Cours de Successions - Université de Toliara

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Cours de Successions - Université de Toliara
COURS DE MADAME LE PROFESSEUR YVONNE FLOUR
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Annales corrigées des examens de REGIMES MATRIMONIAUX : 1996 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004
Plan du Cours de SUCCESSIONS
Annales corrigés du cours de SUCCESSIONS – ORAL ECRIT (Matière non choisie en TD)
EXAMEN DE SUCCESSION DU 7 JUIN 2001
EXAMEN DE SUCCESSION DU 4 JUIN 2002
EXAMEN DE SUCCESSION DU 16 JUIN 2003
EXAMEN DE SUCCESSION DU 27 MAI 2004
EXAMEN DE SUCCESSION DU 26 MAI 2005
EXAMEN DE SUCCESSION DU 1ER JUIN 2006
DOCUMENTS DE TD (FICHE 1)
COURS DE MADAME FLORENCE LASSERRE-JEANNIN
TD 2006-2007
Bibliographie
Fiche 1
Fiche 2
Fiche 3 Documents supplémentaires Modèle 1 Modèle 2
Fiche 4
Fiche 5
Fiche 6 Lemonde 1 Le monde 2
Fiche 7
Fiche 8
Fiche 9
Fiche 10 H1 H2 H3 H4 H5 H6 H7 H8 AP1 AP2 AP3 AP4 AP5
ANNALES
Documents téléchargeables, sous réserve du droit des auteurs.
UNIVERSITE DE PARIS I
Maîtrise de Carrières Judiciaires
Droit civil: Les régimes matrimoniaux
Madame le Professeur Yvonne Flour
Partiel du 7 FEVRIER 1996
Après une période de concubinage, Monsieur Numa Roumestan, né en 1945, et Madame Victorine Nègre, née en 1950, se sont
finalement mariés à la mairie de Maillane le 18 juin 1979. préalablement à leur union, ils ont passé un contrat de mariage portant
adoption du régime de la communauté légale, avec convention de partage inégal des biens de communauté au profit de l'époux
survivant.
Ils avaient antérieurement acquis le 4 décembre 1978, dans l'indivision par moitié, un appartement à Saint Rémy de Provence
moyennant le prix de 250.000 F, financé à hauteur de 150.000 F au moyen de deniers provenant d'un emprunt contracté
conjointement auprès du crédit Agricole du Vaucluse, stipulé remboursable dans un délai de 10 ans, moyennant le versement de
mensualités constantes de 1.800 F. Pendant le mariage, les Epoux ont remboursé en capital une somme de 90.000 F et en intérêts
une somme de 81.000 F. Cet immeuble a constitué le logement des époux pendant toute la durée du mariage. Il vaut
actuellement 500.000 F.
Numa Roumestan a créé le 15 juillet 1979 un cabinet d'architecte.
Numa Roumestan a acquis en 1982, à titre de licitation faisant cesser l'indivision existant avec son frère Frédéric et sa sœur
Honorine, les droits indivis de ces derniers soit deux tiers, dans une villa située à Carpentras, dépendant de la succession de son
père dont il était cohéritier avec Frédéric et Honorine. Cette acquisition a eu lieu moyennant le prix, pour les droits et parts
cédés, de 200.000 F sur la base d'une valeur totale de l'immeuble de 300.000 F, les frais s'étant élevés à 20.000 F. Cet immeuble
vaut actuellement 600.000 F.
Au cours du mariage, il a été procédé dans l'immeuble aux travaux suivants :
a) la toiture a été entièrement refaite en 1990. Les travaux, effectués par l'entreprise Panisse, ont été facturés au prix de 200.000
F T.T.C. et payés avec des deniers communs. Sans cette réfection, l'immeuble ne vaudrait aujourd'hui que 500.000 F;
b) une piscine a été creusée au fond du jardin, moyennant le prix de 100.000 F T.T.C. réglé à une entreprise locale en juin 1992
et également payé avec des deniers communs. Sans cette piscine, la valeur vénale de l'immeuble ne serait aujourd’hui que
550.000 F.
Numa Roumestan était propriétaire, lors de son mariage, d’une maison à usage de commerce et d'habitation sise à Rouen qu’il a
vendue en 1988 moyennant le prix de 600.000 F. Le montant de ce prix, qui a été inscrit au crédit d'un compte courant bancaire
ouvert au seul nom de M. Roumestan, a été utilisée pour des dépenses somptuaires du couple (achat d’un coupé Audi, réveillon
en Tunisie, safari au Kenya....).
Numa Roumestan a été condamné en février 1987 par le Tribunal de Grande Instance de Tarascon au versement d’une somme de
100.000 F, à titre de dommages et intérêts à la victime d'un accident corporel dont il fut l’auteur, cette somme fut payée par des
deniers communs.
En outre, Madame Roumestan a reçu en 1986 en legs de son oncle Monsieur Romain LECAVALIER un moulin sis à
Fontvieille. Elle décide de le vendre, et avec les fonds (400.000 F) achète un appartement situé dans un immeuble en copropriété
à Avignon. Le prix d'acquisition de cet appartement s'étant élevé à 500.000 F, le surplus du prix et les frais s'élevant à 100.000 F
ont été acquittés au moyen de deniers communs. Aux termes de l'acte d'acquisition, il a été procédé à la déclaration de remploi
des deniers propres.
Actuellement, ce logis vaut 600.000 F et une partie importante de la plus value (100.000 F) provient du travail de rénovation
(changement de l'installation électrique, remplacement des châssis de fenêtres...) que Madame Roumestan a effectué à l'aide d'un
jeune ami bricoleur, Charles Perrault.
Madame Roumestan, qui exerçait l’activité salariée de secrétaire dans une entreprise de transport, a été licenciée en 1986 pour
cause de restructuration de l'entreprise. Son employeur a été définitivement condamné en 1989 à lui payer, toutes indemnités
confondues, la somme de 120.000 F.
Enfin, Madame Roumestan, qui vient d'acheter un billet de Millionnaire, a gagné une somme de 100.000 F, qu’elle n'a pas
encore touchée.
Les époux Roumestan sont en outre propriétaires des biens suivants :
- un compte bancaire ouvert au Crédit Lyonnais au nom de Madame Roumestan présentant un solde créditeur de 50.000 F ;
- un livret de Caisse d'épargne au nom de Madame Roumestan présentant un solde créditeur de 100.000 F ;
- le cabinet d'architecture vaut aujourd’hui 600.000 F ;
- les époux Roumestan avaient en 1989 souscrit chacun un contrat d'assurance-vie mixte comportant le versement d’une prime
unique de 100.000 F pour une durée de six ans et mentionnant comme bénéficiaire en cas de vie à l'échéance le souscripteur, et
en cas de décès avant l'échéance le conjoint, ou, à défaut, les enfants nés ou à naître. La valeur de chacun de ces contrats est
aujourd'hui de 40.000 F.
Les époux Roumestan sont tenus des dettes suivantes :
- la Caisse d'assurance vieillesse réclame à Numa Roumestan un arriéré de cotisations obligatoires d'un montant de 60.000 F,
assorti d’une majoration de retard de 10% ;
- Madame Roumestan s’est portée caution, avec le consentement de son mari, en 1990 des sommes éventuelles dues par Charles
Perrault, au titre des échéances de loyers dues en vertu d'un contrat de crédit-bail mobilier souscrit auprès d'un établissement
financier pour permettre le financement de l'acquisition d’une Porsche 911. Ledit établissement financier l'invite à régler les
échéances impayées des six derniers mois, soit 18.000 F, et l'informe que l’ensemble des loyers à Echoir s'élève à 108.000 F.
Madame Roumestan vient vous consulter. Elle souhaite divorcer de son mari pour refaire sa vie avec Charles Perrault.
Toutefois, celui-ci, né en 1972, lui demande, avant de s'engager pour la vie de son côté, des comptes, et en particulier l'état
liquidatif de la communauté. Dressez ce document, et vous ferez une proposition d'attributions.
Document autorisé : Code civil (éditions DALLOZ ou LITEC)
Une calculette est admise pour opérer les calculs.
ELEMENTS DE CORRECTION
Observations liminaires
1. Liquidation normale du régime de communauté légale, en application des lois du 13 juillet 1965 et 23 décembre 1985. Aucune
influence de la clause de partage inégal : il s’agit d’un divorce. (0,5 points)
2. L’appartement de Saint Rémy (2,5 points)
- Bien qui est resté propre à chacun des époux (1405 du Code civil)
- Il s’agit du paiement d’une dette personnelle, les époux doivent récompense (1402,1437 CC)
- L’article 1469 al 3 ne distingue pas selon que le bien a été acquis avant ou pendant le mariage (Civ. 1ère 5 novembre 1985)
- Les revenus de biens propres étant affectés à la communauté, celle-ci doit supporter les dettes qui sont la charge de la
jouissance de ces biens, i.e. les intérêts du prêt (Civ 1ère 31 mars 1992)
- Calcul de la récompense : 90.000 / 250.000 x 500.000 = 180.000 F,
soit pour chacun des époux ½ 180.000 F= 90.000 F.
3. Le cabinet d’architecte (0,5 point)
- actif de communauté puisque créé après le mariage (Civ. 1ère 12 janvier 1994)
4. La villa de Carpentras (2,5 points)
- bien propre pour Monsieur Roumestan (1408, Civ. 1ère 13 octobre 1993)
- récompense due à la communauté (1402, 1437)
- calcul de la récompense:
Valeur de l’immeuble dans son état d’origine: 600.000 - 100.000 (toiture) -50.000 (piscine)= 450.000 F
Récompense: 220.000 F/320.000 x 450.000 = 309.375 F
- Récompense due pour la toiture: 200.000 F (dépense faite)
- Récompense due pour la piscine: 50.000 F (profit subsistant)
d’où un total de récompenses due par Numa Roumestan: 559.375 F
5. Maison de Rouen (1 point)
Le prix est tombé en communauté (il ne se retrouve pas au jour de la liquidation).
Récompense due par la communauté: 600.000 F
6. Réparation du dommage corporel (1 point)
- Dette personnelle (1417);
- Récompense due à la communauté: 100.000 F
7. Appartement d’Avignon (2,5 points)
- formalité du remploi: bien propre (1434 à 1436)
- récompense due à la communauté (1437), PS car acquisition d’un bien;
- calcul: Valeur de l’appartement en l’état 600.000 - 100.000 = 500.000 F
Récompense
communauté : 100.000
total : 400.000 + 100.000
100.000/500.000 x 500.000= 100.000 F
- travaux effectués sur l’appartement d’Avignon: pas de récompense s’agissant du résultat du travail personnel accompli par
l’épouse propriétaire (Civ 1ère 30 juin 1992)
NB: Certains étudiants ont pu considérer que le prix d’achat de l’appartement était de 400.000 F, d’où une récompense de
125.000 F.
8. Indemnité de licenciement (1 point)
- bien commun: réparation d’un préjudice professionnel lié à la perte de l’emploi et donc substitut du salaire.
9. Billet de loto (0,5 point)
- bien commun, car acquêt (1401).
10. Comptes bancaires (0,5 point)
- biens communs (1402: présomption de communauté)
11. Contrat d’assurance-vie (1 point)
Valeur figurant à l’actif de communauté (80.000 F), car moyen de placement (Civ. 1ère 31 mars 1992).
12. Arriéré de cotisations sociales (0,5 point)
- dettes communes, car ce sont des dettes ménagères.
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UNIVERSITE DE PARIS I
Maîtrise de Carrières Judiciaires
Droit civil : Les régimes matrimoniaux
Madame le Professeur Yvonne Flour
Partiel du 3 FEVRIER 1998
Monsieur Philippe TWO, chanteur né le 13 avril 1971, épouse sans contrat le 3 janvier 1997,
Madame Franckie BEFREE, médecin psychiatre, née le 25 janvier 1943, après une période de
concubinage de six mois.
Au jour du mariage, Philippe n’apporte que ses muscles imposants et son très joli sourire. De son
côté, Franckie est médecin depuis 1973 sur les pentes du Mont Ventoux. Pour mieux installer son
cabinet, elle a fait l’acquisition, le 2 janvier 1985, d’une maison bourgeoise à Carpentras pour un
montant de 800.000 F. Cet achat fut financé pour moitié par de l’argent liquide et pour l’autre moitié
par un prêt souscrit sur 15 ans auprès de la banque Bonasse. Au jour du mariage, il restait à acquitter
2.000 F d’intérêts et 50.000 F en capital.
Le lendemain du mariage, suite à un repas de noces trop arrosé, le père de Franckie décède,
laissant à sa fille unique une villa à Juan Les Pins. Hélas, l’endroit est bruyant (la proximité des casinos
et boîtes de nuit empêche les amoureux d’échanger de doux propos) et la route vers la mer est souvent
encombrée. Les époux décident d’effectuer des travaux : construction d’une piscine (coût : 150.000 F),
d’une insonorisation totale des lieux (coût : 300.000 F) et redécoration de l’intérieur par le célèbre
styliste Peter André (coût : 300.000 F). Pour régler les factures, les premiers cachets et droits
intellectuels de Philippe sont utilisés.
Le succès de Philippe grandit, aussi les époux décident de souscrire à une augmentation de capital
lancée par la société de métaux Alliage. Chaque ancien actionnaire se voit proposer deux actions
nouvelles pour une ancienne, pour un nominal de 200 F, avec une prime de 100 F. Le droit de
souscription a atteint la somme de 300 F. Philippe avait hérité de sa grand-mère, Jay Squad, 400
actions d’Alliage. Il avait également reçu par donation de l’une de ses admiratrices, le 6 mars 1997,
pour son anniversaire, un studio sis à Paris, 2 rue du Bois Zone, qu’il avait aussitôt revendu (800.000 F)
pour faire l’acquisition 2 jours après, d’un trois pièces dans l’Ile saint Louis, rue de l’Est 17 (coût :
1.700.000 F, dont 100.000 F de frais). Les formalités de remploi et de déclaration d’origine des fonds
ont été effectuées.
Philippe, qui aime beaucoup les cadeaux, avait encore reçu de Franckie, à titre de cadeau de Noël,
le 25 décembre 1996, une jaguar coupé XJ7 (valeur : 150.000 F), et, le 6 janvier 1997, à titre de cadeau
de mariage, une salle de sport et son matériel de musculation (valeur : 450.000 F).
Philippe, enfin, hérite suite au décès de son oncle Mickaël Létroité, d’un cinquième d’un immeuble
sis à Sète rue Fondère. Il décide d’acquérir le reliquat (800.000 F sans frais) afin de pouvoir se retirer
dans cette ville.
Hélas, le couple ne va plus, car en fouillant le secrétaire de Philippe, Franckie a retrouvé des
lettres équivoques destinées à un producteur de télévision, Pascal S., et surtout un talon de chèque
retraçant l’achat «pour Pascal » d’une gourmette en or Cartier d’un montant de 250.000 F, ainsi qu’un
virement de 50.000 F en faveur de l’association pour la protection des phoques et pingouins sur la
banquise, présidée par ledit Pascal S.
Au jour de la liquidation, les biens restant sont les suivants :
emprunt au nom de Mme BEFREE auprès de la banque Bonasse : reste dû 21.000 F, dont 1.000 F
d’intérêts ;
une maison à Carpentras d’une valeur de 1.500.000 F ;
la clientèle d’un cabinet de médecine, d’une valeur estimée à 1.000.000 F ;
une villa à Juan Les Pins, qui vaut 2.000.000 F ; sans la piscine, elle ne vaudrait que 1.800.000 F ;
sans la redécoration, 1.950.000 F et sans l’insonorisation 1.800.000 F ;
1.000 actions du groupe Alliage, cotées 400 F pièce ;
un appartement sis rue de l’Est 17 : 1.700.000 F ;
une salle de sport et son matériel : 300.000 F ;
une jaguar coupé XJ 7 : 50.000 F ;
un immeuble sis à Sète, rue Fondère : 1.200.000 F ;
un compte bancaire, au nom de M. TWO, sur lequel sont versés ses droits d’interprète : 1.500.000
F;
un compte courant au nom de Madame BEFREE, sur lequel sont versés les loyers du 1er étage de
la maison de Carpentras : 500.000 F ;
une voiture Mégane Baccarat au nom de Madame BEFREE : 100.000 F ;
un chien savant (il sait compter jusqu’à trois) Ricky M. au nom de Monsieur TWO : 10.000 F ;
un solde débiteur de carte Kangourou, au nom de Madame : 10.000 F.
Les époux TWO-BEFREE, contraints de se séparer viennent vous consulter pour que vous
établissiez les comptes, et en particulier l'état liquidatif de la communauté. Dressez ce document, et
vous ferez une proposition d'attributions.
Document autorisé : Code civil (éditions DALLOZ ou LITEC)
Une calculette est admise pour opérer les calculs.
ELEMENTS DE CORRECTION
Observations liminaires
1. Liquidation normale du régime de communauté légale, en application des lois du 13 juillet 1965 et 23 décembre 1985. (0,5 points)
2. La maison de Carpentras (2,5 points)
- le cabinet médical est resté propre à la femme (1405 du Code civil)
- la maison de Carpentras est un bien présent, donc propre à la femme (1405 du Code civil)
- Remboursement pendant la communauté de la dette personnelle de la femme. Il s’agit du paiement d’une dette personnelle, la
femme doit récompense (1402,1437 CC)
- Les revenus de biens propres étant affectés à la communauté, celle-ci doit supporter les dettes qui sont la charge de la
jouissance de ces biens, i.e. les intérêts du prêt (Civ 1ère 31 mars 1992)
Calcul de la récompense : 50.000 F-20.000 F= 30.000 F
- ce qui reste dû au jour de la liquidation (21.000 F) est une dette propre de la femme
3. La villa de Juan les Pins (2,5 points)
- bien propre pour Madame, en tant que bien futur (1405)
- les travaux furent payés par les cachets et droits d’interprète, assimilés aux salaires il s’agit de biens communs ; donc un bien
commun a financé les dépenses sur un bien propre.
- récompense due par la femme à la communauté (1402, 1437), sauf pour la redécoration car ce sont des charges de la jouissance
des biens propres (cf. supra)
- calcul de la récompense :
- Récompense due pour l’insonorisation : c’est une dépense nécessaire, d’où 1469 al. 2 : la dépense faite (300.000 F ) est retenue
- Récompense due pour la piscine: 200.000 F (profit subsistant : 1469 al. 3)
4. Augmentation du groupe Alliage (3 points)
- 1 action ancienne-----2 actions nouvelles
- 400 actions : bien propre du mari, car bien présent (1405)
- le mari a souscrit 600 actions nouvelles et a vendu 100 droits de souscription pour 200 actions ; il l’a fait avec l’argent de la
communauté d’où récompense due par lui (1417)
- Calcul : [600 (200 + 100 ) – (100x300) ] / 600 [(200 + 100) + (300 x 300)] x (600 x 400) = 133.333 F
5. Appartement à Paris (2,5 points)
- le studio à Paris était un bien propre en tant que bien futur (1405) ;
- pour le 3 pièces, formalité du remploi inefficace, car la participation de la communauté (900.000) est supérieure à celle du
patrimoine propre (800.000 F) : bien commun (1434 à 1436)
- récompense due à l’époux (1437), PS car acquisition d’un bien;
- calcul: ( 800.000 / 1.700.000 ) x 1.700.000 = 800.000 F
6. Cadeaux (1 point)
- jaguar : cadeau d’un bien personnel avant le mariage, d’où pas de récompense
- salle de sport : cadeau financé avec des biens communs pendant le mariage ; d’où récompense due par la femme à la
communauté : 450.000 F (valeur au jour de la donation) ;
7. Immeuble à Sète ( 1 point)
- bien propre, en tant que bien futur (1405) ; l’acquisition des 4/5 est également un bien propre (1408)
- récompense due par le mari à la communauté : 4/5 de la valeur actuelle : 960.000 F ;
8. Dons (1 point)
- Réalisés en fraude du mariage, d’où récompense due à la communauté
9. Comptes bancaires (0,5 point)
- présomption de communauté (1401)
Première Partie: Reprises et récompenses
I. REPRISES (0,5 point)
a) Monsieur TWO
- 1000 actions Alliage (4) : 400.000 F
- salle de sport et son matériel(6) : 300.000 F
- Immeuble rue Fondère (7) : 1.200.000 F
- Jaguar coupé XJ 7 (6) : 50.000 F
b) Madame BEFREE (1 point)
- cabinet médical (2) : 1.000.000 F
- maison de Carpentras (2) : 1.500.000 F
- villa de Juan les Pins (3) : 2.000.000 F
DETTE PERSONNELLE : 21.000 F (2)
II. RECOMPENSES (1,5 point)
Monsieur
__________________________________
+
_
800.000 (5)
133.333 (4)
960.000 (7)
300.000 (8)
__________________________________
800.000
1.393.000
Madame
________________________________
+
0
30.000 (2)
200.000 (3)
300.000 (3)
_____________450.000 (6)________________
0
980.000
- 593.333 F
- 980.000 F
Deuxième Partie. L’actif de communauté (2 points)
Actif
Passif
1.700.000 (5)
1.500.000 (8)
100.000 (8) Mégane
10.000 (8)
500.000 (8) PEL Mme
10.000 (8)
_________________
RM 593.333
RF 980.000
_______________
__________________
Actif net: 5.373.333 F
Moitié: 2.686.666,50 F
MONSIEUR
2.686.666,50
- 593.333
_____________
2.093.333,50 F
MADAME
2.686.666,50
- 980.000
____________________
1.706.666,50 F
VERIF: 2.093.333,50 + 1.706.666,50 = 3.800.000 = Communauté sans RM et RF
Quatrième Partie. Les attributions (1,5 point)
MONSIEUR:
- Studio : 1.700.000 F
- Chien : 10.000 F
- Compte (partie) : 383.333,50 F
TOTAL : 2.093.333,50 F
MADAME
- Compte : 500.000 F
- Mégane: 100.000 F
- Partie compte : 1.116.666,5 F
- Dette Kangourou : 10.000 F
TOTAL : 1.706.666,50 F
ELEMENTS DE CORRECTION
Observations liminaires
1. Liquidation normale du régime de communauté légale
2. La maison de Carpentras : le cabinet médical est resté propre à la femme (1405 du Code civil)
- la maison de Carpentras est un bien présent, donc propre à la femme (1405 du Code civil)
- Remboursement pendant la communauté de la dette personnelle de la femme. Il s’agit du paiement d’une dette personnelle, la
femme doit récompense (1402,1437 CC)
3. La villa de Juan les Pins bien propre pour Madame, en tant que bien futur (1405)
travaux opérés
- Récompense due pour l’insonorisation : c’est une dépense nécessaire, d’où 1469 al. 2 : la dépense faite (300.000 F ) est retenue
- Récompense due pour la piscine: 200.000 F (profit subsistant : 1469 al. 3)
4. Augmentation du groupe Alliage (3 points)
5. Appartement à Paris formalité du remploi inefficace
6. Cadeaux faits par la femme à son mari
7. Immeuble à Sète : acquisition d’une part indivise
8. Dons réalisés en fraude du mariage
9. Comptes bancaires
UNIVERSITE DE PARIS I
Maîtrise de Carrières Judiciaires
Droit civil : Les régimes matrimoniaux
Madame le Professeur Yvonne Flour
Monsieur Leonardo DI CAPRIO, acteur né le 12 mai 1974, épouse sans contrat le 6 mars 1997,
Madame Céline DION, chanteuse, née le 25 janvier 1958, après une période de concubinage de six mois.
Le 1er avril 1997, Leonardo a acquis un fonds de commerce de restaurant italien et livraison de
pizza à domicile («Leonardo’s pizza ») à BEVERLY HILLS, pour 2.000.000 F, payé comme suit :
à hauteur de 500.000 F, au moyen de fonds provenant d’une donation consentie par son père, les
formalités d’emploi ayant été effectuées ;
à hauteur de 500.000 F, au moyen d’un prêt gracieux de sa femme, grâce à des fonds provenant
du compte bancaire sur lequel sont versés ses droits d’interprète avant comme après le mariage ;
à hauteur de 1.000.000 F au moyen d’un prêt consenti par la Banque BEL AIR.
Le 1er juillet 1997, Leonardo reçoit de sa tante Annick, qui devait peu après faire naufrage au cours
d’une croisière transatlantique, un terrain sis en Italie dans la région d’origine de la famille DI CAPRIO,
aux environs de Florence. Le terrain vaut, au jour de la donation 300.000 F, et les époux décident d’y
bâtir une résidence secondaire, avec piscine, zoo et bâtisse de 450 mètres carrés pour un montant de
4.000.000 F, financés par le compte bancaire de Céline.
Les époux décident de souscrire à une augmentation de capital lancée par la société de roche BLUR.
Chaque ancien actionnaire se voit proposer deux actions nouvelles pour une ancienne, pour un nominal
de 200 F, avec une prime de 100F. Chaque droit de souscription (deux droits de souscription sont
attachés à chaque action ancienne pour permettre l’acquisition de deux actions nouvelles) a atteint la
somme de 200 F. Leonardo avait hérité de son grand-père, Hervé VILARDO, 400 actions de BLUR.
Le 6 septembre 1997, à l’occasion de l’élévation au grade de chevalier de son ami Elton John, Leonardo
fait don à celui-ci d’un pied à terre à MALIBU en front de mer. Le bien vaut 500.000 F, au jour de la
donation, mais Sir Elton l’a aussitôt revendu pour acquérir en partie un appartement à Paris (valeur
totale de l’appartement 2.000.000 F), 2 B rue Free dans le premier arrondissement. Les frais se sont
élevés à 200.000 F.
Le 17 octobre suivant, Leonardo reçoit de sa mère, un don consistant en la maison familiale de BEL AIR,
sis 23 rue de Nîmes, pour une valeur de 12.000.000 F.
Il décide d’y vivre avec son épouse à titre principal, et réalise des travaux. D’une part, il demande au
styliste voisin Gary BARLOW, de concevoir un nouvel agencement des pièces (coût : 1.000.000 F, dont
200.000 F de remboursement de frais pour le styliste). D’autre part, il doit refaire la toiture et
l’étanchéité de la piscine afin de faire face à des infiltrations d’eau (l’entreprise CAMERON lui facture
500.000 F l’ensemble des travaux).
Comble de malheur, la veille de Noël 1997, le gigantesque aquarium construit au milieu de la villa vient
à céder sous la pression de l’eau, et un nouvel aménagement de l’intérieur de celle-ci doit être réalisé.
Cette fois-ci, Leonardo fait appel à un autre décorateur, George MICHAEL, qui dépense sans compter :
les opérations de remise en état s’élèvent à 2.000.000 F, mais George ne facture pas d’honoraires.
Pour les fêtes de fin d’année 1997, Céline DION reçoit d’un vieux protecteur, et précédent mari, une
somme de 500.000 F. Cet argent est utilisé pour un voyage à LAS VEGAS afin de régler les frais de
transport et l’hébergement au Casino. Toutefois, la chance sourit à Céline qui, passionnée de jeu, gagne
à la roulette. Aussi, Céline doute de la fidélité de son mari.
Céline fouille fébrilement les papiers de Leonardo et découvre des lettres compromettantes envoyées à
celui-ci par Georges MICHAEL. De plus, le chéquier porte trace de deux formules libellées au nom de ce
dernier, l’une pour 500.000 F («cadeau d’anniversaire ») et l’autre pour 300.000 F («fête de
Georges »).
Le 20 décembre 1998, Leonardo décède tragiquement au cours d’un trajet en avion privé sur le trajet
NICE-BERG (Alpes Maritimes).
Au jour de la liquidation, les biens restant sont les suivants :
emprunt au nom de M. DI CAPRIO auprès de la banque BEL AIR : reste dû 900.000 F, dont
800.000 F d’intérêts ;
un fonds de commerce, au nom de M. DI CAPRIO, estimé à 4.000.000 F ;
le terrain et la maison près de Florence : le terrain est évalué seul à 400.000 F et la maison seule
à 5.000.000 F ;
un appartement sis 2b rue Free : 1.700.000 F ;
une maison sise à BEL AIR, 23 rue de Nîmes : 15.000.000 F. Les travaux réalisés sous la direction
de Gary BARLOW ne laissent aucune plus-value, puisqu’ils ont été anéantis par l’explosion de
l’aquarium. Ceux dirigés par George MICHAEL laissent une plus value de 1.000.000 F.
Les travaux d’étanchéité sont évalués aujourd’hui à 400.000 F.
- 1.000 actions du groupe BLUR, cotées 500 F pièce ;
un compte bancaire, au nom de M. DI CAPRIO, sur lequel sont versés ses droits d’interprète :
1.500.000 F ;
un compte courant au nom de Madame DION, sur lequel sont versés ses droits : 500.000 F ;
une voiture Morgan au nom de Madame DION : 200.000 F ;
Madame Céline DION vous consulter pour que vous établissiez les comptes, et en particulier l'état
liquidatif de la communauté. Dressez ce document, et vous ferez une proposition d'attributions.
Document autorisé : Code civil (éditions DALLOZ ou LITEC)
Une calculette est admise pour opérer les calculs.
ELEMENTS DE CORRECTION
Observations liminaires
1. Liquidation normale du régime de communauté légale, en application des lois du 13 juillet 1965 et 23 décembre 1985. (0,5 points)
2. L’acquisition du fonds de commerce (3 points)
- Le bien ayant été acquis pendant le mariage est un bien commun (1402 du Code civil)
- Les fonds provenant de la donation opérée par le père sont des biens propres, d’où une récompense.
- En revanche, les fonds provenant du compte bancaire de la femme sont communs.
- Le prêt, payés par des deniers de communauté, a servi à acquérir un bien commun, donc pas de récompense.
- Calcul de la récompense due par la communauté au mari : (500.000 /2.000.000 ) x 4.000.000 = 1.000.000 F
- Ce qui reste dû au jour de la liquidation (900.000 F) est une dette commune.
3. Le terrain et la villa de Florence (2,5 points)
- Le terrain est un bien propre pour Monsieur, en tant que bien futur (1405)
- La villa est également un bien propre par accession (1406)
- La construction de la villa fut payée par les cachets et droits d’interprète, assimilés aux salaires il s’agit de biens communs ;
donc un bien commun a financé les dépenses sur un bien propre.
- Récompense due par le mari à la communauté (1402, 1437
- Calcul de la récompense : 5.000.000 F (valeur de la villa hors prix du terrain au jour de la liquidation)
4. Augmentation du groupe BLUR (3 points)
- 1 action ancienne-----2 actions nouvelles
- 400 actions : bien propre du mari, car bien présent (1405)
- Le mari a souscrit 600 actions nouvelles et a vendu 200 droits de souscription ; il l’a fait avec l’argent de la communauté d’où
récompense due par lui (1417)
- Calcul : [600 (200 + 100 ) – (200 x 200) ] / [600 (200 + 100) + (600 x 200)] x (600 x 500) = 140.000 F
5. Cadeau à Sir Elton (1,5 points)
- Ce cadeau est une dépense personnelle, d’où récompense due à la communauté
- La récompense est égale à la valeur du cadeau au jour du don ; pas de subrogation dans le bien acquis par le donataire…
- Récompense : 500.000 F
6. La maison de BEL AIR (1 point)
- Bien propre, en tant que bien futur (1405) ;
- Les travaux furent payés par des biens communs ; donc un bien commun a financé les dépenses sur un bien propre. Une
récompense est due par le mari à la communauté.
- Récompense due par le mari à la communauté (1402, 1437), sauf pour la redécoration car ce sont des charges de la jouissance
des biens propres ;
- calcul de la récompense :
- Récompense due pour l’étanchéité : c’est une dépense nécessaire, d’où 1469 al. 2 : la dépense faite (500.000 F ) est retenue
7. Le voyage à LAS VEGAS (1 point)
- La communauté a dépensé un propre, peu important les gains postérieurs ;
- La récompense est due par la communauté à Madame : 500.000 F
8. Dons à George MICHAEL (1 point)
- Réalisés en fraude du mariage, d’où récompense due à la communauté
- La récompense est égale au total des chèques, soit 800.000 F
9. Biens communs (0,5 point)
- Présomption de communauté (1401) pour les comptes et la voiture
Première Partie : Reprises et récompenses
I. REPRISES (1 point)
a) Monsieur DI CAPRIO
- Le terrain et la villa : 5.400.000 F (3)
- La maison de BEL AIR : 15.000.000 F (6)
- Actions BLUR : 500.000 F
Total : 20.900.000 F
b) Madame DION (0,5 point)
Rien
II. RECOMPENSES (1,5 point)
Monsieur
Madame
__________________________________
________________________________
+
_
+
1.000.000 (2)
5.000.000 (3)
500.000 (7)
140.000 (4)
500.000 (5)
500.000 (6)
800.000 (8)
_______________________________________________________________________
1.000.000
6.940.000
500.000 F
- 5.940.000 F
+ 500.000 F
Deuxième Partie. L’actif de communauté (2 points)
Actif
Passif
4.000.000 (2)
1.500.000 (9)
500.000 (9)
200.000 (9)
_________________
6.200.000
900.000 (2)
__________________
900.000
Solde : 5.300.000
RM + 5.940.000
RF - 500.000
_______________
Actif net : 10.740.000 F
Moitié: 5.370.000 F
MONSIEUR
5.370.000
- 5.940.000
_____________
- 570.000 F
MADAME
5.370.000
+ 500.000
____________________
5.870.000 F
VERIF: -570.000 + 5.870.000 = 5.300.000 F = Communauté sans RM et RF
Quatrième Partie. Les attributions (1 point)
MONSIEUR:
- Règlement du passif : 570.000 F
Les actions BLUR (500.000 F) le permettent en grande partie.
MADAME
- Comptes : 1.500.000 F + 500.000 F = 2.000.000 F
- Voiture : 200.000 F
- Fonds de commerce : 4.000.000 F
- Dette: -330.000 F
TOTAL : 5.870.000 F
Epreuve du lundi 7 février 2000
UNIVERSITE DE PARIS 1
Maîtrise carrières judiciaires
Droit civil: Régimes matrimoniaux
Cours de Mme Flour
Durée de l'épreuve : 3 heures.
Sujets
1 • Sujet théorique.
La protection de chacun des époux contre les actes de son conjoint, dans le régime de la communauté légale.
2 • Sujet pratique.
Monsieur Ken Ma, acteur né à Private (Idaho) le 6 mars 1964, épouse sans contrat le 2 janvier 1990, Madame Maud Tricks, née le 25
janvier 1933 à Roues (Eure), voyante extralucide connue sous le nom de « Madame Lune ».
Ken avait fait l'acquisition le 3 janvier 1989, d'un duplex à Monaco pour un montant de 3.000.000 F. Cet achat a été financé pour moitié au
moyen de fonds à lui donnés par ses parents, et pour l'autre moitié par un prêt souscrit pour 12 ans auprès du Crédit Foncier de Monaco.
Au jour du mariage, il restait à acquitter, 1.500.000 F en capital et 500.000 F en intérêts.
Le premier jour anniversaire de leur mariage, Maud a connu une grande épreuve. Son père est mort brutalement, l'avion privé dans lequel il
se rendait à New York s'étant abîmé en mer au large de Long Island. Le défunt laissait à sa fille unique une villa à Cannes évaluée dans la
succession 2.000.000 F. Les frais et droits sur cette succession se sont élevés à 200.000 F, que Maud a payés à l'aide des honoraires
qu'elle retire de ses consultations.
Ken cependant se plaint que la villa est trop isolée et que la route de la mer est souvent encombrée. Il décide d'effectuer divers travaux
dans la villa de sa femme construction d'une piscine (coût: 250.000 F), installation d'une salle informatique (coût 180.000 F), réfection de la
décoration intérieure par le grand architecte anglais Hugues Grand (coût : 300.000 F). Ces travaux ont été entièrement financés par Ken :
celui-ci a utilisé ses cachets d'acteur ainsi que les droits d'auteur qu'il perçoit à la suite de l'enregistrement d'un disque qui connaît un grand
succès.
De son côté, Ken a recueilli dans la succession de sa mère, Jaimy RoquaÏ, un appartement à Paris, 5 rue de l'élément, en indivision avec
son frère Joe et sa sœur Susan. Le 6 mars 1992, Ken a racheté les droits de son frère et de sa sœur dans cet immeuble, pour un prix de
400.000 F, auquel se sont ajoutés 50.000 F de frais. Cette acquisition a été payée ail moyen d'un chèque tiré sur un compte ouvert au nom
de Ken à la banque de Monaco.
Le 10 septembre 1997, Ken a revendu cet appartement pour un prix de 900.000 F, et deux jours après, il en a acheté un autre, situé dans
l'île Saint Louis, rue Bois Zone (coût de l'opération : 1.800.000 F, dont 100.000 F de frais). Les formalités du remploi ont été ponctuellement
respectées lors de cette acquisition.
Le succès de Maud et Ken grandissant, les époux décident de souscrire à une augmentation de capital lancée par la société de voyages
Oasis, dont Ken avait recueilli 500 actions dans la même succession maternelle. Chaque ancien actionnaire se voit proposer deux actions
nouvelles pour une ancienne. Les actions nouvelles sont émises au cours de 3.000 F. Les droits préférentiels de souscriptions ont atteint
une valeur de 1.000 F. (Un droit de souscription est attaché à chaque action ancienne, et permet de souscrire deux actions nouvelles).
Hélas, rien ne va plus dans le ménage, car en fouillant le secrétaire de Ken. Maud a trouvé des lettres équivoques destinées à un
producteur de cinéma, Daniel Jaifaim En outre, elle s'est aperçue que Ken a passé commande auprès d'un bijoutier célèbre d'un diamant
d'une valeur de 350.000 F, qu'il a donné à Michaël, jeune éphèbe rencontré lors d'un récent tournage Indignée d'une telle duplicité, Maud
décide immédiatement de demander le divorce.
A ce jour, les biens qui figurent dans le patrimoine des époux sont les suivants
- un duplex à Monaco, d'une valeur de 5.000.000 F.Il reste dû, sur l'emprunt contracté en 1989 pour l'acquisition de cet immeuble, une
somme de 330.000 F dont 30.000 F d'intérêts ;
• la clientèle d'un cabinet de voyance, d'une valeur estimée à 1.000.000 F
• une villa à Cannes, estimée 10.000.000 F, mais qui ne vaudrait sans la piscine que 8.300.000 F, 9.700.000 F sans la salle informatique, et
9.500.000 F sans la décoration intérieure ;
• 1.000 actions de la société Oasis, cotées 4.500 F pièces ;
• un appartement sis rue Bois Zone, d'une valeur de 1.700.000 F
- une jaguar coupé XJ 7, immatriculée au nom de M. Ma, cotée 350.000 F
• une voiture Matrimobile au nom Mme Tricks, cotée 150.000 F;
• un compte à la banque de Monaco, au nom de M. Ma, sur lequel sont versés ses droits d'interprète et ses cachets, présentant un solde de
2.000.000 F ;
• un compte au Crédit Agricole des Alpes maritimes, au nom de Mme Tricks, sur lequel sont versés les loyers du duplex de Monaco ainsi
que ses honoraires de consultation : 3.000.000 F.
Les époux Ma•Tricks, qui ont décidé de se séparer, vous demandent d'établir un état liquidatif de la communauté ainsi qu'un projet de
partage.
Documents autorisés Code civil et Machine à calculer.
ELEMENTS DE CORRECTION
Observations liminaires
1. Liquidation normale du régime de communauté légale, en application des lois du 13 juillet 1965 et 23 décembre 1985. (0,5
points)
2. Le cabinet de voyance est resté propre à la femme (1405 du Code civil) (0,5 point).
3.Duplex à Monaco (2 points)
- le duplex est un bien présent, donc propre au mari (1405 du Code civil)
- Remboursement pendant la communauté de la dette personnelle du mari. Il s’agit du paiement d’une dette personnelle, le
mari doit récompense (1402,1437 CC)
- Les revenus de biens propres étant affectés à la communauté, celle-ci doit supporter les dettes qui sont la charge de la
jouissance de ces biens, i.e. les intérêts du prêt (Civ 1ère 31 mars 1992)
Calcul de la récompense : (1.200.000 F / 3.000.000 F )x 5.000.000 F= 2.000.000 F ;
- ce qui reste dû au jour de la liquidation (330. 000 F) est une dette propre du mari.
4. La villa de Cannes (3 points)
- bien propre pour Madame, en tant que bien futur (1405)
- la communauté a financé l’acquisition de la part indivise qui reste propre (1406), une récompense est donc due :
- soit les frais ne sont pas pris en compte (ce qui se justifie puisqu’un seul patrimoine a de fait participé) et la récompense est de
200.000 (participation de la communauté) divisé par 2.000.000 F (coût total de l’opération sans les frais), soit 1/10ème de la
valeur actuelle (7.500.000 F), soit 750.000 F ;
- soit les frais sont pris en compte (règle donnée aux étudiants), et la récompense est donc de 200.000 F / 2.200.000 F, soit
1/11ème de va valeur actuelle, soit 772.727,27 F, ramené à 772.727 F.
- les travaux furent payés par les cachets et droits d’interprète, assimilés aux salaires il s’agit de biens communs ; donc un
bien commun a financé les dépenses sur un bien propre.
- récompense due par la femme à la communauté (1402, 1437), sauf pour la décoration car ce sont des charges de la
jouissance des biens propres (cf. supra)
- calcul de la récompense :
- Récompense due pour la salle informatique : ce n’est pas une dépense nécessaire, d’où 1469 al. 3 : profit subsistant
(300.000 F ) est retenue
- Récompense due pour la piscine: 1.700.000 F (profit subsistant : 1469 al. 3)
Total des récompenses dues à raison des travaux : 2.000.000 F
5. Augmentation du groupe Oasis (3 points)
- 1 action ancienne-----2 actions nouvelles
- 500 actions : bien propre du mari, car bien présent (1405)
- le mari a souscrit 500 actions nouvelles et a vendu 250 droits de souscription pour 500 actions ; il l’a fait avec l’argent de
la communauté d’où récompense due par lui (1417)
- Calcul : [(500 x 3000) – (250 x 1.000) ] / [ (500 x 300) + (250 x 1000)] x (500 x 450) =
1.607.142 F
6. Appartement à Paris (2,5 points)
- le studio à Paris était un bien propre en tant que bien futur (1405) ;
- Rachat des parts indivises : le bien demeure propre, quelle que soit la participation de la communauté (fraction de
participation : 2/3)
- pour le 3 pièces, formalité du remploi efficace, car la participation de la communauté (900.000) est égale à celle du patrimoine
propre (900.000 F) : bien propre (1434 à 1436) ; fraction de participation 1/2;
- récompense due à la communauté (1437), PS car acquisition d’un bien;
- calcul: ½ + (1/2 x 2/3) = 5/6
d’où la récompense 5/6 x 1.700.000 = 1.416.667 F
7. Cadeaux (1 point)
- Réalisé en fraude du mariage, d’où récompense due à la communauté par le mari.
8. Comptes bancaires et voiture (0,5 point)
- présomption de communauté (1401)
Première Partie: Reprises et récompenses
I. REPRISES (1,5 point)
a) Monsieur MA
- duplex à MONACO (3) : 5.000.000 F ;
- 20.000 actions OASIS (5) : 4.500.000 F
- Appartement à Paris : 1.700.000 F
DETTE PERSONNELLE : 330.000 F (3)
b) Madame TRICKS (1 point)
- cabinet de voyante (2) : 1.000.000 F
- villa de Cannes (4) : 10.000.000 F
II. RECOMPENSES (1,5 point)
Monsieur
Madame
__________________________________
________________________________
+
_
+
0
2.000.000 (3)
0
2.000.000 (4)
1.607.142 F (5)
750.000 (4)
1.416.667 (6)
ou 772.727 (4)
350.000 (7)
____________________________
__________________
0
5.373.809 F
0
2.750.000 F ou 2.772.727 F
Deuxième Partie. L’actif de communauté (2 points)
Actif
Passif
350.000 (8) jaguar
150.000 (8) matrimobile
2.000.000 (8) compte M
3.000.000 (8) compte Mme
_________________
5. 500.000 F
__________________
RM 5.373.809 F
RF 2.750.000 F ou 2.772.727 F
_______________
Actif net: 13.723.809 ou 13.646.536 F
Moitié: 6.861904,50 F ou 6.823.268 F
MONSIEUR
6.861.904,50 F ou 6.823.268
- 5.373.809
- 5.373.809
_________________________________
1.488.095,50
ou 1.449.459 F
-
MADAME
6.861.904,50 F ou
6.823.268
2.750.000 F ou
2.772.727
______________________________
4.111.904,50 F ou
4.050.541 F
Quatrième Partie. Les attributions (1,5 point)
MONSIEUR:
350.000 (8) jaguar
2.000.000 (8) compte M
Total : 2.350.000 F au lieu des 1.488.095,50
ou 1.449.459 F
D’où une soulte prélevée sur le compte et la différence pour sa femme
MADAME
150.000 (8) matrimobile
3.000.000 (8) compte Mme
3.150.000 F au lieu des 4.111.904,50 F ou
4.050.541 F (soulte versée par le mari).
Maîtrise en droit • Carrières judiciaires Cours de droit des Régimes matrimoniaux
Epreuve du lundi 29 janvier.
DUREE DE L'ÉPREUVE : 3 HEURES.
Sujets.
Les étudiants traiteront l'un des deux sujets qui suivent
1 • Sujet théorique.
Le crédit des époux mariés sous le régime légal.
2 • Sujet pratique.
César et Rosalie se sont mariés le ler février 1986 à la mairie du 5' arrondissement de Paris, sans contrat de
mariage.
En 1987, César a reçu dans la succession de sa grand’mère une très belle propriété située au Touquet (Pas de
Calais). A l'époque, cette villa était estimée 1.000.000 F. Les frais de règlement de cette succession se sont montés
à 250.000 F, acquittés à l'aide d'économies faites sur les gains et salaires de César. Recherchant des régions plus
ensoleillées, celui-ci a revendu cette villa dés 1990, pour un prix de 1.200.000 F.
Deux ans plus tard, alors qu'elle était allée ranger la maison d'une vieille tante apparemment morte dans le
dénuement, Rosalie a découvert, dissimulés dans une vieille malle, des lingots d'or représentant une somme de
350.000 F. Cet argent lui a servi à acquérir un hôtel particulier à Dijon pour un prix de 700.000 F, auquel se sont
ajoutés 50.000 F de frais. L'entretien de cet immeuble s'est rapidement révélé excessivement onéreux. Il fut donc
décidé de le vendre au prix de 800.000 F. Une partie de cette somme a été employée à l'acquisition d'un
appartement plus modeste dans la même ville. Cet appartement, qui a coûté 400.000 F, vaut aujourd'hui 600.000 F.
Par ailleurs, les époux occupent actuellement une maison située à Beaune, acquise en 1992, qui constitue
aujourd'hui le logement familial. Lors de cet achat, d'un montant total de 1.200.000 F, César a déclaré faire remploi
des deniers retirés de la vente de sa villa du Touquet.
Dans la demeure familiale, des travaux de réfection ont été effectués en 1998. Ces travaux, qui ont coûté 300.000 F,
ont été financés en totalité à l'aide d'un prêt consenti à César par le Crédit de Bourgogne. Sur ce crédit, les époux
ont remboursé 200.000 F en capital et payé 50.000 F d'intérêts. Il reste dû aujourd'hui à la Banque de Bourgogne
une somme totale de 120.000 F ( 100.000 F en capital et 20.000 F en intérêts).
La maison de Beaune vaut aujourd'hui 1.800.000 F. Les époux sont d'accord pour considérer que, sans les travaux
qui y ont été réalisés, elle ne vaudrait que 1.500.000 F.
Le ménage possède en outre un mobilier évalué 400.000 F, et deux véhicules automobiles d'une valeur globale de
150.000 F. César est titulaire d'un PEL sur lequel figurent 100.000 F. Rosalie a souscrit en 1992 un placement
assurance-vie, alimenté à l'aide de son salaire, dont la valeur de rachat est actuellement de 300.000 F.
En « faisant » les poches de son mari, Rosalie a récemment découvert des lettres qui lui ont révélé que celui-ci
entretient depuis trois ans une liaison avec une collègue de travail. A la suite d'un interrogatoire serré, elle a appris
que César a donné, à plusieurs reprises, à sa maîtresse d'importantes sommes d'argent, qui représentent un total
de 100.000 F.
Rosalie, qui désire engager une action en divorce, vous demande quels sont ses droits. A cette fin, vous établissez
un projet de liquidation du régime matrimonial.
Documents autorisés
Calculette
Code civil
INDICES DE SOLUTION
I. OBSERVATIONS PREALABLES A LA LIQUIDATION
César et Rosalie se sont mariés le 1er février 1986 sans contrat de mariage. En raison de la date de l’union, les époux sont soumis au nouveau régime légal. Les
lois du 13 juillet 1965 et 23 décembre 1985 sont donc applicables à l’espèce. (0,5 points)
1. La propriété du Touquet et ses avatars (4 points, chaque tiret vaut 0,5)
- la maison du Touquet est un bien propre du mari car reçue par succession de la grand-mère (1405)
- elle a été vendue en 1990
- en 1992, le mari a acquis une maison à Beaune en faisant expressément remploi de la vente de la maison du Touquet (1434)
- du fait de la double déclaration de remploi, la maison de Beaune est un bien propre du mari (1434)
- une récompense est due par le mari à la communauté en raison des droits de succession payés par la communauté lors du premier achat ; pas de récompense
lors du 2ème achat car le prix de vente du Touquet est le prix d’achat de Beaune (1433,1436)
- La récompense est calculée selon le profit subsistant (1436)
- Montant de la récompense : (250.000 /1.250.000 ) x 1.500.000 = 300.000
ou (250.000/1.000.0000) x 1.500.000 = 375.000 F
La seconde solution est plus orthodoxe, car seule la communauté a participé à cette acquisition de façon effective.
- La valeur de la maison de Beaune à prendre en compte est celle au jour de la liquidation mais en l’état au jour de l’acquisition.
2. Le trésor ( 5,5 points)
-Il est possible de soutenir :
-- que le trésor est un bien propre, comme accessoire de la maison de la vieille tante que Rosalie reçoit en héritage de celle-ci ;
-- que le trésor est un bien commun comme résultat de l’activité de Rosalie
La première solution paraît plus vraisemblable.
- L’emploi ou le remploi est impossible lors de l’acquisition de l’hôtel particulier de Dijon. La participation de la communauté (400.000 F) excède celle du
patrimoine propre (350.000 F).
- Récompense due par la communauté à l’épouse
- Calcul selon le profit subsistant (1469 al 3)
- Participation du patrimoine propre : 350.000/750.000, soit 7/15.
- Valeur du bien : 600.000 F (appartement acheté avec la moitié de l’hôtel de Dijon) + 400.000 F (autre moitié de la somme)
- R = 466.667 F
- Les travaux sur la maison de Beaune ne sont ni nécessaires, ni d’entretien mais d’amélioration.
