1 LA CONSOMMATION DE DROGUES ET SES EFFETS SUR LES

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1 LA CONSOMMATION DE DROGUES ET SES EFFETS SUR LES
LACONSOMMATIONDEDROGUESETSESEFFETSSURLESJEUNESENAFRIQUE
DELOUEST
Par
IsidoreS.Obot,PhD,MPH.
Professeurdepsychologie,UniversitédeUyo,Uyo,Nigéria
DirecteurduCentrederechercheetd’informationsurlatoxicomanie(CRISA)
Rédacteurenchefdel’AfricanJournalofDrugandAlcoholStudies
1
Introduction
Contrairementàl’idéequel’onretrouvedanscertainsmilieuxsociauxselonlaquelle
leproblèmedeladrogueenAfriquedel'Ouestestunphénomènerécent,larégion
s’illustredepuislongtempsdansl’histoiredeladrogueenAfrique.Ilyapresqueun
siècle, le cannabis été déjà cultivé en Sierra Leone, 1 et voilà presque soixante ans
que sa consommation par les jeunes «déviants» au Nigeria est associée à des
problèmesdesantémentale. 2Enoutre,dansl’Afriquedel'Ouestprécoloniale,bien
avantlanaissancedesnationsindépendantesquenousconnaissonsaujourd'hui,les
prohibitionnistesoccidentauxontmenédeseffortsconcertéspourlecontrôledela
production et de la consommation de boissons alcoolisées. La Convention de
Bruxelles de 1890, qui visait à mettre un terme à la traite des esclaves prévoyait
également l'interdiction de l'importation en Afrique de produits dangereux, y
comprisles«liqueursspiritueuses». 3Généralementconsidérécommelapremière
tentativedecontrôleinternationald'unesubstancepsychoactive,cetteloiestlefruit
de campagnes menées par des groupes religieux occidentaux et les réactions des
chefs locaux à ce qu'ils considéraient comme conséquences négatives de gin sur
leurs propres populations.3 Ce qui est nouveau aujourd’hui en Afrique de l'Ouest,
c’estlaprésenced’unegrandevariétédesubstancesaddictivesquepeuventutiliser
la plupart des jeunes, ainsi que la prévalence croissante des troubles liés à la
toxicomanie et d'autres problèmes sociaux et physiques associés à l'usage de
drogues. Cet article met l’accent sur ces deux questions connexes, le degré
d'utilisationdesdroguesetsesconséquences.Elleoffreaussiuncertainnombrede
recommandationssurlamanièred’apporterdessolutionseffectivesauproblème.
Disponibilitédesdrogues
Le cannabis jouit d’une énorme popularité parmi les utilisateurs de drogues en
Afrique de l'Ouest, et demeure au premier rang mondial des drogues illicites.
Cependant,dansdifférentspaysetvilles,lesscènesdeladroguesontcomplexeset
fluides. Avant le début des années 1980, dans plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest
commeleGhanaetleNigeria, lesautoritéscompétentesétaientplutôtpréoccupés
parlaconsommationdestimulantslégersparlesétudiantsetautresjeuneshorsdu
circuit scolaire pour rester alerte et avoir plus d’énergie. Elles étaient aussi
préoccupées par le lien suspecté entre la consommation de cannabis et les
psychoses,etlesconséquencessocialesetfamilialesdelaconsommationexcessive
d'alcool. En 1982, la situation allait cependant radicalement changer, notamment
avec l'arrivée de la cocaïne et de l'héroïne dans la région. Ces drogues ont été
introduites en Afrique de l’Ouest à partir des pays producteurs et sont
principalement destinées à l'exportation vers les grands pays consommateurs
d’AmériqueduNordetd’Europe.AuNigeria,parexemple,l'undestoutpremierscas
detraficdecocaïneaétéenregistrésuiteàl'arrestationen1982d'unjeunehomme
surlepointdequitterlepaysavec1,2kgdecocaïne.Depuislors,ilyaeuunenette
augmentation du nombre d'arrestations de trafiquants et de saisies de cocaïne
destinéautraficdanstoutel'Afriquedel'Ouest.4
2
Il y a environ vingt ans, l’Afrique de l’Ouest devenait la plaque tournante du
commerce de cocaïne en destination des pays occidentaux. Depuis, les autorités
chargées de la lutte contre la drogue sont fortement préoccupées par les activités
desdifférentsgangscriminelslocauxetétrangers.En2007,Auplusfortdessaisies
de drogues, la région semblait bien mériter son surnom de «côte de la cocaïne».
