femme dans - Bibliothèque Nationale du Royaume du Maroc
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Solidaire avec VO'US • sommalre Avril 1986 Dossier de presse: 3/86 KAliMA Directeur de la Publication Noureddine A YOUCH Directrice Déléguée Rachida BENNIS Responsables de la Rédaction Adil HAJJI Hinde TAARJI Reportages Touria HADRAOUI Chefs de Rubrique Marie~France ALAOUI Fatlouma BEN ABOENBI Fatém~lahra EL BOUAB Khadija EL lEMMOURI Collaborateurs Chérita ALAOUI Amina A YOUCH Mohamed Fouad BENCHEKROUN Abderrahim BERRADA Nejib BOUDERBALA Aicha CHENNA Michel CONSTANTIN Noureddine EL AOUFI Rachida ENNAIFER Souad FILAL Fatéma GALLAIR~ Ghislain RIPAULT Jocelyne LAABI Abdelaziz MANSOURI Fatéma MERNISSI Driss MOUSSAOUI Amina SAID ISKRA Directrice Artistique Karima TAli CALLy Directeur Artistique Adjoint Hassan FETHEDDINE Photographes Hamid lEROUALI Jalil BOUNHAR Responsable de la Publicité Khadija M'BIR KOU IMPRESSION: SONIR KALI MA: 18, Rue Ibn Yala - Casabianca Tél. : 36.24,89 Dépôt Légal nO 36/1982 A VOIX HAUTE ~--------------- 3 Masculin - Féminin FEMININ - PLURIEL - - - - - - - - - - - - - - 4 Hinde TAARJ 1 Un dimanche à la campagne Michel CONSTANTIN Et si la féminité allait disparaître Adil HAJJI Portraits de dragueurs Elles bougent «J'étais une analphabète» 8 6 12 propos recueillis par Touria HADRAOUI FEU VERT 24 Vivre le couple LE POINT Esclaves d'hier: «Dadas», histoires de vies 49 dossier réalisé par Hinde TAARJI BEAUTE - MODE Azzedine Alaïa : un arabe au sommet de la mode 42 39 F.Z. EL BOUAB Attention, le Ramadan est bientôt là ESPACE - J U N I O R S - - - - - - - - - - - - - - Histoire d'un drôle de vœu Lettre ouverte MIEUX 32 Jocelyne LAABI 35 ETRE----------------- L'acné 23 Dr Khadija EL ZEMMOURI CULTURE - - - - - - - - _ Nouvelle: Lalla Keltoum Les «citadelles» féminines Poème: le cœur de l'amour Assia Djebbar : Présences du passé, Esquisses de l'horizon Amina 58 60 Khadija ABDERRAHMANE Abdellatif LAAB 1 Qassim HADDAD 36 sAlo & Ghislain RIPAULT 64 Najib BER RADA Touria HADRAOUI 15 Noureddine EL AOUFI 20 BOUTIQUE DU DROn Le divorce Témoignages 17 L'ECONOMIE EN QUESTIONS Au secours! la T.V.A. est arrivée A L'AFFICHE Courrier des lecteurs Panier à idées Chaussez-vous de multicouleurs 71 48 46 MASCULIN Kalima en est tout juste à ses premiers balbutiements que déjà certains aspirent à la cataloguer et à l'enfermer dans une définition bien nette. On la tourne, on la retourne, on la compare aux revues existantes sur le marché, la classant parmi celles-ci puis parmi celles-là, bref, on lui cherche désespéremment des sœurs ou des cousines pas trop éloignées. En vain. Alors, quelques critiques, bien spécifiques, fusent. Kalima se pose en tant que revue féminine et déclare vouloir s'adresser aux hommes et aux femmes. Première contradiction nous dit-on. On ne s'adresse pas aux hommes et aux femmes mais aux hommes ou aux femmes. Dans la vie, il faut savoir ce qu'on veut et choisir son camp. Deuxième hic: si Kalima est une revue féminine, pourquoi faut-il se casser la tête à lire autant de pages ? Où est le rêve et l'évasion? Question tapis volant, c'est un peu loupé. Les jolies madames n'abondent pas et côté cuisine, il n'y a pas de quoi nourrir son homme. Comment cette revue peut-elle être considérée comme féminine si la féminité n'y est pas exaltée comme il se doit? Nous y voilà! Hommesfemmes, à chacun son monde, à chacun ses centres d'intérêt. Pas - FEMININ de confusion de rôle et vive la séparation des sexes. Ce raisonnement, Kalima ne le trouve pas réellement à son goût. Mais alors, franchement, pas du tout. Pour Kalima, être femme ne se résume pas à être belle, à faire de beaux bébés et à mijoter de bons petits plats. La vie offre à celle-ci, au même titre qu'à l'homme, de multiples moyens de s'épanouir. Pourquoi lui réduire ses chances en limitant son univers ? Son esprit requiert autant d'attentions, sinon plus, que son corps. Kalima parle donc de mode et de beauté comme d'économie et de culture. Le désir de plaire existe chez la femme mais aussi chez l'homme. L'augmentation des prix s'impose à l'homme mais aussi à la femme. Alors de grâce, cessons de «féminiser» ou de «masculiniser» des questions qui nous concernent tous. Femmes comme hommes, nous visons tous un même objectif : être bien et être bien ensemble. Pour cela, un seul moyen: le dialogue. Nous devons apprendre à nous parler pour apprendre à mieux nous connaître. Or, ce n'est pas en restant chacun dans son monde, chacun dans «sa» revue que nous y parviendrons ! KA LIMA J j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j Depuis l'aube des temps, la sueur féminine se mêle au soleil et à l'eau pour que vive la terre. Cette réalité, quoique connue, est trop souvent occultée. Kalima a donc décidé d'aller à sa rencontre, redécouvrant ainsi çette hospitalité du cœur dont les gens simples détiennent le secret. Pendant une journée, près de Zhor qui vit un rythme d'antan, nous avons vécu au rythme des champs. Hinde Zhor ignore les variations de cadence. Entre ses doigts noueux, les mamelles s'allègent et le lait coule paisible, au fond du seau. Cinq heures du matin. Une aube nouvelle, un jour nouveau, mais les mêmes gestes qui se répètent. Emerger du sommeil en solitaire. Se diriger dans la fraÎcheur matinale vers l'enclos des bêtes. Lire le premier bonjour dans le regard lourd des vaches. Malgré des petits enfants en série et des articulations qui gémissent, Une fois celui-ci rempli, retour parmi les hommes. Il faut chauffer l'eau, préparer le thé, disposer le pain, assurer l'édition numéro un du petit déjeuner. A tour de rôle, mari et fils se dégagent des langueurs de la nuit, piquent un verre au vol, avalent quelques bouchées et s'en vont. Leur journée démarre là-bas, sur un vague chantier, dans une autre poussière. Après leu. départ, la maison. née commence à s'agiter. Les plus jeunes se réveillent. Un nouveau petit déjeuner est servi. Du haut de son statut de mère et de belle-mère, Zhor distribue le travail à chacun. Comme partout ailleurs, il faut ranger, laver, moucher et torcher les gosses. Préparer le repas aussi, bien sûr. Mais sans aucune des facilités ménagères qui déchargent les citadines. Le pain ne demande pas simplement à être fait. Il faut encore le cuire dans le four en terre qui trône j quelques pas du seuJ. De son côté, le lait exige son quota TAARJI d'énergie. Avant sa mise en bouteille, il passe par le filtrage afin que nul élément indésirable n'entache sa pureté. Secoué et battu, le pauvre malheureux se transforme en beurre, « Iben »OU fromage. Riche en rendez-vous, l'agenda de cuisine de Zhor ne désemplit pas. Pourtant, c'est encore dehors que réside le plus gros de son travail, la responsabilité d'entretenir les champs, de donner vie à la terre revenant en priorité aux femmes. « Mon mari est maçon, raconte notre hôtesse. Mon fils ainé loue ses services à un patron. Eux ramènent l'argent de l'extérieur; nous, les femmes, nous le produisons sur place. Les « frêles » épaules féminines sur lesquelles d'aucuns se plaisent à palabrer supportent là un sacré poids. Le sexe dit faible, face à de telles charges n'a nul droit à la faiblesse. A la production de sueur, par contre il est abonné permanent. Les tâches varient en fonction des jours mais ne connaissent ni ralentissement ni réduction. « Quand le travail de la maison est terminé, il faut s'attaquer à celui de l'extérieur. Sortir les bêtes et les amener paÎtre. Tirer l'eau, creuser des rigoles et arroser les cultures. Sare/er, semer ou moissonner selon la saison. Et, tous les jours, surveiller les récoltes, cueillir ce qui doit être cueilli, arracher ce qui doit être arraché, planter ce qui doit être planté ». A midi, puis quand le soleil tire sa révérence, Zhor abandonne bêles et plantes pour se plonger dans un autre univers: celui du tissage. Pour lui sa préférence est nette. « Le travail de la laine est beaucoup plus intéressant que le travail à l'extérieur. On est à l'abri de la chaleur, du froid, de la fatigue. On reste propre loin de la poussière et de la boue », explique-t-elle en se lançant dans la description des différentes étapes. «Dieu ra ainsi vou/W) Une fois l'an, les brebis passent à la tonte. Lavée avec de Sur le visage brûlé par le quelques semaines. Ceux que la « chaba », puis séchée, leur laine est ensuite peignée avant soleil, le foisonnement des vous voyez aujourd'hui ont d'être filée. De Sidi Maârouf, rides contraste avec la vivacité grandi sans piqûres, sans une jeune fille vient alors aider du regard. Zhor pourtant, ne médicaments, sans rien du Zhor pour dix dh la journée. doit pas avoir connu un nom- tout. Pas comme cette catasL'épaisseur à donner au fil de bre impressionnant de prin- trophe de génération, ajoutelaine varie en fonction de la temps. Une cinquantaine tout t-elle en désignant ses petitscommande (tapis, jellaba ou au plus. Mais les efforts con- fils. Pour un mal de tête, il faut couverture). Avant d'entamer tinus exigés par une vie de dur le docteur, un mal à l'oreille, le l'opération finale du tissage, labeur ont marqué ce corps qui docteur, un mal au ventre, le les différentes teintures dési- commence à s'affaisser. « Le docteur... on n'en finit plus. rées sont appliquées. Pour un travail des champs me devient Des enfants de la seringue, tapis de quatre à cinq mètres de plus en plus pénible, des enfants du comprimé ... de long, un mois de travail e~t reconnaÎt-elle. Je ne le sup- voilà ce qu'ils sont». Que nécessaire. En l'envoyant en porte plus. Heureusement, les l'absence des soins médicaux ville pour la vente, Zhor espère enfants sont là pour me don- lui ait coûté douze petits ne en retirer deux mille à deux ner un coup de main». change en rien son opinion. mille cinq cents dirhams. « Ce Des enfants, Zhor en a eu Bien au contraire. « Si les sont des tapis pour mariées, vingt pour n'en voir survivre vingt avaient vécu, dites-moi, s'enorgueillit-t-elle en dérou- que huit. « Certains, raconte- comment aurais-je fait, moi, lant son dernier-né. Garantie t-elle, sont morts à la nais- pour vivre?» A défaut de pure laine, sans triche ni sance. D'autres se sont éteints contraception, vive la sélection dans mes bras au bout de naturelle, semble-t-il ! arnaque»· A la campagne, les enfants sont d'un précieux secours car ils constituent la main d'œuvre indispensable à la bonne marche du travail. Avec ses deux filles et ses six garçons, Zhor a largement gagné sa place au paradis. Autour d'elle, seuls les seconds sont présents, les premières ayant trouvé chaussures à leurs pieds. Trois d'entre eux (huit, dix et onze ansl fréquentent encore l'école. Les cadets chôment. Quant à l'aîné, il a, pour le bonheur de tous, femme et emploi. Epaulée par sa belle-fille et les trois plus jeunes, Zhor envisage cependant de marier rapidement ses cadets afin d'avoir d'autres femmes pour la seconder. Au moment de notre rencontre, elle fulminait justement contre la promise de l'un de ses fils qui désirait s'installer en ville après son mariage. « Au prix où sont les loyers, c'est de la folie. Ici au moins, ils auront un toit gratuit et quelqu'un pour garder les gosses », m'explique-t-elle en omettant toutefois de souligner son interêt dans l'affaire. Malgré la dureté de sa condition de paysanne , Zhor n'envisagerait pas une seconde de changer de place avec une citadine : « Quand je vais en ville, au bout de quelques heures, je ne supporte plus de rester assise comme une malade. Ici au moins l'espace est à toi. Tu ne te sens jamais enfermée ». Circuler à son aise obéit cependant à des règles. Ainsi, chaque mardi, un souk se tient dans les alentours de la ferme. Mais pour elle, il est« défandé ». Ce sont donc les hommes qui se chargent de la vente de ce qu'elle cultive. Respectueuse des normes, soumise à son destin, Zhor s'en prend plus facilement aux «femmes aux mains brisées» qui négligent leur travail, qu'aux exigences de celui-ci. « Rien n'est jamais fini pour nous, reconnaît-elle. Il faut passer en permanence d'une activité à une autre, de la terre à la laine, du lait au blé, du bois à l'eau ... L'homme, lui, une fois sa journée terminée, rentre, se lave, prie ... et s'assoit. Mais Dieu l'a voulu ainsi». Peu de gens peuyent se l'anter de n'ayoir jamais, au grand jamais, tenté (élégamment ou non) de faire ralentir une passante pour lui glisser un compliment (sincère ou non), une parole gentille, ou lui proposer un rendez-yous. Ou pour, parfois, tout simplement, meubler le temps. Le spectacle (tantôt amusant, tantôt affligeant) d'un homme interrompant la droite trajectoire d'une femme dans la rue est fréquent, c'est Je moins qu'on puisse dire. M1lis ce n'est pas l'apanage de nos régions. Même si, côté séduction "sauyage", depuis que la rue est l'objet d'un partage, les progrès du pays ont été fulgurants. Ce qui ne l'eut d'ailleurs nullement dire que nos grands-pères s'interdisaient de rêyer d'une rencontre ou ignoraient la tentation de transformer un hasard merYeilleux (le passage d'une belle semant des frissons sur son sillage) en destin ... Invité chez nous, le Persan de Montesquieu, obseryateur impartial s'il en est (à condition, bien entendu, de supposer que, ignorant tout de sa patrie d'aujourd'hui, il ne puisse se sentir tenu ni de nous réciter une tirade inquisitrice ni de nous faire douter de nous mêmes...), notre Persan donc se dirait que, ma foi, tout le monde tente sa chance et que, faute de lieux sereins de rencontre, la rue reste, pour nombre de gens, le moyen idéal - ayec l'alcool - de tromper la solitude. Indulgence ou pas, il n'en reste pas moins que les moyens mis en œuyre pour entrer en rapport ayec une représentante du genre féminin ne sont pas toujours du goût des principales intéressées. La trayersée de la rue, pour elles, peut se réyéler harassante. Un yéritable champ de mines. Deyançant une étude plus sérieuse, ô combien, de la drague, qui reste à faire, nous ayons répertorié quelques attitudes, quelques "spécimens" archi-yus... mais toujours cocasses. C'est l'Tai, les dragueurs se répètent et se copient. Que les originaux nous pardonnent ces instantanés réducteurs! A.diIIl.U.l1 Discret au point d'en être invi~ sible, ce timide chuchote si fai~ blement quand il s'adresse à une passante, qu'on pourrait facilement le prendre pour un demeuré. /1 ne veut aucun mal à celle qui attire son attention, mais il prend tellement de précaution que, de loin, on le croirait affairé à apprivoiser quelque moineau. C'est un rêveur pour qui la femme est aussi lointaine que la voie lactée. Mais sa réserve étonne tant qu'on doit insister pour qu'il répète sa phrase d'abordage. Son arme c'est la maladresse. C'est un rare spécimen de séduc~ teur assisté. Toutes les demiheures, il croit avoir aperçu la femme de sa vie. Mais, il est très indécis. C'est le recordman des manœuvres d'approche. Le type même du chômeur heureux, car ses tentatives multiples, ses essais avortés, occupent largement ses journées. 6 Seul ou en compagnie d'un ami, c'est au volant de sa voiture qu'il repère « la chose ». Il roule lentement, comme une camionnette de police faisant sa ronde; Il prend son temps, il jauge de loin, apprécie les prouesses de chaque physionomie, de toute la morgue de l'automobiliste. Persuadé que posséder une voiture n'est pas rien, il prend cette commodité pour un atout Jécisif. Vaguement lâche, il sait qu'il peut s'éloigner en toute impunité en cas de colère de la piétonne et qu'une gifle par la fenêtre n'est pas facile à ajuster. Célibataires ou mariés, étudiants ou salariés, fauchés ou opulents, ils sont légion à avoir adopté ce moyen de « faire connaissance ». Opérationnel, discret et économique en salive. Entre les heures de bureau, avant de rentrer à la maison, de retour de la plage ou à temps complet, ces chasseurs sillonnent le désert affectif de la ville. Une bande de garçons aussi délicats qu'un bulldozer apostrophent une jeune fille, l'assourdissent de sifflements extasiés et flatteurs, font le grand cercle autour d'elle, s'étonnent de ce qu'elle ne leur accorde pas sur-le champ un rendez-vous. Outrés, ils émettent vulgairement des doutes quant à sa vertu, l'insultent et la harcèlent de plus belle. On pourrait appeler cela la séduction « de force ». Dans ce cas, très répandu, ce n'est pas un individu qui drague mais une coalition de mâles, plus frustrés que des marins sillonnant en temps de • guerre les océans. Ils se font peu d'illusions sur l'efficacité de leur démarche... et ils ont raison. Mais l'essentiel, pour eux, c'est l'exercice, la timidité vaincue par les petits moyens, la solidarité manichéenne du groupe. ••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• •••••••••••••••••••••••••••••••••• ..•................ ~ . INTERDICTION 'DE CIRCULER «Alors beauté, on cherche un peu de compagnie ? Le regard me déshabille, le verbe m'agresse. Le visage en feu, un peu désorientée, le pas moins assuré, j'hésite entre deux attitudes : ne pas ré~gir, presser le pas et fuir devant l'assaut, ou faire front, crier ma révolte et mon indignation. Mais déjà un autre assaillant se met de la partie, l'hésitation devient angoisse; je ne suis plus qu'un objet que se disputent des regards avides et pleins de convoitise. La scène se répète et le sentiment persiste. La rue me semble soudain hostile, un espace réservé aux hommes. Parce que je suis femme, je m'y expose à tous les outrages. L'angoisse s'estompe, l'indignation la remplace et la révolte s'installe. J'ai envie de crier que la rue est mienne et que sont révolus les temps obscurs ou je n'avais pas le droit d 'y circuler. Je n'hésite plus. Pas question de reculer, de m'entortiller dans des attitudes de fuite qui sont autant de nouveaux voiles dictés par la société. Je relève la tête et j'avance; La rue est mienne. Et gare aux interdits.» . L'homme des autobus Lui, il a élu domicile dans les pittoresques bus de la R.A.T .C.. Les jours de cohue sont pour lui jours de fête. Coincé entre quatre épaules, trois sacs en plastique et quelque voyageuses, il jubile. C'est un voleur de sensations... C'est le moins bavard des dragueurs, car il opère en silence. Question de stratégie. Nous ne pouvons en dire plus. .,," __ . .-~""'. ''''l'~ ._.~ .--- ... .... '~ ::::::. :-:::. ...........-..- ._. - _1-- ....,--- .... ~...-';-" La ventouse culottée Lui, il ne se découragerait pas même devant un escadron de femmes fraîchement enrôlées. Têtu et sûr de son droit, il ne demande pas un rendez-vous, il l'exige. Insistant comme un receveur des impôts ou un mendiant pressé de finir sa journée, il ne s'avoue jamais vaincu. Un « non » pour lui ouvre sur un marchandage infini. Il fait le sourd et submerge sa victime de mille arguments pour qu'elle n'écoute pas la voix intérieure qui lui souffle la méfiance et le devoir de réserve. Il ne lui viendrait pas à l'esprit que l'élue de passage puisse ne pas le trouver irrésisti· ble ou que, simplement, son cœur soit occupé par un ~lUtre ..Quand on le croit découragé, il refait surface dix minutes plus tard, à un kilomètre du lieu initial, toursourire, saluant comme il saluerait une vieille amie d'enfance. Ce maniaque de la rencontre a plus d'un tour dans son sac. 7 C'était somme toute une "soirée" casablancaise assez typique. Abondance de vivres et profusion de boissons. Toilettes étourdissantes et coiffures dans le vent. Bonne humeur désarmante. Eclat des ors et des pierreries. Conversations légères n'évitant ni les imprévus de la saison, ni la mollesse des affaires. Une réunion intemporelle, qui aurait pu se tenir il y a dix ans et qui distillait, comme il y a dix ans, le même ennui. Les groupes se formaient et se dissolvaient, au gré des convenances, chacun se croyant obligé de redire à chacun les mêmes mots usés, les mêmes qu'il y a dix ans, et les mêmes que l'année prochaine. Je laissais le temps s'écouler, paresseux, jusqu'à ce que la voix d'une jeune femme, apparemment militante passionnée de la modernité de la condition féminine, ne vienne me tirer de ma torpeur. Militante, certes, mais au fil des phrases je prenais conscience de ce fait contradictoire qu'elle n'était pas prisonnière de quelque théorie privée d'âme et de vie, qu'elle n'était pas prise au piège d'un système méthodiquement élaboré par d'autres. Ce qui me plaisait en elle, ce qui faisait son charme et la vigueur de sa conversation, c'était la fraîcheur de sa pensée qu'on sentait issue d'une réflexion personnelle. Elle ne rabachait pas quelque leçon bien apprise, et les mots sonnaient clairs, même si elle hésitait et butait avant que sa pensée ne jaillisse, catégorique. Je l'écoutais avec de plus en plus d'attention, la remerciant intérieurement d'écourter mon temps de punition. "En Allemagne, en Belgique, aux Etats-Unis, les femmes ont lutté et ont atteint, ou sont sur le point d'atteindre, un niveau social identique à celui des hommes. Elles·sont parvenues à desserrer les liens qui les entravaient, puis à les trancher. Et dans peu' de temps, dans très peu de temps, elles pourront se battre à armes égales avec les hommes. " Je me rapprochais et questionnais : "Pensez-vous que la "femme occidentale", telle que nous la voyons, telle que nous l'imaginons à travers l'image qu'elle se donne, puisse être un modèle pour toutes les autres femmes 7" « Je ne parle pas de modèle, Monsieur. Mais d'un type de voie à suivre, parce que la conquête de l'égalité me semble être la seule solution pour que notre sexe retrouve la place qui lui est due dans la société. » BLAZER bleu et noir rayé, chemise blanche col-cassé. SANA-SHOP Et elle ajouta que si j'avais mieux à proposer, elle était tout à fait prête à m'écouter, là, tout de suite, et à en débattre. Sans fards et sans retard. Elle appartenait bien à cette jeunesse qui vit dans l'instant, à cette génération de l'ordinateur, habituée à résoudre les pires équations dans la seconde qui suit. A cette génération détestant toute idée du mûrissement et ne supportant pas de méditer longtemps sur une unique question. Quant à moi, je regrettais tout aussitôt ma vivacité et cette habitude de vouloir toujours remettre les modèles en question, parce que j'avais le sentiment d'avoir brisé une belle harmonie entre toutes ces femmes. Et puis non, je n'avais pas mieux à proposer, et je gardais le silence. Mais elle n'était pas femme à lacher sa proie. Après tout, poursuivit-elle, elle voulait bien débattre des mérites de toute autre lutte féminine de par le monde. Et elle souriait, ironique, sachant bien que j'aurais quelque difficulté à trouver un combat plus avancé que celui de la femme occidentale. S'évader d'une prison pour s'enfermer dans une autre Poussé dans mes retranchements, sous peine de passer pour le pire des imbéciles, je dus bien convenir que je n'avais pas de modèle de rechange. Qu'i! n'yen avait pas encore dans les super-marchés, à côté des déodorants. Son regard, hormis son contenu triomphal, évoqua pour moi ce qu'avait dû être celui de Dieu le Père chassant Adam et Eve du jardin d'Eden. Il me rabaissait au rang de ces individus qui parlent pour ne rien dire, qui provoquent pour le plaisir et esquivent le véritable combat. Il me fallait croiser le fer. « J'ai le sentiment, dis-je, que loin de conquérir une quelconque liberté, la femme occidentale ne fait que s'évader d'une prison pour entrer dans une autre, et de son plein gré. Il y a cinquante ans, trente ans, sa personnalité, son caractère, son être tout entier étaient encore enfermés dans le carcan familial, dans les limites grotesques de l'entretien du mari et de l'élevage des enfants. Elle était mutilée... Mais se libère-t-elle en faisant son entrée dans le monde du travail, en se donnant un rôle social productif et en s'octroyant une parcelle du pouvoir économique? Croit-elle gagner la liberté en imitant l'homme point par point? En devenant identique à lui? Je l'admets, c'est un progrès par rapport à ce qu'elle était, mais ... » « Vous ne pouvez nier que la liberté passe par le pouvoir économique ! Et c'est par ce biais que les femmes, en Europe, ont pris en main le destin collectif de leur espèce. Et ici aussi nous nous battons! » Et d'un ample mouvement du bras, elle engloba toutes les femmes présentes. Je suivis son geste des yeux et, malgré toute ma bonne volonté, malgré mon désir d'adhérer à son enthousiasme, je ne vis que des copies d'occidentales. Des faux pour la plupart. Parées, fardées, corps révélés et vêtements colÎteux. Eclats de voix juste un peu trop sonores. Tout ceci n'ayant d'autre fonction que d'attirer le regard. Je pensais que pour beaucoup d'entre elles le modèle était bien imité, au moins quant aux apparences extérieures. Elles ressemblaient assez à ces poupées de cire du musée Grévin, parfaites, mais sans vie. Nous n'avons pas le choix « Non, j'en suis désolé, mais ces femmes là ne combattent pas. Leurs époux appartiennent à une élite, se situent à un niveau social élevé. Et tout le combat de ces femmes, toute leur ambition, se limite à donner l'apparence d'appartenir à cette position sociale, alors qu'elle n'est pas forcément la leur, ni intellectuellement. ni culturellement. La parure n'est ici q~'un trompe l'œil ». « Mais que faites-vous de toutes ces femmes qui ont suivi des études universitaires complexes, comme les hommes, qui sont devenues médecins, avocates, 9 juges, comme les hommes ? Pensezvous sérieusement qu'elles aussi ne sont que des faux semblants? » J'apaisais son indignation en l'assurant qu'à l'évidence les femmes étaient parfaitement capables d'assumer les mêmes fonctions sociales que les hommes. Mais pourquoi leur libération passerait-elle fatalement par l'imitation de ces fonctions? Ne voyait-elle pas que cela les mettait dans l'obligation d'assumer un double rôle, de renforcer leur propre affiche publicitaire de femme, de devenir de plus en plus "sexy", comme on aurait dit dans les années 50 ? Si leur libération passait par un renforcement, par une sur-activation de leur fonction sexuelle, parce qu'il leur fallait bien rester une partenaire possible pour l'homme, si elles étaient dans l'obligation de consolider une aliénation pour en briser une autre, c'était non seulement jouer avec le feu, mais gravement hypothéquer l'avenir. Nous argumentâmes quelques minutes, nous lançant au visage telle ou telle revue, tel ou tel exemple, des titres d'ouvrages, chacun cherchant à grossir ses arguments et à leur donner l'aval de telle ou telle personnalité. Le débat s'alourdissait et perdait de sa fraîcheur. Lorsque sa conclusion fusa, elle nous tira d'un enlisement peu glorieux. « Nous n'avons pas le choix! Vous ne nous laissez pas le choix! Nous savons que vous ne reconnaîtrez pas de bon gré notre autonomie, mais vous y serez acculés lorsque nous aurons acquis une stricte égalité dans les fonctions sociales. » Elle avait probablement raison. Mais elle n'était préoccupée que de tactique, alors que j'essayais d'étendre ma vision à l'avenir. Elle était sur le terrain, cherchant les moyens de gagner une offensive, alors que moi je regardais la mêlée, sur une orbite de Sirius. Je ne me voulais pas concerné, mais il me semblait que le combat féministe, nécessaire en soi, se dirigeait vers un accomplissement qui pourrait peut-être engendrer, non seulement des regrets, mais aussi enlever tant de charme à la