Fin de la construction usufruit entre dirigeant et société : qu`en est
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Fin de la construction usufruit entre dirigeant et société : qu`en est
IPCF | Institut Professionnel des Comptables et Fiscalistes agréés SOMMAIRE p. 1/ F in de la construction usufruit entre dirigeant et société : qu’en est-il des travaux de réparation et d’embellissement ? p. 4/ Taxation étalée des plus-values : aperçu p. 7/ L a CNC se prononce sur la rectification des comptes annuels Lorsque le droit d’usufruit arrive à échéance, le nupropriétaire recouvre, par l’effet de la loi, la pleine propriété de l’immeuble dans son patrimoine privé sans que le droit proportionnel de 10 % (en Flandre) et de 12,5 % (en Wallonie et à Bruxelles) ne soit dû. Cependant, durant la période couverte par l’usufruit, la société usufruitière a probablement supporté le coût de certaines réparations ainsi que de certains aménagements et constructions apportés au bien. Ces différents types de travaux posent question dans la mesure où le dirigeant d’entreprise, en sa qualité de nu-propriétaire, pourrait être tenté de faire supporter, à la société, certains coûts qui lui incombent légalement. C’est pourquoi, dans cette contribution, nous analyserons les obligations civiles incombant à l’usufruitier et au nu-propriétaire en matière de réparations, d’aménagements et de constructions apportés au bien immeuble et les conséquences que leur non-respect peut entraîner sur le plan fiscal. 1 A. Les grosses réparations et les réparations d’entretien Pendant la durée du droit, l’usufruitier a l’obligation d’entretenir la chose. A ce titre, et en vertu de l’article 605 du Code civil, il est tenu compte des réparations d’entretien tandis que les grosses réparations incombent au nu-propriétaire, à moins que celles-ci n’aient été occasionnées par le défaut d’entretien de l’usufruitier, auquel cas l’usufruitier y est aussi tenu1. Dans un arrêt du 22 janvier 1970, la Cour de cassation définit les grosses réparations comme étant les « travaux de rétablissement et de reconstruction ayant pour objet la solidité générale et la conservation du bâtiment dans son ensemble, qui revêtent un caractère de réelle exception dans l’existence-même de la propriété et dont les frais requièrent normalement un prélèvement sur le capital […] 1 L’article 606 du Code civil dispose que « Les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières ; Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier. Toutes les autres réparations sont d’entretien ». P a c i ol i N ° 396 I P C F - B I B F / 5-18 janvier 2015 P 309339 – Bureau de dépôt 9000 Gent X – Bimensuel – Ne paraît pas dans les semaines 28-36 Fin de la construction usufruit entre dirigeant et société : qu’en est-il des travaux de réparation et d’embellissement ? Il appartiendra au juge de déterminer si les réparations revêtent, sinon la nature des réparations expressément visées par l’article 606, tout au moins un caractère comparable d’exception et d’importance, ou si, au contraire, ce caractère extraordinaire ne peut leur être reconnu »2. Une décision du Service des décisions anticipées (ciaprès « S.D.A. ») donne un aperçu des réparations devant être entendues comme des grosses réparations et celles devant être qualifiées de réparations d’entretien au sens des articles 605 et 606 du Code civil3. 1. Les grosses réparations Selon le S.D.A., en plus des exemples donnés par le Code civil, seront notamment considérées comme des grosses réparations les travaux suivants : la réparation de la charpente d’une maison ; la réfection d’un mur mitoyen ; l’installation ou le renouvellement du chauffage central ainsi que l’installation ou le renouvellement de l’électricité4. Cette énumération est conforme à l’interprétation donnée par la Cour de cassation dans son arrêt du 22 janvier 1970. considérer, durant l’existence du droit réel où à l’extinction de celui-ci, qu’il y a lieu à imposition d’un avantage de toute nature dans le chef du nu-propriétaire6. B. Le sort des améliorations à l’expiration du droit d’usufruit Durant la période couverte par l’usufruit, l’usufruitier a le droit d’user de la chose de manière conforme à sa destination. Dès lors, il a la possibilité d’effectuer certains aménagements ainsi que certains travaux et ouvrages sur la chose, pourvu qu’il respecte sa destination. 