correctionnel rend des jugements susceptibles d’appel qui doivent être interjetés
dans les dix jours.
42
La Cour d’assises connaît les affaires de crime, on parle de session de Cour d’assises car cette
juridiction n’est pas permanente et comprend des jurés qui sont des magistrats non
professionnels tirés au sort sur les listes électorales et qui représentent le peuple français.
La justice est toujours rendue au nom du peuple français et compte dans les audiences
criminelles la présence de neuf jurés en première instance et douze en appel, avec trois
magistrats du siège : deux assesseurs et un président. Le ministère public est représenté par
l’avocat général qui assure la défense de la société, la partie civile est représentée par un
avocat qui défend les intérêts civils de la victime, il y a en général autant d’avocats que de
parties en présence.
L’avocat fait face à la Cour pour défendre l’accusé, car il s’agit non pas d’une prévention de
faits délictuels mais d’accusation de faits criminels, ce qui explique le qualificatif d’accusé
que beaucoup confondent avec celui de prévenu dans les tribunaux correctionnels.
La présence des jurés dans les Cours d’assises pose le problème de l’inexpérience et de la
compréhension des enjeux, l’argumentation soulevé au début de ce mémoire sur l’intime
conviction et le manque de motivation a été discuté au sénat en 2004 par des parlementaires
qui ont proposé la modification de l’article 304 du code de procédure pénale.
Dans l’argumentation ils exposaient que « De lourdes condamnations ont été prononcées par
des cours d'assises alors qu'apparemment la preuve absolue de la culpabilité n'avait pas été
rapportée", que "La référence de l'article 304 du code de procédure pénale à l'intime
conviction donne, en effet, souvent lieu à contresens, et que pour beaucoup, intime conviction
signifie que l'on peut être persuadé de la culpabilité alors même que la preuve n'en est pas
rapportée. »
Que « l'intime conviction ne peut se forger que par les preuves qui sont administrées »
Faut-il pour autant s’aligner sur nos voisins Suisses qui viennent d’estimer à plus de 64% la
disparition d’une institution de 1794 et ont renvoyé le Jury populaire des prétoires au profit de
magistrats professionnels ?
43
Si la question ne se pose pas encore en France c’est d’abord à cause des nombreuses
hésitations politiques et de la refonte complète de la procédure pénale qui ne se fait que petits
bouts par petits bouts.
Les règles sur le huit clos, le dépôt des conclusions des parties avant tout débat sur le fond
sont à peu prés dans les mêmes formes que celles des tribunaux correctionnels.
La Cour d’assises rend un arrêt qui peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation, ce pourvoi
doit être fait dans un délai de cinq jours.
Cette procédure est particulière car il ne s’agit pas d’une juridiction du 3éme degré mais d’un
pouvoir de contrôle qui estime si la forme du droit a bien été appliquée et que la décision ne
prive pas la Cour d’exercer son contrôle et par exemple pour un défaut de motivation.
La Cassation prévoit la méconnaissance d’un texte qui empêche la Cour d’exercer son
contrôle, et sous un angle qui nous intéressera d’avantage la Cour de cassation retient
l’exemple de la dénaturation d’un rapport d’expertise par les juges qui a conduit à la
condamnation d’un accusé devant la Cour d’assises ou d’un prévenu devant le Tribunal
correctionnel28 ou la Cour d’appel.
.
28
La Cour de cassation peut connaître des Jugements du Tribunal correctionnel
44
2.A.1
EXPOSÉ DES RAPPORTS D’EXPERTISES
Le rapport d’expertise est le terme de la mission confié par le magistrat ou l’OPJ et ses
modalités sont prévues par l’article 168 du code de procédure pénale.
L’article prévoit sa présence à l’audience qui peut être demandé par le juge pour exposer son
rapport et éventuellement se soumettre aux questions des parties en présence.
A l’audience d’un procès au tribunal correctionnel, le magistrat connaît déjà la teneur du ou
des rapports d’expertise, l’affaire a été « synthétisée » par le Ministère public et le Juge
anticipe les difficultés qui pourraient intervenir à l’audience.
Le dossier d’instruction contient toutes les demandes des parties et les réponses du magistrat
instructeur aux requêtes, aussi quand l’une des parties n’a pas obtenu satisfaction il n’est pas
rare de voir un expert cité à comparaître.
Le principe du contradictoire incombe normalement au tribunal, deux exigences majeures
sont retenues : le droit de comparaître et la recevabilité de la preuve, et c’est sur le principe du
contradictoire que les parties ont le droit de faire citer un expert pour faire entendre leur
cause.
Dans l’enceinte d’une Cour d’assises les jurés attendent beaucoup de l'expert, c’est lui qui
éclaire les zones d’ombres techniques par les éléments de réponse qu’il va fournir.
Les problèmes de l’expertise vont devoir être résolus pendant le délibéré, c’est sans doute un
rôle que certains membres du jury craignent, juger une personne n’est pas une chose facile,
c’est même une épreuve.
Mais les obligations et le sens d’un devoir dû à la société ne doivent pas faire perdre au juré le
sens des réalités avec le besoin absolu de comprendre l’expertise
45
2.A.1.a
DÉPOSITION DES EXPERTS À L’AUDIENCE
L'arrivée de l'expert est un moment important lors des sessions d’assises, ce n’est pas pour le
juré une personne ordinaire, il y a une certaine déférence qui semble le mettre à égalité avec
les magistrats professionnels, il représente la connaissance et donc dans l’esprit des jurés une
vérité considérée avec attention.
Le Président chargé de l’organisation des débats présente l’expert qui prête serment prévu à
l’article 168 du code de procédure pénale « d’apporter son concours à la justice en son
honneur et conscience », ce n’est pas le même que celui des témoins, c’est celui d’un
professionnel qui apporte le savoir de sa discipline avec son expérience, sa réputation et ses
titres.
Un arrêt de la chambre criminelle en date du 25 septembre 2002 29 distingue le témoin et
l’expert et expose que l’article 310 du CPP n’étant applicable qu’aux seuls témoins, il résulte
que « les experts ne sont jamais entendus à titre de simples renseignements »
L’expert n’est pas à l’audience par hasard, il va déposer en confirmant son rapport, il
infirmera un fait ou critiquera une autre expertise sans pour autant contredire la sienne.
L’attitude de l’expert est ici dominatrice, celui-ci a la conviction de ce qu’il a écrit et éludera
tout ce qui peut poser un problème, ou bien il tentera de semer « l’adversaire » en s’appuyant
sur le versant purement scientifique de l’expertise et même en utilisant un langage très
scientifique.
Chaque partie a l’opportunité d’intervenir pour appuyer ou critiquer le rapport d’expertise aux
moyens de questions qui pourront contenir des observations et qui soulèvent des points
importants. Si des observations ont déjà été déposées, chacune des parties doit en tenir compte
avec le rapport qui détaille les faits et parfois détermine la relation de cause à effet entre
l’infraction et un auteur supposé.
29
Crim. 25 sept. 2002 : pourvoi n° 01-87.647
46
L’avocat doit bien connaître le rapport d’expertise avant de reprendre les points qui posent un
problème à son client, il peut s’agir de contradictions entre le rapport et les conclusions, d’un
procédé expertal décrié, d’erreur de calcul, ou d’interprétations qui sont personnelles.