Néanmoins, grâce à une combinaison de facteurs favorables, notamment une
meilleurecollaborationentrelesagenceschargéesdelaluttecontreladrogueetla
forte volonté des pays d’anéantir les agissements des trafiquants, l’attrait de
l’Afrique de l’Ouest comme principale zone de transit de la cocaïne semble
s’estomper;cequin’estpasmalheureusementlecaspourletraficenlui-même.5En
effet, on note toujours dans la région des arrestations de trafiquants de cocaïne et
d’héroïne, sans parler de la culture de cannabis et la production de
méthamphétamines.
ParcequelastratégiedeluttecontreladrogueenAfriquedel'Ouestalongtempsété
centrée sur la réduction de l'offre, en s’appuyant en particulier sur le système de
justicepénale(stratégieconnueaufildesannéessouslenomde«guerrecontrela
drogue»), et ce, uniquement contre les drogues couvertes par les conventions
internationales, d'autres aspects importants de la lutte contre la drogue ont été
négligés. Les mesures de réduction de la demande—prévention, traitement, soins,
épidémiologie—et les risques comparatifs liés à l'utilisation de substances
psychoactives licites (par exemple, le tabac, l'alcool, les produits inhalants) 6,7 ont
faitl’objetdepeud’attention.Ceciestunéchecpatentdespolitiquesdedrogues,en
particulier dans le cadre d'une meilleure compréhension de la dynamique de la
toxicomanie et de la prévention de l’abus de drogues parmi les jeunes. Il existe
cependantcertainesinitiativesdanslespolitiquesdedroguequ’ilestimportantde
noter,notammentleprojetàgrandeéchelleencoursauNigeria,financéparl'Union
européenne et mis en œuvre par l'ONUDC, qui pourrait changer la donne dans le
paysenmatièred'améliorationdesconnaissances,descapacitésetdesservices.En
outre, l'adoption de services basés sur des observations factuelles pour la
dépendanceauxopiacésauSénégal,etcequisembleêtreunexamenfavorableàla
réforme des lois sur les drogues au Ghana témoignent d’une amorce de
changements dans certains pays de la région. Le succès de la lutte contre les
nombreuxproblèmesliésàladroguedépendradansunelargemesuredel'adoption
d'une approche nouvelle qui privilégie la dimension de santé publique et qui, par
nature, accordera une attention particulière aux drogues licites (alcool et tabac)
commepossible«substances-passerelles».
LaconsommationdedroguesetsesconséquencesenAfriquedel’Ouest
L'utilisationdysfonctionnelle(ouabus)desubstancesaddictivesestsansnuldoute
un problème mondial auquel on accorde une attention particulière dans presque
touslespaysafricains.7Cettepartiedel'articleestconsacréeàunrésumédeceque
nous savons aujourd'hui sur l'étendue de l’abus de différents types de substances
psychoactives au niveau mondial et en Afrique de l'Ouest, et les conséquences de
l'usage de drogues chez les jeunes. Les catégories de drogues examinées sont la
3
cocaïne, l'héroïne, le cannabis, les stimulants de type amphétamine, les
médicamentssurordonnance,lessubstancesvolatiles,etl'alcool(lesdeuxderniers
étantdesexemplesdecatégoriesdesubstanceslicitespopulaireschezlesjeunes).
