Rebonds - Les comités locaux
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J E U D I 2 2 A V R I L 2 0 0 4 • P R E M I E R E E D I T I O N N ° 7 1 3 7 • W W W . L I B E R A T I O N . F R PA S C A L B A S T I E N «Petit Bost», l’être d’amour de Simone de Beauvoir, cahier central Sarkozy teste la Défense de Chirac Ces toxiques dans le sang Symboliquement, le WWF a fait passer des tests à 39 eurodéputés. Résultat: 76 substances chimiques trouvées dans leur sang. Page4 MONDE Attentats meurtriers dans le sud de l’Irak P. 6 TERRE Inde : l’excès de Coca nuit à l’agriculture P. 10 SOCIÉTÉ Interrogations autour de l’imam expulsé P. 14 En demandant à Alliot-Marie de mettre 1 milliard «en réserve», le ministre des Finances s’attaque au pré carré présidentiel. Page 2 :HIKKLD=ZUVWUW:?k@o@c@c@a WILLEM C U LT U R E Pour Cannes 2004, les nominés sont… P. 29 Rebonds Sécurité, la poudre aux yeux PAR DANIEL VAILLANT es policiers commencent à ruer dans les brancards, les délinquants retrouvent assurance et arrogance, les 20 000 détenus supplémentaires depuis l’arrivée [de Nicolas Sarkozy] vont sortir des prisons et recommencer, les liens de confiance instaurés peu à peu entre la police et la population se distendent. Cela traduit l’orientation des gouvernements Raffarin successifs qui n’ont jamais voulu s’attaquer aux causes de la délinquance (…).» Lire page 32 « L IMPRIMÉ EN FRANCE /PRINTED IN FRANCE Antilles, Réunion, Guyane 1,70 ¤, Allemagne 1,80 ¤, Autriche 2,30 ¤, Belgique 1,20 ¤, Cameroun 1200 CFA, Canada $ 3,25, Côte-d’Ivoire 1200 CFA, Danemark 17 Kr, Espagne 1,70 ¤, Finlande 2,30 ¤, Gabon 1200 CFA, Grande-Bretagne 1,20 £, Grèce 1,70 ¤, Irlande 2 ¤, Israël 10 NIS, Italie 1,70 ¤, Luxembourg 1,20 ¤, Maroc 12 Dh, Norvège 22 Kr, Pays-Bas 1,80 ¤, Portugal continental 1,70 ¤, Sénégal 1200 CFA, Suède 22 Kr, Suisse 2,5 F, Tunisie 1,6 DT. 2 événement BUDGET voté par le Parlement pour l’année 2004 prévoit une dépense totale de 283,7 milliards d’euros. Les premiers postes de dépenses sont l’Education nationale (70,8 milliards), la Défense (41,56 milliards), le Travail et la Solidarité (31,6 milliards) et l’Intérieur (20,8 milliards). Le déficit de l’Etat 1999 - 35,3 2000 2001 2002 En milliards d’euros. 2003 2004* - 34,8 - 34,4 *Prévision selon la loi de finances initiale 2004. - 57,5 - 61,8 - 55,5 Source: Insee. Le budget de l’Etat LIBERATION J E U D I 2 2 AV R I L 2 0 0 4 4,1% C’est le montant du déficit public de la France (Etat, Sécurité sociale, collectivités locales) en 2003. La France s’est engagée auprès de l’Union européenne à le ramener à 3,6% du PIB en 2004 et à 2,9% en 2005. du PIB LES CISEAUX DE SARKOZY AU PAYS DU KAKI ’est la première dispute qui surgit au sein du gouvernement Raffarin 3, en place depuis trois semaines. Elle oppose deux poids lourds du gouvernement, Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense, et Nicolas Sarkozy, ministre d’Etat chargé des Finances. Enjeu: 1 milliard d’euros que Bercy demande à la Défense de mettre «en réserve» en 2004. Soit la plus grosse partie de l’effort de 7 milliards d’euros de la «réserve de précaution» que Bercy demande à l’ensemble des ministères dépensiers (Libérationd’hier). Contre-attaque. L’alerte sonne dès jeudi soir lorsque la presse fait état d’une lettre de Nicolas C Sarkozy et Dominique Bussereau (secrétaire d’Etat au Budget) annonçant la régulation budgétaire à ses collègues. La sanctuarisation de la Défense n’y apparaît pas. En fait, une lettre particulière a été envoyée à Michèle Alliot-Marie, en déplacement de longue durée dans le Golfe. Elle ne parvient à son cabinet qu’en début de soirée. Dès hier matin, la contre-attaque s’organise. L’entourage de la ministre de la Défense fait savoir dans les rédactions que la missive «dit, de façon très claire, que “le dispositif de régulation budgétaire ne concerne pas la défense nationale”. Il n’y a donc pas de mesure de gel pour le ministère de la Défense».Mais il omet de préciser la suite (lire ci- D’où la somme de 1 milliard de mise en réserve pour faire face aux «aléas». Mais chez Michèle Alliot-Marie, on considère que les opex ne sont justement pas des «aléas» et qu’il lui faut au contraire une rallonge budgétaire. En décembre, elle avait obtenu, au «Ce n’est pas un quarteron de galonnés bout d’une bataille de quinze jours, de qui va le faire reculer.» Un proche de Sarkozy ne prendre en charge qu’un tiers prenne enfin en charge le des opex 2003 sur son budcoût de ses «opérations exté- get. Encore avait-elle un peu rieures» (opex), en Afghanis- triché et reporté 150 millions tan, en Côte-d’Ivoire ou au sur l’année 2004. «On avait Kosovo. Elles sont évaluées perdu», reconnaît un proche par les militaires à seulement de Francis Mer. Aujourd’hui 531 millions d’euros. Mais les MAM ne veut toujours pas Finances les estiment à au «rentrer dans une logique qui moins 800 millions d’euros. prévoit le financement des contre): il faudra bien que les militaires se serrent aussi la ceinture! Et Bercy de demander une somme qui représente le quart de l’effort de l’ensemble du gouvernement sur les crédits de 2004. En fait, Nicolas Sarkozy tente d’obtenir que la Défense Les incompressibles de l’armée Hors rémunérations, manœuvres et équipement, où trouver 1 milliard? éduire le budget de la Défense d’un milliard d’euros, cela ne devrait pas être la mer à boire. En théorie. Si l’on s’en tient aux chiffres bruts, il ne s’agirait en effet que d’une simple baisse de 2,4% des crédits militaires. Mais, dès que l’on pénètre un peu dans la mécanique budgétaire, les choses se compliquent. Les marges de manœuvre apparaissent très étroites, sauf si le président de la République –qui reste l’autorité suprême en la matière– voulait assumer de vrais choix politiques. Forcément douloureux. Schématiquement, le budget de la Défense (41,56 milliards en 2004) se divise en trois grandes parties: les pensions, le fonctionnement et les crédits d’équipement. Les pensions (9,16 milliards) sont intouchables: ce sont les retraites que perçoivent les 638000 anciens militaires, fonctionnaires et ouvriers du ministère. «Sanctuarisés». Les crédits de fonctionnement (17,5milliards) sont à 80% consacrés aux rémunérations et charges sociales des personnels civils et militaires. «Nous n’allons quand même pas arrêter de R payer les soldes et les traitements», ironise-t-on au ministère. Restent les 20% qui servent d’abord à financer l’entraînement des forces: heures de vol, journées en mer, manœuvres, tirs, etc. Ainsi, un pilote de chasse vole en moyenne 180 heures par an. Il s’agit d’un seuil minimal fixé par l’Otan. A titre de comparaison, les pilotes américains volent plus de 200 heures, les Russes à peine une trentaine… «On pourra toujours économiser sur les gommes et les crayons. Ou sur le chauffage des casernes»,fait remarquer un officier. Dernier grand chapitre, les crédits d’équipement (14,90 milliards), c’est-à-dire les achats d’armement. Personne à droite – et guère plus à gauche – n’envisage d’y toucher. Ces crédits ont été «sanctuarisés» par le président de la République, explique-t-on au ministère de la Défense. Ils s’inscrivent dans la loi de programmation militaire (2003-2008), votée par le Parlement en 2002. «Je veillerai à ce que ces engagements soient respectés»,réaffirmait encore Jacques Chirac enjuillet dernier. Un engagement qui semble ferme. Mardi, le délégué général pour l’armement (DGA), François Lureau, se voulait à son tour rassurant: «Les crédits d’équipement ne seront pas affectés.» Ces milliards sont pour l’essentiel destinés à passer des commandes à l’industrie française, en particulier dans les secteurs de pointe, comme l’aéronautique ou l’électronique. Si globalement le secteur se porte bien, des entreprises connaissent déjà des difficultés, comme GIAT-Industries, le fabriquant du char Leclerc qui supprime la moitié de ses emplois (3100), ou Thales Air Defense, constructeur de systèmes antiaériens, qui se prépare à réduire ses effectifs de 326 personnes. Réponse politique. Sans choix drastiques, difficile de faire des économies sérieuses. Faut-il revoir à la baisse la force de frappe nucléaire, comme le proposent une partie de la gauche et la plupart des militaires? Renoncer au second porte-avions ou aux bases en Afrique? Ne plus s’engager dans toutes les opérations extérieures qui se présentent, comme récemment en Haïti? Des réponses très politiques, qui dépassent largement l’équation budgétaire.• J.-D.M. opex sur l’enveloppe actuelle», explique un de ses proches. Et d’ajouter: «Il s’agit d’un désaccord frontal.» Impossible, dit-on aussi, de trouver 1 milliard qualifié de «chiffre politique», sauf à toucher à la loi de programmation militaire, sanctuarisée par Jacques Chirac. «Proposition». Pour le moment, la lettre n’est qu’une «proposition» faite à sa collègue. Celle-ci doit renvoyer les siennes d’ici une dizaine de jours. Ce n’est qu’ensuite que le Premier ministre signera les arrêtés gelant officiellement les crédits. Un délai de négociation que MAM pourra utiliser pour se faire entendre auprès de Jacques Chirac, dont elle se prévaut systématiquement de la protection. Selon l’entourage du ministre des Finances, Nicolas Sarkozy aurait pris la précaution d’obtenir l’aval du président de la République, chef des armées. Et Sarkozy semble prêt à la bataille: «Ce n’est pas un quarteron de galonnés qui va le faire reculer», assure un de ses amis. Pour le locataire de Bercy, l’enjeu est de taille: le gel des crédits qu’il demande est considérable. 7 milliards d’euros, c’est à peu près le tiers des mesures nouvelles du budget 2004, et la même ampleur que la «réserve de précaution» qu’avait constituée Alain Lambert en 2003, année de croissance zéro, contre +1,7 % cette année. Si l’effort est si important, c’est que le ministre doit maîtriser les dépenses au maximum pour compenser la dérive de l’assurance maladie, dont le déficit ne sera pas de 11 milliards, comme attendu, mais de 12, selon Philippe DousteBlazy. Entre le social, priorité nouvelle, et l’armée, priorité ancienne, que choisir? • JEAN-DOMINIQUE MERCHET et HERVÉ NATHAN S É B A S T I E N C A LV E T La ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie, refuse de céder à Bercy, qui réclame une réserve de 1 milliard d’euros sur les crédits militaires. La lettre de Bercy «[…] La sanctuarisation des crédits militaires a […] un corollaire naturel au regard de l’engagement pour le gouvernement de respecter l’enveloppe globale de crédits votés par le Parlement: celui pour le ministère de la Défense d’assumer la responsabilité de financer l’intégralité des dépenses militaires dans la limite des crédits ouverts en loi de finances initiale. C’est dans cet esprit qu’une réserve de précaution de 1milliard d’euros de crédits militaires sera constituée. Il vous appartient de répartir cette enveloppe […]. Dans l’attente de votre proposition, le contrôleur budgétaire procédera à une répartition forfaitaire […]. 3 LIBERATION J E U D I 2 2 AV R I L 2 0 0 4 7 le montant de gel de Qu’on ne compte pas sur moi La Défense emploie 455177 personnes milliards C’est crédits demandé par (civils et militaires). Le budget 2004 prévoit la Sarkozy: 4 milliards pour mener une politique qui ne d’euros Nicolas création de 1900 gendarmes et auxiliaires, sur les crédits votés pour 2004, et 3 milliards sur les 8,8 milliards non consommés en 2003. Objectif: respecter à la fin de l’année l’enveloppe globale de 283,7 milliards. conduirait le pays à rien d’autre qu’au désastre financier. Nicolas Sarkozy, le 6 avril, à l’Assemblée nationale 1000 engagés dans l’armée de terre, 45 emplois dans la DGSE et 179 médecins et infirmiers. En outre, 80 millions sont consacrés à l’«amélioration des carrières» des militaires. PAR GÉRARD DUPUY Coups de canif A Bercy, le 13 avril. Nicolas Sarkozy a annoncé le gel de 7 milliards d’euros de crédits, tous ministères confondus. Un pavé dans le sanctuaire chiraquien En s’attaquant au domaine réservé du Président, Sarkozy le met face à ses contradictions. icolas Sarkozy ne respecte vraiment rien. Et surtout pas le «domaine réservé» du Président. En s’attaquant aux crédits de la Défense, couvés par Jacques Chirac qui les a placés hors de portée des ciseaux de Bercy, le ministre des Finances pousse un peu plus loin encore les limites de son territoire. Le boulimique numéro 2 du gouvernement entend ainsi étrenner son statut officieux de vice-Premier ministre. Et lui qui, place Beauvau déjà, multipliait les «opex» politiques – ces fameuses «opérations extérieures»si chères à Michèle Alliot-Marie –, jusqu’à empiéter allègrement sur les plates-bandes de ses collègues ministres, au grand dam de Dominique Perben et de bien d’autres, n’a pas l’intention de réfréner son appétit. Au contraire, puisque la tour de contrôle de Bercy lui fournit un poste d’observation, et d’influence, susceptible d’accroître son empreinte sur le cours de l’ensemble de l’action gouvernementale. Résultat, à peine installé dans ses nouveaux meubles, voilà que Sarkozy, de «gel N de crédits»en «réserve de précaution», se hasarde jusqu’au cœur du sanctuaire chiraquien: le pays du kaki. «C’est un testpour savoir s’il est un véritable ministre d’Etat», veut croire l’un des proches de l’élu de Neuilly. Mais c’est sans doute plus que cela. Certes, l’assaut lancé par Sarkozy sur la rue Saint-Dominique est d’abord symbolique, tant l’effort réclamé aux armées demeure modeste par rapport aux faveurs budgétaires dont elles bénéficient. Mais le symbole est fort: en visant MAM, Sarkozy cible bel et bien Chirac. Si la vigueur de sa réaction montre que la ministre de la Défense ne supporte pas d’être traitée de la sorte, elle n’est qu’une victime collatérale du duel en marche au sommet de l’Etat. Par-delà l’affirmation de son pouvoir, le ministre des Finances adresse au chef de l’Etat un double message, d’efficacité et de crédibilité. Endossant, comme toujours, le costume du bon élève, discipliné et ingénu, Sarkozy met le doigt sur l’angle mort du chiraquisme: la cohérence. Comment le Président pour- rait-il à la fois lui assigner la mission de faire de substantielles économies pour revenir au plus vite sous la barre des 3 % du PIB de déficit, l’inciter à poursuivre les baisses d’impôt et l’exhorter à desserrer les cordons de la bourse pour apaiser certaines attentes sociales (chercheurs, intermittents, allocation spécifique de solidarité), si certains domaines continuent d’être éhontément privilégiés? «Dans un contexte si délicat, aucun secteur ne doit être tabou», résume un fidèle de Sarkozy. Outre une bouffée d’oxygène pour se dégager d’un piège comptable qu’il a lui-même euphémisé en «quadrature du cercle», Sarkozy espère sans doute, grâce au bas de laine des militaires, échapper un instant au costume de «père la Rigueur». Pour justifier cette petite provocation supplémentaire à l’endroit de son supérieur, le ministre des Finances pourrait même prendre à témoin l’opinion: vouloir rogner sur les crédits militaires ne devrait pas nuire à sa popularité… • RENAUD DÉLY En acceptant le portefeuille de l’Economie, Sarkozy savait qu’il pouvait en tirer profit pour sa carrière future, en y acquérant une envergure d’homme d’Etat que ses inlassables visites de commissariats ne lui ont pas vraiment apportée. Il savait aussi qu’on ne lui aurait pas proposé le poste dans une période plus riante pour l’économie française et qu’il devrait se charger du sale travail – contenir les déficits en taillant dans les crédits des autres ministres. La manière dont il interprétera cette partition rabat-joie décidera de son avenir. Il aura besoin de toute son agilité pour se faufiler entre les deux écueils symétriques du laxisme (son passage au Budget n’a pas été sans prêter le flanc à cette critique) et de l’indifférence technocratique (il n’a guère la fibre sociale). Le «gel» de 7 milliards de crédits, tous ministères confondus, reste cohérent en amplitude avec ce qu’avait déjà fait son prédécesseur, sans pour autant empêcher que le déficit du budget de l’Etat gonfle de manière alarmante. Même avec de telles économies, rien ne prouve que les finances publiques reviendront en dessous des 3% de déficit que la France s’est engagée à respecter en 2005. La signature Sarkozy sur ce train de restrictions budgétaires classiques vient de ce qu’il n’en a pas exempté la Défense nationale, ce qui est une façon d’aller taquiner Chirac, ce qu’un Francis Mer, par exemple, savait s’interdire. Au-delà de cette lèsemajesté, Sarkozy pose d’ailleurs une bonne question. Le programme militaire omnivore voulu par Chirac coûte cher sans forcément produire les moyens de défense les plus souhaitables pour la France. Hélas, l’occupant de Bercy ne la posera pas. L’heure est encore aux coups de canif, pas au coup d’Etat. 4 événement SANTÉ LIBERATION J E U D I 2 2 AV R I L 2 0 0 4 Le WWF a fait passer des analyses à 39 élus européens pour dénoncer le refus des industriels de contrôler la toxicité de leurs produits. Pesticides organochlorés Ce sont des produits extrêmement toxiques (dont le DDT est le plus connu), ils peuvent être fatals s’ils sont inhalés, ingérés ou absorbés par la peau. Interdits en Europe et aux Etats-Unis depuis les années 1970, ils continuent d’être utilisés dans de nombreux pays, dans les zones touchées par le paludisme. LA CHIMIE RONGE LE SANG DES DEPUTES PCB Echantillon de sang «contaminé» utilisé par le WWF, lors de sa conférence de presse, hier à Strasbourg. Utilisés notamment comme isolant électrique, les polychlorobiphényles ne sont pas biodégradables et s’accumulent dans l’organisme. Lors d’exposition aux flammes, ils se décomposent en créant des composés très toxiques. Dès 1985, ils ont été interdits en Europe. Ignifugeurs Ces produits retardent l’inflammation lors d’incendies. Parmi eux, le PBDE (diphényl-éther polybromé), souvent présent sur les meubles ou les moquettes, a déjà été retrouvé dans le lait maternel. La Californie est le premier Etat à avoir décidé une interdiction qui entrera en vigueur à partir de 2008. Phtalates Elles se présentent sous la forme d’un liquide huileux et sont utilisées pour assouplir les plastiques et dans les produits cosmétiques. Elles peuvent provoquer, entre autres, l’atrophie testiculaire et la baisse de fertilité. En 1999, l’UE en a interdit l’emploi dans les jouets pour enfants. PFO On a trouvé la trace de perfluorooctane sulfonate dans de nombreux organismes vivants, comme les dauphins de la Méditerranée et les aigles de la Baltique. L’Agence américaine de protection de l’environnement a déclaré ces insecticides cancérigènes pour les animaux. PA S C A L B A S T I E N bromés oi, je suis plutôt bien, sauf pour les phtalates: j’en ai le double de la norme», s’inquiète le premier. «Et moi, je suis pleine de PCB», s’alarme la seconde. Il ne s’agit pas d’un dialogue virtuel entre employés de l’industrie chimique qui se découvriraient soudain contaminés par les produits toxiques mais du constat dressé par deux parlementaires européens, hier, à Strasbourg. En l’occurrence les Français Harlem Désir (PS) et Danielle Auroi (Verts). Tous deux ont participé à une étude de grande envergure sur la contamination du corps humain par les substances chimiques, menée par le Fonds mondial pour la nature (WWF) dans le cadre de sa campagne «DetoX». Les résultats de cette enquête, rendus publics hier, sont édifiants. WWF a prélevé un peu de sang «M à 47 volontaires de 17pays européens (39membres du Parlement européen, un ancien député, 4 observateurs des pays qui rejoindront l’Union le 1er mai et 3 membres de l’organisation écologiste). Les scientifiques ont ensuite analysé les échantillons pour y quantifier la présence de 101 produits chimiques répartis en cinq familles: les pesticides organochlorés, les polychlorobiphényles, les retardateurs de flammes au bromure, les phtalates et les composés perfluo- rés. Au final, pas moins de 76 des 101 substances recherchées ont été identifiées dans le sang des cobayes européens. 41 substances. Tous sont contaminés par au moins un produit de chaque grande famille. En moyenne, 41 sub- stances ont été détectées par individu, avec un «record» qui s’établit à 54. Treize d’entre elles ont été systématiquement identifiées dans les prélèvements sanguins, dont un pesticide (le HCB) et un métabolite du DDT. «Le Deca-BDE, Une cobaye verte et inquiète Le test sanguin de Marie-Anne Isler-Béguin a révélé 51 substances toxiques. n cocktail de molécules qui portent un nom à coucher dehors. Marie-Anne Isler-Béguin, députée européenne verte, ne connaissait que de loin ces familles de produits chimiques. Jusqu’à ce qu’elle découvre, mardi, lors d’une réunion à huis clos, la composition de son propre sang. «Je ne sais pas si je détiens le record, on ne me l’a pas dit, mais je suis dans le peloton de tête des plus contaminés», explique-t-elle. Là où les volontaires affichent en moyenne 41 des 101substances recherchées, le test pratiqué sur Marie Anne Isler-Béguin en a repéré 51. Avec des niveaux qui frisent, pour bon nombre de substances, le double de ce qui a été U trouvé chez ses collègues, parfois même huit fois plus. «C’est inquiétant. Je n’arrive pas à comprendre, s’interroge la députée. Je vis dans ce que je crois être un environnement sain, à la campagne, même si c’est dans une région, la Lorraine, réputée polluée par l’industrie. Les médecins qui nous ont présenté l’étude penchent pour une contamination alimentaire, ou par les vêtements. Ils m’ont demandé si je mange beaucoup de poisson, notamment d’élevage, pour expliquer mon taux de PCB. Ce n’est pas le cas. Si je réchauffe mes plats avec un film plastique au micro-ondes, pour mon taux de phtalates, mais je n’ai pas eu de tel four jusqu’à il y a quelques mois.» Reste que personne ne peut dire si les niveaux chez les eurodéputés auront des incidences ou non sur leur santé. «Encore faut-il chercher à le savoir, questionne Marie Anne Isler-Béguin. C’est incroyable que cela soit une ONG qui soit obligée de faire ce type d’études pour qu’on puisse avoir en quelque sorte des données de référence. C’est aux autorités, et notamment à la Commission européenne, de lancer des enquêtes.» En attendant, la députée entend demander aux présidents des régions Lorraine et Franche-Comté de commanditer des études épidémiologiques sur leur population. • DENIS DELBECQ 5 LIBERATION J E U D I 2 2 AV R I L 2 0 0 4 suspecté d’être un produit neurotoxine, est le retardateur de flammes dont la concentration est le plus élevée parmi tous ceux testés (18,4 picogrammes/g de sérum). C’est à notre connaissance la plus forte concentration jamais détectée», indique le WWF. «Le plus alarmant est que ce niveau est environ dix fois plus élevé que les plus fortes concentrations relevées chez des personnes exposées au Deca-BDE de par leur travail.»Idem pour le TBBP-A, un autre ignifugeur bromé, tandis qu’un troisième produit de cette famille, le HBCD, aurait été détecté pour la première fois dans du sang humain. Cancers. Si l’étude montre que le degré de contamination varie selon les pays, le WWF se garde d’en tirer des conclusions. «Nous avons une bonne idée de la contamination des parlementaires européens, mais nous ne pouvons pas dire d’où viennent ces produits ni quels sont leurs effets sur la santé», explique Michaël Warhurst, un scientifique de l’organisation. «On manque d’informations sur ces substances», poursuit Nik Van Larebeke, cancérologue à l’université de Gand et expert indépendant : «On sait seulement que certains retardateurs de flamme perturbent le système nerveux, le système endocrinien, notamment la thyroïde, et que les produits perfluorés sont suspectés d’induire les cancers de la vessie et de la prostate.» Son collègue britannique Malcolm Hooper, professeur de chimie à l’université de Sunderland, pointe quant à lui la hausse des allergies et des cas de cancer du sein constatés ces dernières années, ainsi que la baisse de la fertilité masculine: «Ces produits doivent absolument être examinés de plus près, pour comprendre le lien qu’ils entretiennent avec ces maladies.» Le Parlement européen est l’objet de violents affrontements sur le projet de législation Reach, qui vise à imposer aux industriels une évaluation sur la santé et l’environnement des molécules qu’ils mettent sur le marché. Encore étonnée par la concentration de PCB trouvée dans son sang, Danielle Auroi cherche des explications dans ses habitudes alimentaires: «C’est sans doute parce que je suis une grosse consommatrice de produits laitiers et de poissons», dans lesquels les PCB s’accumulent.Puis le propos se fait plus politique: «Nous savons que certains représentants de l’Etat, au plus haut niveau puisqu’il s’agit du président Chirac, sont montés au créneau pour empêcher le Parlement européen d’interdire certains de ces produits. Aujourd’hui, il va falloir que la société civile s’empare de ce problème pour faire réagir les exécutifs.» • THOMAS CALINON Jean-François Narbonne, toxicologue et expert de l’Afssa: «Le problème, c’est que ces produits sont indestructibles» rofesseur de toxicologie à l’université Bordeaux-I, directeur d’un laboratoire CNRS de toxicologie environnementale, expert auprès de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), JeanFrançois Narbonne travaille sur le transfert des contaminants de l’environnement à l’homme via la chaîne alimentaire. Que montrent ces analyses? Ce sont de bons repères qui montrent à la fois les améliorations liées à l’interdiction de certains produits chimiques et les contaminations par de nouveaux produits. Ce sont d’ailleurs des analyses de ce type qui ont conduit à l’interdiction des principaux polluants organiques persistants (POP). De telles analyses permettent aussi d’identifier les gens surexposés. Pendant longtemps on a cru que seuls les travailleurs de l’industrie étaient exposés à la contamination; aujourd’hui, on sait que tout consommateur l’est. Comment se fait la contamination? Soit par voie aérienne, pour les produits qu’on utilise encore, surtout en milieu industriel. Soit par l’alimentation. C’est un mécanisme qu’on a identifié dans les années 1960. On s’est aperçu que certaines espèces animales disparaissaient, comme l’aigle américain ou le phoque. Des espèces qui se trouvaient en bout de chaîne alimentaire. Responsables: les produits chimiques non biodégradables. Vers 1850, les chimistes avaient en effet imaginé de rajouter du chlore aux molécules chimiques pour les rendre non biodégradables. Ces produits «miraculeux» ont eu d’énormes applications, dont le P DDT, utilisé comme insecticide contre le paludisme, et les PCB. Mais ces produits toxiques, parce qu’ils sont non dégradables, s’accumulent dans la graisse des organismes. A chaque maillon de la chaîne alimentaire, le produit se concentre un peu plus. En 2001, par la convention de Stockholm, on a établi une liste prioritaire de 12 POP à interdire. Le DDT avait déjà été interdit dans les années 1970. Pour limiter les dioxines, on a aussi adopté de nouvelles normes plus sévères pour les incinérateurs. Quels sont les risques pour la santé de cette contamination? C’est tout le problème: on manque d’information et surtout d’études épidémiologiques sur l’impact des faibles doses de ces produits sur la santé. On découvre aussi aujourd’hui le polymorphisme génétique, c’est-à-dire ce qui fait que nous ne métabolisons pas tous de la même façon ces produits chimiques, et que nous sommes plus ou moins vulnérables aux dommages qu’ils provoquent. Ce qui est sûr, c’est que les doses journalières admissibles (DJA), sur lesquelles on s’appuie pour autoriser ou interdire un produit, cela n’a plus beaucoup de sens en termes de santé publique: on découvre tous les jours de nouveaux mécanismes de toxicité qui obligent à réviser ces DJA. Les produits recherchés par le WWF sont des perturbateurs endocriniens qui peuvent favoriser des cancers de la thyroïde, de la prostate, du sein ou des testicules. Or, aujourd’hui, il y a un nombre croissant de cancers non liés à l’âge qui touchent des individus de plus en plus jeunes et dont on n’a pas identifié les causes. Peut-on mesurer, dans le sang, l’impact de l’interdiction des POP ou d’autres produits chimiques? Oui, les analyses ont montré une régression nette dans la charge corporelle des POP, du DDT (90 % en moins), des PCB (moins 4 à 5 %), des dioxines (moins 2 à 3 %). Le problème, c’est que même si on cesse de diffuser ces produits, ils sont présents dans les sols contaminés, dans les sédiments marins, car on les a utilisés par millions de tonnes, et ils sont indestructibles. On estime ainsi qu’il y a 500000tonnes de PCB piégées dans les sédiments marins dans l’hémisphère Nord. Ces produits n’étant pas biodégradables, les doses dans l’organisme humain augmentent avec l’âge. On peut très facilement évaluer l’âge d’un individu en fonction de sa charge en dioxine. D’autres produits sont apparus? Oui, comme les produits bromés (des molécules auxquelles on rajoute du brome pour les rendre non biodégradables) qui ont par exemple remplacé l’amiante dans les retardateurs de flamme. Leur importance dans la charge corporelle d’un individu double environ tous les deux ans. Que pensez-vous du projet de réforme de la législation européenne Reach? C’est un programme de santé publique indispensable! Mais il faut aussi que les pouvoirs publics créent des laboratoires d’évaluation de l’impact des produits chimiques (et de leur mélange) sur l’environnement et sur la santé. • Recueilli par ÉLIANE PATRIARCA Le lobby industriel opposé à la loi européenne Le projet Reach, qui vise à imposer une évaluation des produits, a été repoussé. ’initiative spectaculaire du Fonds mondial de la nature (WWF) n’est évidemment pas dénuée d’arrière-pensées. Depuis 1998, écologistes et industriels s’affrontent à Bruxelles à propos d’une proposition de réforme de la législation sur la commercialisation des produits chimiques. Aujourd’hui, quelques milliers de molécules seulement, sur les 150000 qui sont en circulation, ont fait l’objet d’évaluations sanitaire et environnementale poussées. D’où l’initiative de la Commission de remettre à plat tout le mécanisme juridique encadrant les produits chimiques dans l’UE. L’objet du litige s’appelle Reach, pour Registration, Evaluation and Authorization of Chemicals (1). Un programme qui vise à imposer à l’industrie la réévaluation de 30000 substances chimiques sur une période de onze ans, soit moins de 2 % des molécules com- L récemment Vyvyan Howard, toxicologue à l’université de Liverpool, qui s’interrogeait sur ce que serait «le coût pour la société si nous rendons toute la population vulnérable à certaines maladies» (2). Les arguments industriels ont fait mouche chez les dirigeants des trois grands européens: en septembre 2003, Jacques Chirac, Tony Blair et GeChirac, Blair et Schröder ont adressé rhard Schröder une supplique à Romano Prodi, adressent une supoù ils qualifient la procédure Reach plique à Romano d’«inutilement compliquée». Prodi, président de industriels français, 3,7 mil- la Commission, où ils qualiliards selon les écologistes de fient la procédure Reach de Greenpeace. Sans doute au- «bureaucratique»et d’«inutitour de 11 milliards sur onze lement compliquée». Même le ans, estime la Commission. gouvernement américain s’en Une jolie somme tout de mê- mêle. Si bien que la Commisme, quand «les avantages de ce sion finit par proposer un que nous faisons aujourd’hui compromis. Seraient exemppeuvent ne pas nous apparaître tés de tests les polymères synavant trente ans. D’où la posi- thétiques qu’on utilise dans le tion délicate des hommes poli- textile, les plastiques, les adhétiques qui ont tendance à plani- sifs et les peintures. Exemptés fier à court terme», expliquait aussi les produits qu’on famercialisées. Vu de l’industrie, qui doit en supporter le coût, le dispositif proposé par la Commission européenne n’est que perte de chiffres d’affaires, désindustrialisation et suppressions d’emploi massives. Les chiffres les plus variés, pour ne pas dire fantaisistes, circulent: 29 à 54 milliards d’euros de dépenses selon les brique ou importe en quantité inférieure à dix tonnes par an. De quoi faire baisser la facture à 2,3milliards d’euros, selon la Commission. Depuis, le texte attend de passer devant le Parlement européen. «Les conservateurs, qui soutiennent le lobby industriel, ont tout fait pour le retarder, espérant que la nouvelle assemblée qui sortira des élections de juin leur soit plus favorable, s’inquiète Marie-Anne IslerBéguin, eurodéputée verte, «cobaye» du WWF et partisane d’un «Reach durci». «Liés aux intérêts industriels, ils souhaitent une pause dans les directives environnementales. Mais depuis les élections espagnoles et les régionales françaises, nous avons repris espoir.» • D.Dq (1) Enregistrement, évaluation et autorisation des substances chimiques. (2) Dans la revue de la Direction générale environnement à Bruxelles de février 2004. PAR JEAN-MICHEL THÉNARD Piqûre de rappel 39 députés européens contaminés par 76 produits chimiques toxiques, drôles de chiffres. Dont on ne sait s’il faut les considérer comme explosifs ou poudre de perlimpinpin, faute de réelles connaissances sur l’exacte toxicité des dits produits sur l’être humain. On pourra donc moquer encore une fois les angoisses d’une société de consommation qui n’a jamais compté autant d’individus doués d’une aussi longue espérance de vie. On pourra encore sourire des excès du principe de précaution qui, à force d’enfler, va bientôt nous condamner à mourir de faim. Sourions donc, mais jaune. Car si l’excès de précaution est à fuir, le défaut est assurément criminel. Et ce n’est pas parce qu’on ne connaît pas la nocivité à long terme de tel ou tel produit qu’il faut le considérer inoffensif et ne rien faire. Forte de cette évidence, la Commission européenne tente depuis des mois d’instaurer un nouveau système d’autorisation pour les 30000 produits chimiques fabriqués ou importés dans l’Union. En gros, il reviendrait aux entreprises de prouver que ce qu’elles commercialisent est sûr. Mais rarement projet de bon sens pour le consommateur a suscité autant de pressions critiques des industriels. Qui ont mobilisé tous leurs lobbyistes pour convaincre que la transparence sanitaire majorerait tant leurs coûts que cela ferait perdre, par exemple, 360000 emplois en dix ans à la France. Une vision tragique que réfutent les défenseurs de l’environnement. Mais qui a convaincu Chirac, Schröder et Blair d’exiger de la Commission qu’elle revoie son projet. Plutôt garantir la rentabilité de l’industrie chimique que la santé du citoyen. Comme quoi les analyses de sang des députés européens peuvent servir de piqûre de rappel. Et remémorer à ceux qui l’auraient oublié que la loi du profit continue bien de régenter le monde, même quand le chef de l’Etat français prétend en changer la face en ajoutant à la Constitution une charte de l’environnement. 6 monde LIBERATION ★ J E U D I 2 2 AV R I L 2 0 0 4 Près de 70 morts et une centaine de blessés dans des attentats à Bassora. AT E F H A S S A N . R E U T E R S La rébellion contre la coalition s’étend au sud de l’Irak A Bassora, hier, un enfant blessé est transporté dans une ambulance après l’une des trois explosions qui ont secoué la grande ville du Sud irakien, jusqu’alors relativement épargnée par les attentats. irakiens pour bricoler un compromis entre les multiples groupes rebelles et les généraux américains ne semble aboutir.Tous s’attendent ou se préparent à une seconde flambée de violence que paraît annoncer la vague d’attentats à la voiture piégée qui a détruit trois commissariats à Bassora ainsi «Nous craignons que ces attentats ne provoquent un soulèvement populaire que l’académie de police dans la ville dans le Sud, contre la coalition.» Des religieux chiites voisine de Zoubeïr. Un bilan provisoire l’occupation. Nouvelle journée communiqué en fin de soirée noire en Irak, hier, pour les par les services hospitaliers faiforces de la coalition qui pei- sait état de 68morts, dont cinq nent à rétablir le calme après enfants, et de 98blessés. plus de quinze jours de chaos. Foule hostile. Les déflagraAucune des médiations ten- tions ont secoué le centre de tées par divers intermédiaires Bassora vers 7 heures, ● ● ● Bagdad envoyé spécial es bombes à Bassora, dans le Grand Sud chiite réputé conciliant. Des combats qui reprennent à Fallouja, cœur du triangle sunnite, au nord-ouest, le fief de la résistance radicale à D Retour mouvementé pour les otages du Japon Les frais médicaux et de rapatriement pourraient être à la charge des familles. Tokyo de notre correspondant epuis le retour dans l’archipel, dimanche, des trois otages kidnappés le 7 avril en Irak, une polémique agite les milieux du pouvoir et des médias à Tokyo. Les familles doiventelles payer les frais du retour et des visites médicales suivies par leurs trois enfants à Dubaï au terme de sept jours de captivité? Doivent-elles aussi rembourser ce qui aurait été versé par le gouvernement pour obtenir leur libération? Réactions négatives. Très affaiblis, les trois ex-captifs semblent les premiers surpris par la tempête de réactions négatives que leur enlèvement et leur libération ont suscitée. Selon le ministre char- D gé de la Prévention des désastres, Kiichi Inoué, «les familles doivent s’excuser pour les problèmes causés». Rançon. Le gouvernement, soumis à un feu de critiques pour sa gestion de la «crise des otages», a contre-attaqué, hier. Ichiro Aisawa, vice-ministre des Affaires étrangères, a nié qu’une rançon ait été versée aux médiateurs ou aux ravisseurs. Une rançon estimée la veille par plusieurs médias à 2milliards de yens (15,5millions d’euros). «C’est absolument impossible»,a réagi le diplomate. Contredisant un député du parti Minshuto (opposition) selon lequel «une somme considérable a été versée pour faire libérer les otages». Le Premier ministre s’en est pris, lui, aux ex-otages. Libérés, ils auraient affirmé vouloir rester en Irak pour poursuivre leur mission. «Comment osent-ils dire des choses pareilles? Ils devraient réfléchir»,a déclaré Koizumi hors de lui. «Je n’ai jamais dit cela. J’ai clairement dit que je voulais rentrer à la maison»,a tempéré Jumpei Yasuda, l’un des ex-otages. Hier, les députés ont de leur côté renoncé à légiférer sur «l’interdiction de voyager dans les pays à risques».• MICHEL TEMMAN •L’homme d’affaires danois, enlevé il y a une semaine en Irak, a été retrouvé mort. Henrik Frandsen, 35 ans, avait été capturé à environ 15kilomètres au nord de Bagdad. monde 7 LIBERATION J E U D I 2 2 AV R I L 2 0 0 4 ★ alors que nombre d’élèves se rendaient à l’école. Une trentaine d’enfants se trouvent parmi les blessés, un bus scolaire qui passait devant un commissariat a été soufflé par l’explosion de l’une des bombes. «D’après les informations dont nous disposons, trois voitures ont été utilisées dans ces attaques», a déclaré le ministre irakien de l’Intérieur, Samir al-Soumaydaï, lors d’une conférence de presse à Bagdad. «La plupart des victimes sont des civils»,a précisé le maire de la ville, Waïl AbdelHafiz. Mais quatre militaires britanniques ont été blessés dans l’attentat contre l’académie de policede Bassora. «Ces opérations ont été commises par des kamikazes», a confirmé un porte-parole de la coalition dans le Sud, une zone placée sous commandement du Royaume-Uni, et jusqu’alors relativement épargnée par la violence. Les soldats venus constater les dégâts ont été accueillis par des jets de pierres et ont dû battre en retraite sous les cris d’une foule hostile. Craintes. «Nous craignons que ces attentats ne provoquent un soulèvement populaire dans le Sud, contre la coalition», confient les religieux du bureau de représentation du grand ayatollah Ali Sistani, à Bagdad. Ces notables chiites sont intervenus depuis plusieurs jours pour éviter une confrontation entre partisans du jeune dirigeant radical Moqtada al-Sadr et les troupes américaines qui entourent la ville sainte de Najaf. Autorité morale extrêmement respectée par les chiites, l’ayatollah Sistani semble toutefois penser que sa capacité de médiation a atteint des limites dangereuses pour son prestige. Indignation. «Ceux qui ont décidé de ces attentats ne pouvaient pas choisir un meilleur moment, explique l’un de ses proches. La communauté chiite est un volcan en ébullition. Depuis les incidents de Fallouja, et avec la menace d’intervention qui pèse sur Najaf, l’indignation des Irakiens contre les forces de la coalition n’a jamais été aussi forte. Leurs actions sans retenue poussent les sentiments du peuple vers des dirigeants et des milices extrémistes. Le but de ces terroristes était de renforcer l’anarchie pour pousser les chiites à prendre leur sécurité en main. Ce qui mènera à des confrontations avec la coalition. C’est également un moyen de soulager la pression militaire sur Fallouja en exportant la violence vers le sud. Enfin, cela va accélérer la décision de certains contingents de quitter l’Irak. A mon avis, nous devrions voir très bientôt de nouveaux attentats à Bagdad.»