Il s’agit aussi de préparer la plaidoirie finale et d’essayer de redimensionner un rapport en
adaptant un vocabulaire plus accessible dans un sens plus favorable à la partie que l’avocat
représente.
47
2.A.1.b
INTERROGATOIRE ET CONTRE INTERROGATOIRE DES EXPERTS
L’interrogatoire et le contre interrogatoire ne doivent pas être confondus avec le « direct
examination » ou (examination in chief) le « Cross examination » et le « redirect
examination » qui sont des pratiques d’audiences anglo-saxonnes différentes du contre
interrogatoire français.
Ce droit connaît des limites soumises à la police du Président du tribunal ou de la Cour, son
principe est d’apporter au juge un autre regard sur la pertinence d’une preuve et de sa valeur
dans l’influence qu’elle peut avoir pour les suites d’un procès.
Il s’agit pour l’avocat de déterminer la crédibilité d’une expertise qui apparaît comme un
élément de preuve, ainsi lorsque cette dernière acquière une valeur préjudiciable à son client,
l’avocat doit viser la légitimité de l’expertise et exposer les risques de la dénaturation.
Le contre interrogatoire doit être considérée comme une garantie fondamentale du procès
équitable, avant la loi du 15 juin 2000, le Président et le procureur de la République
interrogeait directement lors de l'audience pénale les témoins ou experts, les questions des
avocats des parties devaient être posées au Président du tribunal ou de la Cour qui les reposait
à la personne présente à la barre.
Ce formalisme plaçait les parties en position d’infériorité et a été supprimé depuis le 1er
janvier 2001, désormais, l’avocat peut poser directement des questions comme le prévoient
les dispositions de l’article 442-1 du code de procédure pénale : «…le ministère public et les
avocats des parties peuvent poser directement des questions au prévenu, à la partie civile,
aux témoins et à toutes personnes appelées à la barre… »
La possibilité d’interroger directement les experts constitue un élément du procès équitable
auquel le prévenu ou l'accusé a droit dans le principe de la présomption d'innocence. Il donne
au prévenu ou l’accusé un moyen qui lui permet de présenter une défense adéquate lorsque
l’enjeu central du procès repose sur la crédibilité d’une expertise.
48
C’est le Président du tribunal ou de la Cour qui pose les questions en premier à l’expert, en
général le magistrat se livre à un exposé du rapport d’expertise qui conclu à une évidence
qu’il demandera ensuite à l’expert de commenter.
Il n’existe aucun formalisme sur la déposition de l’expert et sur l’avis de ses conclusions, le
détail de l’expertise livrée à l’audience ne doit porter que sur la mission et non sur l’innocence
ou la culpabilité du mis en cause.
Si les dépositions des témoins à l’audience sont en contradiction avec les conclusions de
l'expert, le Président demande alors aux experts, au ministère public, à la défense et s'il y a
lieu à la partie civile, de présenter leurs observations.
Les tribunaux ou les Cours peuvent alors décider, soit de passer outre le témoignage qui
viendrait contredire une expertise, soit de décider le renvoi du jugement à une date ultérieure
ainsi toute mesure complémentaire d'expertise pourra être demandée.
Lorsque l’accusation repose sur l’expertise, l’affaire est renvoyée pour un complément
d’expertise, cependant le budget du ministère de la Justice et l’encombrement des tribunaux
ne favorisent pas ce genre de décision.
Sans renvoi, l’avocat doit se débrouiller avec ce qu’il a, c’est à dire un rapport d’expertise
contredit par les témoignages, l’habilité du plaideur doit seconder habilement la parfaite
connaissance du rapport d’expertise.
Au procès d’Outreau les invraisemblances relevées lors de la déposition des enfants
contredisaient tous les rapports d’expertise sur la crédibilité de ces derniers.
Le 5 mars 2004 le Figaro reprenait l’intervention des avocats contre le collège des experts
psychologues.
« …Mme Gryson manie, à toute vitesse, une langue étrange, qui n'est ni celle de la Tour du
Renard ni, à coup sûr, celle des jurés. «Morphologie sémantique traumatique», «soulagement
libératoire»... Aïe : elle parle psy.
49
Me Dupond Moretti qui, lui, sait parler à des jurés et va immédiatement les déculpabiliser de
n'avoir pas saisi un traître mot :
«Votre rapport a un mérite essentiel, il me remet à ma juste place. Je n'ai rien compris. Une
question simple : Kévin dit-il la vérité ?
L’expert : Ce n'est pas ma mission de répondre, mon expertise est phénoménologique.
L’avocat : Qu'est-ce que ça veut dire ?
L’expert : C'est une méthode enseignée à Lille-III et qui sera codifiée dans un ouvrage à
paraître en septembre.
L’avocat : Vous écrivez, page 12 de votre rapport (il s'approche de la barre, le témoin semble
rétrécir : c'est bien votre signature ?) : «Rien ne permet de penser que Kévin impute des faits
à des personnes non concernées.» Donc, il dit la vérité ?»
Mme Gryson noie le poisson.
Le président, étonnamment ferme : «Expliquez-vous, Madame».
L’expert : « Je vais essayer de rester sereine... Je ne suis qu'une petite psychologue de
terrain. Cela fait dix ans que je suis agressée comme cela... Ce métier n'apporte aucun
confort moral ou financier...»
Le président : « On vous a posé une question précise ».
L’expert : « Je n'ai pas de réponse précise.»
L’avocat : « Pourquoi ne répondez-vous pas, puisque vous l'avez écrit ?»
L'expert : « C'est une dualité d’experts.»
A bout d'arguments, Mme Gryson en appelle aux livres à succès comme ceux de David
Servan-Schreiber qui n'a pourtant cautionné, que l'on sache, aucune détention provisoire
devant la chambre de l'instruction de Douai30
Le cas évoqué n’a rien d’exceptionnel mais témoigne du comportement de certains experts en
mal de publicité, Florence AUBENAS journaliste à libération concluait 18 novembre 2005 «
Et comme s'il fallait une ultime farce, VIAUX a déclaré, en sortant de l'audience : « Tant que
la justice paiera les experts comme des femmes de ménage, elle aura des expertises de
femmes de ménage.»
30
Stéphane Durand Souffland - Le Figaro - 05 juin 2004
50
Loin du partage de l’éthique et du sens du devoir, ces propos désobligeants envers les
techniciennes de surface n’ont semble t-il pas ému la Cour d’appel de Rouen qui, siégeant en
formation disciplinaire le 29 mai 2006, a estimé que le professeur Jean-Luc VIAUX, expert
dans l’affaire d’Outreau n’avait commis aucune faute susceptible d’entraîner sa radiation,
dont acte !
51
2.A.2
EXPOSÉ DES PARTIES CIVILES, DU MINISTÈRE PUBLIC ET DE LA DÉFENSE
Après le débat sur la forme et l’examen du fond et avant que le tribunal ou la Cour ne se retire
pour délibérer elle doit entendre la partie civile dans ses demandes puis le réquisitoire du
ministère public et enfin écouter la plaidoirie de l’avocat qui défend le prévenu ou l’accusé.
La partie civile peut être présente ou représentée par un avocat qui se constitue à l’audience
au nom de la victime, c’est la partie lésée, le plaignant, celle qui a subi un préjudice, l’article
2 du code de procédure pénale désigne la victime comme celle qui a « personnellement
souffert du dommage directement causé par l’infraction ».
Certaine affaire de petite envergure ne nécessite pas la présence d’un avocat et la constitution
de partie civile peut se faire directement auprès du tribunal par lettre.