vie. Il m'était pénible de voir tant de choses disparaître de ce siècle, de regarder, impuissant, la technique remplacer l'art, l'efficacité chasser la poésie. Si la féminité, elle aussi, allait disparaître... « Vous avez sans doute raison, lui dis-je. Les hommes ne sont pas encore tous prêts à vous reconnaître comme leurs égales. Et votre lutte est nécessaire. Mais vous êtes-vous parfois demandé si nous recherchions en vous notre semblable ? Et si c'était le cas, notre réflexe ne serait-il pas alors de nous tourner vers notre véritable frère, plutôt que vers vous, plutôt que vers une imitation? » J'avais mis une sorte de désespoir dans cette interrogation, parce que c'était ce que je ressentais à ce moment- là et que je voulais qu'elle le ressente, elle aussi. Mais j'étais loin de m'attendre à sa réponse. « Eh bien, si l'on considère le récent développement des tendances homosexuelles, je pense qu'on peut effectivement conclure que l'homme recherche de plus en plus son semblable, non ? » Plutôt contente de sa réplique, la dame. Et son regard de rencontrer celui de ses compagnes et de n'y trouver que jubilation. Le cercle se refermait autour de moi, on me regardait, on me pressait, on attendait. Il y avait là une sorte de défi que je ne pouvais pas ne pas relever, sous peine d'apparaître comme un inconsistant contradicteur que la moindre question épineuse mettait en déroute. « Vous avez bien dit «récent» développement ?» «Uh ... l'homosexualité est vieille comme le monde, même dans le règne animal. .. » « Sans doute, mais vous avez raison d'en parler comme d'une tendance en expansion. Et vous ne nierez pas que cet essor soit principalement localisé dans les nations industrielles, dans ces pays où justement les femmes ... » « Rien ne prouve qu'il y ait un lien de causalité. Rien ne vous permet d'affirmer! » « Comme rien ne prouve que le rapprochement des deux phénomènes n'ait pas quelque signification. » « Cessez de vouloir nous faire porter le chapeau! C'est un fait de civilisation, un point c'est tout. » « De la même façon que les mouvements féministes ! » « Vous essayez de nous faire croire que... ? » Egalité identité n' impliq ue pas Elle était indignée, à nouveau. Bien que pas totalement invraisemblable, je n'étais pas moi-même intimement convaincu par ma thèse. Je la préférais tout de même à celle du "fait de civilisation" qui n'est qu'une constatation et nullement une explication. Et puis je m'amusais quelques instants à l'imaginer coiffée du chapeau de l'homosexualité. Non, ce que je voulais dire, c'est qu'égalité n'implique pas identité. Je ne suis pas un défenseur de la femmeobjet, de cette femme que les hommes ont trop souvent inscrit dans leur inventaire de biens mobiliers. Je ne suis pas non plus partisan de la femme-objet de 10 consommation, comme tant de revues se plaisent à la présenter ... Mais je ne pense pas non plus que l'homme puisse avoir le désir intense de découvrir son reflet quand il regarde sa compagne... Parce qu'il n'est pas certain qu'il s'aime beaucoup lui-même. Vous avez un droit à l'égalité, mais vous avez aussi un devoir à la différence. Quoi que vous fassiez, quoi que vous écriviez dans vos manifestes, sachez éviter l'erreur dans laquelle nous nous traînons depuis des siècles, celle de croire que votre partenaire est sans désirs, sous peine de devenir aussi "machistes" que lui. Votre cornbat consiste plus à nous transformer, à nous rendre conscients de la légitimité de vos aspirations. J'étais fermement convaincu que la solution était là, dans le regard que nous devrions porter les uns sur les autres, et non pas dans quelque compétition visant à se disputer les degrés les plus élevés de l'échelle sociale. L'intervention à tout prix, du social dans ce débat m'apparaissait comme incongrue tant il devrait être de peu d'importance dans cette tentative de réalisation du bonheur qu'est l'union d'une femme et d'un homme. Non, il s'agissait maintenant d'autre chose. De la même façon que l'antiféminisme primaire n'était plus l'apanage que de quelques attardés mentaux, le combat féministe devait se dégager de son schéma primitif d'imitation démonstrative pour rechercher des bases de construction à long terme. Ce n'est pas en essayant d'arracher le pouvoir à celui qui le détient jalousement depuis des siècles qu'on peut espérer s'en faire un allié, mais en lui opposant une autre forme d'emprise. Je n'arrivais pas à voir comment pourrait se concrétiser cette emprise, comment pourrait s'instaurer ce mouvement de balancier, mais j'était convaincu qu'un jour, à force d'essais timides, de tatonnements et de tentatives avortées, il se déclencherait d'un coup, aussi puissant et inexorable que la mécanique stellaire. Le temps n'était peut-être pas encore venu, mais il fallait éviter que les nuages se profilant sur l'horizon ne soient porteurs que d'une pluie acide. Je pensais que nos positions étaient trop fortes pour être enlevées de front et que sans nul doute nous serions plus vite réduits par un grignotage de tous les instants que par une offensive générale culminant dans une concurrence à outrance pour le pouvoir. « Le secret du dialogue est en nous, Madame. Mais nous ne le savons pas. Montrez-nous, apprenez-nous comment nous devrions être... Car nous sommes des élèves sans professeurs. » Humeur passagère d'une femme «libérée» «Féministe 1 Vous avez dit féministe 1» «féminine plutôt 1» Non, 1 hélas ! trois fois hélas! Vous n'avez pas assez appuyé sur la dernière syllabe. «iste» a une sonorité dure, brutale. <<nine» au contraire à la liquidité légère de la femme ! Vous me condamnez, savez-vous 1 Pourquoi ce vocable méchant «féministe» 1 Ai-je l'air de la fée Carabosse, harcelée à courir ici et là, le teint blafard à force d'être recluse dans les recherches et les livres 1 C'est vrai, je vous le concède, j'ai une vie remplie, «bien» remplie. Je suis instruite, je sais lire, écrire, j'ai mes bouts de papiers, mes diplômes: me voici donc chargée de l'éducation des enfants, nommée derechèf responsable de leur scolarité. J'ai mon permis de conduire. A moi les accompagnements au lycée, à l'école, à moi les courses diverses. Je suis autonome, libre, j'ai un compte en banque: à moi la gestion r.~~nagère. Me voici promue expert-comptable de la famille: factures d'eau, d'électricité, impôts, vaccinations, papiers administratifs. L'infatiguable fourmi signe, range, classe. C'est vrai qu'on me considère comme une femme d'esprit, (valorisant 1), de tête (dévalorisant). Alors fini les gâteries, la prise en charge, l'aide de ce cher seigneur et maître, du patriarche. Responsable tu veux être? Responsable tu es. On m'a prise au mot. Ah 1 que les femmes sont bêtement bavardes. Encore une occasion perdue de se taire! «Responsabilisée». Autonome! Quel attrape-nigaudes ! Quelle nouvelle astuce masculine, mysogine 1 Mère, femme, épouse, cuisinière, aide, soignante, raccomodeuse répétitrice, levée tôt et couchée tard, c'est plutôt Cendrillon! - «Affranchie» 1 Corvéable à merci, oui. - «Libératiom> 1 Esclavage, oui. Et on pourrait s'amuser longtemps à continuer ce petit dictionnaire à l'usage de ... A force de clamer que les femmes sont capables, l'homme (<<am» a cédé. Alors «on» les fait «bosser» au four, à la cuisine, au bureau, partout. Et «on» est-il malheureux de s'être laissé dépouillé 1 Croyez-vous ! Pas du tout ! «On», épuisé par dix siècles de patriarcat, éreinté d'avoir été si longtemps le pilier, le pivot, le soutien de la famille, laisse «généreusement» et «sarcastiquement» la place. Enfin il peut se reposer. Chut! Vous allez le réveiller car le malheureux.... dort ! M.F. Jamal ALAOUI 11 J'étais une analphabète Propos recueillis par Touria HADRAOUI J e su;s très rOODnn.;ss.nte à Feu SM _ _Que peut ressentir une enfant de 12 ans --9uand on la retire de l'école au bout de quatre mois pour l'enfermer dans une maison avec un mari? Que peut-elle ressentir quand on lui fait entrevoir des horizons illimités pour lui interdire aussitôt d'en rêver? K. H. nous le révèle parce qu'elle fut cette fillette. Par sa volonté seule, elle s'est arrachée de l'ignorance et a forcé les portes du savoir. Analphabète hier encore, elle épluche aujourd'hui les œuvres de Kacim Amin et discourt sur Nawal Sâadaoui. 12 Mohammed V d'avoir incité les gens à instruire leurs filles. Pour un événement, ca c'était un événement. Beaucoup de familles ont suivi ce conseil, dont la mienne. J'avais 12 ans. On m'a envoyée à l'école. Mais seulement pendant quatre mois, au-delà desquels on m'a mariée et enfermée à la maison. Je me demande d'ailleurs aujourd'hui si ce passage à l'école n'avait pas simplement pour but de permettre à mon fiancé de m'observer de loin. Tous les enfants du Derb El Fokara où nous habitions allaient en classe. Quand je les voyais passer chaque matin leurs cartables sous le bras, je suppliais à chaudes larmes. Je suppliais la femme de mon oncle (chez qui je vivais) de me laisser retourner à l'école, juste le temps d'apprendre l'alphabet. Elle me répondait: « qui pourra dans ces conditions ouvrir quand on frappera à la porte? (comme il lui était interdit de se montrer, c'était à moi que revenait ce rôle). Aussi, pour calmer mon envie, je prenais les livres de classe de mon cousin et je dessinais les lettres sans même les comprendre. Le jour de mes noces ne fut pas une fête pour moi, mais des funérailles. Je quittais notre maison pour celle de mon mari, la mort dans l'âme, tel un condamné qu'on mène au peloton d'exécution. Deux lettres. trois lettres. quatre lettres... et le mot naissait sous mes yeux exaltés D ans la maison de mes beauxparents, il y avait un garçon de mon âge, le fils de mon beau-frère. Nous avions sympatisé et quand il ramenait des livres d'enfant, il me les lisait. Mais comme il adorait me taquiner, il commencait l'histoire puis au moment le plus' captivant, s'arrêtait, fermait Bien qu'il affirme n'établir aucune différence entre les garçons et les filles, il paye une école privée à notre fils et envoie notre fille à l'école publique. Déjà petite, j'étais allergique à la ségrégation sexuelle. Quand je me disputais avec des garçons, je faisais tout pour qu'on ne dise pas que les garçons sont plus forts que les filles. l'ouvrage et me disait qu'il voulait étudier ses lecons. Moi, je m'énervais, je tempêtais et surtout, je souffrais. J'ai alors décidé que je ne lui laisserais plus la possibilité de me jouer ce sale tour. Pour cela, il me fallait apprendre à lire toute seule. Ayant retrouvé parmi mes anciennes fournitures scolaires un livre intitulé « ",,-.JI » je me suis appliquée à déchiffrer les lettres de l'alphabet, à les comparer les unes aux autres puis à les faire suivre pour voir ce que ça donnait. Deux lettres, trois lettres, quatre lettres et le mot naissait sous mes yeux. C'était exaltant. Mon mari, en ce temps-là, achetait régulièrement une revue qui consacrait une de ses rubriques à l'alphabétisation. Grâce à elle, je suis parvenue au bout d'un moment à lire les petits contes pour enfants. J'ai ainsi fait de gros progrès en lecture, en expression orale mais en écriture, dès qu'il s'agissait de former une lettre, c'était le blocage total. Pendant de longues années, je n'ai plus tenté de surmonter cet handicap. Mais quand mon fils aîné est entré à son tour à l'école, j'ai repris goût à l'étude. J'apprenais ses leçons, je faisais ses devoirs. Cela m'a permis en 1970 de gagner un concours de Javel la Croix en envoyant un petit essai. Mes connaissances cependant restaient extrêmement limitées. J'avais besoin, pour les développer, d'une aide extérieure. J'ai voulu une première fois m'inscrire chez les sœurs. Mon mari s'y est opposé sous prétexte que c'était trop loin et que personne ne pouvait m'accompagner. Aussi, le jour où un club d'alphabétisation a été créé dans la maison des jeunes de mon quartier, je n'ai pas hésité une seconde. Bien sûr cela m'a valu une année de disputes continuelles avec mon mari, mais je n'ai pas cédé à ses pressions. Au contraire, j'ai résolu le problème en inscrivant ma belle-sœur, illettrée elle aussi. Il a été rassuré. A partir du moment où je suis en compagnie de sa sœur, il est tranquille pour son honneur. Au début)elle se rendait au club en cachette parce que sa famille se moquait d'elle et lui disait:« c'est maintenant que le vieux singe veut apprendre à lire et à écrire» (parce qu'elle a 37 ans). Maintenant elle n'a plus de complexes et se défend parfaitement bien contre les sarcasmes. Nous Je veux lire pour rejeter l'ignorance au loin -"':::_--31~ nous sommes ainsi rendu mutuellement. -, service Tous les moyens lui sont bons pour m'empêcher de lire N ous évoluons, mon mari et moi dans deux univers diamétralement différents. Il ne sait rien de moi, ne voit jamais ce que j'écris et ne comprend pas ce qui m'intéresse. Je vis dans mon monde de lecture en compagnie de Nawal Saâdaoui et de Kacim Amin, lui est plongé dans ses causeries religieuses. A la maison, je dois attendre minuit pour réviser mes cours parce que tous les moyens lui sont bons pour m'empêcher de lire. De plus, je n'ai pas intérêt à prendre sous ses yeux un ouvrage où on parle de la femme parce qu'il est devenu allergique à ce mot.1I lui arrive de se mettre en colère et de nous dire à ma belle-sœur et à moi, « tout ce que vous apprenez va finir par vous faire sortir du droit chemin ». Quand nous nous disputons, il m'accuse de vouloir appliquer ce que j'apprends dans les livres. Or moi, je sais pertinement qu'on ne peut pas appliquer ce qu'il y a dans les livres. Il faudrait pour cela que la société se transforme et que l'esprit des gens se modifie. J'essaye de discuter avec lui de l'éducation à donner à nos enfants, de lui faire comprendre comment je la vois. J e voya;, mo" o"cie happe, ma taote et je me disais: « moi, jamais je ne tolèrerai un pareil comportement ». Mais quand je me suis mariée à mon tour, j'ai dû aussi supporter énormément de choses. Je me suis murée pendant des années dans le silence, la tête baissée. Le jour où j'ai osé dire « non» tout le monde a ouvert de grands yeux. On me disait « tu es folle, c'est maintenant que tu espères changer ton mari» Les radotages allaient bon train sur mon compte. Mais cela m'était égal. Je n'écoutais personne. Lorsque j'ai décidé d'ôter le voile, ce fut le drame. Mon mari n'a plus voulu m'adresser la parole pendant trois ans. J'ai tenu bon. Ma famille, elle aussi, se moque de moi. Elle me demande où je veux en arriver, où mes forces peuvent bien me mener. Moi je veux lire pour rejeter l'ignorance au loin. Je veux pouvoir m'intégrer à la société parce que la société d'hier n'est plus celle d'aujourd'hui. Je ne veux plus vivre sur une rive et mes enfants sur une autre rive. Maintenant grâce à mes lectures, je suis toujours avec eux. Mon mari, lui reste seul dans son coin. Quand il arrive et nous trouve en train d'étudier, nous le laissons pour aller dans une autre pièce. Ça l'a touché et aujourd'hui, il commence à se montrer un peu' moins sévère. J'étais comme un oiseau en cage. Grâce au club d'alphabétisation, les portes de ma prison se sont entrouvertes. 13 OLlÎ " ou rEl" i11ti5-16.. ? :::==---- LE DIVORCE Najib BER RADA Le divorce, (<<attatlik»), est le troisième mode de dissolution du lien du mariage prévu par la Moudawwana. Il se distingue fondamentalement de la répudiation, et plus spécifiquement du «khol'», par le fait qu'il concerne avant tout une décision judiciaire qui intervient à la demande de la femme mariée. Dans le cas du «khol'», le mari reste maître du jeu pour accorder le divorce avec compensation à la femme qui le demande. En ce qui concerne «attatlik», l'initiative est juridiquement reconnue à l'épouse et la décision relève de la compétence du juge civil. La femme dispose donc du droit, non pas de prononcer le divorce, mais de le solliciter, ce qui constitue, compte tenu d'une législation qui lui est fondamentalement défavorable, un acquis non négligeable. Conçue pour s'appliquer à une société régie par la toute puissance de l'homme, la Moudawwana fait ainsi une concession à la femme en lui reconnaissant une prérogative (qui demande à être mieux exploitée) pour mettre fin à une vie commune imposée, ou tout simplement devenue impossible. Et comme pour atténuer les effets d'un droit, pourtant fort restreint, le Législateur, par excès de prudence, le soumet à certaines conditions de fond et de forme. Le code de statut personnel fut à ce point attentif à la question, qu'il a prévu de façon précise et limitative les raisons à invoquer par la femme mariée pour obtenir le divorce. Le défaut d'entretien (art. 53) Le juge prononce le divorce lorsque l'époux refuse de s'acquitter de son devoir d'entretenir son épouse. Le divorce pour cette cause n'est pas automatique, car tout dépend de l'état de fortune de l'époux et de sa bonne ou mauvaise volonté. Il sera prononcé dans trois cas précis : (1) lorsque l'époux, qui prouve son indigence, ne peut pas, après un délai que lui accorde le juge, assurer l'entretien de son épouse. (2) lorsque l'époux, qui ne fait pas la preuve de son indigence, ne s'exécute pas au jugement préalable qui le condamne à assurer l'entretien de son épouse ou à la répudier. (3) enfin lorsque l'époux, qui garde le silence sur son état de fortune, persiste devant le juge à refuser d'entretenir sa femme. Le divorce, dans ce cas, est prononcé séance tenante, sans doute plus pour l'affront fait au juge, qu'en raison d'une quelconque considération pour la requête de la femme. Quant au mari qui possède des biens apparents, le juge se contentera de le condamner à assurer l'entretien de son épouse, sans donner suite à la requête de cette dernière. Le divorce par défaut d'entretien est révocable et l'époux a le droit de reprendre sa femme pendant l'<<idda>> s'il justifie de moyens d'existence et démontre sa bonne volonté d'assurer son obligation alimentaire vis à vis de sa femme. Cette possibilité se transforme, hél?s souvent, en un jeu bien malin qui consiste à entretenir et s'abstenir. Ses adeptes ne sont, malheureusement, pas rares. Du divorce pour vice rédhibitoire (art. 54) Le divorce pour vice rédhibitoire peut être invoqué par la femme à certaines conditions. La décision judiciaire à intervenir tient compte de la nature du mal, de sa gravité et de sa découverte par l'épouse qui le dénonce. Ainsi est fondée à demander au juge le divorce (irrévocable dans ce cas), la femme qui découvre chez son conjoint un vice inguérissable affectant ses organes génitaux, ou un vice rédhibitoire enraciné et incurable, préjudiciable en cas de cohabitation, ou dont la guérison nécessite plus d'une année de soins. La démence, la lèpre, l'éléphantiasis et la tuberculose sont les cas précisément cités par la Moudawwana ; mais rien n'interdit à la femme d'invoquer d'autres maladies graves. Le juge saisi de la demande est habilité à faire appel aux spécialistes aux fins d'obtenir tout éclaircissement utile sur le vice allégué. A l'inverse, la femme ne peut invoquer le vice affectant son époux pour demander le divorce, si elle en avait connaissance en contractant le mariage, ou si, la maladie étant postérieure au mariage, elle a accepté celleci de manière expresse ou tacite. Du divorce pour sévices (art. 56) Mais du vice aux sévices il n'y a qu'un pas que certains hommes franchissent sans scrupules. Leur vice à eux n'est, malheureusement, pas toujours apparent. Aussi est-il plus difficile à établir. Mais la loi est ainsi faite que la femme, qui se plaint de quelque sévice que ce soit, est obligée d'en apporter la preuve. Il ne suffit pas que le sévice invoqué soit établi, encore faut-il démontrer qu'il rend la vie conjugale impossible. Le juge saisi finit par prononcer le divorce des époux, mais seulement après une tentative de conciliation restée infructueuse. La femme déboutée une première fois et qui persiste à demander le divorce 15 sans que le préjudice soit établi, devra subir l'épreuve d'une tentative de réconciliation sous l'égide de deux arbitres délégués par le juge à cette fin. Et si les arbitres échouent dans leur mission, ils dressent un rapport à la lumière duquel le juge tranche le litige. Du divorce pour absence du mari (art. 57) En ce qui concerne la désertion du domicile conjugal par le mari, il faut souligner qu'elle ne constitue pas une raison suffisante pour une dissolution automatique du lien du mariage. Le code, en cette matière également, a multiplié les conditions surtout si le mari absent se trouve dans un lieu connu. Ainsi, l'épouse abandonnée a la faculté de solliciter le divorce, si son époux reste absent pendant plus d'une année (les oiseaux migrateurs ne sont pas concernés), et si cette absence lui occasionne un préjudice. Le juge saisi est tenu d'adresser au mari absent une mise en demeure lui fixant un délai. Il prend en outre le soin de l'aviser que le divorce sera prononcé s'il ne réintègre pas le domicile conjugal, s'il ne fait pas venir sa femme auprès de lui, ou s'il ne la répudie pas. La dissolution irrévocable du mariage interviendra à l'expiration de ce délai à condition que l'époux refuse d'obtempérer et ne fournisse pas des excuses valables, et après que le juge se soit assuré une dernière fois que l'épouse délaissée persiste dans sa demande en divorce. Du divorce par suite du serment de continence ou de délaissement (art. 58) Il existe une dernière cause du divorce (révocable dans ce cas) qui découle du serment fait par le mari de délaisser sa femme ou de ne plus accomplir ses devoirs intimes. Le juge lui fixera un délai de quatre mois avant de prendre sa décision. Telle sont les causes, expressément prévues par la loi, sur lesquelles doit être fondée toute action en divorce qui, pour aboutir, doit, en plus, maitriser une procédure judiciaire complexe et contraignante. Et tant qu'à faire, le recours aux services d'un conseil juridique n'est pas une précaution superflue. Il saura user habilement et efficacement des multiples possiblités, pas toujours évidentes, que recèle la loi. 16 Un code anachronique Ceci pour l'immédiat, mais pendant combien de temps encore faudra-t-il se contenter de tirer le meilleur parti possible d'un code devenu anachronique et dont la promulgation en 1958 s'inscrivait dans le contexte particulier d'une société fondamentalement conservatrice, plus par réaction vis à vis de la culture occidentale que par tempérament. Cette époque est maintenant bien révolue, faisant place à une nouvelle génération de femmes plus conscientes de l'importance de leur rôle socioéconomique et plus exigeantes, en ce qui concerne leurs droits. Les lois inadéquates qui continuent à s'appliquer à elles ont fait leur temps. Elles sont condamnées au changement au nom du Droit qui transcende les lois, conjoncturelles par nature car régulatrices de tensions sociales et familiales. La réforme de la Moudawwana est donc souhaitable, le réajustement des rapports hommes-femmes et la survie de la cellule familiale est à ce prix. Les réformateurs de tous bords multiplient les propositions, mais les com- battants d'arrière-garde ne restent pas inactifs, on s'en doute (ils ne sont pas toujours du bord que l'on croit}. Il n'est pas sans intérêt de rappeler que les juristes, sous l'égide du ministère de la Justice, préparent un projet visant à adapter le droit à la réalité socioéconomique. Mais comment faire évoluer le droit quand les mentalités restent figées sous le poids des préjugés ? Comment se risquer à modifier les textes quand le moindre changement est ressenti par beaucoup comme une menace contre les fondements de l'édifice social ? Comment enfin faire écho (et traduire dans les textes) aux nombreuses revendications, lorsque toute action législative doit nécessairement s'inscrire dans un cadre juridique inspiré par la religion musulmane et le rite malikite? N'en déplaise à ceux qui rament à contre-courant, le changement, ici comme en d'autres matières, s'impose. Il est inscrit dans le cours de l'histoire, même si la marge de manœuvre demeure étroite. (Témoignages) Divorce Entretien avec Fatiha X, avocate: «La femme ne s'aventure que très rarement à demander le divorce parce qu'elle sait qu'elle aura des difficultés énormes à l'obtenir. Un exemple: la demande de divorce pour sévices du mari. Il yale certificat médical, mais il faut trouver les témoins et les convaincre de témoigner. Or, ce n'est pas facile ... En tant qu'avocate, je peux affirmer que la plupart des dossiers qui me sont soumis s'appuient sur l'absence du mari. Ecoutez la radio, on ne parle que de ça. Dans ce cas non plus, on n'obtient pas aisément gain de cause. J'ai récemment eu à me charger de la défense d'une femme qui demandait le divorce pour raison d'absence du mari au foyer pendant quatre ans. L'affaire a traîné deux longues années au tribunal et quand le jour du jugement est arrivé, le mari a refait surface par miracle. Tout tombait à l'eau. Puisqu'il s'était présenté, la raison invoquée était devenue caduque. En règle générale, ce sont les femmes «intellectuelles» (sic) qui demandent le divorce.» Entretien avec Mustapha X, jeune avocat: «Pourquoi les femmes ne demandent pas le divorce? Je pense qu'il faut analyser ça d'un point de vue socioéconomique et écarter l'aspect juridique. Les femmes rechignent ou hésitent à demander le divorce (le plus souvent, elles n'ont à craindre que d'être répudiées) parce qu'elles sont sans travail. Issues de familles pauvres, elles ne souhaitent jamais retourner à la pauvreté. D'autre part, c'est la réputation des familles qui est en jeu: quand une femme divorce, on a tendance à "imaginer de mœurs légères et instable. Tout le monde la suspecte de mener une vie dissolue. Elle sera pratiquement assimilée à une prostituée. C'est pour cette raison aussi que les femmes ne demandent pas le divorce. J'ai eu une cliente, une femme de 24 ans, qui a été battue et jetée du 3e étage par son mari. Mon devoir d'avocat était de lui demander ce qu'elle souhaitait que je fasse. Savez-vous ce qu'elle m'a répondu? «Je veux rester avec lui, il est le seul à pouvoir prendre soin de mes enfants.» Et elle a ajouté: «Personne de ma famille ne veut de moi. Je ne peux pas travailler, je dois me résigner, supporter mon mari à cause des enfants.» Dans la majorité des cas (quand c'est la femme qui veut divorcer), la femme ne se présente pas au tribunal. Elle s'arrange avec son mari, et ils se rendent ensemble chez les Adoul pour divorcer.» Une femme divorcée. «J'ai pris la décision de demander le divorce quand j'ai appris qu'il s'était remarié. Un grand choc. La femme, selon moi, peut supporter beaucoup, Y compris que son mari la batte, mais pas qu'il se marie avec une autre. C'était légitime que je veuille me séparer de mon mari. Je n'ai pas hésité. Je me demandais à quoi cela rimait de rester ensemble dans ces conditions, maintenant qu'il m'avait trahie. En échange des facilités qu'il ferait pour que j'obtienne le divorce, je devais lui céder les meubles de la maison, lui abandonner mes enfants, et lui laisser le titre de propriété de notre logement. Je n'ai pas «marché». Finalement, j'ai déposé ma demande de divorce au tribunal. Trois ans de va et vient. On était très unis mais c'était une apparence parce qu'il a exigé que je lui laisse le réfrigérateur, la télé, la voiture et que je ne demande pas la nafaqa. J'ai failli céder (tout de suite) puis je me suis ravisée: «Non, je ne lui donnerai rien. Je resterai comme ca», en suspens, ni mafiée, ni divorcée.:.». Au tribunal, j'ai fait le serment que les meubles m'appar• -naient. J'ai eu beaucoup de difficultés à gagner notre subsistance pour mes enfants et moi. J'étais obliqée de rester à la maison, de ne pas bouger, autrement il aurait pu utiliser mon absence pour m'accabler devant le juge. Même 18 ma famille ne m'était pas favorable. Elle disait: «Qu'elle patiente !» En fait, personne n'est solidaire d'une femme divorcée. Au tribunal, ça aide d'avoir de "argent et une grande famille derrière soi. Mais la femme reste indéniablement défavorisée. J'ai supporté les reports continuels de l'audience. Cette procédure de divorce m'a plongée dans l'univers des tribunaux et des commissariats, que je ne connaissais pas. Elle a également nui à ma réputation .. J'en arrive parfois à rêver de n'avoir jamais eu connaissance de son mariage. J'aurais continué à vivre avec lui si personne ne me l'avait appris ... il m'a humiliée. Quand j'ai su l'atroce nouvelle, il a eu le front de me proposer un marché: passer alternativement une journée avec elle et une journée avec moi. Ça, je n'ai pas supporté. Je lui ai dit: «Va avec elle. Prends une troisième femme si tu veux et, quand tu seras fatigué, reviens. Laisse-moi seulement la nafaqa (pension) des enfants.» Il n'a pas accepté. Le divorce est une dure épreuve pour la femme. Les gens parlent, dénigrent. Ils disent d'elle: «Hajjala». Elle perd toute valeur aux yeux de la société. Les gens ne se demandent même pas pourquoi elle en est venue à vouloir se sépa- rer de son mari. Ils ne savent qu'accuser. Ils se satisfont de leurs préjugés. Ils ignorent ce qu'elle endure. L'image d'une femme divorcée est très négative.» Une femme demandant le divorce (rencontrée au tribunal} Elle venait démarcher pour faire avancer le dossier de «nafaqa» (entretien des enfants) Elle me raconte qu'elle a divorcé, il y a huit ans, alors qu'elle avait 32 ans. " lui a fallu cinq ans de rudes batailles pour obtenir le divorce. «Je n'ai jamais pensé au divorce pendant douze ans de mariage. Je m'étais toujours résignée en me disant «mon mari va changer». Je craignais aussi de vivre mal, vis-à-vis de la société, mon statut de divorcée. Je me suis finalement dit: «Tu es jeune et forte. Tu peux travailler, faire n'importe quoi, pourvu que ça soit un travail honnête, ne demandes rien à ta famille» ... et je me suis décidée à m'affranchir de mon monstre de mari.» 