les hommes et la route

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les hommes et la route
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les hommes
et la route
Livre blanc édité par :
MMA IARD Assurances Mutuelles
Société d'assurance mutuelle à cotisations fixes - RCS Le Mans 775 652 126
MMA IARD
Société anonyme, au capital de 24 387 697 euros - RCS Le Mans 440 048 882
Sièges sociaux : 14 boulevard Marie et Alexandre Oyon - 72030 - Le Mans cedex 9
Entreprises régies par le code des assurances
Responsable de publication : Stéphane Daeschner
Livre blanc réalisé par l'agence Entre nous soit dit
Réalisation et rédaction des interviews : Benoît Quenet-Beauvallet
Synthèse : Bernard Pierre Molin
Imprimé en France par les Ateliers Réunis
Crédits photos : DR - C. Charzat
Chiffres clés : Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR)
Copyright MMA - Juin 2013 - Reproduction autorisée avec citation MMA.
02 | Les hommes et la route
3 645 personnes ont perdu la vie sur les
routes de France en 2012. Que de chemin
parcouru depuis 1972 où le pic de la mortalité routière avait été atteint avec 18 000
morts ! Plus récemment, entre 2001 et
2008, grâce à une mobilisation nationale
sans précédent, le nombre des tués a
baissé de 48 %.
Pourquoi ce
livre blanc ?
La vitesse, l’alcool, le téléphone au volant, la somnolence… sont des dangers
clairement identifiés par les automobilistes. L’évolution de la loi (radars, permis
à points), les opérations de prévention
sur le terrain, les campagnes de formation dans les écoles et de communication
via les médias, ont permis cette prise de
conscience. D’ailleurs certains facteurs de
la mortalité au volant – comme le non-port
de la ceinture – sont devenus mineurs.
Stéphane Daeschner
Mais nous savons trop bien qu’en matière
de prévention, rien n’est irrémédiable ni
acquis. Il faut toujours chercher et agir.
Aujourd’hui, l’objectif est de passer sous
la barre des 2 000 morts par an d’ici à 2020.
Et s’il convient de poursuivre les chantiers
existants, il faut aussi pousser la réflexion
sur d’autres sujets.
Directeur de la marque
et de la communication externe MMA
En charge de la prévention
des risques routiers
D’où l’idée d’ouvrir un nouveau débat, en
s’appuyant sur un constat : sur la route,
75 % des tués sont des hommes. En deuxroues, ils représentent 92 % des victimes.
Ces chiffres n’évoluent pas ou peu depuis
dix ans…
Alors MMA pose la question aux Français : sur la route 3 morts sur 4 sont des
hommes, pourquoi ?
Pour lancer le débat nous avons posé cette
question à douze experts : psychanalyste,
philosophe, psychologue, sociologue, policier, associations… Vous trouverez dans
les pages suivantes les conclusions de
ces échanges. Un éclairage utile avec des
pistes de réflexion et d’action.
Le débat continue sur Zérotracas.com
avec comme ambition que chacun –
conducteur comme piéton – devienne
acteur de sa propre prévention et porteparole auprès de ses proches de conseils
pratiques.
Bonne lecture.
Les hommes et la route | 03
Sommaire
03
12
Pourquoi ce livre blanc ?
La moto, un univers
qui reste masculin ?
05
Chiffres Clés
06
Les hommes plus accidentogènes que les femmes ?
par Marc Bertrand
13
Un accident peut
changer une vie ?
par Bertrand Parent
par Jean-Yves Salaün
14
07
Homme/femme, à chacun son
véhicule ?
l’accident grave en ville,
l’homme sur-représenté ?
par Yoann Demoli
par le Commandant Jean-Pierre
Jurkowski
08
15
Les hommes plus à l’aise avec
le passage du permis ?
Le chauffard… c’est l’autre ?
par Jean-Marie Renouard
par Sarah Benzaqui
16
09
L’entreprise, un effet
amplificateur ?
L’automobile, l’homme et la
puissance : le trio infernal ?
par Jean-Pierre Winter
par Philippe Boulleau
17
10
La perte de points,
un phénomène masculin ?
par Caroline Gastard
11
La jeunesse, période à risque
incontournable ?
par Jean-Pascal Assailly
04 | Les hommes et la route
Hommes/femmes,
tous égaux au volant ?
par Gilles Vervisch
18
Synthèse
22
MMA et la prévention
3 645
62 %
chiffres
clés
92 %
92 %
tués sur les routes de France en 2012
des personnes blessées sur la route sont des
hommes
des personnes impliquées dans des accidents
mortels avec un taux d’alcool positif sont des
hommes
76 %
des morts sur la route sont des hommes
des morts sur la route en deux-roues sont des
hommes
83 %
des condamnés pour homicides involontaires
sur la route sont des hommes
32 %
des femmes victimes d’un accident mortel
sont des passagères
75 636
blessés sur les routes de France en 2012
Les hommes et la route | 05
LES HOMMES
PLUS ACCIDENTOGÈNES QUE
LES FEMMES ?
Q
uelle que soit la tranche d’âge,
et dans la plupart des pays, les
hommes sont plus touchés par la
mortalité routière.
Diverses causes peuvent expliquer cette
tendance.
JEAN-YVES
SALAÜN
DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL –
ASSOCIATION
PRÉVENTION ROUTIÈRE
Jean-Yves Salaün est
titulaire d’un DEA en
science politique et
lauréat de la Fondation
Communication Demain
(Fondation Jean Ferniot). Il a d’abord été
journaliste avant de
rejoindre l’association
Prévention Routière
où il a occupé successivement les postes
de responsable des
publications, directeur
de la communication et
délégué général adjoint
en charge de la communication, du marketing
et des partenariats. Il en
est depuis mai 2011 le
délégué général. JeanYves Salaün est également depuis novembre
2011 vice-président de
la Prévention Routière
Internationale.
06 | Les hommes et la route
- Tout d’abord, la conduite, avec certains
sports, reste un secteur plus ou moins
réservé aux hommes, la femme ayant encore aujourd’hui des réticences à vouloir
s’imposer et pensant manquer de légitimité.
- Il faut également tenir compte de la surreprésentation des hommes sur certains
moyens de locomotion. Dans la catégorie
des deux-roues motorisés par exemple,
les hommes représentent 75 % des utilisateurs et cette catégorie représente globalement un quart des morts sur la route.
- Le type d’usage est également un paramètre important. Alors que les femmes
réalisent essentiellement des trajets
urbains entraînant peu d’accidents mortels, les hommes sont majoritaires sur les
déplacements de longue distance ou de
nuit.
- Mais l’élément le plus important est
sûrement le comportement. La transgression des règles, l’agressivité et la prise
de risque sont des facteurs typiquement
masculins, ceux-ci dépassant largement le
seul comportement routier.
À propos des comportements à risques,
cette prédominance reste forte chez les
hommes.
- Pour l’alcool, les hommes sont impliqués dans 92 % des accidents mortels, en
général avec des taux dépassant 1,5 g/l.
Au-delà de la problématique routière, il
s’agit d’un problème de santé publique
avec une dépendance plus forte à l’alcool.
- Pour la vitesse, les grands excès sont
en général réalisés par des hommes, les
clichés ayant encore la vie dure, l’homme
exprime sa virilité à travers son véhicule et
sa puissance.
- Pour les jeunes conducteurs hommes, un
autre élément entre en ligne de compte :
la construction même de son psychisme
n’étant pas totalement terminée, il ne réfléchit pas aux conséquences de ses actes.
Cependant, depuis plusieurs années, les
différences ont tendance à s’estomper.