Le code de procédure pénale reste muet sur la définition de la victime dans le procès pénal
elle apparaît donc un peu oubliée et ne peut demander qu’une condamnation sur les seuls
intérêts civils qui résultent d’un préjudice moral et/ou matériel et non sur le quantum de la
peine.
L’argumentation doit être motivée et reprendre la charge de la preuve et la relation qui existe
entre les faits et son agent, cette démonstration doit reprendre les éléments du dossier
d’instruction et le cas échéant les conclusions du rapport d’expertise.
A l’issue de la plaidoirie de la partie civile, un dossier contenant la demande au principal et
demandes accessoires ainsi que les pièces justificatives sont remis au président du Tribunal.
C’est le procureur de la République ou l’avocat général qui peut requérir une peine
d’emprisonnement et/ou d’amende et demander de recevoir la partie civile, car le ministère
public est à la source du procès pénal, c’est donc lui et lui seul qui représente la société et
parle en son nom pour défendre ses intérêts lésés dans son ensemble.
52
Pour développer l’argumentation de son réquisitoire il doit reprendre l’imputabilité des faits
contenus au dossier du procès pénal, ses demandes sont consignées par le greffier sous forme
de notes d’audience.
Après le réquisitoire, c’est à la défense de prendre la parole, le rôle de l’avocat en défense est
de veiller aux intérêts du prévenu ou de l’accusé et de revenir sur l’imputabilité des faits qui
sont reprochés au client.
L’art de la plaidoirie dans les audiences pénales c’est tout d’abord du talent mais aussi de
l’expérience, au fil des audiences l’avocat prend de l’assurance et appréhende plus facilement
le schéma de pensée du magistrat dans l’argumentation qu’il va développer.
53
2.A.2.a
LES CONCLUSIONS DES PARTIES AU PROCÉS
La souveraineté des Juges ne garantie pas l’équité dans un procès, c’est donc à l’avocat de
veiller au principe du contradictoire, c’est ainsi qu’il soumettra ses conclusions qui oblige le
juge à une réponse tant sur la forme que sur le fond.
Le dépôt des conclusions par voie écrite n’est pas obligatoire mais fortement conseillé,
l’argumentation de l’avocat et les motifs du jugement pourront être repris devant la Cour
d’appel qui doit répondre aux conclusions de l’avocat sur les exceptions de forme et expliquer
la motivation qu’elle adopte pour prononcer son arrêt, si la Cour d’appel ne répond pas aux
conclusions des parties au procès, la cassation est encourue.
Dans la procédure criminelle, la Cour d’assises ne connaît pas de motivation, cette disposition
qui enferme les raisons d’une condamnation dans le secret des délibérations est contraire au
principe contradictoire du procès.
La Cour de Cassation peut décider qu’une expertise n’a pas été comprise par les juges qui ont
« dénaturé » le rapport d’expertise, mais les motifs de cassation sont limités, il s’agit
principalement de la méconnaissance d’une règle de procédure mais pas de la portée d’un
article du code pénal.
Ainsi la dénaturation d’une expertise pourra être considérée comme un problème de forme et
non comme un problème de fond que la Cour de Cassation ne peut connaître.
54
2.A.2.b
LA DÉMONSTRATION DE LA PREUVE
La démonstration d’une preuve doit s’entourer de faits réels et non supposés, il s’agit plus ici
de l’explication d’une technique qui s’impose à tous et qui ne doit pas être confondue avec la
preuve qui est d’ordre empirique.
La forme de la démonstration est à l’origine, un concept de Platon31 qui distingue le coté
mathématique d’une part, du coté concret qui sert de base aux hypothèses, d’autre part.
La preuve est un fait, on trouve le portefeuille de Y dans la poche de X, il s’agit ici d’un
constat, sera t-il suffisant pour établir que X a soustrait le portefeuille de Y ?
La démonstration doit ainsi être distinguée de l’argumentation qui tient un raisonnement
mathématique et philosophique.
Kant estime qu’ « il n’y a que les mathématiques qui contiennent des démonstrations, parce
qu’elles ne dérivent pas leurs connaissances de concepts, mais de la construction de concepts,
c’est-à-dire de l’intuition qui peut être donnée a priori comme correspondant aux
concepts »32
L’exigence de la démonstration écarte donc le système intuitif, la structure du raisonnement
doit être discursive, cette rigueur se retrouve dans le théorème de Bayes qui affirme que la
probabilité a posteriori est proportionnelle au produit de la probabilité a priori par ce que le
physicien HAWCKING appelle « la vraisemblance de l’hypothèse »33
Le juge retient la charge de la preuve par l’existence des faits, leurs catégories infractionnelles
et leurs imputabilités à un auteur.
Mais le raisonnement juridique distingue l’infraction intentionnelle de l’infraction non
intentionnelle, l’imputabilité exige la réunion de l’élément moral, c'est-à-dire la volonté de
commettre l’acte et celui de l’élément matériel, le résultat de l’infraction.
31
Philosophie et religion. Platon, Euthyphron, Paris, Vrin, 2005, p. 13-31.
Emmanuel KANT Critique de la Raison pure, Théorie transcendantale de la méthode, chapitre 1
33
Martine Quinio BENAMO – Probabilités et statistiques aujourd’hui – Ed. L’Harmattan – Page 15
32
55
L’imputabilité entend donc la faute intentionnelle qui suppose la capacité de comprendre et de
vouloir, en dehors de ces critères il ne peut normalement y avoir de responsabilité pénale.
Force est d’admettre l’existence d’un concept rationnel qui se situe entre les vérités
mathématiques et le raisonnement philosophique.
Nous avons compris que l’expertise peut devenir un moyen qui prouve l’existence de faits
infractionnels et qui peut désigner ses auteurs, mais la relation entre l’expertise et
l’administration de la preuve est parfois ténue et ne permet pas de dégager de certitudes.
C’est ici que le principe du contradictoire apparaît essentiel dans l’instruction comme au
procès car sans la possibilité de comprendre, d’expliquer, de compléter et/ou de rectifier, les
rapports d’expertises peuvent mener les juridictions pénales dans l’impasse.
56
CONCLUSION
L'expertise dans le procès pénal se mesure à l’intérêt que lui porte le législateur, et il n’existe
pas une inflation de textes dans la procédure pénale entre les articles 156 à 169-1, depuis que
la réglementation des opérations d'expertises s’est imposée pendant les travaux parlementaires
du code de procédure pénale en 1957.
Si depuis, les textes se sont succédés, ils n’ont pas comblé l'absence de définition de
l'expertise qui se résume à l'article 156 du CPP qui précise qu'il est recouru à l'expertise «
dans le cas où se pose une question d'ordre technique ».
La place dans l’expertise au procès pénal ne peut être négligée, elle est déterminante dans la
démonstration de la preuve. Elle doit donc être contradictoire d’un bout à l’autre de la
procédure et chacune des parties doit comprendre son rôle en étant particulièrement vigilant
sur la compréhension des rapports d’experts.
La doctrine en matière de loyauté interdit l’utilisation de ruses ou de stratagèmes, cette
nécessaire exigence s’applique à toutes les parties et notamment aux autorités judiciaires qui
doivent respecter les règles qu'elles imposent aux autres. Le doyen CARBONNIER relevait
qu’en matière de loyauté « Les coups bas sont interdits, les simples ruses de guerre ne le sont
pas »
Cette réflexion semble aujourd’hui revêtir un caractère très fluctuant.