1. Les aménagements constituant des améliorations Comme le précise l’article 599 du Code civil, l’usufruitier ne peut, à la cessation de l’usufruit, réclamer aucune indemnité pour les améliorations qu’il prétendrait avoir faites et ce, même si la valeur de la chose s’en trouve augmentée. 2. Les réparations d’entretien Toujours selon le S.D.A., seront notamment considérées comme des réparations d’entretien incombant à l’usufruitier, les travaux suivants : les travaux de peinture des murs (même extérieurs), plafonds, portes et fenêtres (à l’exclusion de la première mise en peinture) ; le vernissage ; les réparations aux puits ; les réparations (à l’exclusion du renouvellement) au parquet, au plafond, aux escaliers, au toit ainsi que les réparations des cheminées et le ramonage ; la révision et les travaux d’un ascenseur et d’une pompe à eau ; le recrépissage, même des gros murs ou encore la pose de tapis (à l’exclusion de la première pose)5. Sur le plan fiscal, l’administration fiscale ne peut, en principe, à l’expiration de l’usufruit, qualifier d’avantages de toute nature les aménagements et les constructions pouvant être qualifiés d’améliorations. La Cour de cassation considère toutefois que les améliorations ne peuvent s’étendre à l’ensemble des travaux effectués par l’usufruitier et que le montant de celles-ci ne peut dépasser le montant des revenus pro- 6 3. Quid de l’indemnisation ? Les réparations d’entretien effectuées par la société usufruitière ne donneront lieu à aucune indemnisation du nu-propriétaire et ne posent dès lors aucune difficulté sur le plan fiscal. Par contre, en ce qui concerne les grosses réparations prises en charge par la société et pour autant qu’elles ne donnent lieu à aucune indemnisation du nu-propriétaire, l’administration fiscale serait en droit de 2 Cass., 22 janvier 1970, J.T., 1970, p. 203. 3 Décision anticipée n°700.234 du 9 octobre 2007, www.fisconet.be. 4 Ibid. 5 Ibid. 2 Cet avantage de toute nature serait, par hypothèse, non déclaré. Dès lors, l’article 219 du C.I.R. trouverait à s’appliquer. Celui-ci prévoit l’établissement d’une cotisation distincte ( la cotisation spéciale sur « commissions secrètes »), à charge de la société, égale à 309 % (300 % + 3 % en vertu de l’article 463 bis du C.I.R.) des avantages de toute nature qui ne sont pas justifiés au moyen de fiches individuelles et d’un relevé récapitulatif établi dans les formes et les délais imposés par le Roi. Toutefois, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2013 et de la publication de la circulaire du 22 juillet 2013, le recours à la cotisation sur commissions secrètes ne serait plus aussi systématique qu’auparavant. En effet, cette circulaire stipule qu’ « Il est dès lors expressément recommandé […] de ne plus considérer dorénavant l’établissement de la cotisation distincte que comme une mesure d’exception, si et seulement si l’impôt effectif et définitif à l’impôt des personnes physiques dans le chef du bénéficiaire n’est pas (plus) possible dans les termes de la législation modifiée. Dans les cas concrets où un doute pourrait encore subsister, il est dorénavant recommandé, sur la base du bon sens, d’accorder la priorité à un règlement du problème, de préférence par l’établissement d’une cotisation (complémentaire) à l’impôt des personnes physiques plutôt que par l’établissement d’une cotisation distincte à l’impôt des sociétés. ». Enfin, si les conditions d’imposition d’un avantage de toute nature ne seraient pas réunies, l’administration fiscale disposerait alors de la possibilité d’imposer la société sur base de l’article 26 du C.I.R. Cet article prévoit que les avantages anormaux ou bénévoles consentis par une société à un tiers sont ajoutés à sa base imposable et taxés au taux de l’impôt des sociétés. P a c i ol i N ° 396 I P C F - B I B F / 5-18 janvier 2015 duits par le bien7. Il s’agit d’une notion à géométrie variable8. Constitueraient notamment des améliorations : « le déplacement d’une cloison intérieure, la transformation d’un grenier en chambre, le percement d’une lucarne dans le toit, le placement d’une cuisine équipée, le remplacement des châssis, le changement du revêtement des sols et des murs… »9. 