'fol/ria Hadraol/i ~I! ïqll bilnqul! populilirl! L'ECONOMIE EN QUESTIONS Au secours! La T. V.A. est arrivée par Noureddine El Aoufi 20 Elle: La T.V.A. a tenu ses lui: Non bien sûr. Entre le promesses. Depuis début Avril droit et le fait la fâcherie ne peut durer aussi longtemps. elle est entrée en vigueur. Notre système fiscal a dû subir lui: En effet. C'est parti. Elle: Ça te surprendra peut- m13intes modifications, rectifiêtre, mais j'avoue que je ne cations et adaptations. Mais ça connais pas grand chose sur la reste ponctuel, instillé au coup par coup. question. Luiça ne me surprend pas. Au Elle: J'imagine un véritable contraire. Il y a eu très peu patchwork. Bref, la réforme d'information. Quelques dîners fiscale est toujours à l'ordre du débats privés et smart entre jour. hauts responsables de l'impôt, Lui: Du point de vue du gougros industriels, gros commer- vernement et de la majorité qui çants et compagnie. Quelques l'appuie au parlement, la T.V.A. est le premier mouvearticles par ci, par là. Elle: J'ai pu suivre à la ment d'une mise en ordre télévision - qui ne bougeait pas générale. La suite c'est l'I.G.R. encore - les débats parlemen- (impôt général sur le revenu) et taires. Les joutes oratoires l'impôt sur les sociétés. Pour m'ont beaucoup amusée. Mais la gauche... Elle: Pour la gaucheJ la je n'ai pas appris ma T.V.A. Lui: En Espagne ils ont réforme fiscale n'est pas informé les gens de manière réductible à une simple modutrès ample sur leur T.V.A. pen- lation technique et doit être dant tout le mois de Novem- coextensive à un projet de bre 1985. Ils ont utilisé à fond réformes tous azimuts. Je tous les médias. passe du coq à l'âne: quels Elle: On dit que tout le monde sont les principes qui fondent y prend goût aujourd'hui. la T.V.A. ? Mais, pour l'amour C'est le nouveau truc des éco- de Dieu, trève de jargon. Au nomistes~cette T.V.A ? fait,dis_moi pourquoi l'écono- tion et de la commercialisaLui: On compte 28 pays dans miste parle une langue si tion. Cela veut dire encore que "e monde qui appliquent la étrangère au public? la taxe n'est pas cumulative T.V.A. Mais ce n'est pas un Lui: L'économiste emploie pas de taxe sur la taxe - mais des codes, des concepts ou, si donne droit, en aval, à truc nouveau. L'Europe l'a adoptée dans les tu préfères, des mots techni- déduction. années 60. La Tunisie l'a aban- ques qui sont, en réalité, de Elle: Un producteur, par donnée 8 mois après son intro- simples outils commodes pour exemple, peut refiler la taxe au duction. Au Maroc, il semble travailler, c'est-à-dire pour commerçant qui peut, à son que le projet existe depuis une réfléchir, analyser. Mais, bien tour, la refiler au consommadizaine d'années. En tous les entendu, on peut être simple. teur. C'est, tout compte fait, cas, la T.V.A. c'est la T.P.S Le risque ... le consommateur final qui (Taxe sur les produits et servi- Elle: Oui oui je sais ce que tu paie, c'est-à-dire toi, moi ... ces), à laquelle elle se substi- risques. Paraître simpliste aux Lui: Ton exemple est très tue, revue et corrigée. Même yeux de tes pairs. Heurter les simplifié, mais c'est exactele taux normal de 19 % ... spécialistes et autres puristes. ment ça. La T.V.A. est un Elle: Ils disent encore que la Lui: Non, le problème, en impôt indirect c'est-à-dire un T.V.A. est mieux adaptée au fait, c'est qu'entre simplicité et impôt sur la dépense ou sur la tempo des affaires. Cohérente, clarté d'un côté, trivialité et consommation. objective, efficace, moderne et platitude de l'autre il n'y a Elle: J'aimerai qu'on précise branchée. Simple aussi. qu'un pas que je me garde ce point. Qu'elle ne manquera pas de bien de franchir. Lui: D'accord mais auparadonner du tonus à l'économie· Elle: Oui bien sûr. Fermons la 'vant il faut noter deux éléparenthèse et revenons à nos ments nouveaux : le premier etc ... Lui : Le système fiscal maro- impôts. est que la T.V.A. s'applique cain est, dans l'ensemble, Lui: La T.V.A. se fonde sur aussi au commerce de gros. archaïque et inadéquat. Il ne un principe simple qui, du Elle: La T.P.S. ne frappait faut pas oublier qu'il est hérité reste, caractérisait partielle- pas le commerce de gros? du protectorat. La T.P.S., par ment la T.P.S. : la déduction Lui: Non. Et cette situation exemple, fut instituée en 1961. ou la récupérabilité. Cela veut était à l'origine, entre autres, La taxe sur la consommation dire que sur un produit ou un de perturbations à l'intérieur intérieure date de ... 1913. Le service, liés bien entendu à du système des déductions. système a, par conséquent, l'exploitation, la taxe n'est per- Elle: Les grossistes doivent besoin d'un lifting général. çue pour le compte de l'Etat abominer la T.V.A. Elle: Tu veux dire que depuis qu'autant qu'une valeur nou- Lu i : Ils trouvent ça en effet 25 ans c'est le même système velle est ajoutée - d'où son méchant. Mais ne t'en fais pas d'imposition qui est appliqué? nom - au cours de la produc- pour eux. Elle : La répercussion? Lui : La répercussion est une infinité de subterfuges. Elle: Mais avec le commerce de gros il ya plus de monde pour payer la T.V.A. l'Etat doit être content. Non ? Lui: C'est une simple apparence. Il y a de nouveaux redevables c'est vrai: les grossistes principalement. Mais d'un autre côté il ya ceux - ils sont légion - qui payaient la T.P.S. et qui ne sont plus soumis à la T. V.A. Elle: Tu peux préciser un peu plus. Donner des chiffres. Lui : On estime que le nombre des redevables écartés dépasse largement celui des nouveaux assujettis. Au Ministère des Finances on établit que la T.V.A. fait perdre quelques 60 % de la population des redevables. Le ministre des Finances estime que la perte serait de l'ordre de 600 à 700 millions de DH. C'est énorme. Elle: Est-ce qu'il y a beaucoup d'exonération? Lui: Il y a deux catégories de produits et services exonérés. La première comprend, en gros, les produits de première nécessité comme le pain, le lait, le sucre etc. Si tu veux 21 jeter un coup d'œil sur le texte de la T.V.A. la liste est donnée à l'article 7. La deuxième catégorie concerne les produits et services exonérés avec bénéfice du droit à déduction: les produits livrées à l'exportation à titre d'exemple. La liste des exonérations est limitative. Tout le reste est soumis. Elle: Quels sont les taux? Lui: C'est le deuxième élément nouveau que je voulais noter. Il n'y a, au total, que cinq taux. Un taux normal fixé à 19 %. Il frappe la majorité des produits et services. Un taux majoré, de 30 % qui s'applique aux produits de luxe. Trois taux réduits. D'abord à 7 %. Elle: Je vois, sur la liste, l'eau, l'électricité, le gaz, les huiles, les produits pharmaceutiques, les aliments composés pour enfants, les magasines. les allumettes. le thé. le café, etc. Je ne comprends pas que les produits ne soient pas exonérés. Lui: Et puis il y a 12 % .... Elle : Pour les hôtels, les restaurants, les banques (avec droit à déduction) et pour les assurances, le téléphone, le télex, les professions libérales (sans droit à déduction). Lui: Et enfin 14 % applicables aux affaires d'entreprises de travaux immobiliers. Et comme tu vois, aucune distinction n'est faite entre constructions de luxe et constructions économiques. Elle: Que penses-tu de ces taux? Lui : Je pense que le taux normal fixé à 19 % est trop fort. En France, pays développé s'il en fut, la T.V.A. est de 18.6 %. Elle: Mais encore? Lui : Il existe en théorie fiscale une loi qui s'appelle « loi des rendements décroissants ». En Juillet 1983, c'est-à-dire en pleine crise financière, souviens-toi, on a dû rectifier la loi de finances et le taux (de la T.P.S.) est passé de 17 % à 19 %. Entre parenthèses, il était de 15 % avant 1982) et il n'a jamais dépassé 8 % dans les années 60. On murmure qu'on aurait voulu, en 1983, combler un déficit d'environ 50 milliards de centimes. Le résul- 22 tat obtenu est renversant : les recettes fiscales ont diminué d·environ .... 50 milliards de centimes. Tu connais l'adage: « les hauts taux tuent les totaux ». Elle: Je connais une autre formule colorée: « trop d'impôt, pas d'impôt ». Mais du moment qu'il y a déduction, récupérabilité. Cela fait combien de sous pour l'Etat, la T.V.A. ? Lui: Les impôts indirects représentent 70 % des recettes fiscales. Pour ce qui est dt' la déduction, la T.V.A. est payée d'abord, récupérée ensuite. Ce qui, d'ailleurs, engendre un maquis de facturation, d'opérations comptables, de déclarations qui supposent une grande maîtrise de l'exploitation électronique et informatique. Elle: Si j'ai bien compris. il faut s'attendre à des bavures, à des bêtises. Est-ce qu'on peut répercuter ce qu' on veut? Lui: On touche là un problème central. Tu l'as soulevé il y a un instant. Elle: Comment s'opère la répercussion ? Lui: Je vais essayer de préciser certains points. Mais à tired'ailes seulement, parce que la relation entre l'impôt et les prix est extrêmement complexe. Pour l'entreprise, la T.V.A. fait partie de ce qu'on appelle le prix de revient d'achat. La répercussion définitive sur le consommateur est, dans ce cas. obtenue de manière comptable. Ce qui requiert beaucoup de transparence. Rien de moins. Elle: Tu veux insinuer qu'il va y avoir dissimulation, fraude, carambouillage etc. Le la Janvier 1986 le directeur général des impôts a déclaré: la T.V.A. n'est nullement inflationniste, bien au contraire elle est déflationniste. Lui: Il est, à mon avis, difficile de déterminer la part exacte de l'incidence provoquée par l'impôt direct et indirect. Si on connait bien les comportements (objectifs et subjectifs), les psychologies, les élasticités d'offre et de demande, la mobilité des facteurs de production, le régime des marchés (concurrentiel ou monopolistique), les possibilités de crédit etc... cela fait trop de choses. On peut. à ce moment, apercevoir des tendances. A la limite il est possible d'obtenir des ordres de grandeur approximatifs. Elle: Inflationniste ou déflationniste la T.V.A. ? Lui: Inflationniste. A coup sûr. Elle: Un peu, beaucoup, passionnément ? Lui: Ecoute. Le Ministre des Finances a dit 2 %. Il est plus acceptable de dire que la hausse des prix induite par la T. V. A. variera entre 1 et 19 %. Plutôt proche de 19 %. En Espagne il y a eu, d'entrée de jeu, une hausse générale de l'ordre de 6 %. Elle : Est-ce que la hausse des prix peut être supérieure à 19 % ? lui: Naturellement. Je donne un exemple schématique. Commerce de gros/ alimentation. Le commerçant achète 100. T.V.A. : 19. Il vend 103, sa marge bénéficiaire étant de 3 %. Il récupère sa T.V.A. : 19 % de 103 c'est-à-dire 19,57. Dans cet exemple la dif-· férence est de 0,57. Les prix de certains produits et services peuvent grimper de manière démente. Il y a ce qu'on appelle les prix spéculatifs. Et puis l'impôt peut constituer un prétexte pour accroître les prix. C'est courant. Elle: Ça va être dur pour les petites bourses. Lui : Pour les classes moyennes aussi ça va être dur. La T.V.A. écrase, inexorablement, le pouvoir d'achat dOes salariés, et d'un. Elle: Parce que les salaires sont trop bas? Parce que les salariés ne peuvent répercuter? Lui: Les consommations populaires vont tomber plus bas, et de deux. Elle : Elles sont déjà rudement réduites. Lui: La croissance de la consommation moyenne par tête n'a pas dépassé 1 %, en termes réels, depuis 1971. Et last but not least, le marché intérieur qui est très limité - il tiendrait dans un mouchoir - ne peut, à la clé, que s'en trouver considérablement rétréci, rogné. Elle: Un vrai poison d'avril cette T. V.A .• mine de rien? , L'ACNE Khadija EL ZEMMOURI L'acné est avant tout une complication de la séborrhée ou peaux grasses. Elle peut également être dûe à un déséquilibre hormonal (excès d'hormones mâles ou androgènes par rapport aux hormones femelles ou oestrogènes!. Ces boutons disgracieux qui empoisonnent l'adolescence, et persistent parfois bien au-delà, sont la conséquence d'une rétention sébacée au niveau des points de sortie des poils qu'on appelle «folli· cules pileux». L'acné Juvénile C'est surtout à la période pubertaire que l'acné se manifeste. De là vient le terme «acné juvénile» ( ..,..,L,..';JI....,...:>" ) : sur une peau grasse vont apparaître des points noirs (comédons) qui vont boucher les canaux folliculaires formant ainsi de petits kystes ou des abcès, parfois de grande taille, s'infectant très facilement. Ces boutons affectent surtout les zones séborréïques (grasses), en particulier le front, le sillon nasal, le menton et parfois la partie supérieure du dos et des épaules. L'acné pubertaire évolue généralement par poussées presque toujours en rapport avec des excès de matières grasses ou de sucreries. Il y a par ailleurs une influence hormonale indiscutable surtout chez la femme - où les poussées sont souvent prémenstruelles (ce sont les fameux boutons qui précèdent les règles). Vers l'âge de 25 ans, les troubles s'atténuent en général mais laissent souvent, en l'absence de traitement, des cicatrices indélébiles. Vers 40 - 50 ans, peut apparaître un autre type d'éruption proche de l'acné qu'accentuent les émotions, les changemens de température, les repas trop riches: la face devient rouge, surtout au niveau des joues, et les accès de rougeur peuvent donner un aspect de «couperose» (peau fine sur laquelle on observe de fins vaisseaux éclatés). Attention aux cosmétiques et à certaines pommades Certaines crèmes de «beauté», mal Mais d'où viennent ces méchants petits boutons qui empoisonnent la vie des adolescents ? Une petite explication et quelques conseils .... adaptées au type de peau et peu contrôlées peuvent être responsables d'une acné d'autant plus difficile à guérir qu'on continue à les appliquer soigneusement pour supprimer les taches et les boutons. Signalons aussi que les pommades à base de corticoïdes et les injections intramusculaires de vitamine 812 donnent également de l'acné (surtout au niveau du tronc) et rappelons que les pommades sont des médicaments qui ne doivent être utilisés que sur prescription médicale, et dont l'utilisation fantaisiste peut être dangereuse. Conseils Les pommades sont des médicaments et peuvent contenir des produits dangereux : ne les utilisez pas sans prescription médicale. --0-- Ne dites surtout pas «cela disparaîtra avec l'âge» ! Il faut traiter vite l'acné pour éviter les cicatrices et les surinfections qui peuvent parfois être sévères ! -- g-- L'acné s'accompagnant très fréquemment de che,,:, veux gras, utilisez de préférence un shampoing anti-séborrhéïque en vente en pharmacie. -'t)-- En raison du facteur hormonaI, qui joue un rôle prépondérant dans le déclenchement de l'acné, certains dermato.ogues prescrivent, chez la jeune fille, outre le traitement local, la pilule con~raceptive. - Que faire? Surtout ne pas tripoter Il n'est plus question de proclamer que cela disparaîtra avec l'âge ou le mariage! Car si les formes légères d'acné disparaissent toutes seules, les formes très étendues peuvent être source de complications. L'acné en elle même ne laisse pas de cicatrices; celles-ci sont dûes uniquement à la manipulation des lésions (boutons) par le malade lui même. Il faut donc toujours traiter en sachant que le traitement est long et les mesures hygiéno-diététiques très importantes. La lutte contre la séborrhée est à la base du traitement. On utilise surtout des lotions dégraissantes à base d'alcool camphré le plus souvent, ou de souffre. Mais actuellement le traitement local repose surtout sur des préparations dermatologiques à base de dérives de la vitamine A, et de péroxyde de benzoyle. Ces lotions sont préparées par la pharmacien sur ordonnance médicale. L'usage régulier d'un lait démaquillant et d'une lotion adaptée à votre type de peau permet un bon nettoyage des comédons. Par contre, mieux vaut éviter l'usage des savons parfumés sur le visage. L'exposition au soleil améliore l'acné mais ne convient pas à tous les types de peaux. La lutte contre la surinfection fait appel à certains antibiotiques dépourvus d'effets secondaires importants et sera décidée par le dermatologue ou le médecin traitant en fonction des cas. Il est conseillé de corriger certaines habitudes alimentaires : dites non au beurre, au chocolat, aux sucreries, aux fritures et aux tajines trop gras. La constipation doit toujours être évitée. Par contre, le dérèglement hormonal ne doit être traité qu'en cas de nécessité absolue. Ne prenez jamais de médicaments à base d'hormones (corticoïdes, astrogènes, progestérone) sans avis médical, 23 VIVRE LE COUPLE «La différence entre un caprice et une passion éternelle c'est que le premier dure un peu plus longtemps)) disait, en une boutade célèbre et flegmatique, Oscar Wilde. Pour un sujet «grave)), le sourire s'imposait. En effet, choisir l'être avec qui on va traverser une vie entière n'est pas une mince affaire. C'est avec lui ou elle que l'on a décidé de tout vivre, les joies et les souffrances, la fleur de l'âge et la vieillesse. Nul n'est infaillible, mais si une marge d' «erreUf)) est tolérée on n'a pas intérêt à trop se tromper. Personne n'est en mesure de prévoir avec exactitude ce que seront les inconvénients et les sacrifices de la cohabitation à vie avec son lot d'habitudes capables parfois de transformer un couple idyllique en un duo de chiffonniers. Prendre le petit déjeuner à deux, à l'aurore de son mariage? Délicieux! Au bout de quelques années, ce plaisir des grands commencements peut devenir, sinon un calvaire, du moins de la très mauvaise poésie. Et le navire se met à tanguer dangereusement... Comment vit-on le couple? Nous avons demandé à quelques personnes mariées de nous confier leurs déceptions, leurs joies, leurs attentes, de nous raconter les difficultés inhérentes au mariage, que chacun, chacune, surmonte à sa manière. Il serait prétentieux de vouloir cerner par le biais de ces quelques témoignages la complexité de la relation qui s'établit au sein d'un couple. L'unique ambition de cette rubrique est, en recueillant ici et là des paroles de femmes et d'hommes. de susciter des interrogations et d'ouvrir le débat. A vous de l'enrichir, ami (e) s lectrices et lecteurs. Ce besoin vital de «l'autre» O n avait un jour posé la question ,ulvante à Freud: «qu'est ce que la vie ?» Il avait répondu «c'est aimer et travail- len>. Je crois que c'est un beau raccourci. «Aimer» signifie, bÎen sûr, aimer et être aimé (e). Dans aimer, il yale besoin vital de «l'autre». Sans «l'autre» on n'existe pas. Mais pas n'importe quel «autre». Un «autre» privilégié, pour qui on a de l'estime et pour lequel on éprouve un sentiment très fort. Quelqu'un qui occupe une place importante dans notre vie. On forme un couple pour être deux mais également pour faire des enfants. On a besoin d'aimer et d'être aimé (e) par quelqu'un mais il y a, tout aussi fon- damentalement, le besoin de se reproduire et d'aller plus loin à travers ses enfants. L'équilibre individuel est entretenu par l'échange mutuel, par l'affection réciproque et aussi par ce sentiment de sécurité qui se développe grâce à la présence de l'autre. Il faudrait que l'un puisse être la base de départ de l'autre, son refuge, son appui. Une certaine assurance contre l'adversité, contre l'angoisse de mort. Procréer permet de contrer cette angoisse de mort qui existe en tout être humaÎn car faire des enfants, c'est une façon de ne pas mourir. 25 J'aurai trop honte. Je préfère laisser ça pour le jour du jugement dernier. «II ne reste plus d'hommes de nos jours» «La porte est plus large que tes épaules» où mon mari m'a vue pour la première fois. Une toute petite fille. Il me caressa la tête et donna de l'argent à ma mère en cadeau pour ma naissance. C'est ce qu'elle me raconta par la suite. Au bout de quelques années, cet homme est revenu chez nous, à la campagne. Quand il me vit, il demanda ma main à mes parents. Voilà toute l'histoire de mon mariage. Mon mari était donc beaucoup plus vieux que moi. Je l'ai toujours craint comme j'aurais craint mon père. Je n'osais pas lui dire non, ni le contredire. Je faisais tout ce qu'il me demandait. J'ai ainsi grandi sous sa férule. Peu de temps après notre mariage, il a commencé à s'absenter de la maison. Il revenait tard dans la nuit, complètement soûl. Au début, je n'osais pas lui demander où il allait ni d'où il venait. Ce n'est qu'après la naissance de mon quatrième enfant que j'ai commencé à lui reprocher son comportement. Il faut croire qu'il n'attendait que ce prétexte pour me tomber dessus, me frappant dès lors avec ou sans raison. Tout son 26 argent, il allait le dépenser à l'extérieur et rentrait à la maison les mains vides. J'ai dû élever pour cette raison mes enfants dans la faim et dans la misère. Comme il était chef de brigade (et très fier de son statut), il nous menaçait ses filles et moi, de nous jeter en prison si nous ne lui obéissions pas au doigt et à l'œil. J'étais une bonne pour lui et pour ses enfants et je le suis encore. Il ne m'a jamais appelée par mon nom. Pour lui, je suis «celle-là .=.l..L..A ». Il me disait quand je réagissais «la porte est plus large que tes épaules». Je le savais bien que la «porte était plus large que mes épaules» mais où pouvais-je aller? Si j'étais seule en cause, le problème ne se serait pas posé. Le travail que je fournis à l'intérieur, je peux le faire à l'extérieur. Si c'est pour être traitée comme une bonne, autant que ce soit pour de l'argent. Mais avec huit enfants, je n'avais guère le choix. Aujourd'hui mes enfants ont grandi, ils travaillent. Je n'ai plus besoin de son argent, ni de sa présence à la maison. Or, c'est maintenant qu'il veut y rester. Il devient gentil parce qu'il n'a plus de force. S'il n'en tenait qu'à moi, je l'aurais expulsé mais mes enfants s'y opposent. Ceci dit, je lui interdis d'entrer dans ma chambre. C'en est fini de ces nuits où il venait «me jeter son eau» avec force, où je le subissais en pleurant Pot qu'il me frappait à la fin. Je ne peux pas te raconter tout ce que j'ai enduré. me suis marié comme tous les hommes de ma génération. Par le biais de la famille. Ma mère a vu ma femme. Celle-ci lui a plu. J'ai dit «8ismi Allah». Tout ce que fait la famille est bon. Il ne faut jamais aller à l'encontre de sa volonté. Les jeunes d'aujourd'hui ont la ,tête dure. Ils n'écoutent plus leurs parents. Résultat: ils ne récoltent que des problèmes. Ils se marient un jour et divorcent le lendemain. Nous, on se fiait totalement à la famille. C'est pour ça que notre mariage était plus stable, plus durable. Vous me demandez si ma femme m'a plu quand je l'ai vue. Ecoutez, elle n'était pas mal mais surtout elle remplissait très bien ses devoirs à la maison. Elle n'a jamais cherché à nuire à ma famille «)I.~ lAI ~ .