Sans conteste, les dispositions de la loi de 2007 réformant le caractère contradictoire des
parties dans l’instruction, renforcent de manière significative l’égalité des armes dans les
étapes essentielles d’un procès.
57
Les applications de cette loi tendent à une modification des pratiques judiciaires dans le sens
d’un plus grand respect de l’intérêt commun, il s’agit d’un progrès estimable mais remis en
question depuis le rapport LEGER sur la disparition programmée du juge d’instruction.34
L’avenir nous dira si les nombreuses difficultés soulevées dans ce mémoire pourront être
surmontées et si la politique judiciaire française s’adaptera à une prise en compte égalitaire
des droits de chaque partie dans l’esprit de la sauvegarde des droits de l’homme sans pour
autant perdre son âme.
Paul VALERY écrivait « Les demeures de la justice doivent parler aux yeux de la rigueur et
de l'équité de nos lois35 » les enjeux actuels sur l’avenir de l’instruction pénale nous rappellent
la justesse de ses propos.
34
35
Rapport LEGER - http://pratiquepenale.free.fr/Rapport_Leger.pdf
Eupalinos ou l'architecte – Paul Valery - ed. Gallimard 1921.
58
BIBLIOGRAPHIE
.
1. Jean CARBONNIER
Flexible Droit, Pour une sociologie sans rigueur
Ed. LGDJ 10ème édition 2001
2. Jean CARBONNIER
Droit et passion du droit sous la Ve République –
Ed. Flammarion 2006
3. Robert CARIO
Introduction aux sciences criminelles
Ed. L'Harmattan 6ème édition. 2008, p. 260
4. Charles WEISSELBERG
University of California, Berkeley Evidentiary Hearings In Federal Habeas Corpus
Cases, 1990 B.Y.U. L. REV. 131.
5. Charles WEISSELBERG
Confessions and Coercion, Habeas Corpus Resource Center Fall Conference:
An Inside Look; Examining the Worlds That Shape Our Clients’ Lives, San Francisco,
California, November 2003.
6. Karine TROTEL COSTEDOAT
La torture dans la justice criminelle médiévale,
Histoire Médiévale, n°18, juin 2001.
7. Michel FOUCAULT
Surveiller et punir,
Ed. Gallimard 1975
8. Serge COSSERON
GALILEE 22 juin 1633, la science en question
Ed. Acropole 2001
9. Martine BENAMO
Probabilités et statistiques aujourd’hui
Ed. L’Harmattan
59
10. Emmanuel KANT
Critique de la Raison pure
Ed. PUF Collection : Quadrige Grands textes
11. Karl POPPER
Conjonctures et réfutations. La croissance du savoir scientifique
Ed. Payot Paris 1985
12. Michel OLIVIER
Mesure d’instruction confiée à un technicien
Répertoire de procédure civil
Ed Dalloz – 1997.
13. Karl POPPER
Conjonctures et réfutations. La croissance du savoir scientifique
Ed. Payot Paris 1985
14. Jean Yves TREPOS
La sociologie de l’expertise
ED. PUF Coll. Que sais je ? Paris
15. Bruno OPPETIT
Les rôles respectifs du juge dans l’administration de la preuve
IEJ 1976
16. Paul VALERY
Eupalinos ou l'architecte
Ed Gallimard Paris. 1923.
17. Pierre CHAMBON, Christian GUERRY
Droit et pratique de l'instruction préparatoire
Ed. Dalloz 2007/2008
18. Le rapport LEGER
La Pratique Pénale
In http://pratiquepenale.free.fr
19. Recommandations sur les bons usages entre avocats et experts
du 18.11.2005 :
http://www.fncej.org/listes/documents/Charte_avocats_112005.pdf
(Pièce annexée)
60
20. Code de procédure pénale
Ed. Dalloz – 2009
21. Code pénal 2009
Ed. Dalloz – 2009
22. Jurisclasseurs
Ed Dalloz – 1976 – 2007
23. Code de procédure civile
Ed. Dalloz – 2008
24. Code civil
Ed. Dalloz – 2009
25. Stéphane DURAND SOUFFLAND
Le journal du Figaro article du 05 juin 2004
26. Jean-Yves CHATEAU
Philosophie et religion. Platon, Euthyphron, Paris, Vrin, 2005, p. 13-31.
Formation continue – Académie de Nantes
http://www.pedagogie.acnantes.fr/13800330/0/fiche___ressourcepedagogique/&RH=1160559858734
27. Olivier DUTHEILLET DE LAMOTHE
De la Cour européenne des droits de l’homme sur le Conseil Constitutionnel
Mémoire (joint en annexe)
61
ANNEXES
.
1 Demande complément d’expertise par l’avocat d’une partie civile
P. 63 – 65
2 Demande complément d’expertise par l’avocat du prévenu
P. 66 – 68
3 Mémoire sur l’expertise tendant au non lieu par l’avocat du prévenu
P. 69 – 70
4 L’influence de la Cour Européenne des droits de l’homme sur le
Conseil constitutionnel par Olivier Dutheillet de Lamothe
P. 71 – 75
5 Recommandations sur les bons usages entre avocats et experts
du 18.11.2005
P. 76 – 81
6 Décret n° 2009-313 du 20 mars 2009 fixant la liste des pôles de
L’instruction
P. 82 - 87
62
DEMANDE D’UN COMPLEMENT D’EXPERTISE PAR LA PARTIE CIVILE 1/3
63
DEMANDE D’UN COMPLEMENT D’EXPERTISE PAR LA PARTIE CIVILE 2/3
64
DEMANDE D’UN COMPLEMENT D’EXPERTISE PAR LA PARTIE CIVILE 3/3
65
DEMANDE DE COMPLEMENT D’EXPERTISE TOXICOLOGIQUE – (Notre demande – DEFENSE)
Madame le Juge d’instruction,
A la suite de l’instruction du 20 mai 2008 dans l’affaire citée en référence et en application de l’article
167 du code de procédure pénale, j’ai l’honneur de solliciter un complément d’expertise dont le but est
d’éclairer le dossier en demandant à l’expert chargé des analyses en toxicologie des réponses
simples nécessaires à la compréhension du dossier et à la manifestation de la vérité.
Le prier de bien vouloir répondre aux questions suivantes :
QUESTIONS A L’EXPERT:
1°) Un prélèvement de cheveux appartenant à Mlle COULON en date du 21 juin 2007 a fait l’objet
d’une analyse, cette dernière révèle que Mlle COULON prenait du RIVOTRIL dans une période
comprise entre 10 jours à 15 mois avant le 19 juin 2007 et que la concentration toxique était de 105
pg/mg (D157/4)
Q.1 : L’expert peut-il confirmer que Mlle Aude COULON a consommé du RIVOTRIL avant le 19
juin 2007 ?
Q.2 : Dans l’affirmative, combien de temps avant le 19 juin 2007. (environ)
Q.3 : Le pic de 105pg/mg indique t-il que Mlle COULON a consommé avant le 19 juin 2007 de
grosses quantités de RIVOTRIL ?
2°) Un prélèvement de cheveux appartenant à Mlle COULON en date du 3 janvier 2008 à fait l’objet
d’une analyse, cette dernière est décrite en cote D157/3, Elle expose que Mlle COULON consomme
habituellement du RIVOTRIL par la positivité des 3 segments de cheveux.