L’Alcool:depuisdenombreusesannées,l'Organisationmondialedelasanté(OMS)
recueille des données sur le nombre de personnes qui boivent et ceux d'entre eux
quidéveloppentdestroublesdeconsommationd'alcool(ycomprisladépendanceà
l'alcool).8 Un peu plus du tiers de la population adulte mondiale sont des
consommateurs d'alcool. Il existe cependant d’importantes variations entre les
régions,enraisonnotammentdel'interdictionreligieusedeboiredel’alcooldansde
nombreuxpays.Environ42%desAfricainsboiventdel'alcool,cequisignifiequela
plupart d’entre eux s’abstiennent à vie ou sont d'anciens buveurs. La majorité des
buveursd’alcoolsontdeshommes,quiconsommentdesboissonsfermentéesoudes
boissons distillées fabriquées localement. On enregistre néanmoins une
augmentation de la consommation de boissons commerciales occidentales, due
probablementàlacroissanceéconomiquequeconnaissentunbonnombredepays.9
L'alcool est loin d’être une marchandise ordinaire. La consommation excessive
d’alcoolestliéeàdenombreusesmaladies,souventdemanièrebanale,maisaussià
unefouledeproblèmessociauxquitouchentl'individu,lafamilleetlacommunauté
en général. Dans beaucoup de ces cas (par exemple, les accidents de la route), les
jeunes adultes sont les auteurs, mais souvent aussi les victimes. Si l’on tient en
compte maintenant du genre dans la prévalence de la consommation, les hommes
sontplustouchésquelesfemmes.10
L'alcool est différent des autres substances addictives. Non seulement parce que
c’estunedroguelicite,maisaussiparcequepeudepaysafricainsontdespolitiques
nationales visant à réduire le niveau de consommation et prévenir les problèmes
engendrésparl’alcool,endépitdufaitqu'ilestunesubstancelétalepouvantcauser
degravestortsàlasanté.Eneffet,selonlerapportdel'OMSsurl'alcooletlasanté
de2014,seulement2des15paysmembresdelaCEDEAOdisposentdepolitiques
nationaleset/oudeplansd'actiondeluttecontrelesproblèmesliésàd'alcool.Par
exemple, des mesures pour réglementer la commercialisation et la promotion des
produitsalcooliqueschezlesjeunes.11
Cannabis:Parmilesdroguessouscontrôleinternational,lecannabisestdeloinla
droguelaplusaccessibleetlaplusfacileàseprocurerenAfriquedel'Ouest.Comme
plante,CannabisSativapoussefacilementdansnosclimats,propicesàsaculture.Il
est également source de revenus illicites pour beaucoup de personnes dans les
zones rurales de certains pays. En termes de consommation, l'Office des Nations
Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) note que la plus forte prévalence de
l'usage récréatif de cette drogue dans le monde est en Afrique occidentale et
centrale, où plus de 12% des adultes entre 15 et 64 ans dans la région sont des
utilisateurs; ce qui est une prévalence beaucoup plus élevée que la moyenne
mondiale de moins de 4%, ainsi que celle enregistrée dans d'autres parties de
4
l'Afrique(moinsde8%).7Plusalarmantencore,letauxd'utilisationchezlesjeunes
dansdespaystelsqueleGhanaetlaSierraLeoneestplusélevé,soitplusde20%.
AlorsquelemondeentiersepréparepourlaSessionextraordinairedel'Assemblée
généraledesNationsUnies(UNGASS)surleproblèmemondialdeladrogueprévue
en avril 2016, aucune drogue n’a de nos jours autant attiré l’attention que le
cannabis.12Dansunelargemesure,celaestdûàlarécentesériedelégalisationsde
l'usagepersonneldeladroguedanscertainspays(parexemple,enUruguayetdans
plusieurs États américains), et qui semble contredire l'impact négatif sur la santé
que beaucoup voient dans la consommation de cannabis. Chez les personnes à la
recherched’untraitementpourtroublesdel'usagededroguesenAfriquedel'Ouest,
lecannabisrestelaprincipaledrogue. 7AuGhana,auNiger,auSénégaletauTogo,
aumoinsdeuxtiersdespersonnessoustraitementontfaitréférenceaucannabis.Il
est important de noter que l’association observée entre la consommation de
cannabisetlestroublesmentauxaétérapportédansdenombreuxautrespaysen
dehors de l'Afrique de l’Ouest. Ce qui aujourd'hui n’est toujours pas clair est de
savoirsilaconsommationdecannabisestunecausedirectedelamaladiementale
ou si elle sert de déclencheur chez les personnes qui sont déjà prédisposés à des
troubles. Alors que la question sur le lien supposé entre maladie mentale et
cannabis subsiste, l’on a de bonnes raisons d'être préoccupé par les effets du
cannabis sur le cerveau en croissance, d’où la nécessité d’efforts accrus pour
prévenir,ouaumoinsretarderlaconsommationdecannabischezlesjeunesetles
populationslesplusvulnérablesdanslarégionetau-delà.