ùll» et elle s'occupe bien de ses enfants. Je ne passe pas beaucoup de temps à la maison. Je ne rentre que le soir. Je regarde la télévision et je dors. Comment ! Aider ma femme à faire le ménage. Il ne manquerait plus que "cela,! Vous voulez nous transformer en femmes, vous, les filles d'aujourd'hui. Une femme est une femme, un homme est un homme. Dieu a déterminé à chacun sa fonction. Si je commence à faire le ménage, que lui restera-t-il à faire, à elle !!! Quelle drôle de question !!! Discuter avec ma femme? Voùs savez, avec une femme, c'est toujours des querelles. Elles adorent ça. Elles n'ouvrent la bouche que pour dire du mal. Si vous ne leur donnez pas toutes les précisions sur vos entrées et vos sorties, elles vous accablent de reproches. Comme si le travail était un endroit pour rencontrer d'autres femmes! De quoi peut-on parler avec une femme sinon des problèmes des enfants. Celui-ci a frappé celui-là. L'un a raté ses études. L'autre s'est fait exclure de l'école. Il y a également les problèmes des voisins, de la famille. Bref, on ne parle que des mauvaises nouvelles et des catastrophes. Non, bien sûr, je ne regrette pas de m'être marié. Jamais. Le mariage est un devoir. On ne peut pas s'en passer. Grâce à lui, on complète sa religion en constituant une famille et en ayant des enfants. Je suis choqué par l'attitude des jeunes d'aujourd'hui. Ils ne bougent plus sans leurs femmes. Celles-ci les manipulent comme elles veulent. A l'époque, les femmes n'osaient pas regarder les hommes dans les yeux. Aujourd'hui, c'est elles qui commandent. Jadis, les hommes ne prononçaient jamais le nelJl de leur épouse. Maintenant, je connais un gars qui appelle sa femme «Lalla Zhor» devant tout le monde sans avoir honte. Moi, ma femme, jamais un homme n'a vu son visage. Malgré son âge et nos trente ans de mariage, elle ne sort jamais sans me le dire. Elle ne me contrarie jamais. Quand je vois ma belle-fille dire à son mari devant moi «non, je ne veux pas faire ceci ou cela», je me dis qu'il ne reste plus d'hommes de nos jours ! J'y ai perdu mon • «mOi» Ja; beaucoup changée depu;s mon mariage. Bonne vivante, je plaisantais en permanence, dansais, chantais à tout bout de champ. Je me sentais libre. Maintenant c'est différent. Je ne peux plus rigoler comme avant parce que si je me comporte comme je le souhaite, tout le monde va dire «voilà une mère de deux enfants qui agit comme une fillette. Je suis devenue malgré moi ce que la société veut que je sois. Je n'ai plus d'amies (alors que j'en avais une collection) parce que ce fut la première condition posée par mon mari. Il ne me reste que les voisines. Ce qui "énerve d'ailleurs. Mais que veut-il que je fasse ? Je ne travaille pas et je suis tout le temps à la maison. J'ai absolument besoin de quelqu'un à qui parIer, à qui me confier ... Mon mari ne veut pas que je m'épanouisse... que je sois brillante. Il voudrait me cantonner dans le rôle de mère, un point c'est tout. Mais moi ça ne me satisfait pas. Je voudrais pouvoir m'exprimer par autre chose que par les enfants, donner un autre sens à ma vie. Mon mari me respecte certes. Mais qu'est-ce_que le respect pour une femme de ma condition. C'est comme le respect qu'il aurait pour une esclave devenue indispensable. Je voudrais être reconnue en tant qu'esprit et non pas uniquement en tant que corps, en tant que fragment de femme. Mon mari me considère toujours comme un être «mineuo>. Il cherche encore à m'éduquer. Or c'est impossible. Je suis déjà «faite». Il est trop tard pour me transformer. Pour lui faire plaisir, j'ai déjà changé à bien des niveaux. Du coup, il m'arrive parfois de ne plus me reconnaître. Je me trouve bizarre à mes propres yeux. Je m'habille à son goût, je me comporte comme il le désire, enfin bref, je me conforme du mieux que je peux à l'image qu'il a de la femme. Tout cela pour réduire les problèmes qui se posent entre nous. Mais à force de vouloir lui faire plaisir j'ai le sentiment de m'être perdue, d'y avoir laissé mon «moi». Rien n'est jamais acquis, rien, jamais rien. ~dant des années, ra; "avamé. Sans relâche. Douze à quatorze heures par jour. Le soir, je rentrais chez moi, abruti de fatigue et je dormais. J'avais des connaissances comme tout un chacun mais sans plus. Puis les choses ont pris peu à peu place dans ma vie professionnelle et je me suis senti plus libre. Plus disponible. Il y avait quelque chose ... j'étais comme on dit «prêt». J'étais persuadé que dans les deux mois à venir, j'allais rencontrer quelqu'un. Eh bien ça a pris deux ans et demi. Simplement parce que je suis exigent. Trop exigent. Vis à vis de moi comme vis à vis des autres. Je fréquentais des filles qui répondaient parfaitement à un profil «bien» mais après une ou deux sorties je me rendais compte que ce n'était pas çà ... J'ai. trois exigences qui me paraissent indispensables pour pouvoir vivre avec quelqu'un. La première se rapporte au physique. C'est vrai, il joue un rôle important pour moi. L'intellect aussi. Une femme qui ne saisit pas les choses au quart de tour, qui a besoin de longues explications, c'est d'emblée non. Quand à la troisième exigence, je pourrais la rapporter à une certaine chaleur affective, la capacité de pouvoir donner de soi-même. Je ne peux pas supporter une fille belle, intelligente mais sèche. Ma quête a été longue avant de trouver une personne qui réponde à mes aspirations. Notre rencontre s'est passée de manière extraordinaire. Comme dans un rêve. Un rêve qui a duré un an et demi. Et puis là, dernièrement, il y a eu un truc. Un petit quelque chose dû à une interférence extérieure qui a introdùit un décalage. Et c'est exactement comme une sorte de valse magnifique avec un rythme qui tout d'un coup s'arrête. Le rythme est cassé; 1/ faut le retrouver. Cette première expérience va nous apprendre à être prudent, à savoir que rien n'est acquis, rien, jamais rien. A chaque fois qu'on crie victoire, qu'on se dit «ça y est», c'est là que commencent les conneries. On relâche son attention, on pense que c'est dans la poche et on se rend compte ensuite qu'il y avait un trou dans la poche. 27 La jalousie fait souffrir J'un et étouffe l'autre O n se cache à sol-même un tas d, choses. A fortiori à l'autre. Il n'est jamais bon de tout se dire, de se livrer comme ça en bloc. Il faut au contraire apprendre à se contrôler. Il y a certaines choses qui peuvent être dévoilées d'autres dont il faut se méfier comme de la peste. Raconter par exemple toute sa vie antérieure à son conjoint avec le moindre de ses détails me semble tout à fait inadapté. Le conjoint a tendance à éprouver de la jalousie par rapport à ce qui a pu se passer ou ne pas se passer ou qui pourrait éventuellement survenir. Si j'avais une femme jalouse je ne lui dirais jamais «regarde, il y a une jolie fille qui passe à proximité». Je serai fou de lui faire une réflexion pareille. Cette question de la jalousie est terrible parce que celui qui est jaloux souffre et celui qui en est l'objet étouffe. Or tout se rapporte à un problème de confiance. Et ce que les gens ne savent pas, c'est que plus on est jaloux, plus on crée de risques. Plus on dit à quelqu'un «il ne faut pas agir ainsi,» plus on lui donrw envie de passer outre cet interdit. Se préserver un jardin secret : une nécessité Il n'est pas bon de tout dl',. Il Yad" aspects de ma vie qui n'appartiennent qu'à moi. Je ne me dévoile jamais complètement car je pense qu'il est necessaire de se préserver un jardin secret. Surtout pour les femmes. 28 S'il me prend de fantasmer par exemple sur quelqu'un, je ne peux pas le confier à mon mari. Même si ce n'est que fantasme, je me vois mal en train de lui dire «tu sais tel bonhomme me plait, il m'attire». J'ai des amis hommes et des amies femmes que mon mari ne connait pas du tout. Je crois en l'amitié entre les hommes et les femmes et je pense qu'il est important de développer ce type de relation entre les sexes. Avec un homme, tu peux aborder des sujets de conversation différents de ceux que tu aurais avec une femme, et c'est très enrichissant. Mon mari ignore que j'ai des amis hommes. Je ne lui en parle pas parce que je crois qu'il réagirait mal s'il venait à l'apprendre. Il me fait entièrement confiance, il n'est pas spécialement jaloux mais d'après nos discussions, je vois comment il raisonne et je sais que sur ce point là, il ne serait pas d'accord. Alors je préfère me taire. Ça me permet de continuer à fonctionner comme je le désire sans que cela ait des répercussions négatives sur mon couple. Il ne faut pas être totalement dépendant de son mari parce que si tu n'as que lui pour discuter, que lui pour soutien, au bout d'un moment, tu en as ras-le-bol. Nous en avons discuté ensemble avant d'en aviser nos parents. Le grand amour est venu après. Les heurts aussi. Nous avons rencontré au début de notre mariage deux types de problèmes. Le premier était d'ordre matériel (nous avions très peu d'argent), le second se rapportait à notre sexualité. Je n'étais pas du tout préparée à la vie sexuelle. Comme je lisais énormément, mes lectures m'informaient plus ou moins. Mais ce qu'on écrit n'a rien à voir avec ce qui est. Au Maroc, tout ce qui se rapporte à la sexualité est tabou. Pourtant c'est un domaine où beaucoup de femmes rencontrent des problèmes. Elles n'osent pas en parler, c'est tout. Et les maris réagissent toujours en leur mettant toute la responsabilité sur le dos. Au début de mon mariage, je ne parvenais pas à éprouver du plaisir dans le rapport .sexuel. Comme j'avais honte d'abor~r cette question. je n'en parlais ni à ma mère ni à mes sœurs. Seule une amie très intime recevait mes confidences. Elle m'encourageait à tenir le coup en me disant qu'à la longue ça finirait par s'arranger. Cela s'est avéré vrai. Mais pendant ces premiers temps, mon mari réagissait négativement en me disant «c'est de ta faute, tu dois faire des efforts» et les médecins que je consultais achevaient de me culpabiliser. Normal, c'était tous des hommes! «C'est de ta faute» Tendresse, tendresse suis manee très jeune. J'ai donc très peu réfléchi à cette question avant de me retrouver la bague au doigt. Mes parents, comme tous les parents traditionnalistes ne me laissaient pas sortir comme je le désirais. Aussi le mariage à mes yeux était pouvoir être libre de faire ce que je voulais. Le couple, c'était vivre à deux, partager tous les problèmes,avoir plus de responsabilités. Devenir donc quelqu'un de responsable, être considérée comme un adulte. Je ne voulais plus être prise pour une enfant par mes parents, par man entourage. J'ai épousé mon cousin. C'était un mariage mi-moderne, mi-traditionnel. que je ne sais pas ce que c'est. Je n'ose plus idéaliser. La vérité est tellement autre que je préfère, pour éviter une quelconque désillusion, ne pas trop m'en éloigner. Et pourtant... comme je souhaiterais vivre autre chose 1. .. A l'heure actuelle, nous sommes deux, mais nous vivons chacun dans son coin. Sept ans de vie commune, et c'est déjà la mort du couple. Il est là, grand absent. Je n'arrête pas de concilier, de raccommoder, de lui pardonner son absence mais trop, c'est trop. Je maintiens le couple pour sauvegarder l'équilibre de nos enfants. Je vis pour eux, pour leur bien être. Par moment je me demande s'il sait que j'existe. Oh, bien sûr, il se rappelle de mon existence pour ses séances de défoulement. Quand il a un problème au travail, avec sa famille, avec ses amis, c'est sur moi que ça se répercute. C'est lassant à la fin, vous ne trouvez pas? Comment voulez vous préserver le désir dans ces conditions? Un homme qui ne vous voit plus, qui vous perçoit négativement, comment peut-on l'aimer, comment peut-on continuer à le désirer? Un amour non partagé ne peut pas susciter le désir. " m'agresse par son silence, je l'agresse par mes questions. Je fais. l'amour avec lui par habitude, par devoir, et non par désir. C'est une vérité cruelle que je vous livre. Vous vouliez connaître mon idéal d'homme. Ma vie est déjà faite, je ne peux plus espérer. Mais enfin puisque vous êtes là et que vous m'y faites penser je vais me donner la liberté de rêver à voix haute. Je ne rêverai pas d'un autre homme, puisque ce n'est pas permis. Je vais simplement vous dire comment je voudrais que mon mari soit. En un seul mot: tendre. Tendre et affectueux. Qu'il s'inquiète de ma santé. Qu'il me ramène un bouquet de fleurs, une rose, un parfum de temps en temps en me disant : «tiens chérie, c'est pour toi». Ce serait drôle mais surtout tellement agréable. Ne vous moquez pas de moi, je sais que ce que je suis en train ,de vous dire fait très «photo-roman» mais j'aimerai J'entendre me murmurer «tu es la femme la plus extraordinaire qui soit» même si parallèlement à celà, il en fréquente une autre. Et surtout qu'il ne me renvoie plus de moi une image aussi négative. C'est atroce de se voir ainsi dans le regard d'un être que vous avez aimé et qui vous a aimé. Ces petits gestes qui font tant de bien R, Elle est mon roc con,e,ve, 'a v;tal;té au couple, M a temme et mo;,c'est du 'oUde. il faudrait pouvoir continuer à découvrir l'autre. Il n'y a rien de plus terrible que d'avoir quelqu'un qui flambe comme un feu de paille et qui s'éteint ensuite. Découvrir l'autre par étapes. " y a des choses que je n'ai pas encore montré à ma femme et j'espère qu'il en est de même de son côté. Cela signifie une sorte de création de soi-même face à une situation donnée. Les conjoints doivent pouvoir continuer à se surprendre. Il est également nécessaire de construire autour des deux conjoints le maximum de choses. " ya une stratégie de la vie à deux comme il y a une statégie de la vie professionnelle. Il faut aller très très doucement pour qu'il y ait une amélioration progressive tant au niveau matériel qu'au niveau du plaisir, des vacances, des voyages ... Lorsqu'on veut aller trop vite, on se casse la gueule parce qu'on ne supporte pas le retour à la réalité. Les enfants font partie de ces éléments qui font'progresser un couple, qui lui permettent d'aller toujours plus loin. C'est vrai que le temps peut détruire beaucoup de choses. D'où la nécessité d'en créer toujours de nouvelles. D'avoir donc de l'imagination. Si certains détails s'effilochent et s'en vont, il faut en entretenir d'autres. Ce n'est pas, par exemple, parce qu'on n'ouvre plus la portière à sa femme qu'on ne peut pas de temps à autre lui apporter un bouquet de fleurs. De passer un jour à la pâtisserie et de lui acheter les gâteaux qu'elle aime. Et puis, un autre jour lui ramener son journal préféré ... Bref un tas de petits trucs qui signifient «je pense à toi». Quatorze ans de mariage et trois ans de fiançailles. On se connaît bien. Bon cœur tous les deux mais nerveux et vite soupe au lait. Avant on criait beaucoup. Puis on s'est aidé: quand l'un est énervé, l'autre se tait. On se respecte beaucoup et surtout on s'estime. De toutes les façons, J'amour sans admiration ni estime ne dure pas. Nous avons réussi à trouver des valeurs fortes communes bien que nos caractères soient très différents. Elle est casanière. je suis extraverti. Jamais il n'a été question de marchandage entre nous. Nous sommes partis de rien, refusant toute aide familiale. Ce que nous avons fait, le peu que nous avons fait c'est notre œuvre. " n'y a jamais de calcul entre nous. Mon salaire, ton salaire, on ne connait pas ces expressions. Ma femme ne pense jamais à elle. Parfois je lui en veux même de s'oublier autant. Mais pour tout vous dire, je suis extrêmement fier d'elle. Je la pousse à s'exprimer, elle me pousse à me réaliser. Jamais je ne pourrais la quitter; elle est mon roc. 29 Milieu hospitalier Aide-soignante, infirmière, laborantine: des métiers pour celles dont le but est d'être utile aux autres. Examens comptables Pour a....oir un bon salaire, pour occuper un poste de confiance dans l'entreprise, préparez avec nous un des examens officiels: C.A.P., B.E.?, B.P., B.T.S., C.P.E.C.F. Ingénieur directeur commercial Faites un métier dynami~ue, occupez un poste à respon· sabilités en travaillant dans la gestion commen;:iale. Electromécanique Dans les industries de production. les moteurs électri· ques jouent un rôle important et nécessitent un personnel compétent en électromécaniCNA--pour l'entretien, le con· trôle, le dépannage. Bâtiment Chef d'équipe. chef de chantier, projeteur calculateur, dessinateur en bâtiment. toussant nécessaires pour faire avancer l'ouvrage sur le chantier de construction. Le biscuit qui craque et qui croque Programmeur en microinformatique , Electricité Pour acquérir rapidement les connaissapces nécessaires pour mettre en œuvre et utiliser un micro-ordinateur (fourniture d'un micro-ordinateur SHARP). Programmeur Opérateur, analyste, chef programmeur ... Faites partie de l'équipe informatique au moment où la place de l'ordi· nateur ne ~eS5e de se développer dans tous les domaines. Couturière Profitez de votre goût pour la mode et de votre habileté pour apprendre à réaliser vous-mëme des vêtements féminins. Tant pour l'éclairage que pour les appareils ménagers, l'électricité est présente aujourd'hui dans notre ....ie quotidienne. Choisissez ce secteur aux larges débouchés. AQ1:iculture mediterranéenne et' tropicale Spécialisez-vous en agronomie: ....otre pays a besoin de spécialistes pour promouvoir son développement agri- cola Radio T.V. HI-FI Quel que soit votre niveau, devenez un spécialiste dans cette technique de pointe: monteur dépanneur, techni· cien ou ingénieur(avec matériel d'application pratique en option). Ingénieur électronicien Une carrière de haut niveau, dans une technique de pointe (avec matériel d'application pratique en option). Langues Une langue étrangère peut s'apprendre en 6 mois Apprenez l'anglais ou l'allemand sur cassettes. EgaIement cours approfondi de la langue française sur cassettes. Mécanicien automobile Ou diéséliste, mécanicien pOids lourds, technicien d'atelier, l'automobile a besoin de spécialistes vraiment qualifiés. Secrétaire Banque Une carrière aux aspects ....ariés, qui permet aux femmes de mettre loutes leurs capacités en ....aleur et qui offre de nombreux débouchés. Accédez à une situation stable dans le secteur bancaire: C.A.P. employé de banque, cadre supérieur de banque, technicien du crédit. Styliste de mode Comptable commercial Choisissez les gammes de c()loris, de tissus. Créez ....ousmême les modèles d'une collection en devenant styliste. .~ Educatel Enseignement privé par correspondance 139, avenue Jean Jaurès 75019 PARIS· FRANCE En dressant des balances, des comptes, des bilans, le comptable suit de près la ....ie financière de l'entreprise Formation supérieure: chef comptable. Technicien du marketing Préparer le lancement d'un produit nouveau, participer à l'élaboration de la politique commerciale de l'entreprise' c'est un métier passionnant pos ~---------------_.~ 1 BON pour recevoir GRATUITEMENT -..oE..l",,'_~ 1 1( Arour une information complète sur le métier choisi Métier choisi, HISTOIRE D'UN DROLE DE VOEU (Conte populaire marocain adapté par Jocelyne Laiibi) Assise sur la terrasse, les jambes allongées, elle avait retroussé sa robe bien au-dessus des genoux. La laine filait rapidement entre ses doigts et elle chantonnait d'une voix qui, peu à peu, s'épanouissait. Elle aimait ce travail et le soleil était chaud ce jour-là. Autant de raisons d'être joyeuse et de chanter vers le ciel ! Elle tendit la main et prit une olive. Elle s'amusa à en jeter le noyau vers son arbre préféré, celui que couronnait le nid de cigogne. Puis elle prit le morceau de fromage, le pain qu'elle avait posé là, et, cessant un instant son travail, elle grignota en rêvant. A quoi elle rêva? Eh bien, d'abord à son mari qu'elle aimait beaucoup. Il commençait bien à devenir vieux mais, elle-même, ne l'était-elle pas déjà un peu? Elle eut un petit sourire tendre, et puis elle passa à son rêve favori: si j'avais une petite fille ... 32 « Si j'avais une petite fille ... elle pourrait m'aider à filer la laine! Oh, mais non! Si j'avais une petite fille, je ne la laisserai pas travailler. Elle resterait là avec moi, simplement pour que je puisse la regarder! Comme j'aimerais avoir une petite fille! Une fille aux yeux noirs... Noirs comme ... comme ces olives, tiens! Et puis, au teint blanc comme ce bout de fromage que je mange! Et elle aurait les joues rouges. Comme cette pomme ! » Elle prit la pomme et regarda son arbre: l'une des cigognes se tenait là, le bec sous l'aile. « Oui. Une fille. Et même si elle était cigogne! Une cigogne aussi peut tenir compagnie! » Et en riant, elle reprit son travail. Qui l'entendit ce jour-là faire cet étrange vœu? Un génie avait-il décidé de s'amuser un peu? Toujours est-il que, neuf mois plus tard, elle accoucha d'une cigogne aux grands yeux noirs, aux plumes éclatantes et au bec tout rouge! Elle fut bien un peu interloquée (son mari aussi, il faut le dire!), mais se résigna en se rappelant le vœu qu'elle avait fait pour rire. Et puis, après tout, une cigogne aussi pouvait tenir com'pagnie! Elle éleva donc sa cigogne, qui grandit et devint en très peu de temps un bel oiseau. Elle fut aussi fidèle à sa promesse et la cigogne restait avec elle, simplement pour qu'elle puisse la regarder. Un jour pourtant, comme elle se sentait de plus en plus lasse, elle se plaignit avec un peu d'amertume: « Tout ce linge à laver! Si j'avais une vraie fille, elle aurait quand même pu m'aider. Mais une cigogne que peut-elle faire avec sa pauvre paire d'ailes? » La cigogne avait entendu les plaintes de sa mère. On a beau être cigogne, on a son amour-propre! Dès que la vieille femme eut tourné le dos, elle s'empara d'un grand drap, y déposa le linge sale et s'envola, le baluchon passé en travers du bec. Elle s'envola vers le palais du sultan: il y avait là-bas tant et tant de lavandières qu'un surcroît de travail passerait inaperçu. Ce fut bien ce qui arriva et, quelques heures après, la cigogne trouva son linge tout propre et bien séché par le soleil. Avant de le plier dans le grand drap, elle le parsema de roses, de jasmin, et de toutes les sortes de fleurs odorantes qu'elle put trouver dans les jardins du palais du sultan. Arrivée chez elle, elle déplia cérémonieusement le drap. Quand sa mère vit le linge si bien lavé et que l'odeur des fleurs eut envahi la pièce, la cigogne eut droit à un gros baiser sur le bout de son bec. Elle eut droit aussi à quelques remontrances car son absence prolongée avait angoissé sa mère. Et ainsi, chaque fois qu'il y eut du linge à laver, ce fut la cigogne qui s'en chargea. Un jour, le fils du sultan eut l'idée de descendre dans les jardins du palais et de s'y promener. Au fur et à mesure qu'il parcourait les allées, sa stupéfaction grandissait: pas une seule fleur! pas de roses, ni de jasmin, les narcisses ne poussaient plus et les glycines avaient disparu! Il ne restait que des arums, ces fleurs bêtes qui ne sentent rien. Furieux, il déboucha sur la rivière et s'enquit péremptoirement des raisons de cette curieuse absence. Toutes tremblantes (après tout, c'était le fils du sultan), les lavandières répondirent: « C'est une cigogne, Monseigneur! Elle vient ici faire laver son linge, ce que nous acceptions volontiers car il doit y avoir là-dedans quelque magie: une cigogne peut-elle s'habiller? Ou se servir de draps? Et avant de plier son linge propre pour l'emporter, passé au travers de son bec, elle cueille toutes les fleurs qu'elle peut trouver et l'en parfume. Voilà pourquoi il n'y a plus de fleurs dans votre jardin! » Au mot de «magie», le fils du sultan était tombé dans une profonde réflexion. Il avait, bien sûr, entendu parler des génies. Il savait qu'ils prenaient parfois les formes les plus extravagantes. Il savait aussi que certains génies étaient femmes, qu'elles pouvaient s'éprendre des hommes et qu'elles les rendaient alors immensément riches et heureux. Aussi se décidat-il très vite. «Quand cette cigogne reviendra, comportez-vous comme à J'ordinaire. Mais lorsqu'elle s'envolera, suivez-là sans vous montrer. Celui ou celle qui pourra me mener à J'endroit qu'elle habite aura la plus belle des récompenses ! » Tout le monde fut donc sur le quivive et quand la cigogne fit tomber son linge au milieu de celui du sultan, les lavandières le lavèrent aussitôt, tout en la guettant du coin de l'œil. Lorsque le linge fut scc, la cigogne le rlia et s'envola sans plus attendre. Et voici ce qui se passa alors: les draps ct les vêtemens du Sultan, abandonnés par les lavandières, descendirent la rivière; dans les jardins, l'eau emplit les séguias à en déborder; le palais se vida entièrement de ses serviteurs - prévenus on ne sait comment - qui laissèrent les marmites bouillir sur le feu! Tous s'étaient précipités à la suite de la cigogne, et on se bousculait pour ne pas la perdre de vue et surtout pour arriver le premier! Le jardinier en chef connaissait bien les raccourcis des environs: il devança la foule des serviteurs et ce fut lui qui arriva le premier. Il vit la cigogne pénétrer dans une maison, il examina l'endroit avec attention, et il s'en fut bien vite au palais en se félicitant de sa chance. Ce soir-là, le fils du sultan eut avec son père une longue conversation. Les débuts en furent très animés et les serviteurs entendirent même deux ou trois fois la grosse voix du sultan. Mais, quand l'un et l'autre se retirèrent, le fils du sultan souriait ... Et on vit, le lendemain, les plus hauts dignitaires du palais accompagner le jeune homme, tous en grand apparat. Lorsque les parents de la cigogne comprirent le sens de l'étrange demande, ils essayèrent bien de convaincre le fils du sultan qu'une cigogne ne lui convenait pas; le fils d'un sultan se devait d'avoir comme épouse une jeune fille ! Non seulement une jeune fille, mais la plus belle des jeunes filles! Rien n'y fit. Le jeune homme s'entêtait et il commençait même à menacer les deux vieillards de leur faire couper la tête et d'enlever sa belle cigogne. Dès lors, comment s'opposer? On célébra le mariage à grand fracas 33 de réjouissances. Personne ne s'étonna de la forme d'oiseau de la jeune mariée car tant d'histoires merveilleuses circulaient sur les génies. Personne ne s'étonna, mais personne n'osa trop s'en approcher: sait-on jamais ce qui passe par la tête d'un génie? Après la fête, quand tous se furent retirés, le jeune homme s'installa face à la cigogne qui s'était perchée sur le dossier d'un fauteuil, et il attendit. Il estimait avoir droit à une rapide métamorphose de sa femme car il avait été aux petits soins pour elle et se jugeait digne de récompense. Il plongeait donc son regard dans les yeux noirs de la cigogne et il attendait. Et rien n'arriva. Ils se regardaient tou§ deux, et le regard noir de la cigogne était si intense que le fils du sultan finit tout simplement par s'endormir ... Le lendemain matin, le sourire du fils du sultan était moins large et, au fil des jours et des semaines, il disparut complètement. Autour de lui, au contraire, le sourire s'élargissait et dans le peuple, on se moquait même ouvertement de ce stupide jeune homme qui avait épousé une cigogne : « Vous vous imaginez les enfants qu'ils vont avoir! ça sera reposant d'avoir un jour un sultan qui ne saura faire que « clac! clac! ». Le fils du sultan se sentait très malheureux, mais surtout très humilié: il ne pouvait plus longtemps demeurer l'époux d'un oiseau! Ne sachant que faire, il songea à s'adresser à un savant, si vieux et si expérimenté qu'il avait vu et fait maintes merveilles. Le vieux savant rassura le jeune homme. L'affaire, apparemment, était simple: « Si cette cigogne est enchantée, elle ne résistera pas au charme que je lui ferai subir ». Le soir donc, il s'introduisit en grand secret dans la chambre du fils du sultan. Il se fit apporter des braséros, beaucoup de braséros, et les alluma tous. Une vive chaleur se répandit bientôt dans la pièce et devint même vite étouffante. Le fils du sultan avait très chaud. Mais il n'osa rien dire. Lorsqu'ils entendirent le battement d'ailes de la cigogne qui venait dormir perchée sur son fauteuil, le vieux savant poussa le jeune homme un peu brutalement et ils se dissimulèrent tous deux derrière une tenture. Le fils du sultan n'osa pas protester. Il n'osa pas non plus s'enquérir de quoi que ce soit. La cigogne pénétra dans la pièce, se percha sur son fauteuil et mit sa tête sous son aile. Mais bientôt, gênée par la chaleur qui épaississait l'atmosphère, elle sauta à terre et se débarrassa de son lourd manteau de plumes. Aussitôt, le vieux savant s'en empara et le jeta sur le braséro le plus proche. La cigogne se RECHERCHONS ;:::;::;;;1 COMPAGNONS DE ROUTE POUR VOYAGER AU BOUT DES MEDIA ~.......;::::::::;:;;Egr .; ..... ;;;::::;:::2:::::::::::::::::: ::~~: ...... ;;;;::::::~:!