- Pas de récompense pour les intérêts, mais uniquement à raison du capital (Civ. 31 mars 1992, Praslicka)
- R= 200.000/300.000 x 300.000 = 200.000 F
- L’emprunt a été contracté par César : c’est une dette propre (1415)
3. Les autres biens (1 pt)
- Présomption de communauté,
- y compris pour l’assurance-vie : discussion autour de l’assurance
4. La donation à sa maîtresse (1 pt)
- donation faite en violation des droits du mariage
- récompense due du montant des fonds donnés
II. ETAT LIQUIDATIF
Reprises et récompenses (1pt)
a) de Rosalie
1. Reprises en nature :
Néant
2. Récompenses dues par la communauté
- à raison de l’hôtel à Dijon : 466.667 F (v. supra n°2)
3. Récompenses dues à la communauté
Néant
4. Balance
Excédent de récompenses dues par la communauté: 466.667 F
a) de César (1 pt)
1. Reprises en nature :
- la Maison de Beaune (v. supra n°1), avec la dette y afférente
2. Récompenses dues par la communauté
Néant
3. Récompenses dues à la communauté
- Droits de succession sur Beaune : 375.000 F (n°1)
- Rénovation de Beaune: 200.000 F(n°1)
- à raison de la donation opérée : 100.000 F (v. supra n°4)
4. Balance
Récompenses dues par César : 675.000 F
B. MASSE DE COMMUNAUTE (2 pt)
a) actif
- le solde de récompense de César
- mobilier
- Voiture
- PEL
- Assurance
- appartement Dijon
TOTAL DE L’ACTIF
675.000 F
400.000 F
150.000 F
100.000 F
300.000 F
600.000 F
1.550.000 F
b) passif
- le solde de récompense de Rosalie 466.667 F
TOTAL DU PASSIF
466.667 F
ACTIF NET DE COMMUNAUTE
Dont la moitié revenant à chaque époux
Est de
879.166,5 F
C. DROITS DES PARTIES (1 pt)
a) Madame Rosalie
- la moitié de l’actif net de communauté
- le solde de son compte de récompense
Total de ses droits
b) Monsieur César
- la moitié de l’actif net de communauté
- le solde de son compte de récompense
Total de ses droits
D. ATTRIBUTIONS (1pt)
a) Rosalie
- mobilier
- une des voitures
- PEL
- Assurance
1.758.333 F
½
879.166,5 F
466.667 F
1.345.833,5 F
879.166,5 F
- 675.000 F
204.166,5F
F
400.000 F
100.000 F
300.000 F
- appartement Dijon
TOTAL
F
b) César
- une des voitures
- PEL
Deux points pour la presentation.
600.000 F
F
100.000 F
Maîtrise en Droit - Carrières juridiques et judiciaires Droit des Régimes Matrimoniaux
1 ère session Epreuve du vendredi 25 janvier 2002
SUJETS
Documents autorisés :
- Code civil
- Calculette
Sujet Théorique.
Le régime matrimonial légal vous paraît-il préserver de façon satisfaisante l'indépendance professionnelle de chacun des époux ?
Sujet Pratique.
On liquide le loft...
Joana a épousé Charles-Edouard le 16 mai 1995, sans contrat de mariage. Aucun enfant n'est issu de leur union. Mais le torchon brûle
entre eux depuis le mois d'août dernier. Joana envisage une procédure de divorce. Avant de s'engager dans cette nouvelle aventure, elle
souhaite bénéficier de vos conseils éclairés, et notamment savoir quels seront ses droits dans la liquidation de son régime matrimonial.
Elle vous expose que, au jour du mariage, son mari était propriétaire d'un loft situé à la Plaine Saint Denis, qu'il avait acquis deux années
plus tôt le 15 mai 1993, pour un prix de 55.000 euros auquel s'étaient ajoutés 5.000 euros de frais. Il avait financé à l'époque cette
acquisition à l'aide de ses quelques économies personnelles à concurrence de 10.000 euros. Le surplus, soit une somme de 50.000 euros, a
été emprunté auprès de la banque Benjamin et Cie. Cet emprunt était remboursable en dix annuités payables le 15 mai de chaque année, et
s'élevant chacune à 6.500 euros, dont 5.000 de capital et 1.500 d'intérêts. Les échéances ont été réglées ponctuellement aux dates prévues.
Il reste actuellement dû sur cet emprunt une somme de 20.000 euros en capital et 6.000 euros en intérêts. Quant au loft, il constitue, depuis
le début du mariage et même avant, le domicile commun du ménage.
Joana pour sa part ne possédait rien au jour du mariage, que son sourire et sa très grande séduction. L'année suivante, elle a eu cependant
(heureuse surprise d'hériter d'un vieil oncle un peu misanthrope qu'elle n'avait pas vu depuis longtemps un terrain à Saint-Tropez en
indivision avec ses deux sueurs, ainsi que 500 actions d'une société mystérieuse mais apparemment pleine de promesses, nommée TV6.
Au jour de la succession le terrain de Saint-Tropez était évaluée à 75.000 euros, et les actions cotaient 50 euros chacune. Pour cette
succession, il a fallu débourser 25.000 euros de droits que Joana, dépourvue de toute ressource à ce moment, a persuadé Charles-Edouard
de payer à l'aide d'une somme équivalente qu'il venait de gagner en participant au célèbre jeu télévisé "Qui veut gagner des picaillons ?"
Quelques mois plus tard, la société TV6 avait tenu ses promesses et les actions cotaient 100 euros chacune. Profitant de l'aubaine, Joana
vendit 300 de ses actions. A l'aide de l'argent retiré de cette vente, elle racheta les droits indivis de ses deux sueurs pour un prix global de
60.000 euros, frais compris, le surplus de ce prix ayant été financée grâce aux produits de la vente d'un disque que Joana venait
d'enregistrer, et qui s'avéra être un très grand succès.
Le succès fut tel que les époux purent, la même année, faire construire une villa sur le terrain de Saint-Tropez pour un coût de 140.000
euros.
Par ailleurs, en 1999, la société TV6 a procédé à une augmentation de capital, à raison d'une action nouvelle pour deux actions anciennes.
Considérant qu'elle ne pouvait que se féliciter des avantages que cette société lui avait jusqu'ici procurés, Joana s'est empressée d'y
souscrire. Les actions nouvelles ont été émises à la valeur nominale de 100 euros chacune ; le droit préférentiel de souscription attaché à
chacune des actions anciennes était évalué à 10 euros. Trois mois plus tard, Joana a revendu 300 actions de la Société TV6 au cours de
150 euros chacune. L'argent retiré de cette vente a servi pour l'essentiel à payer une croisière que les époux ont effectuée ensemble l'été
suivant sur le Queen Elisabeth pour tenter, mais en vain, de ranimer la flamme.
Enfin, au mois de mai dernier Joana, qui adore la natation, a convaincu son mari de faire installer une piscine au milieu du loft de La
Plaine Saint Denis. Les travaux, d'ampleur considérable, se sont élevés à la bagatelle de 30.000 euros qui restent à payer à l'entreprise
"Les Piscines du soleil" qui les a réalisés.
En femme avisée qu'elle est, Joana a pris soin de consulter avant de venir vous trouver un expert à la compétence particulièrement déliée,
qui lui a fourni les indications suivantes :
- Le loft de la Plaine Saint Denis peut être évalué aujourd'hui à 90.000 euros ; la construction de la piscine n'engendre selon cet expert
aucune plus-value.
- La villa de Saint-Tropez est estimée à 200.000 euros ; quant au terrain il vaudrait, sans la construction qui y a été édifiée, 120.000 euros.
En-dehors des biens ci-dessus mentionnés, les époux possèdent :
- un compte joint à la Banque Benjamin et Cie, présentant un solde créditeur de 25.000 euros ; - un portefeuille de valeurs mobilières d'un
montant global de 95.000 euros.
En outre, Joana vient d'apprendre que Charles-Edouard s'est porté caution d'un prêt consenti par la Banque Benjamin à leur ami Steeve,
qui envisage de créer une nouvelle agence de publicité. Elle même vient de recevoir une lettre de l'administration des impôts qui lui
réclame une somme de 20.000 euros au titre de l'impôt sur le revenu des personnes physiques, à raison des produits de la vente de son
disque qu'elle a omis de déclarer. Joana, très inquiète, se demande qui va payer toutes ces dettes.
Il vous est demandé :
- de préparer un projet de liquidation de la communauté existant entre Joana et Charles-Edouard,
- de dire qui devra payer les dettes en souffrance et si leur paiement donnera éventuellement lieu à des recours entre les époux .
N.B. Pour des raisons de commodité, tous les prix et toutes les valeurs ont été convertis en euros, y compris les valeurs antérieures au 1 er
janvier 2002.
ELEMENTS DE CORRECTION
Observations préliminaires
1. Liquidation normale du régime de communauté légale, en application des lois du 13 juillet 1965 et 23 décembre 1985 (0,5 pt)
2. Le loft de la Plaine Saint-Denis (2 pt)
Il est propre à Charles-Edouard (1405). (0,5 pt).
-- Le prêt
- La communauté a droit à récompense pour sa contribution au remboursement. On ne prend pas en compte les intérêts pour le calcul de
cette dernière (Civ. 31 mars 1992) (0,5 pt)
- Il reste 20.000 euros à régler en capital.30.000 euros ont donc déjà été réglés par la communauté soit 6 anuitées (6 x 5000) étant donné
que le paiement a été effectué chaque année sans problèmes.
- Calcul de cette récompense : (30.000 / 55.000 ) x 90.000 = 49.090,90 (0,5 pt).
- Il reste dû 26.000 , qui sont dues par Charles Edouard (0,5 pt).
3. L’héritage (2,5 pt)
- La part de Joana sur le terrain ainsi que les actions sont des biens propres (1405) (0,5 pt).
- Les frais de succession sont payés par la communauté, les gains tombant en communauté.
- Le rachat des parts de ses sœurs fait du terrain un bien propre (1408) (0,5 pt), mais récompense est due à la communauté pour sa
contribution (1437 et Civ. 13 oct. 1993 pour les gains et salaires) (0,5 pt).
- Calcul de la récompense : dépense d’acquisition (1469 al 1&3 combiné donc R=PS)
PS=(30.000/90.000) x 120.000=40.000 euros (1 pt)
5. La villa de Saint-Tropez (4,5 pt)
- La maison est construite sur un terrain propre, elle est donc propre à son tour étant accessoire du terrain (art 1406 et 551) (0,5 pt)
- Pas d’informations sur le financement de cette construction, donc on considère que c’est la communauté qui a payé (0,5 pt).
- La villa est une dépense d’amélioration (1469 al 1&3 combiné R=PS) (0,5 pt).
- PS= 200.000-120.000=80.000 euros (1 pt).
- La piscine est également une dépense d’amélioration (1469 al 1&3 combiné R=PS) (0,5 pt).
- PS= 0 euro (0,5 pt).
- C’est une dette commune quant à la poursuite, mais personnelle quant à la contribution (1 pt).
6. L’augmentation de capital (4 pt)
- Les actions acquises étaient des biens propres, financés par la communauté (1 pt) ;
- R=((100*100) /((100*100)+(200*10)))*(100*150)=12.500 euros (1 pt).
- Les actions, bien propre, ont été revendues pour faire une croisière. Il s’agit de l’utilisation par la communauté de fonds propres, ce qui
donne lieu à récompense de la part de la communauté (1 pt).
- Calcul de la récompense : 300 actions x 150 /action = 45.000 (1 pt).
7. Le cautionnement (1 pt)
- L’engagement de caution est une dette personnelle. Par application de l’article 1415 du code civil, seuls les biens propres de l’époux et
ses revenus sont engagés.
- La question de la contribution est plus complexe : dans la mesure où Charles-Edouard s’est porté caution pour l’ami commun du couple,
Steeve, la dette sera définitivement commune.
8. La dette fiscale (1 pt)
Toute dette liée à un non-paiement de l’impôt est une dette commune, quand bien même cette dette est née en raison de la faute d’un seul
des époux. En revanche, les amendes fiscales sont des dettes personnelles.
9. Recours subrogatoire entre époux (1 pt)
TABLEAU (3,5 pt)
I/ REPRISES ET RECOMPENSES
A- MADAME
1er : En nature
Villa de Saint-Tropez
2nd : En valeur
Dues par la communauté
Vente d’actions propres sans remploi 45.000 euro
Dues à la communauté
Droit de mutation 50.000 euro
Augmentation de capital 12.500 euro
Acquisition de Saint-Tropez 40.000 euro
Construction villa 80.000 euro
TOTAL 182.500.00 euro
Solde du compte 137.500.00 euro
B- MONSIEUR
1er : En nature
Loft de La plaine Saint Denis
2nd : En valeur
Dues par la communauté
Néant
Dues à la communauté
Remboursement du prêt 49.090,90
Construction piscine 0
Solde du compte : 49.090,90
II/ MASSE COMMUNE
1er : Actif
Solde compte récompense Mme 137.500.00 euro
Solde compte récompense Mr 49.090,90 euro
Compte joint 25.000 euro
Valeurs mobilières 95.000 euro
Total 306.590,90 euro
2nd : Passif
Piscine 30.000 euro
Impôts Mme 20.000 euro
ACTIF NET 256.590,90 euro
Dont ½ 128.295,45 euro
Part de Monsieur : 128.295,45 euro - 49.090,90 euro = 79.204,55
Part de Madame : 128.295,45 euro - 137.500.00 euro = soulte de 9.204,55 .
Pour les attributions, Charles-Edouard doit tout recevoir et, en outre, une soulte de 9.204,55 versée par sa femme.
Maîtrise en droit - Carrières juridiques et judiciaires Cours de droit des Régimes Matrimoniaux
Epreuve du 28 janvier 2003
Durée de l'épreuve : 3 heures
Sujets
Les étudiants traiteront, au choix, l'un des deux sujets suivants.
Sujet théorique.
La protection des créanciers des époux dans le régime matrimonial.
Sujet pratique.
Francis et Fernande se sont mariés le 7 décembre 1983, sans contrat de mariage. De cette union sont issus deux enfants Aude et
Olivier, nés respectivement en 1984 et 1987.
Au jour du mariage, Francis et Fernande ne possédaient l'un et l'autre qu'une solide confiance dans leur bonne étoile. Fernande
reprit au début de son mariage l'exploitation d'un magasin d'artisanat d'art que lui avait été transmis sa mère. Mais dés la
naissance de son premier enfant, elle préféra mettre ce fonds en gérance, moyennant une redevance de 500 euros par mois. Ce
fonds qui existe toujours est actuellement évalué à 100.000 euros.
Quant à Francis, il terminait brillamment de l'Ecole du Barreau et s'associait avec l'un de ses meilleurs amis d'enfance pour
fonder un cabinet qui paraissait promis à un grand avenir.
Cette espérance ne devait malheureusement pas se réaliser. En 1990, Francis dut abandonner son cabinet à la suite d'une violente
altercation avec son associé. Celui-ci s'étant livré à son encontre à des propos injurieux et diffamatoires, Francis perçut une
indemnité réparant l'atteinte portée à sa réputation d'un montant de 15.000 euros. Cette somme a été dépensée au jour le jour
pour faire face à une situation financière provisoirement difficile, sans que les époux soient en mesure de dire précisément
comment elle a été employée.
En 1986, Fernande avait recueilli dans la succession de sa mère, un terrain situé à Nuits Saint Georges, en indivision avec ses
deux frères. Ce terrain était, à l'époque, évalué à 6.000 euros. Les droits à payer pour cette succession s'élevaient à 400 euros,
que Fernande a réglés à l'aide de la redevance payée par le gérant du magasin le mois précédent. Par la suite, elle a racheté la part
de ses deux frères dans ce terrain pour un prix global de 5.000 euros frais compris, payés à l'aide d'une somme de même montant
qu'elle avait gagnée au « quinté plus » quelques jours plus tôt.
En 1996, Francis et Fernande ont décidé de faire construire sur le terrain de Nuits Saint Georges une maison d'habitation. Le
coût de cette construction s'est élevé à 50.000 euros, payés pour moitié à l'aide de deniers donnés à Francis par ses parents, et
pour l'autre moitié grâce à un emprunt contracté auprès de la Banque d'Indochine, remboursable en 10 annuités de 3.500 euros
chacune. Au le janvier 2003, la maison de Nuits Saint Georges vaut globalement 100.000 euros, le terrain représentant à lui seul
une valeur de 15.000 euros. Sur l'emprunt contracté pour financer la construction, il reste dû 14.000 euros, dont 10.000 en capital
et 4.000 en intérêts. En outre, Francis, qui aime le faste, a fait refaire dans le courant de l'année 2002 toute la décoration
intérieure de la maison. Il a pour cela engagé une dépense de 20.000 euros qui n'est pas encore réglée.
Les enfants grandissant, les deux époux ont préféré confié leur éducation à un internat bon chic bon genre, qui implique une
scolarité d'un coût de 2.000 euros par an. Pendant ce temps, Fernande décida d'occuper ses loisirs en boursicotant. Elle s'est
d'ailleurs montrée une gestionnaire particulièrement avisée, de sorte que à la fin de l'année 2000 le couple s'est trouvé à la tête
d'un portefeuille alors évalué à 100.000 euros. Mais la conjoncture internationale étant aujourd'hui particulièrement défavorable,
Fernande malgré toute son habileté n'a pu empêcher qu'il ne perde la moitié de sa valeur au cours de l'année dernière.
Cependant, en 1998, à l'insu de son épouse, Francis, s'étant laissé circonvenir par son frère Léon qui se débattait dans de grandes
difficultés économiques à la tête de son entreprise, a accepté de constituer sur ces valeurs mobilières un nantissement en garantie
d'une ouverture de crédit consentie à Léon par la Banque des Indes Occidentales. Léon ayant été placé en redressement judiciaire
le 15 septembre dernier, la banque vient d'assigner les deux époux en vue de se faire attribuer les titres affectés à la garantie de sa
créance.
Les rapports de Francis et Fernande se sont beaucoup dégradés depuis trois ans. Or, alors que ils tentaient de restaurer leur
couple au moyen d'une croisière sur le Mermoz à l'occasion du nouveau millénaire, Francis rencontra sur le pont du navire par
une belle nuit romantique la jeune Péronnelle tout droit sortie de la Star Academy, avec qui il eut une brève mais torride liaison.
Au retour de cette croisière, Francis a mis fin à cette relation après avoir donné à Péronnelle, à titre de cadeau de rupture, une
somme de 20.000 euros, sous la forme d'un chèque tiré sur son compte bancaire. Toutefois, Péronnelle ayant mis au monde au
mois de septembre suivant une fille prénommée Mathilde, Francis, en père conscient de ses devoirs, a reconnu cette enfant
devant l'officier d'état-civil le 6 janvier 2002. Pendant quelques mois, il a versé à la mère au titre de sa participation à l'entretien
de sa fille une somme de 300 euros par mois. Mais ses bonnes dispositions se sont très vite arrêtées et, dés le mois de novembre
suivant, il a cessé tout versement. Péronnelle vient de l'assigner en pension alimentaire au nom de l'enfant, et lui réclame une
somme de 500 euros par mois.
La découverte de l'existence de Mathilde aussi bien que la révélation du nantissement des valeurs mobilières qu'elle avait si bien
gérées ont été pour Fernande la goutte d'eau qui a fait déborder un vase déjà bien plein. Elle envisage une procédure de divorce,
et vous demande conseil.
Questions.
1)
Fernande vous demande si elle peut s'opposer aux prétentions de la Banque des Indes Occidentales et comment. Elle
souhaite que vous lui précisiez les conséquences de l'engagement pris par son mari à l'égard de chacun des époux.
2) Elle s'inquiète plus généralement de la situation financière du ménage, d'autant que la somme due pour la scolarité des
enfants au titre de 1 `année 2002 n'est pas réglée. Elle vous demande de lui dire comment toutes ces dettes seront payées et qui
va les supporter.
3)
Enfin, elle désire que vous lui indiquiez quels sont ses droits dans la communauté existant entre elle et son mari en
prévision d'un éventuel divorce, étant précisé qu'outre les bien ci-dessus désignés, chacun des époux est titulaire d'un compte à la
banque d'Indochine dont le solde est au le janvier 2003, de 3.000 euros pour Francis et de 4.600 euros pour Fernande.
N.B. 1) Les étudiants suppléeront toutes les informations qui leur paraîtraient tout à la fois manquantes et nécessaires au
traitement de l'exercice.
2) Documents autorisés : Code civil
Calculette.
ELEMENTS DE CORRECTION
Première question (4 points)
Francis a constitué un nantissement sur une ouverture de crédit consentie à son frère Léon.
Or celui-ci est en règlement judiciaire.
Il s’agit d’une dette propre du mari : l’article 1415 du code civil est applicable et l’accord des deux époux serait nécessaire.
Aux termes de l'article 1415 du Code civil, chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un
cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint qui,
dans ce cas, n'engage pas ses biens propres.
L’arrêt important est celle du 15 mai 2002 (D., 2002, jur. p. 1780, note C. Barberot ; Gaz. Pal., Rec. 2002, somm. p. 912, J. n°
176, 25 juin 2002, p. 20): le nantissement constitué par un tiers pour le débiteur est un cautionnement réel soumis à l’art. 1415
C. civ.. Dans le cas d’un tel engagement consenti par un époux sur des biens communs, sans le consentement exprès de l’autre,
la caution, qui peut invoquer l’inopposabilité de l’acte quant à ces biens, reste seulement tenue, en cette qualité, du paiement de
la dette sur ses biens propres et ses revenus dans la double limite du montant de la somme garantie et de la valeur des biens
engagés, celle-ci étant appréciée au jour de la demande d’exécution de la garantie.
Le cautionnement n’est pas nul mais inopposable au conjoint.
Deuxième question (4 points)
La dette de scolarité est une dette ménagère, donc solidaire par application de l’article 215 du code civil.
Quant à l’emprunt, deux solutions sont possibles : soit il a été souscrit par les deux époux et la dette est solidaire ; soit il a été
souscrit par Fernande seule et alors elle est seule engagée.
Pour la décoration de l’appartement, bien que la dette ait été souscrite par Francis seul, c’est une dette commune par
application de l’article 1413.
Quant à la pension alimentaire, il s’agit d’une dette commune par application de l’article1409 du code civil.
LIQUIDATION (12 points)
Observations liminaires
1. Liquidation normale du régime de communauté légale, en application des lois du 13 juillet 1965 et 23 décembre 1985.
2. Le magasin d’artisanat
- Le bien a été transmis par la mère de l’épouse (1405 du Code civil)
- En revanche, les fonds provenant de l’exploitation du magasin de la femme (redevance de 500 euros) sont communs.
3. Le cabinet d’avocat
- Le cabinet d’avocat a été créé au cours du mariage : c’est un acquêt donc un bien commun (art. 1401)
- Le bien a disparu, en raison de la dispute entre les associés ;
- L’indemnité perçue à raison de propos injurieux ou diffamatoires est propre (art. 1404 + jp)
- Récompense due par la communauté au mari : en effet, il résulte du libellé du cas pratique que la communauté a utilisé
cette somme pour faire face à des dettes courantes. La preuve est donc faite de l’utilisation par la communauté de la somme
propre (exigence jurisprudentielle). Une discussion peut être admise sur ce point de la preuve.
- montant de la récompense : 15.000 euros (valeur de la villa hors prix du terrain au jour de la liquidation)
4. Terrain à NUITS SAINT GEORGES
- Bien propre, en tant que bien futur (1405)
- Une récompense est due par Fernande raison des frais qu’elle a dû avancer pour que Fernande puisse obtenir la
succession
- Calcul : [400 (frais) / 6000 (Coût total de l’opération)] x 15.000 (Valeur actuelle du terrain) = 1.000 euros
- La somme gagnée au quinté plus est un bien commun : son origine importe donc peu
- L’acquisition des parts indivises de ses deux frères laisse la qualité de bien propre au terrain de Nuits Saint Georges
(1408)
- Une récompense est due à la communauté qui a payé (1408)
- Calcul : quotité acquise x Valeur actuelle, Soit 2/3 x 15.000 = 10.000 euros
- La construction sur un terrain propre est un bien propre (1406)
- Le financement est double : d’une part, une somme avancée par Francis (c’est une dette de propre à propre), et la
récompense est de la moitié de la valeur de la villa sans le terrain 85.000/2 = 42.500 euros. D’autre part, une somme
provenant d’un prêt de la banque ; une récompense est due : Capital avancé par la communauté / Coût de l’achat x Valeur
actuelle du bien [15.000/25.000] x 85.000 = 51.000 euros
- La dépense liée à la décoration intérieure est une dépense d’entretien d’un bien propre. La charge définitive pèse donc
sur la communauté (Arrêt du 31 mars 1992)
5. Frais de scolarité
- C’est une dette de la communauté (cf. question n°1)
6. Actions boursières
- Ces actions ont été acquises pendant la communauté et sont donc des acquêts, des biens communs (1401)
7. Péronelle
- Ce cadeau est une dépense personnelle, d’où récompense due à la communauté
- La récompense est égale à la valeur du cadeau au jour du don ;
- Récompense : 20.000 euros
- Le paiement de la pension alimentaire est aussi une dépense personnelle
- Récompense : 300 euros x 10 mois = 3.000 euros
- Total : 23.000 euros
Première Partie : Reprises et récompenses
I. REPRISES
a) Francis
Rien
b) Fernande
- Le magasin d’artisanat : 100.000 (2)
- La maison de NUITS SAINT GEORGES : 100.000 (4)
Total : 200.000
II. RECOMPENSES
Monsieur
__________________________________
+
15.000 (3)
23.000 (6)
Madame
________________________________
+
0
10.000 (4)
51.000 (4)
1.000 (4)
_______________________________________________________________________
- 8.000 euros
- 62.000 euros
Deuxième Partie. L’actif de communauté
Actif
Passif
50.000 (5)
20.000 (4)
Solde : + 30.000
RM + 8.000
RF + 62.000
_______________
Actif net : 100.000
Moitié: 50.000
MONSIEUR
50.000
- 8.000
MADAME
50.000
- 62.000
_____________
42.000
____________________
- 12.000 (SOULTE DUE À SON MARI)
VERIF: 42.000 – 12.000 = 30.000 = Communauté sans RM et RF
Quatrième Partie. Les attributions
MONSIEUR:
- TOUT l’actif : 30. 000
- LA SOULTE : 12.000
TOTAL 42.000 euros
MADAME
- SOULTE : - 12.000
Maîtrise en droit
Matrimoniaux
Epreuve du 27 janvier 2004 Droit des Régimes
Durée : 3 heures Cours de Madame Flour
Sujets
Les étudiants traiteront, au choix. l'un des deux sujets suivants.
1 - Sujet théorique.
L'entreprise conjugale dans le régime de la communauté.
2 - Sujet pratique.
Anticipant quelque peu sur le paysage audiovisuel, Elodie Star et Michal Academy se sont connus sur le plateau d'une célèbre
émission de télévision en 1995. Ils se sont mariés sans contrat le 6 juillet de la même année.
Michal avait créé le 1er juin 1995 une école de danse, revendue en septembre 1999 pour un prix de 200 000 E. Le 26 janvier
2000, il a acquis un chalet à Megève, moyennant un prix principal de 370 000 E payés comptant, auquel se sont ajoutés 30 000 E
de frais. Michal a déclaré dans l'acte faire cette acquisition à titre de remploi de deniers propres, à concurrence de 200 000 E
provenant de la vente de son fonds de commerce.
Quant à Elodie, elle avait acquis le 17 juillet 1990 acquis un appartement T2 à La Rochelle, pour un prix de 90 000 E et 10 000 E
de frais, le tout financé à hauteur de 50 000 E par un emprunt contracté pour 10 ans, remboursable en dix annuités payables le
1er juillet de chaque année. Chaque annuité s'élevait à 5 300 E, dont 5 000 E de capital et 300 E d'intérêts, étant précisé que le
remboursement de cet emprunt s'est déroulé selon l'échéancier prévu, la première annuité ayant été réglée le 1er juillet 1991 et la
dernière le 1er juillet 2000.
Par ailleurs, Elodie a recueilli dans la succession de son père, décédé le 12 mars 1997, indivisément à part égale avec son frère,
une maison d'habitation sise à Rennes, 1 rue de la Presse. Le 18 mai suivant, elle a racheté à son frère la moitié indivise de cette
maison au prix de 150 000 E frais compris. Cette somme a été payée à concurrence de 50 000 E au moyen de deniers provenant
également de la succession paternelle. Le surplus a été fourni par Michal, qui a prélevé l'argent nécessaire sur les bénéfices de la
vente d'un disque enregistré l'année précédente.
Finalement, Elodie a revendu cette maison le 3 janvier 2003 au prix de 400 000 E. A l'aide de cette somme, Elodie a aussitôt
racheté une maison située à Vannes, pour un prix global (frais compris) de 200 000 E. L'acte contient une déclaration de remploi
de deniers propres. Le 2 septembre 2003, elle a également acquis dans les mêmes conditions un studio à Tignes pour un prix de
200 000 E.
Michal a de son côté hérité de sa mère, morte en 1998 à Capri. Il a recueilli dans cette succession 1200 actions TF1, ainsi qu'une
somme de 50 000 E que le notaire a fait verser à son compte bancaire après règlement de tous les frais. L'année suivante, la
société TF1 a procédé à une augmentation de capital, lors de laquelle il était proposé aux anciens actionnaires la possibilité de
souscrire une action nouvelle pour deux anciennes. Les actions nouvelles ont été émises pour un montant nominal de 200 E
chacune, et le droit préférentiel de souscription attaché à chacune des actions anciennes a été coté 50 E. Michal possède
aujourd'hui 1500 actions TF1, cotées 270 E l'une, étant précisé qu'aucune autre opération n'a eu lieu sur ces titres.
Le 6 septembre 2003, Elodie a donné le studio de Tignes à l'un de ses amis, prénommé Patxi. Et le 1er janvier dernier, Michal a
annoncé à son épouse sa décision de demander le divorce afin de se passer avec Patxi...
A cette date, on trouve dans le patrimoine des époux les biens suivants - un chalet à Megève, évalué 500 000 E
- un appartement T2 à La Rochelle, évalué 200 000 E - une maison à Vannes, évaluée
250 000 E
- un portefeuille de valeurs mobilières d'un montant total de 470 000 E (comportant notamment 1500 actions TF1 d'une valeur de
270 E chacune)
- un compte bancaire au nom de Michal, présentant un solde créditeur de 17 000 E - un compte bancaire au nom
d'Elodie, présentant un solde positif de 13 000 E
- une voiture au nom de Michal, estimée 45 000 E
- divers éléments mobiliers, pour une valeur de 60 000 E.
Il reste à payer une facture, d'un montant de 27 000 E, établie par un traiteur célèbre à l'occasion d'une fête particulièrement
réussie qu'Elodie et Michal avaient donnée le 14 juillet 2003 pour célébrer dans la joie leur Sème anniversaire de mariage.
Elodie, qui craint d'avoir beaucoup à perdre dans ce divorce, vous demande de lui préparer une liquidation prévisionnelle de la
communauté existant entre elle et son mari.
N.B. 1 - Par commodité, toutes les valeurs ont été converties en euros, même pour les opérations antérieures à son entrée en
vigueur.
N.B. 2 - Si des données nécessaires au traitement du sujet vous paraissent manquer, il vous appartient d'y suppléer par
l'imagination.
Documents autorisés : Code civil Calculette.
ELEMENTS DE CORRECTION
I. LIQUIDATION DU REGIME MATRIMONIAL
1. Régime matrimonial. - Le 6 juillet 1995, Michal s'est marié sans contrat avec Elodie. Leur
mariage étant postérieur à l’entrée en vigueur de la loi du 10 juillet 1965, les époux seront soumis
au régime légal de la communauté réduite aux acquêts.
1. Observations préalables
3. Fonds de commerce. – Le 1er juin 1995, Michal a créé un fonds de commerce d’école de
danse. La première question est évidemment de savoir quelle est la nature de ce fonds de
commerce. La question classique et le débat fut amplement et talentueusement développé naguère
par André Colomer dans son ouvrage consacré au fonds de commerce appréhendé par le droit des
régimes matrimoniaux.
En réalité, au travers du débat sur la qualification du fonds de commerce créé quelques jours avant
le mariage, c’est un choix conceptuel sur le contenu de la clientèle en droit français qui doit être
fait. Soit la clientèle est envisagée comme un flux de clients et alors la constatation de ce flux peut
exiger un certain temps en fonction de l’activité commerciale considérée : la clientèle est constituée
lorsque le premier client venu est tenté de revenir chez le commerçant et il paraît évident que ce
retour dépend du taux de renouvellement du produit vendu. Un épicier voit plus souvent son client
revenir qu’un marchand de voitures… Soit encore la clientèle est considérée comme la pénétration
du premier client à l’intérieur du local : comme l’hirondelle est, selon la sagesse populaire, le signe
annonciateur du printemps, le « premier client » est le signe du pouvoir attractif du fonds de
commerce et/ou du commerçant. Soit enfin, la clientèle est appréhendée dans sa potentialité :
l’ouverture du fonds de commerce est suffisante pour pouvoir estimer qu’une clientèle existe, quand
bien même aucun client (et a fortiori aucun flux) de clientèle ne peut être observé.
Face à ces trois constructions théoriques, la jurisprudence a tranché : pour le droit des régimes
matrimoniaux, il y a lieu de considérer la réalité d’une clientèle – et donc l’existence d’un fonds de
commerce – dès lors que le local commercial a été ouvert au public. Cette prise de position a
d’ailleurs été davantage le fruit de la difficulté à apporter la preuve d’un flux et surtout à déterminer
à partir de quel nombre de clients il conviendrait de parler d’une véritable clientèle. En l’espèce,
Michal ayant créé le fonds de commerce environ deux mois avant le mariage, il convient de
considérer le bien comme un bien présent au jour du mariage et donc un bien propre par
application de l’article 1405 du code civil.
4. Vente du fonds de commerce et utilisation des fonds. - Michal a revendu le fonds de
commerce pour un prix de 200000 . Le produit de cette vente a été utilisé, avec une déclaration
de remploi, à hauteur de 200.000 pour l’acquisition d’un chalet à Megève.
Michal a donc acquis ce chalet, moyennant un prix principal de 370.000 et des frais de 30.000 .
Il a déclaré faire remploi des fonds provenant de la vente du fonds de commerce. Il a déclaré, lors
de cet achat, faire cette acquisition pour son compte personnel, à titre de remploi de la somme de
200.000 .
La difficulté est que le coût total de l’opération, frais inclus, est de 400.000 et que la participation
du patrimoine propre de Michal est exactement de la moitié.
Il convient de se souvenir de l’article 1436 du code civil :
« Quand le prix et les frais de l'acquisition excèdent la somme dont il a été fait emploi ou remploi,
la communauté a droit à récompense pour l'excédent. Si, toutefois, la contribution de la
communauté est supérieure à celle de l'époux acquéreur, le bien acquis tombe en communauté,
sauf la récompense due à l'époux ».
Le législateur n’a pas prévu la situation, théorique il est vrai, de stricte égalité entre les fonds
déclarés à titre de remploi par le patrimoine propre et la participation de la communauté à
l’opération. En cas de doute, la présomption de communauté doit céder devant la volonté exprimée
des époux : lorsque la contribution de la communauté est égale à celle de l'époux acquéreur, le
bien acquis est considéré comme un bien propre, sauf la récompense due à la communauté. C’est
encore cette volonté, exprimée devant le notaire, qui doit faire également céder les réserves
exprimées ci-dessus en raison de la tardiveté du remploi par rapport à la réalisation du bien propre.
Cette récompense due par Michal à la communauté est donc égale à la moitié de la valeur actuelle
du bien (500.000 ), soit 250.000 .
5. Appartement de La Rochelle. Le 17 juillet 1990, Elodie avait acquis un appartement situé à
La Rochelle. C’est incontestablement un bien présent, donc un bien propre de l’épouse.
Toutefois, cet immeuble n’a pas été payé comptant : le prix total de ce logement était de 90.000
outre 10.000 de frais et il a été financé un emprunt sur dix ans à amortissement constant,
remboursable par annuités égales, le 1er juillet de chaque année, de 5.000 de capital et 300
d’intérêts.
La communauté a donc financé pour partie l’acquisition d’un bien qui se retrouve dans le patrimoine
propre d’un époux, qui, de ce fait, doit une récompense par application de l’article 1437 du code
civil.
Depuis le célèbre arrêt du 31 mars 1992, la communauté à laquelle sont affectés les fruits et
revenus des biens propres doit supporter les dettes qui sont la charge de la jouissance de ces
biens : en cas de règlement par la communauté ou par un des époux des annuités d'un emprunt
souscrit pour l'acquisition d'un bien propre à l'autre époux, il y a lieu pour la détermination des
sommes dont ce dernier leur est redevable d'avoir égard à la fraction ainsi remboursée du capital, à
l'exclusion des intérêts, qui sont une charge de la jouissance (Civ. 1re, 31 mars 1992: Bull. civ. I,
no 96; GAJC, 11e éd., no 91; JCP 1993. II. 22003, note Pillebout; ibid. 22041, note Tisserand;
Defrénois 1992. 1121, note Champenois; ibid. 1993. 545, étude Morin; RTD civ. 1993. 401, obs.
Lucet et Vareille).
Il convient de retenir, au titre des sommes avancées par la communauté, la seule partie de la
mensualité en capital, soit 5.000 , à l’exclusion de la partie représentant les intérêts (300 ). En
l’espèce, les époux se sont mariés le 6 juillet 1995 et le crédit de 10 ans a pris fin le 1er juillet 2000.
Cela représente 5 mensualités à 5.000 , soit une récompense totale de 25.000 .
La récompense est donc égale à 25.000/100000 de la valeur actuelle du bien, soit un quart de
200.000 = 50.000 .
6. Appartement de Paris et maison de Rennes.- Elodie a recueilli dans la succession de son
père, en indivision par parts égales avec son frère, une maison en indivision située à Rennes. Cette
moitié indivise de la maison de Rennes est un bien propre, ayant été reçue dans le cadre d’un
héritage.
Elodie a racheté la part de son frère. L’article 1408 du code civil dispose que « l'acquisition faite, à
titre de licitation ou autrement, de portion d'un bien dont l'un des époux était propriétaire par
indivis, ne forme point un acquêt, sauf la récompense due à la communauté pour la somme qu'elle
a pu fournir ». La villa de Rennes est donc dans sa globalité un bien propre de Mme Dubois. Il faut
maintenant la participation de la communauté dans cette opération : il nous est dit que partie du
prix (100.000 ) ont été réglés par Michal, qu’Elodie a utilisé les 50.000 reçus de la succession
paternelle pour payer partie du prix.
Les 100.000 réglés par Michal proviennent des bénéfices de la vente d’un disque : il convient
donc de faire application de la présomption de communauté et de dire que les fonds utilisés sont
indubitablement communs.
L’argent fourni par Michal est en réalité commun et Elodie doit donc une récompense à celle-ci.
Cette récompense est donc de 100.000/300.000, soit 1/3 de la « valeur actuelle » du bien.
En effet, la maison de Rennes a été vendue 400.000 le 3 janvier 2003. Avec cette somme, elle a
acquis une maison à Vannes pour un prix de 200.000 . L’acte comprenait une clause de remploi :
la femme a donc remployé le produit de la vente de la maison de Rennes (soit 400.000 ) à
hauteur de 200.000 . Cette maison est un bien propre, le remploi étant valable et il reste 200.000
de fonds d’origine propre.
Ces 200.000 ont été utilisés pour l’acquisition d’un studio à Tignes, pour un prix de 200.000 en
principal. Ce nouveau bien est donc un bien propre de la femme par remploi, une clause ayant été
insérée en ce sens dans l’acte notarié, et il ne reste plus rien de la vente de la maison de Rennes.
Reste la récompense due par la femme à la communauté soit 1/3 de la maison située à Vannes
(250.000) et du studio de Tignes (200.000), soit 1/3 x 450.000 = 150.000 .
7. L’héritage de Michal. Il a hérité de sa mère des actions TF1. Ce portefeuille doit être
considéré comme un bien « futur », bien reçu à titre de donation ou succession pendant le
mariage, donc comme un bien propre par application de l’article 1405 du Code civil.
Une augmentation de capital a eu lieu. Que ce soit par l’application de la théorie de l’accessoire (ou
de l’accession) ou par application de la jurisprudence développée le 22 novembre 1998, il convient
de dire que les actions nouvelles acquises à l’occasion de cette augmentation de capital seront
également propres.
Reste que la communauté a participé à l’acquisition d’un bien se retrouvant dans le patrimoine
propre de l’époux au jour de la liquidation. Il est donc dû récompense par le mari à raison de cette
acquisition financée par des biens communs.
Michal avait au départ 1.200 actions. Il pouvait en acquérir, lors de l’augmentation de capital, 1
actions nouvelles pour 1 actions anciennes. Il aurait pu acquérir (1.200 : 2 = 600 droits de
souscription) 600 actions nouvelles. Or, il en a acquis 1.500 actions au jour du décès – 1.200
données par son père, soit 300 actions nouvelles ou 600 droits de souscription.
La communauté a participé en payant : 300 actions nouvelles x 200 = 60.000 ; en encaissant :
600 droits de souscription x 50 = 30.000 .
La dépense pour la communauté est donc de 30.000 .
Le coût total de l’opération est de : (300 actions nouvelles x 200) + ( 600 dds x 50 ) =90.000 .
Valeur actuelle de 300 actions : 300 x 270 = 81.000
La récompense est donc de : (30.000/90.000) x 81.000 = 27.000 .
8. Donation. –Elodie a donné à Patxi le studio de Tignes : ce studio a été retenu comme étant
un bien propre par remploi du prix de la villa de Rennes. Un époux peut donner librement un bien
propre sans devoir récompense à la communauté. Par conséquent, cette opération ne porte pas
conséquent quant à la liquidation de communauté.
9. Meubles. Par l’application de la présomption de communauté résultant de l’article 1401 du code
civil, les deux comptes bancaires, la voiture et les divers meubles doivent être considérés comme
des biens communs.
2. Etat liquidatif de la communauté
ELEMENTS DE REPONSE CHIFFRES
I - Reprises et Récompenses
1 Elodie
a) En nature
Appartement La Rochelle
Maison de Vannes
b) Récompenses dues par la
communauté
Néant
c) Récompenses dues à la
communauté
pour l'acquisition de La Rochelle
pour l'acquisition de Rennes
Total
Balance du compte de Elodie
2 Michal
a) En nature
Chalet de Megève
Actions TF1
b) Récompenses dues par la
communauté
Encaissement de deniers propres
sans remploi
c) Récompenses dues à la
communauté
Acquisition Megève
Augmentation de capital
Total
200.000,00
250.000,00
50.000,00
150.000,00
200.000,00
-200 000, 00
500.000,00
405.000,00
50.000,00
250.000,00
27.000,00
277.000,00
Balance du compte de Michal
-227.000, 00
II - Masse de Communauté
1)Actif
Solde du compte de récompenses
d'Elodie
Solde du compte de récompense de
Michal
Comptes bancaires
Voiture
Mobilier
Portefeuille
Total de l'actif commun
2) Passif
200.000,00
227.000,00
30.000,00
45.000,00
6.0000,00
65.000,00
627.000,00
Facture Traiteur
27.000,00
Total passif commun
27.000,00
Actif net de Communauté
600.000,00
Dont 1/2 revient à chacun des époux
300.000,00
III - Droits des parties
1) Elodie
1/2 actif net de communauté
300.000,00
Déduction de la récompense due à
- 200.000,00
communauté
Total
100.000,00
2) Michal
1/2 actif net de communauté
Récompense due par cté
Total
300.000,00
-227.000,00
73.000,00
UNIVERSITE DE PARIS I
DROIT DES SUCCESSIONS
Cours de Mademoiselle Yvonne FLOUR
Document établi par Monsieur Frédéric-Jérôme PANSIER
ANNALES
LIMINAIRE : LE REGIME DES EXAMENS A L’Université DE PARIS I
(PANTHEON SORBONNE)
- Le cours de quatrième année en maîtrise CARRIERES JUDICIAIRES comprend au premier semestre le droit des
régimes matrimoniaux et au second semestre le droit des successions.
- Pendant un certain nombre d’années, et en tout cas à compter de 1992, le droit des successions pouvait être
choisi, au lieu et place du cours de droit des régimes matrimoniaux, sous le régime des travaux dirigés par les
étudiants de la maîtrise CARRIERES JUDICIAIRES… L’étudiant pouvait choisir comme matière de travaux dirigés soit
le droit des régimes matrimoniaux, soit le droit des successions.
Ce cours donnait lieu à un examen de TROIS HEURES. Le candidat avait le choix entre le sujet de droit des contrats
spéciaux et celui de successions.
Des cas pratiques ou des dissertations étaient données.
Ce sont les sujets I n°1 et suivants, NON CORRIGES, mais qui peuvent, pour les plus courageux donner des idées.
- A partir de 1995, le droit des successions est devenue une matière obligatoire dans ses enseignements pour les
étudiants de la maîtrise CARRIERES JUDICIAIRES et optionnel pour ceux de la maîtrise DROIT DES AFFAIRES.
Le contrôle des connaissances est opéré par un ORAL-ECRIT. Ce sont les sujets à compter du II.
Autrement dit, ce sont des petites questions, à traiter en UNE HEURE, mélange de cas pratiques d’application ou de
questions de cours.
Pour les cas pratiques, il s’agit essentiellement de connaître les techniques :
- de dévolution successorale ;
- de rapport des donations et libéralités, de calcul de la réserve et de la quotité disponible, de la réduction
éventuelle
Dans ces annales, la solution vous est indiquée en italique.
ATTENTION : il est évident que votre réponse ne peut être cet élément de correction, puisqu’elle doit être motivée.
- DROIT POSITIF: Depuis l’année universitaire 2000, le cours de droit des successions est:
- obligatoire pour les étudiants de la maîtrise CARRIERES JUDICIAIRES, qui peuvent le choisir comme matière
comportant des TD ou comme matière d’oral (la matière de TD est alors le droit des entreprises en difficultés).
- optionnel pour ceux de la maîtrise DROIT DES AFFAIRES.
Les épreuves sont donc aujourd’hui:
- un ORAL-ECRIT, composé de petites questions, à traiter en UNE HEURE, mélange de cas pratiques d’application ou
de questions de cours. Ceci concerne les étudiants de la maîtrise CARRIERES JUDICIAIRE ayant choisi le droit des
entreprises en difficulté à titre de matière à option et les étudiants de la maîtrise DROIT DES AFFAIRES ou
INTERNATIONALE...
Il faut se reporter aux sujets I.
- un écrit de TROIS HEURES, qui comporte le choix entre une dissertation et une liquidation de succession. Il faut se
reporter aux sujets II. 1 et suivants.
SUJET N°I. 1 : JUIN 1992
LIQUIDATION DE SUCCESSION
Argan, ingénieur retraité, est décédé 31 décembre 1991 en son domicile à Damétal-les-Rouen, laissant pour
recueillir sa succession :
1) Sa femme, Bélise, sans profession qu'il avait épousée le 10 novembre 1955 à la mairie d'Yvetot, suivant un
régime de séparation de biens aux termes d'un contrat reçu par Me Bridoison, notaire à Fauville en Caux le 3
novembre précédent ;
2) Valère, né en 1958, Instituteur à Evreux ;
3) Angélique, née en 1961, demeurant à Rouen, aujourd'hui en chômage après s'être essayée sans succès au
commerce d'articles de sport, expérience dans laquelle elle a laissé beaucoup d'argent;
4) Léandre, né en 1968, étudiant à Rouen;
5) et ses trois enfants, tous issus de son mariage avec Bélise.
Après le décès. Léandre a retrouvé dans les papiers de son père. un testament olographe ainsi conçu :
“septembre 1983
Je Soussigné, Argan Z.... par le présent testament, laisse à mon épouse la quotité disponible de ma succession
Je révoque toutes dispositions antérieures."
Ce document, sans aucune autre indication, se trouvait placé dans une enveloppe cachetée, portant elle-même les
mentions suivantes “Ceci est mon testament.
Signé : Argan.”
Par ailleurs, de son vivant, Argan avait successivement gratifié chacun de ses enfants de la manière suivante
- En 1980, il avait donné à Valère, pour l’aider à s'installer, une somme de 200.000 francs par préciput et hors part
somme que Valère a employée à l'acquisition d'une maison à Evreux pour un prix de 300.000 francs. Cette maison a
été évaluée 450.000 francs dans la déclaration de succession et vaut aujourd'hui 600.000 francs.
• En 1981. Argan a donné en avance d'hoirie au jeune Léandre un studio à Hardelot (Pas de Calais). Au début de
l'année 1991, Léandre a utilisé toutes les économies qu'il a réalisées en travaillant chaque été dans l'étude de Me
Bridoison depuis le début de ses études de droit pour rénover complètement ce studio. Au jour du décès, la valeur
pouvait en être estimée à 220.000 francs, mais, selon Me Bridoison que Léandre a interrogé elle n’aurait été que de
150.000 francs sans les travaux qui venaient d'y être réalisés. Actuellement, le studio est évalué 300.000 francs,
mais ne vaudrait que 250.000 francs sans ces mêmes travaux.
• Enfin, au cours des années 1989 et 1990, Argan a remis à sa fille Angélique plusieurs chèques d'un montant global
de 150.000 francs, que celle-ci a employée à payer diverses dettes tant fiscales que commerciales, pour tenter
d'éviter la ruine de ses affaires, sans succès d'ailleurs puisque Angélique n'en a pas moins été contrainte de déposer
son bilan à la fin de l'année 1990, et que la liquidation judiciaire a été prononcée courant 1991.
Le patrimoine du défunt au jour de sa mort est ainsi composé :
• Un appartement à Damétal les Rouen, acquis en indivision par les époux Argan et Bélise, peu après la naissance
de Valère. Cet appartement a été acquis pour 400.000 francs, payés comptant à concurrence de 200.000 francs à
l'aide du prix de vente d'un studio appartenant à Argan et dans lequel le couple a vécu les premières années du
mariage. Le surplus a été payé par un emprunt, intégralement remboursé par Argan à l'aide de son salaire
d'ingénieur. Au jour du décès, cet appartement valait 800.000 francs, et sa valeur actuelle est estimée 900.000
francs.
• Un compte ouvert au nom d'Argan au Crédit industriel de Normandie, et présentant à la date du décès un solde
créditeur de 145.000 francs.
• Le passif comprend les frais funéraires s'élevant à 30.000 francs ainsi que le montant de l'I.R.P.P. dû pour l'année
1994, soit 15.000 francs.
La jouissance divise est fixée au 1er juin 1994.
Après avoir analysé les problèmes juridiques que soulève la situation qui vient de vous être présentée, vous
liquiderez et partagerez la succession d'Argan
SUJET I. 2 JUIN 1993
U.F.R. DROIT DES AFFAIRES
Année universitaire 1992-1993
MAITRISE EN DROIT
MENTION CARRIERES JUDICIAIRES
Droit des Successions
Session de Juin 1993
SUJET
Les étudiants traiteront au choix l'un des deux sujets suivants :
ler sujet (théorique)
La saisine.
2ème sujet (cas pratique)
Laurent est décédé le 13 avril 1993, laissant à sa survivance ses trois enfants Maurice, Monique et Michel, et son
épouse Geneviève qu'il avait épousée en 1958 sous un régime de séparation de biens.
A Maurice, Laurent avait donné en 1982, à l'occasion de son mariage, un appartement situé à Rouen, rue des Bons
Enfants, évalué dans l'acte 150.000 francs. Maurice a engagé dans cet appartement des travaux importants avant de
s'y installer avec son épouse. A la date du 13 avril 1993, cet appartement atteint une valeur de 300 000 francs. Mais
on peut considérer qu'il ne vaudrait que 250 000 francs sans les travaux réalisés par Maurice.
A Michel, Laurent a fait donation, en 1985, d'un terrain situé à Fleury-sur-Andelle, évalué dans l'acte 150 000 francs.