D’une part, l’évolution de la cellule familiale a tendance à réduire les différences
de trajets selon les sexes, la femme ayant
des besoins de déplacement ne se limitant pas à l’urbain. D’autre part, dans la
nouvelle génération, il n’est pas rare de
voir la femme au volant et son conjoint en
place passager, y compris sur des trajets
de longue distance.
M
ême si la tendance actuelle est à la
convergence, quelques différences
subsistent sur le choix et l’utilisation de l’automobile entre les deux sexes.
Ainsi, les femmes roulent 20 % de moins
que les hommes en termes de kilométrage
annuel, sur des parcours nettement plus
urbains et avec une cylindrée plus faible.
Sur l’approche du véhicule, les femmes
sont deux fois plus nombreuses que les
hommes à affirmer qu’elles n’apprécient
pas la conduite.
Les critères de sélection d’un véhicule
restent également fortement sexués.
Alors que l’homme va rechercher l’exploit,
la femme va privilégier le confort, le caractère utilitaire et l’esthétique. Cependant
les recherches de notre sociologue ont réservé une surprise : 30 % des conducteurs
de 4x4 sont des femmes. Une tendance
qui peut être rapprochée des mères de
famille sélectionnant un monospace pour
se déplacer avec leurs enfants. La sélection du modèle se fonde sur l’habitabilité
et une recherche de sécurité avec une visibilité plus importante.
Des différences qui peuvent expliquer, en
partie, la surreprésentation des hommes
dans la mortalité routière avec des trajets
moins urbains (donc à vitesse plus élevée), un kilométrage plus important, mais
aussi des trajets de nuit plus nombreux
(travail de nuit ou horaires décalés). Mais
cela n’explique par tout. Trois morts sur
quatre sur les routes sont des hommes,
une répartition qui reste identique depuis
une trentaine d’années. Yoann Demoli
évoque également la question d’un comportement masculin plus à risques dans
la vie en général puisque ces proportions
hommes/femmes se retrouvent dans les
chiffres des suicides. Une piste à considérer avec prudence puisque aucune corrélation n’a été prouvée à ce jour.
En termes de comportement face à l’automobile, Yoann Demoli a noté quelques
évolutions ces dernières années :
- Sur le comportement de la femme :
celle-ci a tendance à adopter des comportements à risques, se rapprochant ainsi
des hommes. L’écart de l’espérance de vie
a d’ailleurs tendance à s’amenuiser.
- Sur l’approche du véhicule : le discours
sur le développement durable et le budget poussent de plus en plus les nouvelles
générations à opter pour des véhicules
plus propres et moins coûteux. Une ten-
HOMME/FEMME,
À CHACUN
SON VÉHICULE ?
YOANN DEMOLI
CHARGÉ DE COURS
À SCIENCES PO –
DOCTORANT À
L’OBSERVATOIRE
SOCIOLOGIQUE
DU CHANGEMENT
Ancien élève du département de sciences
sociales de l’Ecole
Normale Supérieure de
Cachan, Yoann Demoli
réalise une thèse consacrée à la sociologie de
l’automobile sous la
direction de Philippe
Coulangeon à l’Observatoire Sociologique du
Changement et au Laboratoire de Sociologie
Quantitative. A partir de
différentes enquêtes de
la statistique publique, il
étudie les variations de
l’équipement automobile et les pratiques de
mobilité des ménages,
sous l’angle du genre,
des générations et des
groupes sociaux dans la
France contemporaine.
Il est également chargé
de cours à Sciences
Po, à Paris Panthéon
Sorbonne et à l’Ecole
Nationale de la Statistique et de l’Administration Economique.
dance dont se sont emparés les constructeurs allemands pour leur communication,
passant de la puissance à la sécurité et au
confort.
- Enfin le développement du véhicule
électrique - qui se veut plus sécuritaire
avec une vitesse moins élevée qu’un véhicule classique - pourrait changer la donne.
Cependant, notre sociologue rappelle
que cet atout de sécurité pourrait disparaître avec les progrès technologiques
qui permettront sûrement de rouler à une
vitesse plus élevée pour une même durée
d’autonomie.
La voiture électrique, une idée qui n’est
pas neuve. Au début du XXe siècle, les
constructeurs pensaient qu’elle serait parfaitement adaptée aux femmes car propre,
peu bruyante et ayant peu d’autonomie !
Les hommes et la route | 07
Même s’il n’existe pas véritablement de
discours distinct entre garçons et filles
pendant l’apprentissage, les formateurs
s’appuient sur deux méthodes :
- faire partager leurs expériences lors des
cours de conduite sur le terrain, l’objectif
étant de les faire réfléchir face à une situation qui peut se dégrader très rapidement
au volant,
- l’autre volet repose sur des animations
collectives mixtes en salle afin de provoquer un échange entre jeunes hommes
et jeunes femmes, ces dernières jouant
souvent un rôle « modérateur » face à
l’impulsivité et aux certitudes des jeunes
hommes.
LES HOMMES
PLUS À L’AISE
AVEC LE PASSAGE
DU PERMIS ?
D
ès l’apprentissage de la conduite,
les jeunes conducteurs montrent
plus de facilité et d’aisance au
volant que les jeunes conductrices. Pour
notre formatrice, cette tendance serait
liée à une attirance plus forte des jeunes
hommes pour l’objet automobile, mais
également à un intérêt plus marqué pour
la technique et la manipulation du véhicule.
Dès les premiers cours de conduite, cette
aisance se traduit parfois par une tendance des apprentis conducteurs à faire
moins d’efforts et à porter moins d’attention par rapport aux futures conductrices.
Un facteur serait déjà perceptible lors de
cet apprentissage : la vitesse non adaptée.
Face à cette situation, les formateurs sont
régulièrement obligés de rappeler les
jeunes hommes à l’ordre pour qu’ils ne
soient pas en sur-confiance, nous confie
Sarah Benzaqui, leur expliquant que face
à une situation à risques, ils risquent de
ne pas pouvoir adapter leur conduite,
n’ayant pas l’ensemble des connaissances
techniques, ni les réflexes nécessaires.
08 | Les hommes et la route
SARAH BENZAQUI
FORMATRICE ET VICEPRÉSIDENTE DE L’ÉCOLE
DE CONDUITE FRANÇAISE (ECF)
Ayant suivi une formation universitaire en
sciences de l’éducation, Sarah Benzaqui
obtient son diplôme
d’enseignante de la
conduite en 1992. Elle
commence à travailler
à l’ECF dès 1994 en
reprenant l’entreprise
de ses parents (ECF
Trinité, Paris IXe). Elle
est également ingénieur
en formation pour le
groupe ECF et travaille
ainsi au développement
de nouveaux produits.
Particulièrement investie
dans son métier, elle fait
également partie d’un
syndicat professionnel et
s’occupe de la formation
des moniteurs. Enfin,
elle anime des stages de
récupération de points.
Cependant Sarah Benzaqui tient à apporter quelques nuances à ce tableau.
D’une part, le passage du permis de
conduire est, depuis quelques années,
désacralisé. La voiture - objet de passion
et de désir - devenant plus un objet utilitaire. L’évolution sociétale positionne plus
la voiture au rang de sources de pollution,
alors que le coût et l’écologie poussent
vers un usage plus raisonné et plus posé
de ce moyen de locomotion.
D’autre part, au sein des grandes agglomérations, l’obtention du permis est moins
liée à une liberté de déplacement. D’ailleurs, au sein de son école de conduite
à Paris dans le IXe arrondissement, notre
formatrice nous explique que l’âge moyen
de ses stagiaires se situe aux alentours de
30 ans.
