Les risques…

Transcription

Les risques…
gestion d’avoir
Les risques…
de ne pas gérer le risque
pierre saint - laurent
V
ous en avez soupé du papier
commercial ? Les marchés ont
bien assez dégringolé comme
ça ? Y a-t-il moyen d’avoir une vie un
tant soit peu normale, vous demandezvous ? Vous êtes comme 99,9 % des
conseillers non masochistes qui ont
connu une année 2008 mémorable,
pour le meilleur et pour le pire. J’aimerais aborder avec vous, encore une fois,
la question du risque, et plus précisément celle de sa gestion.
La gestion du risque, dans son sens
premier, c’est éviter les fraudes, les
malversations et ses avanies qui en
résultent – pour ne pas dire les rêves
brisés et possiblement les poursuites
juridiques. Au-delà des « risques d’atteinte à la confiance » (pensons aux
affaires Lacroix, Madoff et Portus, qui
relèvent de la fraude, et aux affaires
Amaranth et Long-Term Capital Management, qui relèvent de l’incurie de
leurs gestionnaires, parfois prix Nobel !),
il y a une gestion au quotidien, relativement facile à mettre en place, que l’on
peut faire auprès de nos clients. Je
m’étendrai sur le sujet en trois points.
Photo : Sonia jam
1. Le risque de longévité
N’oublions jamais que le risque de longévité est bien réel. C’est bien pourquoi il existe des rentes viagères (on
transfère ce risque à un assureur contre
un certain coût). À mon sens, le risque
de longévité est davantage celui de se
rendre à la retraite avec un montant
insuffisant, que de carrément manquer
d’argent. La nuance est subtile, mais
elle porte sur la capacité de décision;
une fois à la retraite, il est trop tard
pour changer quoi que ce soit. C’est
donc évidemment la qualité de la
retraite qui est en jeu ici, sur fond d’es-
www.conseiller.ca
pérance de vie bien prolongée (et qui
ne cesse de se prolonger). Le risque de
longévité se traduit, en somme, en une
nécessité d’accumuler encore plus.
C’est ici que la gestion de risque (de
longévité, de pénurie de retraite) est
essentielle. Il faut rappeler constamment le manque à gagner entre un
investissement sûr qui rapporte 4 %
l’an sur 40 ans, plutôt qu’un portefeuille moins sûr qui en rapporte 7 %
sur la même période. En simulant les
valeurs sur une base de composition
annuelle, le placement à 7 % sera audelà de trois fois plus élevé que l’autre.
Bien sûr, avec un taux d’inflation entre
2,5 % et 3 % sur le long terme, et à
l’instar des gestionnaires de caisses de
retraite, force est de constater que les
placements sûrs ne peuvent tout
simple­ment pas suffire à la tâche. Nous
devons donc prendre des risques (de
marché, s’entend).
2. Le placement,
c’est de la psychologie
Le conseiller a pour tâche d’empêcher
l’investisseur de commettre des bévues
psychologiques fondamentales (et d’éviter d’en commettre à son tour). La
finance comportementale a depuis belle
lurette étudié ces phénomènes (un prix
Nobel a même été conféré dans cette
discipline à Daniel Kahneman) :
• incapacité à se débarrasser de
placements perdants;
• conviction inébranlable que
le prix auquel un titre a été
acheté est convenable (« À ce
prix d’achat, le titre va monter », comme Nortel à 88 $…);
• mémoire sélective (on se rappelle nos bons coups, mais pas
les bévues);
• aversion face aux pertes (perdre de l’argent est, selon les
experts, environ deux fois plus
conseiller
30
douloureux que d’en gagner
est agréable);
• etc.
La seule arme pour combattre les
émotions, ce sont les données. Et
contrairement à ce que disent les prospectus, le passé n’est pas garant de
l’avenir, mais il est le seul outil dont
nous disposons pour le préparer.
3. Gérer comme un pro
Vous pouvez faire de la gestion de risque
comme les pros. La gestion de risque de
marché, c’est se demander : « Quel est le
pire qui puisse arriver ? » Cette question
vague peut obtenir une réponse très
précise avec une mesure universelle de
risque, la valeur à risque (VaR). La VaR
peut nous permettre – sur la base de
rendements passés, c’est tout ce que l’on
a ! – de quantifier les pertes probables
dans le portefeuille. Ainsi, sur un portefeuille de fonds communs de placement
de 100 000 $, avec 100 observations
mensuelles, vous pourrez identifier ce
« pire » à un niveau de tolérance de 5 %,
soit une fois sur 20 (exactement comme
dans les sondages). C’est un chiffre réel,
provenant du portefeuille de votre
client, qui permet de calibrer le risque
encouru. C’est facile à calculer et, bonne
nouvelle, vous pouvez également montrer à votre client ce que ce risque lui
« achète ». Vous pouvez montrer le
« mieux » que l’on est susceptible d’obtenir de ce portefeuille, une fois sur 20.
C’est la valeur à opportunité ou valeur
sur rendement (VaO ou VaRt). Je vous
montrerai comment calculer la VaR et la
VaO de vos clients dans ma prochaine
chronique (ou si vous ne pouvez attendre, envoyez-moi un courriel).
Pierre Saint-Laurent, CFA, CAIA,
FRM, est président d’ActifConseil à
Montréal. [email protected]

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