2. Les aménagements dépassant la notion d’amélioration En revanche, la situation des aménagements et des constructions qui dépassent la notion d’amélioration est différente. Partant du postulat qu’au terme du contrat le nu-propriétaire désire conserver les travaux effectués par la société, il est souhaitable de prévoir le paiement d’une indemnité suffisante par le nu-propriétaire, et ce, même si, pour déterminer le montant de ceux-ci, il est pris en compte les montants des redevances qui auront été acquittées par l’usufruitier pendant la jouissance de son droit10. Dans le cas contraire, il existe un risque qu’à l’expiration du droit d’usufruit, un litige naisse avec l’administration fiscale. Cette dernière disposerait alors d’une possibilité de taxer un avantage de toute nature dans le chef du nu-propriétaire11. Il est donc indéniable que le sort des ouvrages excédant la notion d’ « amélioration » doit faire l’objet d’une indemnité. Cependant, la doctrine et la jurisprudence étant divisées sur le fondement de l’indemnisation12, nous nous rallions à l’opinion de Monsieur Beguin qui préconise que l’acte d’usufruit fixe l’indemnité ou le mode de calcul relatif à l’indemnisation des travaux réalisés par l’usufruitier13. Conclusion Le dirigeant d’entreprise, en sa qualité de nu-propriétaire, doit impérativement résister à la tentation de faire supporter à la société, sans indemnisation, certains coûts qui légalement lui incombent. En effet, s’il succombe à celle-ci, les conséquences négatives sur le plan fiscal pourraient venir réduire à néant les économies escomptées de l’opération de démembrement. Les constructions impliquant une scission du droit de propriété font l’objet des sept priorités actuelles du fisc en matière de redressement fiscal. La prudence s’impose dès lors. Selon nous, la décision de ruling rendue le 18 janvier 2014 par le S.D.A. résume parfaitement l’attitude à adopter par les parties pour conclure à l’absence d’avantages de toute nature dans le chef du nu-propriétaire à l’échéance du droit d’usufruit14. Il convient ainsi que les parties soient notamment attentives à ce que : – seuls les travaux incombant légalement à l’usufruitier soient pris en charge par la société ; –les travaux représentent un intérêt économique dans le chef de la société usufruitière ; – l’opération soit envisageable entre des parties totalement indépendantes15. Enfin, les parties veilleront à ce que les travaux entrepris dans les cinq dernières années du droit d’usufruit, et qui incombent légalement à l’usufruitier, soient répartis proportionnellement entre la société usufruitière et le nu-propriétaire. Cette répartition tiendra compte de la valeur respective des deux droits en présence par rapport à la valeur de la pleine propriété du bien au moment où les travaux seront réalisés16. Gil MEURISSE Avocat au Barreau de Mons 7 Cass., 27 janvier 1887, Pas., 1887, I, p. 56. Voy. en ce sens Mons, 21 novembre 2012, R.G. n° 2011/1052, www.fiscalnet.be. 8 Pour une application de ce calcul voyez Mons, 21 novembre 2012, R.G. n° 2011/1052, www.fiscalnet.be. 9 A. Gosselin et L. Herve, « Du sort des constructions et aménagements immobiliers réalisés par l’occupant », Rev. Not., 2004, pp. 618-619. 10 L. Herve, « Superficie, emphytéose, usufruit et travaux : aspects civils et contributions directes », R.G.F., 2008, pp. 19-20. 11 Voy. supra note infrapaginale 6. 12 Voy. à ce propos E. Sanzot, Les droits réels démembrés : aspects civils, fiscaux, comptables et financiers, Bruxelles, Larcier, 2008, pp. 52 et 53 ; E. Beguin, « La construction usufruit (les ventes usufruit/nue-propriété) : quelques questions, tentatives de réponse », Rec. gén. enr. not. 4, n°25.907, p.129 ; A. Vanderstraeten et G. Van Elder, « Habiter au frais de sa société, une opération risquée ? », R.G.F., 2003, p.22. 13 E. Beguin, « La construction usufruit (les ventes usufruit/nue-propriété) : quelques questions, tentatives de réponse », Rec. gén. enr. not. 4, n°25.907, p.129. L’auteur évoque différentes pistes pour déterminer les modalités 3 selon lesquelles l’indemnité sera calculée : le recours à des experts, la fixation d’une méthode de calcul, le recours à certaines législations spécifiques organisant un système d’indemnisation (règles particulières aux baux à ferme ou aux baux commerciaux, etc.). 