Cocaïne and héroïne: La cocaïne est un puissant stimulant produit à partir de
feuillesdecocatandisquel'héroïneestdérivéedupavotàopiumetagitcommeun
analgésique. Alors que le cannabis fait depuis longtemps partie de la scène des
droguesillicitesenAfriquedel'Ouest,2lacocaïneetl'héroïnen’onteuuneprésence
remarquée dans le continent que depuis le début des années 1980; et des années
durant,lapréoccupationdesautoritésàleursujetn’aportéquesurl’aspecttrafic.4
Lespersonnesarrêtéespourtraficsontengénéraldesjeunesadultes,recrutéspar
des «patrons» pour acheminer les substances illicites vers les marchés des
utilisateurs. Ainsi exposés, et en raison d'autres facteurs, ces jeunes adultes sont
souvent impliqués dans l'utilisation de ces drogues. Les données sur la
consommationdecocaïneetd'héroïnedanslaplupartdespaysafricainssontrares
etproviennentdepetitséchantillonsnonreprésentatifs;etilesttoutaussirarede
recueillirdesdonnéessurlesconséquencesdel'utilisationdesdrogues,hormisles
témoignagesdecertainspatientsdanslescentresdetraitement.
Aujourd'hui,laprévalencedecocaïneetd'héroïnechezlespersonnesentre15et64
ansenAfriquedel'Ouestestestiméeàenviron0,4%;unchiffrequiestledoublede
la prévalence de 0,2% enregistrée en 2006. De telles estimations totales peuvent
êtretrompeuses,carilexistedesvariationsd’unpaysàunautre,etsurtoutausein
de groupes dans différents pays. Par exemple, les résultats des recherches et les
stratégiesdeluttecontrel’injectiondedroguesrécemmentenregistrésenAfrique—
enparticulierenTanzanieetauKenya,enAfriquedel’Est;etauSénégal,enAfrique
5
del'Ouest—fontsuiteàl'augmentationrapidedelaconsommationdedrogues,non
pastantdanslapopulationengénéral,maisplutôtauseindesous-groupesàhaut
risque.
Méthamphétamines et autres stimulants: Les substances de type amphétamine
(STA)—enparticulierlaméthamphétamine—ontrécemmentcapturél'imagination
des experts en matière de lutte contre la drogue et les décideurs politiques en
Afrique de l’Ouest.13 les stimulants sont depuis longtemps populaires parmi les
jeunes qui les utilisent à des fins bien précises—pour étudier, dans des jeux, et
simplementpourleplaisir.LesSTAviennentengénéralhorsd’Afriquedel’Ouestet
sont acheminées vers l'Asie où se trouvent de grands marchés de consommation,
notamment en Chine et en Thaïlande. Le Rapport mondial sur les drogues de
l'ONUDC de 2015 note clairement que: «L'Afrique de l'Ouest semble être devenue
une plaque tournante de la méthamphétamine introduite clandestinement en Asie
del’EstetduSud-Estvial'AfriqueduSudoul’Europe,avecdenouveauxitinéraires
de trafic reliant les marchés de méthamphétamine régionaux qui n’étaient pas
auparavantliés».7
Dans la dernière décennie, deux nouvelles dimensions sont venues s’ajouter à la
situation. La première est que les méthamphétamines sont maintenant produites
dans au moins deux pays (Nigeria et Ghana) de la région; la deuxième est qu’une
partiedecetteproductionestconsomméeauniveaulocal.Pourl'instant,selonles
chiffresdel'UNODC,leniveaudeconsommationsembletrèsfaible;l'AfriqueduSud
étant le pays le plus touché en Afrique. Cependant, de plus en plus anecdotes
indiquentquela«meth»estfuméeenassociationaveclecannabis,auNigeriaetau
Ghana.AuBurkinaFaso,ilaétésignaléqu'unnombreimportantdepersonnesàla
recherche d’un traitement ont indiqué que les STA étaient leur drogue de
prédilection.Aveclerenforcementdesactivitésdeluttecontreladrogueauniveau
des aéroports et des ports maritimes—ce qui rend le trafic de stupéfiants plus
risquépourlestrafiquants—,silaproductionlocalen'estpassupprimée,lapartdu
marchéintérieureestsusceptibledesedévelopperdavantage.