• ●●● DIDIER FRANÇOIS Guantanamo, zone de «non-droit» La Cour suprême américaine examine la légalité de la détention des ex-talibans à Cuba. Washington de notre correspondant uantanamo est au banc des accusés. Mardi, la Cour suprême des Etats-Unis examinait pour la première fois la légalité de la prison pour terroristes installée sur une base militaire américaine à Cuba. Pendant ce temps, aux Nations unies, Cuba tente de pousser une résolution devant la Commission des droits de l’homme, exigeant plus de transparence sur le traitement des prisonniers. La Cour suprême doit juger s’il était possible d’interdire aux 660 détenus de Guantanamo de saisir des tribunaux américains pour protester contre leur sort. Selon Washington, les talibans ou les membres d’Al-Qaeda sont des «combattants ennemis»qui ne peuvent être considérés comme des «prisonniers de guerre» relevant de la convention de Genève: ils peuvent donc être détenus pour de longues durées, sans procès et sans accès à un avocat. Artifice. Au cours de l’audience de mardi, le représentant de l’administration Bush, Theodore Olson, a tenté de convaincre les juges: le droit américain, a-t-il expliqué, ne peut s’appliquer à Guantanamo, qui ne fait pas partie du territoire américain (la base est une concession illimitée accordée par Cuba depuis 1903). Pour l’avocat des détenus, John Gibbons, un ancien juge fédéral, cet argument est un artifice pour justifier la création, par l’exécutif, d’une zone de «non-droit». Cinq des neuf juges avaient G l’air de sérieusement tiquer en écoutant Olson. «L’idée que l’exécutif puisse être libre de faire ce qu’il veut sans contre-pouvoir semble tout à fait contraire à la Constitution», a ainsi déclaré le juge Stephen Breyer. «Les Etats-Unis sont en guerre»,a justifié Olson, qui a perdu son épouse dans les attentats du 11septembre 2001. Le juge Paul Stevens lui a demandé: «Supposons que la guerre soit terminée. Auraient-ils alors accès à des juridictions?» Olson répondant par la négative, Stevens a conclu: «Dans ce cas, la notion de “guerre” n’a pas ici de pertinence juridique.» La Cour suprême se déterminera avant fin juin. L’affaire est très sensible. Audelà de Guantanamo, ce sont les pouvoirs exorbitants que s’est octroyés Bush, au nom de la guerre contre le terrorisme, qui sont jugés. Motion cubaine. A Genève, Cuba se démène pour que la Commission des droits de l’homme examine la situation de Guantanamo. Le régime de Castro a déposé une motion la semaine dernière, amendée par la Suisse et la Russie. La motion exige des éclaircissements sur les conditions et sur le statut des prisonniers et demande à Washington d’autoriser la visite d’observateurs de la Commission. Mardi à LaHavane, le ministre des Affaires étrangères cubain, Felipe Pérez Roque, a accusé les Etats-Unis d’exercer des «pressions brutales»sur les autres pays pour faire échouer son initiative. L’Union européenne n’a toujours pas soutenu le texte, ce qui a provoqué chez le ministre un commentaire ironique: «Nous ne pouvons pas concevoir que l’UE n’approuve pas le texte.»La résolution cubaine, surtout conçue comme une réponse aux motions anticubaines poussées par les Etats-Unis, a peu de chances d’être adoptée.• PASCAL RICHÉ La liberté n’oublie personne Le pack eXtense Wi-Fi est à 49 € * Les sept Français bloqués Alors que sept Russes, un Danois, un Espagnol et cinq des neuf prisonniers britanniques ont été récemment libérés de Guantanamo, la situation des sept prisonniers français reste confuse. «Ils n’ont aucun statut, pas plus qu’on ne leur impute de charges précises», déplore Me Jacques Debray, qui défend deux d’entre eux. Les familles n’ont reçu aucune lettre depuis six mois. Bien sûr, l’entourage des prisonniers spécule sur les conséquences des relations franco-américaines. Les avocats souhaitent rencontrer le procureur de Paris, Yves Bot, qui vient de s’entretenir de la situation avec les autorités américaines. Accédez à l’Internet Haut Débit sans fil. 10 14 (appel gratuit de chez vous) Boutiques France Télécom positive generation * Promotion du 15 au 30 avril 2004, soumise à conditions, notamment d’éligibilité, valable en France métropolitaine pour tout achat d’un Pack eXtense Wi - Fi et pour toute nouvelle souscription à un forfait eXtense (hors forfaits 128k) d’une durée de 12 mois minimum (eXtense 512k 5 Go : 29,90 € T TC/mois - eXtense 512k illimité : 34,90 € TTC/mois - eXtense 1024k illimité : 44,90 € TTC/mois) ou de 24 mois minimum au tarif en vigueur. Offre uniquement valable dans les réseaux participants à l’opération. Modalités détaillées sur wanadoo.fr. L’utilisation de la technologie Wi - Fi avec la norme RLAN 802.11b sur la bande de fréquences 2.4GHz est limitée conformément aux recommandations de l’Autorité de Régulation des Télécommunications. SA WANADOO France - 48 rue Camille Desmoulins - 92791 Issy Les Moulineaux Cedex 9 - RCS Nanterre B 403 088 867. 8 monde Israël: «A ceux qui me disent traître, je dis que je suis fier» Attentatsuicide en Arabie Saoudite Quatre morts dans l’explosion d’une voiture piégée au cœur de Riyad. Entre ovations et injures, Vanunu, l’«espion nucléaire», est sorti hier de prison. A C.A. (avec AFP, Reuters) Jérusalem de notre correspondant arlera-t-il? C’est fait. Mordechaï Vanunu, «l’espion nucléaire» israélien, a d’ores et déjà enfreint les restrictions posées à la veille de sa libération. A peine sorti de prison, hier à 11 heures, le matricule 100592, enfermé pendant dix-huit ans, dont onze à l’isolement dans la section des «traîtres» de la prison de haute sécurité de Shikma (Ashkelon, Sud), a tenu une conférence de presse improvisée – et tumultueuse – devant un parterre de médias, de sympathisants et d’adversaires. «Traitement cruel». Revêtu d’une chemise blanche, d’un pantalon et d’une cravate noirs, brandissant des deux mains le «V» de la victoire, il s’est expliqué devant une forêt de micros. En anglais, et non en hébreu, par refus désormais de tout lien avec l’Etat P sans avoir affirmé, juif. Parlant le plus au passage, que souvent de lui«Cindy», l’espionmême à la troisiène qui l’avait cirme personne, il a convenu afin de le dénoncé le «traiteconduire à Rome ment cruel et barpour y être enlevé bare» subi en dépar des agents istention «parce que raéliens, en sepchrétien». «A tous tembre1989, n’était ceux qui disent que pas «membre du je suis un traître, je dis que je suis fier et Mordechaï Vanunu. Mossad mais du FBI ou de la CIA». heureux de ce que je fais», a-t-il lancé. «Vous n’avez La foule de ses partisans, milipas réussi à me briser, à me tants antinucléaires ou opporendre fou»,a-t-il dit, ajoutant sants au gouvernement israéqu’Israël «n’a pas besoin lien, lui a fait une ovation alors d’armes nucléaires maintenant qu’il franchissait les grilles de que le Proche-Orient est dénu- la prison. Face à eux, des opposants, dont beaucoup de cléarisé». Revenant sur ses déclarations, membres de l’organisation Vanunu a précisé: «Je n’ai pas d’extrême droite Kahana-Haï dit qu’il n’y a pas besoin d’un («Kahana est vivant»), l’abreuEtat juif, mais que Mordechaï vaient d’insultes et assaillaient Vanunu n’en a pas besoin!» son véhicule. «Il ne sortira pas Converti au christianisme, il d’ici vivant», clamaient-ils. voudrait étudier l’histoire et Mordechaï Vanunu n’a pas reémigrer aux Etats-Unis, non joint l’appartement retenu O D E D B A L I LT Y. A P l-Qaeda ou l’un de ses épigones ont porté un nouveau coup au régime saoudien, hier, en faisant exploser une voiture piégée devant le QG de la police, en plein cœur de Riyad, la capitale. Quatre personnes, dont deux policiers, ont été tuées, selon le ministère de l’Intérieur et 148 blessées. «Vers 14 heures, une voiture a tenté de pénétrer dans le siège de la direction générale du trafic routier à Riyad. Les gardes ont réagi en fonction de ce que requiert la situation. Le conducteur a alors fait exploser sa voiture à 30 mètres de l’entrée», a expliqué un porteparole du ministère de l’Intérieur cité par l’agence officielle de presse SPA. L’explosion, très violente, a creusé un cratère de 5 mètres de large et de 50 centimètres de profondeur, dévastant la façade du bâtiment et soufflant toutes les vitres dans un large périmètre. La télévision saoudienne a diffusé des images très crues de la scène de l’attentat, où l’on peut voir des lambeaux de chair et des membres épars. Cet attentat-suicide intervient alors qu’il ne se passe plus une semaine en Arabie Saoudite sans que l’on apprenne la mort de policiers ou d’islamistes dans des accrochages de plus en plus violents –ces derniers utilisent désormais des lance-roquettes RPG. Les forces de sécurité ont annoncé dernièrement avoir intercepté pas moins de cinq voitures piégées en moins d’une semaine. Depuis bientôt un an, le régime saoudien est en guerre ouverte contre la mouvance d’Oussama ben Laden, qui appelle à «libérer les lieux saints». Cet attentat est intervenu le jour même de la visite du secrétaire d’Etat adjoint américain, Richard Armitage, qui a été reçu par le prince héritier Abdallah ben Abdel Aziz. Les relations entre les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite sont tendues depuis les attentats du 11 septembre 2001, dans lesquels 16 Saoudiens ont pris part. Malgré les mesures de sécurité draconiennes prises par Riyad qui a intensifié sa traque des islamistes, Washington a demandé il y a une semaine au personnel diplomatique américain non essentiel de quitter le pays, en raison de craintes sur la sécurité de leurs ressortissants. En mai et novembre derniers, des attentats, imputés à Al-Qaeda, contre des résidences d’expatriés à Riyad avaient fait 52morts.• LIBERATION J E U D I 2 2 AV R I L 2 0 0 4 pour lui dans une luxueuse résidence de Jaffa, mais, directement à l’église Saint-Georges de Jérusalem-Est, où il a reçu la communion anglicane et «remercié Dieu et ses amis». Ses parents adoptifs, Nick et Mary Eoloff, Américains du Minnesota, l’accompagnaient et il y a retrouvé Peter Hounam, le journaliste du Sunday Timesauquel il avait révélé les secrets nucléaires de Dimona, où Vanunu était employé comme technicien. Sondage. Représente-t-il toujours un «danger sécuritaire», comme l’affirment les responsables israéliens? L’opinion est mitigée à en croire un sondage du quotidien Haaretz paru hier: 47% des interrogés étaient contre sa libération, 44% pour. Mais nul doute qu’il continuera de défendre ses opinions, aiguisées par deux décennies de solitude.• JEAN-LUC ALLOUCHE Raids meurtriers de Tsahal à Gaza Voyages aériens: la Cour européenne saisie Le Parlement européen a décidé, hier, de saisir la Cour européenne de justice afin de vérifier si le projet d’accord UE/Etats-Unis sur le transfert des données privées des passagers respecte la législation européenne. Depuis un an, les services douaniers américains exigent d’avoir accès aux systèmes de réservation pour les vols vers les Etats-Unis. L’extrême droite belge devant la justice Le Vlaams Blok, parti d’extrême droite belge, «prône la discrimination», a estimé hier la cour d’appel de Gand dans un jugement qui pourrait priver ce parti d’un financement public annuel. L’Amérique latine aime les dictateurs Un rapport du Programme des Nations unies pour le développement publié hier à Lima –«Démocratie en Amérique latine 2004»– affirme que 54,7 % d’habitants de la région n’hésiteraient pas à confier leur sort à un dictateur pour sortir de la crise et que 44,9 % préfèrent vivre dans un pays démocratique. Burundi: négociations Le dernier mouvement rebelle encore en guerre au Burundi, les Forces nationales de libération, a annoncé un «arrêt des hostilités immédiat» contre l’armée. ONU: un expert pour l’antiterrorisme L’ONU a décidé, hier, de nommer pour un an un expert indépendant chargé d’examiner la conformité avec les droits de l’homme des mesures prises par les gouvernements dans la lutte contre le terrorisme. SUHAIB SALEM. REUTERS Une femme ministre à Bahreïn En deux jours, treize Palestiniens ont été tués dans le nord de la bande de Gaza au cours d’affrontements sanglants. Hier, l’armée israélienne a abattu neuf Palestiniens, dont certains étaient armés, et blessé une cinquantaine de personnes à Beit Lahiya, au cours d’une incursion d’une colonne de blindés et de bulldozers, appuyés par des hélicoptères de combat. Pendant le raid israélien, des pierres, des cocktails Molotov, des grenades et des roquettes antichars ont été tirés sur les troupes de Tsahal. La veille, mardi, de semblables affrontements s’étaient déroulés, à Beit Lahiya et à Beit Hanoun, au cours desquels quatre Palestiniens ont trouvé la mort. Au cours de ces deux journées, des centaines de jeunes Palestiniens se sont mêlés à coups de pierres aux échanges de tirs entre Tsahal et des membres du Hamas et du Jihad islamique. Selon un porte-parole de l’armée israélienne, ces opérations sont une riposte à des tirs de roquettes artisanales Qassam, qui se sont abattues, dimanche dernier, sur la colonie juive de Nissanit, dans le nord de la bande de Gaza, et sur Sdérot, en territoire israélien. J.-L. A. (à Jérusalem) Nada Haffadh devient la première femme ministre de cette monarchie du Golfe où les femmes ont voté pour la première fois en 2001. Rectificatif. Dans notre édition du 20 avril, nous avons écrit que 509 Américains sont morts en Irak «ces trois dernières semaines». Il s’agit en fait du nombre de GI morts depuis le début du conflit. monde 9 LIBERATION J E U D I 2 2 AV R I L 2 0 0 4 ★ Constitution européenne: Tony Blair sème la confusion Avis partagés au Parlement de Strasbourg sur sa proposition de référendum. Strasbourg envoyé spécial ony Blair a-t-il pris l’Union en otage en décidant de soumettre la future Constitution européenne au référendum? «C’est un pari risqué car il est rare que l’on réponde à la question posée», estime le député européen espagnol Enrique Baron Crespo, président du groupe PSE (Parti des socialistes européens). Or «c’est une affaire qui concerne l’ensemble des Européens et pas seulement les Britanniques, souligne l’Allemande Doris Pack (PPE-DE, conservateur). S’ils refusent la Constitution, elle ne pourra tout simplement pas entrer en vigueur».Elle doit en effet être ratifiée par les vingt-cinq pays. «C’est cela l’enjeu du référendum et non l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne», ajoute Doris Pack. Autant dire que la décision prise par le Premier ministre britannique, sans aucune concertation avec ses partenaires, inquiète la majorité du Parlement européen tant le résultat paraît incertain pour ne pas dire perdu d’avance. «C’est une mauvaise nouvelle pour l’Europe. Le Premier ministre Tony Blair n’a pas le courage de tenir ses engage- T ments: la tradition dans ce pays est de ratifier par la voie parlementaire», s’emporte Elmar Brock (Allemagne, PPEDE). «Ma première réaction a été de dire: il se fout de l’Europe», reconnaît Daniel CohnBendit, président du groupe Verts. «Cela me rend furieux, renchérit l’UMP Alain Lamassoure (France, PPE-DE). Il va se servir du référendum consultation populaire. «A partir du moment où les Britanniques montrent l’exemple, la pression sera forte sur Jacques Chirac», analyse le socialiste Gilles Savary, qui se réjouit que le peuple soit appelé aux urnes. «Il ne faut pas raisonner en termes de risque. Si les peuples ne peuvent l’accepter, c’est que la Constitution est mauvaise.» L’UDF Jean-Louis Bourlanges pense «Je suis ravi. Il va y avoir un effet aussi que le réfédomino et tous les pays vont être rendum, que son obligés d’organiser un référendum. Ce sera le deuxième tour de Maastricht.» parti réclame, est William Abitbol, souverainiste désormais inévitable, tout comme pour faire pression sur ses par- le Vert Gérard Onesta, vicetenaires afin d’obtenir de nou- président du Parlement, ou velles concessions sur la Francis Wurtz, président du Constitution européenne alors groupe de la Gauche unitaire qu’il avait dit qu’il l’acceptait européenne (GUE). «Je suis sans réserve.» ravi. Il va y avoir un effet domi«Pression». Pour le libéral-dé- no et tous les pays vont être mocrate britannique Gra- obligés d’organiser un référenham Watson, «si du point de dum, s’exclame le souveraivue de la politique interne sa niste William Abitbol. Ce sera décision est très adroite, puis- le deuxième tour de Maasqu’il ôte un thème de cam- tricht (allusion au référenpagne à ses adversaires et divi- dum organisé en France en se le Parti conservateur, son septembre 1992 et gagné de action va rendre plus difficile justesse, ndlr).» le processus de ratification». Beaucoup de députés estiComme la plupart des euro- ment que ce référendum bridéputés, il voit mal comment tannique va enfin permettre la France, en particulier, va de clarifier la position de éviter d’organiser une telle Londres en Europe. «Il faut que cesse enfin le psychodrame permanent du Royaume-Uni vis-à-vis de l’Europe, estime l’Espagnol Inigo Mendez de Vigo (PPE-DE). Il faut que Tony Blair pose enfin la vraie question: “Voulez-vous être dedans ou dehors?”» Graham Watson fait part de son «soulagement»: «Vidons la querelle européenne une bonne fois pour toutes. Ce ne sera pas un vote mais bel et bien un exorcisme.» Radical. Mais comment éviter que l’Europe ne soit bloquée par le seul Royaume-Uni? «Il faut que des référendums soient organisés le même jour dans toute l’Europe», répond Alain Lamassoure afin de créer un rapport de force suffisant pour montrer la porte de sortie à la Grande-Bretagne, une solution préconisée aussi par les Allemands. Daniel Cohn-Bendit propose, lui, que les Vingt-Cinq innovent: «Si la majorité des citoyens représentant les deux tiers des Etats membres se prononcent pour, la Constitution devrait être adoptée. Les pays qui ont voté contre auront un an soit pour l’adopter à leur tour, soit pour préparer leur sortie de l’Union.» Radical mais efficace.• JEAN QUATREMER Turquie: les députés kurdes resteront en prison Le verdict de 1994 est confirmé, alors que la Cour européenne l’avait jugé inéquitable. e n’est pas une surprise. Nous avons travaillé pour rien pendant treize mois. La Cour a confirmé un verdict qui était déjà déclaré injuste par un tribunal international. La Cour a dès le début traité nos clients comme des condamnés alors qu’ils étaient de simples accusés. Je crois que la Cour de cassation et la Cour européenne des droits de l’homme réviseront ce verdict», a déclaré Me Yusuf Alatas, hier vers midi, à la fin de la dernière audience de la Cour de sûreté de l’Etat (CSE) d’Ankara. Les juges de la CSE ont confirmé à l’unanimité le verdict rendu par le même tribunal en 1994. Les quatre députés kurdes Leyla Zana, Orhan Dogan, Selim Sadak et Hatip Dicle étaient condamnés à quinze ans de prison pour avoir violé l’article168 du code pénal turc, qui sanctionne «l’appartenance à une organi- «C sation séparatiste devant la Cour terroriste». La pour manifester Commission euroleur défiance à la péenne, qui doit CSE. cet automne donCe verdict a déçu ner son avis sur la les Kurdes et la candidature de la grande majorité de Turquie à l’Union l’opinion publique européenne, a «déturque qui désire ploré avec vigueur voir des améliorace verdict». Un ver- Leyla Zana, tions dans le dodict qui, ajoute la députée kurde. maine des droits Commission, «crée de l’homme pour des préoccupations sérieuses renforcer les chances de la dans le contexte des critères po- Turquie de rentrer dans litiques [de l’UE] et jette une l’Union européenne. Le viceombre sur la mise en place des Premier ministre et ministre réformes politiques en Tur- des Affaires étrangères turc quie». Abdullah Gul avait déclaré au Déception. La Cour européen- mois de février que le gouverne des droits de l’homme avait nement aimerait bien voir statué le 17 juillet2001 que les Leyla Zana sortir de prison quatre accusés n’avaient pas mais que «la justice turque eu droit à un jugement juste et était indépendante de l’exécuéquitable. La Turquie avait été tif». également condamnée à ver- L’eurodéputé italien Luigi Vinser 140000 dollars de dom- ci, observateur au nom du Parmages et intérêts aux quatre lement européen, a déclaré Kurdes. Les quatre accusés que le verdict de la CSE constiavaient refusé de comparaître tuait une insulte vis-à-vis de B U R H A N OZ B I L I C I . A P Istanbul de notre correspondant l’Union et de la Cour européenne des droits de l’homme. «La législation turque limite encore la liberté d’expression. Le cas de Zana n’est pas unique. Il y a des centaines de victimes qui sont actuellement dans les prisons turques pour avoir déclaré des opinions non conformes à celles du pouvoir. Ce verdict n’est pas conforme à l’esprit même du droit et Ankara aura des difficultés dans ses relations avec Bruxelles», a commenté Umit Firat, spécialiste du problème kurde. «Solution politique». «Ce verdict montre le poids des forces qui s’opposent encore à l’UE et essaient de retarder la solution politique du problème kurde», estime Oral Calislar, chroniqueur du quotidien Cumhuriyet. Les quatre députés kurdes, qui avaient été arrêtés dans l’enceinte du Parlement en 1994, devront rester dans la prison centrale d’Ankara jusqu’à l’été 2005.• RAGIP DURAN Kerry publie son dossier militaire Le candidat démocrate à la Maison Blanche, John Kerry, s’est résigné à publier sur l’Internet son dossier militaire. Il décrit Kerry comme «ayant toutes les qualités désirées pour un officier dans un environnement de combat» et ajoute qu’il est, «selon un décompte non officiel, crédité de vingt ennemis tués». Des médias conservateurs le soupçonnaient de ne pas mériter ses trois médailles pour blessures. A propos de la première, un ancien supérieur de Kerry a évoqué une «égratignure». L’équipe du candidat n’a pas trouvé la partie du dossier concernant cette première blessure, mais elle met à disposition un document P.R. (à Washington) médical privé de l’époque. Une histoire Les Basques perdent leur chêne Le chêne de Guernica, symbole du peuple basque, est mort à 146 ans, mangé par les parasites et épuisé par la canicule. Planté devant la «Casa de Juntas» (la maison du Conseil), ce chêne de 12 mètres avait survécu au bombardement allemand qui, immortalisé par Picasso, avait rasé la ville, un jour d’avril 1937. C’est devant ce chêne, le troisième en un demi-millénaire, que les rois d’Espagne venaient jurer de respecter les «privilèges» basques et que, à l’époque moderne, tout nouveau Lehendakari (président régional basque) vient prêter serment «devant Dieu humilié». Le premier chêne, surnommé «le Père», avait été planté au XIVe siècle et avait vécu environ quatre siècles. Son successeur avait tenu 150 ans (1742-1892). Un rejeton de 15 ans a déjà été préparé. Il sera planté en janvier. D’après AFP Sénégal: le président Wade se sépare de son Premier ministre Le divorce est consommé entre Abdoulaye Wade et son Premier ministre Idrissa Seck, naguère considéré comme son homme de confiance. Le Président a mis fin à ses fonctions hier et nommé à sa place Macky Sall, ministre de l’Intérieur sortant. Ce limogeage met fin à plusieurs mois de rumeurs sur les frictions opposant le camp du Président et celui de son ex-Premier ministre. La formation annoncée d’un nouveau gouvernement pour permettre, selon le vœu de Wade, l’entrée au gouvernement d’un parti d’opposition, l’Union pour le renouveau démocratique, de Djibo Kâ, D’après AFP aurait déclenché la crise. «Pétrole contre nourriture»: l’ONU étudie les détournements Kofi Annan s’est engagé hier à «obtenir la vérité» sur les détournements liés au programme «pétrole contre nourriture» pour l’Irak et a nommé Paul Volcker, ex-président de la Réserve fédérale américaine, à la tête d’une commission d’enquête. La chaîne ABC News a révélé mardi qu’au moins trois fonctionnaires de l’ONU, dont le chef du programme, Benon Sevan, seraient impliqués. S’appuyant sur des documents irakiens, ABC affirme que Sevan aurait reçu 3,5 millions de dollars. 270 personnalités de 22 pays seraient mises en cause. Introduit en 1996 pour réduire l’impact de l’embargo sur la population, le programme «pétrole contre nourriture» a brassé plus de 40 milliards de dollars, dont dix auraient été détournés, selon un audit américain. D’après AFP Chypre: l’UE se sent «bernée» A l’approche du double référendum du 24 avril sur la réunification de Chypre, le commissaire européen à l’Elargissement, Günter Verheugen, a dit hier qu’il se sentait «berné» par le gouvernement chypriote grec qui appelle à voter non au plan de paix de Kofi Annan. De New York, le secrétaire général de l’ONU a prévenu qu’en cas de (probable) rejet par la partie grecque «le projet D’après AFP sera mort et [son] rôle terminé». 10 terre 1 % SEULEMENT DES OCÉANS DE LA PLANÈTE sont des zones protégées, selon la revue Nature. En revanche, 11,5% des terres sont classées sous forme de réserves ou de parcs préservés. Environnement. Dans le Kerala, une usine est accusée d’assécher les nappes phréatiques. En Inde, le Coca donne soif aux paysans ISO 14001, Coca met aussi en avant la mise en place d’un important dispositif de récu’eau pure, l’air pur: pération d’eau de pluie qui aunotre droit de naisrait déjà permis de renflouer sance», dit le petit les nappes de 12millions de liécriteau à l’entrée tres. «Le système a été conçu de l’usine Coca-Coaprès le début de la polémique, la. Sous une hutte en paille, sourit toutefois un journalisune quinzaine d’hommes et de te qui suit le dossier depuis le femmes, assommés par la chadébut. Ça ressemble surtout à leur, montent la garde. «Nous un exercice de relations puen sommes à notre 705e jour de bliques.» Le groupe, lui, affirprotestation, explique l’un me que le système faisait pard’entre eux. Nous nous retie des plans de l’usine dès son layons pour être là en permaorigine… Mystère, mais le lanence. Nous ne quitterons pas bel ISO 14001 ne date que cette cabane tant que l’usine d’avril2003. n’aura pas définitivement fermé.»Bienvenue à Plachimada, «Antiaméricanisme». Cataspetit hameau de l’Etat du Ketrophique pour l’image du rala, dans le sud de l’Inde, où géant mondial des boissons une poignée de paysans lutgazeuses, la polémique de Platent avec acharnement contre chimada a été aggravée, l’an la plus connue des multinatiodernier, par la découverte de nales, accusée de piller les métaux lourds dans les déeaux souterraines en fabrichets de l’usine, que la direcquant ses célèbres boissons tion distribuait gratuitement gazeuses. Un «David contre comme engrais aux paysans Goliath» version écolo-alterdes alentours… Résultat: des mondialiste, dans lequel le taux élevés de plomb et de cadplus petit, pour l’instant, l’emmium dans les puits, dans les porte. Mettant temporairechamps, et donc dans la chaîne ment fin au bras de fer, la haualimentaire, avec des conséte cour du Kerala a en effet quences inconnues sur la sanvalidé début mars la décision té. A sa décharge, Coca a imdu gouvernement local de fermédiatement rapatrié les mer le site jusqu’à l’arrivée de «engrais» non utilisés, mais la mousson, afin de laisser le maintient pour autant que temps aux nappes phréaceux-ci sont inoffensifs. Bizartiques de se remplir. Estimant rement, les analyses diffèrent, que les ressources aquifères mais les soupçons sont néanétaient une «propriété pumoins lourds, d’autant qu’une blique» à laquelle «tous les autre usine sous-traitante a êtres humains» pouvaient préconfirmé la présence de ces tendre, ce tribunal avait déjà substances toxiques. Les habiordonné à Coca, en décembre, tants de Plachimada, en tout de limiter sa consommation cas, affirment tous souffrir de d’eau au minimum, soit l’équidémangeaisons lorsqu’ils se valent de ce que pomperait lavent avec l’eau des puits. une exploitation agricole de Réfutant toutes les accusa15hectares, la taille du terrain tions, Coke se dit victime de qui abrite l’usine. «règlements de comptes politiques et d’antiaméricanisme». «Or bleu». Car, dans cette ré«Il est difficile de comprendre gion autrefois connue comme Une usine Coca-Cola en Inde. La firme américaine en a construit une soixantaine dans le pays. pourquoi nous sommes les le «grenier à riz» du Kerala, l’«or bleu» manque cruellement. A tel INDE et les altermondialistes de tous bords, seuls à être pris pour cible alors qu’il y a dans la réCoca-Cola affirme n’être pour rien dans gion vingt-sept autres industries qui utilisent pour point que les autorités sont obligées d’en1000 km l’épuisement des nappes phréatiques, re- certaines plus d’eau que nous», argumente Sunil voyer des camions-citernes pour approjetant la faute sur la sécheresse. De fait, Gupta, vice-président de Coca-Cola India. «C’est visionner les villageois en eau potable. les précipitations dans la région ont été vrai que la focalisation sur Coca est un peu injuste, «Le camion ne vient au mieux que tous les New bien en dessous de la moyenne ces deux avoue un journaliste local, mais ils payent le prix de deux jours, et quand il est là, la bagarre est Delhi dernières années. «Nous avons connu leur nom et leur implantation dans une zone agricotelle que nous n’avons jamais assez d’eau d’autres sécheresses par le passé, mais la si- le alors que les autres usines sont regroupées dans pour toute la famille», se lamente Kalipan tuation n’a jamais été aussi dramatique, des sites industriels.» en désignant une flopée d’enfants qui nous avions au moins de quoi boire, ré- Grand seigneur, Coke affirme ne pas vouloir fermer jouent dans la poussière. «Avant, je faisais tourner ma pompe toute la nuit, ajoute Krishnaswa- torque Aruchami Krishnan, le président du conseil l’usine «car elle génère des revenus indispensables mi, un agriculteur dont les terres jouxtent l’usine. des villages de Purumatty, dont Plachimada fait par- pour des milliers de locaux». Cinq cents familles, en l’occurrence, qui sont éviAujourd’hui, il n’y a plus d’eau au bout de deux heures. tie. Et même si la mousson est demment furieuses d’avoir J’ai été obligé d’abandonner les rizières pour ne faire seule responsable, la présence «Nous avons connu d’autres soudainement perdu leur gaque de la noix de coco. Mes revenus ont tellement chu- de l’usine ne peut de toute façon sécheresses par le passé, mais gne-pain. Devant l’usine, la té que j’ai dû me débarrasser de tous mes employés.» qu’aggraver les choses.» nous avions au moins de quoi boire.» «Avant, il y avait deux récoltes de riz par an, ce qui nous En vertu de l’accord signé avec Le président du conseil de villages de Purumatty cabane du Comité de lutte anti-Coca-Cola fait ainsi face assurait six ou sept mois de travail, explique un sai- les autorités locales lors de sonnier. Maintenant, nous avons de la chance si nous l’ouverture de l’usine, en 2000, Coca-Cola a le droit depuis un mois et demi à celle du Comité de protecarrivons à toucher trois mois de salaire. Cette usine de pomper 560000litres par jour. La compagnie af- tion des emplois Coca-Cola. «Les anti sont justes firme être en dessous de ce seuil, déclaration invéri- frustrés de n’avoir pas été embauchés», affirment ces nous a volé nos emplois.» Devenue un symbole de la lutte contre l’exploitation fiable puisque les huit puits du site n’étaient pas, derniers. «Le droit à la vie est supérieur à la sécurité commerciale de l’eau, la bataille de Plachimada dure jusqu’à peu, équipés de compteurs. Insistant sur le de l’emploi», rétorquent leurs adversaires.• depuis deux ans. Montré du doigt par les écologistes fait que l’usine est dotée du label écologique PIERRE PRAKASH Plachimada (Kerala, Inde) envoyé spécial G E T T Y I M AG E S «L LIBERATION J E U D I 2 2 AV R I L 2 0 0 4 OCÉANS La vie marine de plus en plus mal en point Les organismes marins sont de plus en plus malades, selon une étude menée par le Centre américain de l’analyse écologique et publiée dans la revue Plos Biology. En cause, la destruction de l’habitat, le réchauffement climatique et l’intensification de la pêche. Les tortues et les mammifères seraient les plus touchés. BIODIVERSITÉ Une tempête, c’est plus d’insectes On trouve 30% d’insectes en plus dans les forêts françaises touchées par les tempêtes de 1999. Les trouées naturelles créées par les chutes d’arbres abritent en effet plus d’insectes xylophages et floricoles. Les chercheurs du Cemagref (Institut de recherche pour l’ingénierie de l’agriculture et de l’environnement) ont comparé des parcelles dévastées avec d’autres, restées indemnes. En 1999, 140millions de m3 de bois avaient été abattus. ÉNERGIE Hollywood s’engage Quinze stars de Hollywood, parmi lesquelles Alec Baldwin et Benicio del Toro, ont demandé au maire de Los Angeles de déployer les énergies renouvelables. Ils souhaitent que la ville produise 20% d’énergie propre d’ici à 2017. VIRUS Le Sras passerait par le système d’aération Le Syndrome respiratoire aigu sévère (Sras) peut se transmettre par le système d’aération d’un immeuble, selon une étude publiée aujourd’hui aux EtatsUnis. Elle démontre comment le virus a contaminé les habitants d’une résidence de Hongkong, par voie aérienne. (Annonce légale) AVIS DE CONSTITUTION Dénomination : COM&CO ASSOCIÉS Forme juridique : SARL. Capital social : 1 euro. Siège social : 4, rue de Domremy, 75013 Paris. Objet : Agence conseil en communication et stratégie événementielle. Co-gérants : M. Éric FAUGERE, demeurant 44, rue de la Fosse Maucler, 95140 Garges, et M. Luc ROGER, demeurant 4, rue de Domremy, 75013 Paris. Durée : 99 ans à compter de l’immatriculation au RCS de Paris. Pour avis. 12 politiques LIBERATION J E U D I 2 2 AV R I L 2 0 0 4 Les chiraquiens font tout pour empêcher Sarkozy d’accéder à la présidence du parti. L’UMP en plein naufrage lance son plan de sauvetage es «morts» par centaines après les élections régionales. Des anciens ministres en déshérence plein les bras. Des militants écœurés. Une base électorale qui ne comprend pas quel est le cap… Depuis sa déroute électorale de la fin mars, l’UMP est à la dérive. L’onde de choc est telle que la grogne remonte de toutes les fédérations. «Les gens sont excédés par le maintien de Raffarin et le faux départ d’Alain Juppé. Ils rêvaient d’un parti efficace et ouvert, ils se retrouvent avec une machine à perdre, verrouillée de surcroît. Si rien ne change et que nous perdons les élections européennes, ce ne sera plus une fronde mais une révolution», pronostique un haut responsable du parti. Casse-pipe. A ce jour, moins de 30% des militants auraient renouvelé leur adhésion, selon des sources internes, alors que le corps électoral qui votera au congrès de novembre sera arrêté le 30juin. Pour tenter de stopper cette descente aux enfers et éviter l’implosion du parti, le toujours patron de l’UMP, Alain Juppé, a relancé l’idée d’instaurer des courants entre les sensibilités libérales, centristes, gaullistes… Il a surtout confié les rênes du parti à son nouveau secrétaire général délégué, François Baroin, 38ans, député-maire de Troyes (Aube) et filleul de Jacques Chirac. Investi d’une mission de six mois pour remettre l’UMP sur les rails, il s’est fixé trois objectifs: préparer les élections européennes de juin; assurer la relève après le retrait de Juppé annoncé pour début juillet; préparer le congrès du parti en novembre, S A M U E L B O L L E N D O R F F . L’ Œ I L P U B L I C D Présentation des têtes de liste UMP aux européennes, hier. Le parti est à la dérive: à ce jour, moins de 30% des militants auraient renouvelé leur adhésion. en ait les moyens. Ni même l’envie: «Je veux un parti qui tire sans faux-semblant les leçons de sa défaite, organise sa diversité mais pas contre quelqu’un, affiche un soutien loyal et exigeant vis-à-vis du gouvernement», assure François Baroin. Pour l’heure, il préfère s’en tenir à ces grands principes. «Il fait jeune communiant, mais n’a rien d’un enfant de chœur. Attention, il a déjà pé«Donner l’impression d’un parti ché», sourit un déqui respire pour éviter le toboggan.» François Baroin, nouveau puté proche de secrétaire général délégué de l’UMP Sarkozy. En s’appuyant sur qui prévoit l’élection d’une la direction renouvelée (lire nouvelle équipe dirigeante par ci-contre), le nouvel homme les militants. «Donner l’im- fort de l’UMP va également pression d’un parti qui respire essayer d’instaurer un «vrai pour éviter le toboggan», résu- partenariat» avec l’UDF de François Bayrou. Mais Alain me le maire de Troyes. Plus implicitement, une autre Juppé, la Chiraquie et tous ses tâche lui a été confiée par le relais n’ont qu’une idée en tête: clan chiraquien: empêcher à trouver le (ou la) candidat(e) tout prix que l’UMP tombe susceptible de dissuader Nicoentre les mains de Nicolas Sar- las Sarkozy de se présenter à la kozy à l’automne. Pas sûr qu’il présidence de l’UMP. François Baroin sera-t-il le nouveau fils sacrifié de Jacques Chirac? L’idée de partir au casse-pipe ne semble guère l’emballer. Comme d’autres, il sait que le nouveau ministre de l’Economie est l’idole des militants. Si François Baroin a déjà su prouver par le passé son indépendance vis-à-vis d’Alain Juppé, et même du chef de l’Etat, il lui faudra une sérieuse capacité de résistance lorsque la pression montera pour le convaincre de figurer sur un «ticket» (président, vice-président délégué, secrétaire général) destiné à intimider Sarkozy. Marchandage. L’ancienne présidente du RPR, Michèle Alliot-Marie, a d’ores et déjà été «sollicitée en haut lieu pour se porter candidate. Mais elle n’a pas pris de décision», assure un de ses amis. A la fois proche du centre, des libéraux et surtout de Jacques Chirac, le maire de Marseille et actuel n°2 de l’UMP, Jean-Claude Gaudin, pourrait compléter le trio anti-Sarko. Cela pourrait ne pas suffire. Brice Hortefeux, député européen et fidèle parmi les fidèles de Sarkozy, a rap- pelé en début de semaine que «les militants souhaitent, dans leur immense majorité, que Nicolas Sarkozy s’implique davantage dans leur famille poli- La «relève» de l’après-Juppé L’UMP a présenté, hier, sa nouvelle équipe dirigeante destinée à «organiser la relève» dans la perspective du départ de Juppé en juillet. Elle comprend 13secrétaires généraux adjoints, 7conseillers auprès du président et 4 porte-parole thématiques. Les nominations, comme conseillers, du libéral Hervé Novelli, de la présidente du Forum des républicains sociaux, Christine Boutin, et du président du Parti radical, André Rossinot, sont censées refléter la meilleure prise en compte des sensibilités qui coexistent dans l’UMP. Le parti a aussi présenté ses 8chefs de file pour les européennes du 13juin. Il s’agit de Roselyne Bachelot (Ouest), Tokia Saïfi (Nord), secrétaire d’Etat au Développement durable, Brice Hortefeux (Centre-Massif central), Patrick Gaubert (Ile-deFrance), président de la Licra, Alain Lamassoure (Sud-Ouest), Françoise Grossetête (Sud-Est), Joseph Daul (Est) et Margie Sudre (Outre-Mer). Nicole Fontaine, qui affirmait avoir été «choisie»par Chirac pour conduire la liste en Ile-de-France, a, pour l’heure, été tenue à l’écart. Condamné à dix ans d’inéligibilité et dix-huit mois de prison avec sursis, le président de l’UMP, Alain Juppé, s’est, lui, autoproclamé n°1 de la A.G. majorité pour conduire la campagne européenne. tique». Tout en assurant que son ami n’avait pas encore pris la décision de se présenter, il fait monter les enchères. «Tout cela se réglera directement lors de conversations entre Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy. Il y aura un grand marchandage entre eux, et ce moment arrive où tout sera mis sur la table: Matignon, l’UMP, le mode de désignation du candidat de la droite à la présidentielle», assure un proche de Juppé. Pour l’heure, Chirac cherche à gagner du temps et à redéployer son dispositif. Il carbonise Raffarin, fait monter de nouveaux ministres pour banaliser Sarkozy, et se prépare à abattre ses cartes pour le faire renoncer à la présidence de l’UMP. La partie de poker menteur entre eux dure depuis deux ans. Elle pourrait connaître un premier dénouement au lendemain des européennes. Mais sera sans doute loin d’être terminée.