~~~~~HH~~::HHHiminHHiHIiHi~ ;;;::: ::;::::::;::: ;::::::::;::::::;;;:;;;::::::;::: :::: ':: .. ~.,:;:::::;:::::::;;:::;: • LEUR PASSION: ECRIRE LEUR AMBITION: COMMUNIQUER CURIEUX DU MONDE GENEREUX DE LEUR PLUME ILS ECOUTERONT LES SILENCES ET VEHICULERONT LES ELANS LES ATTENDONS POUR CONTINUER KALIMA AVEC NOUS. ADRESSER C.V. + ARTICLE KALIMA 18, RUE IBN YALA CASAB~ANCA TEL. : 36.24.89 +:::::::::::1 34 mit alors à hurler des imprécations et à proférer d'horribles menaces, à faire frémir le fils du sultan, toujours caché derrière la tenture! Mais, à peine les plumes eurent-elles fini de brûler que l'oiseau se transforma en une blanche jeune fille aux joues rouges et aux grands yeux noirs. La métamorphose s'était enfin accomplie. Le vieux savant eut la récompense qu'il méritait. Pour faire définitivement taire les mauvaises langues et rentrer le sourire à l'intérieur des bouches, on recommença le mariage du fils du sultan. Les vieux parents de la cigogne ne furent pas les moins fiers et la mère prétendit qu'elle sentait bien au fond d'ellemême que sa fille ne pouvait être un oiseau! La cigogne n'était pas un génie. Elle ne rendit donc pas le fils du sultan plus riche qu'il n'était. Par contre, elle le rendit immensément heureux car tous deux s'aimèrent très fort. Mais il n'est pas besoin d'être un génie pour cela ... • •• LETTRE OUVERTE Pour le dialogue permanent •• • • • ••• • • • ••• • •• • • • ••• • •• • •• • • • •••• • • • ••• • • •••• • • •••• • •• • • ••• • •• • • • ••• • • •• • • • •• • •• • ··································· D ••• • • ••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• • ••• • • ••• • ••• es que j'ai atteint une certaine franchement, ça ne m'a jamais vraiment •• • (maturité», l'âge où l'on veut explorer «comblée» comme réponse. Parce qu'il • son être, j'ai éprouvé un besoin très fort est impossible que l'on ne commette ••• • de mener ma barque comme je l'entenjamais de faute. Alors si ces adultes qui ••• • dais. Malheureusement, j'étais sans ont autorité sur moi peuvent se trom•• • droits. Ce sont les ((grands», et les homper, ça veut dire que je peux, au moins • •• mes, qui ont des droits, le pouvoir une fois, avoir raison. Mais comment absolu. Dans mon cas, ce pouvoir est celui qui dét(ent le pouvoir peut-il com• • prendre ça 7 Car ce qui l'intéresse en incarné par mon frère aÎné. 11 contrôle •••• tous mes actes, du plus anodin au plus premier lieu c'est de faire obéir les • • «sérieux». C'est lui qui décide à ma place, en mon nom. Je dois obéir, baisser la tête et dire «ouiJ>. Mon problème c'est que je suis rarement, pour ne pas dire jamais, d'accord avec ce que veut pour moi mon frère. J'agis toujours à contre-sens de ce qu'on me présente comme un commandement absolu ou indiscutable. Evidemment, cette attitude me vaut régulièrement le bâton. Ce bâton avec lequel on a toujours éduqué J'enfant dans notre société et réprimé l'individu voulant se réaliser. Tout cela m'a poussée à me poser la question que voici: «Pour quelle raison, le pouvoir est-il entre les mains des «grands» 7» D'habitude, j'V réponds tant bien que mal en essayant de me persuader que le «grand» est mûr, plein de sagesse, conscient d'un tas de choses, etc. Mais, autres par la force. A J'école, l'institutrice était un cauchemar pour moi. Car elle aussi représentait le pouvoir dans son horreur. J'en . rêvais la nuit; mon enfance, je l'ai donc vécue prise en tenailles entre ces deux pouvoirs. L'individu est né libre, pourquoi l'entraver constamment 7 Pourquoi nos parents ne nous laissent-ils pas discuter librement leurs jugements, surtout si ceux-ci sont faux. Pourquoi n'admettent-ils pas qu'on conteste leurs décisions? J'aimerais voir se créer une société fondée sur le dialogue permanent entre les individus, pour qu'il ne reste aucun voile entre le père et ses enfants. Une élève de 6° A.S. . 17 ans • ••• • • • •• • • • • ••• ••• • • • •• • • • • •• • • • ••• • • •• ••• • • • •• • • • • ••• ••• 35 D'où qu'elles viennent, ces voix s'exprimeront ici, rebelles à toutes frontières. Elles nous diront leur racines et les nôtres. LE COEUR DE L'AMOUR QASSIM HADDAD Il est né en 1948 à Bahreïn. Il est l'un des principaux animateurs de la revue KALIMAT (une coïncidence étrange !) qui paraît à AI Manama. Parmi ses œuvres poétiques: "Le deuxième sang," 1975, "Appartenances", 1981, "Eclats", 1983. Les poèmes que nous publions ci-dessous sont tirés du recueil "Le cœur de l'amour", 1980. Réception pour J'océan Il nous a surpris avec ses poissons et ses algues ses fonds et ses vagues tant et tant de sel Le dîner était prêt Quelqu'un d'entre vous a-t-il essayé d'inviter l'océan à dîner? Je devais le faire Car mon aimée était sous les eaux de l'océan à m'en rendre jaloux Et dans le bouillonnement de la colère elle m'a promis de quitter l'océan si j'invitais celui-ci à dîner ne serait-ce qu'une seule fois L'océan est venu dans tout son apparat La maison se transforma en rivages J'avalais ma jalousie verre par verre pendant que l'océan apprenait la nage à mon aimée et qu'elle feignait chaque fois de se noyer Puis, avant que l'enfer n'explose dans ma tête quelqu'un est venu frapper à la porte: l'océan devait partir car les bateaux ne pouvaient plus appareiller j'ai soufflé en raccompagnant l'océan à la porte Il a dit: votre dîner était bon et séduisant et il est parti Et quand je suis revenu à mon aimée pour lui demander d'honorer sa pr01T~sse j'ai trouvé qu'elle avait pris le large le haut large 36 L'ici et le là-bas L'aimé est ici l'aimée est là-bas Ils ne se sont pas fâchés et la colère ne les a pas séparés Simplement la maison~de J'aimée surplombe la mer et la cellule de l'aimé se trouve en plein désert Le soleil qui les réchauffe est le même et la nuit qui flagelle leurs nuits est la même Le lit de J'aimée est un bloc de glace dans la banquise de l'hiver La couche de l'aimé une braise dans l'âtre de J'été Elle est ici torturée par d'incalculables attentes Lui là-bas en proie à une foule de soucis Ils ne se plaignent pas Ils ne se lassent pas ils ne baissent pas les bras ils poursuivent simplement leur amour Elle ici lui là-bas -------- Les villes enlèvent leur habit de deuil Déverse-toi, déverse-toi ainsi comme le vin qui écrit l'histoire Ainsi, comme les forêts de café grouillant de désir ainsi, comme les cascades imitant la nostalgie Déverse-toi dans le rire la musique est affamée de toi Les arbres et les fauves accourront vers toi ainsi que le fleuve et les caravanes Continue à rire, ainsi, ainsi encore et encore La ville enlèvera son habit de deuil si tu ris Déverse-toi encore plus et toutes les villes se relèveront de la tristesse (Poèmes traduits de l'arabe par A. Laâbi) Vivre. Un bol, deux bols, trois bols de harira... et bonjour les dégâts. Après une journée de jeûne, il est bien difficile de résister aux tentations multiples d'une table bien garnie. La graisse, perfide, ne guette alors que ce relâchement pour se loger subrepticement dans les coins et recoins d'un corps aux défenses abaissées. La bedaine pointe du nez et c'est parfois plus d'un cran de la ceinture qu'il faut faire sauter. Cette fois-ci, c'est à vous, messieurs, que nous avons pensé en particulier. Voici une bonne série d'abdominaux pour conserver à vos muscles toute leur tenue. Donnez donc l'exemple à vos compagnes. Ces exercices leur feront autant de bien qu'à vous. Au début, faites dix fois chaque mouvement, au moins une fois par jour, puis vingt fois et ainsi de suite. Augmentez le nombre d'exercices progressivement. Consacrez 10 à 15 mn par jour à votre séance d'abdominaux. Effectuez-la de préférence le matin face à une fenêtre ouverte. Attention, le Ramadan est bientôt 1 à ! 1. Epaules basses, omoplates croche- /Q. tée~, nuque étirée, 1 ~~;::--- mams au ras des ~---~- , /' Ji fesses, inspirez, serrez les abdominaux (' . 1evez au maxImum, " h les jambes à la verticale et redressez la tête très légèrement. Expirez en tenant la contraction au maximum. Recommencez. 2. Les pieds à l'angle du mur, bien collés, les jambes fléchies, les pouces à la base du crâne, les omoplates crochetées, inspirez à fond. Contractez les abdominaux puis fléchissez le tronc vers l'avant en écrasant les genoux au sol (sans déplacer les fesses). Expirez à fond. Recommencez. 39 3. En équilibre sur les fessiers, doigts à la nuque, omoplates crochetées, inspirez, contractez les abdominaux, amenez le torse droit et le coude bien ouvert vers le genou opposé. Expirez à fond. Revenez à la position initiale. Inspirez, contractez. Refaites le même mouvement dans l'autre sens. Expirez. Recommencez. 4. Les pieds soutenus bien au sol (vous pouvez demander à un ami ou une amie de vous aider), le bout des doigts à la nuque, les coudes très ouverts (et ils doivent le rester), inspirez, contractez, fléchissez le torse vers l'avant en poussant un coude vers le genou opposé. Expiration sur l'effort. Changez de côté. Recommencez. 5. Couché, jambes pliées, mains aux genoux (c'est le truc pour réussir) enroulez votre corps vers l'avant et relevezvous avec souplesse. Recommencez. 40 / ~----~ Avec Alata, un nom arabe a pénétré le champ clos de la haute-couture occidentale. Ce petit tailleur tnnisien ne se contente cependant pas d'être parmi les grands, il les bouscule et se hisse aux premières loges : oscar du meilleur créateur de l'année, oscar de la Fédération de la couture, sa consécration en 1985 est totale. Fatem-Zahra El Bouab, notre collaboratrice, voulait absolument le rencontrer. Elle l'a rencontré. 42 Rndeurs, formes et sensualité Rue du Parc royal, n° 17. Le Marais. Paris plein cœur. Au jour et à ('heure dits me voilà devant l'imrpeuble. Mise soignée bien sûr au millimètre près. De la jupe aux chaussures plates, tout est rouge et tout est noir. Question de faire impression. Sur la lourde porte en bois laqué, une plaque, un nom: ALAïA. Interphone. Je m'annonce,La porte s'ouvre sur un espace gris perle au carrelage noir. Une des vendeuses, le corps moulé jersey, griffe Alaïa, m'accueille et me demande de patienter. e m'étais promis de le renconUer. J'ai essayé. Et j'ai réussi. II me fallait en premier lieu trouver son numéro de téléphone. Grâce à une amie qui travaille dans une revue de mode, je parvins à l'obtenir. C'est donc avec ardeur que j'ai composé ces huit chiffres. J Trois jours. Trois jours de suite durant lesquels j'eus droit à : « l\ n'est pas encore venu ». « Il n'est toujours pas venu ». « Il est parti déjeuner ». Il n'est pas encore reven u », « l\ sera là vers 13 heures. Puis c'est « ne coupez pas ». Une voix d'homme me donne des battements au cœur. « M. Alaïa? « Non. M. Alaïa, n'est toujours pas rentré. C'est à quel sujet» ? Dans ma volonté de convaincre, je m'empêtre dans les détails. « Magazine féminin marocain, rubrique mode, venue exprès à Paris pour le voir, etc.. , » Petite lueur d'espoir. Mon interlocuteur me promet de transmettre mon message. Bilan de cette journée: sept coups de fil. La cinquième aube se lève et me voilà à nouveau accrochée à mon poste de téléphone. Attente. Espoir. Déclic. Désillusions. Le samedi à cinq heures, un« ne coupez pas» me laisse à nouveau en suspens. Pendant dix bonnes minutes, l'oreille collée à l'écouteur, je rêve aun petit monsieur tout de noir vêtu. Un « allo »grave me ramène sur terre pour me renvoyer direct voguer dans les cieux. C'est lui! «M.Alaïa?» « Oui ». out mon speech y passe avec une bonne grosse dose d'émotion. Ça marche, me 'dis-je, ça ne peut que marcher. Erreur. «Non madame, je ne veux plus accorder un seul entretien aux journaux arabes ». T Trémolos dans la voix. « Je voudrais vous voir, juste vous voir ». C'est dur la vie d'artiste, M. Alaïa. « Okay », me dit-il vaincu par mon insistance. « Rappelez lundi matin pour qu'on vous fixe un rendez-vous », Calée sur ma chaise, j'en profite pour examiner les elientes qui évoluent dans la boutique. Elles font partie de cette catégorie de femmes du genre B.C.B.G. qui, bien que d'un certain âge, aspirent à « rester dans le coup ». Or dans du Alaïa, ce n'est pas vraiment très évident. Sa ligne fuselée qui colle à la peau en valorisant la poitrine, serrant la taille et moulant les fesses ne va pas réellement à tout le monde. Mais elle est indiscutablement très belle. Cette coupe superbe introduit enfin du relief dans le corps féminin. Après toutes ces ampleurs, toutes ces longueurs, toutes ces superpositions et assymétries, il retrouve sensualité. forme et rondeurs. Plongée dans mes observations, je ne l'avais pas vu arriver. Soudain, il est là, en face de moi, lui, Alaïa. En tenuè noire « mao », espadrilles chinoises, comme sur les photos, avec le yorkshire en moins. Accrochant mon plus beau sourire sur mes lèvres je me présente et lui demande: « Je peux vous voir? Enfin auriez-vous quelques minutes à m'accorder ». «Oui,. me répond-il, mais seulement quelques minutes. Je suis très occupé.» «Venez». Je lui emboite le pas. Des escaliers nous mènent dans une grande pièce où s'entassent, à gauche des cartons et à droite, des portants de vêtements. Dotée d'un éclairage intérieur, une table en verre dépoli trône au centre. A ses coins, des ijlmpes style art déco. De l'ensemble se dégage une ambiance ivoire. Nous nous asseyons. Silence. Je ne sais pas trop quoi dire ni comment démarrer la conversation. Et puis c'est. parti. 43 difficiles c'est une chance D'abord la question stupide. « Vous êtes vraiment Tunisien» ? ( Oui» (sourire franc et quelque peu amusé). Puis la question classique. «Quelle a été votre formation initiale ? » - J'ai fait les Beaux Arts en Tunisie où un de mes professeurs a découvert mon don pour la couture et la création de mode. J'ai commencé à faire des surfilages pour des couturières, puis des retouches. Mes premières clientes sont arrivées. Et tout a commencé. - Vous aviez trouvé votre vocation; dès lors}plus rien ne vous a arrêté. - Oui, je suis venu à Paris. Il faut dire que j'ai toujours été aidé, protégé. J'ai eu beaucoup de chance. Madame Zerfuss _une Tunisienne mariée à un Français - a beaucoup fait pour moi à mes débuts. l'habitais dans des chambres de bonnes. C'est très important d'habiter dans une chambre de bonnes au début. .. C'est une chance de plus que j'ai eu ... - C'est une chance à vos yeux d'avoir des débuts difficiles? - Bien sûr. Ça permet de progresser plus vite. D'en vouloir plus. J'ai commencé à faire du sur. mesure pour des clientes. Et petit à petit ma clientèle s'est agrandie. Des clientes venaient de tous les pays. J'étais installé Rue de Belle Chasse. Mes ateliers se trouvaient dans mon appartement. En 1980, j'ai décidé de me tourner davantage vers le prêt-à-porter. J'ai préparé une petite collection avec peu d'articles. La presse est venue, s'y est intéressée. Tout leur a beaucoup plu. J'étais lancé. J'ai ensuite organisé plusieurs petits défilés. Et tout récemment un grand au Palladium de New York. 44 Il a été réalisé par Jean Paul Goude, celui qui a « fait» « Graces Jones ». Il a monté un opéra oriental avec des chanteurs Palestiniens, la voix de Dunia Yussin et un poème d'Oum Kelsoum dit par Farida. Farida est Algérienne. Elle est mannequin. Une femme magnifique. - lious avez donc voulu donner un "cachet local" à ce défilé. La beauté arabe vous touche-t-elJe plus que les autres? - Je suis sensible à la beauté en général, qu'elle soit française, arabe ou autre. Je n'ai pas la fibre particulièrement nationaliste. En fait je suis écœuré. Ecœuré par l'attitude des pays arabes et de la Tunisie à mon égard. Je ne comprends pas. Je ne sais pas ce que je leur ai fait. Un jour, un magazine arabe est venu m'interviewer. J'avais alors bien précisé à ses journalistes que si c'était pour raconter des banalités sur mon compte, ça ne m'intéressait pas. Ils ont publié trois lignes où ils affirmaient que mes vêtements étaient trop décolletés. Une critique totalement absurde. Nous sommes à une époque où la femme doit se sentir bien. Bien dans son corps. La femme arabe a toujours été libre. Ma grand-mère dans sa maison était une femme libre. En fait, la femme ne se voilait que pour faire sa prière. Et maintenant on veut la revoiler complètement sous prétexte de religion. Je suis musulman, sans être religieux. Mais je ne veux pas jouer la comédie ... On peut en parler de la mode au Proche Orient! Fioritures et falbalas, couleurs criardes et dorures! ... Si c'est ça la mode pour eux, alors ils peuvent ne pas apprécier ce que je fais. Maintenant, ils reviennent me voir parce que j'ai eu deux oscars. Comme si c'était ça, le plus important. C'est trop facile! temps n'a pas d'importance quand on aime ce qu'on fait. - Si vous étiez resté en' Tunisie, pensez-vous que vous seriez devenu ce que vous êtes aujourd'hui? Hochement négatif de la tête. li faut venir à Paris. C'est à Paris que tout se passe. C'est à Paris qu'on est consacré. - Je me souviens d'un styliste marocain installé ici, à Paris, dont l'attitude à l'époque m'avait sidérée. Je l'avais eontacté au cours de mes études de stylisme pour lui demander de me recevoir en stage dans son atelier. Comme ('ondition préliminaire, il voulait m'imposer de changer de nom (comme lui-même l'avait changé) pour ne pas paraÎtre «araIJe". De plus, je ne devais jamais, au grand jamais, mentionner qu'il était marocain. II disait que si eilrtains de ses clients l'apprenaient, ils ne voudraient plus travailler avec lui. Pour votre part avez-vous aussi ce type de problème? OUI - Privilégiez-vous les tunisiens ou les arabes qui voudraient travailler avec vous? Je ne veux pas me perdre dans ce type de considération. C'est la valeur de l'individu qui compte. La nationalité n'intervient pas dans le travail. Pour réussir, il faut travailler, beaucoup travailler. - Combien faites-vous de coll!ctions par an ? Deux collections. Chacune d'entre elles comprend 180 à 200 pièces. Je fais fabriquer le cuir chez Sonia Bay à Paris et tout ce qui est chaîne et trame chez Chamet. - Non jamais. Je ne renie pas mes origines. La naissance, à mes yeux, est un accident. On peut naître n'importe où. Je me sens bien dans le pays où je suis mais je me reconnais toujours comme tunisien. - Travaillez·vous pour d'autres marques ou bien uniquement pour vous? - Vous êtes le premier nom arabe à avoir percé dans le domaine de la mode. Vous occupez-vous de tout dans votre travail ? Je ne fais que du Alaïa. Je ne fais que ce que j'aime indépendamment du reste de la mode ou des tendances. Même si ça ne marchait pas, ça ne me dérange- rait pas outre mesure parce que je voue une "éritable passion à mon métier. Je m'y adonne entièrement. Quand je travaille, que ce soit le jour ou la nuit, je ne sens pas le temps passer. - Vous faites donc partie de cette catégorie de gens pour qui le temps s'arrête lorsqu'ils travaillent? Oui, au fond, le temps n'a pas d'importance quand on aime ce qu'on fait. Aujourd'hui je suis amusé par le changement d'attitude de certaines personnes à mon égard. Beaucoup viennent ici maintenant par snobisme, parce que j'ai eu deux oscars. - Si vous aviez un conseil à donner aux jeunes qui voudraient faire ce métier, que leur diriez-vous? De faire ce qu'ils ont envie de faire mais avec beaucoup de rigueur. Ne pas penser à la réussite. Travailler, acquérir le maximum d'expériences et apprendre à en tirer profit. F.Z. EL BOUAB 45 Chaussez vous de multicouleurs ! La peinture ne se réduit pas aux toiles des «vrais» artistes..On peut en faire un usage modeste sans viser au chef d'œuvre ou à l'expression profonde de soi. Simplement, pour égayer le quotidien, saluer au passage les belles couleurs du pays. Bricoler, un arc en ciel dans la tête, quoi de mieux pour embellir le moral? Quand on a de l'imagination, on peut s'habiller de printemps, même si côté money il fait plutôt froid. Alors, à vos pinceaux! Chaussez vous de multiOOUleurs ! Pour réaliser ces modèles: * Fournitures : - 1 paire de chaussons de sport en toile blanche (environ 40 DH). - 1 paire de tennis blanches d'assez bonne qualité (70 dirhams) - Peinture pour tissus Setacolor de Pebeo. * Coloris employés Pour les chaussons 13/bouton d'or Gaune) 2110range vif 27/vert lumière 16/tuFquoise (mélangé avec du blanc) 20/blanc 19/1aque noire Pour les tennis 24/rouge cardinal Il/bleu cobalt (mélangé avec un peu de blanc) 13/bouton d'or 19/1aque noire 20/blanc Les couleurs peuvent aussi, selon votre fantaisie, être modifiées, mélangées. Pour ce, faire d'abord un essai sur un morceau de tissu blanc afin d'être sûr du résultat. Les motifs noirs peuvent aussi être exécutés au feutre : feutre pour tissu Setaskrib. * Pinceaux employés : Petit gris ou pébéo na 12 - na 8 Pinceau plat pébéo extra na 10 Mode d'emploi: Chaussons Décalquer le motif et le reproduire au crayon sur le chausson droit, ensuite inverser le sens et reproduire sur le chausson gauche. Le triangle vert central doit avoir la pointe (ou sommet du triangle) vers l'extérieur de la chaussure. Verser ensuite une petite dose de setacolor dans une palette ou un petit récipient. Si la peinture est trop épaisse, la fluidifier avec un peu d'eau. Ne pas mettre trop d'eau car la couleur risque de se diffuser. Peigner ensuite les motifs au pinceau comme vous le feriez avec de la gouache, sans trop charger le pinceau. Mode d'emploi : Tennis Sur ce modèle, le côté droit est légèrement différent du côté gauche. n faudra inverser sur la chaussure opposée : le côté droit de la chaussure gauche deviendra donc le côté gauche de la chaussure droite et vice versa. Pour les moins sûrs"faire au préalable un essai sur un morceau de toile blanche, afin de s'exercer à doser la peinture (procéder comme pour les éhaussons). Une fois le motif entièrement ter- ,~.I ~ ~ .1 miné, laisser sécher, puis thermofixer au fer, à repasser. Pour le chausson, l'enfiler sur une petite planche à repasser Geannette) en insistant bien, pendant 1 à 2 minutes. Retirer les lacets et ouvrir bien la chaussure pour repasser recto et verso. n est aussi possible de fixer au four de la cuisinière pendant 10 minutes à 100 0 C ou 5 Minutes à 140 0 C (four éteint). Mais dans ce cas précis je ne réponds pas complètement de la résistance du plastique des semelles. Si le motif de la paire de chaussons a été conçu plus particulièrement pour les femmes, celui des tennis peut satisfaire indifféremment les hommes et les femmes. Pour ceux qui les trouveraient un peu «voyantes», il suffit de changer les couleurs et remplacer, par exemple, le jaune par du vert émeraude (26), le turquoise par du terre sienne (25) et le rouge cardinal par du rouge d'orient (23). Ou encore de les faire simplement bicolores : noire et rouge ou bleu cobalt et noir. Et maintenant, à vos pinceaux ! F.Z. EL BOUAB 47 PANIER A IDEES Pomme de terre : gloire à la reine des humbles Posséder à la fois l'amour des jeunes (des moins jeunes aussi, avouons-le) et l'estime des ména. gères n'est pas à la portée de tous les légumes. La modeste petite pomme de terre longtemps méprisée par les orgueilleux a bien su s'y prendre. Normal. Au-delà des frites, question dépannage, elle est rudement sympa. On peut compter sur elle. Deux cents recettes répertoriées dans un ouvrage récemment paru aux Editions Robert Laffont, {( Merci M. Parmentier », de M. JoUy en témoignent. Nous y avons puisé pour vous quelques {( trucs» bons à connaître. CUISINE Tableau crasseux Si votre mayonnaise tourne, délayez à part une cuillerée de fécule de pomme de terre (toujour~ dans de l'eau froide pour ne pas aVOIr de grumeaux), puis ilicorporez-Ia à votre mayonnaise ratée. Vous n'aurez pas ainsi à la recommencer. S'il est peint à l'huile, frottez doucement la toile avec une patate épluchée et coupée en deux. Enlevez ensuite les traces d'amidon avec un chiffon. Si vous désirez que vos beignets et vos gâteaux soient plus légers, remplacez la moitié de la farine par de la fécule. Votre estomac ne s en portera que mieux. Pour les faire briller, nettoyez-les avec une pomme de terre coupée en deux. Ils retrouveront leur plus bel éclat. Pour que votre crème anglaise soit plus onctueuse et votre potage plus velouté, rajoutez-leur deux bonnes cuillerées à café de fécule. Pour que vos pâtisseries ne collent pas à la plaque du four, saup~>udrez la, après l'avoir graissée, de fecule de pomme de terre. Celle-ci remplace efficacement la farine. Si vos casseroles sont entartrées, faites-y bouillir des épluchures de pommes de terre. Le calcaire disparaîtra. Cheminée Pour ramoner une cheminée (quand on en possède une !) faire sécher les épluchures de pommes de terre et les jeter dans le feu. Engelures, gerçures Préparez un cataplasme de pommes de terre crues râpées mélangées avec de l'huile d'olive. 48 Verres en cristal Yeux fatigués Imbibez deux compresses de jus de patates et appliquez-les sur vos yeux. Vous pouvez aussi recourir directement à deux moitiés de patates. Quant à elles... Pour que vos pommes de terre ne noircissent plus en cuisant, ajoutez une cuillère à soupe de vinaigre à leur eau de cuisson. Vous aurez une blancheur assurée. Pour qu'elles cuisent plus vite, n'hésitez pas à les percer dans le sens de la longueur à l'aide d'une aiguille à tricoter. Si vous en avez fait provision pour l'hiver, prenez la précaution de les saupoudrer de charbon de bois pilé : elles ne germeront pas. «DADAS» Histoires de vie De la Guinée au Maroc Une à une, les dernières d'entre elles s'éteignent doucement. Dada el Yacouth, Mbarka, Messouda se muent peu à peu en souvenir. Le souvenir d'ombres noires rassurantes. Avec elles disparaissent les ultimes témoins d'une abomination que notre société, à l'image de tant d'autres, n'a pas eu la sagesse de s'épargner: l'esclavage. Les «Dada» sont des familières de la nuit. Toute leur vie s'est déroulée sous son signe. Mais aujourd'hui, c'est dans une nuit éternelle qu'elles s'enfoncent. Donner à l'esclavàge un visage, une matérialité de chair et de sang en rend l'horreur plus palpable. Nous avons été à la recherche de ces femmes pour qu'elles nous racontent. .. Mais nous sommes souvent arrivés trop tard : la mort ou la vieillesse les avaient déjà emmurées dans le silence. Nous avons alors interrogé leurs proches, ceux qui avaient grandi à l'écoute de leurs récits. Si les livres restent muets sur ce passé encore chaud, les mémoires par contre en Sont remplies. Il suffit d'y puiser. Ce que nous avons fait. Hinde TAARJI Sur la question de l'esclavage, la loi musulmane est très claire : il est interdit d'y réduire un musulman. Seuls les incroyants faits prisonniers dans le cadre de la guerre sainte, pouvaient connaitre ce sort. Le principe même de l'esclavage serait en quelque sorte légitimé par le devoir de tout musulman de participer à la propagation de l'Islam. Un esclave qui se convertissait à l'Islam au cours de sa captivité n'en était pas pour autant affranchi. Aussi, entre l'esclavage légitime et l'esclavage illégitime, la distinction demeurait très difficile à établir. " suffisait aux traficants de qualifier de «jihad» les raids qu'ils effec· tuaient pour pratiquer leur commerce au grand jour et dans la plus parfaite légalité. Leurs victimes étaient généralement très jeunes et de sexe féminin: Transbahutées de leur environnement naturel vers des pays étrdngers dont elles ignoraient tout, elles n'étaient guère en mesure d'opposer la moindre résistance. Pour le trafic d'esclaves, le Maroc constituait le point d'aboutissement d'une ligne qui démarrait en Afrique occidentale et traversait une grande partie du Sahara. Les nomades par conséquent jouaient un grand rôle dans ce commerce. C'était eux qui kidnappaient les enfants et les ramenaient de pays comme la Guinée ou le Congo. «Gnawa» vient d'ailleurs de «Guinée». Les danseurs noirs de la place Jamma El Fna descendraient de ces esclaves là. Mais les marchands de chair fraiche ne boudaient pas, loin delà, l'approvisionnement local. Les rapts d'enfants étaient chose fréquente sur l'ensemble du territoire et particulièrement dans la région du Souss. Durant les périodes de grande misère, on a vu des parents contraints de vendre un de leurs enfants pour donner quelque chose à manger aux autres. • • • 49 Beaucoup de personnes associant l'esclavage à la couleur de la peau, les petits noirs étaient plus prisés que les petits blancs. Ceux-là n'en étaient pas pour autant à l'abri des enlèvements. D'après certains témoignages, on les badigeonnait parfois d'un produit foncé pour les faire passer pour des noirs au moment de la vente. Les esclaves de «premier choix» restaient toutefois ceux qui portaient des scarifications sur la figure. Ces signes, propres à une tribu d'Afrique noire, étaient la preuve que l'esclave venait de très loin. Que ce n'était donc pas un enfant du pays, donc musulman, qui avait été volé. Une manière comme une autre pour l'acquéreur d'éviter les problèmes de conscience.