De 0 à 4 cm
De 4 à 8 cm
De 8 à 12 cm
(après les faits)
(époque des faits)
(avant les faits)
De 0 à 04 cm
De 4 à 08 cm
De 8 à 12 cm
1 époque
ème
2 époque
ème
3
époque
ère
historique entre 0 et 4 mois
historique entre 4 et 8 mois
historique entre 8 et 12 mois
« 03/01/2008 – 03/03/2007
« 03/09/2007 – 03/05/2007
« 03/05/2007 – 03/01/2007
(3.01.2008 – 3.09.2007)
(3.09.2007 – 3.05.2007)
(3.05.2007 – 3.01.2007)
: taux RIVOTRIL = 13 pg/mg
: taux RIVOTRIL = 28 pg/mg
: taux RIVOTRIL = 15 pg/mg
Q.1 : L’expert peut-il confirmer que Mlle Aude COULON a consommé du RIVOTRIL après le 19
juin 2007 ?
Q.2 : Dans l’affirmative combien de temps après le 19 juin 2007 ?
3°) Sur les rapports d’analyses effectuées sur les échantillons de cheveux de Mlle COULON prélevés
respectivement, le 21 juin 2007 et le 3 janvier 2008, il ressort plusieurs prises de RIVOTRIL par Mlle
COULON à différentes époques.
Q.1 : L’expert peut-il nous indiquer si Mlle COULON est une consommatrice habituelle de
RIVOTRIL ?
Q.2 : Dans l’affirmative et sachant que Mlle COULON ne dispose d’aucun traitement
médicamenteux prescrit par un médecin, à quel usage probable serait destiné ce
médicament ?
66
4°) Sur le deuxième échantillon de cheveux prélevés le 3 janvier 2008, le laboratoire relève un taux de
RIVOTRIL qui n’excède pas 28 pg/mg, soit de « un à deux cachets » du dit médicament (D 157/3).
Q.1 : L’expert peut-il nous indiquer si un à deux cachets de RIVOTRIL est suffisant pour
plonger une personne dans une perte de connaissance ou dans le coma, sachant qu’il s’agit
d’un sujet de sexe féminin de 25 ans environ qui ne souffre d’aucune pathologie, d’un poids et
d’une taille standard et selon ses dires n’ayant pas consommé d’alcool ?
Q.2 : Même question avec la précision suivante ; s’il s’agit d’une personne consommant
habituellement du RIVOTRIL ?
Q.3 : sachant que la posologie doit tenir compte de l'âge, du poids du malade et de la
sensibilité individuelle : 0,05 à 0,1 mg/kg et par jour en traitement d'entretien, le surdosage estil envisageable pour un ou deux cachets de RIVOTRIL ?
5°) L’analyse toxicologique en cote D 157/3 révélerait une consommation habituelle de RIVOTRIL par
Mlle COULON.
Q.1 : Cette analyse a-t-elle permis de révéler d’autres médicaments ou toxiques ?
Je vous remercie par avance de cette mesure, et dans l’attente, vous prie de croire, Madame le Juge
d’instruction, en l’expression de ma respectueuse considération.
Avocat
67
MEMOIRE DE LA DEFENSE TENDANT AU NON LIEU
SUR L’IMPOSSIBILITÉ D’UNE SOUMISSION CHIMIQUE
Mlle Aude COULON pense avoir été soumis chimiquement le 19 juin 2007 et victime d’un viol.
Deux prélèvements aux fins d’analyses toxicologiques ont été réalisés sur Mlle COULON le 21 juin
2007.
1. Un prélèvement sanguin
2. Un prélèvement de cheveux
Par la suite un deuxième prélèvement de cheveux a été effectué sur Mlle COULON le 03 janvier 2008
aux fins de recherche de tous toxiques susceptibles d’avoir été administrés le 19 juin 2007 (cote
D157/7)
DISCUSSION :
SUR L’ANALYSE TOXICOLOGIQUE SANGUINE :
Le rapport d’expert du 18 janvier 2008 indiquerait que Mlle COULON n’a pas été soumise ni au
RIVOTRIL ni à aucun toxique ou solution médicamenteuse le 19 juin 2007.
L’expertise du Docteur AKNOUCHE en page 4 de la cote D144 du dossier est explicite et expose que
le principe actif du RIVOTRIL (le Clonazépam) « persiste jusqu’à 96 heures dans le sang »
poursuivant, l’expert indique « l’absence de rivotril dans le prélèvement sanguin de 48 heures tend à
montrer l’absence d’absorption de ce produit »
Cependant l’analyse faite par le laboratoire CHEM TOX expose une trace du RIVOTRIL à la
concentration de 37nanogrammes par millilitre, ce qui, d’après l’expertise équivaut à la prise d’un à
deux comprimés au moment des faits (D157/3).
Bien que ces rapports soient contradictoires, nous exposerons que l’incidence d’une prise d’un à deux
comprimés de Rivotril ne peut en aucun cas plonger une personne adulte dans un processus de
soumission ou dans un état comateux tel que le rapporte Mlle COULON.
En effet la posologie indiquée dans le Vidal indique qu’un comprimé contient 2mg de Clonazépam
PRESENTATION
Comprimé quadrisécable à 2 mg (blanc) : Étui de 40
Solution buvable à 2,5 mg/ml : Flacon de 20 ml, soit 500 gouttes.
Solution injectable à diluer à 1 mg/1 ml : Ampoules de 1 ml de solution + ampoules de 1 ml de solvant, boîte
de 6 + 6.
COMPOSITION
Comprimé : p cp : Clonazépam (DCI) 2 mg
Excipients : lactose, amidon de maïs, talc, stéarate de magnésium.
Solution buvable : p goutte Clonazépam (DCI) 0,1 mg
POSOLOGIE
Formes orales :
Dose : La posologie doit tenir compte de l'âge, du poids du malade et de la sensibilité individuelle : 0,05 à 0,1
mg/kg et par jour en traitement d'entretien.
Cette posologie devra être atteinte progressivement.
Solution buvable en gouttes : cette forme est particulièrement adaptée à l'utilisation chez l'enfant de moins de 6
ans.
68
Sur le dosage, il est indiqué que l’administration du médicament doit être au maximum de 0,1mg/kg
donc la prise quotidienne d’un sujet pesant 50 kilos ne doit pas dépasser 5 mg par jour.
Cette posologie est confirmée par l’expert en page 9 de la cote D147
Le surdosage ne peut ainsi être envisagé, d’autant qu’il devrait être supérieur à 15 mg en une seule
prise (source laboratoire Roche) or, le taux de concentration relevé dans l’analyse sanguine de Mlle
COULON démontre qu’elle a été exposée à un dosage allant de 2 mg à 4 mg au maximum, et que
nous sommes très éloigné d’un surdosage.
SUR L’ANALYSE TOXICOLOGIQUE DES CHEVEUX
Les cheveux sont la mémoire biologique de ce qu’absorbe un individu en matiére toxicologique, le
cheveu pousse environ de 1 centimètre par mois et c’est par une segmentation de trois à quatre
centimètres (un trimestre) que la preuve d’une absorption peut être démontrée dans le temps.