• ANTOINE GUIRAL politiques 13 LIBERATION J E U D I 2 2 AV R I L 2 0 0 4 D’Aubert va renoncer à la mairie de Laval Le ministre délégué à la Recherche, François d’Aubert, a affirmé hier qu’il se conformerait à l’injonction du Premier ministre sur le non-cumul des mandats en renonçant à sa mairie de Laval. Il a précisé que «cela va se faire dans les prochaines semaines, en tout cas avant les vacances». Treize ministres sont concernés par la règle du noncumul entre un exécutif local et un ministère, dont Philippe DousteBlazy, maire de Toulouse, qui assurait hier n’y voir «aucun problème». Raffarin cherche son «chat» Jean-Pierre Raffarin a annoncé, hier, qu’il s’adresserait «prochainement» et «fréquemment» aux internautes via un «chat». Il entend, par cette démarche, «poursuivre ce dialogue sur la société de l’information», a-t-il déclaré à l’issue d’un déjeuner avec quelques-uns des principaux acteurs de l’économie numérique. Son entourage n’était pas en mesure, hier, de préciser la date de sa première intervention en ligne, ni le site sur lequel il s’exprimerait. Parité: Chirac prône des «efforts» Le président de la République a jugé, hier à Paris, dans un message lu lors de la célébration du 60e anniversaire de l’octroi du droit de vote aux femmes, que «malgré les progrès récents, nous avons beaucoup à faire» en matière de droits des femmes. Jacques Chirac a jugé que «le combat pour la parité est fondamental, car le degré de civilisation d’une société se mesure à la place qui est faite aux femmes». Hollande en hôte zélé de Zapatero Le patron du PS a pris conseil, hier, auprès du nouveau président du gouvernement espagnol. Madrid intérim ne leçon espagnole. Hier, François Hollande s’est rendu chez Jose Luis Zapatero, le nouveau président du gouvernement espagnol, histoire, pour le socialiste français, de comprendre les clés d’une victoire législative. Sur le perron de la Moncloa, l’Elysée espagnol, les deux hommes posent pour les photographes. Le premier secrétaire du PS a le sourire qui va d’une oreille à l’autre. Clairement, il aimerait bien rendre la pareille à son hôte espagnol en 2007. Pour le moment, malgré «les honneurs qui [lui] sont faits», il se contente de «parler au nom des socialistes français»en attendant de pouvoir imiter son alter ego socialiste, qui a détrôné le Parti populaire. Similitudes. Quelques minutes plus tard, les deux hommes, hilares, posent à nouveau dans les salons du Palais. De quoi rient-ils? Du surnom de Ségolène Royal, baptisée la «Zapatera» après sa victoire aux régionales dans le fief de Jean-Pierre Raffarin. «Il était au courant pour la Zapatera, il m’en a parlé. Je dois dire que M.Zapatero connaît assez bien la situation politique de la France et… du Poitou-Charentes, s’amuse François Hollande. Je dois préciser que je connais bien les deux, le Zapatero, depuis plus quatre ans, et la Zapatera, depuis…» François Hollande se retrouve dans la trajectoire de Zapatero, souvent accusé, comme lui, de manquer de charisme. «Si cela permet d’arriver aux responsabilités en peu de temps, il faut absolument camoufler le plus longtemps possible notre charisme», plaisante Hollande, en soulignant que la campagne électorale du vainqueur «était pleine d’humilité, il a appuyé U la sagesse d’attendre, de reconstruire, de proposer une alternative. Ce modèle doit nous inspirer, notamment la gestion du temps.» Alors, forcément, la question s’impose: quels conseils Zapatero a-t-il donnés à Hollande pour gagner des élections? «Je dois préciser qu’on a déjà gagné des élections. La victoire aux régionales est un succès, explique Hollande. Mais s’il y a une leçon qu’on doit retenir des élections en Espagne, c’est la transparence et la démocratie. Il nous faut être exemplaires, trouver des nouvelles formes de dialogue direct. Il faut en terminer avec les campagnes de promesses sans lendemain et les personnalités politiques sans idées.» Et de citer quelques-unes des recettes qui ont fait le succès de Zapatero: «Il faut revenir aux valeurs sociales. Il faut rénover les structures, rassembler la gauche, faire éclore de nouvelles structures. C’est Match nul, un non-lieu partout. Deux de ses ex-salariées que ce que nous essayons de faire en France. Ségolène Royal poursuivait pour «dénonciation calomnieuse» J’essaye de rassembler les courants. On ne ont obtenu, hier, un non-lieu. L’élue PS avait déposé plainte peut pas gagner si on n’a pas rassemblé sa contre ses anciennes collaboratrices, qui l’avaient elles-mêmes propre famille.» attaquée pour «travail clandestin». Elles affirmaient avoir été Baragouiner. Après son entrevue avec Zaemployées dans des conditions non conformes au code du patero, Hollande a pris la direction dusiètravail pendant la campagne des législatives de 1997, et ge du PSOE pour rejoindre José Blanco, évoquaient notamment des rémunérations non versées et des son porte-parole. Nouvelle pose pour les non-déclarations auprès des organismes concernés. Ségolène photographes, et Hollande de baragouiRoyal estimait que la plainte de ses anciennes collaboratrices ner avec un fort accent français le peu «portait gravement atteinte à son honneur et à sa considération». d’espagnol qu’il maîtrise: «Vitoria. ElecciElle a elle-même bénéficié d’un non-lieu dans cette affaire ones.» Blanco précise «13 juin», date du en mai2003, la justice estimant que les faits étaient bien établis scrutin européen. Hollande, lui, pensait mais qu’«aucune charge sérieuse»ne pesait contre la députée probablement 2007.• «de s’être intentionnellement soustraite à ses obligations». sur la proximité à l’égard de la population. Etre reconnu comme un leader est nécessaire, mais il faut surtout se faire aimer. Il vaut mieux être aimé qu’être craint». Les similitudes ne s’arrêtent pas là. Elu en 2000 à la tête du PSOE laminé aux législatives, Zapatero a émergé sur un scénario de ruines. «Son seul atout, c’est qu’il est jeune et n’est donc pas mêlé à la gestion de Felipe Gonzalez», dont la fin de règne en 1996 s’est terminée dans des scandales de corruption, affirmait-on au PS avant la victoire. Hollande, élu premier secrétaire en 1997, deux ans après l’ère Mitterrand, s’identifie à ce cheminement après le désastre du 21avril 2002. «M.Zapatero a eu La plainte de la «Zapatera» échoue PATRICK FORT Le maire UMP de Châteauroux accusé de «racket syndical» L’instauration d’une «contribution financière» obligatoire provoque l’ire des syndicats départementaux. es Berrichons se gargarisent de l’exploit de leur club de football, la Berrichonne de Châteauroux (Indre), qualifiée pour la demifinale de la coupe de France. Mais l’autre match qui se joue au quotidien entre le maire de Châteauroux, Jean-François Mayet (UMP), et les syndicats présents dans la ville semble nettement moins glorieux. Factures. La partie dure depuis sept mois. De la CGT à la CGC, l’ensemble des unions départementales –CFDT, CFTC, FO, FSU et Unsa– dénoncent l’attitude «antisyndicale» du maire. Et reprochent à ce concessionnaire de garages Mercedes de gérer la ville sur un mode «ultralibéral». L Le 12 septembre, Mayet adresse un courrier aux syndicats: «J’ai décidé de mettre en place, à compter de janvier 2004, une contribution financière significative à laquelle seront assujettis les syndicats départementaux occupant des bâtiments municipaux.» Jusque-là, ceux-ci étaient logés gratuitement par la municipalité, comme la loi de 1884 le prévoit. Un projet de «maison des syndicats», porté par l’ex-maire PS de Châteauroux, Jean-Yves Gateaud, devait héberger à terme toutes les organisations, éparpillées dans différents bâtiments de la ville. A ce jour, seules la CGT et la CFTC ont pu s’y installer, les travaux niste! Franchement, j’avais un an en 1941… La vérité, c’est que les syndicats mènent un combat politique. Et moi, j’ai des rues à réparer, des écoles à entretenir. Une ville, c’est comme un ménage : quand il y a moins d’argent, on «Une ville, c’est comme un ménage: fait des économies.» quand il y a moins d’argent, on fait L’intersyndicale a des économies.» Jean-François Mayet, maire de Châteauroux multiplié les pétitions et les maniimpôts locaux. Des sommes festations lors de conseils muqui représenteraient «deux nicipaux ou d’agglomérations. millièmes du budget munici- Les forces de l’ordre sont interpal» d’après les syndicats, et venues plusieurs fois. Cour«plus de 100% de nos budgets roucé, le maire a assigné quatre respectifs». Un «racket syndi- organisations en référé, le cal», résume un proche de la 18février. Peine perdue. Le juge l’a débouté et condamné aux FSU. Le maire campe sur ses posi- dépens, rappelant que des mations: «On me traite de pétai- nifestants ont le droit de… mad’extension n’ayant jamais eu lieu. Au nom d’une «égalité de traitement», Mayet exige le regroupement des syndicats et le paiement des loyers, des factures de chauffage et des nifester. L’avocat des syndicalistes, Jean-Paul Thibault, ironise: «Ce maire exècre les syndicats. Il a intenté cette procédure à la hache et elle lui est revenue en plein visage.» Attaque. Depuis, c’est le statu quo. Une nouvelle convention est parvenue aux syndicats, qu’ils refusent obstinément de signer. «L’initiative du maire ne relève pas d’une lubie, estime Denis Guignard pour la CGT. Elle s’inscrit dans la logique gouvernementale d’attaque contre le droit de grève et les droits syndicaux. Mayet apporte sa pierre à l’édifice.» Et réclame encore 38euros d’astreinte quotidienne, en plus des loyers impayés.• MARIE-JOËLLE GROS SEBASTIEN EROME . EDITING 14 société LIBERATION J E U D I 2 2 AV R I L 2 0 0 4 La mosquée où prêchait l’imam Bouziane, à Vénissieux. Le religieux avait affirmé que «battre sa femme est autorisé par le Coran». Polémiques sur les modalités du renvoi d’Abdelkader Bouziane. Vénissieux s’interroge sur l’expulsion express de l’imam H Lyon correspondance ier matin, le cheikh Abdelkader Bouziane a été expulsé vers l’Algérie. Son avion a décollé à 9h20 de l’aéroport LyonSaint-Exupéry. Arrêté la veille et placé immédiatement en centre de rétention administrative, il n’aura même pas eu le temps de voir étudier ses recours devant les tribunaux. L’imam de Vénissieux était sous le coup d’un arrêt d’expulsion datant du 26février. L’arrêt avait été pris à la suite d’une enquête des renseignements généraux, mais n’avait pas été appliqué. Jusqu’à ce que, cette semaine, le ministre de la Justice puis de l’Intérieur, interpellés par le maire communiste de Vénissieux, s’émeuvent subitement du fanatisme de l’imam. Fanatisme illustré par une interview donnée ce mois-ci au mensuel lyonnais Lyon Mag, dans laquelle Bouziane explique entre autres, sur la base du Coran, qu’il est permis de battre sa femme. Moins de 24heures après la «découverte» de cette interview, le cheikh était spectaculairement renvoyé en Algérie. Le numéro de Lyon Mag contenant la sulfureuse interview du cheikh trône pourtant dans les kiosques lyonnais depuis le 3avril. Durant trois semaines, les propos de l’iman de Vénissieux sur la lapidation des femmes se sont vendus à plusieurs milliers d’exemplaires sans susciter aucune réaction, ni indignation publique. Le parquet de Lyon dit s’être «inquiété de la teneur de cette interview» au moment de sa parution. «Nous étions en train de chercher à savoir s’il y avait matière à des poursuites pénales, ce qui n’était pas évi- dent»,explique le vice-procureur de la République. André Gerin, le maire de Vénissieux, dit avoir eu connaissance de l’interview il y a seulement une semaine: «Je suis tombé du placard en découvrant ces propos!» Abdelkader Bouziane n’est pourtant pas un inconnu dans la région. Il avait successivement officié à Villefranche- sur-Saône, puis dans le quartier de la Duchère, à Lyon, avant de s’installer à la «mosquée de l’Urssaf», principale salle de prière de Vénissieux. Réputé pour sa radicalité, Des propos unanimement condamnés Jean-François Copé, porte-parole du gouvernement : «Le gouvernement ne peut tolérer qu’en public soient tenus des propos qui soient contraires aux droits de l’homme.» François Baroin (UMP): «La décision du ministre de l’Intérieur, Dominique de Villepin, est une décision juste, responsable et qui est empreinte du courage légitime de l’application de la loi républicaine sur le territoire français.» Laurent Fabius (PS):«Quand il s’agit de comportements contradictoires avec la République, il faut dire non !» «La République doit faire respecter sa loi.» Marie-George Buffet (PC): «Ces propos sont inacceptables et il faut que la République réagisse, c’est ce qu’elle a fait.» Jean-Marie Le Pen (Front national): cette mesure«relève du même processus que l’interdiction du foulard à l’école», à savoir «supprimer les symptômes pour ne pas voir la maladie». Dalil Boubakeur,président du Conseil français du culte musulman: «Le CFCM doit prendre à bras le corps le problème de la formation […] des imams, mais les pouvoirs publics doivent aussi nous aider pour avoir un minimum de financement pour créer un institut de formation». Fadela Amara, présidente de Ni putes, ni soumises:«Il faut que le CFCM se désolidarise de façon ferme, mais aussi certains “droits-del’hommistes”, ces associations de défense des droits de l’homme, qui nous ont accusés de stigmatiser les cités et d’avoir un discours antimusulman.» Bouziane se revendiquait comme salafiste, ce qui signifie, a-t-il expliqué mardi à Libérationjuste avant son arrestation, qu’il «pratique [sa] religion comme à l’époque du prophète et de ses compagnons». Courant rigoriste de l’islam, le salafisme se fonde sur une interprétation littérale, figée et totalement anhistorique du Coran. Outre l’orthodoxie doctrinale, les «salafs» prônent l’application intégrale de la charia, dont une stricte séparation entre les sexes, et appellent à purifier l’islam de toute influence étrangère. Si les salafistes se situent le plus souvent en marge de la vie sociale et politique des pays dans lesquels ils vivent, certains, et notamment les jeunes musulmans en rupture avec les sociétés occidentales, basculent vers l’extrémisme politique. Reste que l’intransigeance de Bouziane gênait même ses fi- société 15 LIBERATION J E U D I 2 2 AV R I L 2 0 0 4 dèles. Hier, quelques heures après l’expulsion, certains reconnaissaient qu’il n’avait pas à parler ainsi. «Tout le monde savait ici depuis longtemps, et bien avant cette interview, que Bouziane était un intégriste dangereux», rapporte un membre du collectif d’associations Divercité. «Je ne suis pas étonné qu’il ait pu dire de telles horreurs», ajoute Azzedine Gaci, secrétaire général du Conseil français pour le culte musulman en Rhône-Alpes. Ce représentant de l’UOIF se dit cependant «gêné de la rapidité d’une expulsion accélérée sur la seule base d’une interview parue dans la presse». Une gêne partagée par Lyon Mag,qui publiait hier sur son site un communiqué intitulé «une expulsion imbécile». Hier, à l’heure de la prière de la mi-journée, devant la mosquée de l’Urssaf, seuls quelques fidèles étaient présents. Dont plusieurs femmes entièrement voilées de noir. Un jeune homme s’en est pris aux journalistes. «Vous êtes contents, vous l’avez fait expulser! C’était ce que vous vouliez, non?» • ALICE GÉRAUD Recours devant le tribunal administratif L’avocat de l’imam conteste «l’urgence absolue» invoquée par le ministère de l’Intérieur. n dossier bien doulou- familiale. Or l’imam Bouziane a eu deux épouses –«successie ves», insiste son avocat–, chame retrouve avec toutes ces pa- cune titulaire d’une carte de séperasses et 16 gosses, dont jour valable jusqu’en 2009 14 sont français et 11 mineurs, –comme la sienne–, et 14 de sur les bras.» L’avocat de ses enfants, donc, sont français. l’imam expulsé hier vers l’Al- Mauvais choix. Quant au disgérie contestera aujourd’hui cours tenu par l’imam: «Mon devant les juges du tribunal client n’a fait qu’extraire du Coadministratif de Lyon la me- ran des éléments précis et exissure qui a frappé son client. tants, lui-même n’est pas vioPour lui, l’arrêté ministériel lent, souligne l’avocat, que d’expulsion n’est pas fondé en fera-t-on le jour où un imam droit. Trop vague, «sans élé- français tiendra des propos vioments concrets, précis, objec- lents, antisémites ou racistes? tifs», se contentant de souli- On ne pourra pas l’expulser! Le gner des propos «contraires choix du gouvernement franaux droits de l’homme et en par- çais est un très mauvais choix. ticulier à la dignité des femmes, Nous sommes en France où des appels à la haine ou à la vio- règne la liberté d’expression.» lence»et de pointer l’apparte- Sur tous ces points, l’avocat denance d’Abdelkader Bouziane vra, pour que les juges annuà «des groupes terroristes n’hé- lent l’arrêté d’expulsion, désitant pas à utiliser la violence à montrer «l’erreur manifeste l’échelle régionale et internatio- d’appréciation»du ministre de nale».En l’espèce, les salafistes. l’Intérieur. Ainsi, l’imam Bou«Urgence absolue». Si la loi ziane a-t-il réellement troublé protège l’étranger qui vit en l’ordre public? S’est-il comFrance depuis vingt ans porté en religieux parlant de –vingt-trois ans en l’espèce– l’islam, sa religion? S’est-il ou qui est parent d’enfants contenté de faire une lecture français, elle permet aussi au du Coran qui autorise les châministre de l’Intérieur de timents corporels d’un mari contourner cette protection sur sa femme? Et, ce faisant, par le biais de l’«urgence abso- n’a-t-il fait que son travail lue» ou de la «nécessité impé- d’imam? A-t-il ou non prêché rieuse». Et ce, si le comporte- la haine? «De toute façon, assument est «lié à des activités re l’avocat, je gagnerai, si ce n’est terroristes» ou constitue des pas devant le tribunal, ce sera «actes de provocation à la dis- devant le Conseil d’Etat!» crimination, à la haine ou à la En revanche, même si l’avocat violence en raison de l’origine avance la totale virginité judiou de la religion».C’est ce qu’a ciaire de l’imam Bouziane visé le ministre de l’Intérieur «qui, en vingt-trois ans, n’a jadans son arrêté d’expulsion. Et mais eu le moindre problème c’est ce que discutera Me Hebia avec la justice», les juges admidevant les juges, tant sur le nistratifs lui répondront que l’expulsion est un pouvoir défond que sur la forme. D’abord, l’argument de l’urgen- tenu par le ministre de l’Intéce invoqué: «Pourquoi avoir rieur ou le préfet. Une mesure exécuté en urgence absolue un de police totalement distincte arrêté daté du 26février?»En- des décisions judiciaires. Il est suite, l’article 8 de la Conven- fréquent, en effet, que des metion européenne des droits de sures d’expulsion frappent des l’homme qui protège les at- personnes n’ayant jamais eu le teintes insupportables et ma- moindre problème avec la jusnifestement disproportion- tice. • nées au droit à une vie DOMINIQUE SIMONNOT madame, soupire « U reux, M Malmoud Hebia, je Laïcité: une circulaire impopulaire Tollé contre le texte qui, distinguant signes religieux et culturels, laisse les chefs d’établissement dans le flou. n tollé. La circulaire Aujourd’hui, Philippe Guittet d’application de la loi se dit «très mécontent». Comsur la laïcité dont une me les autres opposants au première version a été texte, il relève une apparente rendue publique mar- contradiction dans la circulaidi (Libération d’hier) suscite re. En effet: si elle interdit une pluie de critiques. Hier, le explicitement «les signes et teSNPDEN (principal syndicat nues qui manifestent ostensides chefs d’établissement), la blement une appartenance reliFSU et l’Unsa-Education gieuse» (à savoir «le voile (principales fédérations syndi- islamique, quel que soit le nom cales dans l’éducation) et Mo- qu’on lui donne, la kippa ou une hamed Béchari, vice-président croix de dimension manifestedu Conseil français du culte ment excessive»), elle «ne remet musulman (CFCM), ont réagi pas en cause le droit des élèves négativement à ce texte. Pour de porter des signes religieux la FSU, qui s’est toujours pro- discrets», ni, et c’est là que le noncée contre un texte quel qu’il soit, «Ce texte appelle au respect refusant qu’«on en- de principes et donne ensuite toutes ferme le débat sur la les possibilités de les contourner.» Patrick Gonthier, de l’Unsa-Education laïcité en se limitant à l’interdiction du voile»,cette réaction n’est pas bât blesse, les «tenues tradiune surprise. Pas plus que cel- tionnelles qui marquent l’attale de Mohamed Béchari. Selon chement à une culture ou à une lui, le port du voile est une pres- coutume vestimentaire».Pour cription de l’islam, et son inter- Philippe Guittet, il s’agit là diction risque d’être ressentie d’une échappatoire: «Chacun par les musulmans comme un pourra s’en saisir, les organisasigne de «suspicion». L’opposi- tions islamistes disent déjà que tion du SNPDEN est plus inat- le voile n’est pas d’ordre relitendue. Lorsque Jacques Chi- gieux, mais culturel.» rac s’était prononcé, en Daniel Robin, de la FSU, soudécembre, pour une telle loi, ligne la difficulté pour les chefs son président, Philippe Guit- d’établissement «de faire le tet, s’en était félicité, expli- distinguo entre les tenues reliquant qu’«il est normal que les gieuses, qui sont interdites, et enseignants n’aient pas à les tenues pouvant être considéconnaître la religion des élèves, rées comme culturelles ou traet les élèves, celle de leur ensei- ditionnelles, qui sont autorisées».Le secrétaire général de gnant». U Patrick Henry au mitard pour des draps et des tiges La thèse de l’évasion est peu crédible. arce qu’il possédait des draps déchirés et des tiges métalliques –trouvés dans sa cellule lors d’une fouille–, Patrick Henry a écopé de 30jours de mitard, au quartier disciplinaire de la prison de Val-de-Reuil (Eure). Cette très forte sanction (le maximum est de 45 jours) n’a pas été prononcée pour «tentative d’évasion» comme cela a pu être raconté, mais pour «détention d’objets interdits». Il serait d’ailleurs absurde d’imaginer une évasion depuis une prison aussi sécurisée juste avec des draps et des tiges. Selon l’administration pénitentiaire, «on découvre tous les jours des choses dans les cellules de détenus, comme de la literie déchirée. Cela sert P à yoyoter, c’est-à-dire se passer des choses de cellule à cellule». Condamné à perpétuité en 1977 pour le meurtre d’un enfant, Patrick Henry purge quatre ans de prison pour un transport de drogue, commis en Espagne, durant sa libération conditionnelle octroyée en 2001. Il y a peu, il avait écrit à son avocat Thierry Lévy: «Le fisc lui reprochait d’avoir omis sa déclaration annuelle de revenu alors qu’il était incarcéré en Espagne! raconte l’avocat. Il était taxé d’office d’une énorme somme. Il semblait désespéré, ne se voyait aucun avenir et n’était sûrement pas dans l’état d’esprit d’un homme qui prépare son évasion.» • D.S. l’Unsa-Education, Patrick Gonthier, juge que «ce texte est impraticable, pouvant mener à toutes les interprétations. Il appelle au respect de principes et donne ensuite toutes les possibilités de les contourner». «Ce sont les proviseurs et les professeurs, et eux seuls, qui vont apprécier si les couvre-chefs portés par les “Fatima” répondent à un engagement religieux ou non», ironise Mohamed Béchari. Ce responsable du CFCM regrette également que le texte ne prévoie pas d’associer les conseils régionaux du culte musulman au dialogue qui devra intervenir entre le chef d’établissement et les élèves refusant d’enlever leur foulard. Depuis hier, le ministère de l’Education nationale reçoit les syndicats de l’enseignement et les représentants des confessions ensuite. Les mécontents pourront donc lui faire part de leurs doléances. Obtiendront-ils des modifications? «Si la suggestion est conforme à l’esprit du texte, on la prendra en compte, mais la marge est limitée»,répondaiton hier au ministère. Le 6mai, la circulaire sera soumise, pour avis, au Conseil supérieur de l’éducation. «En l’état actuel, je voterai contre», menace le responsable du principal syndicat des chefs d’établissement.• CATHERINE COROLLER Un postier picard écroué Le directeur de la Poste de Saint-Léger-lèsDomart (Somme) a été mis en examen et écroué pour avoir détourné environ 260000 euros auprès de clients depuis 2001. Il détournait de l’argent sur des placements à long terme. Explosion d’une bombe artisanale Six jeunes gens de 17 à 23 ans ont été mis en examen hier à Niort (DeuxSèvres), après l’explosion d’une bombe qu’ils venaient de fabriquer. Deux d’entre eux ont été blessés, dont une jeune femme de 20 ans, amputée d’une jambe. Pendant les vacances de février 2003, ils avaient déjà détruit quatre abribus avec des bombes. Quarante-trois ans de conduite illicite Une institutrice à la retraite de l’Hérault vient de découvrir qu’elle conduisait depuis quarante-trois ans sans permis. Malgré plusieurs accidents et contraventions, personne n’avait remarqué que le document n’était pas valide. L’épée de Jeanne d’Arc dérobée Pour la deuxième fois en deux ans, l’épée de la statue de la Pucelle située sur le parvis de la cathédrale de Reims a été sciée et volée. Elle n’a cependant aucune valeur archéologique. 16 société LIBERATION J E U D I 2 2 AV R I L 2 0 0 4 Un étudiant musulman interdit de stage par la DST Un étudiant libanais de 26 ans s’est vu refuser par le CNRS un stage sur les radars et la transmission d’images dans un institut spécialisé travaillant pour le compte de la Défense. Pourtant, le jeune homme inscrit à l’université de Rennes avait brillamment achevé la partie théorique de son DEA en télécommunications informatiques, obtenant une mention «très bien». Le refus, qui n’a pas été motivé par le CNRS, ferait suite à l’intervention de la Direction de la surveillance du territoire (DST), selon Ouest-France. Des sources policières ont confirmé que les services de contreespionnage français avaient convoqué le jeune homme, membre d’une association liée à l’Union des organisations islamistes de France (UOIF) et responsable de la salle de prière de l’université, où il citait le fondateur des Frères musulmans dans ses prêches. Une histoire Nominations à l’Institut du cancer A l’occasion, aujourd’hui, de la visite d’un hôpital pédiatrique à Paris, Philippe Douste-Blazy, nouveau ministre de la Santé, va annoncer l’architecture du nouvel Institut national du cancer, mesure phare du plan cancer voulu par Jacques Chirac. En particulier, le ministre va rendre publiques les nominations très attendues des responsables. C’est le professeur David Khayat, cancérologue à l’hôpital la Pitié, qui, à terme, devrait occuper le poste de président du conseil d’administration de l’institut; le professeur Dominique Maraninchi, directeur de l’Institut Paolo-Calmettes à Marseille, prendra en charge la direction scientifique. Et enfin, François Werner, ancien directeur de cabinet de Pierre Bédier qui fut secrétaire d’Etat aux Programmes immobiliers de la justice, aura la fonction de directeur général. Tous trois seront formellement nommés après le vote, par le Parlement, de la loi de santé publique. Trois meurtres et un suicide pour en finir avec l’inceste Un grand-père a tué sa fille et ses petits-enfants, victimes de ses viols. ère et grand-père incestueux, Da- Depuis, le père de ses deux enfants l’a niel Baillon, 56 ans, s’est tranché quittée et vit dans le Sud-Est. Elle a héla gorge jeudi 1er avril chez lui, bergé pendant des années son père avenue de la Porte-de-Vanves à désœuvré, «sans profession». Sa mère viParis. Sa femme a découvert le votait de son côté«de petits boulots»à Pacadavre et les lettres. Quatre missives, ris. «Une famille un peu tuyau de poêle», émaillées de fautes d’orthographe, pour selon la police. Laure n’a pas refusé que s’accuser du triple assassinat des siens, la son violeur garde ses petits à elle, penveille: «J’ai tué ma fille et mes deux petits- dant ses heures de travail. Et puis, les enfants. Je me sens pas bien du tout dans pulsions du grand-père ont repris. Il a réma peau et dans ma tête.»Alertée, la poli- pété les mêmes crimes sur son petit-fils, ce judiciaire des Hauts-de-Seine a foncé Anthony. Selon un enquêteur, «il a violé à l’adresse de sa fille, dans un immeuble le petit garçon à plusieurs reprises». de briques, à Rueil-Malmaison. Dans Contrairement à sa mère, éminemment l’entrée, le corps de Laure Baillon, 30 ans. Et puis ceux «J’ai tué ma fille et mes deux petits-enfants. d’Anthony, 11 ans, et de Mae- Je me sens pas bien du tout dans ma peau et dans va, 7ans. Tous égorgés avec un ma tête.» Daniel Baillon, dans une lettre écrite avant son suicide cutter et un couteau de cuisine. Le patriarche a utilisé les passive, la fille n’a pas fermé les yeux. Un mêmes lames pour se tuer. Dans ses écrits, le meurtrier rejette la jour, Anthony lui a parlé de ce que lui faifaute sur la première de ses victimes, sait son papi. Laure a aussitôt expulsé Laure. C’est elle qui l’a dénoncé en 1990 son père, l’a «interdit de séjour dans sa pour ses viols à répétition sur toute la maison». Plus le droit de voir ses petitsfratrie, les deux sœurs et les deux frères. enfants, plus de contact. Mais elle n’a pas Daniel Baillon a donc été interpellé, em- osé déposer plainte pour les viols de son prisonné, et jugé. En 1992, la cour d’as- enfant. Elle a décidé de pas ébruiter cetsises de Paris l’a condamné à huit ans de te sale affaire de famille qui se perpétuait. prison pour «viols sur mineurs par as- Elle a coupé les ponts. cendant». Libéré en septembre 1997, le Daniel Baillon déménage alors de Rueil, père incestueux s’est réfugié chez sa fille rejoint sa femme à Paris. Il ne supporte pas la rupture et rejette la faute sur LauLaure. Maître d’hôtel par intérim dans des res- re: «Ils m’ont anéanti», écrit-il. Il rumine taurants, Laure avait fondé une famille. pendant un mois sa vengeance contre sa P fille et sa progéniture: «Je me suis lesais (laissé, ndlr) aller avec Anthony et je regrette. Je voudrais que ça se calme.» Le 31 mars, il sonne chez sa fille, l’égorge dans le vestibule, empêche Anthony de crier, puis tue Maeva dans son sommeil. Il a mis fin à ses jours: «Je me suicide pour ne pas retourner en prison, pour que ma femme n’aille pas une deuxième fois au procès, et je ne veux pas recommencer de plus belle.» L’action judiciaire s’est éteinte avec lui. Elle s’est réveillée à cause de retraits d’argent, la nuit du triple meurtre, avec la carte bancaire de Laure. Les enquêteurs de la PJ ont d’abord pensé à un coup du père. Ils ont ensuite trouvé la trace d’un frère, Mickaël, 31ans, «connu des services de police pour des petits vols», qui aurait «assisté à la scène puis subtilisé et utiliséla CB» de sa sœur. Ils se demandent si le fils aîné de Daniel Baillon l’a épaulé ou non dans sa sale besogne. Pour l’instant, Mickaël a été mis en examen et écroué pour «vol», «escroquerie», «non-assistance à personnes en danger» et «non-dénonciation de crimes». Le lendemain du carnage, Mickaël a indiqué à la police qu’il avait eu «trop peur deson père»pour le dénoncer. S’il a pris la carte de sa sœur défunte et retiré un peu d’argent, c’est «pour acheter des fleurs à son neveu et à sa nièce». Mais les enfants ont été enterrés, sans fleur ni couronne.• PATRICIA TOURANCHEAU E.F. Une centaine de militants de l’association Droit au logement (DAL) ont occupé durant deux heures, hier, le hall du secrétariat d’Etat au Logement, au pied de la Grande Arche du quartier d’affaires de La Défense. Les manifestants, qui souhaitaient être reçus par le ministre MarcPhilippe Daubresse, protestent contre un amendement au projet de loi de décentralisation qui prévoit, selon eux, la fin du contingent préfectoral de logements sociaux. D’après Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole du DAL, ces logements devraient être gérés à terme par les communes, «ce qui va favoriser une forme de clientélisme». Les militants du DAL ont été expulsés «par la force mais sans brutalité» en fin d’après-midi. Paralysée et aveugle après une opération: le CHU condamné Le centre hospitalier universitaire de Nancy a été condamné mardi par le tribunal administratif à verser 400000 euros de dommages et intérêts à une femme restée paralysée et aveugle après une opération de la thyroïde qui avait entraîné des complications. Un hématome dû à un important saignement s’était formé au niveau du cou de la patiente, provoquant une asphyxie et un coma. L’avocat de la victime, qui accusait l’équipe médicale de «lenteur» et «négligence», envisage de faire appel du jugement, estimant l’indemnisation «insuffisante au regard des besoins de sa cliente». Le footballeur niçois revient dans le jeu Donné pour disparu il y a un mois, Malek Cherrad a téléphoné à sa famille. ous allons bien, je vous rappellerai, je ne peux rien dire de plus pour le moment. Je suis désolé.» Un message bref, attendu depuis maintenant un mois. Disparu le 24 mars avec sa compagne, Elodie, et son bébé de 12mois, Adam (Libération du 8 avril), le footballeur professionnel niçois Malek Cherrad a enfin donné de ses nouvelles. «Il a téléphoné à un proche de la famille, explique Kamar, frère aîné du joueur. La conversation a été très rapide, mais elle a suffi à nous soulager. Malek est quelque part en France, vraisemblablement à la campagne. Il n’aurait jamais été à l’étranger en tout cas.» Fin du mystère Cherrad? Depuis que les enquêteurs de la PJ avaient perdu sa trace dans le SudOuest, quelques jours à peine après sa disparition, les spéculations les plus diverses entouraient la famille en fuite. Un jour, elle a été aperçue en Espagne, le lendemain en Thaïlande, une autre fois en Algérie où le quotidien fran- «N réclamé avec incophone Liberté sistance à son club prétend que le de pouvoir toucher jeune homme de directement par 23 ans se serait chèque le salaire mis au vert dans de 16000euros hala région de Sétif bituellement vidont sa famille est ré sur un compte originaire. Pour un bancaire qu’il parautre journal algétageait avec son rois, il aurait pris frère. «Malek avait quelques jours de Cherrad aurait régulièrement des repos dans un pe- des problèmes problèmes d’argent, tit village azuréen. d’argent. corrige Kamar, Dernière rumeur: Malek Cherrad serait en Tu- 30 ans, élevé avec ses quinze nisie à la recherche d’un nou- frères et sœurs dans la banlieue grenobloise. Pour l’aider veau club. «Nous n’avions jamais vrai- à s’en sortir, je cogérais un ment considéré qu’il s’agissait compte joint avec son accord, d’une disparition, c’était plutôt comme un bon père l’aurait un départ, confirme le parquet fait.» Depuis quelques mois, de Nice après le bref coup de Malek aurait cédé à la passion fil. Comme nous le pensions, la du jeu, devenant même un hapiste criminelle n’était pas la bitué des casinos de la Côte bonne. Nous allons voir s’il d’Azur. Ce qui l’aurait obligé à convient de poursuivre les re- demander des avances sur sacherches.» Selon les premiers laire à ses employeurs pour éléments de l’enquête, Malek faire face à des dettes de plus Cherrad serait parti car il vou- en plus prononcées. Au club, lait se soustraire à l’autorité de ce cas ne serait pas isolé. «A ses frères qui exerceraient sur l’OGC Nice, il y a un vrai prolui un véritable racket. Avant blème lié au jeu, affirme Kade s’évanouir dans la nature, mar qui suit le parcours de son l’international algérien avait frère depuis son entrée au S I PA Le DAL envahit le secrétariat d’Etat au Logement centre de formation niçois, il y a huit ans. Malek n’était pas le premier à demander une avance sur salaire, d’autres étaient dans le même cas. Vous savez, quand vous êtes footballeur, que vous avez 20 ans et que vous habitez près de SaintTrop ou Monaco, les tentations sont faciles.» • FRÉDÉRIC BRENON archives sur le web Consultez en ligne les archives payantes du journal. Jusqu’à 75% de réduction avec le «Carnet d’archives». Sur liberation.fr économie LIBERATION J E U D I 2 2 AV R I L 2 0 0 4 Dans un parc de Pudong, près de Shanghai (Chine). C H R I S S TOW E R S . PA N O S P I C T U R E S . E D I T I N G S E R V E R Un fonds créé en 1944 Le FMI publie ses prévisions semestrielles sur le climat économique mondial. Croissance ensoleillée partout… sauf en Europe M ieux que prévu. A la veille des réunions de printemps du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, ce week-end à Washington, le FMI (lire ci-contre) a livré hier ses prévisions semestrielles sur le climat économique mondial. Eclaircie attendue: la croissance mondiale repart. Mais risques d’intempéries liées aux tensions géopolitiques, aux taux d’intérêt à la hausse ou à la bulle immobilière. 2003, contre 21 % pour les Etats-Unis. L’Amérique latine, elle, connaîtra une embellie (3,9 % en 2004, plus du double de l’an passé). Même l’Afrique, souvent oubliée de la croissance, est concernée. Elle pourrait connaître sa meilleure «perf» depuis près de trenteans: soit près 4,2% en 2004 et même 5,7% en 2005. C’est encore loin des 7 % jugés «indispensables» à un développement et à une lutte contre les pandémies comme le sida. Un PIB mondial revigoré Le FMI l’avait prévu, Alan Greenspan, le président de la Réserve fédérale (Fed), est sur le point de le faire. Car le PIB florissant des Etats-Unis l’est… un peu trop. A tel point que le FMI et Greenspan plaident pour une remontée des taux américains. Histoire de contenir une hausse de l’inflation dont la probabilité n’est pas nulle. «La Banque centrale devra un jour remonter ses taux pour empêcher l’émergence de pressions inflationnistes»,a rappelé Greenspan hier dans son discours devant la Commission économique du Congrès.La Fed, qui a ramené les taux d’intérêt des fonds fédéraux à 1% (au plus bas depuis 1958), peut encore se donner du temps: l’inflation reste prévue à 2,3% cette année et le taux de chômage (5,5% anticipés) dans les cordes d’une économie dynamique.Les experts du Fonds ont préféré concentrer leurs piques sur la politique budgétaire améri- La croissance mondiale devrait être de 4,6% en 2004 (4,4% en 2004) contre 4% prévus en septembre par le FMI. «Le monde est sorti de l’hiver de la récession», s’emballe l’économiste en chef Raghuram Rajan. Le dynamisme des Etats-Unis est au diapason (4,6%). C’est beaucoup plus que la moyenne (3,5%) des sept pays les plus industrialisés (G7). Dépressif chronique il y a un an, le Japon pourrait afficher un bond de 3,4%, soit plus du double des précédentes prévisions du FMI! Un retour en forme dû en partie aux deux nouveaux tigres asiatiques, l’Inde (6,8%) et la Chine (8,5 %). Pékin est «en train de devenir un important consommateur de biens manufacturés, contribuant à la croissance du reste du monde, et surtout du Japon», note le rapport. La part de l’Asie dans le PIB mondial est passée de 9 % en 1970 à 25 % en 17 Un moteur américain surchauffé caine, marquée par une augmentation des déficits publics. Visiblement, l’engagement de l’administration Bush de réduire le déficit par deux dans les cinq ans à venir semble de plus en plus hypothétique. «Une consolidation plus ambitieuse est nécessaire», euphémise le FMI. Qui ajoute que cela doit aller de pair avec une contraction du niveau record des déficits extérieurs, parti pour atteindre les 5% du PIB! Une Europe poussive La zone euro est à la traîne du monde. Avec un très timide 1,75% cette année et 2,25% l’an prochain, l’Europe peine. Pire: «Les récents indicateurs ne montrant pas d’amélioration, la vigueur de la reprise est incertaine», relève le rapport. Même si «l’Europe n’est pas pour l’éternité dans des conditions hivernales, relativise Raghuram Rajan, du FMI. Elle finira par s’en sortir».Pourtant, les entreprises affichent de jolis profits, les patrons des revenus parfois indécents; les échanges commerciaux sont au beau fixe, l’inflation bien contenue. Mais voilà: la consommation des ménages reste faiblarde. Il n’en faut pas plus au FMI pour plaider pour «un changement de la politique monétaire allant dans le sens d’un biais accommodant». Autrement dit: une réduction des taux d’intérêt de la Banque centrale européenne. Dans son sillage, le FMI, fidèle à son orthodoxie monétaire, appelle en sus à des «réformes structurelles». Comme la réduction de la dette publique. La France appréciera… Comme elle devrait apprécier la révision à la baisse de 0,2 % de ces prévisions de croissance pour 2004 (1,8 %), loin des 3,5 % annoncés pour la Grande-Bretagne, par exemple. Un environnement vulnérable Il y a d’abord l’instabilité géopolitique et la montée du terrorisme, sur lesquelles le FMI ne s’attarde pas.Il y a aussi le prix des matières premières, qui, hors énergie, devrait afficher une hausse «assez importante», sous l’impulsion de la reprise aux Etats-Unis et, surtout, de l’appétit dévorant de la Chine. Il y a enfin l’inquiétude de la formation d’une bulle immobilière qui, conjuguée avec la spéculation et la hausse des taux d’intérêt annoncée, pourrait bien exploser et fissurer la croissance mondiale. «La hausse des prix immobiliers ces dernières années, notamment en Australie, en Irlande, aux Pays-Bas, en Espagne et en Grande-Bretagne, a aiguisé les craintes d’une bulle immobilière et donc d’une éventuelle correction des prix»,note le rapport.Le spectre de la fameuse bulle japonaise des années 90 n’est pas totalement effacé. D’autant que la menace vise, cette fois, la plupart des pays riches qui verraient leur reprise tomber à l’eau. Bonjour la décroissance insoutenable… • VITTORIO DE FILIPPIS et CHRISTIAN LOSSON Rôle. Le FMI a pour mission d’assurer la stabilité financière à l’échelle mondiale. Créé par les accords de Bretton Woods en juillet 1944, il est notamment chargé de prévenir les crises et de les régler. Son action s’est concentrée sur l’aide aux pays en difficulté (Mexique, Russie, Argentine, etc.), en échange de politiques économiques orthodoxes. Les versements de ses 183 Etats membres, servant à financer ses interventions, atteignent 316 milliards de dollars (au 31décembre 2003). Critiques. Le FMI concentre les attaques des militants altermondialistes et d’économistes qui l’accusent de mettre en œuvre une vision libérale de l’économie mondiale et de pousser certains pays – l’Argentine, par exemple – à la ruine par la violence de ses plans d’ajustement. Etudes. Pour asseoir son action, le FMI évalue tous les ans la situation économique de chaque pays. Tous les six mois, il publie, comme hier, son rapport sur ses perspectives économiques mondiales. Siège. Installé à Washington, le FMI emploie près de 2700 employés (économistes, statisticiens, etc.). Tous les ans, il envoie des missions dans les pays étudiés. Directeur. Après la démission, début mars, de l’Allemand Horst Köhler, la nomination d’un nouveau directeur doit être officialisée à la fin de la semaine. Le favori est Rodrigo Rato, ancien ministre espagnol de l’Economie dans le gouvernement de José Maria Aznar. 