-Tant qu'il s'agissait de personnes venues de contrées lointaines, on pouvait toujours les classer dans la catégorie des idolâtres. Pour écouler cette «marchandise» humaine, les marchands avaient deux possibilités: soit la vente directe à l'intéressé, soit l'alternative du marché. Les deux plus célèbres se trouvaient à Marrakech, Souk el Ghzal et à Fès, Dar edlala. La vente aux enchères permettait de faire monter le prix du pauvre malheureux qui en faisait l'objet. Traité comme du bétail, il subissait un examen féroce. Yeux, dents, oreilles, tout était soumis à inspection. Pour les femmes, une «errifa» avait pour charge de vérifier si elles n'étaient pas atteintes de syphylis. Dar edlala et Souk el ghzal ont cessé d'exister dans les années 20 - 30. La vente des esclaves a continué sur le mode direct pendant quelque temps encore avant de s'éteindre complétement. Esclaves blanches et esclaves noires Les maîtresses de maison craignaient les esclaves dont la peau était blanche. Elle les considéraient comme des personnes dangereuses car leur mari risquait de succomber à leur charme. Mais, en vérité, les hommes étaient beaucoup plus attirés par les noires que par les blanches. La femme n'a jamais le sentiment que son mari va la tromper avec une noire. Elle est mise devant le fait accompli une fois que celle-ci tombe enceinte. Elle n'avait à ce moment.là plus rien à dire. De toutes les manières, elle ne pouvait 50 jamais rien dire.. Sinon elle se faisait c.... la gu .... Quand l'esclave tombait enceinte, l'homme l'épousait parfois. Son statut changeait mais il restait toujours inférieur à celui de l'épouse blanche. Une des raisons aussi pour laquelle les femmes n'appréciaient guère les esclaves blanches venait du fait que celles-ci acceptaient beaucoup plus difficilement de leur obéir. Je ne sais pas pourquoi mais les noires étaient, en règle générale, plus dociles. KHADIJA - 60 ans Les «Aouwaydates» Chez les caïds de l'époque qui menaient un grand train de vie, les esclaves qui avaient gagné les faveurs du maître accédaient à un s~atut particulier. Elles devenaient des «Aouwaydates». Les «Aouwaydates» étaient des concubines (jariyates) à qui un enseignement du luth était dispensé. Comme elles étaient nombreuses, elles formaient un orchestre. Leur tâche consistait à égayer les repas du maître. Elles étaient également présentes lors des réceptions qu'il donnait et elles en assumaient l'animation. Alors que les femmes «légitimes» étaient soustraites au regard des étrangers, celles-ci, parce qu'elles étaient des esclaves, y étaient plus facilement exposées. Richement vêtues et parées de bijoux (il fallait faire honneur au maître à côté des autres), elles demeuraient cependant dans une petite salle à part d'où elles jouaier:lt leurs morceaux de musique. FATEMA, 55 ans Les marchands cl' épices Pour montrer qu'ils avaient de l'argent, les gens riches de l'époque devaient posséder beaucoup d'esclaves. Aussi chargeaient-ils des intermédiaires de leur en ramener. Ces transactions se déroulaient de la même manière qu'une vente de moutons, de vaches, de bétail quoi ! Les intermédiaires étaient généralement des marchands d'épices qui voyageaient à travers le pays pour ramasser des plantes et vendre des épices. Quand,en chemin, ils rencontraient des petits enfants, ils essayaient de les enlever. Arrivé dans un village, le marchand circule entre les maisons en criant : voilà du poivre, voilà du cumin etc. Parallèlement à celà, il observe les enfants qui l'entourent. Il vise les plus jeunes et s'arrange pour les entrainer à l'abri des regards par mille et une astuces. Une fois seul avec eux, il les plonge dans de grands sacs en toile de jute qu'il jette sur sa mule et s'enfuit. Ces sacs, appelés «taliss», étaient cousus de telle manière que les petits prisonniers pouvaient tout juste respirer. Les familles, face à cette situation, étaient complètement démunies. Il n'y avait ni voiture, ni téléphone, aucune des facilités de communication d'aujourd'hui. Quand un enfant disparaissait, il y avait très peu de chances de le retrouver. Les parents se mettaient à sa recherche pendant quelques jours, puis se résignaient en comprenant qu'il avait été soit enlevé, soit dévoré par des bêtes sauvages. Les villages se trouvant parfois aux abords de forêts, il fallait aussi tenir compte de cette éventualité. Les enfants blancs étaient enlevés au même titre que les enfants noirs. Mais on ne les qualifiait pas de ibid : on les appelait «oulad el kbail». MOHAMED, 65 ans Fille d'esclaves Aux enfants, le même sort qu'aux parents: nés d'esclaves, ils' seront esclaves et leur vie n'appartiendra qu'à leurs maîtres Des «rahallas» avaient enlevé mon père de son village d'origine qui se trouvait en Afrique Noire et l'avaient ramené avec eux au Maroc. Arrivés à Ksar Souk, ils firent savoir à la ronde qu'ils étaient en possession d'un petit «ibid». Son futur maître eut écho de l'information. Il l'acheta. Aux dires des gens, mon père devait être âgé de 10 ans. Il grandit donc sous ce nouveau statut. Un jour, lors d'un mariage, il entendit un you-you de femme. Subjugué, il décida sur le champ d'épouser celle qui l'avait lancé. C'était ma mère. Contrairement à lui, elle était une femme libre, une bent el kbila. Elle accepta cependant de l'épouser, mais à une seule condition: de ne pas aller vivre sous le toit de ses maîtres. li la rejoignait donc le soir à son domicile, ramenant avec lui, à défaut d'argent puisqu'il n'était pas payé, de la nourriture et des vêtements. Ma mère, pour sa part, filait la laine et tissait des habits. Un jour, mon père se disputa avec ses maîtres. Il décida de les quitter et de partir de la ville. Ma mère refusa de le suivre. Je venais de naître. Elle resta seule à assumer ma charge. Au bout d'une dizaine d'années, les anciens maîtres de mon père se rappelèrent de mon existence. Ils cherchèrent alors â me récupérer vu que j'étais la fille d'un de leur esclave. Il vinrent chez ma mère et lui dirent: «donne-nous ta fille. Elle est à nous. Nous l'élèverons avec les autres «ibids» et quand elle aura grandi, nous la marierons à l'un d'entre eux». Ma mère refusa tout net. Puisqu'ils ne s'étaient pas préoccupés de moi pendant toutes ces années, ils avaient perdu à ses yeux tous leurs droits sur ma personne. Le Cheikh de la ville fut contacté. Il intervint auprès d'elle en lui demandant d'accepter un arrangement à l'amiable. Comme c'était un chérif et que son autorité morale était grande, elle se soumit à sa volonté. Un matin, sans rien me dire du but de sa visite, elle m'emmena chez eux. Je n'en compris le sens qu'une fois arrivée là-bas. Je me mis alors à pleurer en me serrant contre elle. Ils essayèrent de me çalmer en me disant: «écoute ma· fille, nous ne te voulons aucun mal. Comme ton père, ta place est parmi nous. Tu verras, tu seras bien ici.» En entendant ces paroles, je me suis redressée en criant: «rien, je ne veux rien savoir de toutes vos histoires, Je ne connais personne, ni père, ni maître, ni cheikh. Je ne connais que ma mère.» Et je me suis enfuie. ZOHRA, 55 ans 51 rugueuse et sombre. Concentrées sur les brindilles qu'elles s'évertuaient à enflammer, les fillettes n'avaient rien vu venir. Quand elles sentirent une masse s'abattre sur elles et les envelopper, il était trop tard. Trop tard pourfuir. Trop tard pour se débattre. Des mains s'étaient emparées d'elles. Le temps de réaliser ce qui leur arrivait, elles gisaient au fond d'un grand sac en toile. Jetées comme de vulgaires paquets. En l'espace de quelques minutes, elles avaient cessé d'être des personnes pour devenir des choses. Des marchandises de chair et de sang dont la jouissance sera désormais fonction de monnaies trébuchantes. Un voyage au goût de larmes Badr Es S'oud (une petîte fille venue d'1~ al eu'r ~ C' 1Ù De ce jour-là, Badr Essoud avait gardé un souvenir sur lequel les années n'eurent aucune prise. Avec'I'âge, bien des faits s'effacèrent de sa mémoire. Mais celui-ci y demeura ancré à jamais. C'était une matinée comme tant d'autres. Chaude et sereine. A son habitude, Sadr, du haut de ses sept ans, prenait plaisir à taquiner sa petite sœur, de deux ans sa cadette. Leur mère terminait de laver son linge. Après l'avoir 52 étendu sur,les pierres brûlantes qui bordaient la rivière, elle remonta vers la hu~e pour préparer le r~pas de midi. Elle revint cependant rapidement sur ses pas, le riz nécessitant d'être passé à l'eau claire avant d'être cuit. En chemin, elle demanda aux fillettes d'allumer le feu. A so~ retour, I~s .bra.ises étaient rouges mal~ la c~se etait Vide. Sadr ~t sa s~ur a~alent dlsp~rues. Elle ne devait plus Jamais les revOir. Sur leur enfance insouciante et heureuse, un grand voile était brusquement tombé. Ou plus exactement une étoffe Du voyage qui suivit, Sadr ne se rappela que /e goût des larmes qu'elle versait. Ses yeux, racontait-elle, semblaient ne plus jamais vouloir se tarir. Un matin, le ballotement sans fin qui rythmait son désespoir s'arrêta. Au silence des profondeurs désertiques succédèrent les trépignements d'une foule glapissante. Elle se retrouva livrée à une marée humaine dont le flot de paroles folles acheva de la rejeter sur les rives de l'aberrance. Aux sons étrangers qui résonnaient à ses oreilles s'associaient des gestes brutaux et frénétiques. Palpée, tripotée, exhibée, elle n'était plus qu'une masse animée de souffle. Hébétée, elle se laissa faire jusqu'au moment où on chercha à la séparer de sa sœur. Comprenant que sa dernière a~ac~e allait aussi lui être enlevée, elle reaglt de concert avec l'autre petite. Leur vacarme fut tel que l'acquéreur de Badr put en échange d'un lég r ' l'• e sup~ e ment, ramener a son maltre deux petites têtes d'ébène au lieu d'une. Quand elles atteignirent la demeure de leur nouveau propriétaire, un grand caïd de la région, leurs corps étaient extrêmement faibles. Depuis l'enlèvement, elles n'avaient pratiquement rien mangé. Au chagrin et à la peur, l'étrangeté des mets qu'on leur servait était venue s'ajouter. Aussi se contentaientelles de boire en laissant ainsi à leur peine le soin de consummer leurs dernières forces. Badr se souvenait encore avec acuité du désarroi dans lequel leur état plongea les membres de la maison. Ces deux gamines en pleurs qui se laissaient mourir de faim posaient de sérieux problèmes à l'entourage du caïd. Quelqu'un proposa de leur donner du riz. Le résultat fut immédiat; les quatres petites menottes s'y plongèrent sur le champ. Grâce à ce plat, riche en images de leur univers à jamais perdu, les fillettes d'Afrique renaquirent à la vie. A une nouvelle vie. administration étrangère parvint-elle à Badr et ses compagnes. La rumeur disait également que le pouvoir du caïd s'en trouvait réduit et que la situation des esclaves allait s'améliorer. Sur la base de ces nouvelles, les anciennes «jariates» décidèrent, un beau matÎn, de prendre la fuite, leur objectif étant de se rendre chez les autorités françaises pour dénoncer les mauvais traitements qui leur étaient infligés. Elle attendirent, pour mettre leur plan à exécution, le moment le plus propice. Celui-ci arriva avec le départ de leurs maîtresses pour des festivités en dehors du village. Elles passèrent aussitôt à l'action. Les torchons, les bijoux, puis l'oubli Pendant que les unes creusaient, les autres couvraient leurs bruits en jouant du tambourin. Elle grandirent. Au bout d'un certain temps, le cadette reprit le chemin de Souk el Ghzal. Badr resta cette fois-ci vraiment seule. Fine et élancée, Badr était jolie fille. Aussi, dès que son corps se fut dégagé des rondeurs de l'enfance, elle paya le tribut de sa beauté en devenant une des «jariyas» du caïd. Elle donna à son tour le jour à une petite fille. Son statut se transforma rapidement. Comme par un coup de baguette magique, torchons et casseroles se métamorphosèrent en bijoux et fanfreluches. On lui enseigna à jouer du luth et elle anima avec les autres favorites les repas et les fêtes du caïd. Elle était devenue une «aouwayda». C'était la période rose. Mais ce qui devait arriver arriva: Le maître se lassa au bout d'un certain temps de la courbure de ses reins, elle alla à son tour grossir le lot des esclaves prisées puis rejettées dans l'oubli. Le Maroc, entre temps,. vivait des heures très graves. Avec le régime du protectorat l'ère de la colonisation commençait. Malgré leur épaisseur, les murs de la Kasbah laissaient filtrer l'information en provenance de l'extérieur. Aussi la nouvelle de la mise en place d'une Le soir, elles dissimulaient le fruit de leur travail sous des rideaux. Quand le trou fût assez grand pour les laisser passer, elles cassèrent tout ce qui pouvait leur tomber sous la main et s'enfuirent. Après maintes péripéties, elles arrivèrent à Marrakech où elles se firènt indi- quer le bureau de l'officier francais. Elles purent enfin donner libre cours à leur rancœur. L'officier fit appeler le caïd. Ille mit au courant des doléances de ses esclaves, puis lui demanda de s'engager à mieux les traiter à l'avenir. Après avoir enregistré le nom de toutes les personnes présentes, il leur promit de s'enquérir régulièrement de leur bonne santé. A l'issue de cet entretien, maître et esclaves s'en retournèrent ensemble d'où ils étaient venus. Avec le temps, les portes de la Kasbah s'entrouvrirent de plus en plus et celles qui voulurent tenter leur chance ailleurs s'en allèrent. Sadr demeura dans cette maison jusqu'au jour où sa seule attache, sa petite fille, mourut. Elle décida alors de plonger à son tour dans l'inconnu. P.S. Badr Es S'ouds' est éteinte il y a une quinzaine d'années. Nous avons recueilli son histoire auprès de ses derniers employeurs. Ou plutôt de sa dernière famille. Saadia • • Une rencontre avec le silence L'esclavage a été aboli, mais pour elle, rien n'a changé. Ou plutôt si : en pire .Un coup de klaxon neNeux. Au volant de sa voiture, l'homme s'impatiente. Il est jeune, élégant. Saâdia comprend l'appel. Elle descend péniblement les quatres étages. Entre temps, H... a stationné, puis ouvert le coffre. Saâdia arrive enfin. Elle se penche et soulève le couffin chargé des victuailles de la semaine. Il est lourd, fort lourd pour des membres usés. Mais Madame attend. De son côté, quatre à quatre, l'homme enjambe les escaliers, les journaux sous le bras. La rencontre avec Saâdia se résume à une rencontre avec le silence. Elle ne parle pas, ou presque pas. Ses traits sont animés en permanence d'une expression apeurée et son regard évoque celui d'un oiseau pris au piège. Répondant par onomatopées, elle a du mal à s'exprimer, à formuler correctement une phrase, à développer une idée. Soixante-dix ans d'esclavage, ça marque! Avec l'âge, ses souvenirs se sont dilués et les images qui lui restent vagabondent sur une trame de brou iI54 lard. De son enlèvement, elle dit, aujourd'hui encore, se rappeler. Sa notion du temps cependant est un poème pour surréaliste. «J'avais un an. Je jouais dans la rue avec d'autres enfants. Un homme m'a demandé de le suivre. Je l'ai suivi et je me suis retrouvée dans une grande maison pleine de monde.» Saâdia ne devait plus ressortir de cette maison avant de nombreuses années. A la mort de son premier pro-. priétaire, elle fut «héritée» au même titre que les autres biens. Du coup, elle changea de ville et de maître. Le fils à la place du père, Fès à la place de Marrakech. Une nouvelle tranche de sa vie s'écoula. Puis vint le jour où il fallut enterrer «Sidi Junior». Rechangement de décor, Casablanca remplaça Fès, de vagues cousins du défunt ayant profité de l'aubaine que représente une vieille «dada» en manque de proprio. Les maîtres de la troisième édition sont jeunes. Un homme et une femme qui ont certainement dû s'indigner en cours d'histoire de l'existence de l'esclavage. Un couple «moderne» mais qui trouve normal de faire travailler une dame âgée pour pas un centime. Car Saâdia, aujourd'hui encore, n'est pas rémunérée. Elle n'a rien. Elle n'est rien en fait, pour personne. Elle ne bénéfi- cie même plus pour sa vieillesse du réconfort de vieux murs. En déchiffrant ses bribes de phrases, on comprend «qu'avant, c'était différent,» Le statut d'esclave n'était pas vecteur uniquement de devoirs. " impliquait aussi des obligations de la part du maître. Saâdia avait le sentiment de représenter «quelque chose». Elle faisait, d'une certaine manière, partie de la famille et son rythme, dans ce sens, était respecté. Aujourd'hui, au seuil du quatrième âge, elle se retrouve chez des individus qui ne voient en elle que la bête de somme dont il faut exploiter les dernières forces. A la question «pourquoi restez-vous chez eux,» elle a une réponse qui vous coupe le souffle. «J'ai peur, dit-elle, qu'ils ne me poursuivent». L'esclavage a été aboli mais, dans son esprit, il vit toujours. Mais à y réfléchir, de sa liberté, que pourrait-elle bien faire aujourd'hui? Entre sa situation actuelle et la rue, avec la misère en prime, elle n'a guère le choix. Elle est vieille, pauvre et seule. Seule au monde. Pas d'attaches, pas de famille. «Un jour, raconte-t-elle quelqu'un m'apprit que ma mère était morte, peu de temps après mon enlèvement, du chagrin de m'avoir perdue. C'est tout ce que je sais d'eux». C'est aussi tout ce qu'elle possède. ------Celle quiregardait toujours en bas R_rd Abd~laziz baissé. Paupières closes. Comme si l'univers tout entier était à ses pieds. A vec ses cieux et ses horizons. Piedestal pour un regard prisonnier d'un échevau de sortilèges. D'où ce visage toujours emmuré dans l'absence et qu'on aurait souhaité prendre par le menton et d'un geste arracher comme on le ferait d'un masque. Pour savourer la vision d'un rayon de lumière. Mais non ! Elle était une reine dans ce royaume. Libre d'aller et de venir à sa guise. Dans un monde où personne ne venait la déranger lorsqu'à force de contemplation elle faisait corps avec les carreaux disjoints de la cour. Impossible de la tirer de son sommeil. Certes, quelquefois, on plantait autour d'elle le décor d'un rêve plus rassurant. On l'invitait à y entrer, lui faisant remarquer qu'au-dessus de sa tête, il y avait un ciel où le soleil, la lune, les étoiles, l'azur, le gris... On abandonnait bien vite. Elfe n'était pas perméable à cette géographie. ElJe le disait avec une voix ni dédaigneuse ni ironique. Avec sa politesse habituelle. Puis riait, affermissait le nœud du foulard qui couvrait ses cheveux blancs et continuait à coudre ou à broder. Point par point. Pavé par pavé. Jour après jour. Les yeux fermés sur un monde, ouverts sur un autre. Ce vaste territoire de la solitude qui s'était formé au lendemain de /a déchirure tout comme un volcan se forme lorsque la terre a mal dans ses entrailles. Mais aussi, comme elle ne détachait jamais les yeux du sol, eJJe avait une démarche gracieuse... Un pied devant, un pied derrière, les bras droits. Cela lui valait bien des compliments et elJe aimait les compliments. Elle détestait les femmes qui avaient f'air de danser en marchant. EJJe souriait d'un plaisir vrai et pen- dant un bref instant on avait J'illusion de croiser son regard. Alors que/que chose explosait dans ce visage. d'enfant mangé par les cheveux blancs. Quelque chose comme un océan fu~ieux. Mais très vite la tempête cess81t, le masque s'empressant de neutraliser toute expression. Le masque de l'absence. Les paupières lestées de plomb se refermaient, claquaient sur ce royaume des portes inviolables. Mais non, mais non, s'excusait-elle avant de répandre ses politesses à vos pieds tel un champ fleuri. Et vous comment ca va et madame et les chers enfants.:. fi n'y avait qu'à se baisser pour cueillir le plus joli bouquet de gentiJJesses qu'il fut possible d'entendre. On était content d'elle. Toute esclave qu'eJJe était, disait-on, cette femme avait de l'éducation. ElJe faisait partie de la famille, mangeait à la même table. Aussi, .on ne comprenait pas ce regard en berne, dressé comme un obélisque en hommage au refus. Non, s'excusait-eJJe encore, c'est la lumière du jour ! Et elle levait le bras audessus de la tête, l'index pointé vers le ciel. La lumlëre du jour ! Elle se frottait les yeux pour en fournir une preuve visuelle puis se faisait toute petite comme si ce néant ouvrait soudain à ses pieds toutes les portes de ses abÎmes. Elle se taisait. Reprenait son exploration inlassable. D'une dalle à l'autre. Voilà ce qui arrive parfois lorsque tout d'un coup la mémoire s'emballe comme un cheval fou et se met à fixer. Une parcelle de temps. Une parcelle d'espace. A vec cet art de la démesure dont seule capable une mémoire malade qui a faIt le vœu de construire un souvenir gros comme une tumeur. Le souvenir d'une image humide et noire. es! MANSOURI. Qu'était-ee déjà, un puits? Peut-être. Elle même ne s'en souvenait plus très bien. Mais des lambeaux de cette image humide et noire collaient encore à ses vêtements, à sa peau et ni l'eau ni le savon ne pouvaient les enlever. De cette sorte d'images qui font que les pupilles se dilatent jusqu'au grand angulaire de la démence lorsque /'obscurité se drape dans les plis et les replis d'une flanelJe épaisse. ElJe ne voyait rien mais visualisait jusqu'à le palper ce cri qui lui sortait de la bouche sans effort et enfermait la ténèbre dans une camisole ae lumière crue, et qui montait devenant de plus en plus fort et pur pour finalement former un arc-en-ciel où vibrent toutes les couleurs de l'espoir consumé. Alors, elle se tût. L'étalon sauvage pouvait être monté. Adieu ruisseau)r. plaines et vallées. Et c'est le moment que son maÎtre choisit pour lui lancer une corde, sûr qu'elle ne mordrait plus. Elle ne mordit pas. Elle était assise paisiblement au fond de son image gluante. Quelque chose en elle était mort, autre chose d'indéfinissable était né. Elle n'aurait su dire quoi. Un autre puits peut-être. Qui avait englouti mère, père, frères et sœurs. Englouti, le village natal où elle a~ait vécu de clous de girofle et de chants d'oiseaux jusqu'au jour où petite fille encore, des voleurs d'enfants l'avaient mise dans un sac, coupant à jamais le coraon ombilical qui empêche le ciel el la terre d'entrer en collision. Seul un regard qui avait découvert un univers magique à ses pieds et le scrutait pas à pas. Ce qui devait lui donner cette démarche si gracieuse et qu'elle sut garder jusqu'à la fin. 55 ,----La femme dans ----. le regard des peintres orientalistes Lvnne Thornton, spécialiste de la peinture orientaliste du 19ème siècle, a participé à la rédaction de nombreux catalogues et nous propose aujourd'hui le troisième volume d'une série de quatre tomes, consacré, celui-ci, à la femme dans la peinture orientaliste. Le thème est décomposé en plusieurs volets (attrait de l'Orient, douceur de vivre, fêtes et cérémonies, séduc· tion, scènes de la vie quotidienne, tragédie et portraits). Le texte d'accompagnement ne fait jamais double emploi avec l'illustration, mais donne une information sérieuse sur la réalité que l'imaginaire des peintres a, sinon occultée, du moins déformée (hammam, harem, essentiellement) Est d'abord analysée la séduction que l'Orient (Turquie, Egypte, Damas, Afrique du Nord) exerce sur l'Européen. Madame Thornton remonte à la traduction des « Mille et une nuits» de Mardus et mentionne la mode orientale sur le continent, et particulièrement en France, au début du vingtième siècle, (Poiret et ses fêtes, les ballets de Diaghilev). Les lieux où sont, de préférence, peintes les femmes sont les appartements mais aussi les terrasses. Un petit nombre de peintres, dont Chasseriau, va représenter des scènes de maternité ou des scènes familiales. En effet, pour l'Européen, la femme arabe est essentiellement lascive et fatale. « Impérieuse présence charnelle », elle se distrait avec les cartes ou l'astrologie, fume le narghilé ou se perd dans un silence contemplatif. Si Ingres se laisse aller à une vision érotique, Chasseriau offre, en revanche, une représentation plus proche de la réalité. Renoir, Simoni ont plaisir à peindre les mariages, Dinet, les visites au cimetière. Renoir peindra magnifiquement l'Aïd El Kebir. Dufy sera l'un des rares peintres à représenter la légendaire hospitalité arabe (<<Réception du Glaoui», 1926). Nombreuses sont les scènes de caravanes de chameaux, égyptiennes surtout, ou celles des déplacements de tribus campant dans les sites grandioses du Hoggar ou du Sinaï. Beaucoup de tableaux suggèrent les occupations des femmes: préparation du couscous, lessive... L'Europe était persuadée que la condition de la femme arabe était pitoyable. Aussi les tableaux représentent-ils les captures d'esclaves, les intrigues de sérail (Delacroix). Corot, Vernet ont été particu- Iièrement sensibles à la misère de la femme répudiée. Grâce à un texte riche, faisant appel aux témoignages d'époque, aux mémoires, à la littérature, nous pouvons, chaque fois, comparer ce qui fut avec ce qui a été représenté. En outre, on constate la forte originalité de la peinture d'Afrique du Nord : les portraits féminins sont enfin expurgés des références bibliques. Certes, les femmes marocaines ne furent pas faciles à peindre car le Maroc, durant le protectorat, se protégeait fièrement contre les regards étrangers. Seule Tanger, ville cosmopolite, fut en mesure d'accueillir des peintres et pas des moindres : Delacroix ou Matisse. Il est commun de dire que les peintres n'ont pas eu de regard objectif sur un Orient qu'ils ont le plus souvent imaginé, malgré les informations dont ils pouvaient disposer. Cela n'enlève ni n'ajoute rien au plaisir de la contemplation qui est ici immense. Marie-France Jamal Alaoui Lynne Thornton - « La femme dans la peinture orientaliste» ACR (1985) ROGER BEZOMBES La Mariée Marocaine 57 Khadija ABDERRAHMAN Rveillée depuis un long moment déjà. Lalla Keltoum réfléchissait, un petit sourire aux lèvres. A ses côtés, Lhaj dormait encore, laissant échapper parfois un ronflement sonore. Miagacée, mi-attendrie, elle tira doucement l'oreiller. Le ronflement s'arrêta mais elle savait bien Qu'il reprendrait bientôt. /1 ronflait ! Elle se souvint de son mariage, (trente cinq ans déjà), lorsque sa mère lui avait appris qu'on la « donnerait» à leur richissime voisin (quelle n'avait, bien sûr, jamais vu), elle s'était simplement dit: pourvu