Un autre élément marquant est le stage
de perfectionnement ou de remise à
niveau. Ce passage dans les écoles de
conduite est plébiscité par les femmes
(en moyenne, un homme pour cinq à
dix femmes par session). Ces femmes
cherchent à reprendre confiance au volant
après une période sans conduite, préférant les conseils d’un formateur aux réactions de leurs conjoints !
P
remière cause d’accident mortel, la
conduite automobile est un enjeu essentiel dans le monde de l’entreprise.
Sur les différences homme/femme, Philippe Boulleau constate que, bien que
l’exposition au risque soit à peu près similaire, la manière d’aborder ce risque est
très différente selon le sexe. En effet, alors
que la femme est plus dans la retenue et
la prise en compte d’une marge de sécurité, l’homme veut prouver qu’il est courageux et téméraire. Un antagonisme vrai
dans le milieu personnel et amplifié dans
le monde du travail.
Une tendance que notre pilote a remarquée lors de stages de conduite avec des
freinages d’urgence ou de conduite sur
sol glissant.
Techniquement, la femme sera plus dans
la retenue. Faute de ne pas pouvoir appréhender exactement la réaction du
véhicule, elle n’ira pas jusqu’à la limite du
risque mais prendra une décision bien en
amont afin de s’accorder une marge de
sécurité. De son côté, l’homme voudra
démontrer sa capacité de contrôle et sa
témérité en essayant de s’approcher de la
zone à risque, en la dépassant parfois.
Face aux conseils de spécialistes, alors
que la femme a un degré d’écoute important, répondant immédiatement à une
invective lors d’une mise en situation au
volant, l’homme aura généralement un
temps de réflexion, contestant parfois la
demande ou le conseil de son formateur,
affirmant parfois « je fais ça depuis vingt
ans… ».
L’approche de ces mises en situation est
également différente : alors que la femme
cherche la mise en œuvre pratique du
conseil, l’homme est parfois en attente
d’explications techniques ou mécaniques
pour comprendre le phénomène.
Une problématique reste cependant unisexe : le téléphone et les outils multimédias. Même si les chefs d’entreprises et
les responsables ont pris conscience des
risques du téléphone au volant, poussés souvent par des décisions de justice,
l’apparition de nouveaux équipements
embarqués de liaison entre l’employé et
son entreprise pourrait devenir une source
d’inquiétude selon Philippe Boulleau. En
effet, malgré les progrès technologiques,
ces accessoires restent des perturbateurs
de conduite, détournant l’attention du
conducteur de la route.
L’ENTREPRISE,
UN EFFET
AMPLIFICATEUR ?
PHILIPPE
BOULLEAU
FORMATEUR ET PILOTE
EXPERT – DRIVETEST
Ancien pilote moto de
haut niveau (Enduro &
Rallye Raid), Philippe
Boulleau est devenu
au fil du temps un
spécialiste reconnu de
l’adhérence, analysant et
maîtrisant les liaisons au
sol des véhicules depuis
plus de dix ans. Diplômé
BPJEPS, il dirige le
département R&D du
Skid Concept depuis sa
création en 2002. Ses
domaines d’intervention
sont la mise au point
des aides au contrôle
du châssis pour les
constructeurs et équipementiers automobiles,
mais aussi la formation
à l’éco sécurité. Co-fondateur de Drive Test, il
développe et anime les
formations spécifiques
pour la maîtrise du
risque routier notamment pour les services
de secours comme les
SDIS, la gendarmerie ou
bien la police.
Enfin, autre paramètre particulièrement
présent dans le monde de l’entreprise :
le stress. Un élément qui peut se révéler
particulièrement accidentogène. Or, il
apparaît, selon son expérience, que les
hommes sont globalement plus exposés
au stress que les femmes.
Les hommes et la route | 09
LA PERTE
DE POINTS,
UN PHÉNOMÈNE
MASCULIN ?
S
i les stages de récupération de points
devaient être le reflet du caractère
infractionniste des conducteurs,
celui-ci serait essentiellement masculin.
En effet, lors de ses sessions en groupe,
Caroline Gastard sensibilise un auditoire
essentiellement - ou parfois exclusivement - composé d’hommes. Les quelques
femmes présentes sont en général peu
représentatives des conductrices lambda,
celles-ci ayant été contraintes au stage
par des comportements assez « masculins » sur la route.
Ces stagiaires ont en commun d’être des
conducteurs très actifs, voire hyperactifs,
de ne pas reconnaître facilement leurs infractions, reportant généralement la faute
sur le système : présence trop nombreuse
de radars, répression avant tout, forces
de l’ordre cherchant à les piéger… Notre
animatrice est habituée aux discours bien
rodés de ses interlocuteurs, trouvant plus
facile de parler des autres que de soi.
Parmi les infractions avec perte de points,
la vitesse est en général l’élément central
de ces stages. Les formateurs doivent faire
face à deux problématiques différentes.
La vitesse synonyme de plaisir : dans ce
cas il est souvent difficile de tirer un trait
sur cette « passion », ces conducteurs
n’ont pas réussi à adapter leur conduite
malgré le développement des radars. La
vitesse dans le travail, synonyme d’opérationnel et d’efficacité, un autre objectif est
alors en jeu : apprendre aux stagiaires à
10 | Les hommes et la route
mieux gérer leurs agendas et leur stress.
CAROLINE
GASTARD
FORMATRICE ET
CONSULTANTE SÉCURITÉ ROUTIÈRE CG FORMATION ET CONSEIL
– ANIMATRICE STAGES
DE RÉCUPÉRATION DE
POINTS POUR AUTOMOBILE CLUB ASSOCIATION – AUTEUR DE
« POURQUOI ÊTES-VOUS
INFRACTIONNISTE ? »
Titulaire du BEPECASER (enseignante de la
conduite automobile) et
du BAFM (formatrice de
formateurs en sécurité routière), Caroline
Gastard dispense des
formations spécifiques
à l’animation de stages
de sensibilisation à la
sécurité routière dans
le cadre du permis à
points depuis 2004. Elle
intervient également en
entreprise pour la mise
en place de plans de
prévention et d’actions
de prévention en sécurité routière. Enfin, elle
anime des stages de
sensibilisation à destination de conducteurs
infractionnistes.
Sur cette thématique de la vitesse, le processus de perte de points diffère entre
hommes et femmes, les femmes étant plus
sujettes à l’accumulation de petits excès de
vitesse (moins de 20 km/h), souvent liés à
l’inattention et à la nature même des déplacements (les femmes réalisant des trajets
plus urbains que les hommes).
L’intégration des conseils prodigués pendant ces stages diffère également selon le
sexe. Alors que les femmes modifient leurs
comportements au volant quel que soit le
trajet, avec ou sans enfant, en ville ou hors
agglomération, les hommes auraient tendance à modifier leurs comportements uniquement lors de trajets familiaux.
Cependant, Caroline Gastard nous confie
que dans une société qui prône la vitesse,
il n’est pas aisé de faire comprendre que
celle-ci n’est pas de mise sur la route.
Enfin, que dire d’une femme formatrice
souvent accompagnée d’une psychologue
femme face à un auditoire masculin ? Notre
experte nous explique que c’est plutôt un
atout, mettant de côté les rivalités et permettant une autre approche de la problématique tout en rappelant qu’il ne s’agit
pas de faire la morale, mais d’apporter des
pistes de réflexion.
M
ême si la notion de rite de passage entre l’adolescence et l’âge
adulte – très importante chez nos
parents et grands parents – est de moins
en moins présente, le passage derrière le
volant reste une période délicate pour les
jeunes hommes.
Une des explications repose sur la différence biologique homme/femme et
l’agenda neurobiologique qui tombe
en pleine période des premiers pas de
conducteur. En effet, alors que les jeunes
filles voient leur taux d’œstrogène multiplié simplement par 3, chez le garçon
entre le passage de l’adolescence à l’âge
adulte, le taux de testostérone est multiplié par 14 en moyenne !
