LES RÉGIMES DE RETRAITE D`EMPLOYEUR PERDENT

Transcription

LES RÉGIMES DE RETRAITE D`EMPLOYEUR PERDENT
LES RÉGIMES
DE RETRAITE
D’EMPLOYEUR
PERDENT-ILS
LEUR ATTRAIT ?
par
Alexandre Daudelin
SELON UNE RÉCENTE ÉTUDE
de l’Institut Info-retraite BMO, intitulée Perfecting the workplace
pension : the quest continues, les Canadiens n’accordent pas une
grande importance aux régimes de retraite d’employeur lorsqu’ils
évaluent les possibilités d’emploi. Seulement 7 % des personnes
sondées ont répondu qu’elles considéraient qu’un bon régime de
retraite est le facteur le plus important, comparativement au salaire
(47 %) et aux modalités de travail flexibles (22 %).
Donnée intéressante, seulement 9 % des répondants du sondage
ont déclaré qu’ils quitteraient très probablement leur emploi actuel
pour un autre si le nouvel employeur offrait un meilleur régime de
retraite ou d’épargne. La moitié des répondants toutefois ne pouvaient
pas indiquer les caractéristiques indispensables qu’ils incluraient dans
leur régime de retraite d’employeur s’ils en avaient la possibilité.
Nous avons donc demandé à trois experts reconnus dans
l’industrie de commenter ces résultats et de partager leur vision
concernant l’avenir des régimes de retraite.
›8mi`c)'() / 17
L ES R É G I MES D E RETRAITE D’EMPLOYEUR PE RD E N T-ILS L E U R AT T RAIT ?
Lançant le débat, Claude Leblanc, vice-président, Ventes
Régimes d’épargne et de retraite collectifs et affaires publiques, à
la Standard Life, se dit nullement surpris de ces résultats. « Ce
qui motive les gens, c’est d’abord d’atteindre leur plein potentiel.
Les avantages sociaux et la retraite ne sont guère excitants pour
eux, à moins qu’ils approchent de la retraite. »
régimes de retraite ne sont pas l’un des principaux critères pour un
employé qui désire changer d’emploi. « Cela ne veux pas dire que les
régimes de retraite ne sont pas importants du tout, mais simplement
qu’il ne s’agit pas d’un élément clé. On remarque toutefois depuis
quelque temps que les régimes de retraite reviennent à l’avant plan
dans les discussions », fait-il remarquer.
« Cela ne veux pas
dire que les régimes
de retraite ne sont pas
importants du tout,
mais simplement
qu’il ne s’agit pas
d’un élément clé. »
Ignorance et déception
Martin Cyrenne, actuaire chez Normandin Beaudry, partage le
même avis, surtout si les résultats ne sont pas segmentés selon l’âge.
« Malgré le fait que les jeunes sont plus au fait des régimes de
retraite que ce que l’on pourrait croire, le salaire et la flexibilité sont
plus importants à leurs yeux. Je serais toutefois surpris d’apprendre
que les résultats sont similaires pour le gens de 45 ans et plus.»
Pour Benoit Hudon, conseiller principal et Chef de la pratique
Retraite, Montréal, chez Towers Watson, il faut être prudent avec
l’interprétation de ces résultats, puisque cela révèle seulement que les
18 / 8mi`c)'()›
Il n’est pas rare que les employés se trouvant à quelques années de
la retraite s’aperçoivent qu’ils recevront une rente moins généreuse
qu’ils l’avaient imaginé. La plupart des gens ne prennent pas le
temps de s’intéresser à leur retraite ou ne possèdent pas les
connaissances en placement nécessaires pour participer activement
à la gestion de leur épargne-retraite. Cela a sans doute un impact
sur l’appréciation des employés des régimes de retraite offerts par
les employeurs.
Pourtant, via leur fournisseur de services, les employeurs offrent
tous les outils nécessaires aux participants et font le maximum
pour les rejoindre.
« On remarque une grande incompréhension du fonctionnement des régimes de retraite, surtout chez les moins de 45 ans
pour qui la retraite semble encore loin. Les employés doivent
d’abord saisir l’importance d’épargner, puis comprendre les notions
de base de l’investissement, la deuxième composante de la retraite.
Voilà le grand défi de notre industrie puisque nous vivons dans
une société axée sur la consommation », signale M. Leblanc.
Il fait remarquer que c’est vers la mi-quarantaine que les
participants ont accumulé un montant assez significatif pour que les
décisions concernant les placements prennent une réelle importance.
Benoit Hudon
Claude Leblanc
« Il s’agit d’un enjeu difficile à régler, poursuit Benoît Hudon.
Au-delà du manque de connaissances, peu de participants
savent combien ils doivent cotiser pour s’offrir un revenu de
retraite adéquat. »
La communication constitue un défi qui n’est pas prêt de
disparaître, soutient Martin Cyrenne. « Les fournisseurs de
services offrent bien des outils de communication, mais de façon
générale, les outils mis à la disposition des participants couvrent la
base et ne sont pas adaptés à leurs besoins spécifiques, explique-til. Les produits personnalisés sont dispendieux et nous ne sommes
présentement pas dans un contexte où les employeurs disposent de
budgets importants à allouer à la communication », explique-t-il.