(D157/4)
Il convient cependant d’interpréter l’analyse des cheveux avec prudence car cette analyse ne fait
qu’indiquer une période de temps supposée, qui peut se situer au alentour de deux semaines avant
ou après les faits, selon la pousse du cheveu qui varie selon chaque personne. (D157)
Deux prélèvements de cheveux ont eu lieu sur Mlle COULON
1) le 21 juin 2007
2) le 3 janvier 2008
Ainsi que l’expose très justement l’expert, (D157/4) le prélèvement des cheveux de Mlle COULON le
21 juin 2007 ne pouvait pas établir la prise de Rivotril le 19 juin 2007, il convenait d’attendre de trois à
cinq semaines pour prélever une mèche de cheveux à partir du cuir chevelu.
Analyse du prélèvement du 21 juin 2007
Cette analyse était primordiale pour la manifestation de la vérité,
En effet, les cheveux prélevés le 21 juin 2007 ont été analysés et cette analyse révéle que Mlle
COULON prenait du RIVOTRIL dans une période comprise entre 10 jours à 15 mois avant les faits et
que la concentration toxique était de 105 pg/mg (D157/4)
Cette concentration démontre que Mlle COULON a pris, 10 jours à 15 mois avant le 19 juin 2007, des
doses massives de RIVOTRIL cinq fois supérieures à la concentration relevée à l’époque des faits
reprochés à Monsieur Yannick MARRY et qui était de 28pg/mg.
CONCENTRATION RIVOTRIL CHEVEUX PRELEVES LE 21 JUIN 2007 :
CONCENTRATION RIVOTRIL CHEVEUX PRELEVES LE 3 JANVIER 2008 :
105 pg/mg
28 pg/mg
Analyse du prélèvement du 3 janvier 2008
L’analyse des cheveux prélevés le 3 janvier 2008 chez Mlle COULON est décrite en cote D157/3
Elle expose que Mlle COULON est une consommatrice habituelle du RIVOTRIL par la positivité des 3
segments de cheveux.
De 0 à 4 cm
De 4 à 8 cm
De 8 à 12 cm
(après les faits)
(époque des faits)
(avant les faits)
De 0 à 04 cm
De 4 à 08 cm
De 8 à 12 cm
1 époque
ème
2 époque
ème
3
époque
ère
historique entre 0 et 4 mois
historique entre 4 et 8 mois
historique entre 8 et 12 mois
« 03/01/2008 – 03/03/2007
« 03/09/2007 – 03/05/2007
« 03/05/2007 – 03/01/2007
(3.01.2008 – 3.09.2007)
(3.09.2007 – 3.05.2007)
(3.05.2007 – 3.01.2007)
: taux RIVOTRIL = 13 pg/mg
: taux RIVOTRIL = 28 pg/mg
: taux RIVOTRIL = 15 pg/mg
69
Cette exposition indique sans conteste que Mlle COULON absorbe du RIVOTRIL,


soit par prescription médicale pour soigner une pathologie,
soit pour un autre usage qu’il conviendrait d’expliquer.
Sur le premier échantillon de cheveux prélevés le 21 juin 2007 nous relevons un pic de RIVOTRIL qui
indique que Mlle COULON a ingéré ce produit à dose massive, soit 105 pg/mg avant les faits
supposés du 19 juin 2008.
Sur le deuxième échantillon de cheveux prélevés le 3 janvier 2008, nous relevons un taux de
RIVOTRIL d’un taux normal et qui n’excède pas 28 pg/mg soit de « un à deux cachets » du dit
médicament.
C’est ainsi qu’il sera soutenu que la tache retrouvée sur le pantalon de Mlle COULON provient en
toute vraisemblance de sa consommation habituelle et qu’elle est antérieure aux faits supposés du 19
juin 2007. (Page 8 cote D147)
Si Mlle COULON niait avoir absorbé du RIVOTRIL, avant ou aprés les faits, nous serions alors dans
l’obligation d’admettre qu’elle ne dit pas la vérité, et que les motifs de sa plainte peuvent s’expliquer
dans un autre but.
CONCLUSIONS
Le RIVOTRIL est un médicament de la classe des benzodiazépines comme le LEXOMIL, c’est un
antianxiolitique léger qui se prescrit en particulier aux personnes épileptiques notamment en raison de
son rôle anticonvulsant, mais ce médicament se prescrit aussi pour des douleurs cérébrales, dorsales,
pour les problèmes d’acouphène etc. .
Le surdosage ne peut être envisagé pour trois raisons :
1. Mlle COULON est une consommatrice habituelle du RIVOTRIL et son organisme était déjà
habitué, bien avant les faits au Clonazépam, principe actif de ce médicament, et à dose
massive puisqu’il a été retrouvé une concentration avant les faits de 105pg/mg au lieu des 28
pg/mg relevés à l’époque des faits supposés.
2. La dose relevée par le laboratoire CHEM TOX est en deca de la dose maximum autorisé
pour une personne de 50 kilos (5 mg / jour pour une personne adulte de 50 kilos)
3. Son absorption en deca de la posologie recommandée ne pouvait lui occasionner un coma.
Sous le bénéfice de ces observations ;
Il convient de constater que Mlle COULON n’a pas été soumis chimiquement à son insu au
RIVOTRIL, ni à aucun produit toxique mais qu’elle consommait déjà ce produit à des doses massives
bien avant les faits supposés.
Que l’absence d’agression sexuelle et de viol peut être retenue sur le manque de preuve probante, et
notamment :



Sans traces de spermatozoïdes sur les vêtements et sous vêtements de Mlle COULON.
Sans rapport d’un examen gynécologique qui aurait établi un rapport sexuel.
Sur les déclarations confuses de Mlle COULON.
Il sera demandé à Madame le Juge d’instruction prés le Tribunal de Grande Instance de Grasse
d’envisager le non lieu au bénéfice de Monsieur Yannick MARRY et à tout le moins sa mise en liberté
immédiate.
SOUS TOUTES RESERVES
70
L’INFLUENCE
DE LA COUR EUROPEENNE DES DROITS DE L’HOMME
SUR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL
Par Olivier Dutheillet de Lamothe
Cette influence devrait être a priori nulle puisque, en vertu d'une jurisprudence
constante, le Conseil constitutionnel refuse d'examiner la conformité des lois qui lui sont
déférées à la Convention européenne des droits de l'homme.
Dans sa décision du 15 janvier 1975 sur la loi relative à l’interruption volontaire de
grossesse, le Conseil constitutionnel a jugé que, malgré le principe de la primauté des
traités sur les lois posé par l’article 55 de la Constitution, il n’était pas compétent pour
examiner la conformité des lois avec les engagements internationaux de la France et
notamment la Convention européenne des droits de l’homme. « Il n’appartient pas au
Conseil constitutionnel, lorsqu’il est saisi en application de l’article 61 de la Constitution,
d’examiner la conformité d’une loi aux stipulations d’un traité ou d’un accord
international » (Décision n° 74-54 DC du 15 janvier 1975, recueil p. 19).
Cette décision est fondée sur deux arguments essentiels :
- Un argument de droit, tiré d’une interprétation stricte de l’article 61 de la
Constitution : « L’article 61 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel
un pouvoir général d’appréciation et de décision identique à celui du Parlement, mais lui
donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité à la Constitution des
lois déférées à son examen ». Si les dispositions de l’article 55 de la Constitution
confèrent aux traités une autorité supérieure à celle des lois, « elles ne prescrivent ni
n’impliquent que le respect de ce principe doive être assuré dans le cadre du contrôle de
la conformité des lois à la Constitution prévu par l’article 61 de celle-ci ».