Le jeune homme doit faire face à ce que
qualifie notre psychologue de « véritable
bombardement d’hormones ». Cette
testostérone joue naturellement un rôle
important dans l’agressivité, la prise de
risque et la compétitivité. Cet apport
d’hormones « allume » un système de
récompense étroitement lié au plaisir, à
une période qui coïncide souvent avec le
passage du permis de conduire et les premières années au volant.
JEAN-PASCAL
ASSAILLY
PSYCHOLOGUE ET
CHERCHEUR À L’IFSTTAR
(INSTITUT FRANÇAIS DES
SCIENCES ET TECHNOLOGIES DES TRANSPORTS, DE L’AMENAGEMENT ET DES RESEAUX)
Psychologue, chercheur
à l’IFSTTAR depuis 1988
(anciennement INRETS),
Jean-Pascal Assailly a
synthétisé et diffusé ses
connaissances dans deux
ouvrages : Les jeunes et
le risque, Vigot (1992) ;
Que sais je « la mortalité
chez les jeunes », PUF
(2001). Il travaille sur
les influences de l’environnement familial sur
les attitudes et comportements des jeunes.
Depuis 2 ans, il travaille
au Vietnam pour la
Banque mondiale afin de
construire le continuum
éducatif en sécurité
routière.
Sur les solutions à apporter, Jean-Pascal
Assailly propose deux pistes :
- d’une part, avant 15 ans, les parents devraient apporter une éducation moins stéréotypée selon le sexe de leur enfant, en
protégeant plus le jeune garçon.
- d’autre part, dans le cursus d’apprentissage de l’éducation routière, la formation
devrait tendre vers une distinction entre
les deux sexes, appuyant plus sur la notion de pilotage pour les jeunes filles alors
que la formation, les raisons et la compréhension des règles seraient les éléments
centraux pour les jeunes garçons.
Cependant cette phase « à risques » n’est
souvent que temporaire, la relation avec
un conjoint stable ou un enfant joue un
rôle indéniable dans la baisse de prise de
risques selon notre psychologue. Ce lien
rendant le jeune homme plus responsable
pour autrui que pour lui-même.
Un risque d’autant plus important que,
alors que la production de testostérone
plonge le jeune directement dans l’âge
adulte, les connexions du système de
contrôle des récompenses – véritable
modérateur de ces pulsions - ne sont pas
encore en place. Un système de gestion
du risque et du rationnel qui n’est totalement opérationnel qu’à partir de 22, 23 ou
24 ans.
Les conséquences sur la conduite des garçons sont révélatrices : ils prennent plus
de risques et respectent moins les règles
pour tester leurs limites. Les chiffres de
l’accidentalité n’en sont que le reflet :
sur 10 tués entre 15 et 25 ans, 8 sont des
hommes, 1 femme parmi les 2 tuées était
passagère d’un véhicule conduit par un
homme.
Alors que les jeunes conductrices sont
plus dans le registre de l’erreur, de la compréhension et de la trajectoire, les jeunes
hommes sont dans celui de l’infraction
avec la vitesse, l’alcool, le cannabis, le
refus de priorité ou le franchissement de
lignes blanches…
LA JEUNESSE,
PÉRIODE
À RISQUE
INCONTOURNABLE ?
Les hommes et la route | 11
sont désormais utilisateurs de plusieurs
moyens de déplacements.
Sur l’approche de la prise de risque, selon
le chargé de mission, ce n’est pas le sexe
qui est un facteur déterminant mais plus
une approche de l’engin, entre le passionné et l’utilitaire. L’utilitaire, souvent un automobiliste passé au deux-roues pour des
questions pratiques, n’a pas conscience
des risques routiers spécifiques, malgré la
formation obligatoire de 7 heures, lors de
ses premiers déplacements. Un sur-risque
qui a tendance à diminuer généralement
avec la pratique.
LA MOTO,
UN UNIVERS
QUI RESTE
MASCULIN ?
MARC BERTRAND
CHARGÉ DE MISSION
SÉCURITÉ ROUTIÈRE FÉDÉRATION
FRANÇAISE DES
MOTARDS EN COLÈRE
Âgé de 48 ans, Marc
Bertrand est chargé de
mission au secrétariat
national de la FFMC
depuis janvier 2009.
Analyses, synthèses et
suivi de l’accidentologie
routière, interface avec
les pouvoirs publics,
coordination des actions
de sensibilisation à la
sécurité routière sont
ses principales activités. Auparavant, il était
journaliste au mensuel
Moto-Magazine, spécialisé sur le voyage à moto
et l’univers de la moto
ancienne, domaines qu’il
considère comme des
vecteurs de lien social
par la découverte, le
partage et la solidarité.
12 | Les hommes et la route
S
’il existe une catégorie d’usagers où
la part de l’homme reste prépondérante, c’est celle des deux-roues
motorisés. L’image du motard cuir sur
une grosse cylindrée est tenace, malgré
l’ouverture de l’accès des 125 cm3 aux
titulaires du permis A depuis quelques
années.
En effet, les femmes ne représentent que
25 % des usagers1 et utilisent essentiellement des petites cylindrées (48 % choisissent des 80 cm3 ou moins) pour des
déplacements urbains.
Pour Marc Bertrand, cette prédominance
de l’homme trouve sa source dans plusieurs facteurs. D’une part, les femmes ont
une vision nettement plus utilitaire de la
moto, l’utilisant en complément de la voiture, car peu adaptée à certaines activités
quotidiennes. D’autre part, les femmes se
tournent plus volontiers vers des engins
de faibles cylindrées en raison du poids
et de la maniabilité. Cependant, notre expert du monde de la moto et du scooter,
tient à préciser que la plupart des usagers
1- Etude TNS Sofres du 7 mai au 18 mai 2009 pour GEMA
Prévention, auprès des conducteurs de deux-roues motorisés
(50cc et plus) âgés de 15 ans et plus. 639 interviews ont été
menées en ligne.
Autre élément prépondérant, c’est l’exposition au risque. Par nature, le scootériste ou le motard est plus exposé, par
une protection plus faible que l’automobiliste. L’enjeu est bien sûr la protection
vestimentaire : l’homme est en général
mieux équipé que la femme au sein de
la catégorie des usagers utilitaires en raison d’une contrainte sociétale moins marquée. Il est, en effet, plus simple de passer
du costume cravate à une tenue adaptée
à la conduite d’un deux-roues motorisé
que du tailleur talons aiguilles à un vêtement plus adapté.
Sur le portrait type de l’accident mortel
en deux-roues motorisé – un homme de
la quarantaine, sur une grosse cylindrée,
en rase campagne – Marc Bertrand tient à
relativiser les données de la Sécurité routière. Certes, la mortalité de cette catégorie est plus présente en milieu rural qu’en
milieu urbain, mais c’est en raison du facteur vitesse et de la protection plus faible
qu’un automobiliste. Pour la part importante des hommes motards tués sur les
routes, celle-ci reste liée, selon notre spécialiste, à la forte proportion d’hommes
dans la population des usagers des deuxroues motorisés.
Enfin, sur le partage de la route entre automobilistes et deux-roues, les hommes au
volant auraient tendance à avoir des comportements plus agressifs et moins soucieux des motards alors que les femmes
seraient, certes, plus sensibles de cette
coexistence, mais auraient tendance à
oublier les distances de sécurité et à « coller » parfois le deux-roues par inattention.