Le tramadol et d'autres substances contrôlées: Le tramadol est un puissant
analgésique opioïde souvent utilisé comme antalgique sous prescription médicale.
Dans un nombre croissant de pays d'Afrique de l’Ouest, le tramadol et certaines
substances opioïdes (par exemple, sirops contre la toux contenant de la codéine)
sont devenus des drogues très populaires chez les jeunes. Au Nigeria, l'abus de
siropscontrelatouxcontenantdelacodéineaétésignalé,nonseulementparmiles
«enfantsdelarue»,maisaussichezlesélèvesdusecondaireetlesétudiants.Ceux
quiabusentdutramadoloudelacodéinelefontparcequ’enquantitésuffisante,ils
éprouvent une certaine euphorie. Malheureusement, son utilisation peut entraîner
unedépendancepsychologiqueetphysiquedanslaquellelesutilisateurséprouvent
dessymptômesdésagréablesquandilsessaientd’arrêterd’enconsommer.
Substances Volatiles: les substances illicites et contrôlées sont généralement
difficiles d'accès et peuvent parfois être trop coûteux pour certains utilisateurs
6
potentiels. D’autres substances peu volatiles (produits inhalants) et largement
disponibles,carpaschères,sontdesdroguespopulaireschezlesenfantsdelarueet
les jeunes dans certaines professions où ils sont exposés à des produits contenant
cesdrogues.Ilexisteplusieurstypesdesubstancesinhalées,maislesplusconnues
sont les solvants organiques (les «solutions») que l’on retrouve en menuiserie ou
dans la fabrication de chaussures, en particulier la colle. Ceux-ci sont facilement
humésdeleurrécipient,«sniffés»d'unmorceaudetissuimbibé,ouinhalésàpartir
d'un sac en plastique. L'une des premières études sur l'utilisation de substances
inhaléesenAfrique,menéeilyaplusdevingtansdanslenordduNigeria,arévélé
qu'au moins 10% des élèves du secondaire; et 13% des enfants hors du circuit
scolaire avaient déjà inhalé une substance «pour éprouver certaines fortes
sensations», au moins une fois pendant l’année précédente.15 Récemment, des
nouvelles rapportées par les médias du Nord du Nigéria semblent faire état d’une
situationdeplusenplusalarmante.
Consommation de drogues injectables (CDI): l’injection intraveineuse d'héroïne
oudetouteautresubstanceinjectableestunedesformeslesplusfréquentesd’abus
de drogues. La Consommation de drogues injectables (CDI) a été signalée dans
presquetouslespaysd'Afriquedel'Ouest,notammentauNigeria,enCôted'Ivoire,
auGhanaetauSénégal,souventenmettantl’accentsurlacapacitédelapratiqueà
aggraverlasituationdéjàpérilleusedel’épidémiedeVIH/SIDA.MêmesienAfrique
le VIH se transmet principalement par contact sexuel, un nombre important
d’infectionsliéesàlaCDIaétésignaléauSénégaletdanslesvillescôtièresduKenya
et de la Tanzanie. En effet, dans certaines régions du monde (Europe de l'Est, en
particulier)leprincipalmoteurdel'épidémiedeSIDAestlatransmissionduVIHpar
le partage d’équipement contaminé d’injection de drogues. Ainsi, en dehors de la
dépendance aux drogues, ce qui en soi est un trouble chronique nécessitant des
soins spécialisés, les utilisateurs de drogues injectables sont confrontés au risque
d'infection par le VIH ou tout autre virus contenu dans le sang. Par conséquent, il
impératifquetoutestratégienationaledeluttecontrel'épidémieduSIDAréponde
demanièreeffectiveauxbesoinsdestoxicomanes,notammentparlamiseenplace
demesuresderéductiondesméfaitscommec’estactuellementlecasauSenegal.14
DroguesetjeunesenAfriquedel’Ouest:quelquesobservationsfinales
Cequenousavonsprésentéci-dessusestunaperçugénéraldelasituationactuelle
delaconsommationdedrogueschezlesjeunesenAfriquedel'Ouest,etneconstitue
nullement une image complète du problème. Cette situation suscite un certain
nombre d’interrogations, notamment sur les facteurs de vulnérabilité, ou encore