18 économie LIBERATION J E U D I 2 2 AV R I L 2 0 0 4 La Bundesbank s’offre un professeur Berlin de notre correspondante in du thriller politico-financier allemand. Le gouvernement allemand vient de créer la surprise en proposant de nommer à la tête de la Bundesbank, la Banque centrale allemande, Axel Weber, professeur d’économie internationale à l’université de Cologne. Respecté pour ses compétences monétaires, l’homme de 47ans n’est pas vraiment du sérail. Membre du conseil scientifique de la Bundesbank, il n’a pas exercé de mandat effectif dans une institution financière.S’il fait parti des cinq «sages» qui conseillent le gouvernement en matière économique, il n’est par pour autant membre du Parti social-démocrate (SPD). «C’est un choix très habile, estime Rüdiger Pohl, directeur de l’Institut de recherche économique de Halle. Car, en nommant une personnalité neutre politiquement, le gouvernement préserve l’indépendance de la Bundesbank.» Dont l’image a été largement ternie depuis quinzejours par l’affaire Welteke. Vendredi dernier, Ernst Welteke avait été contraint de démissionner de la présidence de la «Buba» à la suite du scandale provoqué par son séjour à Berlin pour le nouvel an 2002. Invité par la Dresdner Bank pour fêter le passage à l’euro, Ernst Welteke s’était fait payer quatre nuits à l’hôtel Adlon, situé près de la porte de Brandebourg, avec femme et enfants, F pour 7661euros. Après une semaine de polémique, le banquier central a admis qu’il avait, à tort, considéré cette invitation comme une forme de rétribution. La presse a par ailleurs révélé qu’il avait accepté d’autres «cadeaux» du même type.Une procédure judiciaire pour «prise d’intérêt illégal» a été ouverte, plongeant le gouvernement Schröder dans l’embarras. Laisser Welteke en place revenait à accréditer l’idée que le président de la Buba peut, en toute impunité, se laisser corrompre par des banques dont il est censé surveiller les activités! L’affaire tombe d’autant plus mal que la Buba, qui fut la Banque centrale la plus puissante d’Europe, traverse une crise d’identité. La Banque centrale européenne (BCE) et l’euro lui ont ravi la vedette, même si le président de la Bundesbank occupe l’un des dixhuit sièges du Conseil des gouverneurs de la BCE. «La nomination d’Axel Weber devrait permettre de recentrer le rôle de la Buba sur la défense des intérêts de l’économie allemande», estime Pohl. Jusqu’à faire pression pour une baisse des taux d’intérêt quand le gouvernement allemand le lui demandera? «Sûrement pas, s’exclame Pohl. L’indépendance de la Buba s’exerce également à l’égard des politiques. Je suis certain que le professeur Weber s’inscrira dans la droite ligne de la BCE.»• J E A N - M I C H E L S I C OT Axel Weber, de l’université de Cologne, placé à la tête de la Banque centrale allemande. La CGT a manifesté contre les discriminations syndicales chez EADS Environ 200 militants CGT du groupe EADS France ont manifesté hier, devant le siège parisien du consortium européen d’aéronautique et de défense, pour demander le règlement définitif de 321 dossiers de discrimination syndicale actuellement en instance. Venus des principales filiales du groupe, les militants ont multiplié les témoignages: «Un système de discrimination hors du commun a été mis en place dès les années 70 dans l’ex-Aérospatiale à partir de conceptions initiées par Maurice Papon (alors PDG de Sud Aviation, ndlr)», a déclaré Christian Marty, délégué syndical CGT d’Airbus. Selon la CGT, pendant plus de trente ans, les syndiqués ont été «mis à l’écart de tous les postes de décision et de commandement, placés dans des lieux isolés ou privés d’augmentations de salaires». La CGT a «obtenu, dès 2001, plusieurs décisions favorables, la dernière en date étant un arrêt du 9 mars de la cour d’appel de Paris (Libération du 26 janvier), qui condamne Airbus à verser 437000 euros de dommages et intérêts pour discrimination syndicale à quatre salariés CGT.» M.Gr. (avec AFP) Sarkozy agace les nerfs d’acier de Bruxelles Les préconisations du ministre de l’Economie pour lutter contre la hausse mondiale du prix du métal ont irrité les instances européennes. ODILE BENYAHIA-KOUIDER utant Francis Mer était avare en communiqués de presse, autant son successeur, Nicolas Sarkozy, saute, comme un affamé, sur le moindre sujet susceptible de faire un peu de mousse médiatique. Comme un joli pied de nez à son prédécesseur, le nouveau ministre de l’Economie s’est trouvé un nouvel os à ronger: la hausse mondiale du prix de l’acier. Sujet de prédilection de l’ancien patron d’Usinor qui, avant de prendre la tête de Bercy, avait fait toute sa carrière dans… le secteur de l’acier. Menaces. Mardi, donc, Sarkozy décide de rendre publique une lettre de réponse à un député UMP, Jean-Claude Lenoir, qui s’inquiétait des menaces que font peser l’envolée des prix de l’acier sur la santé des petites et moyennes industries françaises consommatrices de cette matière première (Libérationdu 11mars). «J’ai saisi formellement le com- A cher sur des solutions concrètes et crédibles. Dysfonctionnement. Chez Eurofer, association professionnelle regroupant les sidérurgistes européens, on doute de la pertinence de la missive française: «On ne voit pas très bien ce que les mesures commerciales peuvent changer à une hausse de prix, principalement due à l’explosion de la demande «Sarkozy est trop intelligent pour ne pas savoir que cette question du prix de chinoise.» A enl’acier ne se règle pas avec une lettre.» tendre les sidérurUn industriel français gistes, Sarkozy se serait même tromMais, hier, cette publicité a pé de guichet de réclamations. provoqué un début d’agace- «Le vrai problème, c’est que ment à Bruxelles. La porte- certaines PMI sont coincées parole de Pascal Lamy a ren- entre des hausses de prix de voyé super-Sarkozy dans les matière première et des clients, cordes en déclarant: «Si les comme les constructeurs autoservices de Sarkozy ont des mobiles qui refusent de revoir idées sur l’utilisation de me- leurs prix d’achat. Mais ces sures commerciales, elles se- dysfonctionnements n’ont rien ront les bienvenues et nous se- à voir avec les attributions de rons prêts à les examiner.» En Lamy», explique un profesclair, au lieu de faire le fanfa- sionnel. ron, le numéro 2 du gouver- D’ailleurs, Bercy semble un nement ferait mieux de plan- peu gêné aux entournures missaire européen chargé du Commerce extérieur de cette question, en lui signalant toute l’importance que la France y portait et en lui demandant d’examiner dans les meilleurs délais les instruments de politiques commerciales, dans le respect de nos obligations internationales», écrit le ministre au député. quand il s’agit de détailler l’éventail de mesures commerciales de Sarkozy. Deux pistes sont malgré tout évoquées. Un: aider la Chine à produire plus d’acier avec moins de matière première pour faire baisser la pression sur les cours. Deux: tenter de lever les quotas et baisser les prix pratiqués, notamment en Russie et en Ukraine, sur les matières premières indispensables à la production d’acier. Rien en tout cas qui puisse avoir des effets immédiats. Le calendrier faisant bien les choses, une délégation de l’UE, emmenée par Pascal Lamy, a débarqué hier en Russie pour évoquer, entre autres, le prix de l’énergie, jugé dissuasif pour les industriels européens. «Toute cette agitation, c’est pour amuser la galerie. Sarkozy est trop intelligent pour ne pas savoir que cette question du prix de l’acier ne se règle pas avec une lettre», lâche un industriel.• GRÉGOIRE BISEAU J E U D I 2 2 AV R I L 2 0 0 4 ★ Statut EDF-GDF: le gouvernement ralentit le pas Nouveau report de l’examen du projet de loi sur le changement de statut d’EDF-GDF par le Conseil d’Etat. Initialement prévu demain, cet examen est repoussé «fin avril-début mai», a confirmé hier le ministère de l’Industrie. C’est la deuxième fois que cette étape, préalable indispensable à la présentation du texte en Conseil des ministres, est reportée. Parallèlement, le ministre des Finances, Nicolas Sarkozy, multiplie les consultations. Hier, il a reçu la CGT puis la CFTC, qui réclament toutes deux des garanties supplémentaires sur les missions de service public. Il avait reçu la CGC la D’après AFP veille. Les gens Le chiffre du jour La baisse du nombre d’apprentis sous contrat en un an, selon le ministère de l’Emploi -1,2% d’ingénieurs, ne cesse de progresser. De 27% en 2000, ils sont passés à 31% en 2002. Enfin, selon le ministère de l’Emploi, les dépenses de formation professionnelle (dont l’apprentissage) ont augmenté: elles atteignent en 2001 22milliards d’euros, et progressent ainsi de 1,8%. Et un quart de ces dépenses vont aux jeunes (+2,7%). En revanche, les sommes allouées aux chômeurs reculent. D’après AFP l’hôtellerie-restauration (-3%), domaines favoris de l’apprentissage, ont subi les plus fortes baisses. La Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) met en parallèle d’autres chiffres pour éclairer le moindre succès des formations courtes en entreprise. En effet, la part des jeunes s’engageant dans des filières professionnelles plus longues, allant du brevet ou du bac pro à l’école En 2002, pour la première fois depuis 1992, le nombre d’apprentis –le chiffre a été publié hier par le ministère de l’Emploi– a reculé. Quelque 237000 jeunes avaient été ainsi embauchés en contrat d’apprentissage, soit 1,2% de moins que l’année précédente. Même désaffection pour les contrats de qualification. Leur nombre (125000 en 2002) a également diminué de 5%. L’artisanat-alimentaire (-6%), Bourse de Paris Séance du mercredi 21 avril 2004 De l’esquimau à la griffe de luxe STÉPHANE FEUGÈRE . AFP économie 19 Tous les cours de la Bourse de Paris sont sur liberation.fr LIBERATION Le nouveau PDG du groupe Gucci s’appelle Robert Polet. Il a 48 ans et ne vient pas de l’univers du luxe ou de la mode, mais des glaces et des surgelés. Il en supervisait en effet la branche mondiale chez Unilever, le géant de la grande consommation. Sa nomination, annoncée hier à Amsterdam, par Serge Weinberg, le président de PPR (PinaultPrintemps-Redoute), en a surpris plus d’un. Parce que Robert Polet remplace Domenico de Sole, l’Américain flamboyant d’origine italienne considéré – en tandem avec le styliste vedette Tom Ford – comme l’un des artisans du redressement de Gucci. Après vingt-six ans passés chez Unilever (Lipton, Magnum, Dove, Findus, Omo…), Robert Polet a certainement pour mission de faire de Gucci une marque de «luxe de D’après AFP grande consommation». Toujours la grève chez Brink’s La grève des agents de la Brink’s, chargés du filtrage des passagers à Orly-Ouest, s’est poursuivie hier. En dépit des convocations reçues la veille par 113 agents en vue de sanctions pouvant aller jusqu’au licenciement, le taux de grévistes demeurait très élevé au sein de la société de sûreté. Les salariés sont en grève depuis jeudi pour leurs conditions de travail, le rétablissement de certaines primes supprimées et l’embauche d’effectifs permettant de «mener leur C.Mt. mission à bien». Les plus fortes hausses Spir Communic. Maurel et Prom Oxyg.Ext-Orient Carbone-Lorraine Elior SCA Trader Class. Med. + 16,02 % + 3,41 % + 3,25 % + 3,13 % + 3,11 % + 2,37 % + 2,15 % Rhodia Alstom Eurotunnel Alcatel A Dassault Systemes Rodamco Europe Business Objects - 4,41 % - 4,30 % - 4,26 % - 4,08 % - 4,05 % - 3,88 % - 3,69 % Les plus fortes baisses Les cours à la fermeture CAC40: - 0,80 % à 3743,15 points valeurs Accor AGF Air Liquide Alcatel A Arcelor Aventis Axa BNP Paribas Bouygues Cap Gemini Carrefour Casino Guichard Credit Agricole Danone Dexia EADS France Telecom Lafarge Lagardere L’Oreal Cours jour Var % veille Var % 31/12 Capitalisation (milliards ¤) 34,49 52,10 149,00 12,69 14,18 62,75 18,29 51,55 28,91 28,91 38,90 74,70 20,85 140,50 14,10 19,57 20,63 68,70 50,60 64,45 - 1,37 + 0,19 + 1,15 - 4,08 - 2,34 + 0,72 - 0,81 - 1,62 - 0,69 - 2,99 - 0,08 + 0,20 - 1,42 - 0,21 - 0,42 - 0,61 - 2,23 - 0,94 - 0,69 - 0,46 - 3,93 + 20,99 + 6,43 + 24,29 + 2,60 + 19,75 + 7,78 + 3,27 + 4,29 - 17,89 - 10,62 - 3,11 + 10,14 + 8,58 + 3,45 + 3,82 - 8,96 - 2,69 + 10,55 - 0,85 6,87 9,81 14,74 16,30 7,24 50,34 32,52 46,58 9,62 3,80 27,86 6,98 30,72 18,78 16,57 15,91 49,56 11,49 7,08 43,57 valeurs LVMH Moet Hen. Michelin Pernod-Ricard Peugeot Pinault-Print.Red. Renault Saint-Gobain Sanofi Synthelabo Schneider Electric Societe Generale Sodexho Alliance STmicroelectronics Suez TF1 Thales Thomson Total Veolia Environ. Vinci Vivendi Universal Cours jour Var % veille Var % 31/12 Capitalisation (milliards ¤) 60,25 38,49 105,50 44,42 85,70 61,50 42,55 54,25 57,05 73,00 23,40 18,88 17,31 27,05 31,55 16,70 159,60 22,74 82,20 21,40 - 1,79 - 1,46 - 0,47 - 1,27 - 1,27 + 1,23 - 1,09 + 0,46 + 0,09 - 0,68 - 0,89 - 1,92 - 1,37 - 1,24 - 0,25 + 0,97 - 0,87 - 1,77 - 0,60 - 0,83 + 4,42 + 5,80 + 19,68 + 9,95 + 11,81 + 12,43 + 9,64 - 9,13 + 9,92 + 4,29 - 2,13 - 12,19 + 8,66 - 2,28 + 18,39 - 1,01 + 8,28 + 6,76 + 25,21 + 11,05 29,52 5,52 7,44 10,80 10,49 17,52 14,51 39,76 13,23 32,01 3,72 17,01 17,39 5,82 5,42 4,69 103,60 9,21 6,92 22,93 +3,59 % CAC 40 / 1 mois 3800 3750 3700 3650 3600 3550 3500 3450 22/03 25/03 31/03 06/04 09/04 12/04 15/04 21/04 CAC 40 / 1 an +30,20 % 4000 3750 3500 3250 3000 2750 2500 2250 A M J J A S O N D J F M A Marchés internationaux EuroStoxx Moscou CLOTURE CLOTURE FOOTSIE 100 DAX 30 EXX50 RTSI 10317,27 1995,63 4539,9 4026,15 2855,46 PRÉCÉDENT PRÉCÉDENT + 0,03 % + 0,86 % - 0,64 % PRÉCÉDENT + 1,41 % (31/12) - 0,86 % PRÉCÉDENT + 1,54 % (31/12) - 0,81 % PRÉCÉDENT + 3,43 % (31/12) Dow Jones Londres Nasdaq Francfort L’industrie allemande menace Marché des changes (cours de l’euro) Etats-Unis Japon Royaume-Uni Suisse d’intensifier ses délocalisations 1,1836 USD 129,79 JPY 0,6682 GBP 1,5551 CHF Coup sur coup, deux géants de l’automobile allemande font le chantage à la délocalisation. D’abord Man, un gros fabricant de camions et de bus. Rudolf Rupprecht, son patron, a annoncé hier qu’il voulait augmenter le temps de travail mais sans relever les salaires, et si les syndicats refusent la firme pourrait licencier puis délocaliser. De son côté, le patron de Contitech, filiale de l’équipementier Continental, a annoncé qu’il allait lui aussi amplifier le transfert d’emplois à l’étranger en raison de «l’énorme pression» qu’il subit sur les prix. CFF Recycling Hongkong - % PRÉCÉDENT - % (31/12) Tokyo Sydney São Paulo HANG SENG NIKKEI 125 ASX 100 BOVESPA 12227,3 11944,3 3444,7 21077,59 - 1,35 % PRÉCÉDENT - 2,77 % (31/12) - 0,07 % PRÉCÉDENT + 11,87 % (31/12) - 0,36 % PRÉCÉDENT + 4,20 % (31/12) - 2,54 % PRÉCÉDENT - 5,21 % (31/12) Euro - Dollar / 1 an +8,70 % 1,30 1,25 1,20 Suède Russie Brésil 9,1585 SEK 34,9266 RUB 3,5619 BRL PRÉCÉDENT PRÉCÉDENT PRÉCÉDENT PRÉCÉDENT PRÉCÉDENT PRÉCÉDENT PRÉCÉDENT 1,1926 USD 128,61 JPY 0,66425 GBP 1,5548 CHF 9,1688 SEK 35,2997 RUB 3,6241 BRL Or et matières premières 1,15 1,10 1,05 1,00 A M J J A S O N D J F M A Taux d’intérêt Or Pétrole Cacao Café robusta Blé Palladium (LONDRES) ONCE (LONDRES) BARIL (LONDRES) TONNE (LONDRES) TONNE (CHICAGO) BOISSEAU ONCE 392,75 $ 33,23 $ 1327 $ 714 $ 391,5 $ 296 $ -1,03 % PRÉCÉDENT +14,59 % (31/12) -1,74 % PRÉCÉDENT +22,57 % (31/12) -0,38 % PRÉCÉDENT +1,14 % (31/12) -1,79 % PRÉCÉDENT -11,08 % (31/12) -3,57 % PRÉCÉDENT +20,46 % (31/12) -6,43 % PRÉCÉDENT +27,04 % (31/12) Banques centrales Marché monétaire zone euro BCE Fed (USA) 3 mois 1 an 10 ans 2,00 % 0,75 % 2,07 % 2,20 % 4,23 % (TAUX REFI) (TAUX D’ESCOMPTE) Les chiffres clés D’après AFP • Les décrets attendus du Perp (plan d’épargne retraite populaire), le dernier-né des instruments d’épargne, ont enfin été signés hier. • Eurazeo, holding du groupe Lazard, a déclaré sa candidature au rachat d’Editis. Dans le Nouvel Observateur qui paraît aujourd’hui, Lazard affirme: «Nous avons, avec 1,4 milliard de liquidités, la capacité d’acheter Editis.» • Aventis a précisé hier que son projet relatif à l’émission de bons de souscriptions d’actions (BSA) serait caduc si une offre concurrente de celle de Sanofi était déclarée recevable. Emploi et salaires SMIC SALAIRES BRUTS 1215,11 ¤ MOYENS MENSUELS (169 heures par mois) CHÔMAGE (BIT) 9,6% (février 2004) janvier 2004: 9,6 % Le moral DES CONJONCTURISTES (ISMOC-LIBÉRATION) DES MÉNAGES -22 2190 ¤ 10,5/20 2358 ¤ DES INDUSTRIELS 104 88,30 FRANÇAIS AU RMI 1 120 000 Privé Public (février 2004) janvier 2004: 10,8 (janvier 2004) Le monde CROISSANCE 2004* CONSOMMATION HABITANTS VIVANT AVEC MOINS DE DEUX DOLLARS PAR JOUR +1,4% +0,00% (mars 2004) février 2004: -23 *Estimation (février 2004) DES CONSOMMATEURS AMÉRICAINS PRODUCTION PRIX MANUFACTURIÈRE (en 2001) (mars 2004) fevrier 2004: 104 Les finances de la France (mars 2004) février 2004: 91,64 +0,30% 0,5% (janvier 2004) (février 2004) sur 1 an: +1,8% POPULATION DÉTENANT 80% DES RICHESSES 3 milliards 20% SUBVENTIONS AGRICOLES DES PAYS RICHES AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT 350 mds $ 57 mds $ Sources: Commission européenne, Conference Board, Cnuced, Insee 20 médias La rédactrice en chef de «USA Today» démissionne Karen Jurgensen, rédactrice en chef du quotidien le plus vendu aux Etats-Unis, USA Today, a démissionné hier, un mois après la révélation d’un scandale concernant l’un de ses grands reporters: Jack Kelley. Ce dernier aurait «bidonné» au moins huit reportages. USA Today est le deuxième grand journal américain touché par une affaire de journaliste fabulateur après le New York Times en mai 2003. Channel Four montre une IVG LIBERATION J E U D I 2 2 AV R I L 2 0 0 4 TF1 en pleine fringale de thématiques Pour pallier la baisse d’audience de la Une et conserver ses annonceurs, Patrick Le Lay mise sur les chaînes du câble et du satellite. ongtemps, Patrick Le Lay, PDG de TF1, a considéré les chaînes Après avoir retransmis une autopsie l’an dernier, la télé du câble et du satellite britannique Channel Four a brisé mardi soir un nouveau comme du menu fretin. tabou en montrant un avortement. Et ce alors qu’en 2001 les Pas rentable. A propos de TV chaînes du royaume avaient refusé de passer un spot Breizh, sa danseuse bigoudèsanguinolent des anti-IVG. A ses détracteurs, Channel Four ne à l’audience en dents de répond vouloir contribuer à un débat de société. Selon la scie, il déclarait même il y a réalisatrice du film, Julia Black, on ne peut se contenter de peu dans le Monde avoir mots face aux images de fœtus à forme humaine du lobby «adopté la stratégie du bigorPro-Life. Dans son film, diffusé à une heure tardive, le neau qui se replie dans sa comédecin pratique l’avortement sur une femme enceinte de quille et s’agrippe à son rocher quatre semaines. Il présente ensuite le contenu de sa seringue: des fragments d’embryons, loin des «bébés morts» quand une grosse vague arrive». Pourtant, le bigorneau Le brandis par les anti-IVG. Une image contre une autre. Ch.B. (à Londres) Lay vient de choisir une autre stratégie, beaucoup plus offensive, celle du bernardl’hermitequi fait son nid chez les autres crustacés. En l’espèce, TF1 est actuellement à l’afAprès douze ans de service, Gérard Klein, fût de toutes les opportunités plus connu sous le nom de l’Instit, alias Victor sur le câble et le satellite. Novak, va quitter la série de France 2 dont il était Cibles. Mardi, Patrick Le Lay le héros, a-t-il annoncé sur RTL. annonçait ainsi la création Motif: «Ça éloigne trop de la famille.» prochaine d’une chaîne documentaire, Ushuaia TV, déclinée de l’émission de Nicolas Hulot. La semaine dernière, la Une mettait la main sur la chaîne Histoire, délaissée par le service public. Parallèle- L Gérard Klein: «l’instit» retraité ment, Le Lay s’intéresse fortement à TMC (Télé Monte Carlo, détenue par Pathé), l’une des chaînes thématiques les plus connues, qui présente l’avantage d’être aussi diffusée en hertzien dans le sud de la France. Ultime cible: Match TV (groupe Lagardère), que Le Lay verrait bien fusionner avec TV Breizh. Pourquoi une telle faim de thématiques? Simple: alors que la part d’audience des chaînes du câble et du satellite augmente sans cesse, celle de TF1 décline depuis plusieurs années: 31,5% en 2003 contre 32,7 % en 2002, la plus forte baisse des grandes chaînes hertziennes. Certes, la Une reste largement en tête de l’Audimat, suivie de très loin par France 2 à 20,5%. Mais les publicitaires vont finir par s’apercevoir que la chaîne dans laquelle ils engouffrent plus de la moitié de leurs budgets (54,7%) est regardée par moins d’un tiers des téléspectateurs. Un phénomène que Le Lay anticipait récemment dans le Film français: «Pour juger de l’évolution réelle des parts de marché, il faudrait intégrer LCI et Eurosport. Ceci est un correcteur optimiste, mais bien réel». En clair, pour apprécier l’audience de TF1, Le Lay y additionne celles de ses chaînes thématiques: LCI, Eurosport, TV Breizh, Odyssée mais aussi TF6 et Série Club (détenues à 50-50 avec M6), ainsi qu’une douzaine de chaînes éditées par TPS (contrôlé à 66 % par TF1). Au total, 6,9% d’audience. «Glissements». Mais ce n’est pas suffisant. Le Lay juge que, dans dix ans, tous les foyers –contre 22,6 % aujourd’hui– recevront une offre «élargie» de télévision, c’est-à-dire plus de quinze chaînes. Ce qui entraînera une baisse mécanique de l’audience de TF1. «Lorsque ces glissements d’audience interviendront, a promis Le Lay mardi aux actionnaires de TF1, nous serons là avec des chaînes puissantes pour accueillir cette audience et cette pub». Ce qu’il perd sur TF1, il entend bien le regagner en rachetant des chaînes à tout-va. Et elles devront faire de l’audience: ainsi Histoire, chaîne très estimée pour la qualité de ses documentaires sérieux mais peu regardés, pourrait bien devenir la spécialiste du docu-fiction, genre en vogue et beaucoup plus grand public. Mais Le Lay poursuit une autre stratégie: rouler des mécaniques face au concurrent CanalSatellite. Si jamais survient un jour la fusion maintes fois évoquée entre le bouquet satellite de Canal + et TPS, il faudra bien déterminer quiest le patron. Pour l’heure, avec 5,9 millions d’abonnés (3,4 pour le bouquet de TF1) et des chaînes très connues (Jimmy, Planète, Canal J, 13e Rue, etc.), il n’y a pas photo: CanalSatellite prend le pas sur TPS. Si, en revanche, à l’heure de la fusion, Le Lay arrive lesté de cinq des dix chaînes les plus regardées sur le câble et le satellite, il pourra prétendre diriger le tout. • RAPHAËL GARRIGOS Ces espions venus du Web Les ordinateurs américains sont infestés de logiciels mouchards à but mercantile. Washington de notre correspondant e sont des nouveaux venus dans le bestiaire des saletés qui circulent sur l’Internet et viennent infecter votre ordinateur. Après les virus, les vers et les spams, voici les spywares(programmes espions), qui s’installent sur les ordinateurs à l’insu des utilisateurs. Ils sont discrets – ils ne détruisent rien, en principe– et leur propagation est plus rapide encore que celle des virus. Aux Etats-Unis, ils commencent à être pris très au sérieux. Lundi dernier, la Federal Trade Commission (FTC) a ainsi organisé une grande discussion sur le sujet, en compagnie de représentants de l’industrie et des consommateurs, d’experts et de législateurs. Variantes. Conçus par des firmes peu scrupuleuses, ces spywares peuvent espionner les mouvements des internautes: leurs visites de sites, leurs commandes… Les informations collectées sont ensuite exploitées, pour des études de marché ou des publicités ciblées. Certains de ces programmes pourraient même C Lors de la réunion à la FTC, les participants ont convenu que le profit était ce qui différenciait les spywares des nuisances traditionnelles. «Les virus sont créés par des types qui finissent par grandir, trouver un emploi ou une petite amie, et arrêter», selon l’un d’entre eux. Mais les spywares, eux, sont produits par des sociétés à but lucratif, qui n’ont aucune raison de laisser tomber. Selon une étuCes spywares peuvent espionner les mouvements des internautes: leurs de du fournisseur d’accès à l’Internet visites de sites, leurs commandes… Earthlink qui a insqu’ils visitent. En réalité, l’en- pecté plus d’un million d’ordinemi vient de l’intérieur. Ces nateurs: en moyenne, sur adwarespeuvent être très so- chaque PC, vingt-huit spyphistiqués: si un utilisateur waresont été trouvés. Si la mas’apprête à commander un vol jorité d’entre eux étaient d’inWashington-Las Vegas chez la offensifs cookies, de nombreux compagnie X, l’adware ca- programmes étaient beaumouflé peut afficher une pub coup plus inquiétants. vantant les prix du Washing- Amendes. Le législateur comton-Vegas du concurrent di- mence tout juste à s’intéresser rect de X… Il existe bien à la question. «C’est un phénod’autres espèces de «para- mène encore nouveau, et rares sites». Exemple: un program- sont les gens qui le comprennent me qui altère le fonctionne- vraiment, commente Jim Halment du PC, et propose pert, spécialiste des questions ensuite à l’utilisateur, par une de l’Internet au cabinet d’avoinnocente publicité, le remède cats Piper Rudnick. A mon sens, (moyennant paiement). il faudra attendre un an ou deux être capables de «lire» les touches que tape l’utilisateur sur son clavier, pour repérer ses mots de passe. Variante la plus courante: les adwares clandestins (1). Ce type de programmes fait jaillir des publicités lors des promenades des utilisateurs sur l’Internet. Ces derniers ont l’impression que ces pubs sont fournies par les sites avant que le Congrès forge des projets élaborés.»Une proposition de loi sur les spywaresa été déposée au Congrès, mais elle n’intéresse pas encore grand monde. Quelques Etats, pourtant, ouvrent la voie. L’Utah a été le premier à interdire les spywares: à compter du mois de mai, les contrevenants risquent une amende de 10000dollars par incident. La Californie s’apprête à suivre. Ces initiatives législatives font couiner les entreprises: «Nous sommes contre les spywares. Mais les lois existantes suffisent pour les interdire. De nouvelles lois risquent de frapper des adwareslégitimes», estime Emily Hackett, directrice d’Internet Alliance, le lobby des sociétés de l’Internet. Selon elle, un produit est légitime «à partir du moment où l’utilisateur a été clairement prévenu» de son installation. Ce n’est pas forcément l’avis des consommateurs. • PASCAL RICHÉ (1) Certains adwares peuvent être légitimes. Par exemple, lorsque l’utilisateur demande un programme gratuit, en acceptant en échange des publicités supplémentaires. sports 21 LIBERATION J E U D I 2 2 AV R I L 2 0 0 4 ★ VOILE Lorient-Saint-Barth, c’est parti Le départ de la 7e transat à la voile Lorient-SaintBarth, course en double avec escale, a été donné hier à Lorient à 14 heures. Les 31 bateaux – des Figaro-Bénéteau II– se sont élancés dans une mer creusée, avec un vent d’ouest de 15 nœuds, pour 3800 milles. A la suite du départ retardé, l’escale à Madère ne sera qu’un simple pointage. Bertrand de Broc, Florence Arthaud, Armel Le Cléac’h et Erwan Tabarly figurent parmi les 62 navigateurs en course. Charente-Maritime de Gérald Véniard et Yannick Bestaven a dû faire demi-tour après avoir heurté un rocher. Safran cassé et quille abîmée, il était en réparation en fin d’après-midi. CYCLISME B O R I S H O R VAT . A F P Commission de discipline pour Museeuw, Planckaert et Peers Au Stade Vélodrome, lors du huitième de finale de Coupe de l’UEFA que Marseille avait remporté 2-1 face à Liverpool. Foot. Marseille en Angleterre en demi-finale aller de la Coupe de l’UEFA. Les cyclistes belges, Johan Museeuw, Jo Planckaert et Chris Peers, soupçonnés de dopage, pourraient comparaître prochainement devant la Ligue vélocipédique belge (LVB). L’enquête du parquet de Courtrai, entamée en septembre dans le dossier à charge du vétérinaire José Landuyt et du soigneur Herman Versele, est achevée. Les cyclistes avaient été entendus en tant que témoins dans cette affaire. Des produits interdits avaient en effet été retrouvés à leur domicile. Le parquet de Courtrai a remis les dossiers des trois coureurs à la commission disciplinaire de la LVB qui dispose désormais de trente jours pour organiser leur première audition. A Newcastle, comme un seul OM L Une histoire Marseille correspondance es Marseillais ont la niaque. Requinqués par leurs récentes performances européennes (élimination de Liverpool en huitièmes de finale puis de l’Inter Milan en quarts), les joueurs de l’OM veulent maintenant «aller au bout» de leur étonnant parcours en Coupe de l’UEFA, cinq ans après la finale perdue contre Parme, point culminant de l’ère Courbis. Pour y parvenir, il leur faudra, ce soir, empêcher les Magpies de Newcastle de déployer leurs ailes, et neutraliser leurs deux buteurs: le vétéran Alan Shearer, 33ans, et le frenchy Laurent Robert, transféré du PSG à la fin de l’été 2001 et qui compte bien se rappeler au bon souvenir de Jacques Santini, le sélectionneur des Bleus, à quelques semaines de l’Euro. Solidité défensive. José Anigo, l’entraîneur marseillais, le martèle à ses joueurs depuis dimanche: «L’objectif, c’est de ne pas prendre de but. Si on marque, c’est parfait, mais si on n’en prend pas, c’est encore mieux.» Depuis Liverpool, l’équipe phocéenne semble d’ailleurs avoir retrouvé la solidité défensive qui lui faisait défaut depuis le début de l’hiver. Pour autant, l’OM ne rêve pas. «Nous sommes un grand club, mais une petite équipe», estime l’entraîneur, qui répugne à jouer les caïds. «Pour pouvoir dire que nous sommes une grande équipe,observe-til, il faudrait être plus réguliers.» Ça tombe bien, son équipe vient d’aligner quatre victoires consécutives contre des clubs de premier ordre. Mais face à Newcastle, actuellement cinquième de la Premier League, l’OM devra toutefois se méfier. Les Magpies n’ont certes pas le même effectif que Liverpool ou Milan, mais en Coupe d’Europe, sur- alors que l’OM alignera son équipe type des dernières semaines, moins l’Egyptien Mido, au repos pour dix jours en raison d’une lésion au ménisque. L’OM devra peut-être se passer également des services de Steve Marlet, qui souffre «Nous sommes un grand club d’une sale douleur mais une petite équipe.» José Anigo, entraîneur de l’Olympique de Marseille dans le bas du dos consécutive à un tout dans la dernière ligne coup de genou reçu dimanche droite, le fighting spiritanglais contre Lille. Avec Fabien Bara souvent fait la différence. thez, qui arrive de Manchester Equipe type. Cependant, à United, l’ancien joueur de FulSaint James’s Park, c’est une ham est l’olympien qui connaît équipe amputée de trois titu- le mieux le foot anglais. Les laires indiscutables –Kieron deux autres, David Sommeil Dyer, Craig Bellamy et Jer- (ex-Manchester City) et Sémaine Jenas, tous blessés– qui bastien Pérez, (bref passage à se présentera sur la pelouse, Blackburn en 1998-99), ne se- ront pas de la partie ce soir. Le premier n’est pas qualifié, le second est blessé. Largués. Pour les deux équipes, cette demi-finale entretient l’espoir d’accrocher au moins un titre cette saison. Les Britanniques peuvent encore espérer se qualifier pour le tour préliminaire de la Ligue des champions, mais le titre et la Coupe ne sont plus à leur portée. Les Marseillais, eux, largués en championnat, ne sont même pas encore sûrs de finir à une place qualificative pour la Coupe de l’UEFA. Et, pour l’OM, un titre européen serait indéniablement un atout. Psychologique, mais aussi financier.• HERVÉ VAUDOIT Desailly dépassé face à un Monaco galvanisé L’équipe de foot de Pérouse menace de ne plus jouer Le président de Pérouse (1re division italienne), Luciano Gaucci, a bien l’intention de ne pas aligner son équipe pour les quatre derniers matches du championnat d’Italie. Gaucci, depuis toujours en lutte contre la domination des grandes équipes, conteste un penalty non sifflé pour une faute de main d’un défenseur de la Sampdoria, dimanche lors du match perdu (2-3) à Gênes. «Cela suffit maintenant. En 30 matchs, nous avons subi 28 erreurs de la part des arbitres. Nous parlerons aux tifosi et nous leur expliquerons les raisons de notre décision», avait-il martelé. Hier, face à la ligue professionnelle, il a déclaré: «Nous ne changerons pas d’avis, à moins que le président de la fédération ne démissionne.» Pérouse, 17e du Calcio, s’était notamment fait remarquer par le recrutement du fils Kadhafi. Le joueur de Chelsea cité par l’UEFA pour son mauvais geste en Ligue des champions. ela va être le feu à Stamford Bridge», af- rencontre a été disséqué, et peu apprécié, par les observateurs de l’UEFA. Si le Français a échappé à une sanction immédiate, il y a peu de pions contre Monaco, le 5 mai, mais ce sera chances qu’il ne soit pas puni par la commispeut-être sans lui. Au cours de la rencontre de sion de discipline qui statuera sur son sort, demardi, qui s’est jouée à un rythme soutenu et main en fin d’après-midi. L’UEFA a entamé que Chelsea a perdue3-1, le vieux défenseur de une procédure disciplinaire pour «comportel’équipe londonienne –et toujours capitaine de ment antisportif», ce qui n’est pas bon signe l’équipe de France– a montré ses limites phy- pour le grand Marcel. Un mauvais geste qui a siques et mentales. Dépassé en vitesse d’exécu- dû décevoir son copain Deschamps, mais que l’entraîneur monégasque tion, Desailly a eu rea très vite oublié pour sacours aux coups les plus Ligue des champions vourer la joie d’être aux tordus que lui offre sa Demi-finales Finale portes d’une finale très longue expérience des Match joué mardi soir prestigieuse.• terrains pour se sortir de Match retour 5 mai certains mauvais pas. L.F. Monaco (France) 3 Le problème, c’est que désormais de nombreu- Chelsea (Angleterre) 1 • Dans l’autre demi-finases caméras sont d’inle aller, les Espagnols contournables témoins. Match joué hier soir du Deportivo La CoEt le coup de coude à la Match retour 4 mai rogne et le FC Porto ont Le 26 mai à face de Morientes qui FC Porto (Portugal) fait match nul (0-0) Gelsenkirchen 0 en Allemagne avait échappé à la vigi- La Corogne (Espagne) 0 hier soir sur le terrain lance de l’arbitre de la des Portugais. Marcel Desailly en évoquant la de« C firme mi-finale retour de la Ligue des cham- TENNIS Roland-Garros: Nadal forfait Le jeune Espagnol Rafael Nadal, annoncé comme l’une des futures étoiles du circuit, ne sera ni à Roland-Garros ni aux Jeux en raison d’une fracture au pied gauche. Il ratera également la Coupe Davis. TENNIS Santoro passe, Grosjean et Escudé quittent Monte-Carlo Sébastien Grosjean n’est jamais entré dans le match, battu 6-4, 6-2 par l’Espagnol Alberto Martin. Nicolas Escudé a été écrasé par l’Argentin Agustin Calleri 6-2, 6-3. Fabrice Santoro, invité par les organisateurs, reste le seul Français en lice après sa victoire sur l’Américain Taylor Dent, 6-3, 6-2. • Maradona toujours à l’hôpital sous assistance respiratoire. «Pour l’instant, le pronostic reste réservé», selon la clinique qui soigne l’ancien joueur de football argentin. Tous les jeudis 22 annonces LIBERATION J E U D I 2 2 AV R I L 2 0 0 4 Contact ➜ Jean-Luc Deschamps (01 44 78 30 44) voyages Chaque jeudi des vols secs des séjours, des week-ends, des promotions EXCEPTIONNEL Détente et soleil sur L'ILE DE RHODES Au Sud de la Grèce, l'une des plus belles cités médiévales d'Europe, des sites archéologiques, des plages magnifiques... Une semaine du 24 avril au 1er mai 2004 Avion + hôtel 2* : 365 € Avion + hôtel 3* : 425 € — HYPERVACANCES — 1, avenue de la République 75011 Paris [email protected] - Tél. : 01 55 28 31 00 www.asia.fr Vols A/R sur Cathay Pacific + Trfs Du 6 mai au 17 juin 2004 départs les jeudis Lic. 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Cinéma l'après-midi ? Sinoué. transport amoureux Black bonnet, imper de peau noir, RER B 17/04 21h15. Chanteur spécial pendant notre voyage, que petite puce yeux bleus, sortie à B-la-Reine, a trouvé trop court. [email protected] 14/04 TGV Paris Aix Mars 16h Moi : 2 enfants, Zurban, mes bagages. Vous, Libé, vos yeux, coup de main à Aix : [email protected] TGV de 16h20 Paris/Marseille le 10/04 côte à côte pour le plaisir des autres, et pour le mien pas osé vous parler, aimerais vous revoir [email protected] 16/04. Ligne 3. Vous reprenez des cours de néerlandais. Je descends à Parmentier. Comment dit-on pommes de terres en flamand ? [email protected] animaux A adopter chat(te) roux et blanc de 8 mois tél.: 01.43.76.67.07 vie pratique RECHERCHE Isabelle B. était en érrance le 6/04 vers Draguignan, 3 semaines sans nouvelles, si elle se reconnaît ou si vous la voyez, un signe vers ses enfants svp au 06.80.25.54.04 ! URGENT - Cherche MECENE. 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DR Un produit testé par nos soins Des roulettes dans les baskets omme dans un James Bond, les petites roues sortent de la chaussure en un «clic». Et la vulgaire basket se transforme en roller urbain. Dans le sens inverse, avant d’entrer dans le métro, dans un magasin ou au cinéma, une pression de la main sur le talon permet de rentrer les roues à l’intérieur de la semelle. Et de marcher comme si de rien n’était. Alors roulez, jeunesse! Puis marchez, roulez à nouveau, marchez… Un rêve de citadin roulant qui vient de Taiwan. Le hic, c’est l’esthétique: l’engin se présente sous la forme d’une grosse basket à semelle (très) compensée, puisqu’il faut y loger les quatre roues. Si l’on ajoute à ce look orthopédique une platine en acier trempé, support indispensable des roues, la marche à pied s’avère un peu raide, comme avec des chaussures de ski. Pour le reste, une fois les roues sorties, la glisse est plutôt facile. Les nombreux adeptes du roller-blade (roues en ligne) y mettront tout de même un gros bémol: le Kick Roller –c’est son nom– n’absorbe pas les vibrations et nécessite de rouler sur des surfaces parfaitement lisses pour ne pas finir avec les jambes en compote. Moins rapide et moins confortable que les rollers classiques, il est aussi plus fatigant. Les longues balades sont donc déconseillées. En revanche, l’engin est idéal pour les petites courses, pour aller au travail (si les collègues ne vous charrient pas sur le look des chaussures) ou pour prendre le métro. La rencontre d’un escalier, cauchemar de tous les amateurs de rollers, devient une rigolade. Plus besoin de déchausser, suffit d’appuyer sur le bouton.• C THOMAS LEBÈGUE Kick Roller, 99 ¤, 9 modèles du 32 au 44. Points de vente sur www.streetrollershoes.com MÉTÉO L U C A S R AC A S S E Météo France va scruter la canicule Expériences. Inspirés par les pratiques chamaniques, de plus en plus d’Occidentaux goûtent à des drogues naturelles ancestrales. Des plantes qui dépotent es plantes, Max (1), qui a grandi en forêt de Fontainebleau, les connaît depuis toujours. Toutes les plantes: «A 14ans, j’ai semé mon premier pavot à opium… La police a fait une descente et mes parents m’ont mis à la porte.» Loin de se décourager, l’apprenti sorcier saute sur l’occasion lorsque, quelques années plus tard, il se voit proposer par un ami hollandais une plante alors en vogue: la Salvia divinorum, «sauge des devins». «Au début, je n’ai rien senti,se souvient-il. Mais j’ai réessayé. Sous toutes ses formes. Jusqu’à ce qu’un soir je finisse par sortir de mon corps. C’était très impressionnant. La Salvia n’est pas vraiment une drogue, plutôt une grille de compréhension. Tu as l’impression d’atteindre une forme d’harmonie.»Max a aujourd’hui 35 ans. Travaille dans l’informatique. Grâce à la Salvia, il a quasi abandonné l’alcool et le cannabis, qu’il consommait sans modération, mais fait pousser et goûte, avec prudence, toute sorte de plantes et décoctions aux noms et aux effets plus exotiques les uns que les autres: peyotl, iboga, Hawaïan Baby Woodrose, wild dagga, kava… «En ce moment, je cultive un ginseng à force de cheval.» «Rude expérience». Surfant sur l’Internet et sur un intérêt croissant pour la spiritualité et les savoirs traditionnels, les «techniques archaïques de l’ex- L manes urbains» initient même désormais à l’ayahuasca et à d’autres plantes enthéogènes (qui donnent le sentiment du divin) en Europe ou aux Etats-Unis. Sursis. Mais les psychonautes, ces voyageurs immobiles, restent discrets et apprécient peu qu’on s’intéresse à leur passion. Pour «voyager» heureux, voyageons cachés. Car, bien que leur statut soit des plus flous, la plupart de ces plantes sont légales en France… Mais en sursis: «On n’arrête pas le progrès, on a même «L’absence de classement se justifie entendu parler de consommation tout à fait pour ces de fleurs de pensée…» A la Mission de lutte antidrogue substances qui font l’objet d’une contechno)… les chamanes font sommation locale ritualisée ne un malheur. «Il suffit d’écrire donnant pas lieu à des abus, ce mot sur une affiche pour être explique Yann Bisiou, professûr de faire salle comble», seur de droit et coauteur du constatent Frédérick Bois- Droit de la drogue. On peut Mariage et Annick Darley, qui craindre toutefois que le déverédigent une thèse sur l’aya- loppement du Web ne favorise huasca, décoction utilisée par le commerce de ces plantes et des guérisseurs amazoniens. l’apparition de consomma«En Occident, ça ne coïncide tions hédonistes.» Un rapide pas du tout avec les populations tour sur le Net suffit à se faire habituellement décrites comme une idée de l’intérêt suscité: “toxicomanes”. Car, si elle peut forums, sites marchands et s’avérer enrichissante, l’expé- d’information s’y multiplient. rience est rude, il y a des inter- Même si les psychonautes dits stricts, des prescriptions à restent aujourd’hui une toute respecter. C’est tout le contraire petite minorité. «Et interdire, de l’éclate.» Pour découvrir ces estime Yann Bisiou, c’est pratiques, des Occidentaux en prendre le risque de faire quête de développement per- connaître ces pratiques margisonnel ou d’un supplément de nales. Il n’y a pas pour autant sacré, des scientifiques et des de “vide juridique”. Si l’usage thérapeutes se rendent dans la de ces substances peut difficileforêt amazonienne. Des «cha- ment être poursuivi pénaletase», selon l’expression de Mircea Eliade, reviennent à la mode en Occident. Depuis quelques années, la plupart des plantes «visionnaires», servant aux chamanes de Sibérie ou d’ailleurs, sont en vente sur des sites anglais, néerlandais ou même français. Livrées à domicile. Au cinéma (le Blueberryde Jan Kounen), dans les livres (Ngenza, cérémonie de la connaissance, de Vincent Ravalec), la musique (récit initiatique sur fond ment, en promouvoir l’usage récréatif peut parfaitement être sanctionné.» Pas si simple. Difficile en effet d’interdire à ce seul motif le commerce de la noix muscade, hallucinogène et très dangereuse à forte dose. Car les espèces concernées sont innombrables. «On n’arrête pas le progrès,s’amuse-t-on à la Milad (Mission de lutte antidrogue), on a même entendu parler de consommation de fleurs de pensée…»Le Datura, apprend-on également sur un site de jardinage qui en vend, «est une très belle plante qui se cultive comme une annuelle ornementale, très efficace contre le doryphore de la pomme de terre». Puis, plus bas: «Toutes les parties du Datura sont toxiques.» Chez les amateurs de sensations fortes, il est en effet réputé. Et redouté. Hallucinations et trou noir garanti. Accidents fréquents. Et parfois des morts. «Comprendre». «Certaines de ces plantes ont des effets puissants. Il faut connaître et comprendre certaines choses avant de les utiliser»,avertit l’écrivaine Michka, du musée du Fumeur. Et de rappeler que le tabac, plante enthéogène par excellence, utilisée comme remède par les Indiens, est devenu un poison violent en combinant cigarette industrielle et mode de vie occidental.