A
20 ans, Bertrand Parent, rentrait
chez lui sur une petite départementale de province qu’il connaissait parfaitement. Il a voulu doubler un
véhicule. À ce moment, un automobiliste
est arrivé en face. Bertrand Parent a perdu le contrôle de sa voiture et a percuté le
véhicule provoquant, sur le coup, la mort
du conducteur.
Les jours et les semaines suivants sont
terribles pour Bertrand Parent qui a honte
de parler de sa souffrance, alors que celle
de la famille du jeune qu’il a tué est infiniment plus grande. « Une situation qui
pousse au silence et au tabou, j’ai mis 25
ans à pouvoir en parler comme j’en parle
aujourd’hui » nous confie-t-il.
« Quand à 20 ans on tue quelqu’un, il y
a quelque chose qui se casse », explique
Bertrand Parent. Pour autant, il n’a pas
mis la voiture de côté, reprenant la route
après sa suspension de permis. Simplement, le regard sur la conduite est différent, plus attentif aux transgressions et
aux libertés que prennent certains avec le
code de la route. Circulant aujourd’hui en
scooter dans Paris, il a toujours un regard
sur le rétroviseur du conducteur afin de
voir ce que fait l’automobiliste.
De cet événement, Bertrand Parent ne
conserve pas de réelles séquelles psychologiques, hormis - peut être - des difficultés à se faire conduire par une autre personne, tout en affirmant, qu’au regard des
statistiques, il remettrait plus facilement
sa vie entre les mains d’une femme que
d’un homme !
Cet homme est devenu un militant de la
sécurité routière, à travers son livre, mais
aussi lors de tables rondes.
Lors de ses passages dans les lycées ou
les centres de formation, il est toujours
étonné de l’orgueil des jeunes hommes,
du refus d’accepter leurs limites et de la
peur des jeunes filles de dire non pour
rentrer de discothèque avec un copain qui
n’est pas en état de conduire.
UN
ACCIDENT
PEUT CHANGER
UNE VIE ?
BERTRAND
PARENT
JOURNALISTE – AUTEUR
DE « UN JOUR, SUR LA
ROUTE, J’AI TUÉ UN
HOMME »
Bertrand Parent, 48 ans,
journaliste, ancien rédacteur en chef du Parisien
/ Aujourd’hui en France
est l’auteur du livre Un
jour sur la route j’ai tué
un homme, Editions Max
Milo. Jugé et condamné
pour homicide involontaire, Bertrand Parent
a vécu pendant 26 ans
avec un mort sur la
conscience, sans jamais
parler de cette tragédie qui a bouleversé sa
vie. Il a enquêté sur son
propre passé, interrogé
des victimes de la violence routière ainsi que
celles et ceux qui luttent
contre les excès au volant. Il milite désormais
au grand jour contre la
violence routière notamment dans les lycées.
Sur le monde du travail, notre témoin a
remarqué une nette amélioration comportementale, certaines sociétés interdisant même l’usage du kit mains libres au
volant. Cependant, d’autres restent sur
des pratiques plus douteuses, payant les
amendes et/ou les stages de récupération
de point de leurs salariés.
Plus globalement, Bertrand Parent regrette qu’il n’y ait pas de continuité dans
la politique de sécurité routière à l’image
d’autres pays. Selon lui, la politique sécuritaire, souvent mal vécue, est là pour le
bien commun.
Les hommes et la route | 13
L’ACCIDENT
GRAVE en ville,
L’HOMME
SUR-REPRÉSENTÉ ?
L
COMMANDANT
JEAN-PIERRE
JURKOWSKI
CHEF DE SERVICE –
SERVICE DU TRAITEMENT
JUDICIAIRE DES ACCIDENTS – PRÉFECTURE
DE POLICE DE PARIS
Né en 1956 à Paris,
Jean-Pierre Jurkowski est
Commandant à l’échelon Fonctionnel, chef du
Service de Traitement
Judiciaire des Accidents
depuis 7 ans. Il a débuté
sa carrière par 5 ans
d’expérience dans le
privé avant d’intégrer la
police comme gardien de
la paix en 1980. En sortie
de scolarité, il rejoint
la Préfecture de Police,
passe le concours d’officier de Paix en 1991 et
intègre l’école supérieure
des Officiers de Police de
Nice pour une scolarité
de 2 ans. A la sortie, il est
affecté comme Lieutenant
de Police à la Police de
l’Air et Frontières,
Brigades des chemins de
fer de la Gare du Nord.
14 | Les hommes et la route
e STJA est un service particulier de la
Préfecture de Paris, en charge, entre
autres, des accidents graves ou mortels de l’agglomération parisienne et présent dès les premières minutes suivant
l’accident jusqu’au transfert du dossier à
la justice. Sur un peu moins de 7 000 accidents de la circulation, ce service en prend
en charge environ 8 %. À ce titre, il constitue un observatoire privilégié du risque
routier en ville.
Premier élément notable, les équipes du
commandant Jurkowski ont à faire essentiellement à des hommes.
Un constat qu’explique l’officier de police
par la nature même des accidents selon
les sexes : les femmes ayant en général
des accidents matériels de faible gravité,
hors du champ d’activité du service.
Sur les principales causes d’accidents
graves, la proportion homme/femme est
de 75 %/25 % dans le cadre de vitesses
excessives et de 85 %/15 % pour les alcoolémies à Paris.
Suite à un accident grave ou mortel, ces
spécialistes de la Préfecture de Police
doivent souvent faire face dans les premières minutes à des auteurs perturbés,
ayant des difficultés à avoir une appréciation objective des faits et du déroulé
de l’accident, cherchant souvent à se
défausser, en estimant que « ce n’est pas
moi, c’est l’autre ». Manque d’attention
ou infraction, l’enquête permet d’obtenir
rapidement, sur le terrain ou lors d’investigations, des indices et des faits afin de
comprendre les causes de l’accident.
C’est à ce stade que, généralement, les
auteurs des accidents reviennent sur leurs
premières déclarations. Seule une part
marginale, souvent habituée à d’autres
délits, campe sur ses positions, n’ayant
souvent aucune empathie pour les victimes.
Le commandant tient à préciser que les
rares femmes interrogées par son service
sont des cas atypiques de conductrices
ayant voulu se comporter comme des
hommes ! Ou des situations exceptionnelles, telle que cette femme de 80 ans
roulant à vive allure dans un couloir de
bus, ayant renversé un piéton aveugle et
rejetant la faute sur ce dernier.
Cependant ces femmes montrent généralement plus de retenue et, face aux faits,
contestent très peu.
Le commandant Jurowski rappelle que
l’accident trouve sa source à 95 % dans le
comportement du conducteur, et qu’en
tant qu’usager de la route, il voit peu de
femmes prendre sciemment des risques
sur Paris !
L
a notion de bon conducteur est bien
souvent subjective. Qui n’a pas entendu dans un dîner un convive louer
sa manière de conduire et la phrase « moi
ça fait 20 ans que je conduis et je n’ai jamais eu un seul accrochage… ».
Jean-Marie Renouard a planché sur le
sujet en interrogeant des automobilistes
Le chauffard pousse parfois les autres
conducteurs à transgresser également la
règle, obligés, par exemple, d’augmenter
leurs vitesses si le chauffard arrive à vive
allure.
Le chauffard, un rôle purement masculin ?
Pour Jean-Marie Renouard, l’homme reste
conditionné par l’éducation et l’idée de
JEAN-MARIE
RENOUARD
LE CHAUFFARD…
C’EST L’AUTRE ?
infractionnistes dans un tribunal au cours
d’enquêtes sociologiques. Il apparaît que
seuls 10 % des interrogés estiment être de
mauvais conducteurs.
L’idée reste fortement ancrée dans l’esprit
des automobilistes « le mauvais conducteur ce n’est pas moi, c’est l’autre ».