- Un argument pratique : selon la Constitution, le Conseil constitutionnel dispose
d’un délai d’un mois pour rendre ses décisions. Il serait très difficile d’examiner dans un
délai aussi bref la conformité des lois avec les très nombreux engagements
internationaux souscrits par la France.
Dans des décisions ultérieures, le Conseil constitutionnel a explicité ce qui n’était
qu’implicite dans la décision de 1975 : si le contrôle de la supériorité des traités par
rapport aux lois ne peut être effectué dans le cadre du contrôle de constitutionnalité des
lois, il doit être effectué par les juridictions ordinaires sous le contrôle de la Cour de
Cassation et du Conseil d’Etat. (Décision n° 86-216 DC du 3 septembre 1986, recueil p.
135 ; n° 89-268 DC du 29 décembre 1989, recueil p. 110).
La Cour de Cassation a répondu très vite à cette invitation dans une décision du 24 mai
1975, c’est-à-dire quelques mois seulement après la décision du Conseil constitutionnel
du 15 janvier. (Chambre mixte 24 mai 1975, Société des Cafés Jacques Vabre, Dalloz
1975 p. 497, conclusions Touffait). Le Conseil d’Etat a pris beaucoup plus de temps,
pratiquement 15 années, pour reconnaître la suprématie d’un traité sur une loi
postérieure. (Assemblée plénière 20 octobre 1989 Nicolo, recueil p. 190, conclusions
Frydman).
Contrôler la conformité des lois à la Convention européenne des droits de l’homme est
donc désormais, une tâche quotidienne des juridictions judiciaires et administratives.
71
Celles-ci n’hésitent plus à écarter la loi ou le règlement qu’elles estiment contraire à la
convention.
L'influence de la Convention européenne des droits de l'homme et de la Cour de
Strasbourg sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel est donc purement
intellectuelle. Elle tient seulement à l'autorité persuasive de la jurisprudence de la Cour
et à l'inspiration que trouve le Conseil dans un catalogue de droits beaucoup plus récent
que la Déclaration de 1789.
Cette influence est difficile à percevoir dans la mesure où, conformément à la tradition
française, le Conseil constitutionnel ne se réfère pas expressément à d'autres décisions
de justice et notamment aux arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme.
Le Conseil constitutionnel ne l'a fait qu'une fois : dans sa décision du 30 novembre 2004
sur le projet de traité instituant une Constitution européenne, il s'est référé
expressément à l'arrêt de la Cour du 29 juin 2004 dans l'affaire Leyla Sahin c. Turquie,
décision à laquelle s'est substituée, à la suite du renvoi de l'affaire devant la grande
chambre, un arrêt de la grande chambre du 10 novembre 2005, heureusement dans le
même sens. Et pourtant, la Convention européenne des droits de l'homme et la
jurisprudence de la Cour de Strasbourg exercent une influence très importante sur la
jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Le Conseil constitutionnel s'inspire directement de la Convention européenne des droits
de l'homme et de la jurisprudence de la cour de Strasbourg, et ceci de quatre façons.
1. En premier lieu, la Convention européenne des droits de l'homme a contribué à
l'émergence de droits nouveaux. Les droits nouveaux que le Conseil constitutionnel a
déduits des dispositions très anciennes et souvent très générales de la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 correspondent, dans de nombreux cas,
aux droits reconnus par la Convention européenne des droits de l'homme et par la
jurisprudence de la Cour de Strasbourg. On peut citer par exemple :
- le droit au respect de la vie privée garanti par l'article 8 de la Convention
européenne des droits de l'homme qui constitue, pour le Conseil constitutionnel,
une composante de la liberté personnelle garantie par l’article 2 de la Déclaration
de 1789 (Décision n° 99-416 DC du 23 juillet 1999, recueil p.100) ;
- la liberté du mariage, garantie par l'article 12 de la Convention
européenne, qui constitue également une composante de la liberté personnelle
protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789 (Décision n° 2003-484
DC du 20 novembre 2003, recueil p. 438) ;
- le droit de mener une «vie familiale normale» qui trouve sa source, selon
le Conseil constitutionnel dans le 10e alinéa du préambule de la Constitution de
1946, en s'inspirant directement de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg
(Décision n° 93-325 DC du 13 août 1993, recueil p. 224) ;
- le principe de la dignité de la personne humaine déduit par le Conseil
constitutionnel du préambule de la Constitution de 1946 (Décision n° 94-343/344
DC du 27 juillet 1994), s'inspire également de la jurisprudence de Strasbourg.
2. En second lieu, la jurisprudence de Strasbourg a sensiblement enrichi la conception
française de certains droits.
On peut en donner deux exemples :
72
La liberté d'expression, «l'un des droits les plus précieux de l'homme», pour reprendre la
formule de la déclaration de 1789, ne se résume plus dans nos sociétés modernes
d'information à la liberté d'exprimer ses opinions et à l'interdiction de la censure. Elle
implique également l'accès à des sources pluralistes d'information : cette idée,
clairement exprimée dans la jurisprudence de Strasbourg (arrêt Handyside du 7
décembre 1976), est maintenant totalement intégrée dans la jurisprudence du Conseil
constitutionnel, qui se réfère expressément à la notion de pluralisme des courants de
pensée et d'opinion (Décisions n° 86-217 DC du 18 décembre 1986, recueil page 141 ;
n° 89-271 DC du 11 janvier 1990, recueil page 21) ;
Pour définir la portée du principe selon lequel, en vertu de l'article 66 de la Constitution
de 1958, l'autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle, le
conseil
constitutionnel s'est référé implicitement aux termes de l'article 5 c) de la Convention
européenne des droits de l'homme pour juger que « en dehors des cas où ils agissent sur
réquisition de l'autorité judiciaire, les agents habilités ne peuvent disposer d'une
personne que lorsqu'il y a des raisons plausibles de soupçonner qu'elle vient de
commettre une infraction ou lorsqu'il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité
et de l'empêcher d'en commettre une » (Décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003,
considérant 10, recueil page 211).
3. En troisième lieu, la jurisprudence de Strasbourg a eu un impact majeur sur les
procédures judiciaires et notamment sur la procédure pénale. Le Conseil constitutionnel a
été amené à reconnaître, sur le fondement relativement ténu de l'article 16 de la
déclaration de 1789 relatif à « la garantie des droits », un «droit à un recours
juridictionnel effectif», qui s'inspire directement de l'article 6 de la Convention (Décision
n° 99-416 DC du 23 juillet 1999, recueil p. 100). En jugeant que le principe du respect
des droits de la défense, qui résulte de l’article 16 de la Déclaration de 17891, «
implique, notamment en matière pénale, l’existence d'une procédure juste et équitable
garantissant l'équilibre des droits des parties » (Décision n° 89-260 DC du 28 juillet
1989, recueil page 71), le Conseil constitutionnel s’est clairement inspiré de la
jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme relative au droit à un procès
équitable et à la nécessaire égalité des armes entre les parties qui en découle (arrêt
Delcourt C/Belgique du 17 janvier 1970 ; arrêt Golder du 21 février 1975).
L'élargissement par la Cour européenne du champ d'application des principes du droit
pénal et de la procédure pénale à tout pouvoir de sanction (arrêt Luedicke du 28
novembre 1978 ; arrêt Oztürk du 21 février 1984) a incité le Conseil constitutionnel à
imiter cette démarche (Décisions n° 8-155 DC du 30 décembre 1982, recueil page 88 ;
n° 87-237 DC du 30 décembre 1987, recueil page 63).