qu'il ne ronfle pas. Et il ronflait ! Et depuis trente ans, elle déployait toutes les nuits, une série d'astuces pour faire cesser ce bruit, tantôt ronronnant, tantôt rugis- 58 sant qui gênait son sommeil. Elle avait fini par s'habituer à ce ronflement et à ce petit bonhomme replêt et chauve qu'on lui avait donné pour époux. Femme de devoir, elle avait tout fait pour l'aimer ou le lui faire croire tout en prenant insensiblement un énorme pouvoir. Bon-vivant, enclin à la plaisanterie facile, aimant la bonne chère et la vie tranquille, Lhaj avait une sainte terreur de sa femme. Depuis ce drôle de regard qu'elle lui avait jeté ,du haut de sa petite taille, le soir de leurs noces. Il avait été surpris de la beauté de sa jeune femme (tout juste quinze ans), mais plus encore par ce regard bref, lancé comme un défi, œil noir et sourcil arqué, comme pour dire« je n'ai pas peur de toi ». Ce fut très bref et bien qu'elle tremblât un peu à son approche, il savait que ce n'était pas seulement de peur. En cela, il avait bien raison. Lalla Keltoum fulminait. Ce mari n'était pas beau. Il deviendrait vite chauve. «Je n'aurais jamais peur de lui ». «Aurais-je peur d'un mari bête et chauve ? » Elle tremblait peut-être un peu de peur quand même, mais elle savait que tout se jouerait au début et fit suivre ce regard qui avait fusé tout seul du plus charmant et du plus innocent des sourires. Lhaj n'y avait pas résisté une minute et trente cinq ans plus tard, il craignait encore autant le sourire que la colère; il finissait toujours par perdre. Lhai se retouma dans le I;t, faisant Lalla Keltoum ne se mettait jama;s en colère mais on savait tout de suite qu'elle était mécontente: une façon un peu raide de marcher, la lèvre inférieure à peine pincée. Elle restait très polie, ne haussait jamais le ton mais, ces jourslà, Lhaj savait bien que le repas serait moins bon que d'habitude et surtout que, tous les soirs, Lalla Keltoum serait très fatiguée, lui tournerait le dos, totalement insensible aux tentatives d'approche, faisant la morte, et cela jusqu'à ce que tout soit fait selon son désir. Alors, le sourire enchanteur réapparaîtrait et Lhaj fondrait comme neige au soleil. \1 en avait été ainsi pour tout: elle avait décidé de ne plus habiter la grande maison où le père de son mari exerçait une autorité patriarcale sans faille. L'idée avait été suggérée doucement un soir de tendresse et d'entente parfaite :« Comme j'aimerais que nous avions notre propre maison! \1 Y aurait une cour pleine (je fleurs, et des oiseaux, et nous y serions tellement tranquilles! » Lhaj avait souri et serré tendrement sa toute jeune femme: « IN CHAA ALLAH» Il y avait seulement six mois qu'ils étaient mariés et elle était si jolie! Il n'avait pas pris au sérieux cette histoire de maison, jusqu'au jour où il comprit que les fatigues excesssives et le sommeil de plomb de Lalla Keltoum ne disparaÎtraient que dans la nouvelle maison. Ce ne fut pas une mince affaire que d'expliquer à son père qu'il désirait s'installer seul. Aucun de ses frères ne l'avait fait. N'était-il pas logé et bien nourri? De plus, il ne pouvait décemment avouer que c'était là le désir de sa femme. Depuis quand tenait-on compte du désir des femmes? Et ne dit-on pas que celui qui suit les idées des femmes « se perd» ? Et pourtant, la maison fut construite. Lalla Keltoum versa une Aurais-je peur d'un mari bête et chauve? larme sincère en quittant ses bellessœurs qui reprochaient avec véhémence à leur frère de s'éloigner d'elles - mais les oublia bien vite. Les fleurs furent installées dans la cour, des perruches remplirent bientôt l'air de leur tintamarre. Lalla Keltoum eut deux fils et une seule fille. Ce qui força le respect de sa belle-mère qui se méfiait un peu de cette bru trop sérieuse et si peu bavarde. Puis Lhaj dut apprendre à conduire, malgré son penchant à la paresse, et ils eurent une des premières voitures de la ville. Lalla Keltoum sortait dehors, petite silhouette blanche et menue, et s'installait avec dignité près du conducteur, toute fière et secrètement ravie de scandaliser sa belle-mère (à laquelle elle montrait d'ailleurs le plus grand respect), qui ne comprenait pas que l'on puisse sortir dans la rue lorsqu'on est femme de bien, et encore moins que l'on puisse monter dans ces machines infernales fabriquées par des mécréants ! Puis, il en fut toujours selon son désir, pour chaque chose. grincer un ressort cassé depuis plus de dix ans. « Il faudrait bientôt se lever pour la prière », dit-elle. Seul un grognement lui répondit. Elle pensa qu'il se faisait vieux. A cinquante ans, elle se sentait résolument jeune. Elle n'était pas mécontente de sa vie: un bon mari, riche et généreux, honnête homme, qui la choyait du mieux qu'il pouvait, deux beaux garçons dont l'ainé venait de se marier. Et une fille Qu'elle aimait mais qui lui ressemblait si peu! Une écervelée, toujours à lire et à travailler, réclamant la liberté pour les femmes (comme si elles étaient des esclaves !) et refusant de se marier pour ne pas être dominée par un mari. Qui domine Qui? Je vous le demande! Lalla Keltoum sentit sa bonne humeur s'envoler. Décidément, sa fille n'avait rien compris. C'était bien la peine d'avoir étudié, d'être. allée en France pour débiter de pareilles âneries. Elle refusait prétendant sur prétendant et voulait aimer d'abord, se marier ensuite! Est-ce qu'une femme de bien aime d'abord! Elle aimera celui que Dieu lui aura destiné, voilà tout. Sur ce, Lalla Keltoum se leva. Il fallait faire chauffer de l'eau pour les ablutions. En chemin, elle se souvint: elle avait juste Quinze ans. Cachée derrière la grillage d'une étroite fenêtre, elle guettait le passage de son cousin et, lorsque la silhouette élancée du jeune homme disparaissait, elle restait appuyée contre le mur, cœur battant et pommettes roses, chavirée d'amour pOlir une silhouette à peine entrevue. « Ah mon Dieu ! faites Que... » Quelques semaines plus tard, on l'avait donnée à cet ami de son père, leur riche voisin. 59 Abdellatif Laâbi Fidèle à son poste d'observation, quelque part entre ciel et terre, Abdellatif Laâbi nous livrait récemment, avec «la brûlure des interrogations», un diagnostic lucide et ému sur, entre autres problèmes ou «nœuds gordiens», comme on voudra, la question culturelle (la littérature pour enfants si pauvre dans notre pays, par exemple), la vie littéraire au Maroc...et la condition féminine. Des vues audacieuses, originales, en tout cas à fleur de cœur et cela est rare. Un témoignage intense sur l'humaine condition qui le concerne au plus haut point, sur le cheminement qui est le sien, sous haute tension, aurait-il pu dire. Un livre, où le poète et l'intellectuel, enjambant les frontières académiques, se soutiennent de l'aperception et de la vigilance qui leur est propre. Un livre qui nous touche, fidèle de bout en bout à la «gravité» de son titre et Qui a le mérite de poser clairement quelques Questions nécessaires ne souffrant aucune dissimulation. Nous vous offrons un extrait de cette «Brûlure des interrogations», livre d'entretiens avec Jacques Alessandra, où A. Laâbi décrit les «citadelles» féminines. Adil Hajji 60 En pays musulman, le problème de la condition féminine reste toujours d'actualité. «Dans une société comme la nôtre - écrivez-vous dans Le Chemin des ordalies ., être femme ou être prisonnier, c'est un peu la même condition», et, dans une lettre des Chroniques de la citadeHe d'exil, «l'histoire des femmes est le martyre le plus long, le plus odieux de la société de classes». J'aimerais savoir à qui vous faites allusion, à la femme traditionnelle des campagne~ et des villes, ou bien à la femme moderne des grandes villes ? Sont-elles enfermées l'une et l'autre dans les mêmes «citadelles» ? Et sont-ce uniquement les corvées ménagères en cellule qui vous ont rapproché encore plus de la réalité féminine ? E to~tes parlant ainsi, je pensais à les femmes, en tenant compte à la fois des différences de situations vécues et du «tronc commun» de l'oppression subie, et de l'aspiration commune, consciente ou inconsciente. à la libération. Je pense personnellement que les citadelles qui enferment les femmes, toutes les femmes, sont nombreuses. On pourrait en représenter les murailles sous formes de cercles concentriques: * Les femmes les plus enfermées, qui se trouvent au centre de ce schéma de représentation, sont celles appartenant aux classes les plus défavorisées de la société (des villes comme des campagnes), mais qui, en outre, sont à la fois analphabètes et réduites sur le plan de l'activité aux seules tâches domestiques et assimilées. Nous nous trouvons là dans une sorte d'enfer de la condition féminine, un enfer plombé car n'y pénètrent ni la lumière de l'instruction qui aide à la prise de conscience dans certaines conditions, ni celle du travail social qui permet, malgré sa dureté et son aspect d'exploitation, d'appréhender l'environnement et les rapports sociaux sur une large échelle. Femmes de l'abîme pour qui la vie n'est lutte que pour la survie, n'est que chaîne de misè- 61 res materielles, morales et physiques, attente d'une mort haïe et désirée. Les hommes qui vivent dans les mêmes conditions ont au moins l'illusion d'un pouvoir en tant que mâles, illusion qui revêt, hélas couramment, le caractère d'une force matérielle, en s'exerçant sur la compagne de misère dans un sens affreusement mutilant. Les femmes de cette catégorie sont à une sorte de degré zéro de la condition féminine. Pour elles. il n'y a pas d'horizons de l'espace et du temps, il n'y a que la ronde infernale des travaux et des jours, de la douleur d'être et de subir. * Dans le deuxième cercle d'enfermement, en partant du centre, nous trouvons les femmes de même condition sociale, tout autant analphabètes, mais qui exercent un travail salarié (ouvrières de l'industrie, de l'artisanat et de l'agriculture, femmes de ménage, etc.). Ces femmes surexploitées, recevant les plus bas salaires de l'échelle des salaires la plus basse, partagent en outre avec leurs consœurs de la première catégorie les mêmes privations et exactions, la même exploitation domestique de leur force de travail invisible. Cette double exploitation et oppression qu'elles subissent pourrait amener à les ranger au centre de notre schéma de représentation si on perdait de vue ce que le facteur d'activité sociale et d'activité rémunérée pour apporter comme changement dans le vécu de ces femmes et la conscience qu'elles ont d'elles-mêmes. Même si ce changement s'opère au prix d'une double exploitation, il n'en est pas moins réel: émancipation économique, quelque dérisoire qu'elle soit, revalorisation de soi et de ses capacités, élargissement du champ des relations sociales, perception plus concrète des rouages sociaux et de l'environnement matériel, de son organisation et de son fonctionnement. Il y a là autant de voiles qui occultent la réalité pour la femme cloîtrée, et qui se déchirent dans la pratique sociale. * A l'intérieur du troisième cercle de murailles, nous pouvons ranger les femmes et les jeunes femmes, issues tant des couches pauvres de la société que de la petite et moyenne bourgeoisie, qui ont pu faire des études et trouver à s'employer. Instruites donc, actives économiquement, «modernes» pour la plupart, on pourrait penser qu'elles échappent à toute citadelle d'enfermement. Or, il n'en est rien. Leur enfer est climatisé, mais il reste un enfer d'autant plus insupportable que les femmes de cette catégorie ont plus ou moins cons62 cience du type d'organisation sociale qui le produit et le régit, et qu'elles ont les moyens intellectuels qui leur permettent de comparer leur condition à celle d'autres femmes sous d'autres cieux. ( ... ) Malgré les limitations, auxquelles on pourrait ajouter d'autres, intrinsèques à cette catégorie de femmes (crise de modèles, contradiction due à la différence des origines de classes, etc.), on ne manquera pas de constater que l'embryon de prise de conscience et d'attitudes de combat, en liaison avec C e pouvoi" dans le milieu tmditionnel où j'ai vécu, pouvait aller jusqu'au droit de vie et de mort sur les femmes. Il suffit de peu pour que ma mémoire me restitue tout un complexe de situations, de comportements, de psychodrames, de tabous. de jeux de massacre, où les femmes, et d'abord mes proches parentes, étaient enserrées, et dont elles étaient les victimes: ma sœur aînée, attachée à une échelle et battue longuement avec une corde qu'on a laissé tremper toute une nuit ; puis, bien plus tard, son «mariage», lorsqu'elle fut donnée en cadeau à un chérif polygame, parce qu'on ne pouvait rien refuser à un chérif ; toutes les noces où l'exposition du pantalon ensanglanté de la mariée imprimait à jamais dans la mémoire le caractère sacré de la virginité prémaritale; la ségrégation impitoyable des sexes, même quand il s'agissait de frères et sœurs; le fait que je n'ai jamais parlé à une petite fille, ni à fortiori joué avec elle au cours de mon-enfance ; le fait que pendant toute mon adolescence à Fès, j'ai dû me contenter, pour tout rapport avec les jeunes filles de mon âge, d'attendre ces dernières à la place Batha, au sortir du lycée, et de les voir passer en silence, échanger un petit regard furtif, et quand je n'en pouvais plus, les suivre dans les ruelles en faisant semblant de suivre mon propre chemin. la questiçm féminine, est aujourd'hui largement l'œuvre de ces femmes (...) * On peut ajouter un quatrième cercle d'enfermement, celui où se trouvent enserrées les femmes des classes sociales les plus favorisées. Prison dorée cer- O n e image rorte m'est cependant <cstes, mais prison tout de même si nous . tée de cette préhistoire, celle de ma prenons en considération un absolu de mère. Elle n'était pas soumise pour un l'aspiration à l'égalité entre sexes, à la sou, au contraire, c'était une femme réalisation pleine de soi, de l'être extrêmement révoltée contre le poids humain (...) écrasant de sa condition, les tâches domestiques, les tracasseries que lui Ce schéma de représentation ne doit occasionnaient ses enfants, la claustrapas être, lui non plus, pris à la lettre. II ne saurait y aVOIr étanchéité entre les tion (elle qui aimait tellement sortir pour différents cercles décrits. On a vu com«voir le monde», comme elle disait), et ment ils peuvent non pas se recouper même certains aspects des traditions mais au moins communiquer. Une religieuses. Il y avait là un niveau intuianalyse plus poussée permettra de cirtif de prise de conscience et de refus, conscrire d'autres cas, d'autres situadont la réalisation ne pouvait qu'être tions, ce qui ne manquera pas de confisquée, vu les conditions de nuancer et d'enrichir ce type l'époque. d'approche. Mais je pense, avec la distance, que Pour en arriver à ma propre prise de cette attitude paradoxale m'a marqué, conscience du problème, je dois dire que d'autant plus que bien plus tard, ce temje reviens è~ ::)in. Pouvait-il en être pérament de scalpée allait contribuer autrement pour un homme qui a vécu aux causes de la maladie qui l'a emporet assimilé au plus profond de lui-même tée. Je ne sais pas pourquoi, si on me les «valeurs» dominantes qui régissent demandait maintenant de quoi est morte la condition féminine dans une société ma mère, je répondrais sans réfléchir : où l'élément' mâle détient sans aucun elle est morte de colère (...) conteste le pouvoir, tous les pouvoirs ? Effectivement, il m'a fallu attendre l'expérience carcérale pour découvrir ce problème dans toute son ampleur. J'ai eu d'abord l'occasion de dévorer une grande partie de la littérature féministe et sur la co"ndition féminine, qu'elle emprunte ou non la démarche marxiste. Mais cette connaissance aurait pu en rester au niveau de la rectification des idées et du réaménagement théorique, si un événement hautement sensible et lyrique ne s'était pas produit: celui du bouleversement du rapport à ma femme et de la redécouverte du continent amour, non pas dans la convivialité paisible du couple vivant en liberté, mais dans la tension solidaire et la lutte commune pour triompher de la séparation, des privations, des mutilations, et forger au plus noir de la nuit barbare le message de fusion créatrice, de dignité et d'espérance. Ma femme, mais aussi toutes les femmes, mères, sœurs de camarades, qui ont mené ce combat sans expérience préalable, qui se sont jetées à l'eau démontée de l'épreuve et ont appris ainsi à nager. Grâce à elles, à leur théorie pratique, alchimie du cœur et des mains, la face cachée de la terre ou de l'humanité meJut enfin révélée. Dès lors, les notions de force, résistance, ténacité, se conjuguèrent au. féminin. Le rapport à la femme cessait d'être cette prison et cet enfer faits du nœud de vipères des frayeurs et des fascinations vécues au cours d'une enfance et d'une adolescence frustrées, traumatisées, pour devenir un creuset de la réalisation de soi à travers l'autre, et de la réalisation de l'autre à travers soi, condition d'humanisation de soi-même comme préalable indispensable à l'humanisation des rapports humains. Cette expé,;ence a donc déposé en moi une autre braise, celle de la remise en cause permanente de moi-même à travers le critère de mon rapport à la femme, à la condition et à la cause de libération des femmes. Car l'exigence vis-à-vis de ce critère renseigne assurément, selon la belle expression de Marx, sur le «degré de développement humain», mais elle renseigne aussi, à mon avis, sur la crédibilité ou l'hypocrisie de tout discours et de toute stratégie de libération. Nous avons là une grille impitoyable de lecture de la réalité humaine, un télescope moral d'observation des phénomènes intellectuels et sociaux qui permet à chaque stade de mesurer le fossé séparant théorie et pratique. J e cro;, que cette hm;" n'nun,;t P" été aussi vive, aussi irrédentiste, si je n'avais pas connu ce monde des cercles concentriques de l'oppression et de l'annihilation de l'homme qu'est l'univers carcéral. C'est là que j'ai pu appréhender dans ma chair et ma conscience toutes les prisons, et notamment celles qu'i ne sont pas entourées de murailles matérielles, les prisons sociales faites de toutes les aliénations et toutes les injustices historiques. Dès lors, ma relation à la femme pouvait être conçue et vécue dans le sens dé la réalisation de l'humaine fraternité. Dès lors, je me redécouvrais aussi en tant qu'homme «viril». C'est ce qui m'amène aujourd'hui à penser que les hommes auraient peut-être besoin de leur propre mouvement de libération, à l'instar des femmes, un mouvement qui aurait pour objectif de les libérer de cette tare historique qui en a fait les détenteurs du pouvoir et les victimes sanguinaires du poison du pouvoir, de leur faire découvrir le prolongement de la femme en eux et leur prolongement en la femme. Alors la douceur et la force, l'intuition et la raison, le vital et l'intellectuel, n'auront plus de genre exclusif. Tout au plus auront-ils des nuances plus affirmées chez l'un ou l'autre, selon leur histoire individuelle et générique. L'homme pourra enfin se débarrasser de son armure de guerrier pour redécouvrir des qualités qui lui appartiennent en propre ou qu'il partage avec les femmes et qu'il a refoulées jusqu'ici au tréfonds de luimême, parce qu'elles étaient en contradiction avec les poncifs de la masculinité. Le corps de l'homme cessera alors d'être ce redoutable instrument de violence et de possession pour révéler son émouvante fragilité, sa capacité de don et d'abandon à l'autre, et pourquoi pas, sa beauté, que l'art pourra célébrer à son tour, au lieu de réserver cette célébration, comme ill'a fait jusqu'à maintenant, au seul corps féminin. On peut sourire à ces élucubrations futuristes provenant d'une réalité où la condition des femmes est au plus bas, ou la prise de conscience des hommes est à l'état d'embryon isolé dans un corps social profondément allergique. Mais personnellement, je me refuse au fatalisme des complexes. Toute semence authentique finit par lever dans la glèbe humaine. Il y faut simplement de la ténacité et ce grain de folie de l'espoir sans lequel le commerce de l'absurde et du désespoir finira par investir notre planète et la conduira à l'holocauste contre la plus haute valeur qui soit: l'esprit humain. L'Harmattan 63 ASSIA DJEBAR •• PRESENCES DU PASSE, ESQUISSES DE L'HORIZON Quatre romans entre 1957 et 1967, puis une période de réflexion, autour de la langue d'écriture notamment: le cinéma devient alors pour Assia Djebar, femme du regard et de la mémoire, le moyen de renouer, entre autres, avec la langue originelle. En 1978, son premier long métrage, La Nouba des femmes du Mont Chenoua, mi-documentaire mi-fiction, connaît un succès mérité. Il reçoit le Prix de la critique à la Biennale de Venise l'année suivante et est sélectionné pour le Premier Festival des femmes. Son deuxième film, La Zerda et les chants de l'oubli, est présenté en 1982. A travers la réalisation cinématographique, A. Djebar commence à se libérer du «déracinement Iinguistique»t Elle reste cependant lucide quant à l'ambiguité de «traduire» en français ce qui a été vécu en arabe. Parallèlement, et comme pour ne pas se couper de l'écriture, elle continue de composer des nouvelles (Femmes d'Alger dans leur appartement). ~'es! dans son cinquième roman, l'Amour, la fantasia, récemment paru et dont Il a eté rendu compte dans le n O l de Kalimll, qu'A. Djebar parvient, semblet-i1, à surmonter le problème de l'expression et des choix: ce corps-à-corps parfois très douloureux, est, selon Jacques Berque, au centre de «l'une des an~lyses les plus profondes, sans doute, qui aient été faites des rapports du langage de l'expression littéraire avec une histoire, un terroir, la révélation d'un corps à lui-même» . On retrouve chez l'auteur une attention soutenue à la langue et à la mémoire féminine. Cette remontée aux sources innerve tant ses films que ses livres, et assurément son dernier où la romancière prend "Ie relais de la passion calcinée des ancêtres" . Née Fatima-Zohra Imalayène, à Cherchell, près d'Alger, elle est bientôt cette fois à l'école, main dans la main du pere», de demain, la future Assia Djebar, les prelDIers pas vers la liberte de se mouvoir dans un espace traditionnellement masculin. Puis elle poursuit ses études à Alger, Paris (elle est la première Algérienne admise à l'Ecole normale supérieure de Sèvres), Tunis. Elle enseigne par la suite dans les trois capitales du Maghreb, Mariée au poète algérien Malek Alloula, c'est à Paris, où depuis quelques années elle poursuit son œuvre d'écrivain et de chercheur, que nous l'avons rencontrée. Telle elle apparaît dans les douze minutes du court métrage T.V. que le réalisateur algérien Farouk Beloula (qui travaille actuellement au Pain nu de M. Choukri) lui a consacré à la parution de L'Amour, la fantasia, telle elle est : présence forte, silhouette juvénile, lente et vive, regard aigu sous les boucles brunes Assia Djebar est à la fois douce et distante, chaleureuse et incisive. Elle dit ((je»' elle dit ((nous», elle bouge, elle parle, elle déploie l'espace du dedans cherchant la sortie du bout de la nuit, dans le labyrinthe du monde. Et c'est dans l'œil du cyclone que la mAturité n'étouffe pas l'enfance. Pour cela, il a fallu conquérir son propre itinéraire, ardemment, de toutes ses forces vives et pour la beauté des gestes partagés. Nous sommes alors au cœur-même de l'histoire. ~<fil~ette arabe allant pour la première lD~tItuteur. Ce so~t là, pour la femme Amina Saïd & Ghislain Ripault 64 Quel regard portez-vous aujourd'hui sur vos quatre premiers romans publiés entre 1957 et 1967 ? Le premier roman, La Soif, a presque été un accident, une façon de tourner le dos au réel, parce que le réel, à ce moment-là, me paraissait plus important. Je faisais la grève des étudiants algériens. Mais avec le recul, je me suis aperçue que ce n'est pas bon d'écrire trop tôt: à cause des schémas que l'on vous applique. Maintenant, j'aimerais bien qu'il soit réédité. Cela fait au moins dix ans qu'on me le demande. Je l'ai relu il y a trois ou quatre ans et j'ai constaté qu'il n'y a rien à changer. Il a, je crois, son public actuellement. Il a été critiqué parce que c'était, disait-on, un roman d'amour "suspendu", alors que l'Algérie, c'était tout autre chose... Le second IjJman, Les impatients, je le trouve aujourd'hui un peu compliqué dans le récit. Mais j'en retins un lieu. Le premier était sans lieu, un roman d'adolescence, sur le rapport entre deux femmes. Le second est peut-être moins "pur" que le premier. Mais il yale lieu : le patio et la maison enfermée. On peut dire que ce sont tous les deux des romans d'apprentissage. Le troisième, Les Enfants du nouveau monde, correspond dans sa construction à ce que je pense du roman. D'abord, il y a cette unité de lieu, et, à partir de cela ainsi que de l'unité de temps, c'est un ballet de personnages, les femmes étant au premier plan, les hommes un peu en retrait... Je l'ai rédigé aussi rapidement que les autres, en deux ou trois mois. A cette époque, j'étais au Maroc et j'ai reçu une parente qui m'a raconté ce qu'il en était à Alger, cette ville où les femmes voyaient se dérouler la guerre en observant les montagnes, alor~ même qu'on pensait qu'elles étaient enfermées. En fait, elles voyaient la guerre comme un jeu. Entre autres histoires, cette parente m'a raconté celle de cette vieille femme tuée par un éclat d'obus et que l'on n'avait ramassée qu'après l'alerte... C'est de là que le livre est parti. Je pense que c'était un besoin d'être là-bas alors que j'étais absente, une façon de combattre l'éloignement. Le quatrième, Les Alouettes naïves, n'est plus un roman de jeunesse ou d'apprentissage. C'est le premier roman que j'ai écrit par coulées successives et sur deux ou trois ans. Je ne me rendais pas compte que l'écriture romanesque était une construction. Le cœur de ce roman, qui en est aussi le milieu. s'appuyait sur des éléments autobiographiques, très intimes. C'est ce qui a fait que j'ai décidé d'arrêter. J'ai eu un refus, un refus de femme, d'écrire si près de soi. Je pense qu'à ce moinent, Photo: Malek ALLOULA j'ai commencé à me masquer le problème en me disant qu'il fallait écrire en arabe puisque je suis arabophone. Le roman était terminé depuis un an lorsqu'il est paru, en 1967. Je vivais de nouveau en France, avec des enfants. Comme je ne concevais pas la littérature comme une carrière, ni comme un besoin continu d'écrire, j'ai cessé. Le rapport à la langue était bloqué. J'ai cependant écrit des nouvelles, mais sans penser tout d'abord à la publication. Puis je suis rentrée en Algérie. J'ai fait un peu de théâtre. Donc, de 1968 à 1974, il Ya eu un passage à vide. Chacun vit comme il peut un rapport devenu difficile avec une langue. Moi, je me suis plongée dans ma propre vie, en oubliant la littérature! Je l'ai résolu en retournant vivre en Algérie en 1974. Je sens que je l'ai résolu tout simplement par cette arrivée à l'écriture cinématographiqlle. Les quatre premiers romans ont été écrits entre vingt et trente ans. Il y a des points de ressemblance entre eux, mais pas de continuité romanesque. J'aurais aussi bien pu commencer par le dernier ! Les autres sont-ils inutiles, te n'est pas à moi