Notre sociologue rappelle que la
conduite n’est en aucun cas une activité
individuelle. Dans le flux de circulation, le
conducteur est toujours observé par les
autres, jugé et jaugé. Il doit interpréter la
situation et la prise de décision est collective. Une norme collective qui régit la
bonne marche du trafic.
De son côté, le chauffard est un individualiste, incapable de s’adapter aux autres
et d’interpréter la situation qu’il traverse.
Pour cette catégorie de conducteur, le
code de la route n’est qu’une information
parmi d’autres, le critère le plus important
est la présence ou non de l’autre.
virilité et de puissance, la voiture étant un
territoire sur lequel il ne faut pas empiéter.
Par ailleurs, lors des interviews qu’il a pu
effectuer auprès de 40 conducteurs infractionnistes, force était de constater que la
majorité d’entre eux étaient des hommes
(36 pour 4 femmes). Toutefois, ce type de
comportement reste extrême et ne doit
pas qualifier l’homme.
L’évolution du regard sur le monde automobile et sur l’objet en lui-même apportera peut-être une tendance plus pacifiée.
Aujourd’hui, la voiture n’est plus le signe
de puissance, mais a intégré des notions
plus féminines telles que la rondeur des
formes ou la sécurité.
SOCIOLOGUE – MAÎTRE
DE CONFÉRENCE À
BORDEAUX II – AUTEUR
DE « AS DU VOLANT ET
CHAUFFARDS »
Jean-Marie Renouard
est maître de conférences en sociologie
à l’Université de Bordeaux et chercheur au
Centre de Recherches
Sociologiques sur le
Droit et les Institutions
Pénales (CESDIP-CNRS).
Après avoir étudié la
délinquance juvénile, il a
consacré des travaux à la
circulation routière : Les
effets de la répression
sur les comportements
d’infraction routière,
L’Harmattan (2006) ; La
délinquance routière,
Robert Ph. (Ed.) ; Crime
et sécurité : l’état des
savoirs, La Découverte
(2002) ; As du volant et
chauffards, Sociologie
de la circulation routière,
L’Harmattan (2000) ; Les
représentations de la
circulation et des interactions chez les automobilistes, L’Harmattan
(1997).
Les hommes et la route | 15
L
a relation entre l’homme et sa voiture reste un vecteur de croyances et
d’images encore très fort aujourd’hui.
Pour notre psychanalyste, aucun homme
n’est indifférent au fait de pénétrer dans
son véhicule, surtout lors des premières
années de sa vie d’automobiliste, l’engin
Cependant, il n’existerait pas d’amplification du caractère, ni de révélation du
caractère caché lorsque l’homme passe
derrière son volant.
Selon Jean-Pierre Winter, être au volant
change tout de même notre regard sur les
autres, sur le monde et sur soi-même. Une
L’AUTOMOBILE,
L’HOMME
ET LA PUISSANCE :
LE TRIO INFERNAL ?
JEAN-PIERRE
WINTER
PSYCHANALYSTE
De formation philosophique et juridique,
diplômé de psychologie
clinique, Jean-Pierre
Winter est spécialiste des pathologies
contemporaines. Il est le
co-fondateur et actuel
Président du Mouvement du Coût freudien.
Il est l’auteur de nombreux ouvrages et essais
portant notamment
sur les problèmes de
société : Les hommes
politiques sur le divan,
Calmann-Lévy ; Stupeur
dans la civilisation, Pauvert ; Dieu l’amour et la
psychanalyse, Bayard ;
Choisir la psychanalyse,
Point-Seuil ; Transmettre
(ou pas), Albin-Michel.
16 | Les hommes et la route
lui permettant d’obtenir l’autonomie et la
puissance.
Cette puissance, qui est une constante
dans les discours sur l’automobile, peut
être assimilée au pouvoir, à la force et à
la possibilité potentielle de pouvoir tuer.
Un désir de toute puissance qui concerne
plus les hommes que les femmes.
Bien que l’image véhiculée par les publicités change depuis quelques années (avec
le désir d’autonomie, la joie de vivre, le
confort et l’absence d’obstacle), cette
notion de puissance est toujours sous-jacente.
Pour l’homme, la voiture est un nouveau
moyen de faire la guerre. La route devient
alors, selon Jean-Pierre Winter, un champ
de bataille, un lieu du « tous contre tous »
et du « chacun pour soi ».
Dans ce schéma, la femme reste la garante de la vie et de la transmission alors
que l’homme part à la guerre.
des manifestations est la confiance que
l’on doit accorder aux autres lorsqu’on
prend le volant, avec le code de la route
en guise de lien social. En effet, que serait
le partage de la route si personne ne respectait, par exemple, un feu tricolore ?!
Tout en partageant la route, le simple fait
d’être dans son véhicule, à l’écart physique des autres, protégé et transporté,
peut assimiler, pour certains hommes,
l’habitacle du véhicule au ventre maternel,
apportant réconfort et sécurité.
Cette relation entre l’homme et la voiture
reste un rapport complexe. Comme tout
objet utilitaire, il peut devenir un objet
fétiche : certains donnent un petit nom
à leur voiture, leur parlent et la nettoient
tous les jours, d’autres deviennent des
collectionneurs ou adeptes de leur esthétique.
Concernant l’approche homme/femme,
Gilles Vervisch est prudent, en se posant
une question beaucoup plus large : existe-til un naturel masculin et un naturel féminin ?
Certes, on a longtemps fait la différence
par la force physique, un rapport homme/
femme qui reproduit une certaine forme
d’inégalité dans l’ensemble de la société.
Par habitude, l’homme est propriétaire,
pourquoi ne le serait-il pas du véhicule familial ? Il n’y a pas de raison que le monde
de l’automobile soit si différent.
HOMMES/
FEMMES,
TOUS ÉGAUX
AU VOLANT ?
I
l est toujours étonnant de voir la symbolique que placent les hommes dans
le choix de leurs véhicules. Au-delà du
caractère utilitaire de ce moyen de locomotion, certains y voient le reflet d’une
réussite sociale, de liberté ou d’autonomie, explique Gilles Vervisch.
Mais que dire de cette liberté lorsque,
pour aller d’un point A à un point B, un
homme préférera passer plus de temps à
bord de son véhicule que d’emprunter les
transports en commun ? s’interroge-t-il.
L’automobile reste, encore aujourd’hui,
un moyen d’identifier l’autre. Chacun, enfermé dans son habitacle, identifie l’autre
par la marque de la voiture, le modèle ou
la plaque minéralogique. L’autre n’étant,
d’après notre philosophe, qu’un modèle
ou un obstacle sur sa route.
GILLES VERVISCH
AGRÉGÉ DE PHILOSOPHIE – AUTEUR DE
« TAIS-TOI ET DOUBLE »
Né en 1974 à Rouen,
Gilles Vervisch est
agrégé de philosophie,
enseignant dans un lycée
de la région parisienne,
et animateur radio sur le
Mouv’ (Radio France). Il
est l’auteur d’une série
de livres chez Max Milo
qui tentent de donner
une approche accessible
et humoristique à la
philosophie : Comment
ai-je pu croire au Père
Noël ? (2009), Quelques
grammes de philo
dans un monde de pub
(2012). C’est ainsi qu’en
2011 est sorti Tais-toi
et double, une « philosophie du Code de la
route ».
Le monde de la publicité reste d’ailleurs
sur ces clichés : la femme roule dans une
petite citadine colorée pour des virées
entre copines alors que l’homme est au
volant d’un 4x4 blanc, haut de gamme,
sur des routes au sein de grands espaces.