Plus largement, le Conseil constitutionnel a étoffé sa jurisprudence en matière pénale
dans sa décision du 22 janvier 1999 relative à la Cour pénale 1 Décision n°2006-535 DC
du 30 mars 2006, recueil p.50. internationale (Décision n° 98-408 DC du 22 janvier
1999, recueil page 29) par une interprétation directement inspirée de la jurisprudence de
la Cour européenne des droits de l'homme 2. En hissant au niveau constitutionnel le
principe de publicité des débats judiciaires (considérant 25), le Conseil s'est inspiré
directement de la jurisprudence européenne relative à l'article 6 de la Convention
européenne des droits de l'homme (arrêt Axen du 8 décembre 1983). Il en est de même
à propos de l'exigence constitutionnelle d'impartialité et d'indépendance des juridictions
(considérant 27), également inspirée de la jurisprudence de la Cour (arrêt Bulut du 23
février 1996). Enfin, en considérant que l'obligation pour une juridiction de motiver ses
arrêts est «également de nature à éviter l'arbitraire» (considérant 22), le Conseil
constitutionnel, tout en rattachant cette règle au principe de légalité des délits et des
peines, tient compte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme en
matière de procès équitable (arrêt Higgins et autres contre France du 19 février 1998).
73
Tout récemment, en se fondant, dans sa décision du 21 février 2008, pour censurer
l’application rétroactive de la rétention de sûreté, sur le fait que cette mesure privative
de liberté est prononcée « après une condamnation par une juridiction », le Conseil
constitutionnel s’est référé implicitement à l’article 5 § 1 a) de la Convention (Décision n°
2007-562 DC du 21 février 2008, considérant Genevois, « Le Conseil constitutionnel et le
droit pénal international. A propos de la Décision n° 98-408 DC du 22 janvier 1999 »,
RFDA 1999, p. 285. 8
Enfin, dans un domaine au moins, la jurisprudence de Strasbourg a conduit le Conseil
constitutionnel à modifier sa jurisprudence: il s'agit des validations législatives.
Par une décision n° 93-322 DC du 13 janvier 1994 (au recueil page 21), le Conseil
constitutionnel avait admis la conformité à la Constitution de l’article 85 d’une loi du 18
janvier 1994, qui avait validé le montant d’une indemnité instituée en 1953 au profit des
personnels des organismes de sécurité sociale des départements d’Alsace- Moselle.
Or, postérieurement à cette décision, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a
développé une jurisprudence admettant de façon beaucoup plus restrictive les validations
(arrêt Raffineries grecques Stran et Stratis Andreadis contre Grèce, du 9 décembre 1994
; arrêt Papageorgiou contre Grèce, du 22 octobre 1997 ; arrêt National and Provincial
Building Society contre Royaume Uni du 23 octobre 1997).
Dans le prolongement de cette jurisprudence, la Cour Européenne des Droits de l’Homme
a été amenée par un arrêt du 28 octobre 1999 (affaire Zielinski, Pradal, Gonzales et
autres contre France), rendu donc cinq ans plus tard, à estimer que l’article 85 de la loi
du 18 janvier 1994 était contraire à l’article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne
des droits de l’Homme relatif au droit à un procès équitable. La Cour a estimé que
l’article 85 avait purement et simplement entériné la position adoptée par l’Etat dans le
cadre d’une procédure pendante et réglé en réalité le fond du litige. Cette décision,
fondée sur le principe de la séparation des pouvoirs, opérait ainsi un contrôle de
proportionnalité entre l’intérêt général invoqué et l’atteinte portée aux droits individuels
du justiciable.
Par une décision n° 99-422 DC du 21 décembre 1999 (au recueil p. 143), rendue moins
d’un mois plus tard, le Conseil constitutionnel a adapté sa jurisprudence dans le sens de
celle de la CEDH, en estimant que « si le législateur peut, dans un but d’intérêt général
suffisant - on notera la nuance entre impérieux et suffisant mais en pratique le contrôle
est le même, valider un acte dont le juge administratif est saisi, afin de prévenir les
difficultés qui pourraient naître de son annulation,
C’est à la condition de définir strictement la portée de cette validation, eu égard à ses
effets sur le contrôle de la juridiction saisie ; qu’une telle validation ne saurait avoir pour
effet, sous peine de méconnaître le principe de la séparation des pouvoirs et le droit à un
recours juridictionnel effectif, qui découlent de l’article 16 de la Déclaration des Droits de
l’Homme et du Citoyen, d’interdire tout contrôle juridictionnel de l’acte validé quelle que
soit l’illégalité invoquée par les requérants ». Le Conseil constitutionnel s’est ainsi fondé
explicitement sur le principe de la séparation des pouvoirs pour exercer, comme la Cour
Européenne des Droits de l’Homme, un contrôle de proportionnalité entre l’intérêt
général invoqué et l’atteinte portée au droit au recours du justiciable.
Quelques jours plus tard, le Conseil constitutionnel devait appliquer ce contrôle de
proportionnalité à deux dispositions de validation en matière fiscale (décision n° 99-425
DC du 29 décembre 1999, recueil p. 168). Depuis lors, le Conseil constitutionnel fait
preuve de la plus grande vigilance en matière de validation législative pour apprécier si le
motif d’intérêt général invoquée lui paraît suffisant dans l’espace (Décision n° 204-509
DC du 13 janvier 2005, recueil p. 33) ou dans le temps (Décision n° 2001-458 DC du 7
février 2002, recueil p. 80)
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Ainsi, bien que le Conseil constitutionnel ait expressément jugé qu'il n'examine pas la
conformité des lois qui lui sont déférées à la Convention européenne des droits de
l'homme, on voit qu'il s'inspire directement et dans de nombreux cas de la jurisprudence
de la Cour de Strasbourg.
Comment expliquer ce paradoxe ?
La réponse est simple : la Convention européenne des droits de l'homme et la
jurisprudence de la Cour de Strasbourg constituent aujourd'hui le principal élément
fédérateur des différentes formes de protection des droits et des libertés qui s'exercent
en France. Dans le cadre du contrôle de conventionalité, c'est à dire de conformité des
lois à la Convention européenne des droits de l'homme, que le Conseil constitutionnel
leur a abandonné, le Conseil d'État et la Cour de Cassation sont tenus de se conformer à
la jurisprudence de Strasbourg, sous peine de voir leurs décisions désavouées et la
France condamnée pour violation de la Convention. Le Conseil constitutionnel, s'il veut
garantir l'unité de l'ordre juridique français et la sécurité juridique qui en découle pour les
justiciables, est donc tenu de s'inspirer, lui aussi, étroitement de la jurisprudence de la
Cour de Strasbourg.
Le Conseil constitutionnel n'échappe donc pas à une certaine contradiction : il interprète
les principes constitutionnels à la lumière des droits fondamentaux garantis par la
Convention européenne des droits de l'homme mais refuse d'étendre les normes de
référence de son contrôle à celle-ci. La question qui se pose mais c’est une question
ouverte pour l’avenir est dès lors de savoir si le Conseil constitutionnel ne devrait pas un
jour faire de façon explicite ce qu'il fait déjà de façon implicite, c'est-à-dire une
interprétation du préambule de la Constitution à la lumière de la Convention européenne
des droits de l'homme.
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