Michel, qui n'envisage pas encore une installation définitive, a préféré vendre de bien, pour un prix de 150 000
francs, qu'il a employé à financer un voyage d'études aux Etats-Unis.
Par testament olographe régulier en la forme daté du 1er décembre 1988, Laurent a institué Monique légataire de la
quotité disponible.
Laurent laisse à son décès des biens d'une valeur totale de 220 000 francs. Les frais d'obsèques, non encore réglés,
s'élèvent à un montant de 20 000 francs.
Liquidez et partagez la succession de Laurent.
N.B. : Dans les calculs il ne sera pas tenu compte des centimes.
Code civil autorisé
SUJET N°I. 3 JUIN 1995
UNIVERSITÉ DE PARIS I – PANTHÉON - SORBONNE
U.F.R. DROIT DES AFFAIRES
(Faculté de Droit)
MAITRISE DROIT DES AFFAIRES mention "CARRIERES JUDICIAIRES".
Session de Juin 1995
Durée de l'épreuve : 3 heures.
EXAMEN TERMINAL
Contrats (M. le Professeur L. AYNES)
Successions (Mlle le Professeur Y. FLOUR)
Les étudiants traiteront au choix, l'un des deux sujets suivants :
1. Sujet théorique
L'enfant adultérin et le droit successoral.
2. Sujet pratique :
Commentez l'arrêt suivant : Cass. Civ. 1, 6 janvier 1994
( ARRET NON REPRODUIT ICI ; Cf. Bull. cass., 1994.1.n.1 ; Gaz. Pal., 1994.1, panor. p. 108, Journal n° 153 p. 108
(2 juin 1994) ; D., 1994, somm. p. 208, note P. Delebecque).
SUJET N°I. 4 JUIN 1996
UNIVERSITE DE PARIS I - PANTHEON•SORBONNE
U.F.R. DROIT DES AFFAIRES
(Faculté de Droit)
SESSION DE JUIN 1996
MAITRISE "CARRIERES JUDICIAIRES"
Durée de l'épreuve : 3 heures.
CONTROLE CONTINU
Contrats (M. le Professeur R. LIBCHABER)
Successions (Melle le Professeur Y. FLOUR)
LES ETUDIANTS TRAITERONT AU CHOIX, L'UN DES DEUX SUJETS SUIVANTS
1. SUJET THEORIQUE :
"La substitution de contractant dans les contrats spéciaux".
2. SUJET PRATIOUE
Pierre est décédé, laissant à sa survivance :
- Jeanne, son épouse,
- Paul, son père,
- Gaspard et Jules, ses fils issus de son mariage avec Jeanne,
- Isabelle, sa fille issue des relations qu'il a entretenues avec Germaine au cours de son mariage avec Jeanne.
Sa succession est ainsi composée :
- Actif : 1000 pièces d'or, que Pierre avait enterrées dans le fond de son jardin
- Passif : néant.
1ère question.
Liquidez la succession de Pierre, sachant que le de cujus avait de son vivant :
- donné, à titre de préciput, 100 pièces d'or à Jeanne, alors que brûlaient encore entre eux les premiers feux de la
passion ;
- donné, en avance d'hoirie 50 pièces d'or à Gaspard, alors que celui-ci venait d'être reçu, avec la mention passable,
à ses examens de Maîtrise en droit ;
- donné, par préciput, 50 pièces d'or à Jules, alors que celui-ci venait d'être reçu, avec la mention très bien, à ses
examens de Maîtrise en droit.
2ème question.
Liquidez la succession de Pierre, sachant que Gaspard et Jules, de retour de Mongolie extérieure où ils sont devenus
fervents adorateurs du dieu Pranpadarschan, ont renoncé à la succession.
3ème question.
Liquidez la succession de Pierre, sachant que non seulement Gaspard et Jules, mais aussi Paul que, malgré son
grand âge, ceux-ci sont parvenus à convertir, ont renoncé à la succession.
4ème question.
On suppose maintenant les faits suivants :
Pierre, revenu sur le tard à ses premières amours, a institué sa femme Jeanne légataire universelle.
- Il a, par ailleurs, légué à un vieil ami Marc, qui avait su le détourner des sentiers de perdition où l'adultère
l'entraînait, une maison qui, dans l'actif de succession, s'ajoute ici aux 1000 pièces d'or.
- Depuis l'ouverture de la succession, ni Gaspard, ni Jules, ni Isabelle, pourtant informés du décès de leur père, ne
se sont manifestés, tous trois s'étant retirés dans une bergerie perdue sur un causse désolé que balaient les vents
du Nord, après avoir affirmé urbi et orbi qu'ils entendaient renoncer définitivement au monde, à ses pompes et à ses
œuvres.
Jeanne et Marc vous demandent ce qu'ils doivent faire, désireux qu'ils sont de pouvoir profiter matériellement des
libéralités qui leur ont été consenties.
Ils vous signalent que le comportement de Nadine, fille de Gaspard, les inquiète car celle-ci, ulcérée de l’ascèse que
son père croit devoir s'imposer, a consulté un notaire d'une compétence redoutable pour savoir si elle ne pourrait
pas recevoir, directement ou indirectement quelque chose dans la succession de son grand-père.
Vous répondez à Jeanne et à Marc.
N.B. 1 - Toutes les pièces d'or dont il est question dans cette affaire sont supposées identiques les unes aux autres.
N.B. 2 - Chaque hypothèse (1, 2 3, 4) est indépendante et suppose exclus les faits des hypothèses précédentes.
DOCUMENTS AUTORISES : CODE CIVIL.
SUJET N°I. 5 SEPTEMBRE 1996
UNIVERSITÉ DE PARIS I PANTHÉON•SORBONNE
U.F.R. DROIT DES AFFAIRES
(Faculté de Droit)
SESSION DE SEPTEMBRE 1996
MAITRISE CARRIÈRES JUDICIAIRES DUREE DE L'ÉPREUVE : 3 HEURES.
SUCCESSIONS (Melle le Professeur Y. FLOUR)
LES CONTRATS (M. le Professeur R. LIBCHABER)
LES ETUDIANTS TRAITERONT AU CHOIX, L'UN DES DEUX SUJETS SUIVANTS
1. SUJET THEORIQUE :
"Réserve en nature et réserve en valeur".
2. SUJET PRATIQUE :
"Vous commenterez l'arrêt suivant"
Civ. 1 23 janvier 1996
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu que. selon les juges du fond. M. Leconte a chargé un mandataire. M. Hallouin. de recouvrer les
indemnités lui revenant à la suite d'un occident ; que Mme X avocat. a été chargée Par M. Hallouin de plaider
J'affaire et a remis à M. Hallouin les sommes versées à la suite des décisions intervenues ; que la cour d'appel a
retenu la responsabilité de Mme X... envers M. Leconte à la suite de la défaillance de M. Hallouin. qui est décédé
sans lui avoir remis les fonds ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt attaqué (Paris. 25 mars 1993) d'avoir méconnu les règles du mandat et fait
valoir d'une part que le mandataire substitué qu'elle était n'était tenu envers le mandant que de l'exécution des
actes que le mandataire lui avait confiés, ce qui a été exécuté, d'autre part, que le mandataire substitué n'est pas
tenu de garantir ou de prévenir le mandant contre les risques d'infidélité du mandataire. enfin que le mandant doit
assumer seul le risque résultant du choix d'un mauvais mandataire ;
Mais attendu qu'en venu du second alinéa de l’article 1994 du Code civil le mandataire substitué est directement
responsable de sa faute envers le mandant ; que la cour d'appel a retenu une telle faute en relevant qu'il incombait
à Mme X... de s'assurer que la personne à qui elle remettait les fonds présentait toutes garanties à cet égard ;
qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision.
PAR CES motifs .
REJETTE le pourvoi.
Mme X...contre M. Leconte.
Président: M. Lemontey. • Rapporteur: M. Ancel. • Avocat
général. M. Sainte•Rose. • Avocat: la SCP Bord et Xavier.
L'USAGE DU CODE CIVIL EST AUTORISE.
SUJET I. 6 JUIN 1998
UNIVERSITE DE PARIS 1 • UFR 05 DROIT DES AFFAIRES
SESSION DE JUIN 1998 MAITRISE "CARRIERES JUDICIAIRESII DUREE DE L'ÉPREUVE : 3 HEURES.
CONTROLE CONTINU ET EXAMEN TERMINAL
-
LES CONTRATS (Cours de M. le Professeur F. POLLAUD•DULIAN)
LES SUCCESSIONS (Cours de Melle le Professeur Y. FLOUR)
LES ÉTUDIANTS TRAITERONT AU CHOIX, L'UN DES DEUX SUJETS SUIVANTS
1. SUJET THEORIQUE :
"LA PROTECTION DE LA PARTIE FAIBLE DANS LE DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX''.
(DOCUMENTS AUTORISES : CODE CIVIL, CODE DE COMMERCE, CODE DE LA CONSOMMATION).
2. Sujet pratique
Pierre est décédé, laissant à sa survivance
- Jeanne, son épouse,
- Paul, son père,
- Gaspard et Jules, ses fils issus de son mariage avec Jeanne,
- Isabelle, sa fille issue des relations qu'il a entretenues avec Germaine au cours de son mariage avec
Jeanne.
Sa succession est ainsi composée:
• Actif : 1000 pièces d'or que Pierre avait enterrées dans le fond de son jardin
• Passif: néant.
lère question.
Liquidez la succession de Pierre, sachant que le de cujus avait de son
vivant :
• donné, à titre de préciput, 100 pièces d'or à Jeanne, alors que brûlaient encore entre eux les premiers feux de la
passion ;
•donné, en avance d'hoirie, 50 pièces d'or à Gaspard, alors que celui-ci venait d'être reçu, avec la mention passable,
à ses examens de Maîtrise en droit ;
• donné, par préciput, 50 pièces d'or à Jules, alors que celui•ci venait d'être reçu, avec la mention très bien, à ses
examens de Maîtrise en droit .
2ème question.
Liquidez la succession de Pierre, sachant que Gaspard et Jules, de retour de Mongolie extérieure où ils sont devenus
fervents adorateurs du dieu lm Pranpadarschan, ont renoncé à la succession.
3ème question.
Liquidez la succession de Pierre, sachant que non seulement Gaspard et Jules, mais aussi Paul que, malgré son
grand âge, ceux-ci sont parvenus à convertir, ont renoncé à la succession.
4ème question.
On suppose maintenant les faits suivants :
- Pierre, revenu sur le tard à ses premières amours, a institué sa femme Jeanne légataire universelle.
• Il a, par ailleurs, légué à un vieil ami Marc, qui avait su le détourner des sentiers de perdition où l'adultère
l'entraînait, une maison qui, dans l'actif de succession, s'ajoute ici aux 1000 pièces d'or.
• Depuis l'ouverture de la succession, ni Gaspard, ni Jules, ni Isabelle, pourtant informés du décès de leur père, ne
se sont manifestés, tous trois s'étant retirés dans une bergerie perdue sur un causse désolé que balaient les vents
du Nord, après avoir affirmé urbi et orbi qu'ils entendaient renoncer définitivement au monde, à ses pompes et à ses
oeuvres.
Jeanne et Marc vous demandent ce qu'ils doivent faire, désireux qu'ils sont de pouvoir profiter matériellement des
libéralités qui leur ont été consenties.
Ils vous signalent que le comportement de Nadine, fille de Gaspard, les inquiète car celle-ci, ulcérée de l'ascèse que
son père croit devoir s'imposer, a consulté un notaire d'une compétence redoutable pour savoir si elle ne pourrait
pas recevoir, directement ou indirectement, quelque chose dans la succession de son grand•père.
Vous répondez à Jeanne et à Marc.
N.B. 1 • Toutes les pièces d'or dont il est question dans cette affaire sont supposées identiques les unes aux autres.
N.B.2 • Chaque hypothèse ( 1, 2 3, 4) est indépendante et suppose exclus les faits des hypothèses précédentes.
ORAUX ECRITS
Sujet II. 1 JUIN 1994
Maîtrise en Droit. (Droit privé, Droit des affaires).
1ère session: mai-juin 1994.
Successions. Oral écrit.
Les étudiants répondront aux trois questions qui suivent :
1 a - Xavier vient de mourir, laissant à sa survivance :
- Son épouse, Catherine, avec qui il était marié depuis 1970
- Son père, Antonin;
- Sa fille, Agnès, née en 1980 d'une liaison passagère de Xavier avec Julie.
L'actif net de succession est de 1000. Indiquez comment cet actif va se répartir entre les héritiers ci-dessus désignés
1b - Même question en supposant que Xavier laisse, outre les personnes ci-dessus énoncées, sa mère, Adélaïde.
2 • La date du testament olographe.
3 • Jacques a deux enfants: Pierre et Anne.
A Anne, Jacques avait donné pour ses vingt ans une somme de 50.000 francs, que celle-ci a employé à acquérir un
tableau du 19ème siècle, non signé mais de bonne facture. Reconnu depuis par plusieurs experts comme constituant
un Corot, ce tableau est aujourd'hui est évalué 500.000 francs.
A Pierre, Jacques a donné un studio à Hardelot ( Pas de Calais) d'une valeur au jour de la donation de 150 000
francs. Pierre a engagé des travaux très importants pour rénover ce studio, assez dégradé. Sa valeur actuelle est
estimée à 300 000 francs, mais il ne vaudrait que 200 000 francs sans les travaux réalisés par Pierre.
Jacques vient de mourir. Pierre et Anne vous demandent tous deux quel est le montant du rapport auquel ils sont
respectivement tenus.
Code civil autorisé.
ELEMENTS DE CORRIGE
1A. Avant la loi du 3 décembre 2001, il fallait attribuer ¼ en Pleine Propriété (PP) pour le conjoint survivant et ¾ en
PP pour l’enfant adultérin
Depuis la loi du 3 décembre 2001, le conjoint survivant vient à la succession du de cujus, en concours avec les
parents ou enfants de ce dernier. Antonin ne vient pas à la succession en raison de la présence d' Agnès fille du de
cujus. Depuis la loi du 3/12/2001 on ne fait plus de différence entre enfant légitime et adultérin (Art 735). Catherine
vient à la succession de son mari en concours avec Agnès (Art 756). Agnès n'étant pas la fille de Catherine, cette
dernière n'a pas la possibilité de choisir entre usufruit et pleine propriété. Catherine prendra donc 1/4 en PP, et
Agnès 3/4 en PP (Art 757), soit 25 en PP pour Catherine et 75 en PP pour Agnès.
La réforme n’a donc rien changé.
1B Avant la loi du 3 décembre 2002, il fallait accorder ½ Usufruit pour le conjoint survivant et ½ Nue Propriété
(NP) + ½ PP pour l’enfant adultérin.
Depuis la réforme, le fait que la mère du De cujus soit encore vivante ne change rien au problème, elle est exclue
comme son mari par Agnès : Catherine prendra donc 1/4 en PP, et Agnès 3/4 en PP (Art 757), soit 25 en PP pour
Catherine et 75 en PP pour Agnès.
2 Question de cours
3 Pierre : rapport de 200.000 F
Anne : rapport de 500.000 F
SUJET II. 2 SEPTEMBRE 1995
Maîtrise en Droit. (Droit privé, Droit des affaires).
2ème session: 19 septembre 1995.
Successions. Oral écrit.
Les étudiants répondront aux trois questions qui suivent :
1 - Dans quels cas le conjoint survivant hérite-t-il en pleine propriété?
2a - Denis vient de mourir, laissant à sa survivance :
- Son épouse, Evelyne , avec qui il était marié depuis 1970;
- Son père, Pierre;
- Son fils, Frédéric, né en 1980 d'une liaison passagère de Denis avec Agnès.
L'actif net de succession est de 1000. Indiquez comment cet actif va se répartir entre les héritiers ci•dessus
désignés.
2b - Même question en supposant que Denis laisse, outre les personnes ci-dessus énoncées, sa mère, Marthe.
3 - Qu'est-ce que le privilège de séparation des patrimoines ?
Code civil autorisé
ELEMENTS DE CORRIGE
-
Question 1 et 3 : cours
Question 2 = question 1 de juin 1994
SUJET II. 3 SEPTEMBRE 1996
Maîtrise en Droit. (Droit privé, Droit des affaires).
2ème session • Septembre 1996.
Successions. ORAL ECRIT
Epreuve du 26 septembre 1996
Les étudiants traiteront les deux cas qui suivent :
1a - Adeline vient de mourir, laissant à sa survivance trois enfants : Pierre, Paul et Jacques. L’ensemble de ses biens
à son décès est d'une valeur de 1000. Mais deux créanciers réclament d'être payés:
- Luc, qui se prévaut d'une créance de 270
- Liliane, qui réclame 180.
Quels sont les droits de ces créanciers ? Que doivent-ils faire pour obtenir leur paiement ?
1b • Si l'on suppose que Jacques est lui-même grevé de nombreuses dettes qu'il ne parvient pas à payer, en résultet-il un risque pour les créanciers d'Adeline ? Ont•ils les moyens de s'en protéger ?
2 • Armand est décédé, laissant à sa survivance deux enfants, Jean et Jeanne, ainsi que sa compagne, Agnès. Il a
de son vivant consenti à Jean une donation préciputaire de 200, et par testament il a légué à Agnès la quotité
disponible de sa succession. Les biens existant au décès sont de 200. Il n'y a pas de passif.
Quels sont les droits de chacun ?
Code civil autorisé.
ELEMENTS DE CORRIGE
1 – Question de cours sur le rôle des créanciers
2 – Quotité disponible : 1/3 – 66
Le de cujus laisse 2 enfants et son conjoint. Depuis la loi du 3 décembre 2001, et son article 757, le conjoint
survivant a le choix entre la totalité de la succession en usufruit, ou 1/4 en PP (soit 250).
Pour ce qui est de la donation préciputaire, Jean n'est pas soumis au rapport de cette donation, de même pour
Agnès , qui a reçu la QD par legs.
Il y a 2 enfants, la QD est donc de 1/3, soit 66 et donc la réserve de 133, c'est sur cette somme que les enfants et
le CS prendront leur part.
SUJET II. 4
UNIVERSITE DE PARIS I • PANTHEON•SORBONNE
U.F.R. DROIT DES AFFAIRES (Faculté de Droit)
Maîtrise en Droit. (Droit privé, Droit des affaires).
lère session : Mai/Juin 1997
Successions (Cours de Mlle le Professeur Yvonne FLOUR)
Les étudiants traiteront les deux cas qui suivent :
1 • Elisabeth est décédée, laissant à sa survivance :
• Philip, son époux avec qui elle s'était mariée en 1950 sous un régime de séparation de biens, étant précisé que les
deux époux vivaient amiablement séparés depuis 1968
• ses trois enfants : Ann, née en 1948 et reconnue régulièrement par sa mère à sa naissance, Charles, né en 1953
du mariage d'Elisabeth et Philip, Andrew né en 1970 des relations qu'Elisabeth avait nouées à cette époque avec un
officier de la Garde Républicaine.
Elisabeth laisse à son décès un actif de 1000. Il y a quelques années elle avait consenti à sa fille Ann une donation
en avance d'hoirie, aujourd'hui évaluée 200. Il n'y a pas de passif.
Liquidez la succession d'Elisabeth.
2 • Alexis est décédé, laissant pour lui succéder ses trois sœurs, Macha, Tania, et Sonia. L'actif de sa succession est
de 600.
Igor prétend avoir prêté au défunt une somme de 450, dont il réclame le remboursement aux héritières. Vous
indiquerez à Igor s'il peut espérer être payé et comment, sachant que Tania qui est pauvre comme Job, est ellemême poursuivie par plusieurs créanciers qui lui réclament au total 500.
Que se passe•t•il si, outre les éléments déjà indiqués, Alexis a légué à la réunion des musées nationaux un tableau
de Géricault dépendant de l'actif de sa succession, et évalué 300.
Code civil autorisé.
ELEMENTS DE CORRIGE
1 – Avant la réforme :
Quotité disponible ¼ x 1200 = 300
Donation de 200 possible
Conjoint survivant ¼ Usufruit
Enfant adultérin : 1/12 NP + 1/12 PP
Enfant légitime : 1/12 NP + 2/12 PP
Depuis, la réforme :
Le de cujus laisse 3 enfants et son conjoint. Depuis la loi du 3/12/2001, et ses articles 733 et 757, le conjoint
survivant vient à la succession en concours avec les enfants du De cujus, et ce, qu'ils soient de lits identiques ou
non. Ici, le CS n'a pas le choix entre la totalité de la succession en usufruit, ou 1/4 en PP, il est obligé de choisir 1/4
en PP étant donné que tous les descendants du De cujus ne sont pas du même lit.
Philip aura donc 1/4 en PP
Les 3 enfants se partageront les 3/4 soit 1/4 chacun. (Etant du même ordre, le partage se fait par tête).
Elisabeth a consenti à sa fille une donation en avance d'hoirie, ce qui signifie qu'elle doit rapporter cette donation
afin de déterminer le part de chacun des héritiers.
Il y a 3 enfants, la QD est donc de 1/4, la réserve de 3/4.
La donation est évaluée aujourd'hui à 200, le montant de la succession 1000.La masse de calcul est donc de 1200 et
ainsi la QD est de 300.
Les enfants et le CS ayant droit à 1/4 chacun, ils ont une part théorique de 300 chacun. Cependant Anne a déjà
reçue 200 par donation en avance d'hoirie, elle ne prendra donc que 100 dans la succession, Andrew aura 300,
Charles 300, tout comme Philip 300, ce qui fait un total de 1000.
2- question de cours sur les pouvoirs des créanciers de la succession et les créanciers des héritiers.
SUJET II. 5 SEPTEMBRE 1997
Maîtrise en Droit. (Droit privé, Droit des affaires).
2ème session • Septembre 1997. Successions.
Les étudiants traiteront les deux cas qui suivent :
1a • Juliette est décédée accidentellement le 27 juillet 1997 en effectuant une ascension dans le massif du Mont
Blanc. Elle laisse, pour lui succéder: • son père, Marc • sa mère, Marie • une soeur, Isabelle, née d'un premier
mariage de Marie • un frère, Jérôme, né du mariage de Marc et de Marie • Loïc et Laurence, ses neveu et nièce,
tous deux issus de Jeannine, autre soeur de Juliette née du même mariage.
Mue sans doute par un mystérieux pressentiment, Juliette avait, quelques jours avant sa mort, par un testament
olographe dont la régularité n'est pas contestée, institué l'Association pour le Secours en Haute Montagne légataire
universelle. Liquidez la succession, qui représente un actif net de 1200.
1 b • Que se passe-t-il si l'Association pour le Secours en Montagne renonce à ce legs ?
2 •Pierre s'est suicidé le 18 août 1997. Après sa mort, sa mère a retrouvé dans le tiroir de sa table de chevet un
testament ainsi rédigé
« 15 août,
Ceci est mon testament,
Alors que je vais atteindre ma trente-cinquième année, ma vie me paraît dépourvue de sens. Je préfère y mettre fin.
Je lègue tout ce que je possède à mon brave chien Médor, la seule personne qui m'ait jamais été fidèle. »
Ce testament est-il régulier ?
Code civil autorisé
ELEMENTS DE CORRIGE
1A Association : 600 (quotité disponible)
Marc et Marie : 150 chacun
Loïc et Laurence : 43,75 chacun
Jérôme : 87,50
Isabelle : 37,50
1B Marc et Marie : 300 chacun
Loïc et Laurence : 87.50 chacun
Jérôme : 175
Isabelle : 75,00
2/ Cours – validité d’un testament en faveur d’un animal
SUJET II. 6 JUIN 1998
Successions. • 1ère session.
Durée : 1 heure. Epreuve du 12 juin 1998.
Cours de Melle le Professeur Yvonne FLOUR
Les étudiants traiteront les deux cas qui suivent :
1. Louis est décédé ab intestat le 15 mai 1998, laissant à sa survivance :
• Pierre et Patricia, ses père et mère
• Louisette, son épouse ; • Léandre, son frère, comme lui issu du mariage de Pierre et Patricia
• Jacques et Jean, ses neveux issus d'un frère prédécédé, Paul, lui•même enfant naturel de Pierre né avant le
mariage de ce dernier;
• Noëlle, sa nièce issue d'une soeur prédécédée, Suzanne, elle•même née d'un premier mariage de Patricia.
Il est précisé que Suzanne a été assassinée par sa fille Noëlle, qui a été condamnée de ce chef par une Cour
d'Assises.
Établir en fractions la dévolution de la succession de Louis, tant en pleine propriété qu'en nue•propriété et usufruit.
2. Même question, en supposant qu'outre les personnes ci•dessus mentionnées, Louis laisse une fille naturelle,
Evelyne, qu'il a reconnue, et qui est née au cours de son mariage avec Louisette.
Code civil autorisé.
ELEMENTS DE CORRIGE
1–
Pierre et Patricia : ¼ chacun
Jacques et Jean, enfants d’un frère consanguin : 1/16 chacun
Suzanne, enfant d’une sœur utérine (cf. JP. de la Cour de cassation sur sa vocation successorale): 2/16
Léandre, frère germain : 4/16
2–
L’enfant naturel évacue les autres ordres
Conjoint survivant : ½ Usufruit
Enfant : ½ PP + ½ NP
SUJET II. 7 JUIN 1999
MAITRISE EN DROIT. DROIT PRIVE, DROIT DES AFFAIRES
SUCCESSIONS 1ère SESSION
Epreuve du 18 juin 1999
Les étudiants répondront aux deux questions qui suivent :
1°) Eric, enfant né du mariage de Denis (lui-même prédécédé) et Dorothée, est mort en laissant à sa survivance:
- son épouse, Zoé ;
- sa mère, Dorothée
- sa sœur, Emmanuelle née comme lui du mariage de Denis et Dorothée
- son frère François, enfant naturel de Denis, régulièrement reconnu par son père
- ses neveux, Gérard et Géraldine, enfants de Fanny, elle-même née d'un premier mariage de Dorothée, et qui
est prédécédée.
L'actif net de succession est de 1000. Le répartir entre les héritiers, tant en propriété qu'en usufruit.
2°) Hildegarde N... est décédée le 12 mai 1999, des suites d'une longue maladie.
Quelques jours plus tard, Hector, son mari, a retrouvé dans une armoire un document manuscrit ainsi rédigé
"Ceci est mon testament.
Je lègue à mon vieil ami, le docteur Mabuse, qui m'a si bien soignée, ma collection de tapis d'Orient.
Je lègue tout le reste de mes biens à mon neveu Arthur, le fils de ma sœur chérie Hélène, qui a tout juste 15jours et
qui est si mignon. Hilde. »
Quelles difficultés soulève l'exécution de ce testament, sachant que Hildegarde n'a pas d'enfant ?
Code civil autorisé.
ELEMENTS DE REPONSE
Classement par idées
1°) PREMIER EXERCICE (10 POINTS)
Schéma explicatif :
Enfants
Petits-enfants
François
Denis + - Dorothée
Emmanuelle
Eric + (De cujus)
Géraldine
Fanny +
Gérard
a) Le conjoint survivant Zoé a droit à la moitié en usufruit, soit 500. (art. 767 2° c. civ.)
Ce qui ne grèvera pas la part de Dorothée, réservataire.
b) Vient à la succession le deuxième ordre composé des collatéraux privilégiés et des ascendants. (art. 748 c.
civ.)
c) Dorothée, mère du de cujus, obtient un quart en pleine propriété, soit 250. (art. 748 c. civ.)
d) Il reste pour les collatéraux : 750 (art. 749 c. civ.), dont 250 en pleine propriété (PP) et 500 en nue-propriété
(NP)
e) La répartition parmi les collatéraux se fait selon la technique de la fente (art. 752 c. civ.) :
- soit, pour la ligne paternelle : 125 PP et 250 NP
Cela est réparti entre François (son caractère adultérin est indifférent) et Emmanuelle à part égale : ce qui fait pour
chacun 62,5 PP et 125 NP
- soit pour la ligne maternelle : 125 PP et 250 NP, se répartissant entre Emmanuelle (sœur germaine) et
Gérard et Géraldine venant en représentation (elle a lieu dans l’ordre des descendants et dans celui des
collatéraux privilégiés) de leur mère Fanny prédécédée : ce qui fait 62,5 PP et 125 NP pour Emmanuelle et 31,25
PP 62,5 NP pour Gérard et Géraldine.
Récapitulation : Zoé : 500 usufruit
Dorothée 250 PP
François 62,5 PP et 125 NP
Emmanuelle 125 PP et 250 NP
Gérard 31,25 PP et 62,5 NP
Géraldine 31,25 PP et 62,5 NP
II. SECOND EXERCICE (DIX POINTS)
Il s’agit d’un testament olographe.
A. LA VALIDITE DU TESTAMENT
a) en la forme
Il doit être manuscrit, daté et signé (art. 970 c. civ.)
*problème de la date absente de l’écrit
- œuvre jurisprudentielle permettant de suppléer par des éléments intrinsèques et extrinsèques
- en l’espèce, Arthur a quinze jours = moyen indirect de dater le testament
** problème de la signature « Hilde » au lieu de « Hildegarde N »
- normalement, il convient d’exiger une signature complète
- la jurisprudence admet cependant la signature d’un prénom
- en l’espèce, il s’agit d’un diminutif du prénom
b) en la capacité des légataires
* Normalement le médecin qui a soigné le testateur est exclu (art. 909 c. civ.) et le testament est nul (art. 911 c.
civ.)
Toutefois, la jurisprudence, s’agissant d’une nullité relative, envisage avec bienveillance l’affaire lorsque le médecin
est un ami.
** Enfant mineur Arthur
- pour recevoir un legs, il suffit d’exister, autrement dit d’être né vivant et viable (art. 906 c. civ.).
C’est le représentant légal qui agira en son nom.
B. L’EXECUTION DU TESTAMENT
* Légataire particulier pour les tapis : le docteur (sauf à considérer la nullité)
Légataire universel : Arthur, pour le reste
** C’est le représentant légal du mineur Arthur qui va recevoir la succession, car il n’y a pas d’héritier réservataire :
le légataire universel est saisi de plein droit, sauf art. 1008.
Maîtrise en Droit • mention carrières judiciaires.
Année 2000 • 2001
Epreuve du 7juin 2001
DUREE DE L'EPREUVE : 3H
Cours de Mme Flour
Documents autorisés:
Code civil
Calculette
Les étudiants traiteront l'un des deux sujets suivants
Sujet théorique
La place du conjoint survivant dans la dévolution successorale : état des lieux et perspectives.
Su•jet pratique
1 • Didier est décédé le 23 février 2001, laissant à sa survivance
• son épouse, Elisabeth, avec qui il s'était marié en 1966 sous un régime de séparation de biens ;
• sa mère, Marguerite, veuve de Philippe, le père de Didier, qu'elle avait épousé en 1941 et qui est décédé en 1989 ;
• sa soeur, Sophie, comme lui issue du mariage de Philippe et Marguerite
• sa nièce, Natacha, fille de Fabien, frère prédécédé de Didier et Sophie, également issu du mariage de Philippe et Marguerite ;
• son frère François, fils naturel de Marguerite né en 1937 et reconnu lors de sa naissance.
A Sophie, Didier avait donné en 1990 une villa à Saint Jean de Luz, d'une valeur à l'époque de 200.000 F, qu'il venait de recueillir dans
la succession de son père. Depuis cette date, Sophie a fait réaliser dans cette maison d'importants travaux de rénovation. Cette villa
est actuellement évaluée à 475.000 F, mais n'aurait valu que 300.000 F si ces travaux n'avaient pas eu lieu.
De son côté, Natacha se prévaut d'une lettre manuscrite, signée mais non datée, que lui avait adressée son oncle pour lui souhaiter
son anniversaire à l'occasion de ses dix•huit ans. Dans cette lettre en effet, Didier promettait à Natacha de lui laisser. pour le cas où il
mourrait sans enfant, une parure de diamants constituant un bijou de famille d'une valeur de 150.000 F.
Au jour de son décès, Didier était propriétaire d'un appartement à Tours. évalué 600.000 F, et d'un ensemble de bijoux anciens
provenant de sa famille (parmi lesquels la parure dont il vient d'être question) estimés 300.000 F au total.
Liquidez la succession de Didier, après avoir exposé tous les problèmes qu'elle soulève.
Il • On suppose maintenant que, pour financer l'acquisition de l'appartement de Tours, Didier avait dû emprunter à son vieil ami
Antoine une somme de 240.000 F. non remboursée à ce jour.
Comment Antoine pourra•t•il obtenir le remboursement de cette somme ?
N.B. Toutes les solutions doivent être justifiées par référence au texte, ou au principe. d'où elles sont tirées.
EXAMEN DE DROIT DES SUCCESSIONS
Jeudi 6 juin 2001
ELEMENTS DE CORRECTION
Première question : Dévolution de la succession (4 points)
A défaut de descendants, l’ordre des ascendants et collatéraux privilégiés est appelé à la succession.
On y trouve : Marguerite, mère du de cujus, héritière pour un quart en pleine propriété
Le surplus se partage entre les lignes maternelle et paternelle, une moitié pour chaque ligne ; les frères et sœurs germains prennent
dans les deux lignes.
Dans la ligne paternelle, on trouve :
- Sophie, sœur germaine du défunt ;
- Natacha, sa nièce, qui vient par représentation de son père prédécédé.
Dans la ligne maternelle, on trouve les mêmes plus François frère utérin de Didier.
(2 point)
Au total :
- Marguerite ¼
- Sophie et Natacha ¾ x 5/12
- François ¾ x 2/12
- Elizabeth ½ en usufruit
(1 point)
Il faut souligner que Marguerite est héritière réservataire.
(1 point)
Deuxième question : Analyse des libéralités
2.1. La donation à Sophie (2 points)
A défaut de clause contraire, elle est soumise à rapport à la succession (Art. 843)
Elle est néanmoins imputable que la quotité disponible puisque faite à une héritière n’ayant pas de droit dans la réserve.
(1point)
Le rapport et la réunion fictive à la masse de calcul se feront pour la valeur du bien au jour du partage ou du décès, dans l’état au jour
de la donation, soit 300.000 F
(1 point)
2.2. Le testament (4 points)
La lettre de Didier à Natacha peut-elle valoir comme testament olographe ?
- En la forme : cf. art. 970 C. civ.
Ecriture manuscrite, signature (1 point)
Pas de date, mais le testament est valable si on peut reconstituer la date à partir d’éléments intrinsèques et extrinsèques… ce qui est le
cas : allusion au 18ème anniversaire (1 point).
- Au fond, si la testamentaire est ferme (cf. l’emploi du mot promettre). (1 point)
Dans ces conditions, le legs est réputé fait par préciput et imputable sur la quotité disponible (1 point)
Troisième question : Liquidation (6 points)
1. Masse de calcul (art. 922)
Biens existants
Réunion fictive de la donation
TOTAL
Dont la Q.D.
Et la réserve de Marguerite
(1 point)
900.000 F
300.000 F
1.200.000 F
900.000 F
300.000 F
2. Imputations
- la donation (art. 923 C. civ.)
Imputée sur la Q.D. à hauteur de 300.000 F
Reste sur la Q.D. : 600.000 F
(1 point)
3. Partage
Masse à partager = les biens existants au décès sont il faut soustraire le bien légué :
Soit
750.000 F
+ le rapport de la donation faite à Sophie
300.000 F
TOTAL
1.050.000 F
Revenant à Marguerite pour 1/4: 262.500 F
Reste à partager :
Revenant à François pour 2/12 :
à Sophie et à Natacha pour 5/12 :
Calcul de l’usufruit du conjoint
787.500 F
131.250 F
328.125 F
Masse de calcul = Bien existants – Les legs
750.000 F
Rapport
300.000 F
TOTAL
1.050.000 F
L’usufruit est de ½, soit 525.000 F.
Mais l’usufruit ne pourra s’exercer ni sur la réserve de Marguerite ; ni sur le rapport de Sophie.
Il sera donc supporté par Natacha et François.
( 4 points)
Quatrième question Le passif (3 points)
Les héritiers légaux sont tous tenus au passif successoral, mais la dette se divise entre eux en proportion de leur vocation héréditaire
(1220 C. civ.).
Le légataire particulier n’étant pas tenu au passif, le legs n’accroît pas la part de Natacha dans la dette.
(1 point)
Marguerite est tenue pour
Sophie et Natacha pour
François
(1 point)
60.000 F
75.000 F
30.000 F
Mais le créancier en agissant avant le partage sur le biens indivis pourra échapper à la division de la dette (art. 815-17 C . civ.)
Par exemple, en saisissant l’appartement de Tours, il obtiendra un paiement intégral.
(1 point)
ELEMENTS DE CORRECTION DE L’EXAMEN DU 4 JUIN 2002
NB : La qualité essentielle d’une copie réside dans la justification et non dans le résultat.
I. A.
Diane laisse à sa mort : son père Pierre, sa sœur Sylvie, un frère François né avant mariage de son père et deux sœurs nées d’une précédente union de sa
mère.
- Exclusion de la fente dans les successions dévolues aux frères et sœurs ou à leurs descendants (art. 749 al. 1er)
- L’ancienne technique de la division par ligne ne s’applique plus (anc. art. 752).
- d’où ici : 738 al. 2 : ¼ pour le père, ¾ pour les frères et sœurs.
Ici, 4 frères et sœurs : ¼ pour Pierre, soit 300 ; 3/16 pour chaque frère et sœur soit 250.
TROIS POINTS
I. B
Diane n’a ni frère, ni sœur ; elle laisse Pierre et ses grands parents maternels.
- Fente (art. 746).
On effectue d’abord la fente (747 et 749), puis on répartit à l’ascendant au degré le plus proche (748 al. 1er)
- Ici, Pierre le père : ½ soit 600
Les grands parents maternels : ¼ chacun, soit 300
DEUX POINTS
II A.
- actif= 100.000 (explication de la technique de la masse de calcul)
- suppression de la discrimination envers l’enfant adultérin (anc. art. 759 et 760)
- 1 conjoint survivant et 3 enfants
donc 757 C. civ. : ¼ en pleine propriété pour le CS (25.000 )
¾ pour les trois enfants, soit ¼ chacun (25.000 )
pas d’option pour le CS, les enfants étant de lits différents.
TROIS POINTS
II. B.
- l’option du CS entre la totalité en usufruit ou ¼ en pleine propriété est possible
UN POINT
III A.
Le DC laisse son épouse, un frère consanguin, un frère et une soeur utérins.
- Dévolution: Le principe ici est que le conjoint survivant n'étant pas en concours avec des descendants ou des ascendants, il recueille toute la succession
(Art 757-2)
- Cependant, la villa qui est dans l'actif de la succession en nature, vient d'un héritage qu'a reçu le DC de sa mère.
Il faut donc appliquer l'article 757-3 qui permet à Urbain et Ursule de recevoir la moitié de ce bien.
La valeur du bien étant 10.000 ils recevront chacun 2500.
- Ainsi sur l'ensemble de l'actif qui est de 30.000 (le compte de titres+la villa), la répartition théorique se fera de telle manière:
FANNY: 20.000 (comptes) +5.000(moitié de la valeur de la villa)
URBAIN:2500
URSULE:2500
- Cependant il y a 12.000 de passif.
Il faut donc déterminer comment va être payé ce passif.
Le principe est posé par l'arrêt FRECON. Les successibles sont tenus au passif au prorata de la part d'hérédité qu'ils reçoivent.
- Urbain reçoit 2500 de 30.000 soit 1/12ème de la succession, de même pour sa soeur qui reçoit elle aussi 1/12ème.
Fanny reçoit 25.000 soit 10/12ème de la succession.
Ces rapports sont ceux applicables pour déterminer leur part de passif.
Urbain devra 1/12ème du passif soit 1/12ème de 12.000=1.000
Ursule devra 1/12ème du passif soit 1/12ème de 12.000=1.000
Fanny devra 10/12ème du passif soit 10/12ème de 12.000=10.000
- Ainsi les attributions seront donc:
Fanny a droit à 25.000, elle doit 10.000 pour le passif, elle recevra 15.000
Urbain a droit à 2.500, il doit 1.000 pour le passif, il recevra 1.500
Ursule a droit à 2.500, elle doit 1.000 pour le passif, elle recevra 1.500
Ils recevront donc en tout 18.000 qui est le montant de l'actif net.
Ici peut importe qu'ils acceptent sous bénéfice d'inventaire ou purement et simplement, leur patrimoine ne sera jamais inquiété étant donné qu'il y a assez
dans la succession pour payer la dette.
SIX POINTS
III B
Il faut d'abord vérifier si le testament est valable
- La date: En principe, elle doit être complète. Mais atténuation pour éviter trop de nullités de testaments. 2 solutions s'offrent à nous.
D'abord peut on trouver des éléments extérieurs à l'acte (extrinsèques), qui permettent de confirmer des éléments interne au testament (intrinsèques).Ici
cela parait difficile. Il faut donc rechercher si dans la période de doute (ici janvier 2002), si le testateur était capable, et qu'il n'a pas fait depuis des
testaments révocatoires. Ici rien ne nous permet de penser que le testateur était incapable au moment de la rédaction de l'acte. (Voir JP sur le problème de
la date)
- La signature:Même si c'est un élément essentiel du testament, elle ne doit pas obligatoirement être celle que le testateur utilise dans la vie de tous les
jours pour être valable. (JP).Le testateur peut très bien signer de son prénom. Voir cour sur le testament.
- Sur le fond: Le problème pourrait être de savoir quel est le frère en question ? Est-ce Claude ou Urbain.
En l'espèce, on peut penser que c'est Urbain (emploi du terme maman et allusion à la famille).
- Par ce testament il fait un legs particulier.
Donc le retour de la villa par l'art 757-3 ne peut s'appliquer ici. C'est donc le CS qui recevra la totalité de la succession.
Avant de pouvoir délivrer le legs, il faut vérifier que ce legs n’atteint pas la réserve qu'a le CS (Art 914-1)
La QD est de 3/4, soit 13.500, le legs de 10.000. La QD n'est pas dépassé et la réserve du CS n'est donc pas entamée.
- Urbain va recevoir le legs soit 10.000.
Fanny qui a vocation au tout a droit aux 20.000 du compte, mais elle est tenu au passif toute seule (le légataire particulier n'est pas tenu au passif), elle
devra donc payer les 12.000 et recevra finalement 8.000.
CINQ POINTS
FJP
Maîtrise en droit
Droit des successions
Cours de Madame Flour
Epreuve du 2 juin 2003
Sujets
Les étudiants traiteront au choix l'un des deux sujets suivants
1 - Sujet théorique.
Peut-on dire, du conjoint survivant, qu'il est un désormais un héritier comme les autres ?
2 - Sujet pratique.
César est décédé accidentellement le 2 avril 2003. En 1978, il avait épousé en secondes noces Rosalie, avec qui il
était marié sous un régime de séparation de biens. D'un précédent mariage, César avait eu un fils, Marius. De son
union avec Rosalie est née une fille, Fanny. Au jour du décès de César, les époux habitaient un appartement situé à
Paris, rue Monge, loué pour un loyer de 1.000 euros par mois.
Pour détendre les relations difficiles de son fils aîné avec sa seconde famille, César avait fait donation à celui-ci en
1990 d'une somme équivalant à 100.000 euros que Marius, féru d'alpinisme, a employé à l'acquisition d'un
appartement à Chamonix-Mont--Blanc, aujourd'hui évalué 140.000 euros.
Au début de l'année 2000, César a acheté une maison d'habitation à Aix-en--Provence où il avait le projet d'aller
s'établir avec son épouse après sa retraite. Cette maison est actuellement évaluée 160.000 euros; mais pour
financer cet investissement, César a dû emprunter une partie du prix et il reste dû sur cet emprunt à la Banque
Meunier une somme de 30.000 euros.
Au jour de son décès, César était propriétaire, outre la maison dont il vient d'être question, des biens suivants
- un portefeuille de valeurs mobilières détenu à la Banque Meunier, d'un montant au début du mois d'avril 2003 de
62.000 euros
- une collection d'armes anciennes qui lui vient de sa famille, évaluée 40.000 euros
Par testament olographe régulier, daté du 13 mars 2001, César a légué cette collection au Musée de l'Armée.
Vous êtes le notaire chargé du règlement de la succession de César, et vous recevez successivement la visite :
1°) du Fondé de pouvoir de la Banque Meunier qui s'inquiète de savoir comment celle--ci pourra obtenir le
remboursement de sa créance ;
2°) du Conservateur en chef du Musée de l'Armée qui vous demande comment le musée pourra entrer en
possession des biens qui lui sont légués ;
3°) de Rosalie qui vous demande de lui préciser quels sont ses droits dans la succession de son époux;
4°) de Marius qui vous demande de dresser un état liquidatif de cette succession.
Documents autorisés : - Code civil - Calculette
ELEMENTS DE CORRIGE EXAMEN 16 juin 2003
1. DEVOLUTION SUCCESSORALE
Il n’y a qu’un seul conjoint successible.
a) En présence d’enfants qui ne sont pas « issus des deux époux », le conjoint n’a pas d’option. Il a droit :
à un quart en pleine propriété des biens du défunt (art. 757), calculé selon les règles de l’article 758-5 ;
au droit temporaire au logement, qui prendra ici la forme d’un remboursement de loyers pour une durée d’une année. Ce
droit, qui n’est pas un droit successoral mais un effet du mariage – donne naissance à une créance contre la succession (art. 763) ;
le droit viager au logement ne trouve pas à s’appliquer puisque le local affecté à l’habitation de l’époux survivant ne
dépend pas de la succession.
b) Les enfants se partagent à égalité le surplus des biens, étant précisé que leur part ne peut descendre au dessous du seuil de la
réserve, soit un tiers chacun.
2. COMPOSITION DE LA SUCCESSION
Actif : la maison, les valeurs mobilières, les armes anciennes.
Passif : Il se compose de deux éléments :
la dette de remboursement du loyer au conjoint soit 12 x 1.000 = 12.000
le solde de l’emprunt bancaire : 30.000
Les héritiers – en les supposant tous acceptants purs et simples – sont tenus de ces dettes ultra vires successionis, sans solidarité
entre eux (art. 1220), chacun pour sa part.
Le créancier peut également en poursuivre le paiement directement sur les biens successoraux, tant que le partage n’a pas eu
lieu. Il évite ainsi d’avoir à diviser ses poursuites.
3. LES LIBERALITES
a) La donation à Marius : elle est présumée rapportable sauf clause contraire, en vue du rétablissement de l’égalité entre enfants.
S’agissant d’une donation de somme d’argent, le rapport est dû de la valeur du bien qu’elle a permis d’acquérir au jour du
partage, soit 140.000.
S’agissant d’une donation rapportable, elle s’impute sur la part de réserve du gratifié (art. 864). Elle est, en outre, soumise à
réunion future pour le calcul des droits du conjoint (art. 758-5).
b) Le legs au Musée de l’armée. C’est un legs particulier à un non successible.
- il s’impute sur la quotité disponible et n’est pas inclus dans le calcul des droits du conjoint ;
- le légataire n’est pas tenu au passif et n’étant pas saisi de plein droit, devra obtenir la délivrance en s’adressant aux héritiers ab
intestat.
4. CALCULS
I QUOTITÉ DISPONIBLE et réserve
a) masse de calcul
Biens existants
Valeurs mobilières
Maison d'Aix en Provence
Collection d'armes
Déduction des dettes
Emprunt
Loyer (12* 1000)
62 000,00 F
160 000,00 F
40 000,00 F
262 000,00 F
Actif net de succession
30 000,00 F
12 000,00 F
42 000,00 F
220 000,00 F
Réunions fictives
Donation à Marius
140 000,00 F
Total de la masse
360 000,00 F
QUOTITÉ DISPONIBLE
Réserve globale
Réserve individuelle
120 000,00 F
240 000,00 F
120 000,00 F
b) Imputations
Donation à Marius sur PR
Excédent sur QUOTITÉ DISPONIBLE=
Legs sur QUOTITÉ DISPONIBLE
120 000,00 F
20 000,00 F
40 000,00 F
Reste disponible
60 000,00 F
II - Droits du conjoint
a) Masse de calcul
Biens existants (legs non inclus)
déduction des dettes
Réunions fictives
Total
Dont le quart
222 000,00 F
42 000,00 F
140 000,00 F
320 000,00 F
80 000,00 F
b) Masse d'exercice
Masse de calcul
à déduire la réserve globale
à déduire l'excédent de la donation à Fanny
Total
320 000,00 F
240 000,00 F
20 000,00 F
60 000,00 F
III - Partage
a) Masse à partager
Maison
Valeurs mobilières
Déduction du passif
Rapports
Total
160 000,00 F
62 000,00 F
42 000,00 F
140 000,00 F
320 000,00 F
revenant au conjoint pour
60 000,00 F
Reste à partager
Dont 1/2
260 000,00 F
130 000,00 F
b) droits des parties
a) Rosalie
en PP
Remboursement du loyer
Marius
à déduire son rapport
60 000,00 F
12 000,00 F
72 000,00 F
130 000,00 F
140 000,00 F
-10 000,00 F
Fanny
130 000,00 F
Affectation de biens au remboursement de l'emprunt
30 000,00 F
Total
222 000,00 F
222 000,00 F
Maîtrise en droit Durée de l'épreuve : 3 heures
Droit des successions
Epreuve du 27 mai 2004
Les étudiants traiteront au choix l'un des deux sujets suivants
Sujet théorique.
Pourquoi y a-t-il un formalisme des testaments ?
Sujet pratique.
1 - Augustin est décédé le 19 février 2004, laissant à sa survivance
son fils Arnaud, né en 1975 , à qui il avait donné en 1998, en avance d'hoirie, une somme de 10.000 euros alors qu'il venait d'être reçu
avec mention Passable à sa maîtrise en droit. De tempérament aventureux, le jeune homme a aussitôt utilisé cet argent à financer un
voyage en Patagonie.
sa fille Armelle, née en 1978, à qui il a donné en 2000, par préciput et hors part, une somme de 20.000 euros, alors qu'elle venait d'être
reçue avec mention Très Bien à sa maîtrise en droit. De tempérament prévoyant, la jeune fille a utilisé cet argent à l'acquisition de 200
actions de la Société Exponent, pour un prix de 100 euros l'une. Cette société ayant connu un grand développement économique au cours
des trois dernières années, les actions Exponent valaient au début de l'année 2004 500 euros chacune. Malheureusement, à la suite de
rumeurs faisant état de diverses malversations, le cours s'est brutalement effondré le 19 mai dernier, et ces actions ne valent plus que 3
euros l'une.
La succession d'Augustin se compose
- d'une maison d'habitation, sise à Poitiers, évaluée au jour du décès 200.000 euros,
- d'un compte de titres à la Banque Septentrionale, d'un montant de 120.000 euros.
Par testament olographe daté du 3 juin 2002, Augustin a légué à l'Association des Amis du Poitou une somme de 10.000 euros.
Vous êtes chargé de la liquidation et du partage de la succession d'Augustin. Son frère Ambroise vous informe qu'Augustin, ayant eu de
graves difficultés financières il y a trois ans à la suite d'un redressement fiscal, lui a emprunté une somme de 20.000 euros qui n'ont jamais
été remboursés. Il vous demande comment il pourra être payé. L'association des amis du Poitou qui compte sur le legs pour développer
son activité vous pose la même question.
Vous leur répondez, ainsi qu'aux enfants qui vous demandent quels sont leurs droits dans la succession de leur père.