Le caractère sexiste étant parfois poussé à son paroxysme. Ainsi, en 1993 par
exemple, Audi lançait une campagne
avec le slogan « il a la voiture, il aura la
femme ».
De nouveaux rapports entre homme et
voiture semblent être de plus en plus présents.
D’une part, il est maintenant possible de
personnaliser son véhicule au-delà des
séries avec un élément plus marquant : la
couleur. Plusieurs marques ont joué cette
carte dans leurs campagnes publicitaires.
C’est le cas de Citroën avec Hitchcock et,
plus récemment, de la dernière campagne
de Renault.
D’autre part, la problématique écologique et budgétaire est en train de modifier notre perception de l’automobile.
Cependant, ces nouveaux discours ne
sont-ils pas tout simplement liés à une
évolution du discours général ? Le monde
de l’automobile ne serait-il pas le reflet
naturel d’une société avec ses luttes de
pouvoir et ses différences entre les sexes ?
Les hommes et la route | 17
SYNTHÈSE
A CAUSE
DE QUOI ?
C
haque conséquence possède une ou
plusieurs causes. Ainsi, si 75 % des
morts sur la route sont des hommes,
les experts qui ont répondu à nos questions ont chacun évoqué quelques raisons
que nous allons ici résumer.
À cause de la
nature masculine
« La conduite reste un secteur plus ou
moins réservé aux hommes » débute JeanYves Salaün, de l’association Prévention
Routière. La formatrice Sarah Benzaqui va
plus loin : l’attirance des jeunes hommes
pour l’objet automobile les incite à se sentir surconfiants. Ils prennent plus de risques
et portent moins d’attention aux autres.
Sentiment partagé par un autre formateur,
Philippe Boulleau. La femme serait plus
dans la retenue : au volant, elle écoute les
explications et prend une marge de sécurité. Au contraire de l’homme, qui veut
prouver qu’il est courageux et capable de
tout contrôler, allant jusqu’à contester les
conseils prodigués. Un antagonisme qui se
retrouve souvent dans les vies privées ou
professionnelles, et qui pourrait expliquer
que les hommes soient plus exposés au
stress, un élément particulièrement accidentogène. Pour expliquer la surmortalité des hommes, beaucoup d’intervenants
évoquent les comportements typiquement
virils : transgression, agressivité, témérité,
égoïsme, orgueil, désir de puissance. Pour
Yoann Demoli, enseignant à Sciences Po,
18 | Les hommes et la route
la dichotomie va jusqu’aux critères de sélection d’un véhicule : performances pour
les hommes, sécurité et confort pour les
femmes.
À cause des hormones
Si, pour le psychanalyste Jean-Pierre Winter, l’automobile permet à l’homme – plus
qu’à la femme – d’obtenir la puissance et
le pouvoir, « jusqu’à la possibilité potentielle de tuer », le psychologue Jean-Pascal Assailly l’explique par « le bombardement d’hormones » que subissent les
jeunes hommes. À l’âge où ils abordent
la conduite, le taux de testostérone des
garçons est multiplié par 14 ! Alors que le
taux d’œstrogène des jeunes filles n’est
« que » triplé. Ces hormones allument un
système de récompense lié au plaisir, donc
lié aux prises de risques et à la compétitivité, naturellement plus fort chez les mâles.
Alors qu’une jeune conductrice est dans
le registre de l’erreur et de la compréhension, les conducteurs sont dans celui de
l’infraction : vitesse, alcool ou cannabis.
D’ailleurs, les garçons de 15-25 ans payent
un lourd tribut en testant leurs limites sur
la route. Puis ils s’assagissent (un peu) avec
le temps. Si vieillir demeure donc la meilleure solution pour se calmer au volant ou
au guidon, le psychologue invite aussi les
parents à ne pas stéréotyper l’éducation
des enfants et à plus protéger les petits
garçons. Autre piste selon lui, différencier
la formation à la conduite selon les sexes :
pilotage et maîtrise de l’outil pour les filles ;
appel à la raison et à la compréhension des
règles pour les garçons. Car il faut plus de
temps aux garçons qu’aux filles pour réfléchir aux conséquences de leurs actes.
À cause des motos
Jean-Yves Salaün remarque que les
hommes sont surreprésentés parmi les
conducteurs de deux-roues motorisés.
75 % des personnes enfourchant une moto
ou un scooter sont des hommes, et cette
catégorie d’usagers représente 25 % des
tués de la route. Les femmes qui roulent
en deux-roues optent le plus souvent pour
de petites cylindrées, qu’elles utilisent
pour des déplacements urbains. Comme
le note Marc Bertrand, de la FFMC, on
retrouve ici la différence entre la passion
masculine et l’approche utilitaire féminine.
Bertrand pointe évidemment la fragilité de
ses congénères, plus exposés aux risques.
Avec un avantage en terme d’équipement pour les hommes : il est plus simple
d’adopter une tenue protectrice pour un
homme en costume et chaussures de ville
que pour une femme en tailleur et stilettos.
Marc tempère aussi le portrait-robot du
mort en moto : un homme sur une grosse
cylindrée en rase campagne. En milieu rural, les femmes pilotes sont rarissimes. En
revanche, il alerte les automobilistes multimodaux qui passent à la 125cc pour des
raisons pratiques. Malgré la formation de
7 heures, ils n’ont souvent pas conscience
des risques et il leur faut quelques mois de
conduite pour maîtriser l’engin et l’environnement.
À cause des trajets
Yoann Demoli observe que les femmes parcourent annuellement 20 % de kilomètres
de moins que les hommes, sont souvent au
volant d’une petite cylindrée et pour des
trajets urbains, où les accidents mortels
sont rares. Ce que confirme le commandant
Jean-Pierre Jurkowski, de la préfecture de
Police de Paris : « les femmes ont en général des accidents matériels de faible gravi-
té. » Pour compléter ces premières raisons
de la surmortalité masculine, Jean-Yves
Salaün précise que les hommes sont majoritaires sur les déplacements de longue distance et de nuit. Les plus dangereux donc.
Toutefois, il perçoit une évolution des habitudes. Les hommes trentenaires laissent
plus facilement le volant à leur conjointe,
acceptant sans rechigner la place du passager. Par ailleurs, l’éclatement des familles
conduit les dames à faire de plus longs trajets. La formatrice Caroline Gastard note
que les comportements après les stages
de récupération de points qu’elle supervise
diffèrent selon le sexe des participants. Les
conductrices changent leur façon de faire,
quel que soit le trajet, en ville ou en campagne, avec ou sans enfants. Alors que les
hommes n’adoucissent leur conduite que
lors des déplacements en famille.
À cause de la vitesse
Les clichés ont la vie dure : les grands excès
de vitesse sont l’apanage des hommes,
soucieux d’exprimer leur virilité en explosant le compteur. Les chiffres du commandant Jurkowski le confirment encore :
lors d’un accident grave où la vitesse est
en cause, le responsable est un homme
dans 75 % des cas. Le chauffard est un
individualiste, incapable de s’adapter,
ni aux autres ni à la situation, pour qui le
code de la route n’est qu’une information
parmi d’autres, juge le sociologue JeanMarie Renouard. Pire, le chauffard, en
roulant trop vite, pousse parfois les autres
conducteurs à accélérer. Souvent, c’est
un homme, conditionné par l’éducation,
l’idée de virilité et de puissance. Même s’il
demeure prudent et refuse de stigmatiser
les hommes, le sociologue constate que
sur les 40 conducteurs infractionnistes qu’il
a rencontrés, il n’y avait que 4 femmes. La
Les hommes et la route | 19
vitesse demeure l’élément central des infractions avec pertes de points, note la formatrice Caroline Gastard. De façon empirique, elle remarque que les femmes sont
sujettes à l’accumulation de petits excès
de vitesse, souvent liés à l’inattention ou à
la nature urbaine des trajets. Pour certains
hommes en revanche, la vitesse est « une
passion ». Beaucoup ne parviennent pas à
modifier leur comportement, et ce malgré
les radars. La vitesse, sur la route comme au
travail, est pour eux synonyme d’efficacité.