• ARNAUD AUBRON (1) Le prénom a été modifié. Dès le 1er juin, les services de Météo France vont publier des alertes pour prévenir des risques de canicule telle que celle qui a coûté la vie à 15000 personnes l’été dernier. A l’automne, Météo France émettra des alertes, mais cette fois en cas de risques de grand froid. Ces innovations se traduiront par la publication de nouvelles cartes. SOCIAL L’aide aux personnes âgées explose Une campagne de promotion des métiers de prise en charge des personnes âgées va être bientôt lancée, afin de combler le déficit d’image lié à la pénibilité du travail et au manque de reconnaissance. Le ministère délégué aux Personnes âgées prévoit la création de 25000 emplois d’ici à 2007. Un accord de branche a déjà prévu une augmentation de la masse salariale de 24% d’ici à 2006. l’actu sur le web News, photos, analyses, repères, dépêches… L’actualité continue sur liberation.fr météo jeux 25 LIBERATION J E U D I 2 2 AV R I L 2 0 0 4 LES MOTS D’OISEAU N° 2248 1 2 3 4 5 6 7 8 I II III IV V VI VII VIII IX X XI Marées (à Brest) Coefficients 82/79 PARIS Bonne LYON Moyenne MARSEILLE Moyenne F G voilé Toulouse 10/13 Montpellier 11/18 Hier Bonne 4 28 36 41 42 47 ( 20 ) Bastia 10/20 Ajaccio 8/20 -2/9 7/10 Tallinn Stockholm 2/11 3/10 0/11 Riga 6/16 9/15 Vilnius 13/22 Edimbourg 5/14 Copenhague 20/25 7/15 Lille Bruxelles 6/17 -4/6 Brest 8/16 8/19 Munich Strasbourg La Rochelle Lyon 9/16 12/21 7/21 21/28 Bratislava 10/22 12/19 Budapest Zagreb Belgrade 10/24 Barcelone Sarajevo 7/18 Nice Skopje Ajaccio Tirana Rome 11/19 14/20 16/25 11/19 12/18 80 km/h 12/25 12/20 9/22 Milan 11/19 Montpellier 9/21 Ljubljana 8/15 ClermontFerrand Vienne 7/21 Berne 8/17 8/15 11/22 Prague 11/19 Toulouse 13/16 9/20 Paris 5/16 21/26 Lisbonne 2/10 7/17 23/28 Madrid 12/25 5/18 9/20 7/15 Londres Varsovie Berlin Amsterdam 27/32 25/27 25/27 Dublin 24/29 26/31 6/15 5/9 25/30 7 6 5 4 3 2 1 LOTO TIRAGES DU 21 AVRIL 2004 Nice 11/19 Marseille 11/20 voilé Oslo 8 6 15 25 33 39 45 ( 9 ) Bordeaux 10/15 Helsinki H Blancs: Maze Noirs: Laval Championnat de France junior 2004 Les Blancs jouent et gagnent Niveau ** Championnat de France des jeunes à Reims Chez les juniors, certains des favoris ont dégusté dans la 4e ronde sur les 9 prévues : Vachier-Lagrave, qui joue deux catégories au-dessus de son âge, envoie Fabien Libiszewski (maître international, 2441 élo) provisoirement dans les oubliettes. L’autre maître, Sébastien Maze, vient à bout de Mathieu Cornette (2409). Classement : 1-2e Maze et Vachier-Lagrave 4 pts ; 3e Debray 3,5 pts. Classement provisoire des autres catégories : Cadettes : 1-3e Adeline Chaumont, Sandra Swiercz et Stéphanie Bermond 3,5 pts. Cadets :1-3e Samy Shoker, ThibaultMeynard et Jean Netzer 4 pts. Minimes filles :1-2e Caroline Cochet et Natacha Benmesbah 4 pts. Minimes : 1er Christophe Mérieux 4 pts. Benjamines : 1-3e Marie Cheype, Clara Le Bail et Ferry Justine 4 pts. Benjamins : 1-2e Mathieu Rigolot et Adrien Boukobza 4 pts. Pupillettes : 1ère Iris Fajolle 5 pts sur 5 ; 2e Camilla Kohi 4,5 pts. Pupilles : 1-2e Yann Nahed et Raphaël Delivre 5 pts sur 5. Coup de chapeau au serveur de la FFE (www.echecs.asso.fr) qui propose chaque jour classement et performance de chaque participant Papy Kortchnoi toujours en pleine forme. 73 ans et une énergie de vaincre intacte : Viktor le terrible mène le tournoi rapide de grands maîtres de Beer Sheva (Israël) avec 7 pts sur 9 possibles. Solution du n° 5003: La tour noire se croit déjà sur la Croisette et s’exerce à des cendre majestueusement les escaliers: 1... Dxf3+ 2.Dxf3 Txf3+ 3.Rg2 Tg3+! 4.Rh2 Tg2+ 5.Rh1 Th2+ 6.Rg1 Th1 mat. voilé Hier Bonne 23/29 E Besançon 8/23 Lyon 11/23 > 1500 m PAR JEAN-PIERRE MERCIER D voilé Dijon 9/22 ClermontFerrand 9/16 Limoges 10/12 Hier Bonne LES ECHECS N° 5004 C Strasbourg 7/25 Poitiers 10/15 QUALITE DE L’AIR B Metz 6/24 Orléans 10/16 Nantes 10/16 En baisse voilé Paris 12/15 Rennes 9/17 3 mn de soleil en plus H:I. Arrive au bon moment. - II. Presque atteints. III. Trempes. - IV. Jolie petite pièce sur l’actualité du Moyen-Age. Si vous passez dans le Pas-de-Calais, ne manquez pas d’aller y admirer ce chef-d’œuvre de l’orfèvrerie mosane qu’est le Pied de Croix de SaintBertin. - V. Eliminer les crudités. - VI. Ses graines sont excellentes pour la santé des Bambaras. Une compétition très ouverte, mais très mal engagée aussi. - VII. Moins hautes de plafond. - VIII. Bien utiles pour décortiquer la pensée du maître. Aligna. Symbole. - IX. A perdu du diamètre par martelage périphérique. - X. Bonne base pour des sanguines. Libé ne fait pas partie de sa presse. - XI. Colle. V:1. Se font beaucoup attendre. - 2. A gardé un petit air pascal. Bref arrangement interieur. - 3. C’est une version parmi d’autres. Mise en ordre. - 4. Déjà ouï. S’emmêlent dans les chiffres. - 5. Pointe en salle d’armes. Victime de flibustiers. - 6. Alexandrine, par exemple. - 7. Bien introduite. Devient comme une seconde mère à la répétition. - 8. Article. Ont entamé le travail de réparation. - 9. A droite en sortant. Pure oie blanche. Solution du No 2247:H: I. Roublarde. II. Ebruitait. III. Client. Da. IV. Tan. Giron. V. Itinérant. VI. Foret. VII. Irénée. Do. VIII. Géra. Sain. IX. Nient. Non. X. En. Tortue. XI. Sélec tifs. V:1. Rectilignes. 2. Oblat. Reine. 3. Urinifère. 4. Bue. Nonante. 5. Lingère. Toc. 6. Attirées. Rt. 7. Râ. Rat. Anti. 8. Didon. Diouf. 9. Etant donnés. Rouen 9/12 Caen 10/12 Brest 7/15 Soleil (à Paris) Lever 6h49 Coucher 20h48 A Lille 10/14 Amiens 10/14 9 7/17 10/20 10/17 5/18 Palma Athènes 10/17 12/20 Palerme 13/17 Tanger Alger Tunis Malte 12/22 11/17 13/17 13/17 météo Retrouvez la météo dans 400 villes en France et dans le monde www.liberation.fr Abonnez-vous à «Libération» ❐ 3mois 77¤ (505,09F) ❐ 6mois152¤ (997,05F) ❐ 1an296¤ (1941,63F) Livraison avant 7H30 sur Paris, IDF, Lille, Lyon, Toulouse, Nancy, Marseille, Metz, Aix-en-Prov., Toulon, Rennes et Nantes (y compris jours fériés). Abonnementpostalsurlerestedela France. Tarifs hors métropole: nous consulter. 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RCS Paris : 382.028.199 Durée : 50 ans à compter du 3-06-91. Associée unique: SA Investissements Presse au capital de 3033340 ¤ Associés: - Soparic Participations - Société Civile des Personnels de Libération - Communication et Participation SA P.D.G. Serge July. Directeur Général Evence-Charles Coppée. SARL Libération: Co-gérants Serge July et Evence-Charles Coppée. Directeur de la publication Serge July. Directeur de la rédaction Antoine de Gaudemar. Directeurs-adjoints de la rédaction Jean-Michel Helvig, Patrick Sabatier, Jean-Michel Thénard. Rédacteurs en chef Claire Carrard (édition), Marie Guichoux, Quintin Leeds (maquette), Nicole Pénicaut, Béatrice Vallaeys. Rédacteurs en chef adjoints Antoine de Baecque, Alain Blaise (maquette), Renaud Dely, Gérard Dupuy, Johan Hufnagel (éd. électroniques), Laurent Mauriac, François Sergent, Dan Torres (photo), Sibylle Vincendon, Olivier Wicker (guide), Gilles Wullus (édition). Directeur général adjoint Louis Dreyfus. Directeur des ressources humaines Solange Bonnet. Directeur commercial Bertrand Houlé. Directeur des études André Gattolin. PORTAGE À DOMICILE (Paris, 92) PAP, 13, rue Béranger 75003 Paris. Polyvios Anémoyannis, directeur. Tél. : 01.42.76.16.01. ABONNEMENTS Rens. par lettre ou téléphone (01.42.76.17.12), ou 3615 Libé. USA: permis USPS n°003-963 REGIE TÉLÉMATIQUE ET AUDIOTEL Ourouk Tél: 01.44.82.09.20 Fax: 01.44.82.72.70 E-mail: [email protected] PUBLICITÉ Directrice générale d’Espaces Libération Brigitte Bizalion. Espaces Libération 11, rue Béranger 75003 Paris. Tél. : 01.44.78.30.60. Publicité commerciale, littéraire, financière, arts et spectacles. Publicité locale et parisienne. PA. IMPRESSION CIPP (Saint-Denis), Mop (Vitrolles), ROP (Irigny), TOP (Toulouse), Loirefax (Saint-Herblain), Lorrainefax (Nancy-Jarville). Imprimé en France Tirage du 21 avril 2004: 198 115 exemplaires. Membre de OJD-Diffusion Contrôle. CPPP : C 80064. ISSN 0335-1793. CCP 2240185 Paris.W Nous informons nos lecteurs que la responsabilité du journal ne saurait être engagée en cas de non restitution de documents dont il est le destinataire. 26 télévision LIBERATION J E U D I 2 2 AV R I L 2 0 0 4 APRÈS COUP LE FILM PAR SORJ CHALANDON PAR LOUIS SKORECKI L’idole Femmes caméléons uel type de polars vous aimez?» «Les thrillers», répond Johnny. Il porte une chemise noire, une veste en cuir noir, des lunettes noires. Pour les caméras, il pointe son majeur et son index accolés, le pouce levé en chien de pistolet. Il prend sa voix de scène. «Si vous ne venez pas à Cognac, vous êtes mort.»Nous sommes à Cognac, il y a quelques jours, au Festival du film policier. Johnny Hallyday est membre du jury. Avec lui, l’actrice Marina Foïs, la comédienne Chantal Lauby, les acteurs JeanHughes Anglade, Jean-Paul Rouve ou le réalisateur Roger Spottiswoode. Ils sortent de projection (1). «Johnny! Johnny! Johnny, s’il vous plaît!»Trois jeunes filles sont couchées sur la barrière de sécurité, le cahier à la main et le stylo tendu. «Johnny! Johnny!»Une dame brune lui donne son prénom à écrire. «Johnny! Johnny! Johnny!»Des voix de femmes, d’hommes, d’enfants. Il signe un peu. Il ne fait que passer. Il s’en va. Il remet sa cigarette en bouche. «Johnny!»Nous sommes ailleurs dans la ville. «Johnny!»appelle une femme, son stylo vert en main. «Il est super, Johnny», dit-elle. «C’est un crack, c’est une idole.» «Johnny! Johnny!» «Ses chansons?»,rit une autre. Elle est énervée par la proximité du chanteur. Elle cherche. «Ben, il y en a plein! Allumer le feu… Heu… Bon… Ben ça vient pas, mais il y en a plus.» «Johnny! Johnny!»Il arrive. Il signe mollement ici et là. «Johnny! S’il vous plaît!»Les barrières sont combles. Il marche fauve, félin, ample des bras, comme remontant la grand-rue juste avant le duel. «Hoho! Johnny!»Des dizaines de crayons tendus, des mains, des regards. Il entre dans la salle des fêtes pour un cocktail. «Johnny!»Des enfants muets restent à distance. Il goûte quelque chose. Sourit. «Très bon!», dit-il en levant le pouce. «Johnny! Johnny! Aaah! Il mange une huître!»,crie une femme en battant des mains. C’est l’heure de la séance photo avec le maire de la ville. Hallyday signe pour un policier municipal. «A Florine», «à Jessica». «C’est un mythe. On vit en parallèle», dit le fonctionnaire. «Johnny! Johnny, par ici!»Des dizaines de photographes derrière les barrières. L’acteur est debout au milieu du jury. «Johnny!» Ils sont en ligne pour la photo. Devant eux, une Harley-Davidson. «JeanHughes!»lance soudain une voix d’homme. Silence. Flottement. Jean-Paul Rouve sourit. «Ah? Tiens? Qu’est-ce qui se passe?»Les membres du jury éclatent de rire. Rouve se tourne vers Jean-Hughes Anglade et lui dit: «Tu as de la famille?»• CINÉCINÉMA FRISSON, 1H10. «Q (1) C’était mardi à 20h, C du cinéma sur Canal + Cinéma. chat sur le web De 12h à 12h30, rendez-vous tous les lundis avec la direction de la rédaction. a nouvelle expression à la mode, c’est «cinéphile de trottoir». Ils font le trottoir comme des putes, en attendant de répondre au premier micro-trottoir venu pour l’une de ces émissions qui poussent comme des champignons. – Si ça continue, il va y avoir autant de ciné-trottoirs que de trottoirs. – C’est pourquoi j’ai choisi un porno. Un truc américain signé du grand John Leslie. – Avec du sperme et tout? – Ah oui, pas du lait concentré. C’est l’histoire de quelques obsédés du cul qui se vampirisent les uns les autres. – Les filles sont jeunes? – Tu ne veux pas que je te raconte le scénario, en plus? – Si tu insistes. – Ils se livrent à de drôles de duels échangistes. Le premier qui vole le corps de l’autre, à coups de morphing accéléré, a gagné. C’est entre John Woo et Sergio Leone. DR L Alexandre Iotopoulos (au centre) clame son innocence depuis la fin de son procès, en décembre dernier. Enquête. Retour sur le procès controversé des terroristes grecs du 17-N, avec les Jeux olympiques en toile de fond. ODYSSÉE, 22h40. «Grèce: 17-N, le terrorisme en question», documentaire de Chantal Lesbats et Angélique Kourounis. n réalisant, en 2002, son coup de filet à l’encontre des membres du groupe d’extrême gauche «17Novembre», la police grecque fait coup double. Elle met un terme à plus de vingtcinq ans d’actions terroristes dans la péninsule et elle sauve probablement les Jeux olympiques qui auront lieu en août prochain. La Grande-Bretagne et surtout les Etats-Unis avaient clairement brandi la menace d’un boycott si 17-N n’était pas mis hors d’état de nuire. L’acte de naissance, en 1975, de ce groupe marxisteléniniste est l’exécution de Richard Welsh, chef de l’antenne de la CIA en Grèce et symbole du soutien américain à la dictature. L’attentat avait été revendiqué dans Libération. A cette époque, le groupe bénéficie du soutien d’une majorité de Grecs qui voient à travers ces actions la continuité du combat contre les responsables impunis du régime des Colonels. Au cours des vingt-sept années qui suivent, 17-N est tenu responsable d’une bonne cinquantaine d’attentats et de la mort de vingt-trois personnalités de la finance, de la diplomatie et de la politique. Jusqu’en juin2002, lorsqu’un des membres du groupe se blesse grièvement, au Pirée, avec un engin explosif artisanal. Dans les jours suivants, de manière providentielle, les arrestations se multiplient et la police finit par désigner un chef: Alexandre Iotopoulos, Grec né en France, fiché depuis les années70 par la DST. Le procès, tenu par un tribunal spécial, s’est achevé en décembre2003. Après près de deux années d’enquête, le documentaire de Chantal Lesbats et Angélique Kourounis E s’est principalement attaché à montrer les innombrables approximations de l’enquête et le caractère bâclé du procès. «Un nombre considérable de témoignages à charge sont effectivement très douteux», affirme Angélique Kourounis, dont l’un des parents, Yiannis Paleocrassas, a été blessé dans un attentat de 17-N. «Mais c’est bien davantage le procès, qui n’apporte jamais la preuve irréfutable de la culpabilité d’Alexandre Iotopoulos, qui a été condamné à vingt et une fois la perpétuité. Le simple fait que ce procès ait été mené par un tribunal spécial, composé de juges nommés par le gouvernement et qu’il ait eu lieu dans une prison sans présence de caméras de télévision, jette un trouble sur sa véritable vocation. Enfin, l’absence de preuves convaincantes, la rétractation de plusieurs accusés, ou encore l’absence à l’audience de toutes les pièces à conviction sont autant d’éléments qui ont fait dire à tous les avocats de la défense qu’ils n’avaient pas pu faire leur travail normalement.» En marge de ce travail impressionnant apparaît ainsi l’hypothèse dérangeante que certains coupables sont encore en liberté tandis que des boucs émissaires moisissent en prison. Sans oublier que certains aspects du problème n’ont même pas été abordés. Ainsi, comme le souligne l’historien Christophe Chiclet, sous les revendications signées 17-N, plusieurs assassinats auraient pu être le fait d’organisations mafieuses. Toujours est-il que le démantèlement spectaculaire et providentiel de 17-N a effectivement calmé les Américains et permis la lucrative tenue des Jeux olympiques. Mais ce procès n’a pas clos le dossier du terrorisme en Grèce.• BRUNO ICHER FFCM. CINÉCINÉMA Les Jeux à tout prix Seins opulents, bouche vicieuse. – Tu te fous de ma gueule? – Non. Ça vaut bien Face/Off, cette histoire à la con où Cage et Travolta échangent leurs identités à grands coups de montage et de trucages digitaux. Disons que c’est de l’hypnose postcinéma, le contraire de ce que José Ferrer faisait à Gene Tierney dans le Mystérieux Docteur Korvo. – Et les filles? – Rien à voir avec Gene Tierney, c’est sûr. Mais Leslie connaît Preminger, frontalité méchante et tout. – Et les filles? – Bouches vicieuses, seins opulents, regards lourds. – Ça me fait envie. – Si elle avait été plus grosse, j’aurais bien goûté à ta sucette. – Mais ça va pas! – C’est une phrase du dialogue, couillon. – Et les filles, elles sucent bien? – Ah oui. Mais celle qui suce Rocco Siffredi, tu vois, elle a beau dire qu’elle la veut tout entière dans sa bouche, elle n’y arrive pas. – Elle est si grosse? – Ah oui.• télévision 27 LIBERATION J E U D I 2 2 AV R I L 2 0 0 4 •FILM Italique : en clair F5 ARTE TF1 F2 F3 C+ 8.30 Téléshopping. 9.05 TF ! Jeunesse. 11.15 La Ferme Célébrités. 12.05 Attention à la marche ! 13.00 Journal. 13.55 Les feux de l'amour. 14.45 Le choix d'un père. 16.20 Le protecteur. Série. 17.10 7 à la maison. Série. 18.00 Le bigdil. 19.00 La Ferme Célébrités. 20.00 Journal. 13.00 Journal. 13.50 Inspecteur Derrick. 14.50 Un cas pour deux. 15.55 Nash Bridges. 16.45 Des chiffres et des lettres. 17.15 Tout vu, tout lu. 18.00 Urgences. 18.55 On a tout essayé. 19.50 Un gars, une fille. Série. 20.00 Journal. 20.35 Question ouverte. Invitée: Ségolène Royal. 11.35 Bon appétit, bien sûr. Invité: le chef Jacques Faussat. 12.00 12/14. 13.55 C'est mon choix. 15.00 Inspecteur Frost. 16.35 TO3. 17.30 C'est pas sorcier. 18.05 Questionspour unchampion. 18.35 19/20. 20.05 Le fabuleux destin de... 20.35 Tout le sport. 10.50 Surprises. • 11.10 Le gâteau magique. 12.30 La vie en clair. 13.30 Best of Les Guignols. 13.40 La grande course. • 14.00 Pas si grave. 15.45 Dominique Besnehard, un agent particulier. • 17.00 Orky. 18.40 Merci pour l'info. 19.55 Best of Les Guignols. 20.05 20h10 pétantes. 20.55 Navarro 20.55 Envoyé spécial 21.00 20.55 • Dina • Le château de ma mère Téléfilm policier de Jean Sagols. Fr. 2004. Avec Roger Hanin, Pierre Santini, Jean-Claude Caron. Magazineprésentépar FrançoiseJoly.Ausommaire: «Lesrandonnées».-«L'Etoile etleCroissantrouge». 22.45 23.00 La méthode Cauet Invités : Serena, Philippe Gildas, Maryse Gildas, Natacha Amal, Pascal Sellem, Morganne Matis, Stéphanie, Premix, Tragédie, Ozone. 1.05 La Ferme Célébrités. 1.50 Les coulisses de l'économie. Campus, le magazine de l'écrit Magazine. Invités : Daniel Cohn-Bendit, Bernard Kouchner... Au sommaire : «L'Irak, un an après» - «Entretien» «Musique». 0.35 Journal de la nuit. 1.01 Millennium. Série. 8.48 La santé d'abord. 8.50 Les maternelles. 10.25 Femme & Co. 10.40 L'œil et la main. 11.10 Les babouins du rocher Blanc. 12.05 Midi les zouzous. 13.55 Le journal de la santé. 14.15 100 % Question. 14.50 Camarades, il était une fois les communistes français. Docu. 15.50 Chicago O'Hare. Docu. 16.45 L'âge glaciaire, menace sur le climat. Docu. 17.50 C dans l'air. 19.00 Le mystère de la voix. Docu. 19.45 Arte info. 20.00 Le journal de la culture. 20.15 Les infirmières. Docu. 20.40 Comédie dramatique d’Yves Robert. Fr. 1990. Avec Philippe Caubère, George Wilson, Nathalie Roussel. 22.45 Soir 3. Drame d’Ole Bornedal. Fr/Dan/Norv. 2003. Multilingue. Avec Maria Bonnevie, Gérard Depardieu. 23.00 C du cinéma. • 23.10 • 23.45 Flic Story Un homme sans l'Occident Film policier de Jacques Deray. Fr. 1976. Avec Alain Delon, Jean-Louis Trintignant. 1.00 Ombre et lumière. Invitée: Sandrine Kiberlain. Présenté par Philippe Labro. Drame de Raymond Depardon. Fr. 2002. NB. Avec Ali Hamit, Brahim Jiddi, Wodji Ouardougou. • 1.25 La Belle et la Bête. Conte fantastique de Jean Cocteau. Fr. 1946. NB. PARIS PREMIÈRE M6 • Le baiser de la femme araignée Drame de Hector Babenco. E-U/Br. 1985. v.o. Avec William Hurt, Raul Julia, Milton Gonçales. 22.40 Pureté Documentaire réalisé par Anat Zuria.Au sommaire : «Lille Blade Runner» «Arch Ennemy» - «Battle Video». 0.30 Arte info. • 0.50 L'œil. Thriller avec Lena Endre. • 2.40 Coup franc. Court métrage. 13.35 Les dédales de l'amour. 15.15 Le monde perdu de Sir Arthur Conan Doyle. Deux épisodes. 16.55 70 à l'heure. 17.55 Les Colocataires. 18.50 Charmed. Série. 19.50 Six' / Météo. 20.05 Une nounou d'enfer. Série. 20.40 Les Colocataires / Décrochages info. 13.15 La bande originale de ma vie. 13.45 Quand épousezvous ma femme ? Piece de théatre. 15.45 Le policier de Tanger. 17.15 Paroles et musique. Docu. 17.45 Les mystères de l'Ouest. Série. 18.45 La speakerine du jour. 19.00 Hollywood Stories. «Dorothy Stratten» 20.50 Nouvelle Star 20.50 • Le juge et l'assassin Divertissement. Présenté par Benjamin Castaldi. Avec Steeve. En direct. Drame policier de Bertrand Tavernier. Fr. 1975. Avec Michel Galabru, Cécile Vassort. • 23.10 Carrie 2, la haine 22.45 Film fantastique de Katt Shea. E-U. 1999. Avec Emily Bergl, Jason London, Dylan Bruno, SmithCameron, Amy Irving, Zachery Ty Bryan. 1.05 Les Colocataires. 1.50 M6 Music / Les nuits de M6. Magazine présenté par Paul Amar. Invité : Dany Boon 23.45 L'Actors Studio. Invité: Ben Stiller. Présenté par James Lipton. 0.35 Le film du jour. 0.45 Les mystères de l'Ouest. Série western américaine. FILMS 20H35 Once Bitten Ciné Comic De Howard Storm (1985, E-U) 95 mn. 20H45 FRANCE CULTURE Thérèse Raquin Jeff Le bûcher des vanités Snowboarder cinecinema Classic Ciné Polar Ciné Box Canal+ confort Une équipe hors du commun Le comte de Monte-Cristo De Marcel Carné (1953) 105 mn. De Jean Herman (1968, Fr) 90 mn. De Brian De Palma (1990, E-U) 125 mn. D’ Olias Barco et Didier Lafond (2003, Fr) 105 mn. TPS Cinefamily TPS Cinétoile De Penny Marshall (1992, E-U) Multilingue. 125 mn. De Robert Vernay (1954) 85 mn. Les envahisseurs de la planète rouge Coup double TvBreizh Canal+ sport De Jeff Kanew (1986, E-U) Multilingue. 105 mn. Cupidon mène la danse De Mike Leigh (1996, G-B) 140 mn. 24 heures de la vie d’une femme TPS Star De Robert Aldrich (1963, E-U) 115 mn. Fureur apache Karaté Kid 2 De Robert Aldrich (1972, E-U) 100 mn. RTL 9 De John G. Avildsen (1986, E-U) 120 mn. Meurs un autre jour Fantômes en fête De Lee Tamahori (2002, E-U) Multilingue. 130 mn. De Richard Donner (1987, E-U) Multilingue. 100 mn. L’addition TMC (1948, E-U) Multilingue. 115 mn. De Laurent Bouhnik (2002, Fr) 105 mn. TPS Cinefamily Les quatre du Texas TCM Secrets et mensonges De Fred M. Wilcox Jimmy TPS Home Cinéma La conquête de la planète des singes TPS Ciné Culte cinecinema Succès 20H50 French Connection TvBreizh De Tom Hanks (1997, E-U) Multilingue. 110 mn. 21H00 Effroyables jardins Canal+ cinéma De Jean Becker (2002, Fr) 95 mn. Mischka cinecinema Auteur De Jean-François Stévenin (2002, Fr) 115 mn. De William Friedkin (1971, E-U) 105 mn. Un juge en danger Les vestiges du jour De Damiano Damiani (1977, It) 115 mn. Téva De James Ivory (1993, E-U) 135 mn. Tout ce que vous cinecinema Frisson De Jack LeeDe Denis Amar Thompson (1972, E-U) avez toujours voulu savoir sur le sexe (1984, Fr) 85 mn. Multilingue. 85 mn. sans jamais oser La maison assassinée That Thing You Do ! cinecinema Premier cinecinema Emotion le demander De Georges Lautner (1987, Fr) 110 mn. Comédie De Woody Allen (1972, E-U) 95 mn. SÉRIES TPS Cinextreme Cartes sur table Ciné FX De William Cameron Menzies (1953, E-U) Multilingue. 85 mn. Le comte de Monte-Cristo TPS Cinétoile De Robert Vernay (1954) 95 mn. 22H10 Les princes de la ville cinecinema Frisson cinecinema Succès 22H30 Hudson Hawk, gentleman et cambrioleur TPS Star De Michael Lehmann (1991, E-U) Multilingue. 100 mn. L’incroyable homme-puma Canal+ sport De Brett Ratner (2001, E-U) Multilingue. 90 mn. De Chantal Lauby (2003, Fr) 105 mn. Snooker Eurosport Jimmy Championnats d’Europe. 69 kg dames. En direct. Championnats du monde. 6e jour. En direct. Championnats du monde. 6e jour. En direct. 13H20 Haltérophilie Keen Eddie 0H05 Comédie Son of the Beach (saison 1, 8/13) Incitation à la vengeance. Série club Golf (saison 1, 1/13) With Sex you Get Eggroll. v.o. Canal+ sport Jimmy Comédie (saison 9, 9/23) Et le fils arriva. v.o. (saison 4, 2/25) Chacun sa croix. 23H30 0H20 Mes pires potes Soyez prudents... Comédie 13e Rue 13e Rue (saison 1, 8/24) Comment lui dire. Une araignée dans le plafond. 20H50 23H35 0H30 Homicide New York District L’immortelle 13e Rue 13e Rue Série club (saison 5, 10/22) Le marié était en noir. (saison 7, 16/23) Volte-face. (saison 1, 7/22) Crime et châtiment. (saison 8, 7/24) Celui qui voulait garder Rachel. 20H30 Les Deschiens Jimmy 20H45 Soyez prudents... Roseanne Circuit européen. Open de Séville (Espagne). Les meilleurs moments. 15H00 Snooker Eurosport Championnats du monde. 6e jour. En direct. 15H30 Haltérophilie Bully 22H40 Chicanos, chasseurs de têtes Ciné Polar De Jerrold Freedman (1980, E-U) 100 mn. Perdita Durango TPS Cinextreme D’ Alex De La Iglesia (1997) Multilingue. 125 mn. 23H00 17H00 18H00 Eurosport Championnats d’Europe. 69 kg messieurs. En direct. cinecinema Classic 21.00 De Vincent Sherman (1947, E-U) v.o. 115 mn. De Bryan Forbes (1961, G-B)v.o. 100 mn. A nouveau la musique: 22H45 23H45 Dina Tortilla y cinema Canal+ confort TPS Ciné Culte D’ Ole Bornedal (2003) De Martin Provost (1996, Fr) 85 mn. Multilingue. 120 mn. 0H00 22H55 Jalla ! Jalla ! cinecinema Auteur De Josef Fares (2000, Suè) Multilingue. 90 mn. Caddyshack Ciné Box De Harold Ramis (1980, E-U) 100 mn. La rupture TPS Cinétoile De Claude Chabrol (1970) 120 mn. 0H05 La Rolls-Royce jaune Ciné Comic D’ Anthony Asquith (1965, G-B) v.o. 120 mn. 18H50 Football Canal+ sport Ligue des champions. Demi-finale. Match aller. FC Porto (Por) / Deportivo La Corogne (Esp). 19H15 Rugby Sport+ Championnat Eurosport d’Angleterre. Championnats 20e journée. d’Europe. 75 kg dames. Gloucester / En direct. London Irish. 20H00 20H35 22H25 Tueurs nés Des hommes dans la tourmente Paroles de flic National Geographic Histoire «La tuerie de Nanterre». Tennis Sport+ Masters Series. Tournoi messieurs de Monte-Carlo. 4e jour. 23H00 Football Eurosport Coupe de l’UEFA. Demi-finales. Matchs aller. 0H00 Football Eurosport Ligue des champions. Demi-finale aller à déterminer. Golf Sport+ Circuit européen. Open d’Espagne. 1er jour. avec la compositrice Pascale Jakubowski. 22.30 Surpris par la nuit: «Le Louvre revisité», avec François Rouan à propos de l’exposition «Primatice», Sarkis pour son exposition au musée Delacroix, Miquel Barelo pour son exposition d’aquarelles. 0.00 Du jour au lendemain: avec Eric Laurent pour A la fin(Veinstein). AUTRES RADIOS Eurosport 22H00 «L’impardonnable», avec Jacques Ricot pour Peut-on tout pardonner? (Pleins Feux). Whistle Down the Wind Snooker Championnats de France Open. 5e jour. La vie comme elle va: TCM 21H00 Natation Sport+ 15.00 L’infidèle DOCUMENTAIRES Eurosport 0H10 De Michael Davis (2000, E-U) Multilingue. 95 mn. De Larry Clark (2001, E-U) Multilingue. 110 mn. Haltérophilie New York Police Blues TPS Cinéstar Canal+ cinéma 13H00 RTL 9 100 Girls cinecinema Premier New York Police Blues 23H05 De Penny Marshall (1988, E-U) Multilingue. 100 mn. Rush Hour 2 23H50 Friends cinecinema Emotion 22H35 13e Rue (saison 3, 19/25) Le cancre et Shakespeare. Big Laisse tes mains sur mes hanches Homicide Comédie De Jean Boyer (1952, Fr) 90 mn. 22H25 De Gregory Marquette (1999) Multilingue. 95 mn. 21H35 Cosby Ciné Comic TPS Cinéstar (saison 1, 13/24) Celui qui fait des descentes dans les douches. (saison 9, 10/23) Jalousie. v.o. Femmes de Paris Dark Summer D’ Alberto De Martino (1980, It) 95 mn. Friends Jimmy 22H30 De David Fincher (1991, E-U) 115 mn. Ciné FX SPORT (saison 5, 11/22) Le documentaire. Alien 3 De Taylor Hackford (1992, E-U) Multilingue. 180 mn. De Jesus Franco (1965) 90 mn. 20H05 20H20 Recto Verso FRANCE INTER 10.05 21H00 Les nouveaux détectives Le pouvoir des fleurs Les grands fleuves «Serments rompus». Alter ego: «Les ONG doivent-elles rester neutres?», avec Rony Brauman, auteur de Humanitaire: le dilemme (Textuel), et Marc-Olivier Padis, auteur des Multinationales du cœur. Les ONG, la politique et le marché(Seuil). Odyssée Histoire 22H40 RFI 13.10 «Dans la gueule des prédateurs». (6/32) «De Gaulle versus Pétain». 20H05 20H45 Sous toutes les coutures Histoire (25/26) «Exotissimo». 13e Rue 22H30 Le saviez-vous ? L’exception camerounaise Odyssée Planète 22H35 13e Rue (5/12) «Le pouvoir «Le Niger». de la fleur comestible». Impressions sauvages Planète 20H10 «Le delta d’Okavango». Aux frontières de l’extrême avec Ray Mears Odyssée 21H55 Architectures Histoire «La villa Dall’Ava». 22H20 Grèce : 17-N, le terrorisme en question Odyssée (Lire page 26). De l’aube au crépuscule Sucre alors ! L’histoire douce-amère des gourmandises Planète Histoire «Les chimpanzés de Gombe». «Inventions et innovations». (14/32) «Mitchell contre la tradition militaire». «La NouvelleZélande». 23H10 Des hommes dans la tourmente Histoire Le monde change: «Dernier voyage au pays des mineurs», avec Jacques Grison, photographe. RFI 16.40 La Bande passante: avec Jane Birkin pour son nouvel album. LE MOUV’ 21.00 Concert live: Franz Ferdinand. 28 culture LIBERATION J E U D I 2 2 AV R I L 2 0 0 4 A M Y G I U N TA Eleanor et Matt Friedberger, respectivement 27 et 31 ans. La féerie The Fiery Furnacesen concert ce soir à la Cigale, 120, boulevard Rochechouart, Paris XVIIIe (avec Franz Ferdinand). Tél.: 0149258175. CD: «Gallowsbird’s Bark», Pias/Rough Trade. Furnaces out bringuebale. Rien de joué. Ou le contraire. Soit la brune plastique Eleanor, 27 ans, le touffu Matthew (dit Matt), 31, frère et sœur Friedberger, leaders-au- T Premier album fourre-tout furieux d’un duo rock new-yorkais. teurs-compositeurs-arrangeurs chanteuse et polyinstrumentiste de Fiery Furnaces. Avec ce duo branché passablement disjoncté, on tient un cas, un truc rock. Inclassablement grouillant, théâtral, le binaire à seize coups proposé par l’album à la clef, notablement expérimental, juvénile folk hors d’âge manigancé par Matt et emme- né par la voix acérée d’Eleanor, est essentiellement nerveux. Fantasque et pneumatique. Le couple fraternel définit ce brouet new-wave-cabaretworld-honky tonk-garagerhythm’n’blues-free-music hall-punk lettriste: «Du rock’n’roll avec des sons bizarres et des mots bruyants.» Formation. Avant d’en être là, ce duo chicagoan élargi (au tiers batteur de paille Ryan Sawyer) avait d’abord vécu et glané chacun pour soi. Eleanor dans le sud de la France, notamment avec maman, en Grèce et Italie, occupée de «cuisine, shopping, cinéma», voire de télémarketing pour le Texas Republican Party, sur fond de vagues études dans cet Etat; et Matt adolescent, outre-Rhin, où il se flatte de n’avoir jamais appris un mot d’allemand, puis à l’université d’Urbana, Illinois, partagé entre «parasitisme» revendiqué et fixation Who – le groupe de Pete Townshend. A un certain stade de glandage et fiasco respectifs, Matt et Eleanor, dépassant une aversion affichée l’un pour l’autre, joignent leurs efforts et vies en jetant leur gourme rock ju- melle à Brooklyn. Maquettes, répètes, concerts et single: Crystal Clear. Le tout fait associer les Fiery Furnaces aux notoires White Stripes ou aux érectiles Kills – sans compter tels Walkmen invoqués, ou Patti Smith, que l’intensité scénique d’Eleanor évoque. Couinements. Sur ce, voilà nos Rita Mitsouko new-yorkais anglicisés, le temps d’un stage à Londres (où Calamity Friedberger vécut un an) pour les besoins du manifeste fourretout bluffant Gallowsbird’s Bark. «L’aboiement de l’oiseau de potence»? Comprenne qui pourra –comme le logo Fiery Furnaces: «Fourneaux ardents». L’ouverture aux «abois» du CD, en une-deux bastringue, est presque anxiogène. Virant new-wave (Leaky Tunnel), sautant de rupture rythmique en lubie mélodique (Up In The North), via tel sketch pop (Inca Rag/Name Game), agrémentée de couinements, cordes, piano, cuivres, distorsions et babils, l’inspiration pousse le caractériel jusqu’au convenu délassant occasionnel. D’Asthma Attack en Don’t Dance Her Down,aux airs traditionnels (sens folklorique), culture 29 LIBERATION J E U D I 2 2 AV R I L 2 0 0 4 les rock blues à la Too Fat Feet («deux pieds gras»?) ou la scie de patinoire Bow Wow se retrouvent vite en butte aux dissonances et intrusions. Gale Blow,techno trash folk de rue, offre un type de ce mode effervescent. En motif de pochette, un chien loup considère une chèvre aux yeux doux.D’autres bêtes passent, dont un volatile denté préhistorique et deux lémurs. La ligne graphique emprunte aux enluminures des plafonds astrologiques de la bibliothèque universitaire médiévale de Salamanque. Au reste, avec ses breaks et basses grasses relevés de traits glitter, la chose peut évoquer un Yeah Yeah Yeah’s érudit. On sent que ces Bonnie and Clyde de home-studio ont de- puis longtemps tout avalé et trié –jusqu’à la liberté d’allure inquiétante qui les caractérise. Les chansonnettes instables des Fiery Furnaces qui sortent de là font des capucines de Saint-Guy, carrousels grinçants aux perversités électriques et au naïf savant. Précautions. Assez tambourine-man vaudouïsant,ce florilège ébouriffé de lâchers de vents et riffs pataphysiques ne s’aborde ni ne se pénètre sans précautions. L’écoute est déjouée plus que concertée par la production. La voix pique d’un titre à l’autre, le tempo hystérise, musique détonnant et planant ensemble. De fil en aiguille, chant de répons (Worry Worry) ou shuffle-opéra assourdi (Bright Blue Tie), Gallowsbird’s Bark culmine en triptyque seventies. Avec Tropical Ice Land, qu’on entend glouglouter «tropic cool», en glissando d’iceberg dans un lagon, l’album atteint sa quintessence kaléidoscopique, chatoiement de madrépore sonique. Comme si l’on remontait une Abbey Road bordée de palmiers bruissants, en Zeppelin (We Got Back The Plague), pour se réveiller dans un piano-bar zonzonnant Rub Alcohol Blues. Avant retour plage 1. D’où le chahut reflue, l’album gagnant à l’usure. Le prière-d’insérer du duo non aligné conclut en deux points sur Matt Friedberger: «Il n’a de talent que par rapport à sa sœur» et «Ce pauvre mec est mort, dieu ait son âme.»• B. Eleanor et Matt Friedberger, frère et sœur déjantés: «Notre musique doit être exagérée» altérées, que tout se brouille un peu. Enfants, vous jouiez déjà de la musique ensemble? Matt joue depuis qu’il a 5 ans, Eleanor n’a jamais joué. Votre composition fétiche? Matt: Leaky Tunnel ou Up In The North. Et Eleanor: Leaky Tunnelidem ouI’m Gonna Run. Nous aimons ces chansons parce qu’elles ont évolué conformément à nos intentions et que, pour celles-là au moins, nos intentions étaient bonnes. Comment marche Fiery Furnaces? Qui fait quoi? Par exemple Tropical Ice Land ou We Got Back The Plague? Pour Tropical, Eleanor a écrit les paroles et la musique. Et Matt pour The Plague. Sur Gallowsbird’s,nous avons tout co-écrit et Matt a arrangé, fignolé. De quoi vivez-vous? Chômeurs. Matt était «assistant spécial de conseiller d’éducation». Et Eleanor agent d’assurances. Gallowsbird’s Bark est-il anglais ou américain? Très américain. Il présente quelques traits locaux, mais… Et The Fiery Furnaces: féminin ou masculin? Garçon. L’illustration de pochette: qui fait la chèvre et qui le chien? Notre amie Cynthia a cherché à suggérer exactement ce que vous imaginez. Matt est le chien, et Eleanor la chèvre. C’est une façon de figurer sur la pochette sans y paraître, comme vous vous en doutiez. L’inceste ne va-t-il pas de soi entre frère et sœur, ou parents et enfants? Oui, à condition qu’il soit question d’inceste entre eux. Je ne pourrais pas vivre si je croyais que je faisais du mal Vos héros rock? Les Who. Stevie Wonder, The deux spectacles de l’emballage théâtre Clash, Bo Diddley. Même si Textes Eric Da Silva Avec Eric Da Silva, Frédéric Fachéna, nous aimons bien Captain Véronique Prune, Mbembo, Tchili Beefheart, Syd Barrett, le du 23 avril au 19 mai en alternance deuxième Brian Eno… Et The Kills ou White Stripes, dont tout le théâtre de gennevilliers monde vous rapproche? centre dramatique national Non.• 01 41 32 26 26 a pétroleuse Eleanor, à qui la rumeur prête une liaison avec le beau gosse du quartet pop Franz Ferdinand, et son chevalier servant musico-familial Matt répondent à nos questions déplacées sur leur œuvre déphasante. Vous pensez à la mort? Comment voyezvous ça? Trés douloureux, et lent, à tous les coups. Le prochain Fiery Furnaces s’appellera donc Blueberry Boat? Oui. Il proposera des histoires de sept minutes. Notre référence est Rael, sur l’album The Who Sell Out. Ce sera un disque aux sonorités plus variées(qu’est-ce que ce sera!, ndlr)et, comment dire, fantastiques à peu de frais. Avec plein de musique pour parc d’attractions ou films imaginaires. Nous l’estimons, par comparaison, plutôt bien. Outre les qualités de votre premier album, ses défauts selon vous? Ah, là, là… Pas assez de morceaux réussis, textes inconsistants, les parties de batterie… Nous n’avons pas pris le temps de faire bien sonner tout. Mais en rock’n’roll, pas d’excuses. Ce Gallowsbird’s Bark est mutin mais inquiétant… Parce qu’il n’y a rien de plus inquiétant qu’un petit sourire satisfait; ni rien de plus dérisoire que la menace. Comme c’est notre style, la musique que nous faisons doit être exagérée, autant que les conventions le permettent (ou ne le permettent pas du tout); de peur d’ennuyer en retour, l’expression de nos traits ou l’intonation de nos paroles doivent être assez L stalingrad la demande en mariage Recueilli par BAYON Cannes: menu 2004 Agnès Jaoui, Olivier Assayas et Tony Gatlif représenteront la France en compétition officielle. près une année 2003 chahutée, la nouvelle édition du Festival de Cannes (57e du nom, avec jury présidé par Quentin Tarantino) est chargée d’apaiser les esprits et de troquer le baril d’acrimonie contre un jerrican tout neuf d’enthousiasme communicatif. Le rang des mécontents donne d’emblée de la voix. A commencer par les intermittents, qui se sont invités hier matin à la réunion du conseil d’administration pour rappeler que leurs revendications courent toujours et qu’ils ont l’intention d’occuper les différents lieux du festival si le nouveau ministre, Donnedieu de Vabres, refuse la remise en cause du protocole en vigueur depuis janvier. Dans un communiqué diplomate, la direction du festival a exprimé son soutien à l’action des intermittents, affirmant que la diversité culturelle française s’appuyait notamment sur le régime spécifique d’assurance chômage, et qu’à ce titre, il devait «être préservé». Colère. Autre sujet de fâcherie: Ma mère, nouveau film de Christophe Honoré d’après Georges Bataille avec Isabelle Huppert. Paulo Branco, le producteur, ne décolère pas; on lui avait assuré que le film serait projeté hors compétition, en séance de minuit le samedi 15mai. Il avait calé la date de sortie (le 19 mai) en fonction de cette avant-première. L’argument avancé pour le retrait (un quota de films français déjà dépassé) ne tient pas selon Branco, qui estime avoir été mené en bateau et faire les frais d’un conflit entre le délégué général, Thierry Frémaux, et le président, Gilles Jacob, le premier voulant le film contre l’avis du second. La dimension scandaleuse du film aurait aussi joué contre lui. Les films français en compétition sont, pour l’heure, Comme une image d’Agnès Jaoui, Exils de Tony Gatlif et Clean d’Olivier Assayas. Reste que cette cuvée 2004 (56 longs métrages) s’annonce sous un meilleur jour que la précédente, avec un net accent porté sur les jeunes talents: l’Argentine Lucrecia Martel (La Niña Santa après l’excellent Cienaga), l’Italien Paolo Sorrentino (La Conseguenze dell’Amore après le mal fagoté mais attachant l’Uomo in Piu), les Coréens Hong Sang-soo (La femme est l’avenir de l’homme après A l’éblouissantThe Turning Gate) et Park Chan-Wook (Old Boy, film d’action d’après une BD nippone), le Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul (Tropical Malady après le choc sensualiste Blissfully Yours), les Japonais Mamoru Oshii (Innocence, manga SF, paraît-il fastueuse, faisant suite au chef-d’œuvre Ghost n’a toujours pas convaincu): Wong Kar-wai avec le projetarlésienne 2046 qu’il a mis quatre ans à tourner, Ethan et Joel Coen (The Lady Killers avec Tom Hanks, un remake de la comédie noire d’Alexander Mackendrick de 1955), Michael Moore (Fahrenheit 9/11), Walter Salles (Diarios de Motocicleta,sur le Che traversant l’Amérique du Sud dans Les intermittents se sont invités hier au conseil d’administration du festival, les années 50), Emir Kusturica rappelant leur intention de perturber (La vie est un miCannes si le protocole est maintenu. racle), Jean-Luc in the Shell) et Kore-eda Hiro- Godard (Notre musique, hors kazu (Nobody Knows après le compétition), Abbas Kiarosvaporeux Distance), ou l’Au- tami (Five, hors compétition, trichien diplômé de neurolo- poème numérique du vide). gie Hans Weingartner (Edu- Le palmarès sera donné pour kators). la première fois cette année la Concert rock. Les habitués de veille de la clôture, le samedi la Croisette sont au rendez- 22 mai avec feu d’artifice et vous, à l’exception notable de concert rock dans la baie de Hou Hsiao-hsien (son nou- Cannes. Ça va être énorveau film, le Temps, le Café, la me! • Lumière, après remontage, DIDIER PÉRON Vi l l e n e u v e d ’ A s c q , To u r n a i ( B ) , L i l l e , M a r c q - e n - B a r œ u l , R o u b a i x , A r m e n t i è re s , C o u r t r a i ( B ) .04 Scènes étrangères 3 ➜ 1 9 mai Festival international 03 20 61 96 96 Scène nationale Lille Métropole FEDER Villeneuve d’Ascq la rose des vents www.larosedesvents-scenenationale.com 30 culture LIBERATION J E U D I 2 2 AV R I L 2 0 0 4 Théâtre. A Paris, le Polonais Warlikowski met en scène un joyau de la littérature yiddish. La flamme errante du «Dibbouk» Le Dibbouk,de Sholem An-Ski, ainsi qu’un extrait de «Preuves d’existence» d’Hanna Krall, mise en scène de Krzysztof Warlikowski, Théâtre des Bouffes du Nord, 37 bis, boulevard de la Chapelle, Paris Xe. Tél.: 01460734 50. Du mardi au vendredi20h30, sam. à 15heures et 20h30. ue le corps d’un vivant, et sa psyché aussi, soient envahis, habités, hantés, encombrés, débordés par l’âme d’un mort… Cela existe dans le théâtre de Maeterlinck. Cela se trouve dans Q les récits des coutumes dévotieuses et magiques du Périgord et de Bretagne comme de toute autre province européenne, voire indienne, voire japonaise, sibérienne, africaine et autres. Le recours aux services des exorcistes ou chamans de toujours et de partout ne s’est jamais limité à combattre le diable, mais parfois aussi à renvoyer à leur silence immobile les mânes de ces défunts en quête d’éternel retour, ou au moins d’un tour de piste supplémentaire. La littérature psychanalytique sur le poids (cette fatalité) des héritages familiaux abonde. Démons. Le lumineux et idoinement polonais Krzysztof Warlikowski, mettant en scène ce joyau de la littérature yiddish qu’est le Dibbouk, confie à une femme –grande actrice israélienne de 79ans–, Orna Porat, le rôle d’un rabbin (tsadik) extirpeur de démons. Ou plutôt de l’âme errante qui torture la blonde Léa jusque pendant le jour de ses noces. Efforts vains: la cervelle de la promise, sa carcasse en robe blanche, son visage distordu surnageant d’un cauchemar de Francis Bacon ou Goya, ses mains palpant le vide, ses yeux perdus dans le vague, bref toutes ses cellules sombrent, électrisées, squattées, parasitées, par un bernard-l’hermite du nom de Hanan, feu son amoureux déçu, décédé subitement le jour où il apprit que la jeune fille en choisirait un autre. Offre abonnés 600 BD à gagner Pour participer, renvoyez ce coupon à : Libération IRS ORTIM 60508 Chantilly Cedex Les BD seront expédiées au plus tard le 30 juin 2004 Service Abonnements: 01 42 76 17 12 N° Abonné Nom/Prénom Adresse CP/Ville Date de naissance Vous disposez d’un droit d’accès, de rectification et de suppression de ces informations (art.27 de la loi informatique et libertés). Les informations recueillies sont destinées exclusivement à «Libération» et ses partenaires commerciaux sauf opposition de votre part en cochant cette case «Libération» vous offre le tome 6 de la série IR$. Larry B. MAX, agent du fisc américain, traque la corruption… C’est la pavane insensée d’une créature dédoublée autant qu’indomptable. Ronde entre l’ici-bas et l’au-delà, dehors et dedans, la raison et la folie, l’avant-hier et l’aujourd’hui. Il y a des cloisons de verre coulissant aux césures de ce montage des scènes imaginées par le poète folkloriste ethnologue, militant révolutionnaire et connaisseur des contes hassidiques, des légendes paysannes, des misères des pogroms, que fut le Russe Sholem An-Ski (de son vrai patronyme Zainwill Rapaport, 1863-1920). Lumières. Son Dibbouk, initialement intitulé Tsvishn Tsvey Veltn («Entre deux mondes»), donna lieu en 1938, en Pologne, à un film magique (consultable au musée d’Art et d’Histoire du judaïsme), mais c’est une autre histoire. Warlikowski s’est nourri et démarqué du côté sépia chagallien et chaplinesque de l’œuvre cinématographique. Sa scénographe inspirée Marlgorzata Szczesniak, son trouveur de lumières Felice Ross et l’efficace Pawel Mykietyn, compositeur d’espaces sonores, agenceur de ruptures, pourvoyeur d’effrois en cavalcade et de consolations-passacailles, ont parié sur une simplicité digne de Brook, comme de Lupa, les deux maîtres de Warlikowski. La troupe de treize comédiens d’envergure (dont une petite fille que Velasquez eût croquée) peuple comme aux meilleurs jours le plateau des Bouffes du Nord. Habitants du schetl sur quelques chaises. La mélancolie de nappes blanches recouvrant de petites tables très carrées. Au fond, telles peintures en réminiscence d’antiques synagogues de bois aux murs décorés de licornes et de griffons. Et voici que ces animaux mythiques viennent à s’animer un peu en vidéos fugaces et merveilleuses. Un juif pieux considère son châle de prière, se souvenant de la couleur bleue du ciel. A cet univers onirique d’AnSki, teint d’humour grave, Warlikowski a-t-il eu raison d’accoler les visions, beaucoup plus «matter of fact» et banales, d’Hanna Krall, en sa nouvelle intitulée aussile Dibbouk? Cet épilogue, en forme de retour plus convenu à la question juive après l’Holocauste, toutefois, ne dissipe rien du charme. C’est bien ça, oui, les fantômes existent. Le talent aussi. Si Warlikowski enferme en son cœur un dibbouk, c’en est un de très costaud; et fin; un qui sourit; et sait.