II - Si l'on suppose qu'outre ses deux enfants, Augustin laisse également à sa mort son épouse Armande ( qui est aussi la mère d'Arnaud et
Armelle), en quoi le règlement de la succession s'en trouve-t-il changé ? ( Les autres données sont identiques).
N.B. 1) Par commodité, toutes les valeurs ont été converties en euros y compris celles qui concernent des opérations antérieures à son
entrée en vigueur.
2) Toutes les valeurs sont supposées constantes, sauf indication expresse contraire.
Documents autorisés: Code civil Calculette
INDICATIONS DE CORRECTION
I. PREMIERE QUESTION : DEVOLUTION SANS CONJOINT SURVIVANT
A. Dévolution successorale (1 point)
Deux enfants et un légataire particulier composent les héritiers.
Les enfats composent le premier ordre et excluent tous les autres successifs.
La réserve global est des 2/3, la réserve individuelle d'un tiers et la quotité disponible d'un tiers.
B. Paiement du passif (2 points)
a) Le créancier peut demander à être payé par prélèvement sur l'actif successoral avant partage (C. civ., art. 815-17).
Ou s'adresser aux héritiers. En ce cas, il devra diviser ses poursuites, soit 10.000 dû par chacun des deux héritiers.
b) Délivrance du legs : le legs d'argent sera traité comme un passif de succession.
C. Imputations (3 points)
a) une donation a été faite en avance d'hoirie :
- elle est soumise à rapport
- la valeur du rapport est de 10.000 (C. civ., art. 869 sur le rapport de somme d'argent)
- imputation sur la réserve du gratifié ;
- réunion fictive pour le même montant
b) une donation est préciputaire :
- elle n'est pas soumise à rapport ;
- réunion fictive pour la valeur au jour du décès du de cujus par le bien subrogé, soit
200 actions x 500 ou 100.000
- imputation sur la quotité disponible
c) legs
- il s'impute sur la QD car il est au profit d'un tiers.
D. Masse de calcul de la réserve (MC QD) 2 points
Biens existants :
- Maison 200.000
- Compte 120.000
- Passif - 20.000
Actif net de succession : 300.000
Rapports 100.000
10.000
TOTAL : 410.000
QD = RI= 136.667
E. Imputations (2 points)
- donation à Arnaud sur la réserve : 10.000 (pas d'excédent)
- donation à Armelle sur la QD : 100.000 (pas d'excéent)
- legs sur QD : 10.000 Pas de réduction
Il reste 136.667 - 100.000 - 10.000 = 26.667 sur la QD.
F. Partage (2 points)
BE Maison 200.000
Compte100.000
Passif - 20.000
Legs - 10.000
Rapport 10.000
TOTAL : 300.000
Soit 150.000 pour chacun des deux enfants.
II. DEVOLUTION AVEC CONJOINT SURVIVANT
- le conjoint survivant a le choix entre l'usufruit de la totalité des biens existants 290.000 ou ¼ en pleine propriété ; c'est l'option possible
du fait que tous les enfants sont du même lit (2 points)
- le droit au logement portant sur la maison d'habitation (2 points)
- les droits du conjoint s'exercent sur la quotité disponible laissée libre soit 26.667 (ou 26.666) ; il faut exclure les biens légués (2 points)
- en cas d'option pour l'usufruit, le droit au logement est absorbé dans l'usufruit du tout (2 points).
L'essentiel est d'avoir expliqué et justifié vos réponses.
Vos remarques au [email protected]
Droit des Successions Epreuve du jeudi 26 mai 2005
Cours de Madame Flour Durée de l'épreuve : 3 heures
Les étudiants traiteront au choix l'un des sujets suivants
Sujet théorique
Les héritiers réservataires.
Sujet pratique : La fin tragique de Marko Teckel
Marko Teckel, célèbre diététicien, est décédé le lundi 16 mai 2003, tué par un client insatisfait, Guy Cartier. Il a été marié trois fois.
D'un premier mariage, en 1975, avec Marianne Thames, deux enfants légitimes sont nés : Jean-Pascal en 1977 et Grégory en 1979.
En 1995, Marko a fait donation à Grégory, par préciput et hors part, d'un immeuble situé rue des minimes, évalué 50.000 à l'époque.
Cet immeuble valait 100.000 au jour du décès et vaut aujourd'hui 120.000 . A Jean-Pascal, Marko a donné en 1998, toujours par
préciput, un autre immeuble sis à Biarritz, estimé 100.000 à l'époque, et 150 000 au décès comme aujourd'hui.
Au cours de ce premier mariage, Loana est née en 1978 d'une relation avec Marine Cageot. Loana n'a pas été oubliée par son père : en
1999, il lui a offert, en avancement d'hoirie, une maison située 7 rue des Pétrels à La Baule, d'une valeur de 200 000 au jour de la
donation, 250 000 au jour du décès et 300 000 aujourd'hui, ainsi que 150 actions de la société Eurofumel, alors cotées 65 l'une. La
société Eurofumel ayant été mise en liquidation judiciaire au cours de l'année 2002, ces actions ne valent plus rien.
Après divorce, en 1980, Marko a épousé en secondes noces Mina Crye. Un seul enfant est né de cette union, Patrick. En 2000, son père lui
a donné, sans autre précision, un appartement 3 rue Dupont à Paris, évalué à 200.000 . Patrick l'a vendu peu après pour acheter un loft,
pour 600.000 , rue de l'Opéra. Le surplus des fonds ayant servi à financer cet achat provient d'un prêt bancaire. Ce loft est aujourd'hui
estimé à 1 500 000 , et 1200 000 au jour du décès.
Enfin, s'étant trouvé veuf à la suite du suicide de Mina, Marko s'est encore remarié en 1990 avec la délicieuse Minnie Mathis. Aucun
enfant n'est né de cette union.
A partir de 1992, Marco n'a cessé d'entretenir des relations intimes avec Olivier Crayon. Ce dernier se rendait au domicile conjugal
chaque fois que Minnie, infirmière, était de garde. Ayant fini par découvrir cette liaison un jour qu'elle rentrait à l'improviste, Minnie a
exigé une séparation. Marko a alors laissé à son épouse l'appartement conjugal, situé rue de cabots, et a fait en 2002 l'acquisition d'un
autre appartement à proximité de son cabinet, rue Cognacq, où il s'est installé.
Après le décès de son mari, Minnie s'est rendue au domicile de ce dernier. En ouvrant les tiroirs, elle est tombée sur un testament
manuscrit ainsi rédigé
" Paris, 2002. A ma femme.
Je reconnais avoir menti et avoir eu Olivier comme amant. Ce fut mon seul véritable amour, aussi je lui lègue tout ce dont la loi me
permet de disposer. En tout cas, je souhaite qu'il ait l'appartement situé rue des cabots à Paris.
Signé Marko ".
Le patrimoine de Marko au jour de son décès est ainsi constitué
Appartement de la rue des cabots : 1.000.000 (au jour du décès), 1 700.000 (au jour du partage) ;
Appartement de la rue Cognacq : 500.000 (valeur décès) ; 700.000 (au jour du partage) ;
Meubles meublants garnissant l'appartement rue Cabot : 10.000 (même valeur au décès et au partage) ;
Un club de mise en forme présente une facture de 10.000 .
Vous recevez la visite d'Olivier, qui vous demande
l') d'établir la dévolution héréditaire en supposant que Marko soit mort le 16 mai 1999, 16 mai 2002 puis le 16 mai 2003 (3 points);
2°) de donner votre opinion sur la validité du testament (3 points);
3°) de lui dire, sachant que Marko lui avait proposé, peu de temps avant. son troisième mariage, la conclusion d'un pacs, si sa situation
héréditaire en aurait été changée (1 point); 4°) de préciser quel (s) débiteur (s) le club de mise en forme peut poursuivre (2 points).
5°) de liquider la succession et notamment de lui dire s'il pourra conserver l'appartement de la rue des cabots (10 points).
N.B. Le code civil et une calculette sont autorisés.
ELEMENTS DE CORRECTION DE L'EXAMEN DU 26 MAI 2005
Première question : dévolution (3 points)
- Le 16 mai 1999 (1 point)
Conjoint survivant : ¼ en usufruit
Loana : 1/32 NP + 3/32 en PP
Grégory = Jean-Pascal = Patrick : 7/96 NP + 21/96 PP
Articles anciens : 334, 731, 745, 760 et 767
Il est possible de considérer que seuls Grégory et Jean-Pascal, victimes de l'adultère, profitent de la diminution de la part de Loana.
- Le 16 mai 2002 (1 point)
Minnie Mathis : ¼ en usufruit
Grégory = Jean-Pascal = Patrick = Loana : 1/16 en NP + 3/16 en PP
Article nouveau : 334
Articles anciens : 731, 745 et 767
- le 16 mai 2003 (1 point)
Minnie Mathis : ¼ en PP
Grégory = Jean-Pascal = Patrick = Loana : 3/16 en PP
Articles nouveaux : 334, 731,732, 735 et 757
Deuxième question : Validité du testament (3 points)
- Problème de la date (1 point)
Une date incomplète peut être reconstituée. La jurisprudence a même admis que la date du testament peut être reconstituée pour le tout.
Ici, le testament est de 2002 et la mort de Marko en 2003. Cela suffit puisqu'aucun événement ne peut aller à l'encontre de la validité du
testament. L'arrêt Payan du 9 mars 1983 permet de considérer que la précision du jour et du mois est indifférente.
- Problème de la signature (1 point)
Depuis l'arrêt du 24 juin 1952, il est admis que la signature peut n'être constituée que d'un prénom.
- Forme du testament (1 point)
Il s'agit d'un testament olographe : il ne peut priver le conjoint survivant de son droit viager au logement (article 764 alinéa 1er).
Troisième question : Conclusion du pacs (1 point)
- La conclusion d'un pacs est sans effet sur les droits successoraux.
Depuis 2005, les droits de succession sont de 40% jusqu'à 15.000 et de 50 % à compter de 15.000 (1.500 à retrancher).
Quatrième question : Conclusion du pacs (2 points)
- Le club de remise en forme peut poursuivre l'indivision successorale pour sa facture.
- En pratique, cette somme doit être inscrite au passif de la succession.
Cinquième question : Liquidation de la succession (10 points)
Les époux sont mariés sous le régime de la séparation de biens. Il est indiqué que " le patrimoine de Marko est ainsi constitué au jour du
décès ". Minnie Mathis n'a aucun droit sur ces biens (1/2 point).
Le conjoint survivant n'aura droit qu'à son droit viager sur le logement familial.
Olivier Crayon bénéficie du reliquat de la quotité disponible, après imputation des donations et du droit viager (1/2 point).
Qu'advient-il lorsque, comme en l'espèce, lorsque le logement, propriété du défunt, a été légué à un tiers ? Ce dernier (Olivier) conserve
des droits futurs sur le bien légué. L'exercice des droits du légataire est reporté à la date du droit viager d'habitation du conjoint (1/2 point).
La donation faite à Patrick est en avancement d'hoirie, faute de précision.
Les actions d'Eurofumel ne sont pas prises en compte. Elles ont perdu toute valeur par l'effet de la force majeure (1/2 point).
A. CALCUL DE LA QUOTITE DISPONIBLE ET DE LA RESERVE (2 points)
Biens existants au jour du décès :
- appartement rue des cabots : 1.000 k
- appartement de la rue Cognacq : 500 k
- meubles : 10 k
- dette pour le club de remise en forme : - 10 k
Rapports des donations :
- donation pour Grégory (de la Starac) : 100 k
- donation pour Jean-Pascal : 150 k
- donation à Loana : 250 k
- donation à Patrick (1/3 de la valeur) : 400 k
Total : 2.400 k
QD = 600
Réserve individuelle = 450
B. IMPUTATIONS (2 points)
La donation HP faite à Grégory s'impute sur la QD à hauteur de 100 k ; il reste 500 k ;
La donation HP faite à Jean-Pascal s'impute sur la QD à hauteur de 150 k ; il reste 350 k ;
La donation AH faite à Loana s'impute sur sa RI à hauteur de 250 k ; il reste 200 k ;
La donation AH faite à Loana s'impute sur sa RI à hauteur de 400 k ; il reste 50 k.
Il reste donc 350 k pour Olivier.
Olivier, de par le testament, aurait eu théoriquement le choix entre :
- prendre la quotité disponible ;
- prendre l'appartement de la rue des Cabots.
Toutefois, l'appartement de la rue des cabots (1.000 k) excède ce à quoi il a droit (350 k).
Il lui reste donc à prendre les 350 k.
Ce seront les enfants qui supporteront le droit viager de l'épouse (2 points).
C. MASSE A PARTAGER (2 points)
Biens existants au jour du décès :
- appartement rue des cabots : 1.700 k
- appartement de la rue Cognacq : 700 k
- meubles : 10 k
- dette pour le club de remise en forme : - 10 k
Rapports des donations :
- donation à Loana : 300 k
- donation à Patrick (1/3 de la valeur) : 500 k
TOTAL : 3.200 k
Legs à Olivier
Ce legs doit être réévalué. Olivier a droit à 350/2400 x 3.200 = 467 k
Reste à partager pour les enfants : 3200 - 467 = 2733 k
Soit 683,25 k par enfants
D. ATTRIBUTIONS (2 points)
Grégory - 683,25
JP - 683,25
Loana : 683,25 - 300 = 383,25
Patrick 683,25 - 500 = 183,25
OC : 467
DROIT DES SUCCESSIONS
Cours de Madame le Professeur FLOUR
SESSION DE JUIN 2006
TRAITEZ AU CHOIX L'UN DES DEUX SUJETS SUIVANTS
1°) Sujet Théorique
La réserve héréditaire vous paraît-elle adaptée aux objectifs et aux besoins du droit successoral d'aujourd'hui ?
2°) Sujet Pratique
TROIS DRAMES A LA HUITIEME COMPAGNIE
Trois drames viennent de survenir lors de la célèbre émission de télé réalité, la huitième compagnie. Le producteur de celle-ci, désigné par
contrat exécuteur testamentaire des candidats de l'émission, vient vous voir afin que vous l'aidiez à répondre aux questions qui lui sont
posées.
I - LORDY (6 points)
En premier lieu, le jeune Lordy, âgé de 18 ans, a été mortellement blessé par un puma au cours d'une expédition dans la jungle.
Il laisse pour lui succéder :
− Paul, son père, avec qui il était en conflit à propos de droits d'auteur encaissés par Paul pour le compte de son fils et que Lordy
lui réclamait ;
− Félix, son oncle paternel (frère de Paul) ;
− Charles, son cousin, issu de Sophie sœur prédécédée de Paul ;
Thérèse et Théodora, les deux sœurs de sa mère Marie qui, elle, est prédécédée.
Madame Plantigrade, président de l'association de défense de l'ours en France, revendique la succession. A l'appui de sa prétention, elle
présente une lettre reçue de Lordy peu de temps avant sa mort, ainsi rédigée :
« Je vous remercie des aimables vœux que vous m'avez adressés pour mes dix huit ails.
Je soutiens votre cause de tout mon cœur, et si je meurs, je souhaite que toute mua fortune soit attribuée à votre association, afin de
favoriser le lâcher d'ours dans les forêts françaises.
Lordy ».
Le producteur s'interroge :
− quelle est la dévolution de la succession de Lordy ?
− Madame Plantigrade peut-elle prétendre à des droits dans la succession et lesquels ?
− que se passe-t-il si, comme il l'a annoncé, Paul renonce à la succession ?
− qui peut agir contre Paul afin de récupérer les droits d'auteur détournés ?
Il - GAZMADI (6 points)
A - Vient ensuite le cas de Jean-Pierre Gazmadi mort d'épuisement après une marche forcée autour du camp.
Il laisse à sa survivance :
−
son épouse Simone, de qui il s'était séparé de fait en 1992, mais sans jamais divorcer ;
−
un fils issu de son mariage, Benjamin ;
−
une fille, Coralie, née de Flavie Wallon avec qui Jean-Pierre vivait en concubinage depuis 1995.
Le producteur juge bien compliquée la situation familiale et vous demande comment la succession doit se répartir entre les ayants droits.
La solution serait-elle la même si Jean — Pierre Gazmadi était décédé le 31 mai 2002 ?
B - Après quelques recherches, le producteur a découvert que par acte notarié du 17 mars 1990, Jean-Pierre Gazmadi avait légué à son
épouse l'universalité de sa succession, et que, par testament olographe régulier du 2 janvier 2006 ne comportant aucune clause
révocatoire expresse, il a légué tous ses biens à Flavie Wallon. Quels sont les droits de chacun ?
III - REGINA (8 points)
Regina LAFERME a succombé de mort naturelle pendant son sommeil.
Elle laisse pour lui succéder cinq enfants issus de ses trois mariages successifs, avec qui elle s'est montrée inégalement généreuse.
− A l'aîné, Patrick Truelle, né de son premier mari Henri Truelle, elle a donné en 1962 par avancement d'hoirie une maison sise 9 rue
des Pétrels à La Baule (valeur au jour de la donation : 100.000 , au jour du décès 580.000 , au jour du partage 650.000 ). Toutefois,
Patrick a fait construire une piscine dans cette résidence, et il apparaît que sans cet aménagement, l'immeuble vaudrait au jour du décès
500.000 , au jour du partage 620.000 .
− Les deux derniers enfants, issus du troisième mariage de Regina avec Monsieur Babar (dissous en 2005 par la mort de son mari), ont
reçu les donations suivantes : Ben Babar a reçu en 1987 2000 actions de la société Arthur, à titre préciputaire (valeur totale au jour de la
donation : 170.000 , au jour du décès 220.000 , au jour du partage 100.000 ).
Enfin Jennyfer Babar a reçu, en avancement d'hoirie et en 1995, la nue propriété d'une maison située au Raincy (valeur de la maison
entière au jour de la donation : 200.000 , au jour du décès 250.000 , au jour du partage 300.000 ; il est établi que Regina avait 60
ans au jour de la donation et que la nue propriété représentait alors 40% de la valeur du bien).
− En revanche, Regina s'entendait extrêmement mal avec les deux enfants issus de son second mariage, Matt et Raphaël Poquelrat. En
conséquence, ceux-ci n'ont été gratifiés d'aucune donation.
Totalement dépassé, le producteur souhaite que vous établissiez un projet d’état liquidatif étant observé que les biens existants se
composent de :
- un appartement dans le 15ème arrondissement à Paris (valeur au jour du décès 500.000 , sans changement au jour du partage) ;
- une propriété avec golf à Bourges, 111 rue Jean Baffier (valeur au jour du décès 300.000 , au jour du partage 500.000 ), que,
par testament notarié, Regina a légué au SAMU de Bourges ;
- un compte bancaire présentant un solde positif de 30.000 au jour du décès et 20.000 au jour du partage par suite du paiement
des frais funéraires (10.000 ).
DOCUMENTS AUTORISES : Code civil Dalloz ou LITEC
Calculette
(Rien ne s’arrange…)
ELEMENTS DE CORRECTION A LA HUITIEME COMPAGNIE
chaque * = ½ point
I. LORDY (6 points)
1. Dévolution successorale (1 pt)
* Il faut appliquer l’article 734 du code civil sur les ordres des héritiers :
« En l'absence de conjoint successible, les parents sont appelés à succéder ainsi qu'il suit:
1o Les enfants et leurs descendants;
2o Les père et mère; les frères et sœurs et les descendants de ces derniers;
3o Les ascendants autres que les père et mère;
4o Les collatéraux autres que les frères et sœurs et les descendants de ces derniers.
Chacune de ces quatre catégories constitue un ordre d'héritiers qui exclut les suivants ».
* Il n’y a aucun héritier du premier ordre et le père est le seul héritier du second ordre. Le père a vocation à tout recueillir.
2. Validité du testament (pitié pour les ours ! – 3,5 pts)
* c’est un testament olographe, au sens de l’article 970 du code civil. Il doit remplir trois conditions : « Le testament olographe ne sera point
valable, s'il n'est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur: il n'est assujetti à aucune autre forme ».
* il doit être écrit en entier de la main du testateur : c’est le cas en l’espèce, puisqu’il s’agit d’une lettre missive de Lordy ;
* il doit être signé afin d’identifier le testateur et de constater son intention de tester. En l’espèce, il n’est signé que du prénom. Toutefois,
« la signature par le seul prénom d'un testament olographe répond suffisamment aux exigences de l'art. 970, dès lors qu'elle permet
d'établir avec certitude l'identité de l'auteur de ce document et sa volonté d'en approuver les dispositions (Civ. 24 juin 1952: D. 1952. 613;
JCP 1952. II. 7179, note Voirin).
* il doit être daté de manière précise. Les faits et circonstances extrinsèques au testament peuvent, dans la mesure où ils corroborent les
éléments intrinsèques dans lesquels doit avoir son principe et sa racine la preuve de la date d'un testament olographe, servir à établir cette
date ou à la compléter (Civ. 24 juin 1952: D. 1952. 613; JCP 1952. II. 7179, note Voirin). En l’espèce, l’élément intrinsèque est que Lordy a
envoyé cette lettre pour remercier Mme Plantigrade de ses vœux.
* La jurisprudence Payan semble devoir être écartée : elle ne s’applique que s’il manque le quantième de la date…. « En cas d'omission du
quantième du mois, et dès lors qu'il n'a pas été soutenu que, pendant tout le cours de ce mois, la testatrice ait été frappée d'une incapacité
de tester ni qu'elle ait rédigé un autre testament révocatoire ou inconciliable avec le testament litigieux, le caractère incomplet de la date
n'entraîne pas la nullité du testament »(Civ. 1re, 1er juill. 1986: Bull. civ. I, no 193; R., p. 137; D. 1986. 542, note Grimaldi; Defrénois 1986.
1019, note Grimaldi). Toutefois, la solution est discutée. On peut penser qu’ici le testament est valable.
* Le légataire est une personne morale, une association, apte à recevoir le legs.
* Même si le testament est valable, le père est un héritier réservataire du quart en pleine propriété (C. civ., art. 914).
3. Renonciation de Paul (1 pt)
* si Paul renonce et si le testament est tenu pour valable, Mme Plantigrade reçoit tous les biens ; elle a la saisine de plein droit mais doit se
faire envoyer en possession par le Président du tribunal de grande instance ;
* si Paul renonce et si le testament n’est pas considéré comme valable, il y a application de la fente (C. civ., art. 749) : Thérèse et Thédora
auront chacune ¼ et Félix obtiendra la moitié.
4. Action pour les droits d’auteur (1/2 pt)
Selon l’article 724 du code civil, « Les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt ». « Les
légataires et donataires universels sont saisis dans les conditions prévues au titre II du présent livre ».
Mme Plantigrade peut agir de plein droit si le testament est valable. On doute que Paul agisse contre lui-même ! Si Paul renonce, les oncles
et tantes peuvent exercer cette action.
II. GAZMADI (6 points)
A. Mort ab intestat
A 1 (2 pts)
* La loi du 3 décembre 2001 s’applique à compter du 1er juillet 2002.
* Si Jean-Pierre est mort aujourd’hui, les enfants font partie du premier ordre (C. civ., art. 734) et viennent donc à la succession sans
distinction entre l’enfant légitime et l’enfant adultérin.
* Aucune séparation de corps ou aucun divorce n’étant intervenu entre Jean-Pierre et sa femme, celle-ci a droit, en tant que conjoint
survivant, à un quart en pleine propriété (C. civ., art. 757).
A 2 (2 pts)
* Si Jean-Pierre est mort le 31 mai 2002, la loi du 3 décembre 2001 n’a pas vocation à s’appliquer aux décès antérieurs au 1er juillet 2002.
* Certaines dispositions sont d’application immédiate (égalité entre les enfants issus du de cujus), d’autres ne le sont pas (droits du conjoint
survivant).
* Le CS a droit à un quart en usufruit (C. civ., ancien article 767).
* Les deux enfants à un huitième en nue-propriété et trois huitièmes en pleine propriété.
B. Dévolution testamentaire (2 pts)
* La question est de savoir si le second testament a opéré révocation tacite du premier, au sens de l’article 1036 du code civil : « Les
testaments postérieurs qui ne révoqueront pas d'une manière expresse les précédents, n'annuleront, dans ceux-ci, que celles des
dispositions y contenues qui se trouveront incompatibles avec les nouvelles, ou qui seront contraires ».
* Il faut une incompatibilité matérielle et/ou morale :
*- pas d’incompatibilité matérielle : il s’agit de deux testaments instituant deux personnes différentes légataires universels ; or, cela est
juridiquement possible ;
*- pas d’incompatibilité morale : Gazmadi est en bons termes avec son épouse et le seul fait de consentir un legs à sa maîtresse n’est plus
contraire à l’ordre public ou à la morale.
III. REGINA (8 points)
NB : Il était demandé un « état liquidatif ». Toutefois, certains étudiants ne semblent pas avoir pratiqué cette technique. Il sera admis que,
faute d’état liquidatif, les calculs peuvent être faits librement, sans respecter la forme.
I. DEVOLUTION (1 pt)
* Regina a cinq enfants. Ils viennent tous les cinq à la dévolution. Pas de conjoint survivant.
* Ce sont des héritiers réservataires : QD = ¼ ; RG = ¾ ; RI = 3/20.
II. VERIFICATION DE L’ATTEINTE A LA RESERVE (2 pts)
* Concernant les biens existants, il convient de tenir compte de la valeur au jour du décès (art. 922).
* Concernant les donations, il convient de rapporter la valeur du bien au jour du décès (art. 922)
* Lorsque la plus value est due à l’activité du donataire, la plus-value n’est pas rapportable (art. 860).
* BEAUVARLET (n°17, p. 14) : « si la donation a été faite à l’héritier avec réserve d’usufruit stipulée au profit du donateur, l’héritier devra le
rapport de la pleine propriété ».
TOUTEFOIS, si la réserve d’usufruit a été faite au profit d’un tiers, l’héritier ne doit rapporter que la nue-propriété (cf. BEAUVARLET, eod.
Loc.).
Les deux solutions sont possibles et admises.
III. CALCUL DE LA QUOTITE DISPONIBLE (1,5 pt)
Il nous faut tout d’abord calculer la Masse de calcul (Art. 922 ) et la quotité disponible :
*ACTIF
- Appartement à Paris
500.000
- Propriété avec golf à Bourges
300.000
- le solde du compte
30.000
PASSIF
- Frais funéraires
10.000
SOLDE
820.000
*Réunion fictive des donations :
- donation faite à Patrick :
- donation faite à Ben BABAR
- donation faite à Jennyfer
Total des donations
MASSE DE CALCUL : 1.790.000 (ou 1.640.000 )
500.000
220.000
250.000 (ou 100.000 )
970.000 (ou 820.000 )
*Dont le ¼ formant la quotité disponible est : 447.500 (ou 410.000 )
Réserve globale : 1.342.500 (1.250.000 )
Réserve personnelle : 268.500 (250.000 )
IV. IMPUTATION DES LIBERALITES (2,5 pts)
* Pour la donation faite à Patrick en avancement d’hoirie, la villa de La Baule est imputée à hauteur de 268.500 (250.000 ) sur sa
réserve personnelle, puis, pour les 231.500 (250.000 ) sur la quotité disponible. Reste 216.000 (197.500 ) dans la QD.
* Pour la donation préciputaire faite à Ben, la somme de 220.000 doit être imputée sur la QD. Ben doit donc une indemnité de réduction
de 4.000 (22.500 ).
* Pour la donation faite à Jennyfer, elle a été consentie par avancement d’hoirie et doit donc être entièrement imputée sur la réserve
personnelle : elle vaut 250.000 au jour du décès, ce qui est inférieur à cette réserve.
Le legs fait au SAMU ne peut être exécuté pour deux raisons :
* la QD est épuisée ;
* le SAMU n’a pas la personnalité morale. Il n’est qu’un service de l’hôpital et ne peut donc être légataire.
On peut se poser la question de savoir si le SAMU pouvait recevoir la donation, comme ayant prodigué les derniers soins à Regina. Ce
n’est pas le cas, car, selon l’énoncé, elle est mort dans son lit.
V. MASSE A PARTAGER (1 pt)
* Revalorisation de l’IR due par Ben Babar : (4.000 / 220.000) x 100.000 = 1.818 (10.227 )
*ACTIF
- Appartement à Paris
- Propriété avec golf à Bourges
- le solde du compte
500.000
500.000
20.000
SOLDE
1.020.000
Réunion fictive des donations :
- donation faite à Patrick :
- donation faite à Ben BABAR (IR)
- donation faite à Jennyfer
Total des donations
MASSE A PARTAGER : 1.941.818 (1.950.227 )
620.000
1.818 (10.227 )
300.000
921.818 (930.227 )
Part de chaque héritier : 388.364 (390.045 )
VI. ATTRIBUTIONS (non demandé)
- Patrick : 388.364 (sa part) – 620.000 (son rapport) = soulte de 231.636
- Ben Babar : 388.364 (sa part) – 1.818 (son IR) = 386.546 ;
- Jennyfer : 388.364 (sa part) – 300.000 (son rapport) = 88.364
- M’Poquelrat : 388.364 (sa part)
- Raphaël : 388.364 (sa part)
Vérification : Solde 1.020.000 + soulte Patrick 231.636 = 1.251.636
Distribué : 386.546 (Ben) + 88.364 (Jennyfer) + 388.364 (Matt) + 388.364 (Raphaël) = 1.251.638 (erreur due à l’arrondi de
l’indemnité de réduction de Ben)
Il y a en réalité deux biens d’égale valeur (l’appartement à Paris et la propriété à Bourges). Aucun des héritiers ne peut y prétendre. Le plus
simple est sans doute, pour le notaire, de tout vendre et de répartir les fonds…
._-~
;c
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1
i
1
l
,
.B
.
,
1
~
l,
,.
---~1
.~'
.1--,..
-
-Les systèmes de filiation
Dans l'abstrait, rien n'empêche de tracer à l'infin~ les axes verticaux
de la famille, les faisant remonter très haut dans le passé, ou les projetant
loin dans l'avenir. Il n'en va pas ainsi dans la pratique. Toutes les
sociétés humaines excluent de la parenté proche les générations
antérieures aux arrière-grands-parents d'Ego, et ceux qui y ont appartenu
.très
,
;.
sont rangés dans la catégorie globale des ancêtres ou des dieux. On peut
en déduire qu'aussi bien dans les sociétés de l'oralité que dans celles de
l'écrit n'est considéré comme parent proche que l'individu qu'Ego a pu
connaître personnellement, ou qu'un de ses ascendants a pu connaître
personnellement (il nous suffit de constater que dans nos propres
sociétés, la ligne d'horizon du souvenir passe le plus souvent par le
niveau des grands-parents, plus rarement par celui des arrière-grandsparents). Mais les ancêtres, nous le savons, sont toujours au milieu des
vivants. Même si le souvenir de leur vie terrestre tend pour ces derniers
à s'estomper au bout de quelques générations, il n'en constitue pas moins
des--gén:éa1ogies-âô-nf-Ië-tôlë--est-fOridiifuëritaI.
~-;.,-
~
,.--r'--
""i'."~
;'
1- Il existe plusieurs façons de définir la parenté. Nous distinguerons
avec M. Alliot entre ensembles et groupes de ,parents, avant d'étudier
la façon dont ces parents succèdent aux biens.
~
137 LES ENSEMBLES
DEPARENTS:LESPARENTÈLES.
-Les ensembles de
parents sont essentiellement constitués par les parentèles. La
parentèle comprend toutes les personnes avec lesquelles un individu se
reconnaît en parenté. Son contenu peut varier: il peut soit inclure les
consanguins jusqu'à un certain degré et exclure les alliés; soit les inclure
les uns et les autres; soit admettre certains alliés et en rejeter d'autres.
Les membres d'une parentèle sont donc toujours parents de l'individu
de référence, mais, suivant la formule choisie, ils ne sont pas
nécessairement parents entre eux. D'autre part, la parentèle inclut en
général moins de parents que d'autres formations parentales, telles que
les lignages. Enfin, cet ensemble n'a qu'une existence éphémêre : conçue
par rapport à un individu, la parentèle disparaît avec lui, elle ne se
transmet pas à ses descendants. Le caractère restreint de la parentèle est
encore accentué par le mode de calcul de la proximité de la relation de
parentèle, qui est le plus souvent ceui du degré.
Le nombre des degrés qui séparent deux parents est égal, en ligne
directe, à celui des générations qui séparent l'ascendant du descendant,
et en ligne collatérale, à la somme des degrés qui, en ligne directe,
séparent chacun de l'auteur commun (le père et le fils sont parents au
premier degré, le grand-père et le petit-fils au deuxième, l'oncle et le
neveu au troisième). L'individu est donc entouré de cercles de parents,
mélangeant collatéraux, ascendants et desœndants, et ordonnés en degrés
d'éloignement croissants (le cercle des parents au premier degré
comprend les enfants d'Ego et ses père et mère; celui de ses parents au
deuxième degré, ses frères et sœurs, petits-enfants et grands-parents;
'0
,\
.--,.--"
;;;;
11 ~
celui
de
ses
tantes,
parents
peut-il
qui
ne
pas
pas
degrés
exemple,
par
et
pas
des
des
ensembles
rapport
ses
pourquoi
parentèles
par
peu
aux
établissons
commun
généalogies,
que
la
soit
nous
des
important
138
,
être
groupes
de
les
de
les
individus
car
tous
ce
la
parents,
faisant
éloigné,
commun,
l'axe
lignée,
ci-après9
même
groupe
auteur
la
par
identifions.
que
dans
De
ce
les
principe
faits,
structure
général
dans
suit
lignagère,
un
rôle
sera
lignage,
sont
même
la
plus
ainsi
de
si
parents
ce
ou
de
moins
le
entre
dernier
situation
que
parents,
peut
cet
étiré,
auteur
du
montre
le
clan
tableaù
:
9. Extrait deF. Zonabend,De la famille (op. cil. supra,noie 4), p. 56.
~
:
Ancêtre
mythique
1
r-j\;cê~r~-;i;A
---1---
mort
~I
1
~
Ancêtreréel
CLAN
vivant
lignage
lignée
,
Ego
Lignée, lignage, clan
Quelle
filiation
que
pas
unilinéaire,
en
parentèles,
maternels
la
de
est
filiation
sont
choisie,
de
le
filiation
sa
la
dimension
synonyme
l'enfant
rapport
patrilinéaire,
et
soit
n'est
celui
en
s'efface
associés).
dans
de
descendant
qu'avec
mère
;.;;
beaucoup
ensembles
parents
Suivant
filiation
le
de
les
commun,
mythique.
de
passant
ancêtre
CLANS, LIGNÉES, LIGNAGES. -A
produire
d'un
d'un
vertical
en
se
partie
ou
nous
d'un
nous
qui,
en
certains
racines
issus
bien
joue
l'Etat,
groupes
traditionnelles.
peut
descendent
de
des
nos
nous
famille
modernes,
que
parents
dans
C'est
emprunter
19869~_pe~~!_~~_~~f~!l.~L4-e_P9-!1~_~
père).
Mais
la
sociétés
qui
de
règne
sociétés
lui
patrilinéaire,
de
de
qui
retrouver
auquel
reste
de
(par
éphémère.
domination
peuvent
groupe
LES GROUPES DE PARENTS:
assez
la
le
loi
dans
l'inverse
tous
c'est
nom
divorce;
face
pour
et
du
le
caractéristique
plus
lorsque
matn-centrage
'-'-'-"""'_."'.-~---lë'-no-mae-fam~e'-acëoféà'ëëïiïidu
généralement
en
elles
:
reconstituons
transmission
affaibli:
n'avoir
leur
vie
cependant
et
de
calcul
arrière-petits-
celle
les
volonté
Cependant,
lignagers
des
même,
de
le
par
de
ses
faible
dans
la
plus,
constituent
logique,
est
fréquentes
et
cohérents.
systèmes
d'une
un
personnes
qui,
reliés
ne
cohésion
très
bien
ainsi
et
Ainsi
communauté
situations
fruit
la
sont
fort
familiaux
seront
le
oncles
des
De
une
--
arrière-grand-mère
individus
pas
l'individualisme,
s'accommode
traits
sont
nièces,
degré
(une
paternel).
des
Ces
dont
même
elles
oncle
individu,
elles
les
un
partagent
tantes).
parentaux
du
parents
un
et
aberrations:
caractérisées
qui
à
oncles
et
etc.).
parents
à
comme
ne
neveux
entre
apparentée
généalogique,
enfants
des
parentes
identifie
éloignement
ses
arrière-grands-parents,
parmi
elles-mêmes
n'est
par
à
degré,
et
compter
sont
paternelle
eux
troisième
arrière-petits-enfants
individu
--'-"""
au
-1"'"'"-
de
un
régime
devant
ces
ses
des
deux
deux:
matrilinéaire
la
systèmes,
descendance.
descendance:
le
Dans
parents,
son
(alors
terme
un
mais.
père
en
que
parents
de
système
il
n'est
régime
dans
paternels
les
~~J"e"_~
._~_.-
-~
J;..f;"
-.,--
1/ La lignée. Elle comprend les descendantsd'un auteur réel encore
vivant par rapport à Ego.
'.
1
1
2 / Le clan. Le clan correspond à la longueur maximale de l'axe
vertical :. il unit les descendantsd'un auteur réel, mort ou vivant, à un
ancêtremythique qui, souvent, n'est pas un humain mais un animal ou
un végétal. Le clan met donc en jeu une parenté mystique, alors que la
lignéeet le lignage reposentsur des liens parentauxbiologiques. Les clans
portent le plus souvent des noms d'animaux ou de végétaux, qui leur
serventà s'identifier et à se distinguer des autres groupes claniques, en
liaison avec les croyancestotémiques.
3 / Les lignages Unissant les descendantsd'un ancêtre réel décédé,
les lignages occupent une position intermédiaire entre les lignées et les
clans. Leur extensiongénéalogiquevarie beaucoupsuivant les sociétés:
elle peut aller de trois à dix générations. Les lignages ne reposent pas
que sur le temps, par l'intermédiaire de la filiation. Ils sont aussi en
rapport avec l'espace: de même qu'au départ du lignage se trouve un
ancêtre, tout lignage est fondé sur un espacelignager, étendue sur
laquelle vivent à un moment donné les descendantsdu fondateur. Les
lignages jouent un rôle fondamental dans beaucoup de sociétés
lE
Filiation indifférenciéeou cognatique
(la patrilinéarité domine en Afrique du Nord; en Afrique noire et à
Madagascar,les sociétéssont tantôt patrilinéaires, tantôt matrilinéaires,
rarement bilinéaires).
Le rôle des lignages est fondamental dans les sociétésoù pouvoirs
politique et parental ne sont pas différenciés. En conséquence,dans ces
sociétés, la parenté est limitée à la communauté généalogique (en
l'absence du pouvoir politique, celle-ci suffit à constituer l'armature de
la société)définie par la descendanceet l'alliance. Par ailleursles groupes
de parenté sont différenciés selonle sexede l'ancêtre et la nature du lien
de rattachement. Soit l'on considère l'ensemble des descendantspar les
hommes et par les femmes comme appartenant à une même
communauté: la filiation est dite indifférenciée. Soit on détermine les
relations parentales en fonction du sexede l'ancêtre: elles peuventêtre
patrilinéaires, matrilinéaires, bilinéaires.
a / La filiation unilinéaire, très fréquente, se présente sous deux
formes: matrilinéarité, patrilinéarité. Dans la filiation matrilinéaire(c'est
le système adopté notamment par les Nayar [sud de l'Inde], les
Minangkabau [Indonésie], les Trobriandais [Mélanésie], les Ashanti
[Ghana], les Bantu [Afrique Centrale] et de nombreusessociétésd'Asie
du Sud-Est), les relations s'établissentseulementà partir desparentspar
les femmes,la transmissiondes biens et desstatutss'effectue uniquement
entre cesparents. L'enfant n'appartient pas au lignage de son père et
n'hérite pas de lui; celui qui exerce sur lui l'autorité « paternelle » est
son oncle utérin, c'est-à-dire le frère de sa mère. Il esttrès important de
comprendre que matrilinéarité n'est pas synonyme de matriarcat: la
plupart des systèmesmatrilinéaires sont patriar~aux, en ce sensque_la
transmissiondes biens et des statuts se fait de l'oncle utérin aux enfants
de la mère, et non pas de la mère aux filles. Autrement dit, si la filiation
..
,...
~G_.
prend les femmescomme points de référence,c'est au profit des hommes
qu'elle fonctionne; l'oncle maternel est le chef de famille, l'autorité
continue à appartenir aux hommes et à leurs frères. Le rôle effacé du
mari explique que le divorce soit fréquent et facile dans les sociétés
matrilinéaires: chez les Shoshone (Indiens d'Amérique), il suffit à la
femme qui veut se séparerde son mari de mettre sesaffaires hors de la
hutte:...)
--ra
filiation patrilinéaire est attestée à la fois dans des sociétés
traditionnelles et modernes. Pour C. Lévi-Straussll, elle tend cependant
à prédominer dans les sociétés où le pouvoir politique s'est différencié
du pouvoir parental, car il est difficile de faire coexister un pouvoir
politique essentiellement masculin et une organisation parentale
matrilinéaire. Pour l'essentiel,la filiationt2atrilinéaire applique les mêmes
règlesque la patrilinéaire, mais en inversantles sexes.Il existe cependant
desdifférences. Le déséquilibre entre les deux systèmesvient du fait que
les hommes entendentconserverla position dominante danstous les cas.
La patrilinéarité leur facilite les chosescar elle les regroupe, alors que
la matrilinéarité relie hommes et femmes du groupe consanguin. Dans
le patrilignage, les hommes devront exercerun rôle dominant sur leurs
épouses,car le lignage se reproduit par elles. Dans le matrilignage, les
hommes devront retenir leurs sœurs, car ce sont elles qui engendrentles
enfants du lignage. Dans le système patrilinéaire, la compensation
matrimoniale (prix versé par les parents du fiancé à ceuxde la fiancée)
est-souvent-plus--importante.quedans-1es-systèmes-matrllinéajr-es-W;
la-femme divorçant plus facilement, l'époux n'a guère intérêt à verser une
compensationtrès élevée.J
b / La filiation bilinéaire a été découverte en 1924par RadcliffeBrown: chaque lignage possèdeune ou des fonctions spécifiques. Les
Yako (Nigeria) sont un bon ex~mplede ce mécanisme.Les patrilignages
y transmettent les biensfonciers, les matrilignages(c'est-à-direles frères
des mères) les biens meubles.
c / La filiation indifférenciée ou cognatique est une solution qui
tranche avec les précédentes: l'appartenance à un groupe de parenté
n'est plus fondée sur le sexe. Tous les descendantsd'un individu fontpartie de son groupe de parenté, et tout individu peut hériter d'un
quelconque de ses ascendants. Ego est membre non d'un ou deux
lignages, mais d'autant de cercles de parenté qu'il pourra s'en
reconnaître. Nous retrouvons alors la structure en parentèles,
caractéristique de nos sociétés, étudiée plus haup5.
Ainsi s'ordonnent les personnes et se maintiennent et évoluent les
groupes qu'elles forment à travers le temps, ponctué par les décèset les
naissances.Qu'en est-il des biens?
139 LA SUCCESSION
AUXBIENS.-Domat affirmait: « L'ordre des
successionsest fondé sur la nécessitéde continuer et transmettre
l'état de la société, de la génération qui passeà celle qui suit »16.C'est
diré que la façon dont est organiséela successionaux biens reflète celle
dont est structurée la société. Il serait simpliste d'opposer les sociétés
modernesoù les régimessuccessorauxseraientstrictementindividualistes,
et ceux des sociétéstraditionnelles, où le groupe annihilerait l'individu.
Dans nos sociétés aussi, la volonté de l'individu est contrainte par des
règleset il ne peut disposerentièrementà sa guisede sesbiens: l'héritage
a une fonction familiale et sociale. Par ailleurs, nous allons voir que les
sociétéstraditionnelles n'ignorent pas l'individu, mais elles l'intègrent
dans le projet communautaristel7.Les différencessont en réalité plus de
degréque de nature.
1/ Premier principe: Les régimessuccessorauxtraduisentl'insertion
despersonnes dans le groupe. Cette insertion ne co~iste pas à op~oser
les droits de l'individu à ceux du groupe, encoremoms à les supprimer,
mais à les ordonner par rapport à la place que l'individu oc~upedans
le groupe.
IS. Cf. supra,137.
16. Domat, Traité des Lois,Chap. VII, 1.
-.."."-
.,
:',-D'une
-.-'."-"-'"
part,
catégories
sociales.
généalogie
orientée
d'abord
en considération
plus
appréhendés.
l'ancien
ancien
l'oncle
et nouveau
succéder
à ceux
qui sont
alors
choisis
cadette
de la mère).
les biens
impératifs
généalogiques
sa propre
dans
du frère
On
transmettre
peut
une
aussi
dépend
de
neveu
à
les biens
parallèle
à la sienne
ou le fils
de la sœur
changer
aux
devront
génération
et
ou aux fils
de la nièce.
Ces
individus,
de
dont
la
a une
part
lui-même
affecter
funéraires
du mode
ou le
du père,
le défunt
ses héritiers
et sacrifices
avec
généalogique
est prédécédé,
préférer.
Enfin,
facilement
du groupe
situation
du père,
s'imposent
est très limitée.
aux repas
normal
dans
hiérarchie
être
proximité
qui
on prend
la
(patrilinéarité),
cadet
aux petits-fils
succession:
traqsmis
placés
le fils
dans
doivent
proximité
au père
de la société
des biens
des membres
grande
Si le successible
(seront
testamentaire
détenteurs
les relations
détenteur,
peut
élevée
les
\
d'une
admis,
détenteur
est
la plus
membre
r
toutes
justifier
Ce principe
de l'ancien
nouveaux
-,. entre
peuvent
commun
position
on considère
(matrilinéarité).
échoient
sa
s'éparpiller
qui
ancêtre
en préférant
le fils
pas
les biens.
la place
les
Puis
filiation:
d'un
Plus
détenteur
entre
individus
et transmettre
parental.
parentale,
les
à partir
détenir
groupe
doivent
Seuls
peuvent
le
< ne~
-..,
les biens
qui lui
une partie
seront
liberté
dans
des biens
périodiquement
offerts.
~.:
"
, ._-,
On
---~D'autrep-m,irn'y-a-p-a:s-qU"e-re-sbtetrs-à:être-objetde-roc-cession:
hérite de fonctions,
d'épouses,
d'enfants,
au même
matériels,
savoir
car si la succession
qui va prendre
lesquels
il se situait
-Enfin,
individu
a lieu à cause
la place
dans
du défunt
un rapport
si dans nos propres
ne coïncide
d'hoirie,
dans
ce
succession
n'a
pas lieu à cause
la
majorité
qui
du
concerne
à cause de vie
de filiation,
les enfants
compensations
décrit
ci reçoit
d'un
partie
les successions
aux
de lignage)
on pense
en effet
ancien,
celui
les sociétés
leurs
qui
que l'individu
est le plus
conceptions
peuvent
général
du
temps
le
publiques
du vivant
qu'au
décès
2 1 Deuxième
de la fonction
à identifier
privées
propriétaires.
aux
de l'individu
traditionnel
vise
de façon
à assurer
à la fois
que
biens
décédé
non
Le
dans
au contraire
la cohésion
que
quant
premières
et celles
familiales
droit
au transfert
est le plus
aux biens
d'un
à organiser
des groupes
aux
s'opèrent
n'ayant
tiennent
moderne
le patrimoine
à
les
les succ~sions
successoraux
des biens.
titulaire:
constate-t-on
celles aux biens
Les régimes
celui-
chef de terre,
de leur
les
de mort,
a
lors
fils,
à diverger
deuxièmes,
de leurs
socio-parentale
plus
les
qui les exercent,
principe:
Ainsi
dans
à cause
Bonte
En revanche,
les autres
ont tendance
de ceux
Le droit
générations
lieu
dans
les
à leur
P.
guérisseur,
successoral:
la
de processus:
la mort
des ancêtres.
ou aux fonctions
la succession
du patrimoine
ont
décès;
utérins
à son père.
(sorcier,
de
des règles
de son premier
lieu qu'à
et modernes
titre
majoritél8.
le plus apte à diriger
proche
aux fonctions
précéder
fonctions
publiques
la
à cause
nécessaires
ce type
appartenant
généralement
traditionnelles
successions
lieu
fonctions
mais
ou oncles
leur
du Niger
ou de la naissance
du troupeau
n'ont
pères
pas
matériels,
le respect
matériels
plus
n'est
à juste
dans
atteignent
Gress
biens
parle
dit,
d'un
est beaucoup
successoral
des
Verdier
de leurs
où ils
Kel
de
avec
la succession
du prédécesseur,
et les biens
individu,
une
chef
{R.
recevront
les Touareg
du mariage
dévolution
»). Autrement
au moment
chez
les êtres
son décès (avancements
le temps
de la mort
matrimoniales
établissement
avec
ce phénomène
la
successeur
« succession
il est nécessaire
de tous
juridiques
traditionnelles:
En
que d'objets
particulier.
systèmes
etc.),
les sociétés
le même.
de
de mort,
vis-à-vis
pas automatiquement
donations-partages,
fréquent
titre
droit
en
plutôt
compte
a tendance
de propriété
de son héritier.
le transfert
des biens
et la succession
des
des individus.
18. Une fonne atténuéede ce phénomèneconsiste,dans nos sociétés,en l'aide accordéepar les parents
~..y ;~.."~. ~~"~"a.
,
"
" ","j,
Ibi " Ii
-'
':,:7::C:::::. ',"\;",::ë;~~-~_..~---J.~
-D'une
part, la valeur des..""-~;
biens dépend moins de leur nature
écon~J?Ïque. q~e de leur ~elat,ion au gr?upe q~i a vocation sur eux (ainsi
les Serere dIstIngueront-ils, a valeur economIque égale, entre la vache
venant de l'oncle utérin et celle reçue du père). II n'y a donc pas d'unité
du patrimoine:
puisque la valeur économique n'est pas déterminante
elle ne peut servir de mesure commune d'équivalence entre des biens d;
nature différente. II n'y a donc pas, non plus, d'unité de la succession
au triple niveau des biens, des fonctions et des personnalités. Les bien~
sont parentalisés : chaque être est relié par la chaîne de ses ascendants
à l'ancêtre fon~ateur : ,de même les biens s~nt d'abord reliés à celui qui
le~ a l.e premIer crees, reçus ou acquis, qui ne se confond pas
necesSaIrement avec leur dernier détenteur, d'où l'éventualité de
successions qui sont d'abord collatérales (de frère à frère) avant de passer
à la génération suivante. Quand la dévolution est verticale, elle obéit aux
principes de patri, matri-, ou bilinéarité. Cette répartition entre les lignes
de filiation se complique souvent de distinctions tenant non plus
seulement à l'origine généalogique des biens, mais à leur nature: œrtains
biens (en général les terres) ne se transmettent qu'aux hommes (que ce
soit dans les patri- ou matrilignages) ; d'autres (parures, bijoux) ne se
transmettent que de mère à fille. (On remarquera que notre institution
de l'attribution
préférentielle -de
l'exploitation
agricole, puis de
l'entreprise -utilise
aussi cette idée de dévolution différenciée suivant
",
-~-;.;~_.-
-'-.
.
1
1
1
la
"" ~.