d'en décider. Mais je ne regrette pas les rééditions ! Après avoir tourné mon film La Nouba des femmes du Mont Chenoua, j'ai eu volontairement le désir de revenir à la langue française. Le recueil de nouvelles, Femmes d'Alger dans leur appartement, était une façon de faire le point sur le passé et en même temps, de concevoir l'écriture de manière continue. Mais je ne pense pas qu'un écrivain soit obligé d'écrire des livres sans arrêt! Si, dans nos pays, il y avait un substrat culturel (édition, critique...), je crois que, depuis onze ans, j'aurais écrit et publié régulièrement. Parce que je trouve que vivre de ses droits d'auteur, consacrer toute son énergie à l'écriture, est quand même un avantage. Il est vrai aussi que si vous avez un second métier, il vous donne parfois l'impression de vous dévorer. Mais il vous donne, par rapport à ce que vous écrivez, une sorte de liberté. Ce qui est difficile, c'est de ne pas pouvoir publier pour son public. Et en même temps, le succès est un piège. La liberté, c'est de pouvoir écrire à la fois ce qu'on peut et ce qu'on veut, et au besoin, de rester dix ou quinze ans sans publier. Pour ma part, je suis enseignante et je me sens enseignante, même lorsque je n'exerce pas. De toute façon, je suis indépendante économiquement. Un nouveau cycle est-il né avec votre nouveau roman, L'Amour, la fantasia? Effectivement, là je peux parler de cycle. Ce livre sera suivi de trois autres romans. C'est un quatuor. Peut-être parce qu'en ce moment, je suis dans Beethoven Ge suis d'ailleurs toujours avec la musiquè, les musiciens). C'est donc un quatuor, mais pas une suite romanesque, avec des personnages, comme dans les sagas. J'en ai actuellement deux de prêts. Pour moi, L'Amour, la fantasia" c'est le violoncelle, parce que j'ai pensé à un quatuor à cordes! Le second, que j'ai terminé et qui s'appelle L'Oeil caché de l'aurore, l'histoire de deux femmes, c'est l'alto; Reste à écrire l'essentiel: les deux autres. C'est aussi un quatuor parce qu'il a quelque chose à voir, dans ma tête, avec le chiffre quatre. Ce sont peutêtre quatre démarches différentes tour...... nant autour d'un même sujet. J'ai commencé le second avant le premier, puis j'ai bloqué. Il s'agit d'un rapport entre deux femmes, un rapport à l'espace. Cela peut se passer à Alger comme à Rabat ou à Baghdad. Il y a une femme qui sort voilée et son rapport à l'espace. J'ai bloqué à un momt:nt sans trop comprendre pourquoi. Peut-être à cause du rapport au français? Puis quand j'ai écrit L'Amour, la fantasia d'une seule traite, ça m'a complètement débloquée, même si cela a été physiquement éprouvant. Le second livre, c'est un peu comme si, ayant creusé le passé, j'avais besoin d"esquisser l'horizon, l'avenir. Les deux suivants seront de structure apparemment plus classique, avec des personnages de fiction, des événements. C'est la reprise du thème mais autrement. Ce sont des variations, avec dans le premier et le second livre, toujours cette construction en doublè, en chapitres alternants leurs registres. Je ne pense pas que les suivants soient pareils. Je dois en avoir encore pour deux ans de travail. Pour les livres suivants, je reviens à Alger : le troisième se passe au 1ge et au 20ème siècle, et le quatrième est une variation sur l'ensemble "'du Maghreb, une narration qui se déroule à la fois à Alger, Tunis et Marrakech. Je vais plutôt en arrière dans le temps. Je m'interroge sur le pourquoi du fonctionnement de nos sociétés. Dans une première approche, je me suis dit: je suis Algérienne, la colonisation .a évidemment son impact, elle a bloqué quelque chose. Si elle a bloqué quelque chose au niveau de mon expression, de mon rapport avec le français, en réalité 66 les mêmes problèmes existent même si on remonte avant la colonisation. C'est mon point de vue, et c'est pour cela que je vais en arrière tout en ayant l'impression pourtant que les choses se passent maintenant. C'est donc une réflexion sur l'Histoire qui touche aussi au présent, non? Le cinéma, c'est une toute autre écri'ture, un autre regard, un autre espace de parole, un espace pour le corps? Quelle importance accordez';YOus si l'image, au miroir? Dans mon film «La Nouba des femmes du Mont Chertoua», le premiér plan, c'est une femme qui tourne le dos aux spectateurs et qui dit : <de ne veux pas que l'on me voie, que tu me voies». A la fin du plan, au bout d'une minute et demi (ce qui est long au cinéma), elle se retourne. Biza:-rement, je pourrais dire qu'en ce qui concerne «La Nouba .. . », et peut-être même le second aussi, «La Zerda et les chants de l'oubli», c'est une façon de faire un film sur un faux regard. Le premier film commence en tout cas sur un refus du regard. A la limite, je devrais dire que ces deux films, je les ai tournés pour non pas me cacher, ce serait exagéré, mais... je ne sais pas. En tout cas, j'ai tourné le premier film comme j'aurais écrit un livre, mais sans utiliser le français. J'ai pris des éléments de fiction et je les ai placés au milieu d'une réalité. Du côté de la caméra - le regard - l'intérêt pour moi c'est de voir comment la fiction s'ouvre sur la r~é;llité, ou l'inverse. On dit que c'est un film. de «recherche» ou «expérimentah): ça veut peut-être dire ennuyeux ! Mais je travail1e ainsi. Ces deux films ont été produits par la télévision algérienne. On me permettait de poser mes questions sur le plan de la création, et non pas sur celui de la réception. Maintenant, j'ai envie d'affronter un plus large public, de communiquer si possible avec lui... Cela dit, c'est le chiffre de spectateurs qui fait un film pour «grand public». La vraie communication entre l'auteur et le public, quand il est important en nombre, joue forcément sur des équivoques. Depuis trois ou quatre ans, je suis attirée par la fiction, et en même temps, tout en moi refuse le cinéma «grand public», parce qu'au fond, je ne sais pas ce que cela veut dire. Mais la décision intérieure est prise. Je vais d'abord finir d'écrire ce cycle de romans, puis je tournerai un film «grand public» (sourire, puis éclats de rire). Probablement avec ce qu'on appelle une distribution, je vous dirai ça bientôt! J'aime les grands médias. J'aime les comédiens aussi. J'espère que le cercle comédiens-argentpublic ne sera pas trop contraignant. On verra ce que ça donnera (rires). Mais estce que ce sera une expérience enrichissante pout moi, je l'ignore. Au bout d'un moment, je trouverai peut-être que le temps investi et la patience à avoir (parce que c'est aussi un travail avec les autres) en regard du résultat, me fera revenir plus gaiement à la littérature !Parce qu'en littérature, vous êtes votre propre maître. Ensuite, quand vous avez dix, cinquante, cinq mille lecteurs ou plus, c'est autre chose. Votre Iivr,e existe· et vous pouvez .toujours vous dire qu'il restera dans les bibliothèques. Tandis que pour un film, dès son. élaboration, vous devez tenir compte de certaines obligations. Je n'y suis pas habituée ayant travaillé très librement sur les deux premiers. Pourquoi je cherche à avoir des contraintes ? Je ne sais pas! Peut-être qu'à force de travailler depuis quatre ans sur ce cycle romanesque qui a lieu dans le p.assé, je dois ressentir une sorte d'isolement intérieur. Cela vient aussi de cette façon de travailler hors de mon pays. Faire un film, c'est s'ouvrir aux autres, soit au niveau du travaille plus concret possible, soit au niveau des questions que vous pose un plan. Il y a aussi le plaisir de travailler sur la langue, car pour l'instant, travailler sur la langue arabe dans les films que j'ai faits m'a passionnée. Et cela m'attire tou.ïours. Dans le premier, j'ai composé et tait interpréter la conclusion, une sorte de générique de facture populaire, un chant qui résumait le film. Je suis donc écrivain arabophone pendant six minutes! C'était pour moi une façon de revenir à l'arabe, de chercher à créer hors de la coupure et du déchirement. Pour ce qui est des images, il se pose un problème spécifique à la société arabe : comment prendre des images alors que la société fonctionne en refusant de se livrer ? Et quand on cherche à prendre des images vraies, comment regarder et quoi prendre au juste? Vous avez beau regarder, il Y a comme une fuite, ou du moins, une image faussée qui fait écran. Il n'y a peut-être que moi qui me pose ces questions du regard pendant le tournage? La plupart des films dits arabes se contentent d'être arabes en utilisant la langue arabe. J'ai pour ma part une autre ambition. Il y a une recherche d'un style, une recherche formelle, qui ne doit pas simplement copier les Américains ou telle épole de cinéma. Dans mes deux films, je me suis appuyée sur la musique non pour faire des films musicaux, mais parce que c'est la seule que je perçoive comm~ un héritage positif en quelque sorte. Je m'appuie sur le rythme. C'est une manière de retrouver une certaine tradition. Mais alors comment produire des images neuves tout en se situant dans une tradition ? Ce sont des problèmes de forme: est-ce qu'il me faut en sortir ? Mes projets de fiction complète seront des tests ... Qu'est-ce pour vous que créer un personnage? . Je ne sais pas si je crée vraiment des personnages. Dans le troisième roman du cycle auquel je travaille, il y a un homme de cinquante ans qui revient à Alger quatre ans après la prise de la ville. Comme sans doute pour tout romancier, il y a des pulsions, des interrogations, des mouvements qui vous agitent. Il y a peut-être quelque part un lien entre ces personnages et moi, mais je ne sais pas toujours lequel. C'est au moment de l'écriture qu'ils prennent forme, et qu'ils se transforment aussi. Ce que je peux savoir à l'avance, c'est autour de quel personnage le roman va se construire et ce que sera ce «personnage» : un être humain, une atmosphère, une durée, un lieu, un mouvement comme dans un ballet. .. ? Au cinéma, dans «La Nouba ... ,» je suis partie de la réalité et j'ai commencé à écouter les femmes. Après quoi, il m'a semblé intéressant de créer un personnage qui soit ma «déléguée» à l'image et qui, elle, regardera. Pour moi se posait alors le problème du rapport avec l'actrice. Une interprète n'est pas quelqu'un à qui je donne un texte qu'elle va lire puis jouer. C'est un être en chair et en os avec lequel doit se créer un rapport d'intimité et de familiarité. Comme pour un peintre, il faut savoir très vite quoi mettre en valeur de cet être. Cela peut être un geste, un regard, une attitude. Au bout d'un moment, vous voyez à quel moment une personne qutexiste livre sa vérité. Il ne s'agit certainement pas, pour moi, de la filmer de telle façon parce qu'elle est plus jolie ou je ne sais quoi! Ce qui m'intéresse, c'est à quel moment elle est, elle vit vraiment. Commençant alors à le sentir, tout mon problème est alors de savoir comment la caméra va venir la prendre en image sans la «tuer». Le vrai problème est un problème d'objectif: à quel moment être à la bonne distance. Laisser des plans ouverts aussi. Pour moi, l'idéal serait un type de cinéma où vous démarrez dans la fiction, c'est-à-dire dans ce que, normalement, vous contrôlez, mais qu'avant que vous ayez dit le fatidique «coupez !», le réel ait pu entrer dans le plan malgré vous presque. Ainsi, ce n'est pas une fiction faite à côté du réel. C'est pour ça que j'aime les plans ouverts. Les résultats peuvent être très beaux. Dans le roman aussi, quand j'en suis au premier jet, il faut que j'écrive n'importe où, n'importe quand, et c'est toujours très régulier. Mais si vous êtes dans une scène et que vous êtes obligé d'arrêter, quelque chose a pu se passer entre-temps, qui devient un détail que vous intégrez dans votre livre. La scène romanesque n'est pas non plus une série de notes, prises pour le càdre, le costume, les personnages et qu'il s'agit de mettre en phrase dans un certain style. C'est pourtant ainsi que fonctionne le cinéma commercial. Il yale décorateur, la maquilleuse, la personne qui s'occupe des costumes, le coiffeur, le scénario (questions-réponses-dialogue) ; tout est en petits bouts. Et le réalisateur arrive et fait sa mayonnaise ! Un cinéma du Tiers Monde ne peut pas fonctionner comme ça, selon moi. En réalité, ce que vous cherchez à saisir ne l'a jamais été. C'est mon principe de départ. Les films soit-disant représentatifs de ces pays tournent le dos à la vérité profonde des gens. Certains cinéastes d'Amérique Latine (et pas seulement pour ce qui est du cinéma nuovo des années 60-70) savent qu'entre le documentaire en profondeur et la fiction, il a quelque chose d'important à faire. Vous avez écrit dans un article: «En pays d'Islam, ce qui reste précieux, concrètement uûle..., c'est l'existence d'une solidarité entre femmes». Qu'en est-il de cette solidarité ? J'ai senti que la solidarité existait dans un schéma de tradition complet. Par exemple, prenons ma grand-mère. La société des femmes était alors une société de recluses. L'enfermement n'était pas remis en question, du moins dans les villes. Chez moi, la polygamie était l'apanage des. chefs. On avait l'impression qu'avec l'oppression et une ségrégation sexuelle complète, les femmes avaient développé, dans l'espace restreint qui était le leur, une solidarité instinctive que je ressens et que j'ai vécu enfant dans la relation des mères aux fillettes. Mais en même temps, c'est une solidarité fondée sur une certaine amertume, une" certaine impuissance. On peut rêver d'une solidarité différente... Il me semble que dans les années cinquante, il y avait cette illusion que les femmes allaient se libérer, tout au moins dans le Maghreb (et ceci avec, disons, vingt ans de retard sur le Moyen Orient). Cela a d'abord fonctionné dans les classes dites moyennes des villes. C'était une période d'espoirs réels. J'avais alors vingt ans. Ce dont je me suis rendu compte, c'est que les femmes' ont tourné le dos au «harem» et en même temps à ce que la tradition et la cohabitation des femmes avaient de chaleureux, en croyant qu'elles n'allaient faire que des acquis positifs. En fait, on s'aperçoit que la division entre les femmes est entretenue par les hommes. Avec cette libération à l'occidentale, il y a peut être eu le plaisir de se sentir enfin un individu. Pour moi, et dans mes romans on doit s'en rendre compte, la vie de couple devient un piège. Le jeu masculin est actuellement plus fort. Avant, on enfermait les femmes dans. leur espace et c'est tout. Aujourd'hui, il semble qu'il y ait une sorte de peur des hommes devant le dymunisme des femmes. 67 L'OEIL DU JOUR par Hélé Béji FEMMES ARABES-ET SOEURS MUSULMANES par Denise Brahimi Denise Brahimi analyse dans cette étude pas moins d'une vingtaine de romans et d'essais écrits en majorité par des Européennes entre 1900 et 1953, et ayant pour sujet les femmes arabes. L'auteur s'attache à montrer ce qui s'est passé entre Algériennes et Européennes dans une situation historique donnée, ici la colonisation francaise en Algérie. . L'analyse d'ouvrages comme ceux d'Hubertine Auclair, Elise Crosnier, Marcelle Magdinier ou Elissa Rhaïs (pour ne citer que quatre auteurs sur les quinze présents) montre d'emblée comment et pourquoi ces ouvrages diffèrent, tant par le ton que par les réactions, à des situations données. Si de ces livres d'Européennes naît l'impression d'une urgence (celle qu'il y a à aborder certains problèmes comme la polygamie, l'instruction des filles, la prostitution, les couples mixtes... ), celle-ci ne peut masquer d'une part, la projection de leurs propres hantises et d'autre part, leur difficulté à parler des femmes colonisées sans préjugés de type colonialiste ou "maternaliste" (néologisme avancé par l'auteur et calqué sur le terme "paternaliste"). Les raisons de l'impossibilité de s'identifier en tant que femmes à ces autres femmes qu'elles mettent en scène dans leurs livres semble aller bien au-delà des multiples barrières qui les séparent. Alors quelle solidarité? Dans l'ensemble, note l'auteur, "tout dans leur situation, joue finalement contre une possible solidarité avec celles dont elles parlent. Tout, c'est-à-dire aussi bien ce qui les sépare, à savoir leur commune féminitude". Rappelant la situation de dépendance que les Européennes vivaient en cette première moitié du siècle, D. Brahimi souligne également l'ambiguité du discours de ces femmes écrivains: parler des autres est un moyen d'occulter tout ce qu'il y aurait à dire sur elles-mêmes et leur propre situation, alors que, de manière détournée, c'est au fond aux hommes européens qu'elles s'adressent en premier lieu. D. Brahimi, qui a enseigné dix ans en Algérie, travaille sur les représentations du monde arabe dans la littérature occidentale. Elle a publié d'autres essais, dont Requiem pour Isabelle (Publisud, 1983) et Maupassant au Maghreb (Le Sycomore, 1983). Amina Saill (Editions Tierce, Paris) Très beau livre que l'Oeil du jour de la Tunisienne Hélé Béji - livre grave et malicieux tout en arabesques de paix et de lumière, livre de contemplation à sa manière et livre d'amour pour la grand-mère, qui en viendrait presque à représenter l'âme de son pays. C'est une fête pour nous lecteurs conviés à partager les fascinations (et les répulsions) de l'auteur, de retour pour un bref séjour dans sa ville natale: fascination pour les êtres (l'aïeule avec sa foi tranquille de vraie croyante et quelques autres personnages croisés), mais aussi pour les objets, les couleurs, les bruits, l'éblouissement de la lumière, le charme d'une porte cochère ou d'une haute fenêtre, les métamorphoses de l'ombre sur les dallages du patio, la vieille ville : « blanche forêt aux branchages de pierre », le moindre tressaillement de l'air, la magie des lieux... Le livre de H. Béji donne à voir tout ceci et plus encore. Si le charme des descriptions tient à leur vérité, il naÎt également de la musicalité des phrases, de la beauté de l'écriture. Une foule d'impressions et de sentiments se mêlent que nous partageons. La durée est bouleversée avec bonheur par le jeu de la mémoire. En 253 pages et XVI chapitres, nous ne savons plus si c'est une journée qui nous est donnée à découvrir ou bien toute une vie; si c'est un retour qui va avoir lieu ou un départ tant l'aïeule, dans sa sagesse et, dirait-on, son éternité, semble vivre dans son temps qui « n'est qu'une image du monde arrêté, respirant doucement ». C'est là une des forces du livre et non des moindres : tout un univers naÎt, ou renaÎt. Et l'on se prend à relire maints passages - par pur plaisir. Amina Saïd (Maurice Nadeau éditeur 1985) VOYAGE DE SINDBAD Pris dans une tourmente imprévue, Sindbad n'a pas pu accoster cette fois-ci. Le mois prochain, sans faute, il sera à quai. Reproche I--y "-y Etat .,.- r Vieux ;r~~ç;i; Sodium • 1-.-_-I-_ _4-G;;;,ec_Qu_e+_ _ ëha;;',-- - Société _a~o~v~: +-__t---:::Pi:,:;9n:::;on:.4_ _-4-contession 1. ' " Tic du Midi Nommer , Prince Limon I~ Ecartés , Rongeur Pronom •, Frustrer ~ Consigné • Alarme __ Stand ~ De pouvoir y -Demier - ~~~ Phase T Do ~,,!,,-.!-~o~ • , Liquide Canton Tiers Pascal ,~ .. , Actinium Limé Paturage .. .. Berge Collégien .. Solu i ion des mots croisés du n 2 o -t, mal e n ~' ~+- ,--+-'=-+-=----I-----=---+---=-+_~ .3' 4 5 b 0 7- r g cl i if 10 0 fi II. 70 n K(jJjjij COURRIER DES LECTEURS Rendre justice à la femme Bravo pour votre revue KALIMA à qui je souhaite 10n9"ue vie... Jeune femme mariée avec deux enfants, je me permets de vous demander de bien vouloir nous proposer dans votre prochain numéro; «Quand la femme a-t-elle le droit de demander le divorce où plutôt quand peut-elle l'avoir» bien sûr juridiquement et légalement. Je souhaiterai aussi que vous procédiez à des tables rondes télévisées concernant la femme dans la société en présence de plusieurs catégories de femmes : docteurs, institutrices, femmes de ménage, femmes au foyer ... Je pense qu'il ya beaucoup de choses que les hommes ignorent et j'espère qu'avec votre revue, justice sera donnée à la femme. Mme Khazziari Rachida, Casablanca A CHACUN SA KALIMA KALIMA invite au dialogue entre l'homme et la femme (. .. ) Le débat sur lequel porte l'invitation ne semble accessible qu'à une frange limitée de la société, la langue constituant un handicap sérieux. Cela n'enlève rien à son importance dans la mesure où les acteurs (actrices) sont des éléments d'avant-garde qui participent activement au changement. Il ne s'agit nullement d'élitisme mais d'une constatation. Et pour prendre part à une action sociale qui puisse amener le changement, il faut une double prise de conscience. D'abord être. Ensuite être libre. D'abord être. La prise de conscience de soi a quelque chose de fantastique. Cela peut être le résultat d'un choc violent. d'un traumatisme. Cela peut être également l'aboutissement d'une longue période douloureuse. La prise de conscience de soi s'accompagne toujours d'un sentiment énivrant de libération. On se sent léger. Le passé est perçu sous un nouvel éclairage: c'est un ensemble d'habitudes et d'idées reçues dont on a saisi le poids aliénant et que l'on se promet de Une très bonne initiative Enfin une revue marocaine qui a le mérite d'analyser ou, du moins de mettre en exergue les nombreux symptômes d'un mal, qui longtemps négligé, fait partie à présent du quotidien. Ce mal porte un nom: l'absence totale d'éducation et de savoir vivre. Votre revue tente de contribuer à l'évolution des mentalités et des moeurs; très bonne initiative ! Nous sommes beaucoup à vouloir y croire, cela donne l'illusion qu'un mieux-être est possible. Par ailleurs, votre revue devrait inclure une rubrique «loisirs» présentant les différents centres, clubs, associations culturelles (adresses, modalités d'adhésion, programme d'activité... ) ainsi que les concerts, théâtres, shows qui se tiennent dans notre ville. Nous souhaitons plein succès à votre magazine. AMINA HOUMMAN CASABLANCA passer au crible de la raison. L'avenir ne fait plus peur parce qu'on se rend compte que l'on participe à son édification. On ne subit plus. D'abord être. C'est se sentir démarqué des autres, de tous les autres, et d'abord de l'autre soi-même fabriqué par le long et puissant conditionnement de la société à travers l'éducation. Ce surmoi comme l'appellent les Freudiens, n'est pas à rejeter puisqu'il constitue l'interface avec la société. Mais il faut savoir qu'il existe et s'en détacher quand c'est nécessaire. Le moi, dégagé de la carapace des préjugés et de l'handicap de la mémoire génératrice des émotions inhibitrices, vit intensément le présent. On s'intéresse à ce qui se passe ici et maintenant. D'abord être. C'est être à J'écoute de son corps et vivre ses sens. Ensuite être libre. La prise de conscience de soi est déjà un pas primordial dans la voie de la liberté. C'est le commencement. Etre libre, c'est s'insérer de facon intelligente et harmonieuse dans' la trame sociale. C'est àssumer ses rôles sociaux sans ressentir une quelconque contrainte. Certains sociologues ont comparé le groupe humain en interaction à une partition musicale. On parle Sans fard ni khol « KALIMA » trois syllabes qui éveillent en nous des résonances mélodiques et profondes. Ce mot contient plus de magie que son « homologue» français! Sans fard ni «Khol», nous tenons à vous dire que ce nouveau magazine nous a vraiment épatés. Nous avons en effet, passé un temps merveilleux à feuilleter et dévorer non sans avidité votre ou plutôt notre« Kalima ». Ce n'est pas du tout étonnant parce que les sujets choisis nous touchent de près. En outre, nous sommes parvenus, sans aucune difficulté, à déceler les traits humoristiques qui caractérisent vos écrits, ce qui offre encore plus de charme et d'agrément. Pour cela, nous n'hésitons pas à vous souhaiter un succès in aeternum pour que nous puissions jouir encore du plaisir que nous procure votre magazine. [. .. ] Habri Jamal de rapports harmonieux. Tant que l'on n'est pas seul on ne cesse de jouer des rôles: l'époux, le père, l'employé, l'usager des services publics, le consommateur dans un restaurant, ainsi à l'infini. Alors il faut jouer le jeu, comme on dit. Je m'enfonce dans les lieux communs .direz-vous ; pourtant et pour paraphraser un penseur, il n'y a rien de plus audacieux que de remettre le connu en question. Etre libre, c'est savoir maintenir une distance par rapport au rôle, ne pas le subir. Etre libre c'est être informé. (... ) Etre informé permet de se rendre compte de l'extraordinaire diversité (jes modes de vie, des mentalités et des opinions. Il y a autant de réalités qu'il y a de consciences qui saisissent la réalité. Notre pays est heureusement riche en diversités de par même son ouverture sur toutes les cultures. Chaque région a ses mœurs, ses croyances, sa culture et son mode de vie. Etre informé, permet enfin de vivre sa différence, après avoir découvert que cette différence n'est pas une exception mais la règle (... ) Brahim Bensaïd CASABLANCA 71 RECETTES OFFERTES PAR LA CENTRALE LAITIERE LES SAUCES: SAUCE BECHAMEL DANONE NOMBRE DE PERSONNES 4 TEMPS TOTAL -INCLUS PREPARATION & CUISSON 10 MINUTES INGREDIENTS - 4 Cuillerées à soupe de farine fine - 2 Grands verres de lait - 2 Cuillères à soupe de beurre ou de margarine Un peu de noix muscade, sel - 2 Cuillères à soupe de DANONE nature - Séparer le lait en deux récipients, le premier ira sur le feu avec le beurre. - Dans le deuxième récipient, défaire la farine dans le lait froid et rajouter ce mélange dans le premier récipient qui devra être déjà porté à ébullition. - Rajouter le sel et un peu de noix de muscade tout en remuant sur le feu pendant 5 mn. - Epaissir à volonté. Il ne doit pas y avoir de grumeaux. . Une fois retirée du feu ajouter les deux cuillerées de DANONE nature tout en mélangeant. SAUCE SPECIALE DANONE NOMBRE DE PERSONNES 4 TEMPS TOTAL -INCLUS PREPARATION & CUISSON 15 MINUTES INGREDIENTS - 100 Grammes de beurre 2 Cuillerées à soupe de farine fine 2 Jaunes d'oeuf crus, eau 1 DANONE Nature Poivre blanc fin 1 Citron et du sel fin - Mettre dans une casserole ou un récipient la moitié du beurre, puis la farine, (faire cela en dehors de la chal~ur du feu) - Ajouter 1/4 de litre d'eau chaude, du sel, un peu de poivre et les deux jaunes d'oeufs, - Poser la casserole ou le récipient sur le feu et remuer rapidement j\Jsqu'à ébullition, - Retirer du feu et ajouter le reste du beurre et le DANONE Nature, - Sans arrêter de remuer avec une cuillère en bois, - Finalement, ajouter quelques gouttes de citron, - Cette sauce peut être servie de préférence, avec des viandes grillées et aussi avec du poisson cuit ou bouilli. P'IIhourt natuN ~ arR 11 l' /' /, / ' ~\. ~; . . \ ~ ' \ """.-~. . \ =--,", "~ C'est fiable. - -1; ~-"';'f"';S UNO 45 3Portes UNO 45 S 5 Portes Moteur FIRE 999 cm3 Vitesse maximale: 145 km/h Consommation g<fKmlh. : 4,1 1. -- '/L.// _-_ ..:-....-..-.. ..,,;. REGATA 70 Cylindrée: 1301 cm 3 Vitesse maximale: 155 km/h Consommation 90 km/h : 5,4 1 ---C~"'c~_ [--_.~-~.~iii ~~ \ REGATA85S . 1498 cm 3 Cylindrée: Vitesse maximale: 165 km/h Consommation 90 km/h : 5,4 , REGATAD .,~ Cylindrée: 1697 cm~ Vitesse maximale: 150 km/ho Consommation 90 km/h : 5,1 1. .~ ~ 'Il." .... ~ ......... L_ ........ ~.....i.....--_. .'1.........-_..._._ _ • '-__ .~ _ ~ ~~~ .............:.wt_ .: t' t "H _ ~..;.. -~~~...:i- . . . ._ . . . . 'a e • i le •