14 Décision anticipée n° 2014.006 du 28 janvier 2014, www.fisconet. be. Voy. également en ce sens la Décision anticipée n°9000.432 du 27 avril 2010, www.fisconet.be. 15 Ibid. 16 Ibid. P a c i ol i N ° 396 I P C F - B I B F / 5-18 janvier 2015 Taxation étalée des plus-values : aperçu Lorsqu’une entreprise réalise certaines plus-values non exonérées sur ses immobilisations corporelles et incorporelles, ces plus-values sont en principe taxables pour la période imposable au cours de laquelle elles ont été réalisées. Dès lors, si une société vend une machine alors que celle-ci était déjà entièrement amortie, elle réalise une plus-value qui fera partie du résultat. Le législateur a toutefois permis que les plus-values réalisées ne soient pas imposées en une seule fois, mais de manière étalée. Cette possibilité existe cependant à la condition que le montant obtenu lors de la réalisation soit réinvesti. Attention : la totalité du montant doit être réinvestie, pas uniquement la plus-value. Dans la présente contribution, nous rappellerons tout d’abord les principes généraux et ensuite, nous évoquerons à chaque fois un certain nombre de cas particuliers en nous basant sur la jurisprudence récente et les décisions administratives. Quelles plus-values ? La possibilité d’étaler la taxation de la plus-value existe, d’une part, pour les plus-values forcées réalisées sur des immobilisations corporelles et incorporelles, c.-à-d. les plus-values qui résultent p.ex. d’un sinistre ou d’une expropriation. En pareil cas, le contribuable n’a en effet pas aliéné son actif de plein gré, moyennant un prix convenu. sens, la Cour de cassation a dès lors jugé qu’une plusvalue réalisée sur un portefeuille de clients constitué par le contribuable lui-même ne peut pas bénéficier de la taxation étalée (Cass. 25 octobre 2013). Délai Pour les plus-values forcées, le remploi doit avoir lieu au plus tard dans les trois ans à compter de la fin de la période imposable au cours de laquelle l’indemnisation a été perçue. En principe, la plus-value ne naît donc qu’à la réception de la somme d’argent. Si une indemnisation est perçue le 24 juin 2014, le remploi doit donc avoir lieu au plus tard le 31 décembre 2017. En ce qui concerne les plus-values réalisées volontairement, le remploi doit avoir lieu dans les trois ans à compter du premier jour de la période imposable au cours de laquelle les plus-values ont été réalisées. Si l’exercice comptable d’une entreprise se clôture le 31 décembre et que celle-ci réalise une plus-value volontaire le 24 juin 2014, le prix de vente doit donc être réinvesti au plus tard le 31 décembre 2016. Cette option existe, d’autre part, pour les plus-values réalisées volontairement sur des immobilisations incorporelles pour lesquelles des amortissements ont été admis fiscalement, ou sur des immobilisations corporelles. Les biens aliénés doivent toutefois avoir la nature d’immobilisation depuis plus de cinq ans avant l’aliénation. Le délai de remploi est porté à cinq ans si le prix de vente est réinvesti dans un bien immobilier bâti, un bâteau ou un avion. En outre, de tels investissements réalisés au cours de l’avant-dernière période imposable qui précède la réalisation de la plus-value entrent également en ligne de compte. Donc, si le contribuable réalise p.ex. une plus-value volontaire le 24 juin 2014, le délai de remploi court du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2018. Le contribuable peut également désigner un bien immobilier bâti qui se trouvait déjà dans la société. Dans notre exemple, il doit s’agir d’un investissement réalisé à partir du 1er janvier 2012 et la désignation de ce bien immobilier doit avoir lieu d’ici le 31 décembre 2016. Plus-value sur goodwill Remploi dans un bien immobilier Lorsqu’un goodwill est acquis de tiers (p.ex. l’acquisition d’un portefeuille de clients), cet actif est amortissable. En revanche, un portefeuille de clients constitué par le contribuable lui-même n’est pas amortissable, car il ne peut pas être porté à l’actif des comptes de bilan de l’entreprise (en effet, il ne s’agissait pas d’une immobilisation incorporelle avant la cession). Dans ce En pleine propriété ? 4 Lorsqu’une décision de taxation étalée est prise, la totalité du prix de réalisation doit être réinvestie dans des actifs amortissables. Dans ce sens, il est donc impossible de réinvestir dans un bâtiment dont seule la nue-propriété est acquise. P a c i ol i N ° 396 I P C F - B I B F / 5-18 janvier 2015 Dans une décision du 4 juin 2013, la commission de ruling a accepté que le bâtiment dont une société disposait par le biais d’un leasing financier – de sorte que ce bâtiment avait été comptabilisé comme immobilisation corporelle – entre en ligne de compte comme remploi donnant droit au délai de remploi prolongé de cinq ans. Cette thèse n’était toutefois pas conforme à une vision (ancienne) du Ministre des Finances qui avait déclaré en 2001 que seuls les immeubles bâtis acquis en propriété donnaient droit au délai de remploi prolongé. Dans une décision du 21 mai 2013, le Service des Décisions Anticipées a jugé que l’acquisition d’un droit d’emphytéose suffit également comme