~c
,~" ~"';,
comme indispensables à leur fonctionnement:
le groupe tout entier a
alors vocation à leur succession, et les individus ne peuvent modifier par
leur volonté les règles qui la commandent. D'autres, considérés comme
accessoires, seront qualifiés d'individuels:
ceux qui en ont la maîtrise
;;;; ,,-'
~~
disposeront d'une plus grande liberté pour If;S faire circuler.
Malgré la brièveté de ces descriptions, on aura constaté que le droit
traditionnel sépare beaucoup moins que le droit moderne les biens et les
personnes. Faut-il y voir un signe d'« infantilisme » ? Plutôt celui d'une
autre logique. Dans les sociétés modernes, l'Etat tend à nier les groupes
au profit de l'individu. Dans la société traditionnelle, la parentalisation
des biens est une des expressions juridiques principales de leur existence.
II est donc logique que l'Etat inverse cette tendance, et sépare beaucoup
plus les biens et les personnes, tout en privilégiant la propriété
individuelle:
l'Etat républicain français, en valorisant la liberté
individuelle, s'est toujours enorgueilli d'avoir délivré l'individu des
contraintes des groupes. Nous avons aujourd'hui de bonnes raisons de
penser que celui-ci n'a fait que changer de maître, et que la liberté de
l'individu, c'est surtout la puissance de l'Etat.
Mais il est une autre question à laquelle incline irrésistiblement la
diversité des structures qui commandent les relations de parenté: quelles
sont les raisons de ces variations?
140 HYPOTHÈSESSUR LES FONDEMENTSDES DIFFÉRENCIATIONS
DES
SYSTÈMES
DEPARENTÉ.-Nous
avons déjà vu que les structures
parentélaires correspondaient à des sociétés où l'Etat affirmait sa
prééminence sur les ensembles parentaux19 et que, d'après C. LéviStrauss20, la différenciation
du pouvoir politique conduit à la
patrilinéarité. Mais au-delà de ces quelques r~marques, qui mèttenten
relief de~ facteurs d'ordre politique, nous ne pouvons avancer que des
hypothèses.
-F~'
!
.,.,"
';"
,-~Les
comparaisons
l'importance
des
certains
au
productivité
l'importance
du
tropicales
femmes
sub-tropicales,
plus
hommes.
Par
inclinent
à penser
que
dont
domestiquent
de
grand
semences.
sociétés
Le
d'autres,
le
donne
chaque
une
de
série
la
année
clones,
xénophobes
et
l'expérience
de
se
et
le
ou
ensemble
leurs
fait
une
avec
individus
Sur
ils
le
obéit
tendance
et à valoriser
le rôle
ils
principes
repiquages
sont
souvent
urie
conformément
soumettre
du
au
ses
et constituent
de
politique,
à
et
lignées
à des
provenant
plan
ont
à
variés
soigneusement
animaux.
céréaïes-piatiquerii--fréquenïment
Sur le plan
social,
endogames.
relations
très
replantés,
i
et
plante
certaines
sont
de tubercules
entre
plantes
conçoivent
tubercules
individus
les
Cresswell
certaines
sélectionner
les
chasser
et R.
favorisant
des
mêmes
de
des
l'Etat
sol
zones
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Les
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les
animaux,
La
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les
que
les
la
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à
l'individu
A
l'inverse,
'--'--T~
à
la
dans
les
20. Cf. supra, 138.
21. Cf. D. F. Aberle, Matrilineal descentin cross-cultural perspective,in Matrilineal Kinship, D. M.
Schneider and K. Gouth ed., Berkeley-Los Angeles,Univ. of Califomia Press, 1961,p. 655-727.
Cf. également H. E. Driver, Cross-Cultural Studies, in Handbook of Social and Çultural
Anthropology (op. cil. supra, 8), p. 349-356.
22. Cf. R. Cresswell, La parenté, dans Eléments d'Ethnologie, dir. R. Cresswell,t. Il, Paris, A. Colin,
1975, p. 170-172.
pays
d'Asie
la plante
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l'Etat
et
quotidienne.
Toujours
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Les
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manières
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la
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matrilinéarité21
masculin
con~rôle
ou
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sont
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contrôle
les
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conduire
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1
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en
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D'une part, les conditions matérielles influent sur l'organisation des
structures de parenté, mais elles ne suffisent pas à les déterminer. Le
degré de différenciation du pouvoir politique joue lui aussi un rôle
important. D'autre part, la prépondérance des activités masculines
semblefavoriser la patrilinéarité : toutes les sociétéspastoralesnomades
(sauf les Touareg) sont patrilinéaires. Or les hommes y jouent un rôle
essentiel, car c'est sur eux principalement que repose la tâche de
domesticationdes animaux. Cependant, il ne s'agit là que d'une loi de
tendance, car dans toutes les sociétés dont la vie matérielle repose sur
d'autres activités (chasse,pêche, cueillette, agriculture, artisanat), à toute
époque, et quel que soit le mode de production, on constate la présence
des relations de parenté unilinéaires, bilinéaires et indifférenciées.
Comme l'écrit M. Godelier, nous devons donc malheur~usementen
conclure que « Pour l'instant, les sciencessocialesn'ont pas encoreété
capablesde décelerles corrélations entre les manièresde produire et les
manièressocialesde se reproduire »23.Ce constat ne signifie pas que les
mécanismesde détermination des structures parentales soient le fait du
hasard: le brouillard dans lequel nous les discernons n'est dû qu'au
caractère rudimentaire des projecteurs dont nous disposons. Nous
bénéficions heureusementde lumières plus vives sur les types d'alliance
matrimoniale.,(...)
"-
Section fi
Mutations et persistancede la famille
c.,;;;'i$~qr'fit~""
";~*';:l~~~
'c '1,i1,~t?)::'~~~Jffj
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« On ne peut plus croire que la famille évolue de façon\\i~m:~ré,~;
depuis.d~sformes arch.aïques,et qu'on ne reverra plus, versc;~~~I~~
s'en dIstInguent et qUI marquent autant de progrès. il se'l?;m~~
contraire que, dans sa puissanceinventive, l'esprit huD1ain.:'~pI~~~rfJ
conçu et étalé sur la table presque toutes les modalitésde'c~;~:lf:'~1}i;
familiale, ce que nous prenons pour une évolution ne's~rait:âl6rS:;"gU}~~
_J;ioj,,"~~~;!i:~
{:suite de choix parmi ces possibles, résultant de mouvements en sens
r'divers dans les limites d'un réseaudéjà tracé », écrit C. Lévi-Straussll.
-'{Les études les plus récentes sur l'histoire des structures familiales
~~ihontrenten effet que les théories évolutionnistes, dans ce domaine
ttomme dans les autres, n'ont pas été vérifiées par l'expérience. Notre
~odèle de relations familiales, dont le droit positif ne prend en compte
~tt'uecertains éléments en en laissant d'autres dans l'ombre ~u fait, se
~attache à une configuration plus générale que conI:laIssent les
~;â'hthropologues: les systèmes complexes de parenté. Les alliances
~atrimoniales, sur lesquellespèsetoujours l'interdit de l'inceste,.~ sont
fffégïes par des lois que le Code n'exprime pas dans leur totahte. La
;ifamille esttoujours le lieu d'un compromis entre la nature et la culture,
~-êt;mêmesi l'évolution actuellede sesformes e~représenta~onspe~t nous
~~édontenancer,l'individu continue à s'y confier : la famIlle persIste,les
t;signesen abondent.
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1 1 CRITIQUE DE L'ÉVOLUTIONNISME
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parM. Segalen
et F. Zonabend,Famillesen France,dans: Histoirede
~~~~l~F,!~ille,t. II (op. Clt.),508-512.
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235 LE DROITAU SERVICE
DU MYTHE - Les c"""';lles nucl!.";
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succe~sorale; une 101de 1964 a affranchi le conjoint survivantde:1ri}~.
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eure ac ue e, a lscalité successoraleassimile pratiquement à~~
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13, CfotCo T.itelot, r~/ père, te/fi/~, Pari,s, D.unod, ~982o De ce point de vue, nos sociétés ocCidi/1il~
son moins mo es que certaines d Afrique onentale, régies par le système des classes d'âg~~t~~
;,:fl
~.;.-~"'-'"'
étrangers les parents autres que le conjoint ou les successiblesen ligne
directe du défunt. Cette prééminenceaccordéepar le droit officiel à la
famille nucléaire, et que les faits démentent en partie, n'est pas
innocente. L'Etat y trouve un double avantage. D'une part, l'unité
nucléaire est une base qui lui facilite ses opérations de quadrillage: il
est plus facile de contrôler, recenser et taxer sur la base de familles
nucléaires que de groupes étendus. D'autre part, plus profondément,
--œtte--1amille__nucléair.e__r.epr~§~nte les valeurs individualistes
(ronsensualisme, autonomie de la ~oIonté)-qii'1f-estœnsè-garanfiÏ'-:-l'instituer, c'est du même coup nier les groupes qui pourraient faire
obstacle à sa puissance.Le contexte historique dans lequelse manifesta
avec le plus de force l'idéologie de la famille nucléaire, celui qui suivit
la fin du second conflit mondial, était d'ailleurs particulièrement
..favorableà l'élaboration du mythe: l'Etat-Providence allait prendre en
charge les fonctions autrefois assuréespar la famille. Du moins devaitil ,le faire croire: le droit positif fut un des instruments de la leçon
assénéeà la société. L'anthropologue et l'historien voient les choses
:autrement. La famille nucléairen'est pas l'héritière de la famille étendue,
;'ell~ne représentepas forcémentl'avenir. n n'y a« .., plus guèrede place
:a"l'hypothèse évolutionniste, qui a longtemps traîné dans les sciences
sociales, d'un passageprogressif et universel de la famille élargie
traditionnelle à la famille nucléaire moderne. Dès le Haut Moyen Age
-etpeut-être déjà même dans certaines sociétésantiques, les historiens
:voient naître sinon triompher le ménagenucléaire. Quant aux sources
statistiques, elles révèlent à l'échelle de l'Europe, depuis le début des
temps modernes, plusieurs formes d'organisation familiale, chacune
jouant dans une aire plus ou moins bien délimitée le rôle de modèle
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:~'La dimension propre du droit, c'est le temps. La propriété, comme toutes,
~)~~autres institutions juridiques, n'a de sens que dans le temps. Plus que1
~!'importe
quelle autre institution juridique.
Les biens survivent aux1
tip~isonnes. Inscrites dans la forme des toits ou la ligne des haies, les1
f[co~tumes des siècles passés survivent autour de nous: la propriété est une.~fu~moire
de l'humanité, mémoire de pierre et de terre. Mais il faut, pour cela.
f~q4'
elle
soit
une continuité.
';:;::cLacontinuité,
est-ce la perpétuité? La proposition se rencontre dans tous
l
"'--'
~resmanuels de droit civil: la propriété est un droit perpétuel. C'est un mot
::gueles hommes ne doivent prononcer qu'avec crainte, car il n'est pas à leur
,.'.tîlesure.
La Cour de cassation a même été jusqu'à affirmer que la propriété,
:,'
.
i$tiixIe
entre tous les droits réels, ne se perd pas par le non usage -défi
de
.,"---"""
~~:;;)lUS:-ëflnuUle~-laïicê-au-temps,-43t-Plus-raisonnablement,nuand-on-dit-que
';1a,-propriété
,~,.,est un droit perpétuel, on veut dire qtI' elle
.,. est un droit
'héréditaire.
c.",
::":,,,C~est
parce que la propriété est héréditaire qu'elle peut faire de grandes
;tboses. Nous avons l'exemple d'un droit réel coupé de l'hérédité et de la
.~:dtirée : l'usufruit. Or, l'usufruitier ne construit pas, il mange: il n'essaie
~~ême pas de retarder l'effet destructeur du temps, il vit. Donnez aux
\;"~.Qpriétaires l'esprit usufruitier -ce
qu'ont peut-être par nature les
~f"~
';':[(39)Loi Loucheur du 13 juillet 1928.Les H.LM. sont sortiesde là.
~~:(40)
Loi du 31 octobre 1919.
-"
..
;"-"(41) Décret-loidu 24 mai 1933.
;;~!"(42)
Loi du 2 août 1949.
:::'::(43)Req. 12 juillet 1905,D. 1907.1.41,S. 1907.1.273.Nousne prétendonspas que la
~~s6Iution
était injustifiée en l'espèce.Cependant,l'argument souventinvoqué,qu'il faut
!~ièn déciderque la propriété ne seperd pas par le non-usage(alors qu'aucunposses.
:salr ne l'a d'ailleurs acquise),si l'on veut empêcherqu'elle ne revienneà l'Etat comme
~biensansmaître -cet argumentétait plus impressionnanten 1905qu'aujourd'hui.
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propriétaires des pays trop neufs -ils
chercheront à tirer de l'immédiatle:~
rendement maximum, dût le fonds en crever; mais ne comptez pas sur eûX;
pour lutter contre la dégradation des sols et l'érosion:
c'est ainsi qu'unè:
partie de la terre américaine fut mise en péril. Et pour reconstituer les sols;il
faut une continuité de soins, non pas limitée à quelques années, mais
poursuivie pendant de nombreuses décades, plusieurs générations. Nous y
voici:
la propriété, particulièrement
la propriété immobilière,
plus
particulièrement la propriété rurale, appelle, de son essence, un caractère'
familial (44). Ce n'est pas à l'échelle de l'homme qu'il faut bâtir la propriété;,;
c'est à l'échelle de la famille (45).
;~~:::
Conserver les biens dans les familles n'a pas été une simple vue arist~:'
cratique de l'ancien régime. Quand le législateur contemporain a pris.Iés
dispositions, dont nous parlions tout à l'heure, pour faciliter l'accès des rldIi:É
possédants à la propriété, il s'est aussitôt soucié de donner à cetteipe'ttîêè
propriété un aménagement familial. Tout notre droit des successions et dés',
libéralités est. l'organisation
de cet instinct qui pousse la propriété à
s'allonger le long de la famille.
,.-,,:::~
Ni trop, ni trop peu. L'esprit de démesure est proche, qui inspire -àia':
propriétés qui ne mourraient pas. De tout temps, le droit civil a eu en soiitiles dangers économiques, sociaux, de la mainmorte, d'une accumula.tîon'
indéfmie des biens entre les mêmes mains. Pour les dimensions temporelles
comme pour les dimensions spatiales de la propriété, il y a un optim~m'à.-,
rechercher.
--ci
Nous ne croyons pas qu'on puisse le découvrir dans l'opposition, devèlitiê'
-"
aujourd'hui si habituelle, entre deux aspects de la famille, la gens et:..'là~'
domus : la gens, la famille longue, celles des aristocrates et des sépultures;1a:~
domus, la famille concentrée, celle des prolétaires et des berceaux. La domUs.
-mari,
femme, enfants -, si stable qu'elle soit est encore trop transitoir~;~$i:
la propriété devait être mesurée par elle nous n'aurions que des instantM:é$':
de propriété. Un critère plus probant est fourni par la durée de 1â:Y:iè}
humaine. La vie qui nous est prêtée est telle qu'un même homme 'pe~""
connaître ses parents et ses grands-parents, ses enfants et ses petits-ertfariiS,
Il n'y a jamais que trois -mettons,
pour tout couvrir, quatre génération~:~!
qui puissent se sentir consciemment liées entre elles. Au-delà, tout:e~!
brouillard
et nuit, à quoi le droit ne doit plus sa garantie -ce que 1è.législateur monarchique avait sans doute entendu, lorsque, tout en ad~e~nt
le principe des substitutions fidéicommissaires, il les avait limitées àdé~~:
degrés, première disposition non incluse (46). C'est assez pour,qu~,
l'individu, bref passant, ait l'illusion de l'éternel, trop peu pour que la. fa;!Ii~pe:;~
.-,',-c
en ait la réalité sacrilège.
",~i,,-,;:t;,;.:
'".;~::~i~~~i
(44) Cf. R!PERT et BOULANGER,op. cit.,. t. 1: n° 2714.
(45) Dans le même sens, pour le patrimoIne, A. SÉRIAUX,La notlOnjUndlque
moine,Rev.trim. de droit civ., 1994,p. 801,spéc.p. 812.
(46)Ordonnanced'Orléansde 1561.
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~;::';:'~.~~
de?at?:,'
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~ 4C-.S.
812
""'-~.,
:,:
Alain Sériaux
A l'autre extrême, on est alors conduit à se demander si les biens patrimoniaux
par excellence ne sont pas ceux qu'une personne capitalise en vue de les transmettre à ses héritiers. Le critère ultime de la patrimonialité, ce serait ainsi la vocation
successorale du bien. Dans cette perspective, chaque transmission héréditaire renforce encore le caractère patrimonial du bien. On n'a peut-être pas assezremarqué
que, dans le langage des rédacteurs du code civil, le mot héritage est souvent utilisé
de préférence à celui, plus moderne, de fonds ou de bien immeuble.
Etymologiquement, le terme de patrimoine signifie « ce qui vient des pères », ce
que l'on tient de ses aïeux. Dans les domaines extrajuridiques, il est d'ailleurs pratiquement toujours employé en ce sens, que l'on parle de patrimoine moral (37),
de patrimoine génétique (38), de patrimoine culturel (39) .ou même de patrimoine
commun de l'humanité (40). Une personne peut d'autant mieux considérer un bien
comme sien qu'elle en a hérité de ses parents ou d'ascendants encore plus éloignés (41). Plus un bien reste dans la famille, plus il est patrimonial (42). L'expression couramment utilisée de nos jours, de « droit patrimonial de la famille» ne serait-elle pas au fond qu'une simple redondance? S'il en est bien ainsi, la notion juridique de patrimoine prend encore une nouvelle (et ultime ?)dimension. Le véritable titulaire des biens patrimoniaux au sens fort du terme, n'est plus l'individu
personne physique (43) mais sa famille- Certes les biens doivent appartenir en propre à une personne: il en va de la nécessité de leur bonne administration, de celle
-.a!A.s.side_trQ.UYe~$.p.onsable.-pDur_leS-dommagescausésaux-tiers_par_ces-biens_- f~-~"-"""""~Mais s'agissant de biens appelés à être transmis de générations en générations (44),
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leur propriétaire actuel doit en être considéré au fond comme le gérant provisoire.
La propriété n'est plus un droit mais une charge, la charge d'administrer pour
transmettre ensuite morti5causa.Toute propriété ne serait-elle pas en quelque sorte
fiduciaire (45) ?
(37) V. par ex. Jean-Paul II, Veritatis splendor,1993,n" 4, qui lui donne la connotation d'un acquis de la civilisation.
(38) V. par ex. A. Jacquard, Elogede la différence,éd. du Seuil, 1978, passim,qui lui donne la
connotation d'une richesse dont nous ne connaissonspas encore, il s'en faut de beaucoup, toutes
les potentialités.
(39) Ici encore ce sont les acquis de la civilisation- Mais: primo, il S'jigit d'acquis de n'importe
quelle civilisation; secundo: cet acquis est d'ordre artistique (Lato sensu)et non moral (stricto
sensu).
(40) L'expression se développe en droit international public. Elle évoque un acquis intouchable, soit parce qu'il est en lui.même positif (ex. : les fonds marins), soit parce qu'il a. positive.
ment, le mérite d'inciter à ne pas oublier ce qui est négatif (ex. : n'a-t-on pasproposé de ranger le
camp d'Auschwitz dans le patrimoine commun de l'humanité ?).
(41) Il en va ainsi à plus forte raison pour les biens qui viennent de ce Père par excellence qui
estDieu. En ce sens il estpermis d'affirmer que le peuple juif a un droit imprescriptible à la terre
de Palestine que Yahvé lui donna jadis en héritage. Evidemment, notre droit international pu.
blic, pétri lui aussi de laïcité, ne peut guère tenir compte de ce genre d'arguments. Nombre de
civilisations ont éprouvé le besoin de rattacher la propriété de leurs biens publics ou privés à la
volonté desdieux. Tel fut par exemple le cas des Romains.
(42) Ici encore, notre excellente collègue Mme Michelle Gobert s'insurge (lettre préc.) : « Oùje
peux à la rigueur vous suivre quand vous faites de l'usufruit de la propriété au sens large, je ne
comprends plus ensuite quand vous souhaitez réduire le patrimoine à ce qui vient des pères,
compte tenu du caractère essentiellement viager de l'usufruit ". Qu'il nous soit à nouveau permis
de dissiper une confusion. Ce qu'il y a pour nous de patrimonial dans l'usufruit ce sont les fruits
car eux seuls sont, dans une certaine mesure, appropriablesdéfinitivementpar l'usufruitier. C'est
dire qu'à l'expiration de l'usufruit, notamment lors du décès de l'usufruitier, ce dernier n'aura
jamais à rendre aucun des fruits légitimement perçus, même s'il ne les a pas consommés. En ce
sens, ils font partie du patrimoine au sens très étroit retenu ici «<ce qui vient des pères") car ils
sont transmissibles mortis causaaux héritiers de l'usufruitier. Mêmes observations pour le droit
;
d'usage.
(43) Nous ne parlons pas despersonnes morales: celles-cin'ont pas de famille et peut-être pas,
sous cet angle, de patrimoine.
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l'individu n'avait de droits qu'au regard desdivers groupessociaux,
au premierchefla famille; alorsquela sociétécontemporaine
n'entrevoit les groupesqui la composent
quepar l'associationlibre et révocable desindividus.Ce renversement
de perspectives
secomprendparfaitementquandon examined'où vient, en partie, la réforme.Elle est
(nonpasuniquement)
le fruit de l'arrêt Mazurekdela Coureuropéenne
des droits de l'homme (Lire les analysestrès fines d'Anne Debet,
L'influencede la Conventioneuropéennedes droits de l'hommesur
le droit civil: Dalloz, Coll. Nouvellesbibliothèquesde thèses,2002,
n° 778s.). Or l'arrêt Mazurek,faut-il le répéterencoreune nouvelle
fois, ne censuraitpas l'arrêt rendu le 25juin 1996,par la Cour de
cassationpour ses motifs.La Cour de Strasbourgn'avait nullement
reprochéà la Cour de cassationd'avoir ref~séde contesterles règles
légalesde la dévolutionau nom du droit au respectde la vie privée.
Elle avait pris appui sur d'autresconsidérations,à savoir l'égalité
quantaux biens.C'estbiencela qui estànoter. Devantle juge français
l'on contestaitla qualité d'héritier tel que défini par le Codecivil;
devantle juge européen,l'on fit appelà l'égalité du partage,passant
ainsi du droit despersonnesà celui des biens.
Cela signifie que l'on ne raisonneplus en partantde la qualité
d'héritier pour se demanderà quoi a droit cet héritier mais de la
consistancede la succession
pour s'interrogersur le point de savoir
qui à des droits dessus.Ce mêmeraisonnementest désormaissuivi
à proposdu conjoint survivantcar ce sont, endéfinitive, sesbesoins
qui déterminent
sesdroits.Ainsi d'un droit deshéritierssur l'héritage;
onen vientàun--droitdes:-héritiersà-rhéritage
Si la véritablequestionestdésormais
de savoirqui peutrevendiquer
des droits surun héritage,c'estque le droit civil dessuccessipns
est,
comme tout le reste du droit, dominé par l'idéologie des droits de
l'homme(Fr. Dekeuwer-Defosse'i;
Modèlesetnormesendroit contemporain de la famille in MélangesMouly : Litec, 1998,T, /, p. 281 s.,
spéc.287 s.). C'est un point qui ne sauraitêtre contestéen matière
de succession
depuisl'affaire Mazurek.Pour comprendre,
la réforme.
politique de la loi n° 2001-1135du 3 décembre2001,il ne faut nullementsedemandersi l'enfantadultérinou le conjointpeuventprétendre
avoir un titre sur cettesuccession,
fondé sur le lien du sang et la
légitimité de la parenté,mais s'interrogerplutôt sur ce qui conduità
ce que ce titre ordinairede la successionestdésormais
écarté.Or, il
l'est, justement,au nom des droits de l'individu, versioncivile des
droits de l'homme. Le droit successoral
commebeaucoupd'autres
droitscivils devientun« droità...»(D. Cohen,Ledroit à...in Mélanges
Terré: Dalloz,luris-Classeur,PUF,1999,p. 393 s.),un droitrevendicatif plutôt que subjectif
La boucle est ainsi bouclée.Dans Droit et passiondu droit sous
la V' République(Flammarion,1996,p. 262 et s.j, M.le Doyen Carbonnierfaisait,à raison,valoir qu' héritern'estpasun droitdel'homme.
À l'appui .decette observation,commentne pasnoter que dansle
Code civil, le droit successoral
occupele Titre 1erdu fameuxLivre III
Des différentesmanièresdonton acquiert la propriété.On objectera
alors que la propriétéestbienun droit nommédansla déclarationde
1789. Mais ce qui.est un droit de l'homme, c'est la sauvegardede
la propriété,non l' acquisitionde celle-ci. La déclarationpréservele
droit de chacunsur sa propriété,non le droit de chacunà revendiquer
une propriété.
En fait, l'évolution s'est accQmpliepar une autreévolution,celle
de la notion des droits de l'homme eux-mêmes,qui a été en se
synthétisantautourde deuxconcepts-maîtres:
la liberté et l'égalité.
L'idéologie des droits de l'homme a aussiconnuun phénomène
de
systématisation.
Les droits proclamés
en 1789étaient,avanttout, des
droits civiques.Ils sontdevenusdes droits civils. Droits du citoyen,
ils se sontmuésen droits de l'individu. Or, de mêmeque le citoyen
n'a de droits qu'au regardde la cité, l'héritier ne pouvait avoir de
droitsquepar safamille. Si l'on renverseles données,
alorsle citoyen
estcréancieravantd'être débiteurdedroits enversla cité et l'héritier
de même.il a des droitssur sa famille.
Cetteimprégnation
du droitparles droitsde l'homme(D. Gutmann,
Les droitsde l'hommesont-ilsl'avenir dudroit? in MélangesTerré:
op. cit.p. 329 s.-l. Foyer,Ledroit civil dominéin Mélal/gesCatala: ~
op. cit. p. 13 s., spéc. 14), tous.ceux qui réfléchissentsur les i~~es 1
politiquescontemporaines
le soulIgnent.
DanssonrécentCoursfamuzer
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,"--,,,-
~~,
dephilosophiepolitique (L'esprit de la cité: Fayard; 2001)M. Pierre
Manetécrit: «La notion des droits de l'homme est aujourd'huila
référencepolitique et moralecommuneen Occident.Tous les partis,
toutesles écoles,toutesles «sensibilités» s'en réclament.Une telle
unanimitésur un principeultimede moralitéet de légitimité estextrêmementrare sous nos climats» (p. 163); M. Éric Werner constate
que l'idéologie des droitsde l'homme estdésormais«poséecomme
une évidence,à laquelle il devientimpensablede ne pas adhérer»
(L'après-démocratie:Age d'homme,2001).
~ droit successoral
modernen'est doncplus un droit ayantpour
finalitéla conservation
de la famille,maisl'épanouissement
desindividus.On comprend,dèslors, parfaitement
quela dévolutionabandonne
désormaisle ligllage pour se concentrersur la famille nucléaire:
ascendants
et collatérauxvoientleurs droitsrestreints,parfois considérablement.La famille, à l'heure où l'individualismeruine les longues
parentés,
sereplie sur elle-même,commeles régionsprennentconsistanceface à la dilution de la nation dans la mondialisation.Il est
logique,aprèssontriomphedansle droit de:la filiation, que la vérité
biologiqueéliminetotalement
les postulatsdela familleinstitutionnelle.
Vérité et intimité: ce sontles deux piliers de la réforme.
Au terme,la famille n'estpas tant celle qu'on a voulue que celle
qu'on laisse,et c'estelle qui estapte à revendiquerdesdroits envers
l'héritage.La successionest le partagedesbiens qu'on laisse à sa
mort à ceux qu'on laisse à la vie. Ne succèdentque ceux envers
lesquelsl'on est tenupar des devoirs.Devoirsdu défunt plutôt que
droits deshéritiers: c'estla clé de voûtede la réforme.
Da~u_n_~~_~~r~éditérécemment,
Le dépérissement
de la politique.Généalogied'uiï'{[eiicominun-,Flammil-rlon-2002;coIL--Clramp-s,
--p. 75), Mme Myriam Revaultd'Alonnes,poseune interrogationqui,
résume,implicitement,les choix politiquesde la nouvelle dévolutiO/l1
légale: « Le problèmefondamental
de la modernitépolitique va désormais s'énonceren des termes qui renversentla perspectivede la
philosophieantique: commentpartantde l'individu, concevoirl'ordre
social?». En droit civil, la questionestde savoircommentconcevoir
l'héritage en partantdes héritiers.L'héritage n'est plus une simple
succession;il estune revendication;il estmoinsce qui est transmis,
quece qui est reçu,mieuxencoreil estdû. L'héritagen'est plus une
grâce,maisune dette.ço~prendrela nouvelleloi supposede contempler la dévolution non pas en partantdu défunt mais des héritiers
proches.L'égalitéde leursdroitsexpliqueensuitetoutle reste(Ph.lestaz,L'égalité et l'avenir du droit de la famille in MélangesTerré:
op. cit. p. 417s. -:.. v: Larribau-Temeyre,La réceptiondesprincipes
de liberté et.d'égalitéen droit civil, du Codecivil à aujourd'hui: un
tableauimpressionniste
in MélangesCatala: op. cit. p. 83 s.).
FICHE 1 – PROCEDURE INQUISITOIRE, PROCEDURE ACCUSATOIRE ET LA VOIE FRANCAISE
LECTURES
1. S. GUINCHARD, Discours à l’ENM, 2005 (extrait).
2. C. LAZERGES, La dérive de la présomption d’innocence, RSC 2003.644
3. F. SAINT-PIERRE, Un point de vue actuel sur la procédure pénale, D. 2002 chron. 3019
A compléter par :
F. TRICAUD, L’accusation, spec. La naissance du tribunal, DALLOZ, 1977 – réédition en 2000.
1. Serge Guinchard, La procédure européenne (extraits).
L'apparition de modèles mixtes de procédure
Parallèlement, en matière pénale, un modèle mixte, mi-accusatoire, mi-inquisitoire, se construit en droit
international et en droit européen (1°), qui aura nécessairement une influence sur nos procédures
nationales (2°).
L'accusatoire et l'inquisitoire dans les procédures internationales
Trois exemples suffiront.
L'accusatoire et l'inquisitoire dans la procédure suivie devant le tribunal pénal international de La Haye
En juillet 1998, les 9 et 10 précisément, il s'est passé à La Haye un événement important au Tribunal
pénal international ad hoc, compétent pour connaître des crimes contre l'humanité commis dans l'exYougoslavie et qui préfigure la future Cour pénale internationale. Ces jours-là, le Tribunal a modifié pour
la treizième fois son règlement de procédure et, sous la présidence d'un juge américain, a mis en place
un juge de la mise en état des affaires pénales pour contrôler l'action du Procureur pendant la phase de
recherche des preuves. En d'autres termes, l'inquisitoire a fait reculer l'accusatoire, la procédure
française l'a emporté, à ce stade du procès, sur la procédure anglo-saxonne, jugée inapte à permettre le
fonctionnement de cette juridiction pendant la phase d'enquête. Dans le même temps, il était décidé de
confier aux magistrats participant à la juridiction de jugement un pouvoir de direction pour fixer l'ordre
des dépositions, pour intervenir dans l'interrogatoire des parties et pour obliger les parties, dont le
Procureur, à produire leurs preuves.
L'accusatoire et l'inquisitoire dans la procédure suivie devant la future Cour pénale internationale.
Parallèlement à ce qui se passait à La Haye, était adoptée à Rome, le 17 juillet 1998, la Cour pénale
internationale qui entrera en vigueur soixante jours après que le soixantième État aura déposé ses
instruments de ratification (120 États sur 160 ont voté pour le statut de la nouvelle Cour). Compétente
pour connaître des génocides, des crimes contre l'humanité, des crimes de guerre et des agressions, la
Cour, qui siégera à La Haye, suivra une procédure mixte, mi-accusatoire, mi-inquisitoire, mais à
dominante largement accusatoire, le partage n'étant pas moitié-moitié. Il n'en reste pas moins que le
modèle de common law n'a pas été adopté pour l'ensemble de la procédure.
Il y aura une phase préalable de mise en état du procès pénal. Celle-ci sera placée sous la domination
du Procureur qui jugera de la nécessité d'ouvrir une enquête, d'engager des poursuites. S'il décide de ne
pas poursuivre, il en informe les États concernés, le Conseil de sécurité et la chambre " préliminaire " (=
d'instruction) qui ont un pouvoir d'examen de cette décision de ne pas poursuivre. S'il décide de
poursuivre, le Procureur il demande la remise de la personne ou sa présentation devant la chambre
préliminaire. C'est lui qui aura la charge de la preuve. Commence alors une phase inquisitoire.
En effet, l'instruction devant la chambre préliminaire est, en partie, inspirée du modèle français et est
conçue comme l'avait souhaité la France avec une procédure en deux temps. Dans un premier temps, la
chambre préliminaire instruit, c'est à dire prend des actes relatifs à la liberté individuelle, comme le fait
jusqu'à présent un juge d'instruction français (mise en détention, mise en liberté) ; mais la chambre ne
fait qu'aider les personnes à rassembler les preuves ; elle dispose cependant de prérogatives particulières
quand les preuves risquent de disparaître (exhumation, personnes malades). Mais la chambre n'instruit
pas au sens français du terme, puisqu'il appartient au Procureur de rassembler les preuves. Dans un
second temps, la chambre préliminaire organisera une audience de confirmation, au besoin sans la
présence de la personne poursuivie, mais selon une procédure plus proche du modèle anglo-saxon ; au
cours de cette audience, le Procureur présentera ses charges, que les personnes poursuivies pourront
contester. L'audience se termine par une décision de renvoi devant la Cour ou de non-lieu ou de
suspension de confirmation ; la majorité simple est requise et les opinions dissidentes ne seront pas
exprimées.
La phase de jugement devra toujours se faire en présence de l'accusé, la contumace n'étant pas prévue.
La procédure est alors conforme à ce que voulaient les autres États, c'est à dire accusatoire.
L'accusatoire et l'inquisitoire dans le modèle européen du Corpus juris portant dispositions pénales pour
la protection des intérêts financiers de l'Union européenne.
Rédigé par un groupe de juristes réunis sous l'autorité de Mme Mireille DELMAS-MARTY, ce texte
devrait permettre la libre circulation des magistrats dans un espace judiciaire rénové, dès lors que sont
en cause les intérêts financiers de l'Union européenne. Il vise ainsi à pallier les insuffisances actuelles
des instruments traditionnels de lutte contre la criminalité internationale et la corruption.
L'idée générale est d'abandonner les notions, classiques en droit communautaire,
" d'harmonisation " et " d'assimilation " qui devaient conduire à " l'unification " du droit en Europe. Il
s'agit de mettre en œuvre un instrument proprement communautaire, applicable directement sur
l'ensemble du territoire européen. Le Corpus juris donne une définition des infractions les plus fréquentes
dans la protection des intérêts financiers de la Communauté européenne (fraude au budget
communautaire, fraudes à la passation des marchés, corruption, abus de fonction, malversation,
révélation de secrets de fonction, blanchiment, y compris le recel, association de malfaiteurs) et prévoit la
responsabilité pénale des personnes morales.
Surtout, le Corpus juris contient des règles de procédure.
Celles-ci reposent toutes sur l'idée que " pour les besoins de la recherche, de la poursuite, du jugement et
de l'exécution des condamnations [...], l'ensemble des territoires des États membres de l'Union européenne
constitue un espace judiciaire unique ". C'est le principe de territorialité européenne. D'où une compétence
élargie des procureurs nationaux qui pourront se déplacer librement sur le territoire de l'Union ; ce
seront des procureurs itinérants. D'où aussi le caractère exécutoire, dans les autres États, des mandats
délivrés par un État membre, ainsi que des jugements rendus par les tribunaux nationaux. D'où enfin et
surtout, la création d'un véritable ministère public européen, avec le désignation, parmi les procureurs
nationaux et sous l'autorité d'un Procureur général placé à Bruxelles, de procureurs européens
compétents pour les infractions relevant de la protection des intérêts financiers de l'Union. Ces
procureurs européens bénéficieraient du principe d'indivisibilité du Parquet et de solidarité entre eux.
Chacun devrait apporter son assistance aux autres procureurs nationaux. Le Procureur général
assurerait la coordination et l'impulsion de l'ensemble. Tout ceci fait penser au F.B.I. américain.
Ces règles de procédure réalisent la synthèse des procédures accusatoire et inquisitoire.
Si l'autorité publique a le monopole des enquêtes et de la poursuite (procédure inquisitoire), il est créé un
juge des libertés, juge national chargé, dans la phase préparatoire, d'autoriser tous les actes attentatoires
aux libertés individuelles non seulement des mis en cause, mais aussi des témoins (système accusatoire).
Ce juge contrôlerait la légalité et la régularité des mesures demandées par les procureurs et le respect
des principes de nécessité et de proportionnalité.
En ce qui concerne les preuves, le Corpus juris d'une part, prévoit des règles minimales communes afin
de réduire l'hétérogénéité des critères nationaux d'admissibilité des preuves, d'autre part, prévoit des
modes de témoignages adaptés au caractère international de ces procédures ; ainsi, les témoignages
pourront être recueillis par relais audiovisuel, à partir des déclarations du témoin dans un autre État
membre ; de même, un procès-verbal d'audition, devant un juge, en présence de la défense, pourra être
enregistré par vidéo, à la fois pour les témoins et pour l'accusé, pourvu que soient respectés les droits de
l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.
La phase de jugement se déroulera selon les règles internes à l'État membre.
L'impact de ces modèles mixtes sur les procédures nationales
Ce qu'il faut bien comprendre, au-delà de ces exemples, c'est que ce mouvement de mondialisation ne
peut pas ne pas avoir d'effet sur les procédures nationales. L'internationalisation croissante de pans
entiers de notre droit et de certaines règles de procédure pour certains types de procès aura
nécessairement des répercussions sur nos esprits et s'inscrira, à terme, dans nos institutions nationales,
y compris pour les litiges internes. Comment peut-on penser qu'un juge qui a siégé à La Haye, qu'un
avocat qui y a assuré la défense d'un criminel de guerre ne reviendra pas changé dans son
comportement, dans sa pratique de la procédure ? Cette mondialisation de certains secteurs du procès
aura un effet d'entraînement.
D'où la nécessité d'accroître notre connaissance des principes directeurs des procès de demain. C'est le
troisième mouvement qui se dessine du dessein d'une procédure mondiale.
2. Revue de science criminelle 2003, Chroniques p. 644
La dérive de la procédure pénale
par Christine Lazerges Professeur à l'Université de Montpellier-I Directrice de l'équipe de Recherche sur
la Politique Criminelle
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Dérive, au sens premier, le bateau ou l'avion qui s'écarte de sa route sous l'effet des vents et des
courants.
En serait-il de même de la procédure pénale au coeur des débats de société qui agitent la France ? La
route de la procédure pénale est-elle clairement définie ? De quels vents et courants souffre-t-elle ?
Sans remonter plus avant, depuis le début des années 1980, des textes en cascade, soumis ou non au
contrôle du Conseil constitutionnel, manifestent et le malaise des acteurs de la justice pénale et
l'impérieuse nécessité d'une mise en conformité de notre procédure pénale avec les instruments
internationaux de protection des droits de l'homme et la jurisprudence de la Cour européenne des droits
de l'homme. Parmi ces textes, on rappellera la loi dite « Sécurité et Liberté » du 2 février 1981 ; celle du
10 juin 1983 abrogeant ou révisant certaines dispositions de la loi « Sécurité et Liberté » ; celle du 30
décembre 1985 portant dispositions de procédure pénale et de droit pénal ; celle du 9 septembre 1986
centrée sur la lutte contre le terrorisme ; celle du 30 décembre 1987 sur le placement en détention
provisoire ou sous contrôle judiciaire ; celle du 4 janvier 1993 réformant la procédure pénale ; celle du 24
août de la même année corrigeant la précédente. Enfin, on citera la loi du 15 juin 2000 renforçant la
protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes. Ce texte a déjà été complété ou
modifié à trois reprises par la loi du 4 mars 2002, la loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de
programmation pour la justice et celle du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure. L'inflation législative
est à son comble ainsi que la perte de cohérence de notre procédure pénale que ne fait qu'accroître le
projet de loi Perben, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.
Ce projet a été adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 23 mai 2003. Il suscite de
multiples réactions dans l'ensemble réservées. L'avis sévère de la Commission nationale consultative des
droits de l'homme (CNCDH, avis du 27 mars 2003) sur l'avant-projet adopté, pointe dangers et dérives
des dispositions de procédure pénale annoncées. Chacun peut observer que chaque législature depuis 20
ans retouche ou repense la procédure pénale en plusieurs étapes. De tous les textes cités, le seul qui
revisite la procédure pénale de l'interpellation d'un suspect au terme de l'exécution de la peine est la loi
du 15 juin 2000 dont nous allons considérer qu'elle constitue aujourd'hui la route en France de la
procédure pénale parce que ses principes directeurs sont dorénavant posés dans l'article préliminaire du
code de procédure pénale par l'article 1er de cette loi. Quant aux vents et courants entraînant dérive, ils
ont de multiples causes et, pour conséquence, une procédure pénale de plus en plus illisible.
L'article préliminaire du code de procédure pénale introduit par la loi du 15 juin 2000 borne la route.
Pour la première fois, à l'image du nouveau code de procédure civile, sont énoncés les principes
directeurs de notre procédure pénale sans ambiguïté :
I la procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties...
II l'autorité judiciaire veille à l'information et à la garantie des droits des victimes au cours de toute
procédure pénale.
III toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n'a pas été
établie...
André Giudicelli pose très bien la question du statut de l'article préliminaire(1). En effet, le statut de cet
article a été très discuté(2). « Y avait-il intérêt, dit-il, à répéter ce que le droit européen ou une norme
intégrée au bloc de constitutionnalité disait déjà ? Lors des travaux parlementaires qui allaient aboutir à
la loi du 15 juin 2000, deux arguments s'imposèrent pour justifier l'article préliminaire du code de
procédure pénale : l'intérêt pédagogique et l'intérêt herméneutique ». Le rapporteur au Sénat, Charles
Jolibois, voyait dans l'article préliminaire un moyen de faciliter l'interprétation et l'application du code de
procédure pénale(3). Les deux arguments pédagogique et herméneutique ont porté leurs fruits, preuve en
sont les premières applications jurisprudentielles de l'article préliminaire(4).
Ni le qualificatif d'inquisitoire, ni celui d'accusatoire n'apparaissent volontairement dans l'article
préliminaire du code de procédure pénale. Il a enfin été renoncé à la vieille querelle entre systèmes
accusatoire et inquisitoire pour se consacrer à la seule question qui vaille au fond : celle de savoir si la
pluralité des points de vue peut s'exprimer dans le respect de la présomption d'innocence et de la dignité
des personnes tout au long de ce processus qu'est le procès pénal.
La procédure pénale française se veut équitable et contradictoire à toutes ses étapes y compris devant le
juge d'instruction incarnant traditionnellement l'inquisitoire. La question du juge d'instruction, chargée
symboliquement, doit d'ailleurs être ramenée à sa juste place : moins de 8 des affaires font aujourd'hui
l'objet d'une instruction préparatoire.
Le contradictoire s'impose pour le suspect dès la garde à vue d'où l'importance de garanties fortes du
droit à la présomption d'innocence issu du principe du contradictoire ou même préexistant pour certains
auteurs au principe du contradictoire. Le principe du contradictoire s'impose toujours au stade de
l'exécution de la peine, cela seul justifiait le dernier volet de la loi du 15 juin 2000, peu commenté à tort,
et concernant la juridictionnalisation de l'exécution des peines.
La route est tracée, c'est celle aussi d'un modèle européen de procédure pénale. Cette route doit
permettre l'équilibre fragile entre respect du droit à la sûreté et garanties du droit à la sécurité. La
confusion est trop fréquente entre ces deux droits.
Le droit à la sûreté figure en bonne place entre la propriété et la résistance à l'oppression dans la liste
des droits imprescriptibles de l'homme à l'article 2 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen
de 1789. Ce droit imprescriptible implique celui de ne pas « être accusé et détenu que dans des cas
déterminés par la loi et selon les formes qu'elle a prescrites » (art. 7 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen). Le droit à la sûreté est le droit à la protection de la liberté individuelle. Inspirée
de l'habeas corpus britannique, la sûreté est conçue comme une garantie contre l'arbitraire, elle est
d'une autre nature que la sécurité des personnes et des biens liée à la prévention d'atteintes à l'ordre
public.
Le droit à la sécurité n'est érigé en droit fondamental et explicitement consacré que depuis la loi du 21
janvier 1995 ; il fut ensuite redéfini par la loi du 15 novembre 2001 comme une condition de l'exercice
des libertés et de la réduction des inégalités. Le législateur dans la loi pour la sécurité intérieure du 18
mars 2003 renonça à la réduction des inégalités comme incidence de la sécurité et affirma dans l'article
1er de cette loi : « La sécurité est un droit fondamental et l'une des conditions de l'exercice des libertés
individuelles et collectives »(5).
Le Conseil constitutionnel rappelle dans une formule récurrente cette différence fondamentale entre droit
à la sûreté et droit à la sécurité, constituant l'un et l'autre l'ossature de la procédure pénale : «
Considérant que la conciliation doit être opérée entre l'exercice des libertés constitutionnellement
reconnues et les besoins de la recherche des auteurs d'infractions et de la prévention d'atteintes à l'ordre
public notamment à la sécurité des personnes et des biens, nécessaires, l'une et l'autre, à la sauvegarde
de droits de valeur constitutionnelle »(6).
Malgré une route balisée par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés individuelles (CESDH), les textes constitutifs du « bloc de constitutionnalité » et l'article
préliminaire du code de procédure pénale, les vents et les courants qui s'expriment par des mouvements
de politique criminelle, induisent une marge de manoeuvre importante laissée au législateur. Ni la
jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), ni celle du Conseil constitutionnel,
évolutives l'une et l'autre, ne contiennent précisément ce que nous croyons être des dérives.
Nous en retiendrons trois :
* L'affadissement des garanties nécessaires du droit à la présomption d'innocence,
* La montée en puissance d'une procédure pénale parallèle en matière de lutte contre le terrorisme,
contre la criminalité organisée ou le trafic de stupéfiants,
* Les transferts de compétence du siège au parquet.
L'AFFADISSEMENT DES GARANTIES NECESSAIRES DU DROIT A LA PRESOMPTION D'INNOCENCE
La première finalité de la procédure pénale est de réaliser un équilibre, de « concilier l'inconciliable :
sécurité et liberté »(7). Ce fut tout l'objet de la loi du 15 juin 2000 où dès l'introduction du rapport en 1re
lecture à l'Assemblée nationale, il était rappelé la fragilité de l'état de présumé innocent, imposant un
encadrement juridique conforté, pour précisément renforcer l'état de droit(8). Renforcer l'état de droit
suppose de ne pas se priver d'outils de travail modernes pour lutter contre le crime(9) mais aussi de
rester fermes sur les principes directeurs de notre procédure pénale.
Or, nous vivons une telle instabilité législative que le spectacle offert par le parlement est celui d'une
instabilité au gré des vents, qu'il s'agisse de la définition d'un suspect, du droit au silence, ou encore de
la détention provisoire, exemples que nous retiendrons.
La définition du suspect
Distinguer le témoin susceptible d'être entendu le temps nécessaire à sa déposition mais non gardé à
vue, du suspect, plus tout à fait innocent, mais présumé innocent, a fait partie des ambitions du
législateur de 2000. Le choix retenu fut celui d'une définition objective du suspect et a contrario du
témoin simple. Aux termes de l'article 62 dernier alinéa du code de procédure pénale : « Les personnes à
l'encontre desquelles il n'existe aucun indice faisant présumer qu'elles ont commis ou tenté de
commettre une infraction ne peuvent être retenues que le temps strictement nécessaire à leur audition ».
Le suspect était à l'inverse celui à l'encontre duquel il existait des indices faisant présumer que... (art.
63, 77 et 154, c. pr. pén.).
Une circulaire du garde des Sceaux du 10 janvier 2002(10) indiquait que la limitation de la garde à vue
aux suspects dans la définition donnée par la loi du 15 juin 2000, ne faisait que « mettre en oeuvre en
droit interne les exigences posées par l'article 5, paragraphe 1 de la CESDH, selon lequel la privation de
liberté d'une personne n'est possible que « lorsqu'il y a des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a
commis une infraction ». Cette circulaire invitait à interpréter les articles 63, 77 et 154 au regard de
l'article 5, paragraphe 1 de la CESDH et précisait que « la notion d'indice doit être comprise comme
l'existence d'une raison plausible permettant de soupçonner la personne, dès lors que les nécessités de
l'enquête ou de l'instruction le justifient ».
Le contexte de l'époque était celui d'une pré-campagne électorale en vue des élections présidentielles.
L'agitation des services de police et de gendarmerie à la même époque fut à l'origine d'une « mission
d'évaluation des difficultés de mise en oeuvre de la loi du 15 juin 2000 dans les services de police et de
gendarmerie dans leurs relations avec la justice ».
Le rapport remis au Premier ministre(11) justifia la loi du 4 mars 2002 complétant la loi du 15 juin 2000,
en avalisant législativement la circulaire du 10 janvier 2000 sur divers points dont la définition du
suspect. Dorénavant, le suspect dans une définition totalement subjective est soupçonné sur la base «
d'une ou plusieurs raisons plausibles ». Une seule raison plausible peut suffire à jeter le soupçon sur
quelqu'un là où la CESDH en exige plusieurs.
La loi du 18 mars 2003 modifie à son tour dans les textes sur les contrôles d'identité la définition de ceux
qui sont susceptibles d'être invités à décliner leur identité ; ce ne sont plus les personnes à l'égard
desquelles existe un indice faisant présumer que..., mais celles à l'égard desquelles existe une ou
plusieurs raisons plausibles de soupçonner...(12).
La subjectivation des critères est patente. Elle répond à une demande forte des autorités de police et de
gendarmerie. Il en est rigoureusement de même pour le droit au silence.
Le droit au silence
L'article 14, paragraphe 3 g, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques consacre le droit
à ne pas être forcé de témoigner contre soi-même ou de s'avouer coupable. Ce droit de se taire ou au
silence a été reconnu par la CEDH dans l'affaire Funke c/ France(13). Il fut introduit par amendement en
première lecture à l'Assemblée nationale dans le projet de loi renforçant la protection de la présomption
d'innocence. Le consensus sur cette question ne pouvait être plus fort, trois amendements identiques
avaient été déposés sur ce sujet, l'un émanant de la gauche parlementaire, les deux autres de la droite.
Ce consensus parlementaire ne fut pas suffisant et l'énoncé du droit de garder le silence fut très vite
stigmatisé comme entravant le travail d'enquête lors des gardes à vue. Etait-ce le culte de l'aveu qui
resurgissait ou sous la pression de lobbies professionnels fallait-il apaiser ? Le Parlement serait-il à ce
point assujetti aux vents et courants qui montent de la société civile ?