Caroline doit alors trouver des biais, mieux
gérer leur agenda et leur stress, pour espérer les voir ralentir. Mais, conclut-elle, cette
idée n’est pas facile à faire passer dans une
société qui prône la vitesse.
À cause de l’alcool
C’est un autre cliché et une autre raison
de la surmortalité des hommes au volant.
L’association Prévention Routière constate
que les hommes sont impliqués dans 92 %
des accidents mortels où l’alcool est en
cause, en général avec un taux dépassant
1,5 g/l. Des chiffres concordant avec ceux
relevés sur le terrain par le commandant
Jurkowski : quand l’alcool a joué un rôle
dans un accident, dans 85 % des cas, c’était
un homme qui conduisait. Au-delà du problème routier, qui est dans le collimateur
des forces de l’ordre, l’alcool pose un problème de santé publique. D’autant que,
dans la nouvelle génération, les jeunes filles
ont tendance à rattraper leurs camarades
masculins dans la consommation d’alcool.
Souhaitons qu’elles soient alors plus raisonnables avant de prendre la route. Un espoir
modéré par le journaliste Bertrand Parent.
Certaines d’entre elles lui ont confié qu’en
sortant de discothèque, elles avaient peur
de refuser de monter en voiture avec un
garçon qui n’était pas en état de conduire.
20 | Les hommes et la route
À cause des autres
« L’enfer, c’est les autres », écrivait Jean‑Paul
Sartre. Un autre philosophe, Gilles Vervisch,
le voit d’ailleurs comme « un obstacle sur
notre route ». Le sociologue Jean-Marie
Renouard s’appuie sur un constat : seuls
10 % des personnes qu’il a rencontrées
s’estiment mauvais conducteur. Globalement « le mauvais conducteur, ce n’est
pas moi, c’est l’autre ». Le psychanalyste
Jean-Pierre Winter va plus loin et stigmatise l’homme, pour qui la voiture serait un
moyen de « faire la guerre », et la route,
« un champ de bataille » où règne le « chacun pour soi ». Plus factuel, le commandant
Jurkowski rappelle que 95 % des accidents
trouvent leur source dans le comportement
du conducteur. Il se remémore le cas exceptionnel d’une dame de 80 ans qui, roulant
à vive allure dans un couloir de bus, rejetait
la responsabilité de l’accident sur le piéton
aveugle qu’elle avait renversé ! Si ce n’était
si dramatique, on en rirait. Heureusement,
rares sont les femmes qui se comportent
ainsi. Le cas typique est un homme qui,
bien que fautif, va d’abord nier l’évidence,
rejeter les faits, se défausser sur « l’autre ».
Les policiers ont l’habitude de ces réactions. La plupart du temps, hormis une part
marginale de contrevenants récidivistes
qui n’ont aucune empathie pour leurs victimes, les responsables reconnaissent vite
leurs torts. Marc Bertrand de la FFMC note
une autre différence homme-femme sur le
partage de la route. Vis-à-vis des motards,
les automobilistes mâles ont tendance à
avoir un comportement agressif, alors que
les conductrices sont plus sensibles à cette
coexistence. Mais elles oublient parfois
les distances de sécurité et « collent » aux
deux-roues. Dans les deux cas, c’est l’autre
qui est en danger. Pourtant Jean-Pierre
Winter est convaincu que lorsqu’on prend
le volant, on doit accorder de la confiance
aux autres, avec le code de la route comme
lien social. Une idée partagée avec le so-
ciologue Jean-Marie Renouard pour qui
« la conduite n’est en aucun cas une activité
individuelle ».
À cause
de la connexion
Les moyens de communication modernes
– téléphones, tablettes – sont souvent
désignés, à juste titre, comme des perturbateurs de conduite. Pour le formateur
Philippe Boulleau, le problème est unisexe. Hommes et femmes abusent également des équipements connectés qui
détournent l’attention du conducteur. Les
chefs d’entreprise ont pris conscience de la
dangerosité du téléphone, mais ils ont du
mal à y renoncer pour joindre leurs salariés.
Le journaliste Bertrand Parent note toutefois une amélioration de la situation. Mais il
dénonce aussi les pratiques douteuses de
certains patrons qui, en couvrant leurs salariés, favorisent l’usage du téléphone au volant. Mais là n’est pas le sujet. Match nul – à
tous les sens du terme – entre les femmes
et les hommes sur ce chapitre.
À cause de toutes
ces causes
Sans avoir la prétention d’être exhaustifs
– nous attendons vos avis – nous avons
résumé certaines causes qui pourraient
expliquer que, sur quatre tués de la route,
trois soient des hommes. Il existe donc
des causes physiologiques (les hormones),
psychologiques (la volonté de puissance),
culturelles (le rôle de l’homme), statutaires (l’envie de pouvoir), quotidiennes
(les hommes roulent plus), ou pratiques (ils
font plus de moto). Cela fait beaucoup de
causes.
Après les causes,
les solutions
Restent à trouver des solutions pour que les
hommes arrêtent de mourir bêtement sur
la route. La formation ? Sans doute. L’éducation ? Aussi. L’évolution des mœurs ? Elle
est en cours. L’égalité homme-femme ?
Elle doit encore progresser. Le code de
la route ? Il évolue. La fin du machisme ?
Il est à craindre que ça ne soit pas pour
tout de suite. Les voitures plus sûres et plus
douces ? Les constructeurs y travaillent.
Des routes moins dangereuses ? Les pouvoirs publics interviennent. Plus de répression ? Malheureusement, ça passe aussi par
là. L’écologie ? Comme la crise, elle va limiter les déplacements individuels.
Toutes ces solutions, et bien d’autres encore, peuvent contribuer à faire baisser
la mortalité routière. Celle des hommes
comme celle des femmes. Car le but n’est
pas juste d’inverser la courbe entre les deux
sexes, mais de faire en sorte que la route ne
soit pas un théâtre de drames, mais un lieu
de vie partagé.
Et cela passe par le respect des règles, et
surtout le respect de l’autre. L’autre. Vous
savez bien ; celui dont c’est toujours la
faute…
Bonne route, aux hommes comme aux
femmes, et prudence !
Les hommes et la route | 21
MMA ET LA PRÉVENTION
un assureur
engagé dans
la prévention
des risques
routiers
MMA est engagé activement dans la lutte
contre l’insécurité routière depuis plus de
quinze ans. Cet engagement passe par :
• des campagnes de prévention dans les
médias pour sensibiliser les automobilistes, scootéristes, piétons ;
• des actions sur le terrain, par exemple
via des crash tests pédagogiques ;
• Zérotracas.tv, la première web TV de
prévention des risques routiers (plus de
150 vidéos) ;
22 | Les hommes et la route
• Zérotracas.com, le site de prévention
des risques routiers (plus de 800 articles
de fonds, des jeux, des vidéos…) ;
• des applications de prévention
disponibles sur iPhone et Android.
L’ambition de Zérotracas : que chacun –
conducteur comme piéton – devienne
acteur de sa propre prévention et porteparole auprès de ses proches de conseils
pratiques.
L’originalité : un ton direct, convivial, interactif, ludique.
MMA soutient également les actions collectives de la FFSA (Fédération française
des sociétés d’assurances) ou d’associations telles que la Prévention Routière ou
SoSam.
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