• MATHILDE LA BARDONNIE Le squat du Palace devant le tribunal Le fameux Palace du IXe arrondissement à Paris, fermé depuis 1996, est occupé depuis la mimars par des collectifs d’artistes. Sur plainte de la SCI Foncière Bergère, propriétaire du théâtre, les artistes étaient attaqués hier en référé au tribunal de Paris. L’avocat des plaignants a demandé l’expulsion immédiate des occupants, tandis que les défenseurs des artistes plaidaient un délai. En invoquant l’absence de projet à moyen terme dans ce lieu classé, resté invendable car exigeant des travaux onéreux, notamment pour l’insonoriser. Et qui risque fort de retourner à son abandon pendant quelques années. Le jugement a été mis en délibéré au 28 avril. John Lennon, le prix de la dernière signature Le gribouillis ultime du Beatle de Revolution, tracé quinze minutes avant son assassinat au Dakota Hotel, vient de refaire surface. Il s’agit d’un verso d’autoportrait paraphé et dessiné (avec griffe de Yoko) pour un certain Rabiah Seminole, 51 ans (orthographié «Ribeah»). Après avoir gardé ce trésor punaisé dans un coin de sa piaule pendant tout le temps écoulé depuis, Rabiah Seminole veut désormais vendre l’autographe pour nourrir et soigner des chevaux. Prix: 180000 livres (269567 euros). Kevin Spacey a déraillé, pas dérouillé Bizarre affaire que celle dont l’acteur Kevin Spacey se révèle le héros minable. Un soir, au cours d’une rencontre, il se laisse voler son portable par un jeune filou dans un parc du sud de Londres à 4h30 du matin. Tombant par terre, gêné par son chien, en voulant poursuivre son voleur, Spacey se fait mal à la figure. Honteux, saignant, coléreux, frustré, il dépose plainte pour coups et blessures imaginaires. Avant de se livrer à un mea-culpa public de 5 minutes en direct de la BBC, pour confesser et analyser son faux témoignage. guide 31 LIBERATION J E U D I 2 2 AV R I L 2 0 0 4 Bourges Printemps de Bourges Palindrome, Enhancer, Incubus (Le Palais d’Auron. 17h. 22¤). Laetitia Sheriff, Jeanne Balibar (Le Théâtre Jacques-Cœur. 18h. 21¤). Sharko, Mardi Gras BB, Calexico, M (Le Phenix, 19h30. 30,80¤). Christ (live), The Glimmer Twins (DJ), Vitalic (live), Miss Kittin (DJ), Atmosphere (live), Buck 65 (live), Little Brother (live), Toxic Undercontrol feat. MC’s Specta & Leeroy Aka Explicit Samouraï & DJ’s Eddy Kent & Fun (Le 22 Est/Ouest. 22h30. 15¤). SROCK Paris Amen Sans rien révolutionner, ce quintet de Los Angeles est bien plus excitant que Sum 41 ou Blink 182 dans le genre revival punk-rock. La Boule Noire, 120 bd de Rochechouart, 18e. 01 49 25 81 75. 17,60euros. Ce soir 20h. BJAZZ Paris Minino Garay & les Tambours du Sud Avec sa formation bâtie autour des percussions latines (bomboargentin, cajonpéruvien…), le puissant percussionniste argentin entraîne dans une ronde de tango moderne, cante jondo, jazz et blues métissés. Sunside, 60 rue des Lombards, 1er. 01402621 25. 20/18euros. 21h. Du 22 au 24/4. Didier Labbé En quartet, un jazz libre et métissé. Dernier album Tous au souk (Mosaïc). Guinguette Pirate, quai de la Gare, 13e. 01 43 49 68 68. 8euros. Ce soir 20h30. Grenoble 25e Europa Jazz Rens. 02 43 24 81 78. Festival jusqu’au 9/5. Louis Sclavis/Aldo Romano et Henri Texier, Suite africaine(la FertéBernard,ce soir 20h30). A THÉÂTRE Paris Ivanov Une pièce violente et drôle de Tchekhov dans une traduction décapante d’André Markowicz et Françoise Morvan, ms Alain Françon. Théâtre national de la Colline. 0144625252. Jusqu’au 30/4. Le Dernier Chameau Nouveau spectacle du conteur algérien Fellag, dont les gestes séduisent autant que les mots. MC93 de Bobigny, 01 41 60 72 72. Mer-sam 20h30, dim 15h30. Jusqu’au 30/4. Inutile de tuer son père, le monde s’en charge Texte et interprétation Pierre Ascaride. Mise en scène par sa sœur Ariane Ascaride. Théâtre71, Malakoff, 01 55 48 91 00. Mer, ven, sam 20h30, jeu 19h30. Jusqu’au 30/4. Les Sacrifiées F DANSE Paris Jan Fabre «Quando l’uomo principale e una donna». Solo créé à Bogota en février 2004 pour la danseuse Lisbeth Gruwez. Théâtre des Abbesses, 18e. 01 42 74 22 77. 20h30. Jusqu’au 23/4. Théâtre équestre. Sous chapiteau, Cour du Maroc. 45, rue d’Aubervilliers, 18e. 06 32 47 13 68. Mar-sam 20h, dim 17h. Jusqu’au 15/5. Spectacle conçu et interprété par Jean-Pierre Larroche, ms Thierry Roisin. Acb, salle Dumas, 03 29 79 42 78. Ce soir et demain 20h30. Avec Foi, Sidi Larbi Cherkaoui exprime ses combats contre toute forme de fanatisme. Danse. Une création enlevée du chorégraphe belge. Sidi anime sa «Foi» O CIRQUE Penthésilée, suite fantasy La saison des clowns Une saison au Zèbre dédiée aux petites formes de l’art clownesque. Félicien le magicien, manipulateur de rires, de et par Alain Miès. 63 bd de Belleville, 11e. Rés. 01 43 55 55 55. Marsam 21h. Jusqu’au 29/4. Le fil du Ciné 08 92 68 03 03* TOUT LE CINÉ, RIEN QUE LE CINÉ *Editeur Camérapress (0,34¤ quelle que soit la distance) hys Chatam fait partie de la génération no wave new-yorkaise. Un «nonmouvement» météorique de la fin des années70, réunissant sur les mêmes scènes alternatives des musiciens venus aussi bien du jazz d’avant-garde, du punk-rock que de la musique contemporaine ou du disco et du hip-hop balbutiant. Rhys Chatam ne fait pas de différences entre le compositeur minimaliste La Monte Young, avec lequel il travailla, et les Ramones qui lui donnèrent le goût des guitares hurlantes. C’est d’ailleurs avec une création réunissant cent de ces instruments électriques que ce grand copain d’Arthur Russell investit pour deux soirs la scène du Lieu Unique. Créée en 1989 en Amérique, la symphonie An Angel Moves Too Fast réunit professionnels et amateurs de la six cordes classique, blues, pop ou jazz, sachant lire ou non la musique sur partition, au sein de ce qui est présenté comme le plus grand groupe électrique du monde. Au-delà de la performance spectaculaire, cette création s’inscrit dans la continuité des compositions de Glenn Branca dont Rhys Chatam est un proche. Pour cette reprise nantaise, en préparation depuis plusieurs mois, ce sont des musiciens de la région qui entoureront Rhys Chatam ainsi que deux vieux briscards de l’underground, le batteur Jonathan Kane (cofondateur des mythiques Swans) et le bassiste des Modern Lovers, Ernie Brooks.• A.B. R Texte de Laurent Gaudé, ms J.-Louis Martinelli. Le destin de trois générations de femmes d’Alger à Nanterre, de la guerre d’indépendance à la montée de l’islamisme. Comédie de Genève, 4122 320 50 01. Jusqu’au 2/5. Un texte de Serge Valetti sur un artiste américain, joué par des acteurs brésiliens. Création française. Bonlieu, 04 50 33 44 11. Jusqu’au 24/4. A Distances Nantes (44). Le Lieu Unique, quai Ferdinand-Fabre. Ce soir et demain, 20h30. De 9,50 à 19euros. Rens.: 0240121434. Genève Annecy Bar-le-Duc Rhys Chatam, défi sonore Variations sur des «Trois Sœurs» de Tchekhov, ms Chantal Morel. Au (Petit 38), 38 rue SaintLaurent. Rés. au 04 76 54 12 30. Jusqu’au 28/5. Paris Santo Elvis Performance Macha s’est absentée… JEAN-PIERRE MAURIN G FESTIVAL Le Mans Théâtre de la Ville.2, place du Châtelet, 75004. 20h30, jusqu’au 29avril. Rens.: 0142742277. idi Larbi Cherkaoui est de ceux qui éclairent la scène chorégraphique contemporaine. Fabuleux night-clubber belge, il passe le concours du meilleur danseur chez Alain Platel et gagne. De sa banlieue d’Anvers, il se rend tous les matins à l’école de danse d’Anne Teresa de Keersmaeker à Bruxelles. A l’époque, il rêve de Broadway mais la danse contemporaine va le détourner. C’est tout bénéfice pour lui. Il réalise que c’est là qu’il peut développer son propre style et user de ses talents d’inventeur. Interprète, il resplendit chez Platel. Puis viennent ses premières chorégraphies dans lesquelles il ne mâche pas ses mots, profondément du côté de ceux qui n’ont pas la parole. C’est pourquoi ses spectacles vont chanter. Dans D’avant, chorégraphié avec un quatuor de troubadours-interprètes, baptisé «boys band médiéval», il se moque de quelques stéréotypes masculins dont il est le premier la victime. Dans un solo chorégraphié pour lui par Wim Vandekeybus, il fait l’oiseau fragile, juché sur un S promontoire, au bord du vide. Il dialogue avec un âne et philosophe. Pour développer le travail entamé avec D’avant, il crée en 2002 Foi, une sorte d’opéra avec musique live. Il a alors 23 ans. Il sait qu’il n’est pas encore au bout de ses peines, trop marqué peut-être par les personnages décalés, dévoyés qui hantent la scène flamande. Mais ce fils de père marocain et de mère belge, fort bien élevé, a aussi ses propres convictions et surtout la distance avec les étiquettes qu’on veut bien lui coller. Sa «foi» par exemple n’est ni à relier avec un quelconque précepte religieux, catholique ou musulman. Foi de Sidi se bat contre tous les fanatismes. Lui-même ne boit pas, ne fume pas, est végétarien et est teint en blond platine. Avec Foi, on découvre à Paris, après Rien de rien et D’avant, un chorégraphe qui avance sans entrer dans les mouvements de mode. Il aime le spectacle et le montre. Il aime la danse et le prouve tout en intégrant la musique dans la scénographie même et dans son propos. Sidi Larbi Cherkaoui, tout jeune encore, a su mobiliser le public, toutes générations confondues. C’est rare et appréciable.• M.-C.V. World. Ba Cissoko, quatuor guinéen. Mandingue en folie New Morning.7-9, rue des PetitesEcuries, 75010. Ce soir, 21heures. 18,70euros. Rens.: 0145235141. e groupe guinéen Ba Cissoko s’est fait remarquer l’année dernière par son interprétation survoltée de la musique mandingue sur diverses scènes de France. Des accents hendrixiens que le quatuor a depuis confirmés par un disque séduisant, Sabolan. Ba Cissoko, c’est d’abord l’aîné, Ba, qui donne son nom au groupe, ses deux cousins Sékou et Kourou Kouyaté, et Ibrahim Bah. Ba Cissoko, 37ans, a commencé, à Kandara, dans le nord de la Guinée, par taper dans un ballon de foot en séchant l’école jusqu’à ce que son père le confie à un cousin réputé pour sa maîtrise L de la kora, M’Bady Kouyaté. Le maître à poigne initie l’ado apathique aux subtilités de la harpe emblématique des griots mandingues et le traîne avec lui pour animer les fêtes de tous les villages que compte le pays. Deux lustres plus tard, Ba Cissoko commence par formuler son propre jeu, une musique moderniste dans laquelle il intègre son cousin Sékou, le fils de M’Bady Kouyaté, alors âgé d’à peine 10ans. Aujourd’hui joueur de kora exceptionnel, Sékou expérimente sur son instrument fétiche toutes sortes de musiques. Ensemble, ils sont en train de révolutionner la musique mandingue, devenue, sous leurs doigts fiévreux, un rock sahélien inouï.• B.D. tauromachie 31 LIBERATION J E U D I 2 2 AV R I L 2 0 0 4 Après son échec du dimanche 11 à Madrid, Morante de la Puebla a décidé d’arrêter sa saison et fait annuler ses nombreux contrats. Une semaine avant, il déclarait au journal El Mundo: «Si ça marche, en avant. Si je rate, je rentre à la Puebla», où il fait de la riziculture. Feria de Séville Dimanche, les toros de Pereda ne donnent aucun jeu. Juan Diego, El Fandi et Rivera-Ordoñez, qui est allé attendre à genoux son premier toro, ne recueillent que des ovations. Lundi, les toros de Cebada Gago sont mansos. Un tour de piste pour Pepín Liria, quelques applaudissements pour Valderrama et Encabo. Mardi, les toros de Guardiola sont nuls, une seule ovation pour Sergio Aguilar Un Espagnol sur trois torophile L’institut de sondages Gallup a envoyé aux médias une enquête de 2002 où il apparaît que 31% des Espagnols (12 millions de personnes) aiment beaucoup ou s’intéressent à la corrida. 68% de sondés disent ne pas montrer d’intérêt pour les toros. En 1971, 55% des sondés se déclaraient intéressés par la corrida. Soutien en Catalogne La Fédération des sociétés taurines de Catalogne va dans une lettre ouverte demander à José Tomás de venir toréer à Barcelone pour manifester son soutien à la corrida en Catalogne. D’autre part, un collectif d’hommes politiques, de peintres, d’écrivains, d’acteurs et de chanteurs catalans s’apprête à rédiger un manifeste en faveur de la corrida. Programmes Dimanche à Garlin, novillada. Toros de Fuente Ymbro pour Fernando Cruz, Ismaël Lopez, Eduardo Gallo. Feria de Saint-Martin-deCrau: samedi, novillada. Toros de Granier et Jalabert Frères pour Roberto Galan, João, Antonio Ferrera et la torera à cheval Julie Clavier. Dimanche, corrida concours. Toros de Meynadier, Hubert Yonnet, Tardieu, François André, Gallon et Marget pour Meca, Gomez Escorial et J. Lescarret. Toros et toreros parlent aussi catalan Le vote anticorrida du conseil municipal de Barcelone tourne le dos à une vieille tradition. ans les années 40 et 50, Mario Cabré baissait bien la main en toréant à la cape et couchait avec Ava Gardner, et aussi Yvonne de Carlo. Il était natif de Barcelone et de sa cape «mi-sucre mieau»,comme il l’a écrit dans un poème dédié à Ava, s’écoulaient les veronicas parmi les plus fines et les plus lentes. Il jouait aussi au théâtre et faisait du cinéma dans Pandorad’Albert Lewin (en 1951), par exemple. Il sera également présentateur de l’émission de télévision Reine d’un jour, conférencier, mannequin. Il disait: «Je suis torero et catalan, ce qui équivaut à être deux fois torero.» Catalan et même catalaniste: Cabré a financé et joué plus de vingt pièces d’auteurs catalans au théâtre Romea de Barcelone, et son œuvre poétique rédigée en catalan couvre une quinzaine de volumes. Il torée avec Manolete, Lalanda, Domingo Ortega, et son plus grand triomphe, il le connaîtra avec le Mexicain Arruza, le 25 juillet 1944 à la Joselito, Belmonte et El Gallo à Barcelone, en 1919. Jusqu’à la fin des années 60, il y a plus de corridas à Barcelone qu’à Madrid. Monumental de Barcelone. Avec Arruza, il en sortira en triomphe et ses admira- diction par la Generalitat en 1989, les habitants de sont distribués dans la rue. Le gouverneur lui teurs le promèneront sur leurs épaules de la Gran Carbona, avec le maire Gerbasi Arnaste à leur tête, conseille d’annuler sa corrida. Il refuse, se rend à pied Via aux Ramblas. A sa mort, le 30juin 1990, ses amis passaient outre, célébraient le corre bouet faisaient aux arènes, traverse la foule qui l’insulte. Il coupe ont déposé sa cape rose et jaune sur son cercueil. leur novillada, à la fin de quoi le maire sera porté en oreilles et queue. Barcelone l’emporte sur ses Sans être une figura de la tauromachie, Mario Ca- triomphe. Déclaration de Gerbasi Arnaste: «Le cor- épaules. Chamaco, dans les années 60, a été son idobré est l’un des nombreux toreros catalans qui ont re bouest une fête populaire, qui appartient donc au le. La bourgeoisie locale progressiste projetait sur sa laissé leur nom dans l’histoire de la corrida, comme peuple et pas à ses gouvernants. Elle continuera tant tauromachie hétérodoxe et «existentialiste» son aversion pour l’accablante dictature morale du franEnrique Patón, Eugenio Ventoldra, Ramón Arasa, que le peuple le voudra.» Manolo Martín, José María Clavel, Paco Corpas, Même si un sondage réalisé en 1989 sur un échan- quisme. Ses apparitions à l’hôtel Comercio Plaza qui débutera bizarrement à Saint-Chamas tillon de 800 personnes donnait 53% de la popula- Real, où il laissait traîner un livre de messe sur sa (Bouches-du-Rhône) en 1948, ou Javier Batalla, fils tion favorable à la suppression du spectacle taurin, la table de nuit, provoquaient des émeutes. Son seul d’un célèbre urologue de Barcelone. Le plus ancien Catalogne espagnole est une terre taurine avec des nom remplissait la Monumental et Las Arenas deux est Aixela Peroy, né en 1824, qui aurait inventé la toreros, des arènes et même des élevages. En 1988, la fois par semaine. Puis il partait danser la rumba dans pose de banderilles al quiebro, et le plus récent, le Monumental de Barcelone a même organisé une les dancings chics du quartier Pedralbes avec la bonjeune et prometteur Serafín Marín. Le plus célèbre corrida 100% catalane avec Manolo Porcel, Angel ne société et racontait sombrement aux journalistes est Joaquín Bernado, fils d’un menuisier du Para- Leria et David Valenzuela, trois maestros aussi mo- qu’il aimerait qu’un toro le tue. lelo de Barcelone, qui, dans les années 60 et 70, au- destes qu’indigènes, et des toros autochtones de Ro- Une programmation médiocre, l’absence de grandes rait pu faire une carrière plus importante en tuant geli Narti i Albalat. De l’autre côté de la frontière, les figuraset la fuite des Barcelonais, le week-end, dans Catalans de Céret intègrent le catalanisme à la corri- les stations balnéaires de la Costa Brava, grâce au mieux les toros. Mérite artistique. Le 5septembre 1988, Bernado, qui da en faisant, lors de leurs corridas de juillet, jouer la boom de la petite bagnole Seat 500, feront perdre à a toréé 243 fois à Barcelone, recevait des mains de sardane la Santa Espinaà la mort du cinquième toro. Barcelone de son prestige taurin. Elle l’a retrouvé en partie à partir des années 90. L’hostilité de certains Pasqual Maragall, maire de la ville et auCatalans envers la corrida n’a, elle, jamais disparu. jourd’hui président de la Generalitat «S’il est mauvais de ne pas couper d’oreilles, Maria Aurelia Capmany a raconté que son père (gouvernement régional) de Catalogne, c’est pire d’en couper à Barcelone.» Le torero Joselito (1895-1920) n’osait pas dire à sa femme qu’il était aficionado «parla médaille d’or du mérite artistique grâce ce que peut-être elle ne l’aurait pas épousé». à l’intervention de l’écrivain et conseillère à la culture María Aurelia Capmany. Maragall di- Comme place taurine, Barcelone a d’abord eu mau- Le vote municipal contre la corrida n’a pas force de ra au torero, actuel professeur à l’Ecole de tauroma- vaise réputation. Joselito disait: «S’il est mauvais de loi. Il faut une décision de la Generalitat. Cela dit, chie de Madrid: «Avec vous, nous sommes bien ne pas couper d’oreilles, c’est pire d’en couper à Barce- Joan Clos, maire de la ville, a précisé qu’il fallait «resreprésentés parce que vous représentez quelque chose lone.» Mais à partir de 1927, sous l’impulsion de Pe- pecter les minorités»,pendant que son conseiller à la de la tradition taurine de Barcelone.»Une des plus en- dro Balaña, la ville devient, avec ses trois arènes, la culture affirmait: «Il ne serait pas bon d’interdire abracinées d’Espagne, quoi qu’en pensent les catala- ville taurine la plus importante d’Espagne. Jusqu’à solument la corrida de toros et de stigmatiser ceuxqui nistes qui viennent de provoquer un vote municipal la fin des années 60, Barcelone est plus active que défendent ce spectacle.» Quant à ceux qui veulent Madrid pour le nombre de corridas et beaucoup de abolir la corrida en Catalogne au nom d’une «pureté déclarant Barcelone ville antitaurine. La thèse catalaniste qui affirme que la corrida a été toreros, de Domingo Ortega à Paquirri en passant catalane», on pourrait fielleusement leur rappeler imposée par le centralisme espagnol et qu’elle est par Dominguin, Ordoñez, Aparicio, Manolo Gonza- que le Barça, étendard sportif de la catalanité, joue une séquelle de l’immigration des populations ve- lez (qui s’y produira vingt-quatre fois en une saison), avec une majorité d’étrangers dans son équipe à un nues d’Andalousie, d’Estrémadure ou de Murcie, est César Giron, Puerta ou El Viti, ont été lancés après jeu, le football, d’origine anglaise. Dimanche, il y avait corrida à Barcelone. 10000personnes y assistaient. mise à mal par les archives. Les corre bous, ces fêtes un triomphe à la Monumental. populaires avec des taureaux, sont mentionnées en Menacé de mort. Avec Cagancho, Manolete, Arruza, El Juli, trois oreilles, et Finito, deux, sont sortis en Catalogne dès le XVe siècle, dans le roman de cheva- Chamaco et récemment José Tomás, Barcelone a vé- triomphe. Serafín Marín, le régional de l’étape, a, lerie Tirant lo Blancde Joannot Mardorell. Un com- cu la corrida sur le mode de la passion, y compris la pour protester contre le vote, fait le paseo coiffé d’une bat de toros a été organisé à Barcelone, place Del plus enragée. Luis Miguel Dominguín y torée un barretina, le bonnet traditionnel catalan. Cela ne lui Born en 1554, et, chaque deuxième dimanche de sep- mois et demi après la mort de Manolete, dont on le a pas porté chance. Il est tombé sur les deux plus tembre depuis plus de cinq cents ans, la ville de Car- rend responsable. On manifeste sous les fenêtres de mauvais toros.• dona donne des courses de toros. Malgré leur inter- son hôtel, l’Oriente, des tracts le menaçant de mort JACQUES DURAND D M AT E O Morante jette l’éponge 32 Rebonds LIBERATION J E U D I 2 2 AV R I L 2 0 0 4 Les résultats obtenus par Sarkozy sont bien en deçà de ce qu’on a voulu faire croire à l’opinion. Sécurité, la poudre aux yeux S sur voie publique. M.Sarkozy les a commentés avec délectation, omettant un autre chiffre: 7% d’augmentation des faits avec violence sur voie publique. Autre exemple, en juin 2003, le ministère n’a pas présenté les mauvaises statistiques du mois pour les fondre dans celles du premier semestre. Mais laissons là cette querelle stérile: la vérité éclatera quand l’Observatoire de la délinquance que j’ai initié publiera ses propres analyses… Autre déviation à cette course éperdue aux «bons» chiffres: les citoyens souhaitant porter plainte pour des faits mineurs sont fortement incités à ne déposer que des «mains courantes» qui ne sont pas comptabilisées dans les chiffres officiels du ministère. Apparaît là un paradoxe: moins les policiers en font, plus les chiffres baissent; plus ils sont présents, plus le nombre des faits constatés augmente. Enfin, la «culture du résultat» poussée à l’excès a des effets néfastes sur le moral de la police. La promotion marque le pas: qui irait s’exposer aux réprimandes infantilisantes de son ministre en prenant des responsabilités? La conséquence de tout cela est que bon nombre de policiers ont le sentiment que l’on voulait faire d’eux des agents électoraux. M.Sarkozy a donné l’impression de mettre la police au service de ses ambitions politiques. Son bilan doit être appréhendé avec objectivité. Il est Entraîné par son goût du faire-savoir, contrasté. Les Français ne M. Sarkozy n’a pu s’empêcher s’y sont pas trompés les 21 et 28 mars dernier. Les polide se laisser aller à la démagogie. ciers commencent à ruer renforcement de la police judiciaire. dans les brancards, les délinquants reMais, entraîné par son goût frénétique du trouvent assurance et arrogance, les faire-savoir, M. Sarkozy n’a pu s’empê- 20000détenus supplémentaires depuis cher de se laisser aller à la démagogie, ou à son arrivée vont sortir des prisons et rel’adoption de dispositions aussi spectacu- commencer, les liens de confiance instaurés peu à peu entre la police et la populaires qu’inopérantes. De surcroît, sur bon nombre de sujets, la lation se distendent. Cela traduit réalité fut bien en deçà des annonces. Le l’orientation des gouvernements Raffarin budget actuel de la police est moins bon successifs qui n’ont jamais voulu s’attaqu’il n’y paraît, les rémunérations des po- quer aux causes de la délinquance. liciers n’ont pas augmenté depuis 2002, le C’est pourtant cette approche qui perrecrutement a cessé (1700 fonction- mettrait de réduire durablement l’insénaires en moins en 2004 par rapport à curité. La répression est nécessaire. J’ai 2003), les départs à la retraite ne sont pas veillé, dans le respect du droit, à donner intégralement compensés, les écoles ne des moyens d’action supplémentaires sont plus pleines et les effectifs des ad- aux policiers par la loi sur la sécurité quotidienne. Je suis favorable à laisser intact joints de sécurité fondent. Les policiers le savent: le seul moment où l’arsenal législatif actuel, à l’exception des le nombre de fonctionnaires a significati- dispositions législatives contestables et vement augmenté se situe début 2002, parfois inapplicables comme le racolage après les accords du 29novembre 2001 si- passif ou encore la mendicité agressive. gnés par les syndicats et moi-même et le Mais c’est d’abord en réduisant l’insécurité sociale par l’éducation, en favorisant vote du budget 2002. Plus grave, la volonté acharnée de l’ex- l’accès à l’emploi, en renforçant les serministre de l’Intérieur de faire baisser les vices publics et l’équilibre entre les terrichiffres l’a conduit à les présenter de fa- toires, en luttant contre les discriminaçon contestable. Dernièrement, ses ser- tions et donc en améliorant l’intégration vices publiaient des statistiques ron- que nous ferons baisser vraiment et duraflantes: -7% de faits délictueux constatés blement la délinquance. Je le répète soui effet Sarkozy il y eut, le moins que l’on puisse dire c’est qu’il ne s’est pas fait sentir lors des dernières élections. Ministre de l’Intérieur, il pensait résoudre à lui seul le problème de l’insécurité. Le voici réfugié à Bercy alors que les nuages s’amoncellent place Beauvau. Il est temps de tirer un bilan de son action à l’Intérieur: au-delà de la communication, quels sont les résultats obtenus? Sa première habileté, facilitée par la campagne démagogique du candidat Chirac: faire passer pour des réussites personnelles les résultats obtenus grâce au travail de ses prédécesseurs et des policiers. Arrivant place Beauvau, il a trouvé un budget en forte augmentation. Les effectifs de police étaient en hausse, les écoles de police pleines, les commissariats ouvraient en nombre. La «démarche stratégique pour la police nationale de 2002 à 2006» que j’avais élaborée fut à la source d’une grande partie des mesures utiles des lois Sarkozy. Ces instruments à sa disposition, il a pu lancer des réformes que nous nous étions engagés à conduire: rapprochement police-gendarmerie, redéploiement des effectifs que nous avions enclenché, réforme des CRS ou de la police aux frontières, mise en place des «opérations ciblées répressives» rebaptisées GIR, ou encore vent: l’éducation d’aujourd’hui, c’est la sécurité de demain. La sécurité fut une priorité du gouvernement Jospin. Nous avons obtenu des réancien ministre, sultats par définition insuffisants –et trop député discrètement défendus – mais nous allions dans la bonne direction. de Paris, maire du XVIIIe La police de proximité est un exemple. arrondissement M. Sarkozy l’a vidée de son contenu et peu à peu détournée de ses vrais objectifs. Elle était pourtant plébiscitée par la population et ses résultats étaient bons. On le constate à Paris, où la municipalité fut à l’origine du plan 1000 (le recrutement de 1000 agents de surveillance de Paris [ASP], financés par la mairie, permettant le redéploiement des policiers dans les quartiers difficiles). A l’inverse de ce qui se passe en province, cette police perdure dans ses missions: grâce à elle notamment, la délinquance a baissé de 30% dans la capitale entre 2001 et 2004. Elle permet de réduire en profondeur la délinquance. Sans doute n’était-ce pas assez rapide et Par DANIEL VAILLANT, L’ŒIL DE WILLEM impressionnant pour M. Sarkozy… Certains, à gauche, nous ont reproché notre sincérité sur les chiffres. L’«opération vérité» aurait nui à la campagne de Jospin. Si le thème de l’insécurité a joué un rôle dans le séisme du 21 avril 2002, c’est parce que la campagne démagogique et dangereuse du candidat Chirac a favorisé le FN. D’autant que cette campagne fut accompagnée par des médias qui ont outrepassé leur devoir d’information. Une seule statistique: de janvier à mai 2002, TF1 consacrait 284 sujets à l’insécurité, plus d’un par jour! Dans les six mois suivant l’élection présidentielle, cette chaîne n’en programmait plus que 66… Aujourd’hui, les Français constatent un décalage entre l’affichage de réussite et la réalité de leur vie quotidienne en matière de sécurité et de tranquillité. Les plus modestes en payent le prix. M. Sarkozy aura eu l’habileté de quitter le navire avant qu’il ne tangue trop. Bon courage, M.de Villepin.• Rebonds 33 LIBERATION J E U D I 2 2 AV R I L 2 0 0 4 QUOTIDIENNE PAR PIERRE MARCELLE Salafiste, ça le fait… uand c’est fini… Mais ce n’est jamais fini. Je parle de la polémique relative au port du voile dit «islamique». La plaisante dissertation que constitue la circulaire d’application (Libérationdu 21avril) de la mal nommée «loi sur la laïcité» établit que, comme prévisible, la République retourne résolument vers la case départ, où elle se retrouvera bientôt Gros Jean comme devant. A moins qu’encore un peu plus démunie dans la gestion de ses rapports avec l’islam. La très médiatique expulsion hier, de l’imam salafiste de Vénissieux Abdelkader Bouziane, pour délit d’opinion exprimée dans le mensuel Lyon mag, l’illustre abondamment… Il ne nous échappe pas que parler en l’occurrence de «délit d’opinion»nous expose à être à nouveau cloué au pilori des suspects habituels – propagandistes de la lapidation des femmes adultères et autres agents terroristes infiltrés. Reste que la bruyante exposition du barbu exhibé à la télé dans la perfection de sa caricature nous semble trop bienvenue pour être honnête. Avec une louche opportunité, elle fait écho et se superpose aux propos et affiches pesamment anti-Turcs (car ce sont des musulmans…) de MM.Pasqua et de Villiers –et, dans une moindre mesure, du néo-ministre des Affaires étrangères, Michel Barnier– qui augurent tristement de ce que sera leur campagne pour les Européennes de juin prochain: elle sera chrétienne, à l’instar de la «culture européenne»que prétendit promouvoir constitutionnellement Valéry Giscard d’Estaing (de l’Académie française). Last, but not least, comme disent nos amis anglais, qui en ont vu d’autres du côté de Hyde Park Corner, elle en dit long sur l’intérêt de M.de Villepin pour l’aviation civile –version charters… Qui s’étonnera que, dans ce vacarme, Dalil Boubakeur, président du CFCM, ait été quasiment inaudible? Pourtant, en demandant aux médias de cesser de ne représenter l’islam que sous la forme de leurs fantasmes terrifiants, il ne disait (pour une fois) pas que des conneries.• Q Turquie, le bal des hypocrites ’histoire de la candidature de la Turquie à l’Union européenne, qui va dominer la campagne pour les élections européennes du mois de juin (de concert avec la ratification par référendum d’un projet de Constitution européenne qui n’existe encore que virtuellement), peut se résumer de la part des pays fondateurs à une suite de déclarations aussi désinvoltes que démagogiques, de promesses faites à la légère, voire de demi-mensonges, sur lesquels nombre de responsables politiques tentent de revenir aujourd’hui par tous les moyens, y compris les moins avouables. Les fautes et les lâchetés diplomatiques de naguère, la xénophobie peinturlurée en défense de la chrétienté dont font preuve les revanchards souverainistes dont Philippe de Villiers est le porte-drapeau, les prudences jésuitiques de la direction du Parti socialiste qui n’ont d’égales que les déclarations elliptiques de l’Elysée après la volte-face de l’UMP sur la question, ne suffisent cependant pas à faire du dossier turc une bonne cause. Au moins pour une génération. Et malgré la fameuse déclaration commune de Gaulle-Adenauer de 1963 sur la «vocation européenne»de la Turquie, rituellement et abusivement citée par les partisans d’une adhésion d’Ankara. Ils en oublient –avant sans doute de s’emparer demain de la non moins fumeuse formule gaullienne concernant une Europe allant «de l’Atlantique à l’Oural»pour réclamer l’intégration de la Russie à l’Union– que le propre de certaines vocations est d’être… tardives. La première question qui vaille dans cette affaire est celle de la nature du régime turc et de ses ambitions à long terme. Par la promesse d’adhésion, disent les partisans d’une telle démarche, il faut encourager, voire récompenser les efforts réformistes mis en œuvre par le gouvernement «de sensibilité L islamique» de Recep Tayyip Erdogan: suppression du recours à la peine de mort, autorisation encore symbolique de l’usage du kurde dans l’audiovisuel et dans l’enseignement, réduction elle aussi encore symbolique du rôle institutionnel de l’armée. On peut ajouter à cette liste d’éléments positifs la modération dont a fait preuve récemment Ankara dans la question chypriote. Beaux débuts, assurément, mais qui ne suffisent pas à garantir la réalisation démocratique du rêve laïque kémaliste que le parti de Recep Erdogan n’appelle pas, On ne doit pas non plus et à ce stade éviter de s’interroger sur les intérêts nationaux à long terme de la Turquie pour voir s’ils sont solubles dans le projet européen. On peut en douter, même si ce pays, tout à sa volonté de convaincre l’Europe, adopte aujourd’hui un profil bas. Proche des Etats-Unis (même si elle leur a refusé un droit de passage pour envahir l’Irak), rivale traditionnelle de l’Iran et de la Russie, nostalgique de l’Asie centrale (turcophonie oblige), la Turquie se veut une puissance régionale d’importance dont les intérêts stratégiques ne sont pas européens. On pourrait en avoir la confirmation sous peu, si les Kurdes irakiens, soucieux de préserver, voire de renforcer l’autonomie dont ils bénéficient depuis 1991, n’acceptent pas une PAR JACQUES AMALRIC prédominance chiite dans l’Irak de demain. Explosion démographique, explosion budgétaire, paralysie du processus décisionnel d’ailleurs, de ses vœux. Il y faudra du temps, européen, fin définitive de tout espoir de voir beaucoup de temps, pour être à l’abri de apparaître un jour une «Europe puissance», tel dérives que l’armée ne manquerait pas de serait, en définitive, le prix à payer pour une sanctionner. Car la démocratie turque reste adhésion de la Turquie. Ne serait-il pas bel et bien une démocratie sous surveillance militaire. Ce n’est pas par hasard, après tout, si prohibitif même en échange d’une hypothétique expérience de «cohabitation les généraux algériens ont fait du régime turc culturelle»? Poser la question, c’est y répondre leur modèle. L’autre interrogation principale même s’il est bien tard pour le faire. porte sur les conséquences qu’aurait Certains beaux esprits soudain à demi-lucides l’adhésion de la Turquie pour la construction européenne. Avec, dans quelques années, une proposent la pire des solutions au piège qu’ils population proche des 80millions, la Turquie se sont tendu à eux-mêmes: prendre acte, en octobre prochain, de l’avis de la Commission deviendrait à la fois le plus peuplé et le plus européenne qu’ils prédisent favorable à pauvre des pays de l’Union (le revenu moyen l’ouverture de négociations d’adhésion et faire atteint le quart de la moyenne européenne). Ce qui lui accorderait un redoutable privilège à traîner pendant dix ou quinze ans ces négociations. Autrement dit, gagner du temps l’égard de ses partenaires, lesquels en prolongeant les fausses illusions. Ils ont tout hériteraient en revanche d’un très lourd devoir financier de solidarité. Sans doute bien faux une fois de plus. L’urgence est d’interrompre ce bal des hypocrites, de lui plus élevé encore que ne coûtera aux Quinze l’adhésion, le 1er mai prochain, de dix nouveaux préférer le parler vrai et de s’atteler membres à supposer que le système des fonds promptement à l’élaboration d’un traité d’association aussi généreux que réaliste.