Pour y répondre, la circulaire du garde des Sceaux du 10 janvier 2002(14) admettait que la notification à
la personne gardée à vue de son droit de ne pas répondre aux questions posées par les enquêteurs
étaient parfois perçue comme une incitation faite aux intéressés de garder le silence. Elle proposait en
conséquence une nouvelle formulation à utiliser pour l'énoncé du droit au silence : « la loi vous donne le
droit de ne pas répondre aux questions qui vous seront posées par les enquêteurs. Vous pouvez aussi
décider de faire des déclarations ou de répondre aux questions qui vous seront posées ». L'appel au
législateur se fit cependant pressant, ce dernier reprit dans l'article 3 de la loi du 4 mars 2002 l'esprit de
la circulaire, supprimant l'énoncé même du droit au silence dans le premier alinéa de l'article 63-1 du
code de procédure pénale et substituant dans le dernier alinéa de cet article à la formule : « la personne a
le droit de ne pas répondre aux questions qui lui seront posées par les enquêteurs », une formule plus
ouverte : « la personne a le choix de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui seront
posées ou de se taire ».
L'énoncé du droit au silence sous cette dernière forme paraissait pouvoir résister à de nouveaux
courants, la preuve contraire est rapportée par l'article 19 de la loi du 18 mars 2003 qui supprime à
l'article 63-1 du code de procédure pénale, l'information sur le droit de faire des déclarations ou de se
taire... Le texte de l'article 19, inclus dans un chapitre intitulé « Dispositions relatives aux investigations
judiciaires » est laconique : « la dernière phrase du premier alinéa de l'article 63-1 du code de procédure
pénale est supprimée ». Exit le droit au silence dans nos textes.
Demeure que vents et marées n'atteindront pas dans son principe le droit de se taire ou au silence
reconnu par la CEDH en 1993, mais observons l'extrême difficulté pour le législateur à ne pas se laisser
ballotter par l'actualité immédiate. Le droit de la détention provisoire en est un autre bon exemple.
La détention provisoire
Il convient de rappeler que la diminution du nombre des détentions provisoires jusqu'à la dramatique
affaire Bonnal en novembre 2001 a été voulue sous la précédente législature sur tous les bancs tant de
l'Assemblée nationale que du Sénat. L'ensemble des groupes politiques de l'Assemblée nationale et du
Sénat regrettaient le caractère injustifié de certaines détentions et soulignaient la nécessité de protéger la
présomption d'innocence des personnes concernées, la détention provisoire ne devant pas être un
substitut à la condamnation.
Citons quelques propos tenus par des députés de l'opposition d'alors, à l'occasion de l'examen en
première lecture à l'Assemblée nationale du projet de loi renforçant la protection de la présomption
d'innocence et les droits des victimes : « Il faut reconnaître que nous partageons ici la même volonté de
réduire le nombre de détentions provisoires » ou encore : « Il faut donc tout mettre en oeuvre pour réduire
ce nombre, grâce à une modification des seuils »(15). Et ce seront précisément les nouveaux seuils qui
seront les premiers touchés par la loi du 9 septembre 2002 par ceux-là même qui les défendaient
vigoureusement deux ans auparavant. Hormis le double regard institué sur les placements en détention
provisoire par le juge des libertés et de la détention, la loi du 9 septembre 2002 détricote les mailles de
celles du 15 juin 2000 sur la détention provisoire. L'exception française en Europe du taux de détenus
provisoirement n'est pas prête de disparaître, alors même que les maisons d'arrêt sont au bord de
l'asphyxie (60 963 détenus au 1er juillet 2003, chiffre jamais atteint jusque-là). Rappelons que si la
détention provisoire avait vu son taux baisser sensiblement pendant la navette parlementaire sur le
projet de loi renforçant la présomption d'innocence et les dix premiers mois d'application du texte(16), le
fait divers évoqué a marqué l'arrêt des effets de la loi sur ce sujet difficile. Le choc des faits divers serait-il
plus fort que le poids des textes ? Cette question devrait donner à réfléchir au législateur.
Il est certain que le bouquet de dispositions de la loi du 9 septembre 2002 ne va pas inverser la tendance
soutenue à la hausse des détentions provisoires depuis la fin de l'année 2001 :
* Obligation pour le juge d'instruction qui ne saisit pas le juge des libertés et de la détention aux fins de
placement en détention provisoire, malgré les réquisitions du parquet en ce sens, de rendre sans délai
une ordonnance motivée (art. 137-4, c. pr. pén.)
* Suppression de l'exigence du seuil de cinq ans d'emprisonnement pour le placement en détention
provisoire en cas de délits contre les biens (extension du seuil de trois ans pour tous les délits) (art. 1431, c. pr. pén.)
* Suppression de l'interdiction de motiver la prolongation d'une détention par le critère du trouble à
l'ordre public pour les délits punis de moins de dix ans d'emprisonnement (art. 144, c. pr. pén.)
* Possibilité d'une ultime prolongation de quatre mois par la Chambre de l'instruction pour les délits les
plus graves à l'issue du délai butoir de deux ans (art. 145-1, c. pr. pén.)
* Possibilité pour la Chambre de l'instruction d'ordonner à deux reprises une ultime prolongation de
quatre mois à l'issue des délais butoir en matière criminelle (art. 145-2, c. pr. pén.)
* Elévation de deux à trois ans de la durée totale de la détention provisoire pour le délit d'association de
malfaiteurs terroristes (art. 706-24-3, c. pr. pén.)
* Possibilité pour le procureur de la République de former un référé-détention devant le premier Président
de la Cour d'appel en cas de mise en liberté ordonnée malgré ses réquisitions, suspendant la décision
jusqu'à l'examen de l'appel (art. 148-1-1, art. 187-3, c. pr. pén.).
L'équilibre fragile entre droit à la sûreté et droit à la sécurité est-il rompu ? Le Conseil constitutionnel
n'en a pas jugé ainsi(17) : « considérant qu'il est à tout moment loisible au législateur dans le domaine de
sa compétence, d'adopter pour la réalisation ou la conciliation d'objectifs de nature constitutionnelle, des
modalités nouvelles, dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité, que l'exercice de ce pouvoir ne doit
cependant pas aboutir à priver des garanties légales des exigences de valeur constitutionnelle ». Les
réserves sont maigres et ne sont pas de nature à enrayer la hausse des détentions provisoires qu'il n'est
pas excessif de qualifier de dérive.
D'une autre nature est la dérive qui consiste à échafauder une procédure pénale parallèle ou « bis », un
itinéraire de contournement pour certaines infractions dont la liste ne cesse de s'allonger.
MONTEE EN PUISSANCE D'UNE PROCEDURE PENALE « bis »
Le dédoublement de la procédure pénale est né du terrorisme. La France ne fut pas le premier pays
d'Europe à mettre en place un dispositif procédural spécifique pour aider la lutte contre le terrorisme. En
Grande-Bretagne, le « Prevention of terrorism act » de 1974 autorisait déjà des gardes à vue ou des
détentions provisoires prolongées, de même en Italie avec plusieurs décrets-lois et lois nouvelles dès
1978 ou encore en Espagne avec une loi de 1981. En France, c'est une loi du 9 septembre 1986 modifiée
et étoffée à plusieurs reprises depuis, qui vint introduire un système d'exception dérogeant aux règles de
droit commun. Les juridictions d'exception, Cour de sûreté de l'état, ou tribunaux permanents des forces
armées en temps de paix avaient disparu en 1981 et 1982, elles correspondaient bien à un système
procédural parallèle avec lequel on voulut rompre mais qui réapparut avec la lutte contre le terrorisme.
L'apparition d'une procédure « bis », serait-elle sous garantie judiciaire, est en soi une dérive, l'est plus
encore la multiplication des infractions aux définitions souvent floues qui souffrent d'un régime
procédural propre.
Le livre quatrième du code de procédure pénale intitulé « De quelques procédures particulières » riche de
24 titres, voit se côtoyer des titres aussi différents que : « Des contumaces », « De la récusation », « De la
protection des témoins » ou « De la poursuite de l'instruction et du jugement des actes de terrorisme
» (titre XV), « De la poursuite de l'instruction et du jugement des infractions en matière de trafic de
stupéfiants » (titre XVI), « De la poursuite de l'instruction et du jugement des infractions en matière de
proxénétisme » (titre XVII).
A s'en tenir à la période toute récente, le mouvement d'accélération des règles dérogatoires au droit
commun est patent. Certains parlent de « la panique du législateur »(18).
La loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne était partie d'un projet modeste. Au
lendemain du 11 septembre 2001, elle s'est accrue d'une vingtaine d'amendements « anti-terrorisme »
aboutissant à des mesures de circonstance à caractère temporaire(19). La loi n'a pas été soumise au
Conseil constitutionnel malgré une requête visant à enjoindre au Président de la République de la
déférer, requête rejetée par ordonnance de référé du Conseil d'état du 7 novembre 2001.
Dans la loi du 9 septembre 2002, l'article 46 élève de deux à trois ans la durée totale de la détention
provisoire pour le délit d'association de malfaiteurs terroristes, introduisant dans le titre spécifique du
terrorisme un article 706-24-3. Le Conseil constitutionnel n'a pas non plus été interrogé sur cette
prolongation à trois ans. La Cour européenne des droits de l'homme devrait avoir l'occasion de dire si
trois ans constituent ou non une durée raisonnable de détention provisoire.
L'exposé des motifs de la loi du 18 mars 2002 énonce la nécessité de moderniser notre droit afin de
mieux appréhender certaines formes de délinquance(20). Il n'est pas étonnant en conséquence que la loi
offre plusieurs dérogations au droit commun dans le cadre de la lutte contre des infractions spécifiques
dont la liste s'allonge considérablement, qu'il s'agisse par exemple de la centralisation des traces et
empreintes génétiques dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques ou de la fouille des
véhicules. En ce domaine même le droit commun est modifié.
Les articles 78-2-2, 78-2-3 et 78-2-4 constituent désormais le droit des fouilles de véhicules.
L'article 78-2-2 est le siège de règles spécifiques pour un nombre impressionnant d'infractions, les
articles 78-2-3 et 78-2-4 présentent le droit commun en cas d'enquête de flagrance pour le premier et
d'enquête préliminaire pour le second. Ces trois articles sont été avalisés par le Conseil constitutionnel
dans sa décision du 13 mars 2003. Cette décision marque une évolution dans la jurisprudence du
Conseil par rapport à des décisions plus anciennes(21). Elle est fondée sur un argument classique : «
Considérant qu'il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des
atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions, toutes deux nécessaires à la
sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice des libertés
constitutionnellement garanties au nombre desquelles figurent la liberté d'aller et venir et le respect de la
vie privée, protégés par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789,
ainsi que la liberté individuelle, que l'article 66 de la Constitution place sous l'autorité judiciaire... ».
En d'autres termes, il appartient au législateur de réaliser l'équilibre fragile entre droit à la sûreté et droit
à la sécurité, la latitude d'action qui lui est abandonnée est considérable.
L'article 78-2-2 est issu de la loi du 15 novembre 2001 qui avait posé un terme à son application, soit le
31 décembre 2003. Ce terme est supprimé et surtout le champ de l'autorisation préalable de fouilles de
véhicules délivrée par le représentant du parquet embrasse un nombre et des catégories d'infractions qui
vont bien au-delà de la lutte contre le terrorisme, le trafic de stupéfiants ou la criminalité organisée.
Ainsi, sont dorénavant visés les articles 311-3 à 311-11 du code pénal et 321-1 à 321-2 c'est-à-dire
même le vol simple et le recel.
Des règles relevant de la procédure pénale « bis » vont désormais s'appliquer y compris au vol. Comment
ne pas qualifier la procédure pénale parallèle de gloutonne, finira-t-elle par se substituer au droit
commun ?
En bref, sur réquisitions écrites du procureur de la République aux fins de recherche et de poursuite
d'actes de terrorisme, d'infractions en matière d'armes et d'explosif, de vols et de recels, de trafics et de
détention de stupéfiants, officiers et agents de police judiciaire peuvent procéder à la visite de véhicules
circulant, arrêtés ou stationnant sur la voie publique ou dans des lieux accessibles au public. Les
réquisitions du procureur de la République renouvelables, sont délivrées pour vingt-quatre heures au
maximum. Seules sont exclues des fouilles de ce type les véhicules spécialement aménagés à usage
d'habitation. En cas d'enquête de flagrant délit ou d'enquête préliminaire, se substitue au dispositif
spécial le dispositif général de droit commun décrit dorénavant dans les articles 78-2-3 et 78-2-4 du code
de procédure pénale.
Il est étonnant que le Conseil constitutionnel n'ait pas même émis des réserves d'interprétation ; en serat-il de même lorsqu'il aura à connaître de dispositions « bis » contenues dans le projet de loi portant
adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, déjà entériné par le Conseil des ministres(22) ?
L'adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité pourrait être une adaptation en termes de
moyens humains et matériels. Le choix prioritaire fait est celui du gonflement des règles spéciales de la
procédure pénale avec y compris la création de juridictions inter régionales spécialisées sur le ressort de
plusieurs cours d'appel.
L'objet principal de la loi est de créer dans le code de procédure pénale un énième titre spécifique relatif à
la procédure applicable aux infractions dites « de délinquance et de criminalité organisée » qui font l'objet
d'une double définition. Les formes les plus graves de criminalité et de délinquance organisée sont
définies par un nouvel article 706-73 et concernent essentiellement des atteintes à la personne, telles
que l'assassinat en bande organisée, les tortures et actes de barbarie en bande organisée, les trafics de
stupéfiants, les enlèvements et les séquestrations, le proxénétisme ou la traite des êtres humains, les
actes de terrorisme ou les associations de malfaiteurs en vue de commettre ces infractions. Une seconde
définition, qui figure à l'article 706-74 concerne les autres infractions aggravées par la circonstance de
bande organisée ainsi que les formes classiques d'associations de malfaiteurs. Pour ces différentes
infractions, de nouvelles règles procédurales concernant la compétence de juridictions spécialisées ou les
moyens d'investigations applicables ont été instituées (règles spécifiques concernant la surveillance,
l'infiltration, la possibilité de prolongation de la garde à vue jusqu'à quatre jours, les perquisitions de
nuit, les écoutes téléphoniques du cours de l'enquête initiale, la prolongation de la détention provisoire
par vidéo conférence, etc.).
Le vice majeur du système résulte de ce que l'avalanche de règles spécifiques va s'abattre avant toute
qualification judiciaire des faits.
On ne peut être moins clair que la CNCDH quand elle observe dans son avis du 27 mars 2003 : « Le
système proposé repose, à nouveau sur la qualification donnée aux faits par les premiers enquêteurs,
celle-ci autorisant ou non le recours à la procédure exceptionnelle et aux juridictions spécialisées
décrites dans le texte, or, cette opération de qualification est l'une des plus délicates juridiquement, à
réaliser, de surcroît en tout début d'enquête ; elle est susceptible de permettre de graves détournements
de procédure... »
Ce d'autant plus que l'interprétation stricte de textes aussi ouverts ou peu précis ou flous que les articles
706-73 et 706-74 est radicalement impossible. Ces articles ne définissent pas un comportement
incriminé mais sont un inventaire d'infractions dont le seul point commun est d'être commises en bande
organisée sans que l'on sache exactement ce qu'est une bande organisée.
La CNCDH ne manque pas de relever que le concept de « criminalité organisée » relève bien davantage
d'une approche criminologique que d'une infraction juridique : « La technique consistant à énumérer un
certain nombre d'infractions et à recourir autant qu'il est possible au délit d'association de malfaiteurs
et, à la circonstance aggravante de bande organisée, dessine finalement une notion sans grande
cohérence, aux contours flous qui ne répond pas à l'exigence de précision et à l'impératif de sécurité
juridique qui s'y attache... »
C'est bien de sécurité juridique dont il s'agit, lorsque l'exception tend à devenir la règle dans des
circonstances non définies rigoureusement. L'équilibre entre droit à la sûreté et droit à la sécurité est
alors bafoué. Il ne s'agit même plus de procédure pénale parallèle mais de confusion entre la procédure
de droit commun et la procédure spéciale dans un système dont la complexité et la confusion signent
l'illisibilité.
La dérive est manifeste et la route s'éloigne à moins d'afficher clairement que l'on change de route en
substituant la procédure pénale spéciale aux règles générales dans le respect des principes directeurs de
notre procédure pénale, ce qui en l'état du projet prête à débat.
Ne constituent pas dérives au même titre les transferts de compétence du siège au parquet. Ici, nous
sommes dans la procédure pénale de droit commun.
LES TRANSFERTS DE COMPETENCE DU SIEGE AU PARQUET
Il en est de ces transferts de compétence comme de la décentralisation, ils s'opèrent par vagues ou
grandes étapes. Nous ne reviendrons pas sur la loi du 4 janvier 1993 qui institutionnalisa la médiation
pénale, alternative aux poursuites, expérimentale, informelle jusque-là(23). Avec la médiation, la
troisième voie entre classements et poursuite était ouverte. Malgré les nombreux atouts de la troisième
voie en termes de gestion des flux, de rapidité de la réponse pénale voire de proximité, le Conseil
constitutionnel, s'opposa en 1995 à l'introduction dans notre procédure de l'injonction pénale, autre
forme de troisième voie(24).
L'injonction pénale était destinée à faire baisser le taux de classement sans suite des petites infractions
en autorisant le procureur de la République à proposer une transaction financière à l'auteur du délit.
Initialement qualifiée de transaction pénale, l'injonction pénale avait été durement critiquée au Parlement
au motif principal que le procédé risquait de favoriser une justice de classe. Le Conseil constitutionnel
s'appuya sur les libertés et droits fondamentaux pour annuler les dispositions adoptées par le
Parlement : « Le respect des droits de la défense implique notamment en matière pénale, l'existence d'une
procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties ; en matière de délits et de
crimes, la séparation des autorités chargées de l'action publique concourt à la sauvegarde de la liberté
individuelle. » Et plus loin : « Le prononcé et l'exécution (des sanctions pénales) ne peuvent s'agissant de
la répression de délits de droit commun intervenir à la seule diligence d'une autorité chargée de l'action
publique, mais requièrent la décision d'une autorité de jugement conformément aux exigences
constitutionnelles ci-dessus rappelées. »
Respectueux de cette jurisprudence, le législateur lorsqu'il introduisit par la loi du 23 juin 1999 la
composition pénale, nouvelle forme d'injonction pénale, veilla à associer un magistrat du siège à la
proposition du procureur de la République. Ainsi, aux termes de l'article 41-2 du code de procédure
pénale : « Le procureur de la République tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement, peut
proposer, directement ou par l'intermédiaire d'une personnalité, une composition pénale à une personne
majeure qui reconnaît avoir commis un ou plusieurs délits... ». La liste initiale des délits pouvant
bénéficier de cette procédure rapide s'est déjà allongée à deux reprises par la loi du 15 novembre 2001 et
par celle du 9 septembre 2002.
C'est bien le parquet qui devient juge à deux conditions, d'une part, qu'il recueille l'aval de la personne à
qui est proposée la composition pénale et d'autre part, que le président du tribunal saisi par requête
valide la composition.
Toute la différence avec l'injonction pénale, rejetée par le Conseil constitutionnel, est dans cette
validation incontournable par le président du Tribunal.
Le problème est de savoir comme l'observait déjà Denis Salas en 1995, si l'on aboutit ou non à une
confusion des places(25). Encombrement des juridictions, culture de l'urgence, souci de proximité,
implication dans la politique de la ville ont conduit naturellement de nombreux magistrats du parquet à
innover en amont du déclenchement des poursuites. Le législateur n'a le plus souvent fait que consacrer
ces expériences de terrain tentant d'enrayer le taux scandaleux des classements sans suite. Aujourd'hui
sur 100 affaires poursuivables, 32 sont classées sans suite, 20 font l'objet de procédures alternatives aux
poursuites et 28 sont poursuivies devant une juridiction(26). Il ne s'agit pas de regretter les alternatives
aux poursuites, elles répondent à un évident besoin, mais de s'interroger sur la place de chacun. N'y a-til pas dérive dans ce transfert de l'acte de juger ou du moins perçu comme tel du siège au parquet ? à
tout le moins, la confusion des rôles est croissant entre parquet et siège en amont de l'institution
judiciaire.
« Tout cela, nous dit Denis Salas, est le signe d'un dynamisme d'une institution capable de répondre aux
attentes de la cité et à l'urgence sociale. Mais cette expansion conduit à opposer un parquet performant à
une justice archaïque et surtout à développer les fonctions administratives de la justice en oubliant que
la fonction juridictionnelle est construite sur des valeurs qui reposent sur le temps de la discrimination,
le débat individualisé et le doute systématique... Voici au fond une justice où tout le monde dirait le droit
mais personne ne saurait plus réellement où il est et quelle référence il exprime »(27).
La vraie faiblesse des transferts de compétence observés, à notre sens, est moins la confusion des rôles
que l'absence de garanties identiques d'indépendance pour le siège et pour le parquet.
Dans le projet Perben, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, c'est encore une
fois le parquet qui est sollicité avec l'introduction du « Plaider coupable » importé d'Angleterre (guilty
plea).
En Angleterre, le système de justice pénale ne pourrait fonctionner sans le guilty plea de la majorité des
accusés, ce qui dispense le tribunal de l'établissement de la preuve(28). Sauf dans les cas où la peine est
déterminée de manière fixe, le guilty plea entraîne une réduction de peine qui, en fonction des
circonstances et surtout du moment où l'accusé plaide coupable, peut aller jusqu'à un tiers. Le guilty
plea porte atteinte au principe de la présomption d'innocence et érode le principe de proportionnalité de
la sanction. Le gain se mesure dans l'économie des ressources de la justice.
La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité du projet Perben permettrait au procureur
de la République de proposer une peine inférieure à celles susceptibles d'être prononcées par un tribunal
pour un délit puni d'un maximum de cinq ans d'emprisonnement à qui reconnaît en être l'auteur. En cas
d'acceptation de la peine par l'auteur de l'infraction, aucune procédure n'aura lieu devant le tribunal
correctionnel. La personne donne son consentement en présence de son avocat et comparait ensuite
devant le président du Tribunal de grande instance qui homologue ou non la proposition du procureur.
Le dispositif est très proche de celui de la composition pénale mais plus lourd et compliqué. Il comporte
pour des infractions graves (délits puni d'un maximum de cinq ans d'emprisonnement) un renoncement
précoce à la présomption d'innocence.
Pour la CNCDH(29) : « le système soucieux de préserver les droits de la défense se révèle particulièrement
complexe et n'est pas de nature à entraîner une simplification des procédures. Le système est très proche
de celui de la composition pénale et risque de provoquer une confusion des genres ». La CNCDH observe
en outre que « si les peines proposables sont limitées dans leur quantum (6 mois d'emprisonnement, 50
000 euros d'amende), des délits de toute nature, quelle que soit leur gravité pourront relever, sans
transparence de cette procédure, ce qui paraît excessif ».
Cette nouvelle procédure rapide loin de clarifier les compétences respectives du siège et du parquet est
source de confusion plus encore qu'avec la composition pénale. Le guilty plea à la française est dans les
mains du parquet jusqu'à l'audience finale de ratification de la peine proposée. Est-ce compatible avec
l'exigence de procès équitable et contradictoire ?
La composition pénale demeure une procédure alternative aux poursuites, alors que la comparution sur
reconnaissance préalable de la culpabilité serait une des formes de procédure rapide sous la
responsabilité principale du procureur de la République dont la compétence de « juge » sous contrôle du
siège déborderait dorénavant les alternatives aux poursuites.
La confusion des rôles s'accroît, dérive de la procédure pénale en l'absence de garanties identiques
d'indépendance pour les magistrats du siège et du parquet c'est-à-dire de modifications statutaires et de
clarification du lien entre le garde des Sceaux et les magistrats du parquet.
Il apparaît au terme de cette réflexion que ce n'est pas parce que la procédure pénale française n'a pas
tranché entre procédure accusatoire et inquisitoire que des dérives de diverses natures peuvent être
observées. La route de notre procédure pénale est bien marquée par le choix du « contradictoire » dans le
respect de la présomption d'innocence tout au long du procès pénal dans son acceptation la plus large.
Mais l'équilibre fragile entre respect du droit à la sûreté et garanties du droit à la sécurité est soumis à
des vents et courants de politique criminelle confus et souvent contradictoires, au risque de perdre en
lisibilité, cohérence et efficacité. Le risque est accru en période d'inflation législative effrénée, le contrôle
du Conseil constitutionnel n'en est que plus important.
L'état de droit ne peut se priver d'outils modernes de lutte contre le crime, mais se doit de garantir
également le droit à la sûreté et le droit à la sécurité.
(1) A. Giudicelli, Principes directeurs du procès pénal, cette Revue 2003, p. 122 et s.
(2) B. Bouloc, Chron. législative, cette Revue 2001, p. 193 et s., Ch. Lazerges, Le renforcement de la
protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes : histoire d'une navette parlementaire,
cette Revue 2001, p. 8 et s.
(3) Rapport Ch. Jolibois au nom de la commission des lois du Sénat n° 283, annexe au procès-verbal de
la séance du 22 mars 2000, p. 27.
(4) Ainsi, on peut lire dans un arrêt de la Chambre criminelle du 5 décembre 2001 : « Il résulte des
articles 6-1 de la CESDH et de l'article préliminaire alinéa 2, du code de procédure pénale que toute
personne à droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial ».
(5) J. Danet, Le droit pénal et la procédure pénale sous le paradigme de l'insécurité, Archives de politique
criminelle, Pédone, à paraître, sept. 2003.
(6) La formule est tirée de la décision du Conseil constitutionnel des 19 et 20 janv. 1981.
(7) S. Guinchard, J. Buisson, Procédure pénale, p. 2, Litec 2002, 2e édition.
(8) Rapport Ch. Lazerges au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale n° 1468 annexe au
procès-verbal de la séance du 11 mars 1999.
(9) J.P. Laborde, état de droit et crime organisé, Libération, 29 avr. 2003.
(10) Circulaire Crim. 02.01/E8 du 10 janv. 2002, p. 4.
(11) J. Dray, Rapport au Premier ministre, déc. 2001.
(12) Art. 10 de la loi du 18 mars 2003 modifiant l'article 78-2 du code de procédure pénale.
(13) CEDH, 25 févr. 1993, série A, n° 256, JCP 1993.II.22073, note J.F. Renucci.
(14) Circulaire précitée.
(15) J.O. Débats du 26 mars, p. 2899. V. Ch. Lazerges, la loi du 15 juin 2000 : une chance pour la
justice, rapport d'évaluation à la commission des lois, 2001 n° 3501.
(16) Sur les dix premiers mois de l'année 2001, le nombre des détentions provisoires prononcées dans le
cadre d'une instruction a diminué de 20%. Dans le même temps, le nombre de détentions provisoires
décidées dans le cadre de la procédure de comparution immédiate baissait de 11%. V. Rapport à la
commission des lois précité, la loi du 15 juin 2000, une chance pour la justice.
(17) Cons. const., décision du 29 août 2002.
(18) J. Danet, art. précité.
(19) J.F. Seuvic, cette Revue 2002, p. 357 et 358.
(20) Pour une présentation générale du texte, V. C. Cutajar, La loi pour la sécurité intérieure, Dalloz,
2003, chr. p. 1106 et s.
(21) Conseil constitutionnel :
Décision n° 76-75 DC du 12 janvier 1977.
Décision n° 94-352 DC du 18 janvier 1995.
Décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997.
(22) Ch. Lazerges, D. Rousseau, Commentaire de la décision du Conseil constitutionnel du 13 mars
2003, Revue de droit public n° 3/2003.
(23) Ch. Lazerges, Médiation pénale, justice pénale et politique criminelle, cette Revue 1997, p. 186 et s.
(24) Cons. const., Déc. n° 95-360, DC du 2 février 1995, JO 7 févr. 1995, p. 2097.
(25) D. Salas, Le juge dans la cité : nouveaux rôles, nouvelle légitimité, Justices, n° 2/1995, p. 181 et s.
(26) V. les chiffres-clés de la justice, oct. 2001.
(27) D. Salas, art. préc.
(28) V. Procédures pénales d'Europe, ouvrage collectif sous la direction de M. Delmas-Marty, p. 567 et s.,
Thémis, 1995.
(29) CNCDH, avis précité du 27 mars 2003.
Recueil Dalloz 2002, Chroniques p. 3019
Un point de vue sur l'évolution actuelle de la procédure pénale
par François Saint-Pierre Avocat
*
**
La justice pénale est au coeur du débat politique. Une confrontation vive oppose les tenants d'une
répression plus forte pour la protection de l'ordre public aux partisans d'une meilleure défense des
libertés individuelles. Cette dialectique de l'ordre et des libertés n'est pas nouvelle. Déjà, il y a plus de
cent ans, la loi du 8 décembre 1897 avait provoqué un tel débat lorsqu'elle avait doté les inculpés du
droit d'être assistés par un avocat face au juge d'instruction. Aujourd'hui, à des lois développant les
droits de la défense succèdent des lois renforçant les moyens de la répression.
Les lois du 4 janvier 1993 et du 15 juin 2000 ont organisé un système moderne de droits de la défense.
Toute personne arrêtée a le droit de consulter immédiatement un avocat; toute personne poursuivie peut
demander au juge d'instruction l'accomplissement d'investigations lui permettant de démontrer sa thèse,
ou peut saisir la chambre de l'instruction d'une requête en nullité des poursuites pour en soutenir
l'illégalité; toute personne jugée peut interjeter appel de la décision de condamnation, y compris des
verdicts de cours d'assises; les condamnés aussi peuvent être assistés de leur avocat lors de l'examen de
leurs demandes de libération conditionnelle. Cette évocation de quelques-uns des droits de défense
organisés par ces lois en illustre l'importance et la modernité.
La loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 (D. 2002, Lég. p. 2584) a-t-elle remis en question cette
doctrine des droits de la défense ? Sur deux points précis, elle a restreint les droits de la personne
poursuivie, en matière de détention provisoire, par un retour en arrière du droit positif. D'une part, le
président de la chambre de l'instruction peut depuis refuser à une personne détenue sa comparution
devant la chambre de l'instruction saisie d'un appel ou d'une demande de mise en liberté, si cette
personne a déjà comparu dans les quatre mois précédents, alors que ce droit de comparaître avait été
institué par une loi du 6 juillet 1989 (c. pr. pén., art. 199). D'autre part, l'appel inscrit par le procureur
de la République contre une décision de remise en liberté est désormais suspensif, du moins dans un
délai de quatre heures, pendant lequel le parquet peut saisir le premier président de la cour d'appel d'un
« référé-détention » aux fins de maintien en détention de la personne ; voici là un retour à l'état du droit
antérieur à une loi du 9 juillet 1984 qui avait décidé que les décisions du juge d'instruction de remise en
liberté devaient être immédiatement exécutoires (c. pr. pén., art. 148-1-1 et 207-3).
Les délais de détention provisoire avant-procès ont de plus été révisés. Alors que la loi du 15 juin 2000
les avait fixés dans des limites maximales, pour correspondre à l'exigence européenne d'un « délai
raisonnable », la loi du 9 septembre les a de nouveau allongés, de même que les délais d'examen des
demandes de mise en liberté par les juridictions de jugement (c. pr. pén., art. 145-1, 145-2, 148-2, 367,
706-24-3).
Mais, il faut le souligner, aucun des droits de la défense organisés par les lois du 4 janvier 1993 et du 15
juin 2000 n'a été supprimé. Les demandes d'actes d'instruction, les actions en nullité de procédure ou en
prescription n'ont pas été remises en cause, pas davantage que les modalités d'assistance par un avocat
des personnes poursuivies, en garde à vue ou devant le juge d'instruction. Le droit d'appel contre les
arrêts des cours d'assises est maintenu, de même que la nouvelle procédure d'application des peines.
La loi du 9 septembre 2002 a davantage pour objet le renforcement des procédures de poursuites qu'une
restriction des droits de la défense. C'est ainsi que la procédure de comparution immédiate devant le
tribunal correctionnel a été ouverte à tout délit, quel que soit le maximum de la peine encourue, alors
que, précédemment, seuls les délits passibles d'une peine inférieure ou égale à sept ans
d'emprisonnement pouvaient être poursuivis selon cette procédure (c. pr. pén., art. 395). Toutefois, la loi
a spécialement prévu que la défense puisse bénéficier d'un délai de préparation de deux à quatre mois
lorsque ce seuil est dépassé (c. pr. pén., art. 397-1).
S'agissant des mineurs, à l'égard desquels la procédure de comparution immédiate ne pouvait pas
jusqu'alors être utilisée (c. pr. pén., art. 397-6), la loi du 9 septembre 2002 a créé une procédure dite de «
jugement à délai rapproché », permettant au parquet de faire juger dans un délai d'un mois les mineurs
poursuivis lorsqu'une peine d'emprisonnement de trois à sept ans est encourue, en cas de flagrance, ou
de cinq à sept ans, dans les autres cas ; de même que, en procédure de comparution immédiate, la
défense peut demander un délai de préparation (Ord. 2 févr. 1945, art. 14-2). Il a aussi été prévu que les
mineurs puissent faire l'objet d'une mesure de contrôle judiciaire (Ord. 2 févr. 1945, art. 10-2).
Une question doit donc être aujourd'hui posée : la loi du 9 septembre 2002 a-t-elle choisi la procédure de
comparution immédiate comme le modèle principal de poursuites, de préférence à l'instruction judiciaire,
laquelle serait à l'avenir délaissée, pour finir peut-être par être abandonnée ? La pratique des parquets
répondra-t-elle à cette incitation du législateur, de sorte que la plupart des poursuites seront lancées
directement devant le tribunal, et rarement devant un juge d'instruction ?
Dans une telle hypothèse, la défense doit bénéficier des droits nécessaires à son exercice effectif. En
l'état, lors d'une procédure de comparution immédiate, la défense dispose théoriquement de tous les
droits reconnus au prévenu devant le tribunal correctionnel. Elle peut notamment demander un délai de
préparation, de six semaines en principe, allant désormais jusqu'à quatre mois lorsque la peine encourue
est supérieure à sept ans d'emprisonnement (c. pr. pén., art. 397-1). Elle peut également demander un
supplément d'instruction au tribunal; celui-ci peut, dans ce cas, déléguer l'un de ses membres pour
l'accomplir, ou renvoyer l'affaire au ministère public s'il estime une instruction nécessaire (c. pr. pén.,
art. 397-2). La défense peut aussi faire citer des témoins, sans formes ni délais, au besoin en sollicitant
le renvoi de l'affaire à une audience ultérieure (c. pr. pén., art. 397-5; Cass. crim., 15 avril 1988, Bull.
crim., n° 161). Il lui est également possible de demander une expertise technique (c. pr. pén., art. 156).
Elle doit saisir le tribunal correctionnel de ces demandes par conclusions écrites (c. pr. pén., art. 459).
Pourtant, dans la pratique judiciaire, l'exercice de la défense en comparution immédiate n'apparaît pas
suffisamment efficace. Les jeunes avocats commis d'office dénoncent à raison la surcharge de travail qui
les prive du temps nécessaire à la préparation de ces audiences qu'ils ont le devoir d'assurer dans
l'urgence.
Des instruments de procédure clairement lisibles et faciles d'usage doivent être proposés, afin de
permettre à la défense de disposer du temps et des moyens de saisir le tribunal des demandes d'enquêtes
qui lui paraissent utiles.
A l'instar de l'article 82-1, créé par la loi du 4 janvier 1993 pour permettre aux parties de saisir le juge
d'instruction d'une demande d'actes, le code de procédure pénale se doit désormais de prévoir une
disposition similaire en matière de comparution immédiate, qui donne à la défense, en début de
procédure, la possibilité de saisir le tribunal de toutes les demandes d'enquêtes qui semblent utiles, qu'il
s'agisse d'auditions de témoins, de confrontations, de production de documents, ainsi que d'expertises
techniques ou psychologiques. Un article synthétique du code de procédure pénale, spécialement rédigé
à cet effet, serait d'un usage plus efficace.
La pratique judiciaire pourrait ainsi connaître une évolution intéressante. Les procédures de jugement se
dérouleraient en deux séquences : une audience préliminaire inviterait les parties à saisir le tribunal de
leurs demandes d'enquêtes, avant la fixation d'une date d'audience de jugement.
A un système répressif actif peut et doit correspondre un système de défense effectif. Car, les droits de la
défense sont nécessaires à l'exercice et la protection des libertés individuelles. Déjà à Rome, en son
temps, Cicéron le plaidait-il, en revendiquant l'utilité de la défense « dans une cité libre et ordonnée
» (Cicéron, De oratore, n° 32, II, p. 20, éd. Les belles lettres).
Master 1 – Cours de Mme Florence Lasserre-Jeannin
Travaux dirigés de procédure pénale
FICHE 2 – L’ARTICLE PRELIMINAIRE DU CODE DE PROCEDURE PENALE
L’INFLUENCE DE LA CEDH SUR LE DROIT INTERNE FRANCAIS
TEXTES
1 - Article 6 de la CEDH
2 - Article 2, 3 et 4 du Protocole n°7
DOCTRINE
3- JP MARGUENAUD, La dérive de la procédure pénale française au regard des exigences européennes, D. 2000 chron. 249
4- E. PINWICA, L’égalité devant la Cour de cassation, Rapport 2003
5 - M-N COMMARET, D. 1998 chron. p. 262
ARRETS
Procédure devant la Cour de cassation et respect de la CESDH
6 – CEDH, 20 février 1996, Vermeulen
7 - CEDH, 31 mars 1998, Slimane
8 – Crim. 5 décembre 2001
9 – Crim. 19 mars 2002
10 – Crim. 27 mars 2002
EXERCICE : Commentaire d’arrêt
Crim. 5 juillet 2005 : Prescription et hormone de croissance
TEXTES
1 – Article 6 de la CEDH
Droit à un procès équitable
1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi,
qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement
doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la
moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès
l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de
la justice.
2. Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.
3. Tout accusé a droit notamment à:
a ) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui;
b ) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense;
c ) se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un
avocat d'office, lorsque les intérêts de la justice l'exigent;
d ) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à
charge;
e ) se faire assister gratuitement d'un interprète, s'il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l'audience.
2- Article 2, 3 et 4 du Protocole n°7
2 Droit à un double degré de juridiction en matière pénale
1. Toute personne déclarée coupable d'une infraction pénale par un tribunal a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité ou la
condamnation.
L'exercice de ce droit, y compris les motifs pour lesquels il peut être exercé, sont régis par la loi.
2. Ce droit peut faire l'objet d'exceptions pour des infractions mineures telles qu'elles sont définies par la loi ou lorsque l'intéressé a été jugé en première instance par la
plus haute juridiction ou a été déclaré coupable et condamné à la suite d'un recours contre son acquittement.
3.Droit d'indemnisation en cas d'erreur judiciaire
Lorsqu'une condamnation pénale définitive est ultérieurement annulée, ou lorsque la grâce est accordée, parce qu'un fait nouveau ou nouvellement révélé prouve qu'il s'est
produit une erreur judiciaire, la personne qui a subi une peine en raison de cette condamnation est indemnisée, conformément à la loi ou à l'usage en vigueur dans l'État
concerné, à moins qu'il ne soit prouvé que la non-révélation en temps utile du fait inconnu lui est imputable en tout ou
en partie.
4 Droit à ne pas être jugé ou puni deux fois
1. Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même État en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un
jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet État.
2. Les dispositions du paragraphe précédent n'empêchent pas la réouverture du procès, conformément à la loi et à la procédure pénale de l'État concerné, si des faits
nouveaux ou nouvellement révélés ou un vice fondamental dans la procédure précédente sont de nature à affecter le jugement intervenu.
3. Aucune dérogation n'est autorisée au présent article au titre de l'article 15 de la Convention.
DOCTRINE
3 - JP MARGUENAUD, La dérive de la procédure pénale française au regard des exigences européennes, D. 2000 chron. 249
La France, qui n'a pourtant ratifié la Convention européenne des droits de l'homme qu'en 1974 et qui est seulement exposée depuis 1981 aux requêtes individuelles, vient de
subir sa soixante-dixième condamnation par la Cour européenne des droits de l'homme. Aussi, au classement des Etats qui font le plus souvent l'objet d'un constat de
violation des droits de l'homme, elle n'est plus guère devancée que par l'Italie dont la soumission au système de contrôle supranational est beaucoup plus ancienne. Ce
serait, bien sûr, une grave erreur que de considérer que le nombre des condamnations par la Cour de Strasbourg reflète le délabrement des droits de l'homme dans un pays
donné. Ainsi la multiplication des arrêts rendus par la Cour de Strasbourg contre la France n'indique pas que l'on y bafoue les droits de l'homme plus souvent qu'ailleurs,
mais plutôt que l'on sait mieux qu'ailleurs s'y mobiliser pour en faire dénoncer la moindre violation. Ce n'est quand même pas une raison pour considérer avec morgue et
goguenardise la pluie de condamnations qui s'abat sur nous à Strasbourg. Il est à craindre en effet que nos plus hauts représentants, toujours les plus prompts à placer les
droits de l'homme sur le devant de la scène internationale, finiront un jour par perdre une bonne partie de leur crédibilité si nous continuons à être aussi souvent condamnés
par une juridiction internationale pour les avoir méconnus. Quand on a l'ambition de donner des leçons de droits de l'homme au monde entier, une élémentaire exigence de
cohérence commande en effet d'appliquer, de manière exemplaire, celles qui nous sont administrées par une juridiction internationale, à laquelle le nom de René Cassin est
aussi un peu attaché.
S'il est un domaine où le décalage entre notre discours mondialiste et notre pratique domestique est particulièrement criant, c'est bien celui de la procédure pénale. Sur les
soixante-dix arrêts constatant au moins une violation par la France des articles de la Conv. EDH, plus de trente, c'est-à-dire pratiquement la moitié, la concernent en effet
directement à commencer par l'arrêt Bozano du 18 déc. 1986, relatif à une mesure d'extradition déguisée, qui a inauguré la série de nos déboires strasbourgeois. Ces arrêts
sont bien connus, notamment grâce à la chronique de la Revue de science criminelle et de droit pénal comparé créée en 1984 par le juge Pettiti et aux « sommaires
commentés » tenus dans ce Recueil par notre érudit collègue J.-F. Renucci depuis 1992. Pourtant cette accumulation de signes d'incompatibilité manifeste de notre système
répressif avec les exigences d'une protection concrète et effective des droits de l'homme ne provoque pas grand émoi. Peut-être n'a-t-on pas encore pris suffisamment
conscience de ce que la situation est en train de devenir critique. Le rythme des condamnations européennes encourues à cause des règles appliquées ou des comportements
adoptés par les autorités chargées de la mise en oeuvre du droit pénal s'est, en effet, considérablement accéléré depuis quelques mois puisque, entre le 31 mars 1998 (1) et le
9 nov. 1999 (2), douze nouvelles ont pu être comptabilisées ; en outre des brutalités policières commises au cours d'une garde à vue nous ont valu de partager avec la
Turquie, depuis le 28 juill. 1999 (D. 2000, Somm. p. 31 ), le triste privilège d'avoir été condamnés, à l'aube du troisième millénaire, pour torture. Aussi, ne faut-il plus
hésiter à affirmer que, au regard de l'interprétation de la Conv. EDH délivrée par la Cour de Strasbourg, la procédure pénale française est à la dérive et qu'il est grand temps
de songer à l'orienter résolument vers une voie plus digne de la réputation dont nous entendons continuer à nous prévaloir sur la scène internationale et francophone. Après
avoir tenté de mesurer l'étendue du désastre (I) nous devrons donc essayer d'indiquer les moyens du sauvetage (II).
I - L'étendue du désastre
La dérive européenne de la procédure pénale française se vérifie à l'analyse des motifs de condamnation de plus en plus sévères retenus par la CEDH (A) ; pour en mesurer
l'ampleur, il convient toutefois de tenir aussi compte d'une certaine arrogance des autorités normatives françaises (B).
A - Une dérive provoquée par l'intransigeance de la Cour européenne des droits de l'homme
La Cour de Strasbourg ne condamne pas toujours la France quand elle est saisie d'affaires relatives à l'application de règles de procédure pénale. C'est ainsi, par exemple,
que dans l'arrêt Kemmache n° 3 du 24 nov. 1994 (3), elle a estimé que le principe suivant lequel l'ordonnance de prise de corps, décernée par l'arrêt de mise en accusation
en vertu de l'art. 215 c. pr. pén., constitue un titre de détention valable jusqu'au jugement définitif des faits même en cas de disjonction de la cause de l'accusé et de son
renvoi à une session d'assises ultérieure, n'entraînait pas de violation du droit à la liberté et à la sûreté consacré par l'art. 5, paragr. 1, Conv. EDH. C'est ainsi, autre exemple
plus récent, que l'arrêt Malige du 23 sept. 1998 (4), qui a démenti l'analyse de la Chambre criminelle de la Cour de cassation (5) en retenant la qualification d'accusation en
matière pénale pour le retrait administratif des points du permis de conduire, a néanmoins estimé que le mécanisme institué par la loi du 10 juill. 1989 et le décret
d'application n° 92-559 du 25 juin 1992 (D. 1992, Lég. p. 335 ) ne porte pas atteinte au droit à un tribunal garanti par l'art. 6, paragr. 1, Conv. EDH dans la mesure où le
retrait systématique et automatique des points par l'autorité administrative est précédé d'un « contrôle incorporé » dans la décision pénale de condamnation.
Pourtant, c'est bien une impression de sévérité qui, dans l'ensemble, se dégage des arrêts prononcés dans le domaine étudié. On s'en rendra compte grâce à un bref rappel
des décisions, déjà passées à la postérité, qui ont été rendues par l'ancienne CEDH et à une analyse plus détaillée des premiers arrêts significatifs de la nouvelle Cour qui
siège depuis le 1er nov. 1998.
1 - La jurisprudence de l'ancienne Cour
Plusieurs arrêts célèbres ont eu l'occasion d'affirmer que la durée de détentions provisoires était dépourvue du caractère raisonnable exigé par l'art. 5, paragr. 3, Conv.
EDH : les arrêts Letellier du 26 juin 1991 (6), Kemmache n° 1 du 27 nov. 1991 (7), Tomasi du 27 août 1992 (8), Muller du 17 mars 1997 auxquels il convient d'ajouter
l'arrêt Birou du 27 févr. 1992 (9) qui a décidé de rayer l'affaire du rôle après avoir constaté un règlement amiable. Dans le même ordre d'idées, l'arrêt Quinn du 22 mars
1995 (10) a jugé la durée d'une détention à titre extraditionnel contraire à l'art. 5, paragr. 1, et l'arrêt Dobbertin du 25 févr. 1993 (11) a constaté qu'une procédure pénale
ayant duré plus de douze ans, à cause des tâtonnements consécutifs à la suppression de la Cour de sûreté de l'Etat, avait excédé le fameux « délai raisonnable » de l'art. 6,
paragr. 1, Conv. EDH. Cet article a surtout permis à la Cour de Strasbourg de relever de nombreux manquements à divers aspects du droit à un procès équitable dont il est
le garant. C'est ici qu'il faut citer : le retentissant arrêt Reinhardt et Slimane-Kaïd du 31 mars 1998 (12) d'après lequel les règles de procédures suivies devant la Chambre
criminelle de la Cour de cassation confèrent au ministère public, notamment quant à la communication du rapport du conseiller rapporteur, des avantages ne s'accordant pas
avec les exigences du procès équitable ; le remarqué arrêt Aït-Mouhoub du 28 oct. 1998 (13) qui a jugé attentatoire au droit d'accès à un tribunal l'irrecevabilité d'une
plainte avec constitution de partie civile pour défaut de versement dans les délais du montant des consignations fixées en vertu de l'art. 898 c. pr. pén. ; l'irritant arrêt
Poitrimol du 23 nov. 1993 (14) selon lequel l'irrecevabilité du pourvoi en cassation pour des raisons liées à la fuite du requérant s'analyse en une sanction disproportionnée
eu égard à la place primordiale que les droits de la défense et le principe de la prééminence du droit occupent dans une société démocratique et constitue un manquement au
droit d'accès à un tribunal. Moins discutés, l'arrêt Remli du 23 avr. 1996 a estimé que le refus d'une cour d'assises de donner acte à un accusé français d'origine algérienne de
propos racistes qu'aurait tenu l'un des jurés en dehors de la salle d'audience jette un doute sur l'impartialité du tribunal et l'arrêt Foucher du 18 mars 1997 a considéré que
l'impossibilité, pour un prévenu ayant choisi d'assurer seul sa défense devant un tribunal de police, d'avoir accès à son dossier pénal et d'obtenir communication des pièces y
figurant portait atteinte au droit d'accès à un tribunal consacré par l'art. 6, paragr. 1, et au droit de se défendre soi-même.
Ce dernier droit fait partie des aspects du droit à un procès équitable particuliers aux accusations en matière pénale essentiellement développés par les paragr. 2 et 3 de l'art.
6. Ce sont évidemment ces deux derniers textes qui ont permis à la CEDH de mettre le plus spectaculairement en question le fonctionnement du système de procédure
pénale français. Ainsi, qui ne se souvient de l'arrêt Allenet de Ribemont du 10 févr. 1995 (15) dont le principal apport est d'avoir admis qu'une atteinte à la présomption
d'innocence (16) peut émaner non seulement d'un juge ou d'un tribunal, mais aussi d'autres autorités publiques ; des arrêts Delta du 19 déc. 1990 (17) et Saïdi du 20 sept.
1993 (18) rendus dans des affaires où le droit de faire interroger des témoins (19) avait été bafoué ; de l'arrêt Vacher du 17 déc. 1996 dénonçant une impossibilité de se
défendre de façon concrète et effective liée au rejet d'un pourvoi en cassation qui n'était appuyé d'aucun moyen en raison de l'absence de fixation d'un délai pour déposer un
mémoire ampliatif ; voire de l'arrêt Pham Hoang du 25 sept. 1992 (20) censurant un refus de désigner un avocat d'office devant la Cour de cassation ? Une place particulière
doit être réservée dans cet inventaire à l'arrêt Funke du 25 févr. 1993 (21). En se fondant, curieusement, sur le seul art. 6, paragr. 1, il a en effet reconnu à tout accusé le
droit de se taire et de ne pas contribuer à sa propre incrimination que le Code des douanes méconnaissait directement. En outre, il a admis, comme les arrêts Crémieux et
Miailhe n° 1 rendus le même jour (22), que les visites domiciliaires permises par le même code se réalisaient dans des conditions attentatoires au droit au respect de la vie
privée, du domicile et de la correspondance consacrés par l'art. 8 Conv. EDH. Comme chacun le sait, c'est sur le fondement de ce dernier article que les arrêts Krüslin et
Huvig du 24 avr. 1990 (23) puis l'arrêt A... du 23 nov. 1993 (24) ont dénoncé les conditions dans lesquelles les écoutes téléphoniques étaient pratiquées en France pour
établir les preuves d'infractions à la loi pénale. On achèvera ce premier tour d'horizon en évoquant l'arrêt Jamil du 8 juin 1995 (25), imité par l'arrêt Soumare du 24 août
1998 (26) qui ont qualifié la contrainte par corps de peine au sens de l'art. 7 Conv. EDH où est consacré le droit à la non-rétroactivité de la loi pénale et en retrouvant l'arrêt
Tomasi sous son aspect le plus accusateur de notre système de procédure pénale qui place résolument les brutalités policières sous l'empire de l'art. 3 Conv. EDH grâce à
l'ébauche d'une présomption de causalité obligeant le gouvernement à fournir une explication plausible sur l'origine des blessures subies au cours d'une garde à vue et qui
constate en l'espèce un traitement inhumain et dégradant.