actif de remploi donnant droit à un délai de remploi prolongé. Il n’est d’ailleurs pas nécessaire de réinvestir dans des immeubles situés en Belgique. Les immeubles situés dans d’autres pays de l’EEE (Espace économique européen) entrent également en ligne de compte. Travaux de transformation et d’amélioration Dans sa décision anticipée du 11 juin 2013, la commission de ruling a déclaré que les investissements effectués dans le cadre de travaux de transformation et d’amélioration entrent également en ligne de compte comme remploi dans un immeuble bâti. Concrètement, il s’agissait de travaux importants, à caractère durable, servant à améliorer la structure, l’aspect extérieur, l’hygiène et le confort en général, ou à modifier la destination de l’immeuble. Il n’est par ailleurs pas nécessaire que les travaux entraînent une modification du RC. Le principal aspect à prendre en considération, selon la commission de ruling, est l’incorporation obligatoire des travaux au bâtiment. Formellement, cela se traduit par une inscription de ces investissements dans les mêmes comptes du grand livre que les bâtiments et un amortissement sur une durée identique à la durée de vie résiduelle du bâtiment. Acquérir des actifs au moyen d’une fusion L’article 47 du CIR 92 précise uniquement qu’il faut réinvestir pour que la plus-value réalisée puisse être taxée de manière étalée. Dans le passé s’est dès lors posée la question de savoir si un élément d’actif amortissable acquis à l’occasion d’une fusion pouvait également être considéré comme un remploi valable. Le fisc déclare en effet dans son commentaire (Com. 5 IR 1992, n° 211/59) que ce n’est pas possible, sauf éventuellement pendant la période de rétroactivité telle qu’elle a été définie dans la proposition de fusion. En 2011, un tel cas a été soumis à l’appréciation du tribunal de première instance de Gand. Concrètement, une entreprise avait réalisé une plus-value sur un immeuble et opté pour une taxation étalée de cette plusvalue. Pendant le délai de remploi de cinq ans, une fusion par absorption exonérée avait été réalisée. La société absorbée avait toutefois investi dans un ancien immeuble. Le contribuable estimait que cet immeuble constituait un remploi valable. Le juge a jugé, d’une part, que l’article 47 du CIR 92 ne détermine pas de quelle manière un remploi doit être effectué, mais uniquement dans quels actifs. D’autre part, le principe de neutralité de la fusion exonérée doit également être respecté. Compte tenu de ces deux éléments, une fusion exonérée ne pouvait donc pas faire obstacle à un remploi valable. L’administration n’a pas été d’accord avec ce jugement et a interjeté appel, mais en 2013, la Cour d’appel de Gand a confirmé le jugement du juge de première instance. Reste toutefois à savoir si l’administration modifiera sa position et suivra cette jurisprudence à l’avenir. Avantages d’une taxation étalée L’avantage du remploi réside dans la taxation étalée de la plus-value réalisée. Du point de vue fiscal, la plusvalue constitue en effet une réserve exonérée d’impôt qui est ensuite, année après année, taxée à partir de la période imposable au cours de laquelle le remploi a lieu, et ce, proportionnellement aux amortissements admis fiscalement sur les investissements effectués en remploi. On pourrait donc se demander quel est, tout compte fait, l’avantage d’une telle taxation étalée. En fin de compte, la plus-value est tout de même taxée à l’impôt des sociétés. Un premier avantage réside dans le fait que la taxation de la plus-value ne doit pas être payée en une seule fois. Une importante plus-value peut en effet générer un coût financier considérable pour la société. Grâce à l’échelonnement de la taxation, cette charge financière est étalée dans le temps. De plus, la société dispose plus longtemps de ces moyens financiers, ce qui lui permet de réaliser un rendement interne sur une plus longue période. Accessoirement, il y a également lieu de tenir compte de l’inflation. Si quelqu’un (le fisc en l’occurrence) reP a c i ol i N ° 396 I P C F - B I B F / 5-18 janvier 2015 çoit un montant de 5 000 EUR dans 15 ans, il pourra alors acheter moins avec cette somme que s’il la recevait aujourd’hui. Une même somme d’argent a en effet plus de valeur aujourd’hui que dans le futur. En inversant le raisonnement, vous avez plus intérêt à avoir un bonus de 5 000 EUR en caisse aujourd’hui que dans 15 ans. Plus la taxe pourra donc être payée tard, mieux cela vaudra. Une société qui a droit au taux réduit