pourquoi certains adolescents s’adonnent à la drogue et d'autres pas; sur les
conséquences de la consommation de drogues; et sur les voies et moyens
d’empêcher une amplification du mal, surtout quand on assisteà une disponibilité
croissante du nombre de psychotropes licites ou illicites. Si l’on prend l’exemple
précis de l'Afrique de l'Ouest, beaucoup de questions subsistent sur les risques
associés à la consommation de cannabis—la drogue la plus consommée dans la
région. Ces questions nécessitent de véritables réponses; heureusement que des
7
progrèssontréalisésgrâceàlarechercheeffectuéedansledomaine.Parexemple,
l’on reconnait de plus en plus (même si ce n’est pas encore de manière définitive)
queleTHC—lasubstancepsychoactiveducannabis—n’estpasinoffensiveetquela
consommation de cannabis pourrait être associée à une altération des fonctions
cognitivestellesquel'attention,lamémoire,l'apprentissageetlaprisededécision.
L'âged'initiationestunfacteurimportantdanslaconsommationdedroguesparce
qu’un cerveau qui n’est pas pleinement développé sera plus affecté qu'un cerveau
mature.Cequecelasignifiequ’enAfriquedel'Ouest,commeailleurs,lesjeunesont
besoin d'être protégés contre l'usage de drogues grâce à des programmes de
prévention bien réfléchis et basés sur des expériences antérieures qui ont porté
leursfruits.
Aujourd’hui, l'image des jeunes en Afrique de l'Ouest est celle d'une population à
trèsfortrisqueparrapportàleurspairsdansd'autrespartiesdumonde.Quelque
soit l’angle sous lequel on aborde le problème—l’emploi, l'alphabétisation,
l’espérance de vie, l’exposition aux conflits sociaux, la possibilité d’exploiter son
potentiel au maximum—l'adolescent ou le jeune adulte ouest africain est très
désavantagé.Ladroguenefaitques’ajouterauxnombreuxproblèmesauxquelsles
jeunes et leurs familles sont déjà confrontés au quotidien. Par conséquent, les
discussionsetprogrammesvisantàluttercontreleproblèmecroissantdeladrogue
parmilesjeunesdoiventprendreencomptelesconditionssocio-économiquesdans
lesquelleslaplupartdecespopulationsvivent.
Onnepouvaitchoisirmeilleurmomentpourcontribueraudébatmondialactuelsur
lessolutionsàapporterauproblèmedeladrogue,surtoutdansunmondemoderne
avec une plus grande connaissance des substances psychoactives. Les spécialistes
semblent s’accorder sur le fait que l'approche traditionnelle de lutte contre la
drogue qui a prévalu pendant des décennies a lamentablement échoué et a
malheureusement eu comme principale conséquence l'incarcération—et d'autres
formes de punition—de la plupart des jeunes issus de milieux défavorisés. Pour
l’heure, la plus belle occasion qu’il nous est donnée d’abandonner l’approche
punitive et instinctive en matière de lutte contre la drogue est la Session
extraordinairedel'AssembléegénéraledesNationsUniessurlesdroguesprévueen
avril 2016 à New York. La position africaine commune15 et les déclarations
concoctées par plusieurs organisations de la société civile ouest africaine et
déposées au secrétariat de l’UNGASS sont claires sur une chose: la consommation
de drogues est un problème de santé publique et ne relève guère du système de
justicepénale.
Même si le trafic de drogue exige l'application des lois en vigueur pour réduire,
sinon éliminer l'offre, l'utilisateur n’est pas un criminel, mais quelqu’un (le plus
souventunjeune)quiabesoind'aidepoursurmonterladépendancedontilsouffre.
Il est temps que l’on arrive à un consensus mondial sur le problème de la drogue
afind'alléger lesjeunesdufardeaudelaconsommationdedrogues, enAfriquede
l'Ouestetégalementdanslemondeentier.
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