Ainsi l'ancienne CEDH n'a-t-elle pas seulement relevé des violations de la Conv. EDH résultant de la mise en oeuvre occasionnelle de telle ou telle règle ponctuelle de notre
Code de procédure pénale ou de notre jurisprudence criminelle : elle a aussi stigmatisé des défauts endémiques de notre système, comme la durée excessive de la détention
provisoire, les brutalités policières ou le rôle faussement amical du parquet de cassation. Elle n'a pas pour autant débusqué toutes les atteintes aux droits de l'homme que la
recherche, le jugement et la punition des contrevenants, des délinquants et des criminels peuvent entraîner. En effet, comme l'ont remarqué MM. Stéfani, Levasseur et
Bouloc, beaucoup de questions soulevées par la procédure pénale française n'ont pas encore été portées devant la Cour européenne (27). En outre, dans la mesure où la
Conv. EDH fait l'objet d'une interprétation qui doit constamment évoluer « à la lumière des conditions d'aujourd'hui » (28), il faut s'attendre à ce que des dispositions dont
l'application a déjà été jugée compatible avec la Conv. EDH soient bientôt estimées contraires. La nouvelle Cour qui rendra nécessairement un nombre considérable d'arrêts
(29) pourrait bien vite aborder des questions inédites ou renouveler les solutions apportées à des questions anciennes (30). C'est ce que l'on a déjà eu l'occasion de vérifier.
2 - La jurisprudence de la nouvelle Cour
Les arrêts de la nouvelle CEDH, qui siège de manière permanente depuis le 1er nov. 1998 (31), peuvent être prononcés ou bien par une chambre de section de sept juges et
alors ils peuvent faire l'objet dans les trois mois d'une demande de renvoi devant la Grande chambre de dix-sept juges ou bien par la Grande chambre elle-même sur renvoi
ou après dessaisissement d'une chambre de section en sa faveur en raison de la gravité de la question ou des risques de revirement de jurisprudence. En outre, les
dispositions transitoires du Protocole n° 11 (32) ont confié l'examen des affaires pendantes devant la Cour à la date du 1er nov. 1998 à la Grande chambre. C'est à ce titre
qu'elle a rendu deux arrêts importants dans des affaires relatives au déroulement de la procédure pénale française.
Le premier est l'arrêt Pélissier et Sassi du 25 mars 1999 (33). Dans cette affaire deux associés d'une SARL en liquidation judiciaire relaxés par le Tribunal correctionnel de
Toulon du chef des poursuites pour banqueroute frauduleuse parce qu'ils n'étaient dirigeants ni de droit ni de fait, avaient été condamnés à dix-huit mois d'emprisonnement
avec sursis et 30 000 F d'amende par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence qui avait disqualifié les faits reprochés pour les requalifier en complicité de banqueroute. Les
requérants dont le pourvoi en cassation avait été sèchement rejeté par un arrêt de la Chambre criminelle du 14 févr. 1994 ne contestaient pas le pouvoir de requalification
des juridictions répressives mais ils estimaient que la cour d'appel provençale l'avait exercé sans débat contradictoire de manière attentatoire aux droits de la défense
garantis par l'art. 6, paragr. 1, puisqu'elle n'avait retenu la qualification de complicité de banqueroute qu'en délibéré sans permettre aux prévenus de présenter un nouveau
système de défense adapté à la spécificité de la notion de complicité en droit français. Le gouvernement français, rappelant le principe de saisine in rem des juridictions de
jugement et faisant valoir que la requalification en complicité, impliquant un simple changement d'appréciation du degré de participation, ne changeait pas
fondamentalement la nature de l'accusation, considérait qu'une condamnation aurait relevé d'une application trop formaliste des exigences de l'art. 6, paragr. 3, a) et b),
lesquels confèrent à tout accusé le droit d'être informé dans le plus court délai de la nature de l'accusation portée contre lui et celui de disposer du temps et des facilités
nécessaires à la préparation de sa défense. La nouvelle Cour n'a trouvé aucun de ces arguments convaincants. Considérant en effet que, d'une part, il n'était pas établi que les
requérants auraient eu connaissance avant l'audience de la cour d'appel d'une possibilité de requalification des faits en complicité et que, d'autre part, la complicité dépend
de la réunion d'éléments spécifiques et de conditions strictes et cumulatives, elle ne s'explique pas l'absence de renvoi de l'affaire pour rouvrir les débats ou, le cas échéant,
de demande adressée aux requérants afin de recueillir leurs observations écrites en cours de délibéré. En conséquence, l'arrêt Pélissier et Sassi constate à l'unanimité une
violation du paragraphe 3, a) et b), de l'art. 6. Justifié par la nécessité de mettre un soin extrême à notifier l'accusation à l'intéressé compte tenu du rôle déterminant joué par
l'acte d'accusation dans les poursuites pénales, déjà signalée par l'arrêt Kamasinski c/ Autriche du 19 déc. 1989 (34), cet arrêt délivre un enseignement d'une grande clarté :
la nouvelle Cour, même si elle est ouverte aux juges de pays dans lesquels la culture et la pratique des droits de l'homme sont encore rudimentaires, ne relâchera pas ses
exigences en matière de garanties procédurales à reconnaître aux personnes qui font l'objet d'une accusation en matière pénale. Il faut donc s'attendre à ce que de nombreux
autres points de la procédure pénale française soient jugés incompatibles avec les notions européennes de droits de la défense, d'égalité des armes, d'équité de la procédure
ou d'impartialité objective...
Un autre arrêt prononcé contre la France par la Grande chambre de la nouvelle Cour marque de manière encore plus cinglante que l'heure n'est pas à un allégement des
exigences européennes applicables à la procédure pénale française mais bien à leur renforcement. C'est le déjà célèbre arrêt Selmouni du 28 juill. 1999 (35). Prolongeant la
lutte entreprise par l'arrêt Tomasi contre les brutalités policières commises au cours d'une garde à vue (36), cet arrêt constate, à l'unanimité, une nouvelle violation de l'art. 3
Conv. EDH mais en retenant, cette fois, non plus la qualification de traitement inhumain et dégradant mais celle, plus infamante (37), de torture dont il n'y avait encore eu
que deux illustrations par les arrêts Akksoy c/ Turquie du 18 déc. 1996 (38) et Aydin c/ Turquie du 25 sept. 1997 . Certes les faits étaient graves : on avait tiré les cheveux
d'une personne gardée à vue ; on l'avait obligée à « courir dans un couloir le long duquel des policiers se plaçaient pour la faire trébucher » ; on l'avait menacée avec un
chalumeau et une seringue et un policier avait même uriné sur elle. Cependant dans la mesure où, selon la Cour, le viol dont se plaignait M. Selmouni n'avait pas été
prouvé, ils n'atteignaient pas le degré de cruauté constaté dans les affaires turques où il s'était agi dans un cas du supplice de la pendaison palestinienne, et dans l'autre d'un
viol avéré. C'est bien la raison pour laquelle la Cour n'a pu condamner la France qu'au prix d'une interprétation délibérément évolutive de la notion de torture. Ainsi justifiet-elle le choix de cette qualification par l'affirmation d'un principe inédit qui annonce de profonds bouleversements en procédure pénale et en bien d'autres domaines : « le
niveau d'exigence croissant en matière de protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales implique parallèlement et inéluctablement une plus grande fermeté
dans l'appréciation des atteintes aux valeurs fondamentales des sociétés démocratiques ». A la lumière de cette affirmation capitale, on peut mieux justifier l'idée de dérive
européenne de la procédure pénale française. Contrairement à ce que pourrait laisser croire la condamnation pour tortures policières, il ne faut pas comprendre que le
système français abaisse chaque année un peu plus le niveau d'exigence en matière de protection des droits fondamentaux, il faut entendre qu'il a de plus en plus de
difficultés à échapper aux condamnations pour violation des droits de l'homme parce que la CEDH élève chaque année un peu plus ce niveau d'exigence. L'ampleur de la
dérive ainsi entendue dépend à l'évidence des efforts que les autorités normatives françaises sont prêtes à consentir pour suivre le rythme imposé par la Cour de Strasbourg.
B - Une dérive amplifiée par l'inconstance des autorités normatives françaises
Les autorités françaises qui ont le pouvoir de modifier ou d'infléchir les pratiques et les règles de procédure pénale susceptibles de nous valoir des désillusions
strasbourgeoises ne restent pas insensibles aux arrêts de la CEDH. Leurs réactions sont cependant contrastées et imprévisibles. En effet, elles ne semblent pas organisées
suivant des principes fermement établis mais plutôt dictées par l'humeur, la sensibilité plus ou moins souverainiste, la susceptibilité plus ou moins exacerbée, voire le profil
de carrière des hommes et des femmes en fonction à un moment donné. Pour mieux s'en rendre compte, il faut distinguer entre l'attitude du législateur et celle de la
Chambre criminelle.
1 - Le législateur
Deux des premières condamnations prononcées contre la France à Strasbourg en matière de procédure pénale ont déterminé de la part du législateur une réaction que l'on
peut qualifier d'exemplaire. En effet, le 10 juill. 1991, c'est-à-dire à peine plus d'un an après les arrêts Kruslin et Huvig du 24 avr. 1990, a été promulguée la loi n° 91-646
relative au secret des correspondances émises par la voie des télécommunications (39) dont la CEDH, par un arrêt Lambert du 24 août 1998 (40), a eu l'occasion de
souligner qu'elle avait posé des règles claires et détaillées et qu'elle avait précisé, a priori, avec suffisamment de clarté l'étendue et les modalités d'exercice du pouvoir
d'appréciation des autorités en matière d'écoutes téléphoniques. Dans d'autres domaines, le législateur est également intervenu avec célérité pour tenter de tirer les leçons
d'une condamnation par la Cour de Strasbourg ou même de l'anticiper. Ainsi le 10 juill. 1991, une autre loi portant le numéro 91-647 a généralisé le domaine de l'aide
juridictionnelle laquelle, grâce à un accord conclu entre la Cour de cassation et l'Ordre des avocats aux conseils, peut désormais s'appliquer au pourvoi en cassation en
matière pénale et désamorcer dans la plupart des cas la critique d'atteinte au droit à l'assistance d'un avocat formulée par l'arrêt Pham Hoang du 25 sept. 1992. De même, les
lois de finances des 30 déc. 1986 et 29 déc. 1989 ont modifié l'art. 64 c. douanes de manière à subordonner à une autorisation du président du tribunal de grande instance les
visites domiciliaires réalisées par les agents des douanes qui, auparavant, se déroulaient dans des conditions expéditives dont le caractère attentatoire à l'art. 8 Conv. EDH
devait être dénoncé par les arrêts Funke, Crémieux et Miailhe du 25 févr. 1993. En outre, les lois des 4 janv. et 24 août 1993 ont ajouté au code de procédure pénale un art.
585-1 fixant un délai pour le dépôt du mémoire de l'auteur d'un pourvoi en cassation de façon à couper court aux reproches de l'arrêt Vacher de 1996, puis, surtout, ont
modifié le régime de la garde à vue de manière à mieux protéger les personnes privées de liberté contre les traitements inhumains et dégradants mis en lumière par l'arrêt
Tomasi du 27 août 1992 et aménagé celui de la détention provisoire suivant des modalités propres à rendre moins fréquents les dépassements du délai raisonnable de l'art. 5,
paragr. 3, qui nous avaient déjà valu des condamnations par les arrêts Letellier du 26 juin 1991 et Kemmache du 27 nov. 1991. Malheureusement, la loi n° 93-1013 du 24
août 1993 n'a pas suffi à nous épargner de nouvelles et spectaculaires condamnations en matière de garde à vue et de détention provisoire laquelle vient d'ailleurs de
provoquer un nouveau constat de violation de l'art. 5, paragr. 3, par un arrêt de la Chambre de la 3e section du 9 nov. 1999 rendu dans une affaire Debboub alias Husseini
Ali.
Pour être insuffisantes, ces tentatives législatives de mise en conformité de la procédure pénale française aux exigences de la jurisprudence de la CEDH ont au moins le
mérite d'exister. Dans de trop nombreux domaines en revanche, le législateur, oubliant de transformer en habitude l'attitude adoptée après les arrêts Kruslin et Huvig, a fait
mine de ne pas avoir entendu la leçon de droit de l'homme que la Cour de Strasbourg avait administrée à la France. Ainsi n'a-t-il pas fait grand effort pour réduire les risques
de durée excessive d'une procédure pénale. C'est pourquoi nous venons, en moins d'un mois, de faire l'objet de trois nouveaux constats de violation de l'art. 6, paragr. 1,
parce que la Chambre criminelle avait mis plus de deux ans pour examiner un pourvoi en cassation (41), parce qu'il avait fallu cinq ans et presque deux mois pour qu'un
prévenu de complicité d'escroquerie fût jugé par le Tribunal correctionnel de Paris (42) et parce qu'une instruction avait demandé quatre ans et six mois aux magistrats
lyonnais (43). Le législateur n'a pas non plus pris en compte les arrêts Delta et Saïdi pour mieux faire respecter le droit de faire interroger les témoins, ni l'arrêt AïtMouhoub pour dissiper les risques de limitations, fondées sur la fortune, du droit de se constituer partie civile, ni l'arrêt Poitrimol pour faire disparaître l'entrave au droit
d'accès à un tribunal que constitue l'art. 583 c. pr. pén... Il ne reste plus qu'à espérer que les différents projets de réforme de procédure pénale dont Madame la ministre de la
Justice a provoqué l'examen par le Parlement au début de l'année 2000 déboucheront, directement ou indirectement, sur une mise en conformité européenne de ces règles et
pratiques toujours en vigueur après nous avoir déjà valu de très explicites condamnations. Si l'occasion de procéder à ces réajustements n'était pas saisie, ce serait le signe
éclatant d'un risque d'aggravation d'une dérive provoquée par un lent essoufflement de l'esprit qui avait présidé à l'adoption de la loi du 10 juill. 1991.
2 - La Chambre criminelle
Les réactions de la Cour de cassation à l'égard des arrêts de la Cour de Strasbourg en matière de procédure pénale ne sont pas toujours hostiles. Souvent en effet sa Chambre
criminelle a su infléchir sa jurisprudence avant même que la CEDH ait eu le temps de stigmatiser ses errements passés. Ainsi, dès son arrêt Randhawa du 12 janv. 1989
(44), elle avait anticipé l'arrêt Delta de 1990 en décidant que, en vertu de l'art. 6, paragr. 3, d), Conv. EDH, les juges d'appel sont tenus, lorsqu'ils sont légalement requis,
d'ordonner, sauf impossibilité, l'audition contradictoire des témoins à charge qui n'ont été confrontés avec le prévenu à aucun stade précédent de la procédure. De même, les
critiques de l'arrêt Foucher avaient été largement désamorcées par l'arrêt du 12 juin 1996 (45) suivant lequel le prévenu est en droit d'obtenir, en vertu de l'art. 6, paragr. 3,
Conv. EDH, non pas communication directe des pièces de la procédure mais la délivrance à ses frais des pièces du dossier. Plus récemment, par ses arrêts Landry du 6 mai
1997 (46) et Mathoulin du 21 mai 1997 (47), elle a provoqué l'abrogation par la loi n° 99-515 du 23 juin 1999 (D. 1999, Lég. p. 311 ) de l'art. 546, al. 5, c. pr. pén., qui
réservait au seul procureur général un droit d'appel général en matière de police, en le déclarant contraire au principe de l'égalité des armes déduit de l'art. 6 Conv. EDH, en
l'absence de condamnation effective ou même prévisible de la France. Il lui est arrivé aussi de faire évoluer les règles applicables après un arrêt de condamnation de la Cour
de Strasbourg. Ainsi, trois semaines après les arrêts Kruslin et Huvig, a-t-elle, par son arrêt Bacha Baroudé du 15 mai 1990 (48), aménagé sa jurisprudence relative aux
écoutes téléphoniques dans le sens indiqué par la Cour de Strasbourg. Seulement, à partir de 1993, on a assisté à un changement de l'attitude de la Chambre criminelle
moins encourageant que celui observé un an plus tôt dans un article bien connu (49). En effet, le 3 févr. 1993, elle a rendu, sous la présidence de M. Le Gunehec, un
important arrêt Kemmache (50) révélateur d'une volonté de résistance à l'influence de la jurisprudence européenne sur la procédure pénale française. Cette décision énonce
en effet le principe suivant lequel « un arrêt de la CEDH constatant le non-respect du délai raisonnable au sens de l'art. 6, paragr. 1, ... s'il permet à celui qui s'en prévaut de
demander réparation, est sans incidence sur la validité des procédures relevant du droit interne. Par conséquent, une juridiction interne - en l'occurrence la Cour d'assises du
Var statuant le 21 mai 1992 sur renvoi après cassation - peut encore prendre une décision définitive en s'appuyant sur une procédure viciée par une violation des droits de
l'homme dûment et préalablement constatée par la Cour de Strasbourg - en l'espèce par l'arrêt Kemmache du 27 nov. 1991 déjà cité - (51). Cette solution, consolidée par
l'arrêt Saïdi du 4 mai 1994 (52), accentue le caractère déclaratoire des arrêts de la CEDH qui, d'après l'arrêt Marckx du 13 juin 1979 (53), les empêche d'annuler l'acte,
abroger la loi ou casser la décision d'où procède la violation constatée et minore leur caractère obligatoire aujourd'hui exprimé par l'art. 46, paragr. 1, aux termes duquel «
les hautes parties contractantes s'engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour dans les litiges auxquels elles sont parties ». Elle marque donc une préférence que
l'on peut discuter mais qui est évidemment respectable. Il convient cependant de remarquer qu'elle a été exprimée par une formule lapidaire et péremptoire qui pourrait
laisser transparaître une volonté de défier la Cour de Strasbourg. Effectivement, d'autres signes allaient vite venir renforcer cet indice d'arrogance. Ainsi, le 27 sept. 1993,
ayant à interpréter pour une des premières fois les nouvelles dispositions introduites dans le Code de procédure pénale par la loi du 10 juill. 1991, la Chambre criminelle a
délibérément oublié les principes qui avaient conduit à la solution des arrêts Kruslin et Huvig pour décider que les règles protectrices des art. 100 s. c. pr. pén. ne pouvaient
pas bénéficier à celui qui fait l'objet d'écoutes téléphoniques sur une ligne attribuée à un tiers. Limiter ainsi le champ d'application de la loi 1991 aux seules écoutes réalisées
sur la ligne de l'intéressé revenait à vider si profondément de sa substance le mécanisme novateur mis en place pour tenir compte des observations des juges de Strasbourg
que le raisonnement ne pouvait pas ne pas être pimenté d'une once de provocation. C'est bien ce qu'aura senti la Cour européenne puisque cette affaire nous a valu une
nouvelle condamnation unanime par l'arrêt Lambert du 24 août 1998 (54). Ce n'est cependant qu'après l'arrêt Poitrimol que la Chambre criminelle a ouvertement engagé une
partie de bras de fer avec la CEDH. Elle a en effet refusé de s'incliner devant la solution européenne en reconduisant par trois arrêts Guérin du 19 janv. 1994, Omar du 7
févr. 1994 et Coquin du 15 févr. 1994 la vieille règle, puisée dans les principes généraux de la procédure pénale, suivant laquelle le condamné en fuite, qui se dérobe à
l'exécution d'un mandat de justice, n'est pas en droit de se faire représenter pour se pourvoir en cassation à moins qu'il ne justifie de circonstances l'ayant placé dans
l'impossibilité absolue de se soumettre en temps utile à l'action de la justice. Cet entêtement nous a valu deux nouvelles condamnations en Grande chambre par les arrêts
Omar et Guérin du 29 juill. 1998 (55). Ce que l'on a appelé la rébellion de la Chambre criminelle (56) est sans doute justifiée par de hautes considérations de politique
criminelle et une fine stratégie de défense de la souveraineté nationale. Quand on s'aperçoit qu'elle prétendait sanctionner ceux qui se soustrayaient à l'autorité de la justice
au moyen d'une dérobade à l'autorité d'arrêts rendus par une juridiction chargée d'interpréter une convention internationale supérieure au droit français en vertu de l'art. 55
Const., on est toutefois obligé de faire beaucoup d'efforts sur soi-même pour ne pas la qualifier d'enfantillage auquel un arrêt du 30 juin 1999 (57) a quand même daigné
mettre fin. Malheureusement, il convient aujourd'hui de porter une appréciation beaucoup plus sévère sur l'acharnement de la Chambre criminelle à ne pas se plier à la
jurisprudence Poitrimol. La récente affaire Papon vient en effet de la conduire à prendre à nouveau parti sur ce point de discorde. Les circonstances étaient certes différentes
puisque l'intéressé n'était pas en fuite pour échapper à l'exécution d'un mandat d'arrêt : il était seulement tenu de l'obligation de se mettre en état, c'est-à-dire de se constituer
prisonnier la veille de l'audience de la Chambre criminelle, faite à tout condamné à une peine de privation de liberté pour une durée de plus de six mois par l'art. 583 c. pr.
pén. Or, il ne semblait pas faire de doute que l'application de ce texte tomberait d'autant plus sûrement sous le coup de la jurisprudence Poitrimol qu'elle ajoutait une entorse
à l'effet suspensif du pourvoi en cassation à la rupture du juste équilibre entre le respect de l'ordre public et des droits de la défense (58). C'est d'ailleurs ce que la Cour de
Strasbourg devait très rapidement et très précisément juger par son arrêt Khalfaoui c/ France du 14 déc. 1999 (59). Pourtant, le 21 oct. 1999, la Chambre criminelle a
prononcé, par application de la règle traditionnelle, la déchéance du pourvoi en cassation du condamné pour complicité de crimes contre l'humanité qui, dans des conditions
surabondamment décrites par les médias, était allé en Suisse au lieu de se constituer prisonnier la veille de l'audience. Il n'était pas convenable de continuer à affirmer une
indépendance si arrogante à l'égard de la CEDH dans une affaire aussi grave chargée du souvenir des plus sinistres atteintes aux droits de l'homme qui se puissent
concevoir. L'attitude de la Chambre criminelle placera la Cour de Strasbourg, une fois saisie, dans une position particulièrement délicate. Sauf à trouver dans l'attitude du
requérant les éléments caractéristiques de ce que l'on pourrait appeler une fraude à la Convention, elle sera placée face à la nécessité de choisir entre une reculade juridique
qui consisterait à édulcorer sa jurisprudence Poitrimol pour ne pas raviver les passions et les controverses et une faute médiatique qui l'exposerait à être tournée en dérision
par les journalistes et ceux dont l'opinion est relayée par les médias pour avoir voulu maintenir sa conception exigeante du droit d'accès à un tribunal sans tenir compte de la
personnalité du requérant et de la nature particulière des crimes qui lui sont reprochés (60). Dans l'un comme dans l'autre cas, la CEDH sera - provisoirement - affaiblie.
Parmi ceux qui s'en réjouiront, combien auront songé que la Conv. EDH et le mécanisme de contrôle international dont elle est assortie sont les instruments les plus nobles
et les plus efficaces forgés par les survivants de la Deuxième Guerre mondiale pour rendre à jamais impossible en Europe la répétition des crimes dont le secrétaire général
de la préfecture de la Gironde était accusé ? Comme on le voit, les rebondissements de tel ou tel procès spectaculaire peuvent vite donner à la dérive européenne de la
procédure pénale française, particulièrement révélée par la résistance à la jurisprudence Poitrimol, une intensité dramatique et aider à mieux comprendre quels en sont, en
définitive, les enjeux. La Conv. EDH va bientôt avoir cinquante ans, la CEDH, qui vient d'être entièrement renouvelée, siège depuis quarante ans : le temps est peut-être
venu d'aborder la question de l'influence de la jurisprudence européenne sur le droit interne de manière plus sereine et plus constructive, de cesser d'en faire une question de
stratégies pour la transformer en question de principes. Essayons de décrire comment ce changement d'orientation pourrait se manifester en procédure pénale.
II - Les moyens du sauvetage
Avant d'envisager les moyens, il convient de bien s'entendre sur les fins. Il s'agirait à la fois d'empêcher qu'une procédure entachée de violations des droits de l'homme
dûment constatées par la Cour de Strasbourg puisse encore aboutir à une condamnation définitive par une juridiction répressive française et de rendre moins fréquents les
constats de violation de la Conv. EDH par la France à l'occasion d'un procès pénal. Il faut donc des moyens adaptés à un objectif de rectification des violations commises
dans chaque espèce (A) et à celui de modification des règles générales d'où procèdent les constats de violation strasbourgeois (B).
A - La rectification des violations commises dans chaque espèce
Après avoir rappelé les conséquences du caractère obligatoire des décisions de la CEDH, MM. J. Pradel et G. Corstens posent courageusement à la page 277 de leur récent
et indispensable Précis de droit pénal européen (61) les deux questions suivantes : « Faut-il aller plus loin en obligeant les Etats condamnés à reprendre la décision dont les
juges ont méconnu la Conv. EDH ? Faut-il par exemple créer au profit de la partie lésée un recours national spécial qui lui permettrait de saisir une juridiction nationale aux
fins d'anéantissement de la décision » ?. Il ne faut plus hésiter à répondre aujourd'hui par l'affirmative. En effet, si le concept de prééminence du droit auquel se réfère le
Préambule de la Convention EDH a bien un sens, il est impossible d'admettre que puisse s'exécuter encore une condamnation pénale obtenue au prix d'une violation des
droits de l'homme. Il y va de la crédibilité internationale de la France. Il y va surtout de la cohérence et donc de l'efficacité du système répressif français : on ne peut pas
durablement faire respecter les valeurs protégées par le Code pénal si pour condamner ceux qui les ont méconnues on commence par piétiner allègrement les valeurs
fondamentales inscrites dans un instrument international dûment ratifié. Il convient donc de se prononcer fermement pour l'instauration d'une nouvelle voie de recours étant
entendu que, comme on a pu l'observer en Belgique dans l'affaire De Cubber (62), un arrêt de condamnation de la CEDH ne peut que très difficilement constituer en luimême un fait nouveau susceptible de justifier une atteinte à l'autorité de la chose jugée suivant les règles ordinaires de la révision. Le législateur pourrait donc ajouter au
code de procédure pénale un article inspiré de l'art. 443 c. pr. pén. luxembourgeois qui pourrait être ainsi rédigé : « Une demande de révision d'un jugement rendu par une
juridiction répressive quelconque peut être introduite devant la Chambre criminelle de la Cour de cassation par toute personne condamnée par une décision exécutoire,
lorsqu'un arrêt définitif de la CEDH a établi que cette condamnation a été prononcée dans des conditions contraires à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et
des libertés fondamentales ou à ses protocoles additionnels » (63). Dans cet esprit, il irait presque sans dire que la jurisprudence Kemmache et Saïdi devrait être instamment
abandonnée puisqu'elle consolide une violation des droits de l'homme constatée avant même une condamnation pénale définitive.
B - La modification des règles génératrices de violation des droits de l'homme
Lorsque l'application d'une règle de procédure pénale conduit à un constat de violation de la Conv. EDH par la France, c'est évidemment au législateur qu'il revient d'abord
de procéder à la réforme qui s'impose dans le souci d'éviter qu'un déferlement de requêtes individuelles ne nous expose à de nouvelles condamnations pour des raisons
similaires. Il serait donc hautement souhaitable qu'il retrouve au plus vite l'état d'esprit qui avait prévalu au lendemain des arrêts Krüslin et Huvig et que, à chaque nouveau
constat de violation par la Cour de Strasbourg, il recherche sans barguigner les moyens les plus appropriés pour mettre notre procédure pénale en conformité avec les
exigences européennes. En attendant, c'est la Chambre criminelle qui se trouvera en première ligne. Il se peut que, comme elle l'a peut-être déjà fait après l'arrêt Poitrimol,
elle estime ne pas avoir à assumer une responsabilité qui incombe au législateur. Il importe de souligner ici que, au plan européen, il serait tout à fait inutile de se retrancher
derrière le principe de séparation des pouvoirs pour refuser de tirer les conséquences jurisprudentielles d'une décision de condamnation de la France. Tel est l'enseignement
majeur de l'arrêt Vermeire c/ Belgique du 29 nov. 1991 (64). Dans cette affaire, les juridictions belges avaient estimé que l'obligation pour la Belgique d'élaborer un statut
juridique de l'enfant naturel conforme aux principes dégagés par l'arrêt Marckx du 13 juin 1979 s'analysait en une obligation de faire dont le pouvoir législatif et non le
pouvoir judiciaire devait assumer la responsabilité et avaient continué à appliquer les règles attentatoires à la Convention EDH dont la réforme législative n'était pas encore
achevée. Cette attitude a été sévèrement dénoncée par la Cour de Strasbourg qui a dit ne pas bien discerner ce qui aurait pu empêcher les juridictions belges de se conformer
à l'arrêt Marckx et qui a posé le principe suivant lequel la liberté de choix reconnue à l'Etat quant aux moyens de s'acquitter de son obligation de se conformer aux arrêts
définitifs de la Cour dans un litige auquel il est partie ne saurait lui permettre de suspendre l'application de la Conv. EDH en attendant l'aboutissement d'une réforme. Ainsi
la Cour de Strasbourg a-t-elle entendu conférer à ses propres décisions un effet direct à l'égard du juge national (65) qui en rend plus concret le caractère obligatoire
aujourd'hui exprimé par l'art. 46, paragr. 1, Conv. EDH. On peut le regretter mais on ne peut pas ne pas en tenir compte si l'on veut éviter l'accumulation des arrêts de
condamnation pour violation des droits de l'homme. Il est d'ailleurs particulièrement choquant que le choix de se soumettre à l'autorité d'un arrêt de condamnation de la
Cour de Strasbourg ou de l'ignorer superbement soit abandonné à la Chambre criminelle. En effet, lorsqu'une affaire identique à une précédente affaire nous ayant déjà valu
des avanies strasbourgeoises arrive devant la Cour de cassation, elle pose à l'évidence « une question de principe » justifiant le renvoi devant l'assemblée plénière suivant
l'art. L. 131-2, al. 2, COJ étant entendu que l'adverbe notamment utilisé par ce texte permet de ranger sous cette qualification d'autres risques de solutions divergentes que
ceux apparaissant entre les juges du fond ou entre juges du fond et Cour de cassation (66). En attendant le législateur, c'est à l'assemblée plénière qu'il appartient de prendre
position sur ces questions qui ne peuvent plus être considérées comme secondaires.
Il ne faudrait cependant pas se faire trop d'illusions sur l'aptitude de ces quelques moyens techniques à endiguer la dérive européenne de la procédure pénale française.
L'essentiel est plutôt une question d'état d'esprit. Le plus important serait en effet que tous, policiers, avocats, universitaires et magistrats prennent l'habitude de considérer
que la Conv. EDH et la jurisprudence de la Cour de Strasbourg sont en réalité des éveilleurs de conscience juridique qui, en ce domaine comme dans beaucoup d'autres,
peuvent aider la France à rester fidèle à ses valeurs essentielles. Pour achever de s'en persuader, il suffirait que chacun prenne exemple sur la courageuse et noble attitude du
juge français à la CEDH, Jean-Paul Costa. Dans une récente affaire Baghli jugée le 30 nov. 1999 qui portait à nouveau sur la délicate question, proche de la procédure
pénale, dite de la double peine, il a su, presque seul contre tous, affirmer hautement son désaccord avec une décision qui refuse de considérer que l'expulsion par la France
d'un immigré de la deuxième génération ayant purgé sa peine d'emprisonnement constitue une violation de l'art. 8 Conv. EDH (67). Cette opinion dissidente d'un genre
apparemment inédit doit être considérée comme le signal d'un changement radical de perspective : si le juge français en vient à dénoncer la Cour EDH lorsqu'elle ne
condamne pas la France, comment pourrait-on admettre que la France ne se soumette pas aux arrêts de la Cour EDH qui la condamnent (68) ?
4 - Une juste distance ou réflexions sur l'impartialité du magistrat
Par Dominique Noëlle Commaret
Au cours d'un récent colloque sur la justice consulaire, Pierre Drai, premier président honoraire de la Cour de cassation, évoquait, en se plaçant du point de vue de l'usager,
l'impartialité du juge en termes de confiance : « aller vers son juge en toute confiance, avec la seule volonté de le convaincre par la force du raisonnement ou la richesse de
ses arguments, c'est la seule démarche possible d'un homme libre, dans un pays de liberté ».
Qu'attend en effet l'usager de la justice, si ce n'est d'abord l'objectivité de celui devant lequel il se présente et entre les mains duquel il remet sa vie familiale, ses
engagements contractuels, sa liberté ou son honneur ?
L'impartialité n'est certes pas l'apanage exclusif du corps judiciaire : corollaire de l'égalité en droits affirmée, en premier lieu, par les auteurs de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen, cette obligation s'impose à tous ceux qui détiennent une parcelle de la puissance publique, qu'il s'agisse des fonctionnaires, des magistrats ou des
personnes agissant en exécution d'un mandat public. L'impartialité est un devoir d'état et d'Etat. Mais elle est consubstantielle au pouvoir juridictionnel (1). Pour le juge, la
subordination hiérarchique, qui caractérise le statut des agents publics, cède le pas à l'indépendance juridictionnelle, constitutionnellement affirmée (2), promue au rang de
principe fondamental par l'art. 6 Conv. EDH, constamment sous-jacente aux dispositions relatives aux incompatibilités, à la récusation, à la suspicion légitime, incluses
dans l'ordonnance statutaire du 22 déc. 1958 (3), le code de l'organisation judiciaire (4) et les textes de procédure (5).
Sans doute faut-il, puisque les deux qualificatifs sont employés côte à côte dans la Convention européenne, tenter d'abord de distinguer indépendance et impartialité.
L'indépendance est la traduction institutionnelle du principe de la séparation des pouvoirs : elle exprime l'ensemble des conditions et des conséquences que s'impose à luimême un Etat démocratique pour garantir le juge de toutes pressions extérieures, qu'elles émanent des autres organes de souveraineté ou de n'importe quel groupe d'intérêt
(6). Système de sécurité générale, elle constitue le fondement, la racine même de l'impartialité du juge et légitime seule la force obligatoire des décisions judiciaires, une
fois les délais et voies de recours épuisés, autrement dit l'autorité de la chose jugée. Mais cette condition nécessaire n'est pas à elle seule suffisante pour que soit, dans
chaque procédure, préservée l'objectivité et la neutralité du juge : l'obligation d'impartialité constitue le verrou singulier d'une démarche objective et désintéressée.
Distinctes, les deux notions sont cependant complémentaires : l'on ne peut revendiquer l'une et négliger la seconde. L'indépendance constitue en même temps le droit
majeur du juge et le premier de ses devoirs. Elle est à la fois son signe distinctif, sa spécificité, opposable à tous, mais aussi sa responsabilité propre, vis-à-vis des parties au
procès et la condition de sa légitimité. Et c'est parce qu'elle est le prolongement naturel du droit au procès équitable, de l'égalité des armes et du principe du contradictoire
en toutes matières, de la présomption d'innocence au pénal, qu'elle implique inéluctablement une distance intérieure, assumée et responsable de la part du magistrat, une
distance perceptible et contrôlée, du point de vue de l'usager, mais aussi, dans le même temps, une relative proximité rendue indispensable par l'évolution des missions du
juge et de leur contexte.
I. Une distance intérieure, assumée et responsable
Dans Juger paru aux éditions Seuil en 1991, Hannah Arendt analysait la démarche permettant de tendre vers l'état d'impartialité subjective, condition d'un jugement objectif.
Il y a dans l'activité de jugement, écrivait-elle, deux opérations successives : l'opération de l'imagination, qui permet de transformer « ce que percevaient les sens extérieurs
en un objet pour les sens intérieurs », de comprimer et de condenser « la multiplicité des données sensibles », de « voir avec les yeux de l'esprit... des objets qui ne sont plus
présents, qui sont soustraits à l'immédiateté de la perception sensible et, par conséquent, n'affectent plus directement » ; puis l'opération de la « réflexion » qui est « très
exactement l'activité de juger quelque chose ». Et elle concluait : « cette double opération instaure la condition essentielle de tous les jugements, la condition d'impartialité,
de satisfaction désintéressée. En fermant les yeux, on devient spectateur impartial - non directement affecté - du visible ».
N'y a-t-il point là l'écho d'un autre discours, prononcé quatre siècles auparavant par le chancelier Michel de l'Hôpital devant le Parlement de Rouen : « vous devez
comporter en vos jugements, sans blâme, tenant la droite voie, ni à droite, ni à gauche... Si vous ne vous sentez assez forts et justes pour commander vos passions, abstenezvous de l'office du juge » (7) ?
Pour s'en tenir aux normes juridiques actuelles, deux textes expriment le sens des responsabilités dont le magistrat doit faire preuve pour se placer à égale distance des
parties qui comparaissent ou sont attraites devant lui. L'art. 339 NCPC est la pierre d'angle de l'édifice : « le juge qui suppose en sa personne une cause de récusation ou
estime en conscience devoir s'abstenir se fait remplacer par un autre juge que désigne le président de la juridiction à laquelle il appartient ». Il s'agit là de l'expression la plus
aboutie du devoir d'impartialité du juge, de son obligation de réflexion et d'action (8). Dans un autre registre, l'art. 47 NCPC incite un magistrat partie à un litige ou son
adversaire à saisir le tribunal limitrophe de la juridiction à laquelle appartient le premier. Cette seconde disposition souligne de façon visible, géographique même - et c'est
son intérêt pédagogique -, la distance perceptible, condition de la confiance des parties dans l'objectivité, la neutralité, l'impartialité du tribunal amené à statuer.
II. Une distance apparente, contrôlée et le cas échéant sanctionnée
Au-delà de l'impartialité subjective, ce qui compte en effet pour l'usager, c'est l'absence de tout motif raisonnable de douter de l'impartialité de l'agent public auquel il
s'adresse, c'est, dans le domaine judiciaire, l'absence d'apparence de proximité d'un juge avec l'une des parties au procès pendant devant lui, c'est la réunion des conditions
objectives « qui protègent de l'invisible et même de ce qui ne s'est jamais produit » (9).
Le concept d'apparence imprègne naturellement toutes les décisions rendues tant par la Cour de cassation que par la Cour européenne de Strasbourg, chaque fois que l'une
et l'autre de ces juridictions ont eu à apprécier des situations susceptibles de constituer un motif raisonnable de douter de l'indépendance structurelle d'une juridiction ou de
l'impartialité fonctionnelle d'un magistrat en particulier.
Au regard de l'exigence particulière d'indépendance structurelle, les arrêts Sramek c/ Autriche du 22 oct. 1984 et Belilos c/ Suisse du 29 avr. 1988, qui ont examiné la
composition respective de l'autorité régionale d'approbation des transactions immobilières du Tyrol dans le premier cas, de la commission de police de Lausanne chargée
d'infliger des amendes, dans le second, ont conclu à la violation de l'art. 6, § 1. L'attendu le plus important de l'arrêt Sramek mérite d'être cité in extenso : « dès lors qu'un
tribunal compte parmi ses membres une personne se trouvant - comme en l'espèce - dans un état de subordination de fonctions et de services par rapport à l'une des parties,
les justiciables peuvent légitimement douter de l'indépendance de cette personne. Pareille situation met gravement en cause la confiance que les juridictions se doivent
d'inspirer dans une société démocratique ».
Nombreuses et variées, les décisions relatives à l'exigence d'impartialité fonctionnelle concernent soit le cumul, soit l'exercice successif, dans une même procédure pénale,
des fonctions de poursuite, d'instruction et de jugement (10), soit la participation successive à des décisions civile et pénale liées entre elles (11), soit enfin l'existence de
liens de parenté ou d'alliance entre deux magistrats appelés à intervenir dans une même affaire (12). Le concept d'apparence a été récemment utilisé à l'occasion de la
découverte, par le conseil d'une personne poursuivie au pénal, de l'existence, dans un dossier et avant l'audience, d'un projet d'arrêt non daté mais signé du greffier, qui
pouvait apparaître comme étant de nature à préjuger de la décision d'une chambre d'accusation (13). Quel que soit leur objet, ces décisions s'inspirent toutes de l'adage
anglo-saxon selon lequel la justice doit non seulement être rendue, mais également être perçue comme telle.
Si cette jurisprudence « fonctionnelle » mérite d'être rappelée, c'est parce que, au-delà des textes d'organisation judiciaire ou des dispositions de nature procédurale, il n'est
pas d'autre fondement des décisions du Conseil supérieur de la magistrature, statuant en matière disciplinaire. Trois exemples l'illustrent :
- Le premier se rapporte à une décision dont l'attendu principal est reproduit dans le premier rapport annuel de l'organe constitutionnel : « Le magistrat est tenu de se
déporter, dès lors qu'il entretient ou a entretenu des relations suivies avec une des parties au litige dont il est saisi » (14). Ce que cette motivation ne dit pas, c'est que les
liens de proximité entretenus par celui qui était appelé à comparaître devant l'instance disciplinaire concernaient la gérante d'une SARL mise en redressement judiciaire,
cette personne étant devenue pendant l'instance la salariée de l'entreprise puis la co-associée de la société formulant l'une des offres de reprise. Elle n'était donc pas
strictement « partie au litige ». Mais les décisions prises par la juridiction commerciale pouvaient influer sur son avenir professionnel : elle était intéressée au procès. Cela
suffisait-il pour affirmer l'existence d'un devoir d'abstention du juge ? Autrement dit, convenait-il de faire valoir une conception extensive du principe posé par l'art. 339
NCPC ? Ne fallait-il pas au contraire le considérer comme d'interprétation stricte ? Le CSM a choisi l'acception large et exigeante du devoir d'abstention, la seule de nature
à garantir l'égalité de traitement des repreneurs et les droits des créanciers de l'entreprise, y compris dans les apparences ;
- L'impartialité est ensuite un devoir auquel nul n'échappe, pas même les magistrats du parquet. Le CSM a eu l'occasion de l'affirmer en ces termes : « en prenant des
décisions de poursuite ou de classement dans des procédures mettant en cause des personnes avec lesquelles il était en relation d'affaires, [le magistrat] a pu faire
légitimement douter de l'impartialité du parquet et... il a ainsi, manquant aux devoirs de son état, commis une faute disciplinaire d'une particulière gravité » (15). Le
parquetier n'est pas récusable. Il n'est nullement visé par l'art. 668 c. pr. pén. Mais, dans l'exercice de l'action publique, il procède à des choix décisionnels, même s'il ne
s'agit pas au sens strict de l'activité juridictionnelle. Il est déontologiquement tenu de s'interroger lui aussi sur les apparences ;
- Enfin le CSM vient de souligner l'importance qu'il accorde au principe d'impartialité : « les faits... retenus et leur répétition au fil des années ont donné de ce magistrat et
de l'institution judiciaire une image dégradée, qui ne pouvait qu'affaiblir la confiance des justiciables dans l'impartialité qu'ils sont en droit d'exiger de leurs juges. De telles
fautes sont contraires à l'honneur et partant exclues du bénéfice de l'amnistie » (16).
L'impartialité est par conséquent un devoir essentiel du magistrat. C'est une véritable injonction de faire qui lui est adressée. Le devoir d'abstention s'impose aux juges
comme aux parquetiers. Des défaillances réitérées de ce type constituent une faute contre l'honneur.
Les textes et la jurisprudence ayant été rappelés, tout n'est pas pour autant définitivement réglé. L'existence de justices de plusieurs ordres, la diversification des missions du
juge et les attentes plurielles dont il est l'objet, les contradictions en apparence insurmontables entre ses obligations statutaires et les libertés dont il bénéficie, qu'il
revendique même comme tout citoyen, complexifient la problématique de l'impartialité. Contraint d'évoluer dans ses pratiques professionnelles, le juge doit se garder de
deux écueils, l'isolement, facteur d'ignorance des réalités sociales, et la confusion des rôles.
III. Une distance proche
Tant de justices se côtoient : justice populaire de la cour d'assises (17), justice administrative ou financière, justice consulaire ou prud'homale (18), sans même évoquer les
commissions dotées de pouvoirs de sanctions (19), les autorités administratives indépendantes, l'arbitrage, la conciliation, la médiation. Certaines ne sont pas sans poser
question en termes d'apparences : le jury est-il infaillible ? est-il acceptable qu'un conseil des prud'hommes siège dans un immeuble dont la seule enseigne visible est celle
d'un syndicat professionnel ? La justice consulaire présente-t-elle des garanties suffisantes de recul dans le traitement des procédures collectives ? Faut-il pour autant
renoncer à ces juges d'un jour, ces juges salariés, ces juges patrons, ces juges commerçants dont l'inlassable dévouement n'a généralement d'égal que le sens élevé de leurs
devoirs ?
Chargé traditionnellement de garantir les droits et libertés par une décision qui s'impose aux parties, le magistrat se voit désormais confier de multiples attributions qui font
de lui un gestionnaire, un administrateur, un chef d'établissement en matière de sécurité, un responsable d'association para-administrative, un assistant social.
Quelle que soit son objectivité, un juge pourra-t-il échapper au soupçon s'il doit apprécier la responsabilité d'un chef de juridiction ou de cour d'appel au regard des missions
que la loi confère à ce dernier en matière de sécurité ? Les magistrats qui assurent la présidence ou les fonctions de trésorier d'associations, de contrôle judiciaire ou de
médiation ne sont-ils pas parfois les fournisseurs et les bénéficiaires de ces mesures ? Comment concilier aujourd'hui l'absence de préjugé et l'assistance judiciaire quasi
permanente qu'imposent nombre de fonctions spécialisées ? Pour autant, comme l'a parfaitement écrit Paul Martens (20), à vouloir aller trop loin, ne risque-t-on pas de
succomber à la « tyrannie de l'apparence » ?
Voici venu aussi le temps de la justice-spectacle et des médias-justiciers : magistrats et jurés doivent-ils s'astreindre à ne plus lire les quotidiens pendant une session
d'assises ? Certains juges étant portés à exercer, le temps d'une ou plusieurs législatures, un mandat électoral sous pavillon politique, les régimes d'incompatibilités limités
dans le temps ou dans l'espace sont-ils désormais suffisants pour protéger les apparences ? Un représentant syndical ayant publiquement manifesté son adhésion ou, au
contraire, son opposition à tel ou tel projet de loi sera-t-il perçu comme impartial par ceux qui comparaîtront devant lui en application de ce texte, une fois voté ? Liberté
d'expression et liberté de manifestation ne constituent-elles pas des apories au regard du devoir de réserve, autre déclinaison de l'obligation d'impartialité ?
Et voici qu'une ultime interrogation s'élève : s'il n'est plus admissible aujourd'hui de conjuguer indépendance et irresponsabilité, pourra-t-on, demain, concilier
indépendance judiciaire et exacerbation du sentiment victimaire ?
Un certain nombre de ces interrogations appellent une réflexion approfondie et des réponses législatives ou réglementaires. Pour autant, il n'existe pas de « prêt-à-porter »
en matière d'éthique. Il appartient à chaque magistrat, confronté à une situation toujours unique, d'en rechercher l'issue de façon responsable. La personne la plus
importante, dans une salle d'audience, étant naturellement la partie qui va perdre, il se posera inlassablement à son endroit la seule question qui englobe toutes les autres :
aura-t-elle un motif raisonnable de croire qu'elle n'a pas reçu justice ?
5 – E. PINWICA, L’égalité devant la Chambre criminelle, Rapport Cour de cassation 2003
(1)
Depuis l'abolition par l'article 16 de la loi des 16-24 août 1790
« principe fondateur de la démocratie »
(2)
des privilèges en matière de juridiction, les droits procéduraux constituent l'un des terrains d'élection du
qu'est le principe d'égalité.
(3)
Le Conseil constitutionnel veille à l'égal accès des justiciables à la justice, et notamment à la justice pénale , sachant que, selon la formule du doyen Vedel, le principe
(4)
d'égalité ne joue que toutes choses égales d'ailleurs .
(5)
L'égalité devant la justice est encore rappelée par les instruments internationaux tel le Pacte sur les droits civils et politiques
(6)
garantie par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales .
; elle l'est surtout à travers l'équité du procès,
(7)
Le législateur n'a pas manqué de consacrer ce principe en l'inscrivant à l'article préliminaire du code de procédure pénale qui évoque « l'équilibre des droits des parties » .
Les développements qui vont suivre n'ont pas pour objet d'analyser la place du principe d'égalité dans la jurisprudence de la Chambre criminelle mais d'observer comment,
sur certains points et sans prétendre à l'exhaustivité, il s'exprime dans l'instance en cassation.
La procédure suivie devant la Chambre criminelle est prévue aux articles 567 et suivants du Code de procédure pénale dont certaines dispositions ont déjà été soumises à
l'épreuve des exigences du procès équitable par la Cour européenne des droits de l'homme. On examinera dans un premier temps les modalités selon lesquelles la Chambre
criminelle veille au respect de l'égalité des parties dans la procédure (I).
Mais, cette première interrogation n'épuise pas la question. Il ne saurait y avoir d'équité du procès sans égalité des justiciables devant la justice, de sorte que la réflexion
portera, dans un second temps, sur l'égalité des justiciables face au jugement (II).
I - Égalité et procédure
Composante fondamentale du droit au procès équitable, l'égalité des armes est garantie tant par l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme que par
l'article préliminaire du code de procédure pénale. Elle l'était déjà, avant l'édiction de ces textes, par la jurisprudence elle-même.
Toute partie à l'instance doit jouir d'une possibilité raisonnable d'exposer sa cause au tribunal, dans des conditions qui ne la désavantagent pas de manière significative par
(8)
rapport à la partie adverse , ce qui implique que les parties disposent des mêmes moyens pour faire valoir leurs arguments.
Dans le procès pénal, l'égalité des armes implique, outre l'égalité de traitement entre les parties privées, un équilibre des droits processuels de l'accusation et de la défense.
(9)
Mais l'égalité des armes ne cesse pas avec le jugement : elle n'est assurée que si elle prévaut également dans l'exercice des voies de recours .
Il convient tout d'abord de rechercher si les parties au procès pénal jouissent d'un égal accès au juge de cassation (A) avant d'examiner si la procédure suivie devant la
Chambre criminelle garantit l'égalité des armes (B).
A - L'égalité des armes dans l'exercice du pourvoi
La Convention européenne des droits de l'homme n'exige pas de ses signataires qu'ils se dotent d'une juridiction de cassation. Les parties jouissent néanmoins, en droit
(10)
interne, de la faculté de former un pourvoi (1). Le juge de cassation, lorsqu'il existe, n'est pas dispensé du respect des exigences du procès équitable
cassation doit, en conséquence, s'exercer dans le respect de l'égalité des armes (2).
: le pourvoi en
(11)
1. La formation du pourvoi
Considérant que tout justiciable doit pouvoir faire vérifier que la décision qui le concerne est conforme à la loi, le Conseil d'Etat tient le droit de former un recours pour un
principe général du droit
(12)
, de sorte que le pourvoi en cassation reste ouvert, quand bien même la décision serait « insusceptible de recours »
(13)
Si la Cour de cassation a consacré ce droit au recours à l'égard des décisions de condamnation des juridictions répressives de première instance
que la formule « sans recours possible » s'applique au pourvoi en cassation comme à toute autre voie de recours
(15)
(16)
.
(14)
, elle décide en revanche
.
Cette position de principe connaît toutefois des infléchissements. Il en va ainsi en matière d'extradition .
L'irrecevabilité du pourvoi en cassation cède également devant l'excès de pouvoir : les ordonnances rendues par le président de la chambre de l'instruction en application
(17)
des articles 173 ou 186-1 du code de procédure pénale, qui ne sont pas susceptibles de recours
(18)
, peuvent faire l'objet d'un pourvoi en cas de « risque d'excès de
pouvoir » .