progressif à l’impôt des sociétés peut éventuellement, grâce à la taxation étalée, faire imposer la plus-value dans une tranche inférieure (p.ex. à 24,98 % ou 31,93 %). En effet, si la plus-value est intégrée en une seule fois dans la base imposable, le bénéfice de la société sera plus vite taxé à un taux plus élevé (35,54 %). Réserves exonérées et impôts différés Lorsque, compte tenu des avantages précités, une entreprise opte pour une taxation étalée de la plus-value réalisée, cette dernière est comptabilisée pour 66,01 % dans les réserves exonérées et pour le solde (33,99 %) dans les impôts différés. Par contre, si la société enregistre une perte, il y a lieu d’exprimer la charge fiscale effective. Cette perte annulera en effet la charge fiscale de 33,99 %. suffira pas et une taxation partiellement étalée de la plus-value ne sera pas non plus possible. À l’issue du délai de remploi, la totalité de la plus-value deviendra taxable. De plus, des intérêts de retard (7 %) sont dus. En effet, le fisc ne perçoit l’impôt dû que trois ou cinq ans plus tard que prévu initialement. Cet intérêt de retard est dû à compter du 1er janvier de l’année d’imposition pour laquelle l’immunité a été accordée. Récemment (le 29 janvier 2014), deux questions parlementaires ont été posées à ce sujet au Ministre des Finances. Une première question concernait le cas où, pendant l’exercice au cours duquel la plus-value devient taxable (à la suite de l’expiration du délai de remploi), il n’existe aucune base imposable. Dans ce cas, des intérêts de retard sont-ils également dus ? Le Ministre a confirmé que lorsque la base taxable est égale à zéro pour une période imposable déterminée, il n’existe pas non plus de base pour calculer des intérêts de retard. Si cette condition d’intangibilité n’est plus remplie, cette réserve est taxable immédiatement, c’est-à-dire pendant la période imposable au cours de laquelle cette condition n’est plus respectée. Une deuxième question concernait le cas où une société rend spontanément la plus-value taxable avant l’expiration du délai de remploi, p.ex. pour ne rien perdre en termes de déduction reportée des intérêts notionnels. Des intérêts de retard sont-ils dus dans ce cas ? Le Ministre s’en est tenu à une lecture stricte de la loi. L’article 416, al. 1er, du CIR 92 (l’article relatif à la débition d’intérêts de retard) fait explicitement référence « aux plus-values imposables en vertu de l’article 47, § 6 ». Il s’agit concrètement des plus-values devenues imposables à la suite de l’expiration du délai de remploi. Si donc la plus-value est spontanément rendue taxable pendant le délai de remploi, aucun intérêt de retard n’est dû. Quid en cas d’absence de remploi ? Conclusion Si aucun réinvestissement n’a été effectué à l’issue du délai de remploi, la réserve exonérée comptabilisée redevient, en une fois, un bénéfice taxable pour la période imposable au cours de laquelle le délai est venu à expiration. La taxation étalée des plus-values offre de nombreux avantages et possibilités au contribuable. La jurisprudence et les décisions récentes de la commission de ruling montrent également qu’il s’agit d’une matière fiscale qui est encore en pleine évolution. Les sociétés doivent cependant toujours veiller à ce que toutes les conditions soient scrupuleusement respectées en la matière, et ce, pour éviter une brusque majoration (indésirable) du résultat imposable. La réserve exonérée n’est pas taxée tant que la condition d’intangibilité est remplie. Autrement dit, tant que cette part continue de faire partie du patrimoine de la société. De même, lorsque la société ne parvient pas à réinvestir la totalité du prix de vente pendant le délai de remploi, on considère qu’il y a absence de remploi. Donc, si une vente est réalisée à concurrence de 10.000,00 EUR et que la plus-value représente également 10.000,00 EUR, la totalité de cette somme doit être réinvestie. Un remploi de 8.000,00 EUR ne 6 Dries TORREELE Senior Consultant Tax&Legal Vandelanotte P a c i ol i N ° 396 I P C F - B I B F / 5-18 janvier 2015 La CNC se prononce sur la rectification des comptes annuels Dans son quatrième avis de l’année 2014, la Commission des normes comptables s’est intéressée au traitement comptable des rectifications de comptes annuels déjà approuvés. La CNC a été saisie de la question de savoir dans quels cas les entreprises peuvent rectifier des comptes annuels approuvés par l’assemblée générale et quel est le traitement comptable à réserver à ces rectifications. Les