Les employeurs peuvent-ils en faire de plus ?
Sans entrer dans les détails des Lignes directrices émises en
2005, les employeurs qui cotisent à un régime de capitalisation
pour leurs employés doivent mettre un minimum d’information
à la disposition des participants.
M. Cyrenne rappelle que ces lignes directrices ne constituent
pas une loi, mais les promoteurs doivent néanmoins s’y référer pour
comprendre les bonnes pratiques. « L’employeur à un certain rôle à
jouer à cet égard. Si le régime de retraite fait partie de l’enveloppe
offerte à l’employé lorsqu’il joint l’organisation, ce dernier doit
offrir une prestation de travail pour avoir droit à cette
rémunération. En contrepartie, l’employeur doit épauler l’employé
pour qu’il rende de bons services. Il ne faut toutefois pas accorder
une importance démesurée au régime de retraite, mais l’employé
doit y mettre un effort pour que ça fonctionne », dit-il.
« Il y a toujours place à l’amélioration notamment quant au
contenant, moins au contenu, enchaîne Benoît Hudon. Il faudra
penser à des campagnes de sensibilisation plus punchées et plus
interactives, et les présenter autrement que via des méthodes
traditionnelles. Nous sommes rendus à l’ère des applications
mobiles et des pages Web. De plus, il faut absolument adapter le
message selon le groupe ciblé. »
Pour Claude Leblanc, les employés demeurent ceux qui doivent
prendre leur épargne-retraite en main. Ils doivent trouver leur
intérêt à se préoccuper de leur avenir financier. « Le passage de la
vie active à la retraite constitue une étape cruciale, qui est souvent
une source d’anxiété énorme pour les participants. Les employeurs
ainsi que leurs fournisseurs peuvent faciliter cette transition. »
Il insiste plutôt sur le fait que les employeurs ont d’abord
l’obligation d’aider leurs employés à se réaliser comme individu.
Les outils afin de leur venir en aide dans la planification de la
retraite viennent ensuite. « Comme fournisseur, nous devons
livrer ces outils et les services demandés par l’employeur, mais la
stratégie à déployer revient à l’employeur. C’est à lui que revient la
responsabilité de soutenir ses employés », poursuit-il.
Martin Cyrenne
Quel sera l’impact des RPAC/RVER
sur les régimes actuels ?
Plusieurs se demandent quel sera l’impact des RPAC/RVER
sur les promoteurs de régimes. Seront-ils tentés de fermer leur
régime de retraite pour se limiter à offrir ce nouveau véhicule
d’épargne-retraite ?
« Un des objectifs de ces régimes est d’augmenter la participation à
un régime de retraite. Les statistiques canadiennes récentes montrent
qu’environ 6 salariés sur 10 n’ont pas accès à un régime d’épargne
retraite. Ces régimes auront certainement du succès pour diminuer ce
ratio. En ce qui concerne les promoteurs qui offrent déjà un régime,
j’ai l’impression que ce sera le statu quo », affirme Martin Cyrenne.
Même son de cloche pour Claude Leblanc qui croit qu’il s’agit
d’une option supplémentaire pour les entreprises de petite taille.
« Sur le plan fiscal, les nouveaux véhicules s’avéreront une option
plus intéressante pour les entreprises. L’arrivée du RVER/RPAC
créera surtout une pression chez les employeurs qui n’offrent rien
présentement de cotiser à tout le moins dans ce véhicule à leurs
employés, même si cela n’est pas obligatoire », estime-t-il.
À quoi faut-il s’attendre à plus long terme ?
L’avenir des régimes PD ne semble pas très rose. Benoît Hudon
estime que l’année 2012 risque d’être l’année de la grande
conscientisation, notamment en ce qui concerne l’écart grandissant
entre les régimes publics et privés. « Les déficits des régimes publics
étant provisionnés à même les taxes des contribuables, cela pourrait
engendrer bientôt des réactions au sein de la population, surtout
que plusieurs n’ont même pas accès à un régime de retraite.»
« Le Canada a longtemps résisté à la tendance mondiale, mais il faut
s’attendre à éventuellement davantage de conversions des régimes PD
vers les régimes CD. Il faudra alors voir si ce type de régime offre un
revenu de retraite adéquat à ses participants », continue-t-il.
« Je comprends les raisons financières qui poussent certains
employeurs à convertir leur régime, mais les conséquences à long
terme de ces décisions pourraient être tout aussi importantes
dans le futur, affirme Martin Cyrenne. Les employeurs qui auront
su adapter leur régime à prestations déterminées actuel
détiendront un avantage concurrentiel important dans la
recherche et le rétention de talents dans les prochaines années. »
Claude Leblanc conclue en amenant un point de vue
intéressant : « Au Canada, les régimes de retraite privés ont été
conçus de manière à lier les cotisations à l’employeur. Si un
participant d’un régime PD change d’emploi, il doit repartir à zéro
avec un autre régime, alors qu’en Europe, la cotisation au régime de
retraite est liée à l’employé. Donc, même s’il change d’employeur, il
garde ses acquis. Il s’agit d’une vision plus sociale de la retraite, et
cette façon de faire changerait possiblement la perception des
régimes PD aux yeux des travailleurs », termine-t-il.
›8mi`c)'() / 19