• structurels n’ait pas volé en éclats d’ici là. DIPLOMATIQUES Les gynécologues obstétriciens refusent d’être contraints d’accepter les pratiques religieuses de leurs patientes. Laïques et fiers de l’être l’heure de la loi sur la laïcité où tout tourne autour du foulard islamique, permettez aux gynécologues obstétriciens qui écoutent et soignent les femmes de dire que le problème n’est pas dans les dimensions du voile ou du bandana! Il est dans la liberté des femmes à décider de leur vie, à décider de leur corps. Là, toutes les religions s’y mettent: l’Eglise catholique leur refuse les méthodes de contraception moderne, pilule ou stérilet, et bien sûr l’avortement, à tel point que des groupes intégristes se sont introduits dans les hôpitaux pour empêcher le fonctionnement des services. Les gynécologues obstétriciens ont dû appeler la police dans l’enceinte de nos hôpitaux pour protéger les femmes et les personnels hospitaliers contre ces agressions violentes. C’est l’Eglise catholique encore qui condamne les procréations médicalement assistées, même intraconjugales, qui permettent pourtant à des couples frappés d’infertilité d’avoir la joie d’être parents. Une unité de procréation médicalement assistée a fermé ses portes à l’hôpital du Bon-Secours à la demande de l’évêché de Paris en 1986… Les témoins de Jéhovah veulent nous faire signer des documents nous obligeant à ne pas faire de transfusions aux femmes A que nous accouchons, césarisons ou opérons. Il faut pourtant redire que l’hémorragie lors de l’accouchement est la première cause de mortalité maternelle en France et qu’une étude américaine publiée en 2001 a montré que, chez les témoins de Jéhovah, la mortalité des femmes qui accouchent est quarante fois supérieure à celle des femmes qui n’appartiennent pas à ce groupe. Sachant cela, allons-nous laisser mourir une maman qui vient de donner la vie et laisser un ou plusieurs enfants orphelins pour respecter les convictions religieuses de ces patientes? L’islam ne se contente pas de réclamer un professeurs examen des patientes par des médecins de gynécologie ou des sages-femmes du même sexe. Cerobstétrique, tains maris poussent leur femme à refumembres ser une césarienne au motif que cela risque de diminuer le nombre des grosdu Collège sesses. Les gynécologues obstétriciens las national de gynécologues de discuter à 3heures du matin et vu l’urgence doivent demander au procureur de et obstétriciens la République l’autorisation de faire une français césarienne contre l’avis de la femme et/ou de son mari dans l’intérêt de l’enfant à naître. Ce sont ces mêmes maris qui refusent une ligature des trompes demandée par une femme épuisée par de multiples grossesses et ne pouvant recourir à d’autres méthodes de contraception. Ce Par JACQUES LANSAC, BERNARD BLANC, JOËLLE BÉLAÏSCHALLART, BRUNO CARBONNE, PATRICIA MONNIERBARBARINO, sont les gynécologues obstétriciens qui sont aussi régulièrement sollicités pour faire des certificats de virginité à des jeunes filles traînées à l’hôpital par leur père ou leur mère qui veulent les marier souvent contre leur gré. Notre devoir est, avec le soutien du Conseil national de l’ordre des médecins, de refuser de produire ces documents au nom de la dignité de ces jeunes femmes. De même, nous devons refuser les interventions pour demande de réfection de l’hymen. Faut-il faire prendre les risques même minimes d’une intervention chirurgicale pour le simple désir de respecter la coutume du drap sanglant exposé au lendemain d’une nuit de noce? Alors, à l’heure où la société, majoritairement sans pratique religieuse, nous demande une médecine scientifique basée sur les preuves avec un risque thérapeutique voisin de zéro, ou le moindre défaut de l’enfant né nous est reproché, il faudrait que nous acceptions toutes les contraintes religieuses et supprimions planning familial, diagnostic prénatal, procréation médicalement assistée, pour nous consacrer à la réfection d’hymens et pourquoi pas demain à l’excision!! En ce début de XXIe siècle, c’est à la déesse Raison qu’il faut d’urgence consacrer un jour chômé.• Grand angle lestrois Maria Lisbonne envoyée spéciale a photo date de 1973. Maria Isabel Barreno, Maria Teresa Horta et Maria Velho da Costa posent à la sortie du tribunal. Elles ont une trentaine d’années, les cheveux longs, des jeans. Elles sont modernes et pleines de vie dans ce Portugal isolé et exsangue, privé d’une partie de sa jeunesse partie combattre aux colonies, travailler à l’étranger ou vivre en exil pour échapper à la Pide, la police politique du régime fasciste. Voilà cinq ans que Marcello Caetano a succédéà un Antonio Salazar moribond. La dictature a changé de tête, pas d’esprit. Sur la photo, elles sourient bravement. Inculpées d’outrage aux bonnes mœurs et d’abus de la liberté de la presse, pour avoir publié un ouvrage collectif, les Nouvelles Lettres portugaises, que le régime juge scandaleux, elles risquent jusqu’à deux ans de prison. Les trois Maria sont courageuses, elles n’ont rien de particulièrement héroïque. Elles font partie de l’opposition intellectuelle, sans être engagées dans les actions clandestines. Elles appartiennent à un milieu plutôt aisé, ont déjà des enfants, deux d’entre elles vivent séparées de leur mari. Et toutes les trois écrivent. «C’était une pleurnicharde» L’année précédant la parution des Nouvelles Lettres, Maria Teresa la journaliste a publié des poésies d’amour érotique, immédiatement interdites par la Pide. «Nous recevions des coups de fil anonymes à la maison. “Ils” disaient à mon fils et à mon mari que j’étais une putain. Cette histoire me déprimait. Alors Maria Velho da Costa m’a dit: “Si une seule femme fait autant de bruit, à trois, ça va être terrible, et au moins on s’amusera.”»Cette Maria-là venaitde publier son premier roman, et travaillait avec la troisième, Maria Isabel, à l’Institut national pour la recherche industrielle, faute de mieux. LUISA FERREIRA.AP On les appelait En 1973, trois amies publient «les Nouvelles Lettres portugaises», un brûlot politique et littéraire. Maria Isabel Barreno, Maria Teresa Horta et Maria Velho da Costa témoignent aujourd’hui des avancées et des archaïsmes de leur pays. Maria Isabel Barreno. LUISA FERREIRA.AP Il y a trente ans, la fin de la dictature au Portugal. LIBERATION J E U D I 2 2 AV R I L 2 0 0 4 Les trois amies déjeunent de temps vence entre des structures familiales en temps ensemble. Elles veulent malsaines et un pouvoir politique qui parler de l’enfermement, de l’isole- Maria Teresa Horta. l’était tout autant.» ment. Le leur, celui du Portugal Rencontres du vendredi soir d’alors. Et de la passion, «parce que les femmes portugaises sont pasLes trois Maria se donnent des sionnées», dit aujourd’hui Maria Terègles. Chacune rédige un texte sans resa, qui prend une mine de jeune forme littéraire préétablie. Des fille pour dire qu’elle aime toujours lettres, des poèmes, de courtes nouautant l’homme avec lequel elle vit velles, des analyses. Puis elles se rendepuis quarante ans. Maria da Coscontrent le mardi dans un restauta propose alors de prendre comme rant et remettent un double du texte modèle un ouvrage du XVIIe siècle, aux autres. La conversation peut alors porter sur tout sauf sur le livre attribué à une jeune Portugaise, et les nouveaux textes échangés. Mariana Alcoforado, placée dans un Ceux-ci sont à l’ordre du jour de couvent par sa famille, séduite et Maria Velho da Costa. leurs rencontres du vendredi soir. abandonnée par un officier français: les Lettres portugaises (1). «Ma première réac- Les textes ne sont pas modifiés, ils appellent des rétion a été de dire que cette femme n’avait aucun intérêt, ponses. Ce travail durera neuf mois. L’ensemble est que c’était une pleurnicharde», se souvient Maria Isa- une mise en cause générale de la société dans laquelbel. «La semaine suivante, elle nous apportait la pre- le elles vivent, de la question de la sexualité féminine mière lettre du volume», sourit Maria Teresa. à celle de la décolonisation. L’une interroge: «Si la reQuelque chose s’était déclenché. «Etre une jeune ligieuse et le couvent se portent mal, il faut changer la femme sous la dictature, c’était quelque chose d’hor- religieuse ou bien le couvent?»L’autre, ou peut-être la rible, raconte Maria Isabel, tout ce puritanisme… même, tient la plume d’Antonio le soldat qui dit: «La J’avais une sensation permanente d’oppression, de vérité, mademoiselle Maria, c’est qu’on est saisi par la tristesse.» Une femme ne pouvait pas sortir du pays sans l’autorisation de son père ou de son mari, son mari devait signer son contrat de 1926. Un coup d’Etat militaire met fin à la République. travail, le divorce était interdit et la 1932. Antonio de Oliveira Salazar devient Premier ministre. mère n’avait pas de droit légal sur 1968. Marcelo Caetano remplace Salazar qui meurt en 1970. ses enfants… Maria da Costa (2) fai- 1973. Naissance du Mouvement des capitaines, futur mouvement sait à l’époque une enquête sociolo- des forces armées. gique dans un hôpital psychia- 1974. Révolution des Œillets. Les militaires renversent la dictature. trique: «Ça a été l’expérience la plus Le général Spinola annonce la formation d’une junte nationale, déchirante de ma vie. Je me souviens propose de rendre le pouvoir aux civils après des élections et de d’une femme, enfermée à 18 ans par mener la politique des 3D: démocratiser, décoloniser, développer. sa famille. La demande avait été dé- 1976. Constitution. Le général Eanes est le premier président élu posée directement au cabinet de Sa- au suffrage universel. lazar. Je l’ai connue à 33 ans, défini- 1986. Le socialiste Mario Soares devient le premier président civil tivement brisée. C’était une histoire du pays. Jorge Sampaio lui succède en 1996. du XIXe siècle, un exemple de conni- 1986. Le Portugal devient membre de l’Union européenne. LUISA FERREIRA.AP 34 Un demi-siècle de dictature 35 LIBERATION J E U D I 2 2 AV R I L 2 0 0 4 peur quand on arrive ici et elle ne vous lâche plus, elle vous use le cœur.»Ailleurs, encore: «Si aucune autre alternative ne nous est donnée que la guerre ouverte contre tout un système social (…), reculerons-nous (3)?» Aucun texte n’est signé. Malgré les interrogatoires incessants qui chercheront à les diviser, les trois Maria refuseront toujours de dire qui a écrit quoi. Cinq jours après sa sortie, le livre était saisi par la police. Malgré la censure, le livre circule au Portugal. Elles ont réussi à faire passer un exemplaire en France, où, avec le soutien de Simone de Beauvoir, Marguerite Duras et Christiane Rochefort, l’ouvrage connaît une seconde vie aux éditions des Femmes. A Paris, La Haye ou Londres, des femmes manifestent leur solidarité. Les trois Maria en sont les premières surprises. Cette mobilisation et le soutien d’intellectuels portugais qui se portent témoins à leur procès révèlent la nature politique d’une affaire que le régime voudrait réduire à une question de mœurs. Le procès ne se terminera que le 7 mai 1974, quelques jours après la révolution des Œillets. Cette journée-là, les trois Maria sont acquittées, ovationnées par une salle d’audience désormais libre de s’exprimer. «C’est pour moi, encore aujourd’hui, un texte de référence,dit Ana Benavente, militante d’extrême gauche en exil sous la dictature, aujourd’hui députée socialiste, un livre qui s’ancre au plus profond de la société portugaise.» «Elles annonçaient le 25 avril» M I G U E L R I O PA . A F P Elles n’ont pas reculé, l’Histoire a avancé. L’image est de Maria da Costa. Elle reçoit aujourd’hui dans son bureau de l’institut Camoès, l’institution de la culture portugaise, et dit que c’est heureux, car elle se sentait «trop différente»pour vivre dans le moule qui lui était imposé. Les Maria n’ont pas assez de mots pour décrire ce petit matin du 25 avril 1974, lorsqu’une voix à la radio, se réclamant d’un mystérieux «commandement du Mouvement des forces armées», a exhorté la population à rester calme. Puis ce fut la liesse, les œillets aux fusils des capitaines, l’espoir d’un Portugal nouveau. Les femmes donnaient de la voix, manifestaient pour demander des lois sur le divorce et l’avortement. «LesNouvelles Lettres portugaises exprimaient un désir de changement, elles annonçaient le 25avril,juge Ana Vicente, chercheuse engagée dans le travail sur l’égalité des sexes. Salazar était mort mais on avait le sentiment que le salazarisme n’en finissait pas de mourir.» Trente ans ont passé. Le livre a été abondamment traduit. Il a été réédité pour la huitième fois au Portugal en 2001 (éditions Dom Quixote). Le Portugal s’est doté d’une Constitution exemplaire et vit à l’heure européenne. Mais «les mentalités n’ont pas totalement changé, observe Ana Benavente; l’organisation sociale porte encore les marques de l’ancien régime». Son Président est socialiste et son Premier ministre de centre droit gouverne en coalition avec l’extrême droite. Pour Alvaro de Vasconcelos, directeur de l’Institut d’études stratégiques et internationales, «toutes les valeurs du salazarisme n’ont pas été éradiquées», et deux Portugal coexistent encore aujourd’hui: un moderne où les femmes sont majoritaires dans les universités, un autre, ancré dans les traditions, où les femmes avortent dans la clandestinité quand elles n’ont pas les moyens d’aller en Espagne. Après le 25avril, Maria Teresa et Maria da Costa ont accompagné le Parti communiste, la première plus longtemps que la seconde, puis l’ont quitté, en douceur. Maria Isabel, qui n’a jamais cru que l’engagement politique faisait le bonheur, est revenue en septembre 2003 de Paris, où elle a travaillé plus de six ans comme conseillère culturelle. Elles écrivent toujours. Les Nouvelles Lettres,qui leur ont fait frôler l’infortune, n’ont pas assuré leur prospérité. Maria da Costa travaille en ce moment sur un texte comparant les œuvres de Pessoa et Joyce, et écrit un scénario avec la réalisatrice Margarida Gil. Toutes les trois ont publié de nombreux livres, des romans, des essais, des poèmes. Elles sont régulièrement primées. «Nous sommes connues, mais pour d’autres ouvrages que les Nouvelles Lettres portugaises. C’est un livre mal-aimé, qui a été plus lu à l’étranger qu’au Portugal», regrette Maria Teresa, qui dirige aujourd’hui le supplément littéraire du quotidien Diário de Notícias. Grands-mères et féministes La vie privée a repris ses droits ou porté ses coups. «Les temps ont changé, nous ne sommes plus sous la menace de ce fascisme mou. Je ne suis plus engagée, sauf littérairement»,dit Maria da Costa. Maria Isabel vit dans le même appartement qu’il y a trente ans, un paquet de cigarettes à portée de main. Il y a peu de temps, elle a été tentée de vérifier si le restaurant où elles se retrouvaient existait toujours. Mais elle n’a plus envie de sortir de chez elle. Les trois Maria sont devenues grands-mères, elles sont restées féministes. Elles se revoient, de temps en temps, et plutôt à deux qu’à trois. Aventure politique et littéraire, le livre, disent-elles, a conservé une actualité. Parfois, Maria Teresa reprend les Nouvelles Lettres portugaises: «Cela dit des choses qui sont encore enracinées très profondément au Portugal.» Elle serre ses doigts bagués contre son cœur. «Quelque chose qui reste et qui attend.»• MARIE-LAURE COLSON (1) Parfois édité en français sous le titre Lettres de la religieuse portugaise. (2) Que Maria Velho da Costa nous excuse d’écourter son nom… (3) Extraits de la traduction des NLP éditée au Seuil en 1974. Manifestation proavortement, le 17 février 2004, à Aveiro. Trente après la révolution, l’IVG est toujours interdite au Portugal. Portrait LIBERATION J E U D I 2 2 AV R I L 2 0 0 4 Hans Joachim Klein, 56 ans, ex-terroriste allemand complice de Carlos, repenti, gracié il y a cinq mois. Découvre la vie hors de la clandestinité en France. l a glissé dans son portefeuille ses papiers d’identité. Ceux d’Hans Joachim Klein, que des années de clandestinité ont à jamais rebaptisé «Dirk». Il y a plié en quatre l’acte de naissance de ses enfants. Il n’y figure que depuis janvier, père ajouté à la main sur le côté, vingtdeux ans après la naissance du premier, qu’il eut le temps de voir grandir. Il y garde, petit format perdu parmi les grands, une photo de sa mère, cheveux blonds sur un col blanc. Il ne sait rien d’elle qui se suicida d’une balle dans la bouche quelques mois après sa naissance. Cet étui de cuir coincé dans la poche arrière du jean est son bagage. Son sésame pour le grand jour, plein d’un passé à reconquérir. Depuis quatre mois, l’ex-terroriste des cellules d’une révolution qui se voulait marxiste, repenti, caché, condamné puis gracié, est libre. Il vient de mettre pied à terre. Il est d’usage de commencer son histoire le 21 décembre 1975, à Vienne. Un commando dirigé par Carlos lance une attaque contre une réunion de l’Opep, les pays exportateurs de pétrole. Trois morts. Trente otages emmenés dans un avion puis libérés à Alger, contre rançon. Le tout au nom de la cause palestinienne. Hans Joachim Klein, petit mécano révolté de Francfort, a basculé dans la lutte armée et pris une balle dans l’abdomen. «J’étais une tête brûlée. Je réfléchissais avec le ventre, pas avec la tête. Je n’avais pas l’intelligence des intellectuels pour faire demi-tour à temps.» Suivent deux années de cavale au côté de Carlos, qui pue le parfum et passe chaque matin une heure dans la salle de bains, se repose en Libye chez Kadhafi, dîne avec ses hommes chez Bouteflika, alors ministre algérien des Affaires étrangères, et l’envoie repérer les lieux d’éventuels attentats qu’il veut sanglants. En mai 1977, Klein échappe à sa bande, envoie au journal Der Spiegel son arme accompagnée d’une lettre où il déclare rompre avec le terrorisme. Ce renoncement public secoue la gauche dont l’extrémité dérive. Libérationlui donne la parole. Cela lui vaut aussi la protection de ses amis de Francfort (Cohn-Bendit) et d’un réseau d’intellectuels (Régis Debray, André Glucksmann). Tous l’aident financièrement. Et sitôtla gauche au pouvoir, en 1981, l’Etat français est informé de sa présence, mais lui refuse des papiers qu’il accorde aux terroristes italiens, comme Cesare Battisti. «La France n’a pas assumé le fait d’être un sanctuaire pour lui», explique Cohn-Bendit. Il vivra en prolo du ter- Cache d’âme rorisme, caché, pendant vingt et un ans. D’abord dans le Nord avec sa compagne, une institutrice qui sait son histoire, fait vivre la maison, et leurs deux enfants. Et puis seul en Normandie, parce que la clandestinité est venue à bout du couple. Cet homme à l’accent germanique, rejeton perdu du gauchisme, qui vieillit en s’émaciant comme Mick Jagger, dont il aima tant la chanson Angie qu’il en fit son nom de code chez Carlos, a aujourd’hui des accointances avec la France profonde. Comme elle, à la question préférée des sondages, il répondrait l’abbé Pierre et Kouchner l’humanitaire. Comme elle, il n’aime pas les politiques, les bourgeois et les Allemands. Il a mélangé son histoire et la sienne, ses raisons à lui et ses réflexes à elle, plongeant ses brûlantes racines dans sa terre d’adoption. Il dit les Spuntz comme on dit les Boches. Ajoute même qu’«il y a une certaine arrogance allemande».Ses vieux amis de Francfort sont devenus avocats, médecins ou font de la politique. «Tout le monde a fait carrière. Ils mangent dans des restaurants hors de prix.»Alors à sa sortie de prison, après être passé par la mairie de Roubaix pour reconnaître ses deux enfants, il est retournéà Sainte-Honorine-la-Guillaume, comme on rentre Hans Joachim Klein en 10dates Décembre 1947 Naissance à Francfort. Avril 1948 Suicide de sa mère. 1975 Prise d’otages à Vienne. 1977 Condamne le terrorisme. 1982 Naissance de sa fille. 1986 Naissance de son fils. 1993 Se sépare de sa compagne, s’installe à Sainte-Honorinela-Guillaume. 1998 Arrêté et livré à la justice allemande. 2001 Condamné à neuf ans de prison. 2003 Il est gracié. se pour Vienne mais pas pour le reste. Je combattais l’Espagne de Franco, le Vietnam… Jamais je ne m’excuserai pour ça.» Il a pris neuf ans, il lui en restait cinq et demi à tirer. CohnBendit: «Je lui ai dit: “Tu t’en sors bien, n’oublie pas qu’il y a eu trois morts.” Je le lui ai rappelé parce qu’au fil du temps il oublie, il n’est plus que victime.» Et puis l’Allemagne a purgé son passé, l’a gracié en décembre avec quelques autres figures des années 1970. Klein est à son estuaire. Devant, la vie. Le clandestin n’est pas sûr d’avoir jamais su nager. Il écoute de l’opéra. A refait le tour des amis pour subvenir aux besoins des enfants. Le permis de conduire pour sa fille, 22ans, qui fait des études de journalisme. Un scooter pour son fils, 18ans, qui jeta ses armes en plastique quand son père lui révéla son histoire et qui penche aujourd’hui vers la photo. Lui chevauche une moto, dans ses rêves. Continue de regretter sa ceinture noire de karaté, qu’il n’a pu passer faute de papiers. Ecoute l’écho des attentats aux informations. «Faut les choper, les liquider, faut plus parler.»Et veut revoir sa Normandie. Derrière, il y a toujours ses mythes, ses mondes imaginaires. Klein se croit encore en danger, détenteur de secrets. «Je suis unique. J’ai dénoncé beaucoup de choses sans dénoncer personne.» Il a noirci 4000 pages en prison. Toutefois, l’histoire commence bien avant 1975. Longtemps, Klein s’est cru le fils d’un Waffen SS et d’une juive, un concentré à lui seul de la culpabilité allemande, un croisement du bourreau et de la victime. C’est son père qui lui avait raconté ces «salades». Il était policier, se vantait de son passé nazi. C’est avec son arme de service que sa mère s’est tiré une balle dans la bouche. Klein en avait conclu que son père avait tué sa mère, comme il l’avait battu chez soi. C’était le 17 janvier. «Des gens pleuraient de joie. Toute la soirée, j’ai picolé, offert des tournées que je n’ai pas pu payer.»Sainte-Honorine, 268habitants. «Ils votent tous Chirac, sauf dix-sept qui votent FN.» C’est là qu’il est allé se cacher en 1993, lorsqu’il s’est séparé de sa compagne, dans une petite maison dont Régis Debray payait le loyer. Là, au bistrot, que la police est venue le cueillir alors qu’il envisageait de se rendre. Le village apprit alors toute la vérité sur ce Dirk «Je n’avais pas l’intelligence des intellectuels qui aidait dans les fermes, li- pour faire demi-tour à temps.» vrait les yaourts à la gendarmerie, montait chaque année le stand de lui. «Elle était traductrice, c’est la seule choball-trap tout en refusant obstinément de se que je sais.»Et puis, alors qu’il se cachait, tirer une seule balle. Le comité des fêtes s’essayait parfois au suicide, les amis ont vota à l’unanimité l’envoi de 500francs à fait des recherches. Oui, sa mère fut bien l’ex-terroriste mis en prison. C’est donc là déportée à Ravensbrück, mais non, elle qu’il est retourné, installé pour l’instant n’était pas juive. Pas plus que le père un SS. chez des amis paysans. Là qu’il cherche du Il insiste pourtant: «Sur mon acte de naissance, il est dit que ma mère était cathotravail. «J’en ai marre d’être assisté.» Le revoilà prolo, comme à ses 20ans. Sans lique, mais il est possible qu’elle se soit métier. Toujours fragile, veillé par un ré- convertie.»Hans Joachim voudrait être le seau d’amis qu’il disait traîtres aux heures fils d’une juive, être un juif. En prison, en de la révolution, et qu’il trouve toujours Allemagne, il s’est fait apporter une étoile aussi compromis en politique. A son pro- de David. Aujourd’hui, il dit: «Je veux aller cès, Joschka Fischer est venu témoigner voir dans les archives à Ravensbrück.»• de leur époque et de sa violence. «Joschka JUDITH PERRIGNON s’est excusé. C’est une connerie. Je m’excuphoto OLIVIER ROLLER LIBERATION J E U D I 2 2 AV R I L 2 0 0 4 Corps de chien : «Le bizarre incident...» deMark Haddon. Page IV. Le cerveau en tête : la flexibilité par Catherine Malabou. Page VI Enfants : les Contes de Grimm parNikolaus Heidelbach. Page VIII Elle a 30 ans et il en a 22. Simone de Beauvoir s’éprend du «Petit Bost» bientôt appelé sous les drapeaux. Sa troisième correspondance amoureuse. S I M O N E D E B E A U VO I R ET JA C Q U E S - L A U R E N T B O S T Correspondance croisée 1937-1940 Edition établie, présentée et annotée par Sylvie Le Bon de Beauvoir. Gallimard, 984 pp., 35 ¤. DR Envoyée le 23octobre 1939. Bost: «Je vous aime extrêmement bien et cette photo m’a rappelé que vous étiez comique, ce que les circonstances m’avaient un peu fait oublier.» A près avoir été l’incarnation du bas-bleu, Simone de Beauvoir passera-t-elle à la postérité en modèle de grande amoureuse? Il y a quatorze ans paraissaient, outre son Journal de guerre, deux volumes de Lettres à Sartre, somme toute conjugales. Il y a septans, c’étaient les tendres Lettres à Nelson Algren, l’amant américain. Coïncidant presque avec l’anniversaire de sa mort, le 14 avril 1986, à 78 ans, voici sa Correspondance avec Jacques-Laurent Bost, le «petit Bost». Une correspondance croisée. Les lettres de Sartre ont été publiées séparément, ● ● ● Il fait Beauvoir I II LIBERATION J E U D I 2 2 AV R I L 2 0 0 4 I l f a i t B e a u v o i r Pas facile d’entretenir la vivacité du lien avec Bost. Elle est celles d’Algren sont restées inédites faute d’autorisation des héritiers. Bost, mort le 21septembre 1990, à 74 ans, avait gardé les lettres de Simone de Beauvoir avant et pendant la guerre, du moins celles qui n’ont pas disparu en mai1940: il les a remises à Sylvie Le Bon de Beauvoir, la fille adoptive de l’écrivain. C’est à elle qu’on doit ces visages renouvelés du Castor, plus ouverts, plus expressifs, plus sentimentaux, bref, plus sympathiques, diront certains. En tout cas, plus romanesques. Elle enseigne la philosophie au lycée, il est étudiant. «Beaucoup plus jeune que moi, il avait été l’élève de Sartre, qui l’aimait énormément.»Beauvoir devait plus tard, à Algren, présenter Bost en ces termes. Elle a 30 ans, il en a 22, lorsque, une nuit de juillet1938, dans une grange, à Tignes, elle couche avec lui, ainsi qu’elle l’écrit aussitôt à Sartre – «naturellement, c’est moi qui le lui ai proposé.»C’est du vrai, du bel amour, elle le dit à Bost dès qu’elle le quitte, quinze jours après, pour un séjour marocain en compagnie de Sartre: «Je vous aime – pas d’un amour de vacances, d’un amour d’un instant, d’un grand amour dont je veux les tristesses comme les joies, d’un amour où je suis engagée corps et âme, si lourd, si précieux que parfois j’en ai le souffle coupé.» Le «tout cher petit Bost» râle parce qu’il peine à la lire (réputation justifiée d’illisibilité), mais les cris du cœur se décryptent sans effort. Elle est, pour la vie, son «cher Castor». Sartre n’est pas étonné. Simplement, «il ●●● m’a demandé où diable j’espérais trouver le temps pour vous voir». Les journées de Simone de Beauvoir, on le sait, sont en tranches. Le petit déjeuner avenue du Maine, avec Sartre, trois heures de cours, le déjeuner au Dôme ou près de la Porte Maillot selon l’emploi du temps de Sartre, les travaux d’écriture (les cours ne se préparent pas), le thé, telle élève vue de 4 à 6, le dîner, le théâtre ou les bars, retour à l’hôtel à minuit. Où caser Bost? D’autant que leur amour restera clandestin jusqu’à la mort de tous les personnages concernés. Bost est lié à Olga Kosakiewicz, qui avait naguère vécu en trio avec Sartre et Beauvoir (celle-ci était d’ailleurs en train d’écrire l’Invitée). Ils ne veulent pas lui faire de mal, ils ne lui disent rien, c’est coton. De son côté, Sartre a une liaison avec Wanda, la sœur d’Olga. Il reviendra bientôt au Castor d’organiser la vie des femmes à l’arrière, pendant que les hommes sont à la guerre. En réalité, Beauvoir et le petit Bost n’ont jamais vécu ensemble. Très vite, ils n’ont plus à cacher que leurs rendez-vous épistolaires. Pas question de se voir, ou à peine, pendant les permissions, ces provisions de temps de famine. Bost est parti pour deux ans de service militaire en novembre 1938, juste après Munich. Le 3septembre 1939, le voilà soldat pour de bon. Sartre a pris lui aussi sa musette, voir le Journal de guerrede Beauvoir, les Carnetsde Sartre et leurs lettres: la manière dont ils vivent cette période est bien Avec une pudeur réduite aux baisers, et une audace qui s’arrête à «ce petit coin de votre cou», ils s’emploient à rivaliser d’élégance. connue. Le récit détaillé fourni par Beauvoir à Bost en 1939-1940 est celui que nous avons lu dans les publications antérieures. Elle écrit tout en trois exemplaires, faut-il que sa plume file vite. Il y a bien sûr des variantes, c’est là l’intérêt. Le lien avec Sartre ne peut être le même que celui qu’elle cultive avec Bost. Elle le résume dans son journal le jour de la déclaration de la guerre: «Enorme secousse malgré tout – de nouveau un éclair «ils vont tuer Bost»; je rentre chez moi en larmes et je me mets à ranger maniaquement. La pipe de Sartre, ses vêtements. J’ai l’évidence que je ne vivrai pas s’il meurt; ça me donne presque une tranquillité tandis que pour B.c’est intolérable et mêlé comme d’un remords de lui survivre.» Avec Sartre, l’absence est gommée par la solidité de leur long compagnonnage. En revanche, il n’est pas facile d’entretenir la vivacité de l’amour envers Bost. Elle est restée confortablement parisienne, il est exposé au froid, à l’ennui, à l’absurdité (voir ci-dessous). Le génie du Castor est alors de s’emparer de la séparation pour en faire un terrain d’entente. Sans effusion autre qu’affective, avec une pudeur réduite aux baisers, et une audace qui s’arrête à «ce petit coinde votre cou», ils s’emploient à rivaliser d’élégance. Une estime réciproque, croissante, vient renforcer la tendresse. Il lui apprend à ne pas avoir de compassion pour son sort de fantassin, et à en avoir pour ces jeunes filles dont elle lui décrit les «étreintes passion- nées» bien qu’elle ne soit «pas bien piège» (leur mot pour l’homosexualité). Elle se plaint des exigences sentimentales et sexuelles (seul la «sensualité» apparaît sur le papier) de Bienenfeld (1), de Sorokine, comme quoi ce n’est pas Sartre quiencourageait ces confidences, plutôt Beauvoir qui se plaisait à les faire. Mais Sartre n’y allait pas par quatre chemins, disant à Beauvoir de laisser tomber ces petites créatures comme elle savait si bien le faire, «comme des crachats», ou de les «garder»si tel était son plaisir. Bost est parfois choqué par les élans saphiques de sa correspondante. Quand il est indigné, il le dit. Beauvoir en a assez de Bienenfeld, qui veut leur imposer un trio, à Sartre et elle. Ferme engueulade du jeune Bost: «Je trouve que dans ces histoires (Sartre et vous), vous manquez toujours de prévoyance et que vous donnez tant aux gens et leur laissez tant espérer que l’attitude qu’ils finissent presque toujours par avoir avec vous, c’est vous qui l’avez provoquée.» Beauvoir plaide l’honnêteté. Elle est, pour une fois, désarçonnée par son propre cas, d’être à la fois «la proie et le séducteur». De son côté, qu’aura-elle appris à Bost? A écrire. On tient son journal comme on écrit une lettre, on écrit des lettres comme on tient une conversation. CL.D. (1) Bianca Bienenfeld-Lamblin a donné sa version en 1993 dans «Mémoires d’une jeune fille dérangée» (Balland): «Ils ne m’ont fait que du mal.» Bost, le bon type J Elève de Sartre, amour du Castor, soldat et auteur d’un livre unique. Le parcours d’un fils de pasteur. si on peut dire, puisqu’il est blessé pendant la débâcle). Et, lorsque «c’est vraiment la guerre», plutôt le froid et la boue en première ligne, les nuits de garde dans des trous glacés, que le supplice de la vie de cantonnement. «J’aime mille fois mieux le gros emmerdement pénible que les petites corvées et les petits énervements en foule.» Il dit que tout le monde appréhende ce qui ressemble à un retour à la caserne. Que les officiers se comportent mal (il a refusé de prendre du galon mais passe quand même première classe). Que les simples soldats sont au contraire, dans l’ensemble, impressionnants de sérieux et de dignité. Il parle très bien du moral des troupes. Encouragé par Beauvoir, il tient son journal, se prend au jeu, brosse sobrement des tableaux «fameux»(leur adjectif préféré) de beuveries et de saccages, et développe en lui la matière de fortes images. Ainsi prépare-t-il le Dernier des métiers, le livre qu’il publie en 1946 dans la collection d’Albert Camus chez Gallimard, le seul qu’il écrivît jamais. Camus, toujours prompt à rendre service, relate Beauvoir dans la Force des choses, engage Jacques-Laurent Bost à Combat. Bombardé correspondant de guerre, il entre à Dachau quelques heures après les Américains. Il devient grand reporter, puis il cesse les voyages. Il entre à l’Express, en part en 1964 fonder l’Observateur avec Jean Daniel. Il relit la copie, trouve les titres, le voilà chef. Bost, sans compter sa participation aux Temps modernes, est resté l’ami le plus sûr et le plus fidèle du couple Sartre-Beauvoir. Quand il est mort, les articles ont été émus, chaleureux et drôles. Une tonalité qui colle à ce que le lecteur perçoit du «petit Bost» à travers ses lettres. Famille nombreuse, nombreux colis. CL.D. Bost au service miltaire. Amiens, 1938 DR acques-Laurent Bost est le dernier enfant d’une famille de dix. On dit «le petit Bost» à cause son frère aîné, Pierre, qui est journaliste, romancier ayant ses entrées chez Gallimard, et deviendra un scénariste réputé. Le père est pasteur, son fils l’appelle comme ça, «le pasteur», et prétend lui adresser des lettres incendiaires. Il préfère de loin «la pastoresse». D’avoir connu la grande maison familiale, avec une seule pièce chauffée où tous se rassemblent, donne au soldat Bost un avantage quand il est condamné à la promiscuité militaire: il n’est pas dépaysé. Sa nombreuse famille fournit un autre atout à quoi il n’aurait jamais pensé, elle lui envoie beaucoup de colis. Son origine sociale, son statut d’étudiant, son habitude de recevoir des livres, et de les lire, ses intenses échanges épistolaires, tout devrait concourir à isoler Bost dès son arrivée à l’armée. Il commence par souffrir des aberrations du règlement, ou de la vaisselle crasseuse. Mais une fois l’étonnement passé d’être condamné à vivre auprès d’abrutis qui ne sont pas de son monde, Bost s’applique à être un bon camarade. En cela, il est très proche du Sartre des Carnets de la drôle de guerre. Il n’y a pas meilleurs types. Qu’il s’agit d’une «drôle de guerre», Bost le dit d’emblée à Simone de Beauvoir. Leur Correspondance, qui a une valeur de document historique indéniable, est partagée en deux: la drôle de paix à laquelle chacun s’arc-boute, et cette guerre tellement étrange qu’elle ne commence pas. Sartre, dit Beauvoir, a, comme il se doit, des tas de théorie sur ce conflit moderne: «Ce sera une espèce de guerre fantôme sans dépense de matériel humain.»Une guerre «diplomatique». Bost préférerait cent fois se battre plutôt que d’attendre indéfiniment (il sera servi, III LIBERATION J E U D I 2 2 AV R I L 2 0 0 4 I l f a i t B e a u v o i r restée parisienne, il est exposé au froid, à l’ennui, à l’absurdité. Le Castor avant la lettre Elle assure désormais la transmission. Entretien avec Sylvie Le Bon de Beauvoir, fille adoptive de l’écrivain, qui est l’éditrice de la correspondance avec Bost. F OLIVIER ROLLER aire mieux connaître Simone de Beauvoir au grand public, rendre justice à Bost, donner à ressentir l’arrivée de la guerre. Ce sont les trois objectifs que Sylvie Le Bon de Beauvoir, fille adoptive de l’écrivain, dit avoir poursuivis en éditant cette correspondance. Comment se présentaient les papiers de Simone de Beauvoir, étaient-ils classés? Où les rangeaient-elles? Elle gardait, peut-être pas tout, mais énormément de choses. Ce n’était absolument pas rangé. C’était entassé par la force des choses, quelquefois c’est par époque, mais on ne peut pas dire que ce soit classé. C’était resté dans les enveloppes, quand il y en avait, ou plié, dans des sacs en papier, elle avait noté simplement dessus «lettres de Bost», par exemple. J’avais beau savoir qu’il y avait beaucoup de choses, je ne savais pas exactement quoi. C’était dans son appartement, tassé dans les placards autour de son bureau, si bien que cela fait un trésor que petit à petit je déplie. Je n’ai pas fini, loin de là. C’est peut-être parce que, aussi, je me réserve du bonheur pour l’avenir. J’y vais assez doucement, ce n’est pas délibéré, je ne peux pas, pour moi ce n’est pas du passé, ce n’est pas froid, c’est vivant, c’est présent, cela m’émeut. Et puis aussi, quand je suis lancée dans une entreprise comme celle des lettres à Nelson Algren, pour la terminer, cela me prend déjà plusieurs années, ensuite je passe à autre chose, cela ne va pas vite. Reste-t-il des inédits? Des inédits, je ne crois pas. Ou alors, oui, mais de jeunesse, ce qui pourrait être intéressant à publier. J’ai déjà commencé à travailler sur des cahiers qu’elle a tenus entre 16 ans et 21 ans, jusqu’à l’agrégation. Il y a aussi beaucoup de documents, de lettres reçues de gens connus, je ne sais pas ce qu’on pourra en faire. Il y a ainsi beaucoup de lettres de Merleau-Ponty. Avez-vous à un moment ou à un autre douté de l’utilité de publier ces correspondances? Non, au contraire. Plus le temps passe, plus j’en vois l’intérêt. Les réactions que je reçois sont vraiment formidables, elles m’ont donné de la force. Ça se traduit quasi dans le monde entier, les lettres à Algren, c’est même incroyable, jusqu’en Corée. Personnellement, au début, j’étais détruite par la disparition de Simone de Beauvoir. Je manquais d’assurance: je commençais, c’était difficile. Déjà avec Algren, ça allait beaucoup mieux, et ça m’a encouragée pour cette publication et pour l’avenir. Maintenant je continuerai envers et contre tout. Simone de Beauvoir vous apparaît-elle chaque fois sous un jour nouveau? C’est un des intérêts de la correspondance avec Bost que de présenter Simone de Beauvoir avant Simone de Beauvoir. Elle n’a pas encore vraiment accompli la fameuse prise de conscience historique et politique, elle n’a pas senti encore la solidarité avec le monde, elle croit vivre une aventure individuelle. C’est très différent de ce que seront ses réactions dans les années 1960. C’est presque une autre personne. Mais ce qui est intéressant aussi, c’est de voir justement ce qu’il y avait déjà de tellement fondamental chez Simone de Beauvoir que, à 29 ans, c’est déjà là, bien installé. On verra ainsi, en remontant dix ans en arrière, dans sa prime jeunesse, à quel point elle était constituée pour devenir Simone de Beauvoir. Il y avait des piliers dans sa personnalité, des choses sur lesquelles elle n’a jamais varié. Quels sont ces piliers? Par exemple, sa conception des rapports à autrui. Qui est illustrée dans cet amour pour Bost. L’idée qu’elle développera plus tard dans les Mémoiresest que dans les relations à autrui, il n’y a pas de donnée, elles sont à inventer. Tout est a priori possible, il n’y a ni institution, ni nature, ni quoi que ce soit qui vous impose un mode de relation. Ce n’est pas une idée au sens abstrait, c’était très profond: on la voit vivre cette idée, on peut dire qu’elle invente un genre de rapports qui n’est pas très facile avec Bost. Il y a, des deux côtés, deux autres personnes, ce n’est pas le schéma classique du trio, et surtout pas du ménage à trois, c’est plutôt un ménage à quatre, ce n’est pas un stéréotype dans lequel on entre, c’était risqué également. C’est une des convictions qui sont en elles depuis toujours, depuis la jeunesse jusqu’à la fin: il faut vivre sa pensée, il faut penser sa vie. Pourquoi raconte-t-elle dans le détail, à Bost comme à Sartre, ses démêlés amoureux avec son ancienne élève Bianca Bienenfeld? Pourquoi des cachotteries? D’autant plus qu’au début, c’était une amitié, une relation agréable avec une fille qui avait été son élève l’année d’avant, qu’elle Sylvie Le Bon de Beauvoir, rue Sébastien- Bottin, le 19 avril 2004. «C’est une des convictions qui sont en elle depuis toujours, depuis la jeunesse jusqu’à la fin: il faut vivre sa pensée, il faut penser sa vie.» poussait dans les études, qu’elle aimait bien. Il y en avait d’autres. Elle ne voyait pas pourquoi elle allait fuir ce genre de relation. Il se trouve que toutes ces jeunes personnes étaient demandantes pour plus. Ça n’existe plus aujourd’hui, étant donné ce que sont les lycées, ce n’est pas du tout concevable. Autrefois, c’était très connu, les «flammes» pour les professeurs. Ce n’étaient pas des élèves de quatrième, quand même. Elles étaient tout de suite en faculté l’année d’après, alors elle les aidait, elle va jusqu’à leur donner des cours, j’admire. Avec les lettres, vous connaissez à présent sa vie jour par jour? J’en connais des morceaux. Je l’ai connue dans les années 1960 (1). Bien sûr, j’avais lu et j’allais lire tous ses livres, mais c’est très différent. Chaque fois que je travaille sur une correspondance, c’est comme une découverte absolue, parce que c’est palpable, le quotidien. C’est lié au genre, quand on lit les correspondances du passé, de Madame de Sévigné, de Diderot, c’est pareil, on entre dans l’intimité de ces gens-là, moi je trouve ça formidable. Bien sûr, c’est la Simone de Beauvoir que j’ai connue, mais c’est aussi quelqu’un d’autre, parce qu’au fond, c’est très loin pour moi, tout ça. C’est comme reconstituer un puzzle ou être un archéologue, mais qui aurait toutes les pièces de la statue. C’est passionnant et je ne m’en lasse pas. Vous êtes la fille adoptive de Simone de Beauvoir. Est-elle pour autant votre mère? Absolument pas. Nous n’avons jamais eu de rapport de mère à fille, ou de fille à mère, moi j’en avais horreur, j’avais des rapports exécrables avec ma mère, ce n’était pas pour en chercher ailleurs. Avec elle, on ne pensait pas à son âge, on était de plainpied. Nous avions trente ans de différence, ça existait mais ça n’intervenait pas. Elle n’avait aucun fantasme filial ou maternel, je n’en avais pas non plus, elle ne voulait pas de fille et je ne voulais pas de mère. C’était clair. A l’époque, il n’y avait pas d’autre moyen de me donner des droits légaux que de m’adopter. Ça a donc été l’adoption. Ça me fait toujours sourire quand on me dit «votre mère…».C’est l’immense abîme entre l’institution et le réel, le vécu. Il n’y avait pas de Pacs, et, de toute façon, ça n’aurait pas correspondu à grand-chose non plus. C’est dangereux de fréquenter des écrivains? Je ne crois pas. Ce n’est pas seulement que Simone de Beauvoir et Sartre étaient des écrivains, mais les écrivains qu’ils étaient, reliés au monde. Avec eux, à 25ans, je marchais à 20 centimètres au-dessus du sol. C’était inspirant. C’étaient des gens extrêmement gais. Ils avaient horreur de s’ennuyer, pour eux c’était le péché capital, perdre son temps à des corvées, ils avaient décanté au maximum tout ça. Ce qui est dur, c’est après. RECUEILLI PAR CL.D. (1) Sylvie Le Bon, élève d’hypokhâgne, avait écrit à Simone de Beauvoir. Celle-ci raconte leur amitié dans «Tout compte fait» (Gallimard, 1972): «J’avais tort de penser en 1962 qu’il ne pouvait plus rien m’arriver d’important, sinon des malheurs: une grande chance m’a de nouveau été donnée.» IV LIBERATION J E U D I 2 2 AV R I L 2 0 0 4 L i t t é r a t u r e é t r a n g è r e fisait pas. Christopher dresse le constat. Il en souffre aussi. Il remarque, par exemple: «Je pense que les gens croient au paradis parce qu’ils n’ont pas