comptes annuels approuvés ont force obligatoire… Une fois que les comptes annuels sont approuvés, ils ne peuvent, en principe, plus être modifiés par après. Les comptes annuels engagent les administrateurs ou gérants, ainsi que les associés ou actionnaires, et naturellement la société elle-même. Par le respect de leurs obligations en matière d’établissement et de publication des comptes annuels, les organes de la société ont épuisé leurs compétences en la matière et les comptes annuels acquièrent un caractère définitif. … mais il y a des exceptions Des exceptions à ce principe sont toutefois possibles. Il est avant tout possible, lors de l’établissement des nouveaux comptes annuels, de redresser certains chiffres de l’exercice précédent en vue de leur comparabilité (voyez art. 83, alinéa 2 AR/C. soc.). Lorsque les chiffres de l’exercice en cours de clôture ne sont pas comparables à ceux de l’exercice précédent, ils peuvent donc être redressés. Ce redressement ne nécessite pas d’écritures additionnelles, mais doit être signalé et dûment commenté dans l’annexe, sauf s’il s’agit de redressements minimes. En outre, les comptes annuels précédemment approuvés peuvent ou doivent, dans certains cas, être rectifiés rétrospectivement dans le cas où des « erreurs » se sont produites. Les erreurs intervenues lors de l’enregistrement de la vie économique de l’entreprise portent en effet atteinte à l’image fidèle des comptes annuels et doivent pouvoir être rectifiées, de manière à donner une image fidèle et complète de la réalité. Erreurs Dans le cas où des « erreurs » se sont produites, les comptes annuels précédemment approuvés peuvent donc être rectifiés rétrospectivement. Qu’entend-on en l’occurrence par « erreurs » ? 7 Par « erreurs », on vise en premier lieu les erreurs matérielles. La CNC cite pour exemples, l’erreur de plume, l’évaluation de stock fondée par distraction sur les prix de vente au lieu des prix d’achat, la comptabilisation par inadvertance d’un certain produit sur un compte incorrect, les erreurs de calcul ou autres erreurs de fait grossières non fondées sur une quelconque appréciation juridique. Selon la Commission, les « erreurs » peuvent également être des erreurs de droit ou des erreurs de fait, ou même une erreur (non par inadvertance) dans l’évaluation d’un poste des comptes annuels. Ces erreurs contiennent un élément d’appréciation. Enfin, l’existence d’une erreur peut également être supposée en cas d’infractions au droit comptable. Les décisions de gestion ne sont pas rectifiables Les décisions proprement dites, exprimées dans les comptes annuels, ne peuvent pas être rectifiées. Le droit comptable prévoit certaines dispositions, telles que les règles d’évaluation, qui, dans leur application, laissent à l’entreprise une certaine liberté de gestion. Les règles de droit comptable laissent donc à l’entreprise une marge d’appréciation. Selon la jurisprudence, les décisions exprimées dans les comptes annuels sont toujours définitives et irrévocables, même si, rétrospectivement, il s’avère qu’elles ont été prises peu judicieusement et à la légère. En effet, par la prise d’une décision, la société a créé une réalité juridique pour elle-même, sur laquelle elle ne peut plus revenir, ce qui fait que les comptes annuels approuvés sont irrévocables. Dans la pratique : rectification par l’assemblée générale … Si les administrateurs de la société constatent une violation du droit comptable qui s’est produite par erreur et qui n’a d’impact que sur les derniers comptes annuels déposés, ils sont tenus, en principe, sans attendre la date de la prochaine assemblée générale statutaire, de convoquer une assemblée générale spéciale afin d’apporter les modifications nécessaires pour que les comptes annuels soient conformes à la loi. Dans ce cas, une rectification des comptes annuels s’impose. Une modification réP a c i ol i N ° 396 I P C F - B I B F / 5-18 janvier 2015 troactive des comptes annuels originels, par laquelle les comptes annuels originels sont redressés de sorte qu’ils soient conformes à la loi, n’est, quant à leur forme, possible que si l’organe de gestion présente en projet une nouvelle version adaptée des comptes annuels à l’assemblée générale qui l’approuvera. En l’occurrence, la rectification via le résultat de l’exercice au cours duquel la violation a été constatée, ne suffirait pas selon la CNC. Ce qui précède, exprime l’avis de la Commission lorsque les comptes annuels à rectifier n’ont pas encore constitué la situation