envie SVEN REGENER de mourir, parce qu’ils veulent Herr Lehmann continuer à vivre et qu’ils n’ont Traduit de l’allemand pas envie que d’autres gens par Colette Kowalski. s’installent dans leurs maisons Seuil, 288 pp., 19 ¤. et jettent leurs affaires dans la Etats d’âme et poubelle.» ruminations d’un presque Au fond, c’est un type d’écritrentenaire dans vain idéal: il voit et se souvient le Berlin des années80. de tout dans le moindre détail. Le (plus tout) jeune Mark Haddon aimerait peut«Herr Lehmann» est être lui ressembler. Mais comessentiellement me il ne peut pas tout voir, il préoccupé par son fait comme nous autres: il inapprovisionnement vente, invente une histoire; et enalcool, ses phobies au moins, il la réussit. Christoalimentaires (le flan pher voit tout au point qu’il auchocolat) et n’invente jamais rien. Poursespetitsbobos. Le quoi inventer, quand le mon9novembre 1989, de est déjà saturé? Au cours de jourdeson anniversaire, son enquête, il n’imagine pas, il noie sonblues dans n’interprète pas, n’extrapole labière. Toutle reste de la pas, ne métaphorise pas. Il déville assiste à la chute crit avec une précision presduMur. L’auteur est aussi que absolue, puis il compare, chanteur et parolier du analyse et déduit. A bout du groupe de rock Element livre, il ne se trompe pas. Car of crime. la vie est logique jusque dans sa folie. Z . Z . PA C K E R Chemin faisant, Christopher La vie ailleurs affronte aussi l’incohérence et Traduit de l’anglais par les non-dits permanents des Hélène Collon. hommes. Les blagues et les Stock, 318 pp., 20 ¤. métaphores, il ne les comDésillusions d’une prend pas. Par exemple, «il infirmière très fait un temps de chien» ou bigote,rapports de «avoir un squelette dans le plaforcedansungroupe card»: «Je trouve qu’on ferait d’adolescentes en mieux d’appeler ça un mensonvacances. Subtiles et ge, parce qu’un chien n’a rien à ironiques, lesnouvelles voir avec le temps et que perde la jeune Z.Z. Packer sonne n’a de squelette dans son sepassent toutes dans la placard.» Les lieux communs société noire américaine. sont de gros mensonges et Elles ont eu un immense certains auteurs devraient succès dans son pays. s’inspirer de Christopher. Les hommes sont si bizarres avec UZMA ASLAM KHAN les mots. D’un côté, ils les utiTransgression lisent pour décrire des choses Traduit de l’anglais par vagues qui n’existent pas. De Marie-Odile Probst, l’autre, «ils parlent beaucoup Picquier, 542 pp., 21 ¤. sans se servir de mots». Par Le père de Dia a été exemple, quand ils lèvent un torturé et assassiné, sourcil, la maîtresse de Chriscelui de Daanish est Un adolescent enquête sur le meurtre d’un chien dans un topher lui explique que ça d’autant plus impossible à satisfaire qu’il est jardin anglais avec la perspicacité et la force du psychotique. peut signifier des choses différentes: «J’ai envie d’avoir des mort.Les mères essaient mène jusqu’à une fuite solitaire à Londres. On suit relations sexuelles avec toi», mais aussi «Je trouve de survivre dans MARK HADDON Le bizarre incident du chien pendant la nuit unesociété pakistanaise Traduit de l’anglais par Odile Demange. Nil éditions, 293 pp., 19 ¤. l’enfant fou dans un monde qui l’est bien davantage. que ce que tu dis est complètement idiot.» Pour l’enChristopher appartient à Dickens, mais aussi à la fant, ce qui est idiot, c’est de ne pas dire ça avec les qui ne leurfacilite paslavie. Unroman e mieux est de commencer par le dé- psychiatrie: il a le syndrome d’Asperger – autiste, mots adéquats. écritpar une variété but. «Il était 0h07. Le chien était allon- avec des tendances psychotiques. Lui et ses sem- La réalité, c’est mieux que l’esprit des hommes, parrared’écrivain, une gé dans l’herbe au milieu de la pelouse, blables, écrit-il, sont au milieu des hommes «comme ce que c’est là. Toutefois, elle a un inconvénient: femme pakistanaise, qui devant chez Mme Shears. Il avait les des okapis dans la jungle du Congo, qui sont une sorte quand le désordre ou trop de monde envahit le lieu est revenue dans son yeux fermés. On aurait dit qu’il courait d’antilope très farouche et très rare». Mais réduire ce où il se trouve, Christopher panique. A l’inverse des surréalistes, il est victime du trop de réapaysaprès avoir vécu au couché sur le flanc, comme font les livre à un cas de psychologie ne rend pas lité. Tantôt il grogne et se roule par terre, Maroc et aux Etats-Unis. chiens quand ils rêvent qu’ils poursui- justice au plaisir qu’il donne: en devenant tantôt il effectue des calculs déments de vent un chat. Mais le chien ne courait Christopher, Mark Haddon, dessinateur carré ou de cube; car il a une intelligence R O H I N T O N M I S T RY pas. Il ne dormait pas non plus. Il était mort. Il avait et scénariste anglais de 42 ans, fait acte litlogique et mathématique d’exception. Il téraire et non médical. Il utilise les perune fourche plantée dans le ventre.» Une simple affaire n’aime ni le jaune, ni le brun, ni les aliL’histoire est écrite par Christopher. Ce n’est pas une ceptions de l’enfant pour décrire avec un de famille ments qui se touchent, ni les gens qui le histoire, car Christopher ne ment jamais: c’est une œil sauvage le monde, les lieux, les gens. Traduit de l’anglais par touchent. Son livre préféré est le Chien des enquête, la sienne. Il a quinze ans et vit avec son père C’est efficace: on est à la fois derrière la Françoise Adelstain. Baskerville. La manière dont il l’analyse, Albin Michel, 487 pp., 22 ¤. dans une petite ville emmerdante, entre gazons loupe et sous elle, dans la brindille, prêt à juste et simple, ferait honte au métier de taillés et voisins drogués, à l’ouest de Londres. Sa mè- brûler de l’intérieur des nerfs. Le père a un Parkinson, critique littéraire, si c’était un métier. Il a sa belle-fille l’infantilise, re est morte d’un cancer il y a deux ans. C’est lui qui Christopher constate – et éprouve – que tout lu et noté que Holmes ne porte pas de sa fille le recueille bon gré découvre le chien Wellington dans le jardin de sa les adultes mentent, se paient de mots, ne casquette et ne dit jamais: «Elémentaire, propriétaire, une voisine. Comme Sherlock Holmes, cessent de se raconter des histoires inumalgré.Histoires de mon cher Watson!»Cela, c’est une invenson détective préféré, il décide de trouver qui l’a tué tiles ou absurdes, en tout cas sans logique. familles moyennement tion du cinéma et de la télé. Christopher et de rédiger peu à peu son investigation. Son rat ap- Ils fantasment, croient bêtement en Dieu glauques et assez déteste les inventions, mais on aime privoisé en poche, il va découvrir l’assassin, mais sur- ou qu’ils peuvent parler avec les morts. Ils réjouissantes dans la l’écrivain qui a su l’inventer. tout les relations entre voisins, les mensonges de son veulent voyager et voir des choses noumoyenne bourgeoisie père et la véritable histoire de sa mère. Tout cela le velles, comme si ce qui les entoure ne sufparsie de Bombay. PHILIPPE LANÇON S Y LV I E S E R P R I X Vient de paraître Entre chien et fou L Christopher est comme un okapi dans la jungle du Congo, qui est «une sorte d’antilope très farouche et très rare.» V LIBERATION J E U D I 2 2 AV R I L 2 0 0 4 L i t t é r a t u r e é t r a n g è r e Comment ça s’écrit Déviances textuelles PA R M AT H I E U L I N D O N Boulgakov, M I K H A Ï L B O U L G A KOV Œuvres, tomeII (Le Maître et Marguerite et autres romans, Théâtre)Edition publiée sous ladirection de Françoise Flamant et Jean-Louis Chavarot, avec la collaboration de Christiane Rouquet et d’Edith Scherrer. Gallimard, «la Pléiade», 2064 pp., 69 ¤ jusqu’au 30juin, 76 ¤ ensuite. N é en 1891 et mort en 1940, Mikhaïl Boulgakov n’a pas été, comme tant d’autres, un déçu du communisme: du premier instant, il s’est opposé aux bolcheviks et n’a jamais changé de position. Son père était maître de conférences d’histoire des religions occidentales dans l’académie de Kiev, et le futur écrivain est d’abord médecin avant d’y renoncer pour se consacrer uniquement à l’écriture en 1920. Sur son expérience de la révolution, vue du côté des Blancs, il écrit en particulier les nouvelles de Carnets d’un jeune médecin et le roman la Garde blanche, publiés dans le premier volume de cette édition. En vérité, seules les deux premières parties de la Garde blancheparaissent en revue de son vivant, se voyant parfois agrémenter en volume d’une troisième partie apocryphe. Il en tire une pièce, les Jours de Tourbine (Tourbine est le nom de jeune fille de sa grand-mère maternelle), qui lui vaut aussi des tourments mais également des satisfactions, puisqu’elle connaît, avant diverses vicissitudes, un énorme succès. On la trouve avec neuf autres pièces dans ce second volume Pléiade qui offre également une nouvelle traduction du chefd’œuvre de Boulgakov, son roman le Maître et Marguerite. C’est une œuvre extrêmement particulière, roman d’amour et de politique, contemporain et antique, réaliste et insensé, parfois sinistre mais toujours fantaisiste et drôle, où interviennent le diable, Jésus et Pilate, ainsi qu’un écrivain moscovite et son amoureuse comme personnages-titre. «L’œuvre de Boulgakov […] est remarquablement récréative», note Françoise Flamant dans son introduction à l’édition. Il en fut tout autrement de sa vie. On trouve dans ce deuxième volume des extraits de la correspondance des années 1927-1940: ils montrent Boulgakov au bout du rouleau, dans une situation concrètement impossible. Ses livres ne sont plus en vente, ses pièces plus jouées, il n’a aucune source de revenus. 1929-1930 est le summum de l’insupportable. L’écrivain s’adresse à diverses instances officielles pour tenter d’obtenir, pour lui et sa femme, une expulsion d’URSS. Au comité exécutif central, il écrit le 3 septembre 1929, comme une supplique: «Du fait que le caractère absolument irrecevable de mes œuvres est pour l’opinion publique soviétique une évidence;/ du fait que l’interdiction totale de mes œuvres intervenue en URSS me condamne à périr;/ du fait que l’anéantissement de ma personne en tant qu’écrivain a d’ores et déjà abouti à un désastre sur le plan matériel […];/ considérant ma lassitude extrême,/ la vanité de toute tentative […]», Boulgakov demande le droit d’aller à l’étranger «pour une durée que le gouvernement de l’Union estimera approprié de me fixer». Il ne partira pas. Le 28mars 1930, c’est une longue lettre au gouvernement de l’URSS. Il explique qu’on lui a conseillé d'«écrire une “pièce communiste”», ce qui lui semble «une contorsion politique douteuse et, de surcroît, naïve», surtout en «sachant pertinemment que je n’y réussirais pas». Boulgakov en est alors réduit à citer les injures publiées contre lui («balayeur de la littérature», «engeance néobourgeoise qui éclabousse de sa bave, empoisonnée mais impuissante, la classe ouvrière et ses idéaux communistes») pour dire que cette presse «a raison» et que, puisqu’il n’y a pas de place pour lui en URSS, il faut le laisser en sortir. «J’en appelle à l’humanité du pouvoir des soviets et je sollicite un acte magnanime: qu’un écrivain qui ne peut avoir d’utilité dans sa patrie soit mis en liberté.»(JeanLouis Chavarot note dans l’édition critique qu’il était alors «impératif d’écrire “le pouvoir des Soviets” avec une capitale. Il est symptomatique que Boulgakov ait oublié cette règle applicable à une expression qui était étrangère à son langage».) A défaut d’étranger, l’écrivain demande une «affectation ferme»en URSS. La police politique accepte qu’on lui donne «la possibilité de travailler où il veut», et ce sera au théâtre, avec Stanislavski (ils auront d’excellents rapports qui dégénéreront quand le metteur en scène se mêlera d’un peu trop près des pièces de l’écrivain). Mais l’effet principal de cette lettre fut que Boulgakov reçut le 18avril 1930 un coup de fil de Staline lui-même. L’édition cite en note «le témoignage d’Elena Boulgakova, consigné seulement le 4 janvier 1956» et selon lequel Staline aurait demandé: «Mais peut-être est-il vrai que vous demandez à partir pour l’étranger? Que nous vous avons mené à bout?» «M.A. (Boulgakov, ndlr) nous a dit que cette question était pour lui si inattendue (et l’appel lui-même, d’ailleurs, il ne s’y attendait pas) qu’il perdit contenance et qu’il lui fallut un moment pour répondre: “J’ai beaucoup réfléchi ces derniers temps en me demandant si un écrivain russe pouvait vivre hors de son pays. Et il me semble que ce n’est pas possible.”» Boulgakov ne sortira plus d’URSS et attendra semble-t-il jusqu’à sa mort un nouveau coup de fil de Staline pour pouvoir donner d’autres explications, mais l’occasion ne se présentera plus. «Je sollicite un acte magnanime: qu’un écrivain qui ne peut avoir d’utilité dans sa patrie soit mis en liberté.» COLIN WILSON Le Dieu du labyrinthe Traduit de l’anglais par François Truchaud. Les Belles Lettres, 313 pp., 19 ¤. H éritier laïque de Chesterton, Colin Wilson demeure l’un des écrivains anglais les plus inclassables de sa génération, celle des «jeunes gens en colère», club informel dont il fit partie aux côtés notamment de Kingsley Amis. En 1956, âgé seulement de 25 ans, il publie son premier essai, l’Homme en dehors, dans lequel ce prolétaire autodidacte définit avec arrogance une sorte de nouvel existentialisme, prenant appui sur l’amer constat que notre esprit, au lieu de s’épanouir au fil des années de formation, a la fâcheuse tendance à s’appauvrir. Les portes de la connaissance se sont ouvertes à ce polygraphe impénitent qui, au mépris des modes et des courants, n’a cessé d’œuvrer de la manière la plus éclectique. Aux romans de forme policière – la Cage de verre, le Tueur, l’Assassin aux deux visages – ont succédé plusieurs variations sur la mythologie lovecraftienne, et des romans de science-fiction – les Vampires de l’espace. Mais Wilson s’est surtout fait connaître d’un large public par une série d’ouvrages encyclopédiques relatifs à l’étude du crime, des phénomènes paranormaux ou des déviances sexuelles. En 1960, il fait paraître le premier roman ducycle des aventures paralittéraires de Gerard Sorme, sorte de double de lui-même, le Sacre de la nuit. Paru dix ans plus tard, Le Dieu du labyrinthemet en scène un Sorme lancé cette fois à la recherche d’un libertin irlandais du XVIIIe, Esmond Donelly, dont un éditeur newyorkais lui a demandé de préfacer les Mémoires. Comme souvent dans l’œuvre romanesque de Wilson, l’histoire littéraire se mêle inextricablement au contenu imaginaire, plongeant le lecteur dans un flou délectable ponctué de coups de théâtre relevant du plus pur fantastique. Gerard Sorme est un universitaire solidement ancré dans le réel, mais qui ne pourra pas échapper aux sortilèges que sa quête lui impose. D’une part, il se voit confronté à des personnages qui semblent tout droit sortis d’un autre ouvrage de l’auteur, The Misfits. C’est ainsi qu’il rencontre dans le sud américain un descendant de Donelly, adepte du fouet et pyromane, avant de regagner l’Irlande où il éveille l’intérêt d’un couple de vieilles filles dépositaires de textes révélateurs. Il découvre alors ce qui se dissimule derrière le contenu érotique des écrits de Donelly, dont quelques extraits choisis nous ont déjà savamment et malicieusement titillés, à savoir l’existence d’une “néfaste Société du Phénix”, secte mystérieuse à souhait. Peu à peu, aussi, l’enquête de Sorme s’est muée en expérience humaine. La personnalité du libertin a pris possession de lui-même, imposant sa philosophie, celle d’un «homme obsédé par le problème du sens», que Sorme associe aussitôt à son «obsession cryptoreligieuse». De nouvelles rencontres mèneront le héros jusqu’au cœur du labyrinthe pour lui faire vivre l’ultime expérience décidée, deux siècles plus tôt, par une confrérie aux agissements textuels soigneusement cryptés. FRANÇOIS RIVIÈRE Paris-Cuba 19€ Je ne sais pas écrire et je suis un innocent par Gabriel Lindero Voici le premier livre de Gabriel Lindero. Un roman d’apprentissage où les rêves finissent dans des fruits ou dans des ventres de requins. 3AILES marche ou Kiev Colin Wilson, période paralittéraire. Il attire son héros au cœur d’une secte du XVIIIe siècle. www.calmann-levy.fr VI LIBERATION J E U D I 2 2 AV R I L 2 0 0 4 P h i l o s o p h i e Pensée d’argile Vient de paraître YVES LEMOINE Crimes à Paris. Archives de la cour d’assises de la Seine Michel de Maule, 250 pp., 22 ¤. Une suite sans cesse recommencée de meurtres, de viols, de vols et d’entôlages qui exhume le terreau même du Paris criminel du XIXe siècle, tel que l’ont conservé les archives de justice. L’auteur est magistrat et historien. Pour Catherine Malabou, plasticité n’est pas flexibilité. De Heidegger aux neurosciences. R O B E RT M I S R A H I 100 mots pour construire son bonheur Les Empêcheurs de penser en rond, 444 pp., 18 ¤. D’Accomplissement à Voyage, en passant parDésir, Schopenhauer, Fête, Spinoza ou Jouissance: un lexique qui permet à Robert Misrahi d’explorer encore d’autres facettes du bonheur, son thème de prédilection, l’art parlequel chacun peut arriver à s’inventer lui-même, «se réjouir d’exister et d’être libre». FREDERIC STUCIN MARIEGENEVIÈVE P I N S A RT Jonas et la liberté Vrin, 334 pp., 32 ¤. La pensée de Hans Jonas (1903-1993) est en général étudiée selon les étapes de son élaboration (religion gnostique, philosophie de la vie, bioéthique). Ici, MarieGeneviève Pinsart tente de la saisir «entière», dans sa fondamentale unité, en en tissant toutes les dimensions, théologiques, ontologiques, éthiques et politiques. L’auteur vient aussi de diriger Genre et bioéthique(Vrin, 188 pp., 14,50 ¤). Catherine Malabou à Paris, avril 2004. CAT H E R I N E M A L A B O U Que faire de notre cerveau?Bayard, 170 pp., 13 ¤. Le Change Heidegger, Léo Scheer, 426 pp., 17 ¤. S i on l’a aperçue, la première fois, c’était dans une contre-allée. Elle suivait, ou précédait, Jacques Derrida, esquissant avec lui une métaphysique du voyage. C’était en 1999 (1). Elle avait déjà arpenté d’autres terres, notamment le pays de Hegel (2), que Derrida n’a jamais déserté. Depuis, Catherine Malabou, sans couper l’amarre avec celui qui a été son diLIONEL recteur de thèse, est allée son chemin, et il n’est pas F R O I S S A RT malaisé de prévoir – même si en philosophie la vaAyrton Senna, leur attend patiemment le nombre des années – qu’il croisements d’une vie Anne Carrière, 470 pp., 20 ¤. la conduira loin. Après le Change Heidegger, elle publie aujourd’hui Que faire de notre cerveau? Magique, mystique, Le premier est d’artillerie lourde, ou de guerre de poprofessionnel, rêveur, sition. Le second d’arme légère, ou de guerre éclair. calculateur, doux, dur, Que faire de notre cerveau? thésaurise en effet des artiste: les adjectifs connaissances acquises dans le domaine des neules plus contradictoires rosciences, par Jean-Pierre Changeux ou Marc ont servi à cerner Jeannerod, par exemple, pour montrer comment la les multiples parts de notion de plasticité, essentielle à l’étude du foncvérité du légendaire tionnement cérébral, peut être idéologipilote brésilien, mort quement utilisée pour justifier celle, plus tragiquement il y a juste vague mais plus facilement exploitable du dix ans. Journaliste à Libération, spécialiste de point de vue politique et social, de flexibilité, et, par là, surdéterminer «les noula Formule 1, Lionel velles modalités de façonnement de soi». Froissart croise ici les Le concept de plasticité qu’exploite Catémoignages pour faire un dernier tour fascinant therine Malabou(3), et qui est déjà comme le «label» de sa pensée, est ici essend’Ayrton Senna. tiel. Il désigne «à la fois la capacité de recevoir la forme (l’argile, la terre glaise, par exemple, sont dites “plastiques”) et la capacité de donner la forme (comme dans les arts ou la chirurgie plastiques)», sinon, comme l’indiquent «plastiquage» ou «plastiquer», une force explosive, «la capacité d’anéantir la forme qu’elle est susceptible de recevoir ou de créer» – alors que la flexibilité n’est que passive, ne fait que recevoir la forme ou le pli, s’adapte docilement aux mutations. Nul doute que le cerveau soit flexible, et qu’il s’ajuste, supporte ce qui lui arrive. D’une certaine façon, l’adaptation est la vertu même de l’être vivant, qui s’autotransforme pour s’accommoder aux transformations de son milieu ou aux événements qui le «blessent». Mais il est capital de valoriser aussi sa plasticité (plasticité nerveuse, plasticité neuronale, plasticité des synapses…), car c’est elle qui fait du cerveau, certes «informé», un «formateur», un ouvrier actif, une œuvre, une histoire, une liberté gagnée sur le déterminisme biologique, une chirurgie plastique ou une sculpture de soi, une forme de «résilience» comme dirait Boris Cyrulnik, une formation d’identité, non «pacifique», mais contradictoire, «synthèse de mémoire et d’oubli, de constitution et d’effacement des formes». Il suffit de traduire en termes politiques ce qu’autorise l’usage fréquent en ce domaine de la métaphore du «cerveau» – pour saisir le sens de la critique de Malabou. Substituer de façon plus ou moins consciente la flexibilité à la plasticité, comme le fait une certaine «idéologie neuronale», c’est donner du cerveau humain Le «change Heidegger», comme on dit le «compteur Geiger»? une image parfaitement adéquate aux réquisits du capitalisme, lequel célèbre en effet le «triomphe de la flexibilité», parce qu’il voudrait que fût sacré «le règne d’individus obéissants qui n’ont de mérite qu’à savoir baisser la tête avec le sourire». Que faire de notre cerveau? Eh bien, aller vers un «altermondialisme biologique», «refuser d’être les individus flexibles qui conjuguent contrôle de soi permanent et capacité de se modifier au gré des flux, des transferts, des échanges par peur de l’explosion». Le Change Heidegger, paru précédemment, est de plus longue haleine, strictement et techniquement philosophique. De prime abord, on ne le dirait pas écrit par la même personne, qui ici parle allemand et lit les textes avec une minutie toute derridienne. Le titre est génial, parce que, retourné mille fois, il reste indécidable. Le «change Heidegger», comme on dit le «compteur Geiger»? Ce qui change, ce que change Heidegger? Ce à quoi Heidegger donne le change? Ce qui change avec, après Heidegger? Quel est le statut du «change (ment)» chez Heidegger? Ou ce qu’il faut changer pour saisir ce que changer veut dire? Il est évidemment dans la pensée du philosophe allemand des concepts techniques qui disent le changement comme devenir (Änderung, Veränderung, Werden) ou passage à une «autre pensée» («tournant», Kehre, relais, saut). Heidegger utilise aussi les notions voisines de changement (Wandlungen), de transformation (Wandlungen) et de métamorphose (Verwandlungen), mais, pourrait-on dire, sans en faire cas. Or, pour Catherine Malabou, cette «triade», qu’elle abrège en WWV, et dont nul n’avait encore remarqué la puissance heuristique, est d’une importance décisive, constitue une «machine de change», par quoi on peut travailler aussi bien «la métamorphose de l’homme en son Dasein», que «la mutation du rapport à l’être», «la destruction de la métaphysique et la métamorphose de la philosophie», «la transformation de la parole» ou «la métamorphose des dieux», et donc se révèle être «l’agent secret de la philosophie heideggerienne, qui soutient et guide clandestinement le destin de l’essentiel». On laissera évidemment découvrir «toutes les surprises que réserve la pensée heideggerienne lorsqu’elle est lue comme une pensée de la mutation». Mais l’enjeu, ce n’est pas seulement Heidegger, qu’on risque d’ailleurs de ne plus reconnaître. Le change Heideggerest d’une audace inouïe, précisément parce qu’en se demandant ce que «changer» veut dire – qu’on tente de l’imaginer, s’il s’agit du «dépassement de la métaphysique», de la dialectique, de l’identité et de la différence, de la «déconstruction», de la révolution, de la «fin de l’histoire», etc. – Catherine Malabou donne un autre sens à l’ontologie, dans laquelle l’être n’est ni l’Un ni l’Autre, ni Mêmeté ni Différence, mais pure transformabilité, pure «puissance métaphorique et migratoire», plasticité donc, par quoi, entre propriété et désappropriation, réception et création de formes, «chaque chose, à commencer par l’être lui-même, s’échange constamment avec soi». Finalement, les deux livres sont du même auteur. ROBERT MAGGIORI (1) «La Contre-Allée», par Jacques Derrida et Catherine Malabou, La Quinzaine littéraire/Louis Vuitton. (2) «L’Avenir de Hegel – Plasticité, temporalité, dialectique», Vrin 1995. (3) Cf. «Plasticité», ouvrage collectif publié sous sa direction chez Léo Scheer (2004). VII LIBERATION J E U D I 2 2 AV R I L 2 0 0 4 H i s t o i r e / E d i t i o n G. DA G L I O RT I plus puissants et plus riches que les châteaux voisins, censés les protéger. Il arrive donc couramment que des châtelains lorgnent sur des terres ayant appartenu à leurs ancêtres, ou que les monastères veuillent s’approprier celles qu’un seigneur a du mal à garder dans le giron de sa famille, à la suite de mariages, donations ou héritages. Anathèmes, jugement de Dieu, miracles, mobilisation des reliques, affrontements entre milices des uns et des autres s’ensuivent, jusqu’à ce que les parties trouvent un arrangement mettant un terme, pour un temps, à l’inimitié. On se tue peu au cours des faides, rappelle Barthélemy, car «dans cette société de vengeance, les hommes deviennent vite des experts en l’art de ne pas se venger et de ne pas perdre la e face». Beaucoup d’éléments Duel de chevaliers. Fresque du XIII à Pernes-les-Fontaines (Vaucluse). poussent dans ce sens. D’un côté, le fait que tous se connaissent dans cette société de voisins où les nobles n’appartiennent pas seulement au même monde mais souvent à la même famille. De l’autre, la nature même de la faide qui est à penser comme le début d’une procédure aboutissant à des arrangements et des dédommagements. Enfin, le sang ne coule pas à flots parce que tous en connaissent le prix, et que le but de la faide est Le sang coule peu et la vengeance confirme justement de revenir à la paix l’ordre social : le Moyen Age n’est pas et non de déclencher une hostilité inexpiable. Ainsi, normala société violente que l’on croit. lement, la faide va déboucher nière très codée à la modération des ten- sur un duel, parfois même une ordalie, qui D O M I N I Q U E B A RT H É L E M Y Chevaliers et miracles. La violence et le sacré tiendra lieu de jugement. Les parties désions et à la résolution de ses conflits. dans la société féodale Autant que féodale, la société médiévale a signent alors deux champions qui vont se Armand Colin, 296 pp., 24 ¤. été «faidale», selon Dominique Barthéle- battre au bâton, mains nues, rarement à u’il n’y ait rien eu de parti- my, au sens où tout une série d’affronte- l’épée. On cherche rarement à gagner, culier à signaler en l’an mil ments et de conflits qui caractérisent les mais on vise plutôt le match nul qui, ne et même dans ses proches «guerres du dedans» de cette période peu- faisant perdre la face à personne, donne la alentours, on commence vent grandement s’éclaircir si on intro- possibilité aux médiateurs qui suivront juste à l’admettre avec duit dans l’histoire la notion, courante en de faire preuve de tous leurs talents. Dominique Barthélemy, anthropologie, de faide. La faide n’est Le déroulement de l’ordalie judiciaire contre l’avis non seule- autre que la vendetta, mais une vendetta n’est pas sans rappeler celui du duel, avec ment de l’ancienne vulga- dont la fin n’est pas seulement de venger les représentants des deux camps qui te millénariste mais même d’un auteur une offense, mais de porter atteinte aux vont subir l’épreuve du fer rouge ou de important comme Georges Duby. Or de biens et terres d’autrui avec l’aide l’eau bouillante. Ici aussi le but n’est pas Duby, Barthélemy a été le disciple et, un d’hommes de sa propre famille ou d’alliés de tenter Dieu ou le diable, mais de dégapeu comme lui, il n’hésite pas à bousculer qui seront rétribués avec une partie des ger l’espace des arrangements. Dès lors, les acquis les mieux établis, fût-ce par ses terres et des biens récupérés. Si la ven- le fer et l’eau peuvent être plus ou moins maîtres. Cela donne une histoire peu di- geance de sang est, disons, le cadre juri- chauds, et on se méfie des champions plomatique et pleine d’entrain, qui avan- dique à l’intérieur duquel s’effectue ce trop endurants. Si l’ordalie, comme le ce à visage découvert, prête à donner au- genre d’actions, elle n’est pas très meur- veut Peter Brown, apaise la communautant qu’à prendre des coups, pour le trière pour autant. La vengeance y est en té et la ressoude, elle ne va pas sans une bénéfice d’une discipline parfois anémiée effet indirecte, et frappe plutôt les pay- montée des tensions, selon les procépar trop des démarches feutrées et le plus sans qui auront à supporter déprédations dures du «système faidal» que Barthélegrand bonheur du lecteur, captif d’un sty- et pillages théoriquement dirigés contre my met à jour. Prise entre des codes qui l’excitent autant qu’ils la réduisent, la viole énergique et parlant. D’ailleurs, tous les leurs seigneurs. médiévistes travaillent sur les mêmes La faide chevaleresque n’est en rien ex- lence est socialement maîtrisée, beausources, documents, témoignages, et si on ceptionnelle, mais une pratique sociale coup plus que ne le prétendent les histoveut leur faire dire quelque chose d’inédit, régulière, qui, loin de mettre en cause riens travaillant à justifier le rôle c’est souvent contre leurs propres col- l’ordre social, le confirme. L’Eglise tente pacificateur de la royauté, de l’Etat molègues. Aussi Barthélemy, dans les essais d’en condamner les excès mais pour derne naissant ou de la religion. Néanqui composent Chevaliers et miracles, mieux la légitimer, revendiquant en pas- moins, il est vrai que le XIIe siècle voit approlonge-t-il la Mutation de l’an mil a-t-el- sant un rôle d’arbitre. Toutefois, il n’est paraître le tournoi comme substitut et le eu lieu? (1997) et l’An mil et la paix de pas simple de rester neutre, prolongement de la faide cheDieu (1999), deux ouvrages de référence parce qu’évêques et abbés isvaleresque. Dès lors la violenparus chez Fayard. Il s’agit encore de sus de cette même noblesse en ce des nobles s’exercera plutôt montrer non seulement que la société partagent la vision du monde, dans les guerres du dehorsque féodale a été beaucoup moins violente et surtout parce qu’euxdans les vengeances du deque ce que l’on a dit mais que certaines mêmes initient ou subissent dans, sans que la condition des pratiques comme la vengeance, le duel ou des faides au nom et pour le faibles ne s’améliore. l’ordalie, loin d’exprimer les désordres et compte de l’Eglise. NotamJEAN-BAPTISTE le chaos d’une société, participent de ma- ment les monastères, parfois MARONGIU D’épée et de paix Vargas au secours de Battisti xcédée par l’animosité des débats et pour rétablir quelques faits, Fred Vargas vient d’achever la Vérité sur Cesare Battisti, un livre de documents et de textes (150 pages, Viviane Hamy), dont la mise en vente est prévue le 21mai. La séance de la chambre d’accusation qui devra statuer sur la demande d’extradition présentée par l’Italie à l’encontre de l’ancien militant de la lutte armée se tient le 12mai. Prêt le 6mai, l’ouvrage pourra être distribué aux journalistes, politiques, avocats, etc., avantcette date. Fred Vargas, dont Sous les Vents de Neptuneconnaît un franc succès, souhaite que la Vérité sur Cesare Battistisoit largement distribuée et en appelle aux bonnes volontés des libraires, lecteurs, bibliothécaires. E [email protected] Les plumes et le Serpent acheté par les éditions du Rocher, le Serpent à plumes a changé d’équipe: Nathalie Kovacevicz s’occupe del’administration et Christian Seranot est directeur littéraire. «D’origine antillaise, Christian Seranot, qui participeà l’émission Prismes sur RFO, connaît bien les auteurs du Serpent à plumes», assure Jean-Paul Bertrand, le patron du Rocher, responsable de ces nominations. Il affirme que «seuls quelques-uns des auteurs se sont inquiétés de la cession, alors qu’on les prétend tous mobilisés contre. Nous les avons rassurés». Pour ce qui est de Pierre Astier (exdirecteur/fondateur duSerpent) et de Pierre Bisiou (exdirecteur de la collection «Motifs»), «je devais les reprendre, mais ils n’ont pasvoulu venirtravailler et, au bout de 20 jours, j’ai donc dû les licencier», dit Jean-Paul Bertrand.Les intéressés soutiennent quesespropositions de contrats les déclassaient et ontsaisi lesprud’hommes. L’équipe sortante s’est aussi retournée contre Nicolas Philippe, le précédent propriétaire (qui devait recaser les autres salariés). Enfin, forts du soutien de «leurs» auteurs etd’une liste de 1400 signatures, ils ont créé une association, Les amis du Serpent à plumes. Le bureau est constitué de Abdourahman Waberi, Eloise Brésault et Sabine Euverte. Un lien est en cours de création sur le Net(1). Jean-Paul Bertrand se dit déterminé à les attaquer pour plagiat. A.-D. B R (1) http://lesplumesduserpent.free.fr Graham Swift Q roman traduit de l’anglais par Robert Davreu © Photo : J. Sassier - Editions Gallimard - 572 206 753 RCS Paris B. On cherche rarement à gagner, mais on vise plutôt le match nul. La lumière du jour Graham Swift parvient à donner à une langue simple et dépouillée une puissance incantatoire qui explore la mémoire, le deuil, l’amour et la perte. GALLIMARD VIII LIBERATION J E U D I 2 2 AV R I L 2 0 0 4 E n f a n t s Les Grimm parfaits Contes de Grimm, volumeII. Illustré par N I KO L A U S H E I D E L B A C H Seuil, 336 pp., 30 ¤. L ’éclectique collection de contes des éditions du Seuil voyageait déjà de l’Asie au Mississippi, d’Italo Calvino à Henri Gougaud. Avec ce double volume (dont la première partie est parue en octobre), elle nous emmène en Allemagne retrouver deux frères que nous croyons connaître sur le bout des doigts, et un auteur-illustrateur pour les enfants qui nous avait enchanté avec Que font les petits garçons? Un album ovni, hors des modes et du temps (paru en 2000 chez le même éditeur). «Au départ je ne voulais pas illustrer Grimm, c’est très comique, raconte Nikolaus Heidelbach, rencontré à Paris, dans un français courant rythmé de silences. Mais, dans le cadre d’un travail collectif, mon éditeur m’a demandé deux ou trois images que j’ai réalisées avec beaucoup de plaisir. Ensuite, il m’a annoncé que tous les autres, très occupés, se retiraient du projet et qu’il ne restait que moi pour le mener à bien.» Deux ans plus tard (dont trois mois consacrés à la lecture des textes dans leurs différentes versions), paraissait, il y a neuf ans, en Allemagne ce recueil de 220 contes choisis par l’illustrateur. Soit le Petit Poucet et autres Chaperon rouge, «vous savez bien qu’on ne pouvait pas les éviter», et d’autres moins connus comme l’Argent du ciel ou la Clef d’orqu’il s’est plu à dénicher. Pour les premiers, si souvent et depuis si longtemps représentés, il a rusé, comme les héros des contes, les dessinant souvent de dos. Sa façon à lui de déjouer une imagination collective imbibée de Disney. Pour les deuxièmes, il a cherché à créer des images, bien sûr nouvelles, mais dans les deux cas, au plus près de l’univers évoqué. Heidelbach n’a pas souhaité greffer des éléments modernistes, ni recherché la radicalité. Quand nécessaire, il a emprunté à Vermeer, Maurice Sendack ou Tomi Ungerer, mais l’objectif était de correspondre aux Grimm. «C’est prétentieux et je ne sais pas si j’ai réussi mais c’est ce que j’ai essayé de faire.» Les contes ne sont donc pas traités séparément. L’illustration a pour rôle de restituer un tout. Ainsi, durant ces deux années éreintantes, le dessinateur, immergé dans les couches profondes du monde grimmesque, a-t-il fait surgir avec parcimonie de son chapeau géants, nains, princes, princesses, sorcières et vilains… de rigueur. «Un ou deux par type, pas plus. J’espère que le lecteur mémorisera le géant précédent, et je me consacre alors à un autre personnage et ainsi de suite…» Les cheveux, les poils, les tissus sont travaillés à l’extrême: le réalisme était-il obligatoire? «Dessiner des costumes ou des intérieurs d’époque m’ennuie terriblement. Mes compositions sont de bric et de broc, un chapeau d’infirmière anglaise par-ci, un tablier de bonne danoise par-là, un poêle de Berlin, un fauteuil contemporain et le décor est posé. Il y a en allemand un terme qui signifie quelque chose comme “l’objet déplacé”, je crois que cette notion est très présente dans l’art du XXe siècle. On utilise des éléments réalistes que l’on transforme, comme le journal dans les images de Picasso, et l’on crée son réalisme à soi.» Ses dessins accrochés au mur, chez lui, il vérifie auprès de ses proches, notamment de son fils de six ans à l’époque. Si celui-ci reconnaît une grenouille, un lit, la princesse qui est dedans, les images sont alors validées. Si le monde d’Andersen qu’il illustre en ce moment est satirique, celui des Grimm est souvent inquiétant et cruel. Comment en rendre comp- N I KO L A AU S H E I D E L B A C H . S E U I L Nikolaus Heidelbach ne tenait à pas illustrer les Contes. Et pourtant... te dans ce registre figuratif auprès des jeunes lecteurs? «Mon éditeur qui connaît bien les contes et me connaît également craignait que je fasse des massacres toutes les deux pages.»En fait, les images inquiètent parce qu’elles en savent plus long que nous. Le dessin sous-traite l’information. L’horreur, le macabre, les bouts de corps ou les crânes de mort, attendent hors cadre ou cachés dans un placard sous notre nez. Lisse comme une eau trop tranquille, l’illustra- tion renvoie à l’inquiétude qui plane dans de nombreux récits. Le manque de résolution de l’une renvoyant aux fins ouvertes des autres, et donc à nos tourments. «Dans l’Homme-de-fer, je montre un chien assez tranquille mais, si on a lu le conte, on sait que ç’en est fini de lui la seconde d’après, il sera englouti dans l’étang à jamais. J’ai choisi l’illustration d’avant la virgule; j’aime travailler comme ça.» CORINNE JULVE Etre transparent Objets vivants Un amour de Japon euille de Verre raconte l’histoire d’un garçon si maigre qu’on peut voir à travers son corps. Arrivé clandestinement à Tanger, «la ville blanche qui n’a rien de blanc», il parvient à se débrouiller dans toutes les situations, sauf quand il doit exprimer ses pensées ou ses émotions les plus fortes. Il ne sait ni lire ni écrire. Recueilli par une vieille Espagnole qui se fait assassiner, il est soupçonné, arrêté, puis relâché, il devient presseur d’oranges, vendeur de journaux, docker, marchand de cigarettes et garçon à tout faire sur le tournage d’un film, et rencontre une série de personnages aux noms étranges: le Monstre Bicéphale, gardien du Club Med qui a vraiment deux têtes, ou encore le Bègue, jusqu’à ce qu’un journaliste arrive et lui propose d’écrire l’histoire de sa vie. Dans ce récit aussi dépaysant qu’émouvant, l’écrivain marocain Kebir M.Ammi, qui écrit aussi pour le théâtre, développe les thèmes de la solitude et de la pauvreté dans une écriture à la fois humoristique et poétique. n nous parle d’un tabouret amoureux d’une chaise qui elle préférait l’escabeau, lequel n’étaitpas insensible au charme d’une échelle qui de son côté en pinçait pourun ascenseur. Des amours un brin décalées comme il en arrive parfois. Onnous parle aussi de boîtes aux lettres lettrivores, au bord de la crise de foie, trop de factures, pas assez de mots doux. Ou de Monsieur Lucien, si fier d’arborer sa décoration de «Salsifis émancipé»qu’il en oublie d’enfiler son pantalon lorsqu’il sort, dès l’aurore, parader dans les rues. Ou encore d’une très laide dame derrière un très bel éventail; d’une coccinelle si volage qu’elle en perd ses points noirs; d’un chat végétarien… Prévert, Desnos, Queneau ne sont pas loin mais nous sommes chez Pierre Louki. Sa musique particulière se note en hirondelles posées sur fils électrifiés. Une partition de saison. Pour accompagner ses textes, les sobres images à l’encre de Yak Rivais. En cas de morosité, prescrire ces poèmes et d’autres de la collection sur papier ivoire à raison de deux ou trois, une demi-heure avant chaque repas. errière son paravent, Sei Shonagon écoute les confidences de riches Japonais. Ils ne la connaissent que par sa voix et par son parfum. Ces confessions font revivre en elle un passé déchiré entre deux cultures, occidentale et orientale. Rapatriée au Japon après lamort de son père d’origine américaine et ramenée chez son oncle, un conservateur qui veut faire d’elle une enfant de la bonne société japonaise, elletrouvera recours dans le dessin et les légendes orientales. Ses souvenirs sont mêlés aux récits de ses clients qui voient l’archipel sous des angles différents. Le véritable Japon est dans le quotidien, le passé de cette femme, et l’histoire d’amour qu’elleconnaît alors. Elle lui donne ce qui lui a manqué pendant toute son enfance: «Il vint d’abord à moi comme au sortir d’unjardin. C’est ce dont nous parlions, au début. Le mystère de leur influence (les jardins), le fait d’en emporter avec soi lorsqu’on voyage sans cesse, jusqu’à ce qu’on puisse de nouveau mettre à plat ses idées et son désir d’espace, ici ou ailleurs, y pénétrer et s’y retrouver, dans un calme parfait.» P I E R R E L O U K I , YA K R I VA I S Les Boîtes aux lettres Editions du Rocher «Lo Païs d’enfance», non paginé, 9,95 ¤ (à partir de 6 ans). DR LAURIE FOURCADE O DR F JA N B L E N S D O R F On m’appelle Sei Shonagone Traduit de l’anglais par Marie Boudewyn. Calmann-Lévy, 226 pp., 13 ¤. C.J. D DR KEBIR M. AMMI Feuille de verre Gallimard Jeunesse, 115 pp., 8 ¤. SOPHIE MEURET