d’ouverture des comptes annuels suivants, à savoir lorsque l’erreur est constatée dans la période comprise entre le dépôt des comptes annuels concernés et le dépôt des comptes annuels relatifs à l’exercice suivant. Si, toutefois, il s’avérait nécessaire de rectifier des comptes annuels antérieurs aux derniers comptes annuels déposés, cette rectification ne pourra se faire que par le redressement de la situation d’ouverture des derniers comptes annuels déposés. Dans les deux cas, les derniers comptes annuels déposés doivent donc être rectifiés. Concrètement, la rectification devra, selon la Commission, s’effectuer de la façon suivante : – redressement éventuel des chiffres correspondants (dans le cas où l’infraction au droit comptable est survenue au cours de la période précédant le dernier exercice clôturé) ; – écritures de correction dans le dernier exercice clôturé (modification du bilan d’ouverture – dans le cas où l’erreur s’est produite avant le dernier exercice clôturé – et autres écritures de correction, dans le dernier exercice clôturé) ; – mention dans l’annexe : dans l’annexe des comptes annuels rectifiés, la nature et la méthode de rectification de l’erreur doivent être mentionnées. Dans le cas où l’erreur s’est produite au cours d’une des années précédentes, l’annexe des comptes annuels redressés doit mentionner l’information nécessaire sur la survenance et la nature de l’erreur et son effet sur les comptes annuels en question. La société peut toutefois, si elle juge que cette solution présente une utilité et qu’elle est praticable, procéder à la rectification (rétablir et approuver à nouveau) de tous les comptes annuels publiés par le passé qui sont entachés de l’erreur. Il y a lieu de préciser dans l’annexe, la nature et, le cas échéant, l’importance et le mode de redressement de la faute ou de l’erreur. La révision d’une série de comptes annuels antérieurs est, selon la Commission, la méthode par excellence pour signaler aux intéressés la gravité de l’infraction et son impact sur les comptes annuels. Les comptes annuels sont à nouveau comparables après la rectification. Les comptes annuels redressés doivent également être déposés auprès de la Banque Nationale de Belgique. … mais il y a des exceptions Bien qu’il appartienne, en principe, à l’assemblée générale d’approuver les comptes annuels redressés, l’organe de gestion prend, dans certains cas, pour des raisons pratiques, la responsabilité de procéder d’autorité à la rectification d’erreurs, sans convoquer une assemblée générale. C’est le cas lorsqu’il s’agit de la rectification d’une erreur matérielle qui apparaît à l’évidence : –des comptes annuels approuvés eux-mêmes (par exemple, une faute dans l’adresse de l’administrateur, l’oubli de mentionner dans l’annexe l’obtention par la société d’une dérogation relative à la monnaie fonctionnelle, les erreurs d’arrondi, …) ; – d’autres actes émanant de l’assemblée générale (par exemple, lorsque l’affectation du résultat initialement proposée est reprise dans les comptes annuels déposés, alors qu’elle a été modifiée lors de l’assemblée générale et qu’elle ne correspond donc pas à l’affectation définitivement approuvée). Dans ces cas, l’erreur ne doit pas être rectifiée par l’assemblée générale, puisque celle-ci a approuvé les comptes annuels corrects. Fraude La CNC précise également qu’elle ne se prononce pas, dans cet avis, sur les implications comptables résultant de la fraude et que cet avis ne concerne que les rectifications d’erreurs. Prof. dr. STIJN GOEMINNE Université de Gand, Faculté Economie & Gestion d’entreprises Aucun extrait de cette publication ne peut être reproduit, introduit dans un système de récupération ou transféré électroniquement, mécaniquement, au moyen de photocopies ou sous toute autre forme, sans autorisation préalable écrite de l’éditeur. La rédaction veille à la fiabilité des informations publiées, lesquelles ne pourraient toutefois engager sa responsabilité. Editeur responsable : Jean-Marie CONTER, IPCF – av. Legrand 45, 1050 Bruxelles, Tél. 02/626.03.80, Fax. 02/626.03.90 e-mail : [email protected], URL : http://www.ipcf.be Rédaction : Jean-Marie CONTER, Gaëtan HANOT, Geert LENAERTS, Xavier SCHRAEPEN, Chantal DEMOOR. Comité scientifique : Professeur P. MICHEL, Professeur Emérite de Finance, Université de Liège, Professeur C. LEFEBVRE, Katholieke Universiteit Leuven. Réalisée en collaboration avec Wolters Kluwer – www.wolterskluwer.be 8 P a c i ol i N ° 396 I P C F - B I B F / 5-18 janvier 2015