Le droit de former un pourvoi résulte encore du silence des textes. Est ainsi susceptible d'un pourvoi en cassation la décision de la chambre de l'instruction statuant sur le
(19)
fondement des articles 224 et 230 du code de procédure pénale
.
Enfin, dans la ligne tracée par la Cour européenne des droits de l'homme
(21)
(20)
, la détention du demandeur ne peut plus constituer une condition de recevabilité du recours : le
pourvoi du prévenu en fuite est dorénavant recevable . De même, la procédure de la mise en état, qui obligeait le demandeur au pourvoi condamné à une peine
d'emprisonnement de plus de six mois, durée portée à un an par la loi n 99-515 du 23 juin 1999, à se constituer prisonnier la veille de l'audience de cassation à peine de
déchéance de son pourvoi, a été supprimée
(22)
; et le législateur remanie actuellement la procédure de contumace
(23)
.
Les exigences du procès équitable concernent également l'exercice du pourvoi.
2. L'exercice du pourvoi
Les distinctions mentionnées à l'article 567 du code de procédure pénale dans l'exercice du pourvoi concernent la phase d'instruction (a) celle de jugement (b) et dans
chacune de ces phases, les arrêts « intermédiaires » (c).
a) La phase d'instruction
Avant la réforme de la procédure pénale opérée par la loi n 93-2 du 4 janvier 1993, seuls les magistrats étaient des acteurs "actifs" de l'information ; l'inculpé, la partie civile
étaient passifs : privés du droit de demander des actes, de faire valoir des nullités.
La loi du 4 janvier 1993 -modifiée le 24 août suivant- est revenue sur cette solution. Sur ce point, l'inégalité des armes entre ministère public et parties privées a été
abandonnée.
S'agissant du pourvoi en cassation, des inégalités demeurent : le ministère public a le droit de se pourvoir contre tous les arrêts de la chambre de l'instruction qu'il a intérêt à
attaquer, quand la partie civile et le mis en examen voient leur droit d'accès au juge de cassation limité respectivement par les articles 575 et 574 du code de procédure
pénale.
En premier lieu, l'article 575 du Code de procédure pénale limite le droit d'accès au juge de cassation de la partie civile qui, en principe, n'est pas recevable à former un
pourvoi contre un arrêt rendu par une chambre de l'instruction en dehors des 7 hypothèses énumérées à son second alinéa.
(24)
Et il importe peu que les motifs de l'arrêt critiqué soient erronés, inopérants ou contradictoires
(25)
.
Si la partie civile jouit, depuis l'arrêt Laurent-Athalin , de la faculté de mettre en mouvement l'action publique, le législateur a estimé que l'intérêt général n'exige pas
qu'elle dispose en outre de la faculté de former un pourvoi lorsque le ministère public n'a pas estimé utile d'exercer ce recours.
Une telle limitation peut s'expliquer par le fait que la défense de l'ordre public, dont le ministère public est seul responsable, justifie que ce dernier dispose de droits plus
(26)
étendus que ceux des parties privées . La partie civile peut certes mettre en mouvement l'action publique, selon les modalités prévues par les articles 2 et suivants du code
de procédure pénale ; son droit d'appel devant la chambre de l'instruction l'autorise à critiquer les ordonnances du juge d'instruction qui lui font grief. Pour autant, elle n'est
pas recevable, en dehors des exceptions du second alinéa de l'article 575 du code de procédure pénale, à former un pourvoi.
La Chambre criminelle et la Cour de Strasbourg ont d'ailleurs décidé que cette restriction n'était pas contraire aux exigences du procès équitable, étant rappelé que la partie
(27)
civile conserve la faculté de faire valoir ses droits devant la juridiction civile .
Cette préférence donnée à la limitation de l'accès au juge de cassation par la partie civile par rapport au contrôle de légalité peut étonner. Mais la Chambre criminelle
n'approuve pas l'arrêt illégal qui lui est soumis : elle se borne à constater l'irrecevabilité.
Au demeurant, quand bien même le pourvoi de la partie civile serait irrecevable, le procureur général près la Cour de cassation peut encore former un pourvoi dans l'intérêt
de la loi conformément à l'article 621 du code de procédure pénale lorsqu'il apparaît que l'illégalité de la décision soumise à la Cour de cassation est à ce point choquante
(28)
que les juges ne peuvent, sous couvert d'irrecevabilité, s'abstenir de la désapprouver, sans pour autant en faire profiter la partie civile .
En second lieu, la personne mise en examen n'a, pas plus que la partie civile, un droit absolu à se pourvoir contre un arrêt de la chambre de l'instruction. Son droit varie
selon la gravité de l'infraction poursuivie.
En matière criminelle, le mis en examen est admis à se pourvoir, sans restriction, contre l'arrêt de renvoi devant la cour d'assises.
En matière correctionnelle ou de police, il résulte des dispositions de l'article 574 du code de procédure pénale que le mis en examen ne peut former de pourvoi contre l'arrêt
de la chambre de l'instruction qui le renvoie devant le tribunal correctionnel ou le tribunal de police que s'il statue sur la compétence ou s'il comporte des dispositions
(29)
définitives qui s'imposeraient au tribunal
.
b) La phase de jugement
Les décisions juridictionnelles rendues en dernier ressort sont susceptibles de pourvoi, sauf disposition contraire.
L'« accusé » peut ainsi former un pourvoi contre la décision qui le condamne.
La partie civile peut, pour sa part, se pourvoir contre les décisions qui ont statué sur son action civile, sans pour autant jouir d'un droit de critique aussi étendu que celui du
(30)
ministère public : ainsi n'est-elle pas recevable à invoquer l'incompétence des juridictions pénales devant la Chambre criminelle
.
c) Les arrêts qui ne mettent pas fin à l'instance
Les articles 570 et 571 du code de procédure pénale sont le siège d'une parfaite égalité : parties poursuivantes -ministère public et partie civile- et partie poursuivie sont
soumises à la même règle. Lorsqu'une décision ne met pas fin à l'instance, que ce soit par un arrêt de renvoi devant la juridiction de jugement ou de non lieu dans la phase
d'instruction, ou un arrêt distinct de l'arrêt sur le fond dans la phase de jugement, l'examen immédiat du pourvoi est subordonné à une ordonnance d'admission du président
de la Chambre criminelle qui se prononce au regard de l'intérêt de l'ordre public ou d'une bonne administration de la justice.
Echappent à ce mécanisme les arrêts rendus par la cour d'assises pendant l'instruction à l'audience ainsi que les décisions rendues en matière de détention provisoire ou de
contrôle judiciaire.
Toutes les parties sont ainsi soumises à la même règle, appliquée à l'identique, étant cependant observé que des distinctions subsistent : le pourvoi de la partie civile
demeure soumis aux dispositions de l'article 575 du code de procédure pénale dont l'application est cumulative de celle des articles 570 et 571. Réciproquement si la partie
civile est recevable à former un pourvoi contre l'arrêt qui déclare irrecevable sa constitution, la jurisprudence paraît considérer, en dépit de quelques hésitations, que le
même droit, sans limitation, doit être accordé à la personne mise en examen lorsqu'elle critique un arrêt ayant admis la recevabilité de la constitution de partie civile
(31)
.
B - L'égalité des armes dans le respect du contradictoire
L'égalité des armes s'entend essentiellement du droit à une procédure contradictoire qui constitue un élément fondateur du procès équitable.
La contradiction suppose de pouvoir discuter tous les arguments de fait et de droit avancés par la partie adverse. En la matière, force est de constater que les inégalités sont
plus apparentes que réelles, que l'on envisage le rôle du parquet général de la Cour de cassation (1) ou la confrontation des parties au procès pénal (2).
1. L'avocat général à la Cour de cassation et l'égalité des armes
La Cour de Strasbourg a estimé que l'égalité des armes et le principe du contradictoire imposent à l'avocat général de transmettre ses observations aux parties, afin qu'elles
(32)
puissent y répliquer
. La pratique consistant à informer les parties du sens des conclusions de l'avocat général et à leur offrir la possibilité d'y répondre soit oralement soit
(33)
(34)
par une note en délibéré permet aujourd'hui de satisfaire aux exigences du procès équitable . Cette solution est constante pour la Cour européenne .
De même, la Cour de Strasbourg a considéré que méconnaissait l'égalité des armes la communication à l'avocat général du rapport et du projet d'arrêt alors que les parties ne
(35)
recevaient que la première partie du rapport .
Tout en reconnaissant l'indépendance de l'avocat général, la Cour européenne retient qu'il peut influencer la décision des juges dans un sens défavorable à la thèse des
(36)
demandeurs et que les justiciables peuvent en conséquence avoir l'impression qu'il est l'allié objectif des juges du siège
.
(37)
La solution retenue par la Cour de Strasbourg a été critiquée au regard du rôle spécifique de l'avocat général à la Cour de cassation .
2. L'égalité des armes entre les parties au procès pénal
Si l'on se penche, en premier lieu, sur les prérogatives du parquet, on constate que l'égalité avec les parties privées n'est pas parfaitement assurée, puisque les articles 584 et
(38)
585 du code de procédure pénale ne sont pas applicables aux mémoires déposés à l'appui de ses pourvois par le ministère public
(39)
, auquel aucun délai n'est imparti.
La Cour de cassation a rétabli l'équilibre en exigeant du ministère public qu'il dépose son mémoire dans un délai raisonnable .
S'agissant en second lieu des parties privées, on constate également que les droits procéduraux diffèrent selon qu'elles sont ou non représentées par un avocat au Conseil
d'Etat et à la Cour de cassation
(40)
.
(41)
D'une part, à l'exception du demandeur pénalement condamné et en dehors des cas de délais légaux prévus par les articles 567-2 et 574-1 du code de procédure pénale , la
faculté de transmettre le mémoire exposant les moyens de cassation directement au greffe de la Cour de cassation, au-delà du délai de dix jours à compter de la déclaration
(42)
de pourvoi prévu par l'article 584 du code de procédure pénale, est réservée aux parties représentées par un avocat aux conseils .
D'autre part, le mémoire du demandeur pénalement condamné doit parvenir au greffe de la Cour de cassation un mois au plus tard après la date du pourvoi, sauf dérogation
accordée par le président de la Chambre criminelle tandis que le délai de dépôt des mémoires est fixé par le conseiller rapporteur lorsqu'un avocat aux conseils est constitué.
(43)
La Cour de Strasbourg a validé ces distinctions .
Enfin, les avocats aux conseils ont le monopole de la prise de parole devant la Chambre criminelle, solution approuvée par la Cour de Strasbourg eu égard à la spécificité de
(44)
la procédure .
En revanche, l'inégalité des chances entre une partie assistée d'un conseil et une partie agissant seule a suscité des interrogations légitimes.
Le premier président de la Cour de cassation a constaté : « les dernières statistiques disponibles pour 2001 montrent […] que devant la Chambre criminelle, le demandeur
est déchu de son pourvoi, faute d'avoir accompli les diligences procédurales nécessaires, dans 6,94 % des cas s'il est représenté par un avocat au Conseil d'Etat et à la
(45)
(46)
Cour de cassation mais dans 81,83 % des cas s'il ne l'est pas » , à tel point que l'on peut légitimement se demander si l'accès effectif au juge est assuré
Le jugement du pourvoi appelle aussi des interrogations quant à l'application du principe d'égalité.
.
II - Égalité et décision
Le Conseil constitutionnel a rappelé que le principe d'égalité devant la justice faisait obstacle à ce que des justiciables se trouvant dans des conditions semblables et
(47)
poursuivis pour les mêmes infractions soient jugés par des juridictions composées selon des règles différentes , ce qui n'exclut nullement que le législateur prévoie « des
règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, pourvu que ces différences ne procèdent pas de discriminations
(48)
injustifiées et que soient assurées des garanties égales aux justiciables » , principe dorénavant consacré par l'article préliminaire du code de procédure pénale.
L'égalité des chances ne se satisfait pourtant pas de l'existence d'une même règle pour tous les justiciables placés dans une situation identique. Encore faut-il qu'elle soit
appliquée de manière effective et égale.
Le juge doit donc se garder, dans l'application de la loi, des différences de traitement arbitraires. C'est au regard de ces principes que seront examinées la faculté pour la
Chambre criminelle de relever des moyens d'office (A) et l'application de la théorie de la peine justifiée (B).
A. Les moyens relevés d'office
(49)
Le moyen relevé d'office est un moyen que le juge soulève de sa propre autorité « lorsque ceux des parties n'ont pas épuisé le débat » . La Chambre criminelle a le
devoir de relever d'office les moyens d'ordre public négligés par les parties ou les juges du fond. Les modalités selon lesquelles elle agit seront examinées au plan de
l'égalité entre justiciables (1), et du débat contradictoire (2).
1. La faculté de relever les moyens d'office
Le juge répressif a l'obligation de relever d'office les moyens d'ordre public : véritable obligation pour les juges du fond à peine de censure par la Chambre criminelle, ce
(50)
devoir s'applique naturellement au juge du droit. On concevrait mal une solution différente .
Ainsi qu'il a été exactement observé à propos de la requalification des faits, en matière civile, affirmer que le juge aurait la faculté, et non le devoir, de requalifier
(51)
reviendrait à « dispenser le juge des devoirs de sa charge » . C'est pourquoi l'article 595 du code de procédure pénale énonce le « droit qui appartient à la Cour de
cassation de relever tous moyens d'office », qu'ils tendent à la cassation ou au rejet du pourvoi.
Reste à savoir s'il s'agit d'une simple faculté ou d'une obligation : si l'on s'en tient au texte, sa formulation affirmative présente un caractère impératif. Le droit accordé à la
Cour de cassation serait ainsi un devoir. Il serait excessif de vilipender sans nuance la marge d'appréciation que peut s'accorder le juge, qui peut contribuer à une bonne
administration de la justice, en obviant à la rigueur de la stricte application des textes.
(52)
Que l'on songe à la pratique de la correctionnalisation judiciaire .
Cette pratique conduit à contourner les règles d'ordre public de la compétence pénale ; au strict plan de l'égalité entre justiciables, elle n'écarte pas le risque d'arbitraire dès
lors que le même fait peut conduire à faire juger l'un par une cour d'assises et l'autre par une juridiction correctionnelle.
Dans le même temps, elle permet au juge pénal de prendre acte de la désuétude d'une incrimination ou d'appréhender au plus juste les faits à l'origine des poursuites en
tenant compte de la personnalité des parties.
Dans la mesure où elle repose sur une déformation délibérée des faits, - on occultera une circonstance aggravante, voire une qualification plus élevée - elle ne peut
intervenir qu'avec l'accord de tous les acteurs du procès pénal, savoir le ministère public, la partie poursuivie et le cas échéant la partie civile, qui renoncent à soulever
(53)
l'incompétence. C'est un « mensonge accepté » . Et il faut reconnaître que la Chambre criminelle, de manière nécessairement implicite, le juge du droit ne pouvant
raisonnablement approuver une incompétence manifeste, l'accepte parfois. Le législateur a pris acte de la nécessité d'admettre le principe même de la correctionnalisation
(54)
.
L'une des questions essentielles reste celle du respect du principe du contradictoire : un moyen ne peut être relevé d'office, quel que soit son objet, sans que les parties aient
été invitées à s'expliquer.
2. Le débat contradictoire
Alors que l'article 1015 du nouveau code de procédure civile impose à la Cour de cassation le respect du principe du contradictoire lorsqu'elle envisage de soulever un
(55)
moyen d'office en matière civile , le code de procédure pénale ne contient aucune disposition équivalente.
Pour autant, la Chambre criminelle n'en est pas affranchie, puisque l'article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l'homme impose de soumettre le moyen relevé
d'office à l'épreuve du contradictoire.
La Cour de Strasbourg a ainsi jugé que le contradictoire devait être respecté en cas de requalification des faits, le tribunal devant inviter l'accusé ou le prévenu à présenter
(56)
(57)
ses observations . Et la Chambre criminelle a désormais fait sienne cette solution à l'égard des requalifications opérées par les juges du fond .
L'absence de débat contradictoire présente une double difficulté au plan de l'égalité des justiciables.
D'une part, le juge qui relève un moyen d'office se préoccupe certes du respect de la loi mais vient nécessairement au secours de la thèse soutenue soit par l'accusation, soit
(58)
par la défense, de sorte que l'égalité des armes n'est préservée que si la partie adverse a la possibilité de le discuter .
D'autre part, le demandeur au pourvoi s'expose, par ce biais, à l'aggravation de sa situation. La Chambre criminelle a montré sa préoccupation pour cette question en jugeant
que la requalification ne pouvait conduire le juge d'appel à aggraver le sort du prévenu sur son seul appel et qu'il suffisait alors que le juge d'appel n'inflige pas une peine
(59)
plus grave que celle prononcée en première instance .
L'effet relatif de l'exercice des voies de recours devrait pourtant s'opposer à ce que « sur le seul pourvoi du condamné, soit soulevé un moyen d'office qui puisse lui nuire : le
pourvoi du seul condamné ne livre aux investigations de la Cour la procédure contre laquelle il est dirigé, que dans la mesure où elle peut aboutir à une cassation en sa
(60)
faveur » .
Alors que l'article 515 du code de procédure pénale interdit à la cour d'appel d'aggraver le sort d'une partie sur son seul recours, aucun texte ne limite les pouvoirs de la
(61)
Chambre criminelle qui n'hésite pas à relever d'office un moyen, bien que la cassation qui s'ensuit soit défavorable à l'auteur du pourvoi . Ce n'est que dans l'hypothèse où
la cassation est prononcée en application de l'article 612-1 du code de procédure pénale au profit d'une partie qui ne s'est pas pourvue que la Chambre criminelle reconnaît
(62)
que l'application de ce texte ne peut conduire à l'aggravation du sort du condamné .
En s'abstenant d'informer les parties, la Chambre criminelle interdit au demandeur de faire valoir son point de vue sur la pertinence du moyen envisagé, voire de faire échec
au moyen relevé d'office en se désistant de son pourvoi.
Elle peut ainsi relever d'office l'incompétence de la juridiction correctionnelle, conduisant au renvoi du demandeur devant une cour d'assises, sans que ce dernier soit en
(63)
mesure de débattre de la qualification des faits retenus à son encontre .
La question se pose d'ailleurs dans des termes identiques dans les cas où la Chambre criminelle entend rejeter un pourvoi en opérant une substitution de motif ou casser sans
renvoi, en application de l'article L.131-5 du code de l'organisation judiciaire, lorsque les faits tels qu'ils ont été souverainement constatés et appréciés par les juges du fond
(64)
lui permettent d'appliquer la règle de droit appropriée et qu'elle prononce elle-même la peine aux lieu et place des juges du fond .
Il est vrai qu'une pratique s'instaure désormais chez les rapporteurs d'informer préalablement les avocats aux conseils des moyens qui pourraient être relevés d'office, qu'il
s'agisse de moyens de cassation ou de défense et que l'ancien usage paraît ainsi en voie d'abandon.
Une seconde source de difficulté quant à l'application du principe d'égalité réside dans la théorie de la peine justifiée.
B. La théorie de la peine justifiée
Une expression spécifique à la Chambre criminelle du moyen relevé d'office tient à la faculté qu'elle s'est donnée d'approuver une décision de culpabilité aux motifs que la
critique ne serait que partiellement fondée.
(66)
Depuis un arrêt des Chambres réunies du 30 mars 1847 , la Chambre criminelle sauve de l'annulation la décision qui lui est soumise lorsqu'en dépit d'une qualification
erronée, elle prononce une peine qui aurait effectivement été encourue si les faits avaient été exactement qualifiés.
Son fondement légal improbable - l'article 598 du code de procédure pénale n'écarte l'annulation d'un arrêt qui prononce une peine "justifiée" que dans l'hypothèse d'une
(67)
« erreur dans la citation du texte de loi » - lui a valu d'être qualifiée d'« expédient » par un éminent auteur .
Exploitant les ressources de la technique de cassation (1), la théorie de la peine justifiée heurte le principe d'égalité des justiciables, dans un domaine où il devrait s'imposer
avec vigueur (2).
1. La technique
Elle consiste à déclarer justifié le dispositif d'un arrêt de condamnation, lorsque la peine prononcée est identique à celle que le juge du fond aurait pu prononcer si l'erreur
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n'avait pas été commise . Le moyen de cassation qui critique la qualification erronée, pour pertinent qu'il soit, est inopérant.
Lorsqu'une seule infraction a été commise, la Chambre criminelle procède par substitution de base légale, pour affirmer que la peine est justifiée. Si plusieurs infractions ont
été commises, elle dit n'y avoir lieu à examiner le moyen, la peine prononcée étant justifiée au regard des infractions qui ont été légalement constatées.
Une technique identique est mise en œuvre pour déclarer légalement justifié l'arrêt qui, par erreur, a condamné le prévenu en qualité d'auteur principal d'une infraction alors
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qu'il n'en était que le complice , ou pour avoir commis une infraction alors qu'il était l'auteur d'une simple tentative.
La théorie de la peine justifiée ne se déploie toutefois pas sans limite. Elle doit être écartée lorsqu'elle conduit à méconnaître les règles d'ordre public relatives à
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l'organisation et à la compétence des juridictions pénales .
Elle est également inapplicable lorsque la circonstance aggravante de récidive a été retenue à tort par les juges du fond, la Cour de cassation considérant, dans cette
(71)
hypothèse, que « la constatation injustifiée de l'état de récidive a pu exercer une influence sur l'application de la peine et préjudicier ainsi au demandeur » .
Cette dernière concession démontre encore que la théorie de la peine justifiée n'est pas satisfaisante, puisqu'elle produit des effets défavorables au prévenu ou à l'accusé,
qu'il n'aurait pas eu à subir s'il avait été poursuivi sous une qualification exacte.
(72)
Il est vrai que le revirement de jurisprudence intervenu en matière de requalification permet de pallier certains effets néfastes de la peine justifiée
.
2. La rupture d'égalité
Le rejet d'un pourvoi sur le fondement de la théorie de la peine justifiée entraîne une rupture d'égalité.
En premier lieu, si la peine prononcée par l'arrêt attaqué est légalement justifiée, en ce qu'elle entre dans les prévisions du texte d'incrimination, il est probable que l'erreur
de qualification a, dans l'esprit du juge, influé sur le quantum ou la nature de la peine.
(73)
Ainsi qu'il a été exactement observé, le condamné se voit « refuser en définitive la garantie élémentaire d'une sanction appropriée » , en méconnaissance du principe de
personnalisation de la peine.
De même, il est permis de penser qu'il n'est pas indifférent au juge qui prononce la peine que le prévenu soit auteur ou complice de l'infraction ou que l'infraction ait été
tentée ou consommée.
L'accusé a sans nul doute, à sanction égale, un intérêt moral à être condamné pour une infraction plutôt que pour plusieurs ou sous une qualification plutôt qu'une autre, à la
connotation sociale éventuellement plus infamante et dont les conséquences peuvent être distinctes qu'il s'agisse du casier judiciaire ou de suites disciplinaires éventuelles.
Il est vrai que dans certains cas, la Chambre criminelle s'est prononcée sur la valeur d'un moyen contestant une infraction pour désapprouver la solution retenue par les juges
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du fond tout en s'abstenant de censurer l'arrêt attaqué en application de cette théorie .
En deuxième lieu, quoiqu'erronée, la déclaration de culpabilité, revêtue de l'autorité de la chose jugée, n'en va pas moins produire tous ses effets en matière de récidive,
comme si l'infraction retenue avait été réellement commise.
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S'il est vrai que la Cour de cassation s'est parfois efforcée d'inclure dans le dispositif une mention selon laquelle son arrêt ne pourra servir de base à la récidive
, il a été
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observé qu' « il s'agit là d'un vœu pieux qui ne peut s'opposer au jeu normal de l'autorité de la chose jugée » .
Enfin, le recours à la peine justifiée, en ce qu'il implique le maintien de la déclaration de culpabilité, entraîne également des difficultés au regard des intérêts civils.
Lorsque l'arrêt ne retient qu'une infraction, dont la qualification est erronée, il est vrai que les réparations civiles sont en principe justifiées puisque le fait dommageable ne
varie pas. En revanche, le maintien des réparations civiles en cas de pluralité d'infractions conduit à condamner l'accusé à supporter les conséquences civiles d'un fait qu'il
n'a pas commis.
La Cour de cassation, par un arrêt ancien, avait pourtant décidé que la déclaration de culpabilité, erronée mais définitive, pouvait fonder des condamnations à dommages et
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intérêts au profit de la victime, bien qu'un seul des deux délits retenus dans la déclaration de culpabilité soit légalement constitué .
Puis, convenant qu'il était impossible de maintenir une condamnation à réparer le préjudice causé par plusieurs infractions alors que l'une d'elles n'a pas été commise, elle a
(78)
choisi de prononcer une cassation limitée aux intérêts civils
.
(79)
Un auteur -haut magistrat du parquet- avait plaidé l'abandon de cette théorie : c'était en 1965 . Au regard des nouvelles exigences du procès équitable on ne peut que
souscrire de plus fort à ce vœu.
Force est de constater que la procédure suivie devant la Chambre criminelle respecte pour l'essentiel le principe d'égalité, même si des incertitudes subsistent.
Si l'égalité est un principe fondateur de la démocratie, elle doit, à son image, poursuivre un développement graduel mais irrévocable, sans que « la grandeur de ce qui est
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déjà fait empêche de prévoir ce qui peut se faire encore » .
NOTES
1. «Tous les citoyens sans distinction plaident dans la même forme, devant les mêmes juges, dans les mêmes cas».
2. Conseil d'Etat, Rapport public 1996, n 48, Sur le principe d'égalité, p. 21, La Documentation française, 1997.
3. Cons. Const., 23 juillet 1975, DC n75-5, AJDA 1976, p. 44, note J. Rivero, JCP éd.. G 1975, II, 18200, note C. Franck, décision qui censure la disposition visant à laisser
au président du tribunal de grande instance la faculté de décider de manière discrétionnaire de la composition du tribunal appelé à statuer en matière correctionnelle.
4. G. Vedel, préface de la thèse de P. Delvolvé, Le principe d'égalité devant les charges publiques, LGDJ 1969, p. XIII.
5. article 14 : « tous sont égaux devant les tribunaux et cours de justice ».
6. par exemple : CEDH, 6 mai 1985, Bönisch c/ Autriche, A.92; 27 octobre 1993, Dombo Beheer BV c/ Pays-Bas, A.274, JCP éd. G 1994, I, 3742, obs. F. Sudre ; en outre,
le protocole additionnel n 12 du 4 novembre 2000 rappelle le « principe fondamental selon lequel toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit à une égale
protection de la loi », enjoignant aux Etats membres du Conseil de l'Europe d'assurer la jouissance sans discrimination de tout droit prévu par la loi.
7. art. 1er de la loi n 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes : « les personnes se trouvant dans des
conditions semblables et poursuivies pour les mêmes infractions doivent être jugées selon les mêmes règles ».
8. par exemple : CEDH, Dombo Beheer, préc.
9. Cass. Crim., 7 octobre 2003, Droit pénal 2004, comm. n 13, obs. A. Maron ; Cass. Crim., 6 mai 1997, Bull. crim., n170, p. 566.
10. CEDH, 17 janvier 1970, Delcourt c/ Belgique, A.11; 26 octobre 1984, De Cubber c/ Belgique, A.86; 26 mai 1988, Ekbatani c/ Suède, A.134.
11. J. Barthélémy, Le droit au pourvoi in Le juge entre deux millénaires, Mélanges offerts à P. Drai, Dalloz 2000, p. 185.
12. CE Ass., 19 octobre 1962, Canal, Robin et Godot, Rec. p. 552, AJDA 1962, p. 612, note de Laubadère.
13. CE Ass., 7 février 1947, D'Aillières, Rec., p. 50, RDP 1947, p. 68, concl. Odent, note Waline.
14. Cass. Crim., 7 octobre 2003, préc.
15. Cass. Civ. 1ère, 6 décembre 1994, Bull. civ. I, n 364, p. 263; Cass. Civ. 2ème, 9 mai 1983, Bull. civ. II, n 107, p. 74.
16. Cass. Crim., 17 mai 1984, Bull. crim., n 183, p. 473, JCP éd. G 1985, II, 20332 note J. Borricand, D. 1984, jur. p. 536, note W. Jeandidier : recevabilité du pourvoi
contre l'avis émis par une chambre d'accusation en dépit des termes de l'article 16 de la loi du 10 mars 1927.
17. Cass. Crim., 18 décembre 2001, Bull. crim., n 271, p. 888 ; 17 décembre 2002, n 228, p. 838.
18. Ord. Prés., 5 mai 1997, Bull. crim., n 160, p. 530 ; Cass. Crim., 18 septembre 2001, Bull. crim., n 180, p. 587 ; 11 décembre 2001, n 257, p. 850.
19. Cass. Crim., 26 février 1997, Bull. crim., n 78, p. 252, D. 1997, jur. p. 297, note J. Pradel.
20. CEDH, 14 décembre 1999, Khalfaoui, JCP éd. G 2000, I, p. 203, obs. F. Sudre, D. 2000, somm. comm. p. 180, obs. J.-F. Renucci, arrêt qui condamne la mise en état ;
voir également : CEDH, 23 novembre 1993, Poitrimol, D. 1994, somm. comm. p. 187, obs. J. Pradel ; 29 juillet 1998, Omar et Guérin, D. 1998, somm. comm. p. 364, obs.
J.-F. Renucci, JCP éd. G 1999, I, 105, obs. F. Sudre.
21. Cass. Crim., 30 juin 1999, Bull. crim., n 167, p. 478, Droit pénal 1999, comm. n 156, obs. A. Maron.
22. La loi n 2000-516 du 15 juin 2000 a abrogé l'article 583 du code de procédure pénale ; pour un exemple de la jurisprudence antérieure : Cass. Crim., 30 juin 1999, Bull.
crim., n 167, p. 478.
23. article 66 du projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité ; sur l'incompatibilité de l'article 636 du code de procédure pénale avec l'article
6 §1 de la Convention européenne des droits de l'homme : CEDH, 13 février 2001, Krombach c/ France, D. 2001, p. 3302, note J.-P. Marguénaud.
24. Cass. Crim., 12 mars 1959, Bull. crim., n 175, p. 349 qui déclare irrecevable un pourvoi formé par une partie civile bien qu' « en l'état de ces motifs dont les uns sont
erronés et les autres inopérants ou contradictoires, la chambre d'accusation, loin d'avoir légalement justifié sa décision, [ait] méconnu les dispositions de l'article 341 du
Code pénal dont les circonstances de fait, telles que l'arrêt les avait lui-même énoncées, commandaient l'application ».
25. Cass. Crim., 8 décembre 1906, arrêt Laurent-Athalin, Les grands arrêts du droit criminel, Dalloz 1995, T. 2, p.38 ; J. Brouchot, L'arrêt Laurent-Athalin, sa genèse et ses
conséquences in La Chambre criminelle et sa jurisprudence, Recueil d'études en hommage à la mémoire de Maurice Patin, Editions Cujas, p. 412.
26. voir notamment sur les pouvoirs propres du ministère public : Cass. Crim., 5 mars 1970, Bull. crim., n 93, p. 215, JCP éd. G 1970, II, 16556, note M.-L. Rassat.
27. CEDH, 3 décembre 2002, Berger c/ France, req. n 48221/99 ; Cass. Crim., 23 novembre 1999, Bull. crim., n 268, p. 836.
28. Cass. Crim., 2 décembre 1998, Bull. crim., n 327, p. 948 ; voir également : Cass. Crim., 30 avril 1996, Bull. crim., n 178, p. 510.
29. Cass. Crim., 1er décembre 1960, Bull. crim., n 565, p. 1108.
30. Cass. Crim., 22 juin 1994, Bull. crim., n 248, p. 604, JCP éd. G 1994, II, 22310, obs. M.-L. Rassat.
31. Cass. Crim., 6 mars 1990, Bull. crim., n 104, p. 270 et les arrêts cités ; et Cass. Crim., 30 janvier 2002, Bull. crim., n 14, p. 36.
32. CEDH, 20 févr. 1996, arrêt Vermeulen c/ Belgique et Lobo Machado c/ Portugal, JCP éd. G 1997, I, 4000, obs. F. Sudre, RTD civ. 1996, p. 1028, obs. J.-P.
Marguénaud.
33. CEDH, 31 mars 1998, Reinhardt et Slimane Kaïd c/ France, JCP éd. G 1999, II, 10074, note S. Soler.
34. CEDH, 26 juillet 2002, Meftah c/ France, D. 2003, somm. comm. p. 594, note N. Fricero; 27 novembre 2003, Slimane-Kaid c/ France (2), req. n 48943/99.
35. CEDH, Slimane Kaïd (1) et (2), préc.
36. CEDH, 30 octobre 1991, Borgers c/ Belgique, série A, n 214-A; CEDH, Slimane Kaïd (1) et (2), préc.
37. J. Sainte-Rose, Le parquet général de la Cour de cassation "réformé" par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, mythe ou réalité ? D. 2003, p.
1443.
38. Cass. Crim., 23 janvier 2001, Bull. crim., n 17, p. 42.
39. Cass. Crim., 10 décembre 2002, Bull. crim., n 221, p. 820.
40. A. Lyon-Caen, Les avocats dans les procédures écrites in Le juge entre deux millénaires, préc., p. 415.
41. Arrêts rendus par les chambres de l'instruction en matière de détention provisoire et de mise en accusation.
42. Cass. Crim., 30 octobre 2000, Bull. crim., n 320, p. 951.
43. CEDH, 8 juillet 2003, Fontaine et Bertin c/ France, req. nos 38410/97 et 40373/98.
44. CEDH, 8 février 2000, Voisine c/ France, D. 2000, somm. comm. p. 186, obs. N. Fricero; 26 juillet 2002, Meftah c/ France, préc.
45. G. Canivet, L'accès au juge de cassation et le principe d'égalité, PA 2002, p. 15 ; voir aussi l'étude de M. Canivet, en page 45, au présent rapport.
46. Sur le droit d'accès effectif au juge : CEDH, 9 octobre 1979, Airey c/ Irlande, série A, n 32.
47. Cons. Const. 23 juillet 1975, préc.
48. Cons. Const., 19-20 janvier 1981, DC n 80-127 (sécurité et liberté) ; 3 septembre 1986, DC n 86-21.
49. E. Baraduc, Le juge civil de cassation, le moyen relevé d'office et le principe de la contradiction, à paraître.
50. J. Boré, La cassation en matière pénale, LGDJ 1985, §3086.
51. G. Bolard, L'arbitraire du juge in Le juge entre deux millénaires, préc., p. 225.
52. P. Decheix, En finir avec l'hypocrisie de la correctionnalisation judiciaire, GP 1970, 2, doct., p. 180.
53. Pradel et Varinard, Les grands arrêts du droit criminel, Dalloz 1995, T. 2, p. 25.
54. article 55 du projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.
55. E. Baraduc, préc.
56. CEDH, 25 mars 1999, Pélissier et Sassi c/ France, req. n 25444/94, Procédures 1999, comm. n 186, obs. J. Buisson, JCP éd. G 2000, I, 203, obs. F. Sudre.
57. Cass. Crim., 16 mai 2001, Bull. crim., n 128, p. 394 ; 12 septembre 2001, n 177, p. 577 ; 17 octobre 2001, n 213, p. 681 ; 5 mars 2003, n 60, p. 226 ; 4 novembre 2003,
BICC 1er février 2004, n 137 : s'il appartient aux juges répressifs de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable qualification, c'est à la condition que les prévenus
aient été en mesure de se défendre sur la nouvelle qualification envisagée, jurisprudence qui revient sur la solution antérieure selon laquelle les juges ont le devoir de
restituer à la poursuite sa qualification véritable sous la seule réserve de ne pas ajouter aux faits visés par la prévention ; voir par exemple : Cass. Crim., 29 octobre 1996,
Bull. crim., n 378, p. 1103.
58. E. Baraduc, article préc.
59. Cass. Crim., 12 janvier 1923, DP 1924.1.57.
60. P.-E. Trousse, Le moyen d'office dans la jurisprudence de la Chambre criminelle des Cours de cassation de France et de Belgique, Mélanges Patin, préc., p.654.
61. Cass. Crim., 17 janvier 1991 et 21 février 1991, Droit pénal 1991, comm. n 162, obs. A. Maron.
62. Cass. Crim., 29 février 2000, Bull. crim., n 90, p. 264 ; sur la consécration législative de cette jurisprudence, voir l'article 67 du projet de loi portant adaptation de la
justice aux évolutions de la criminalité.
63. Cass. Crim., 24 juillet 1956, Bull. crim., n 574, p. 1031.
64. voir par exemple : Cass. Crim., 10 novembre 1998, Bull. crim., n 294, p. 850.
65. J.-M. Robert , La peine justifiée, Mélanges Patin, préc., p. 567.
66. Cass. 30 mars 1847, D. 1847.1.168.
67. Maurice Patin, Essai sur la peine justifiée, Thèse Paris, 1936.
68. J.-M. Robert , La peine justifiée, préc.
69. Cass. Crim., 30 janvier 1979, Bull. crim., n 44, p. 125.
70. Cass. Crim., 1er juillet 1997, Bull. crim., n 261, p. 892.
71. Cass. Crim., 5 janvier 1965, Bull. crim., n 3, p. 4 ; 23 mars 1982, n 84, p. 228.
72. cf. supra, note 57.
73. J. Boré, La cassation en matière pénale, § 3166.
74. Cass. Crim., 10 avril 1997, Bull. crim., n 139, p. 464.
75. Cass. Crim., 10 novembre 1899, D. 1900.1.403.
76. M.-L. Rassat, Traité de procédure pénale, PUF 2001, §500.
77. Cass. Crim., 14 mai 1915, Bull. crim., n 96.
78. voir par exemple : Cass. Crim., 29 novembre 1951, Bull. crim. n 327, p. 548 ; 8 octobre 1963, n 271, p. 567, même si certaines décisions ont pu faire naître une
incertitude : Cass. Crim., 21 mai 1997, Bull. crim., n 193, p. 625.
79. J.-M. Robert, La peine justifiée, préc.
80. A. de Tocqueville, De la démocratie en Amérique,12ème éd. Paris, Pagnerre éditeur, 1848, introduction p. 8.
ARRETS
6 – CEDH, 20 février 1996, Vermeulen : D., 1997, somm. p. 208, note N. Fricero ; Journ. dr. intern., 1997, p. 203, note P.
Bodeau
« I. SUR LA VIOLATION ALLEGUEE DE L'ARTICLE 6 PAR. 1 (art. 6-1)
DE LA CONVENTION
27. M. Vermeulen alle•gue une violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention, aux termes duquel
"Toute personne a droit a• ce que sa cause soit entendue e•quitablement (...) par un tribunal (...) impartial (...) qui de•cidera (...) des contestations sur ses droits et
obligations de caracte•re civil (...)"
Il se plaint d'abord de n'avoir pu, par son conseil, re•pondre aux conclusions de l'avocat ge•ne•ral ni prendre la parole en dernier a• l'audience du 10 mai 1991 devant la
Cour de cassation (paragraphe 13 ci-dessus); en second lieu, il de•nonce la participation du repre•sentant du ministe•re public au de•libe•re• qui suivit aussito•t apre•s. Bien
que civile, la pre•sente espe•ce ne se distinguerait pas a• ce point de l'affaire Borgers (paragraphe 3 ci-dessus) qu'il faille lui appliquer une autre solution.
En substance, la Commission souscrit a• cette the•se.
28. Pour le Gouvernement, les diffe•rences fondamentales entre les proce•dures pe•nale et civile devant la Cour de cassation commandent de s'e•carter en l'espe•ce de la
jurisprudence Borgers.
Si, dans une instance pe•nale, un accuse• non averti peut prendre le membre du parquet pour un "allie•" ou un "adversaire objectif" (arre•t Borgers pre•cite•, p. 32, par. 26),
ceci parai•t exclu au civil, ou• le ve•ritable ro•le du ministe•re public ne se pre•te a• aucun malentendu; les apparences y sont plus conformes a• la re•alite•.
Au pe•nal, en effet, le parquet qui a diligente• les poursuites devant les juridictions du fond est absent; aussi le demandeur y comparai•t-il face a• un membre du parquet
de cassation. A l'audience civile au contraire, rien de tel; les demandeur et de•fendeur y sont tous deux repre•sente•s par un avocat a• la Cour de cassation, en sorte
qu'aucun d'eux - a• supposer me•me qu'ils soient pre•sents, ce qui est tre•s rare - ne saurait confondre le parquet avec la partie adverse. Il n'en irait pas autrement en
l'espe•ce: M. Vermeulen, demandeur en cassation, y e•tait oppose• au curateur a• sa faillite (paragraphe 10 ci-dessus).
Au pe•nal comme au civil, le ministe•re public pre•s la Cour de cassation n'a d'autre ta•che que de conseiller cette juridiction en toute neutralite• et objectivite•, comme
amicus curiae, tant et si bien qu'il peut conclure diffe•remment sur chacun des moyens souleve•s par un me•me plaideur. Cela prouverait bien qu'en re•alite• il n'est
l'"adversaire" ni l'"allie•" de
personne.
Il en irait d'autant plus ainsi dans une proce•dure civile, car le de•bat y est strictement circonscrit aux moyens pre•sente•s dans le pourvoi du demandeur et le ministe•re
public ne peut, d'office, en soulever d'autres, me•me d'ordre public. Celui-ci y voit donc son ro•le encore plus de•marque• de celui des seuls ve•ritables adversaires, les
plaideurs.
Bref, le parquet de cassation n'ayant pas la qualite• de partie au proce•s, il n'y aurait pas lieu de lui appliquer le principe de l'e•galite• des armes, a• tout le moins au civil.
29. La Cour rele•ve d'abord que la nature des fonctions du ministe•re public a• la Cour de cassation - le Gouvernement en convient - ne varie pas selon que l'affaire est
civile ou pe•nale.
Dans les deux cas, il a pour ta•che principale, a• l'audience comme en de•libe•ration, d'assister la Cour de cassation et de veiller au maintien de l'unite• de la jurisprudence.
Qu'au civil il ne puisse soulever des moyens d'office, n'affecte que l'e•tendue des fonctions, pas leur nature.
30. Il e•chet de noter ensuite que le parquet ge•ne•ral agit en observant la plus stricte objectivite•. Sur ce point, les constatations des arre•ts Delcourt (pp. 17-19, paras. 3238) et Borgers (p. 31, par. 24) relatives a• l'inde•pendance et l'impartialite• de la Cour de cassation et de son parquet conservent leur entie•re validite•.
31. Comme de•ja• dans son arre•t Borgers (p. 32, par. 26), la Cour estime toutefois devoir attacher une grande importance au ro•le re•ellement assume• dans la proce•dure
par le membre du ministe•re public et plus particulie•rement au contenu et aux effets de ses conclusions. Elles renferment un avis qui emprunte son autorite• a• celle du
ministe•re public lui-me•me. Objectif et motive• en droit, ledit avis n'en est pas moins destine• a• conseiller et, partant, influencer la Cour de cassation. A cet e•gard, le
Gouvernement souligne l'importance de la contribution du parquet ge•ne•ral au maintien de l'unite• de la jurisprudence de la haute juridiction.
32. Dans son arre•t Delcourt, la Cour a releve•, pour conclure a• l'applicabilite• de l'article 6 par. 1 (art. 6-1), qu'"un arre•t de la Cour de cassation peut rejaillir a• des
degre•s divers sur la situation juridique de l'inte•resse•" (pp. 13-14, par. 25).
Elle a repris cette ide•e a• plusieurs occasions (voir, mutatis mutandis, les arre•ts Pakelli c. Allemagne du 25 avril 1983, se•rie A n° 64, p. 17, par. 36, Pham Hoang c.
France du 25 septembre 1992, se•rie A n° 243, p. 23, par. 40, et Ruiz-Mateos c. Espagne du 23 juin 1993, se•rie A n° 262, p. 25, par. 63). Il n'en va pas autrement en
l'espe•ce, car le pourvoi portait sur la le•galite• de la faillite de M. Vermeulen.
33. Compte tenu donc de l'enjeu pour le reque•rant de l'instance devant la Cour de cassation et de la nature des conclusions de l'avocat ge•ne•ral du Jardin, l'impossibilite•
pour l'inte•resse• d'y re•pondre avant la clo•ture de l'audience a me•connu son droit a• une proce•dure contradictoire. Celui-ci implique en principe la faculte• pour les
parties a• un proce•s, pe•nal ou civil, de prendre connaissance de toute pie•ce ou observation pre•sente•e au juge, me•me par un magistrat inde•pendant, en vue d'influencer
sa de•cision, et de la discuter (voir notamment, mutatis mutandis, les arre•ts Ruiz-Mateos pre•cite•, p. 25, par. 63, McMichael c. Royaume-Uni du 24 fe•vrier 1995, se•rie A
n° 307-B, pp. 53-54, par. 80, et Keroja•rvi c. Finlande du 19 juillet 1995, se•rie A n° 322, p. 16, par. 42).
La Cour constate que cette circonstance constitue de•ja• une violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1).
34. La me•connaissance en question s'est trouve•e renforce•e par la participation de l'avocat ge•ne•ral a• la de•libe•ration de la Cour de cassation, quoique seulement avec
voix consultative. Le magistrat y a dispose• en effet, fu•t-ce en apparence, d'une occasion supple•mentaire d'appuyer ses conclusions en chambre duconseil, a• l'abri de la
contradiction (voir l'arre•t Borgers pre•cite•, p. 32, par. 28).
Que cette pre•sence offre au ministe•re public la possibilite• de contribuer au maintien de l'unite• de la jurisprudence ne saurait e•branler ce constat, de•s lors qu'elle ne
constitue pas le seul moyen de poursuivre ce but, comme en te•moigne du restela pratique de la plupart des autres Etats membres du Conseil de l'Europe.
Il y a donc eu violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) sur ce point aussi.
(…)
PAR CES MOTIFS, LA COUR
1.
Dit, par quinze voix contre quatre, qu'il y a eu violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention;
2.
Dit, a• l'unanimite•, que le pre•sent arre•t constitue par lui-me•me une satisfaction e•quitable suffisante quant au pre•judice moral alle•gue•;
3. Dit, a• l'unanimite•, que l'Etat de•fendeur doit verser au reque•rant, dans les trois mois, 250 000 (deux cent cinquante mille) francs belges pour frais et de•pens, montant
a• majorer d'un inte•re•t non capitalisable de 8 % l'an a• compter de l'expiration dudit de•lai et jusqu'au versement;
4.
Rejette, a• l'unanimite•, la demande de satisfaction e•quitable pour le surplus ».
7- CEDH, 31 mars 1998, Slimane
CEDH 31 mars 1998, Reinhardt et Slimane-Kaïd c/ France, § 106: Rec. 1998-II; D. 1998. Somm. 366, obs. Baudoux; Procédures 1998, no
177, obs. Buisson; JCP 1999. I. 105, obs. Sudre; RS crim. 1999. 401, obs. Koering-Joulin; JCP 1999. II. 10074 note Soler; RTD civ. 1998.
511, obs. Marguénaud
« En droit
I. SUR L’objet du litige
88. Parmi les griefs présentement soulevés par Mme Reinhardt et M. Slimane-Kaïd (paragraphes 85 et 86 ci-dessus), seuls ont été retenus par la Commission ceux tirés de
l’article 6 et relatifs à la durée de la procédure prise dans son ensemble et au caractère inéquitable de la procédure en cassation en raison de la transmission du rapport du
conseiller rapporteur à l’avocat général et de l’absence de communication aux requérants des conclusions de ce dernier (paragraphe 84 ci-dessus). Or l'objet du litige dont la
Cour est saisie se trouve délimité par la décision de la Commission sur la recevabilité (voir, par exemple, l'arrêt Van Orshoven c. Belgique du 25 juin 1997, Recueil des
arrêts et décisions 1997-III, p. 1049, § 33). Il s’ensuit que les deux griefs susmentionnés forment l'unique objet du présent litige.
II. Sur les violations alléguées de l’article 6 de la Convention
89. Les requérants affirment ne pas avoir été jugés « dans un délai raisonnable » et tiennent pour inéquitable la procédure devant la Cour de cassation. Ils invoquent
l’article 6 §§ 1 et 3 b) de la Convention, ainsi libellé :
« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute
accusation pénale dirigée contre elle (…)
(…)
3. Tout accusé a droit notamment à :
(…)
b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;
(…) »
A. Sur la durée de la procédure
1.
La période à considérer
90. Nul ne conteste que la période à considérer à l’égard des deux requérants s’achève le 15 mars 1993, date de l’arrêt de la Cour de cassation (paragraphe 69 ci-dessus).
En revanche, le point de départ de ladite période fait l’objet d’une discussion.
91. M. Slimane-Kaïd estime que la procédure a débuté dès le jour où le service régional de police judiciaire (SRPJ) de Versailles a demandé au tribunal de commerce de
Chartres de lui fournir certains renseignements sur la société SERVEC, soit le 21 juillet 1984. Quant à Mme Reinhardt, elle soutient que la période à considérer en ce qui la
concerne a débuté le 16 octobre 1984, jour de sa première garde à vue et de la perquisition de son domicile.
92. Le Gouvernement et la Commission retiennent le 2 octobre 1984, date à laquelle M. Slimane-Kaïd fut placé en garde à vue, et le 7 février 1985, date de l’inculpation
de Mme Reinhardt.
93. La Cour rappelle qu’en matière pénale, le « délai raisonnable » de l’article 6 § 1 débute dès l’instant où une personne se trouve « accusée ». Il peut s’agir d’une date
antérieure à la saisine de la juridiction de jugement, celle notamment de l’arrestation, de l’inculpation et de l’ouverture des enquêtes préliminaires. L'« accusation », au sens
de l’article 6 § 1, peut alors se définir « comme la notification officielle, émanant de l'autorité compétente, du reproche d'avoir accompli une infraction pénale », idée qui
correspond aussi à la notion de « répercussion importante sur la situation » du suspect (voir notamment l’arrêt Eckle c. Allemagne du 15 juillet 1982 , série A n° 51,
p. 33, § 73).
La Cour constate que M. Slimane-Kaïd ne fut pas mis en cause avant la garde à vue à l’issue de laquelle il fut inculpé d’abus de confiance et délivrance de documents
administratifs à l’aide de faux renseignements, certificats et attestations (paragraphes 12–13 ci-dessus). A son égard, la période à considérer a donc débuté le 2 octobre 1984
et la procédure a duré huit ans, cinq mois et presque deux semaines.
Quant à Mme Reinhardt, la garde à vue dont elle fit l’objet le 16 octobre 1984 s’inscrit dans le cadre d’une enquête préliminaire ouverte non contre elle mais contre M.
Slimane-Kaïd. En outre, le domicile de l’intéressée étant le siège social d’une des sociétés dont M. Slimane-Kaïd assurait la gérance, il est vraisemblable que la perquisition
qui y fut pratiquée le même jour visait à recueillir des preuves des faits dont ce dernier était soupçonné.
Aucune de ces deux mesures ne s’analyse donc en une « notification officielle » faite à la requérante du « reproche » d'avoir accompli une quelconque infraction pénale. En
ce qui la concerne, la date à retenir est, au plus tard, le 6 février 1985, début de la garde à vue à l’issue de laquelle elle fut inculpée ; la procédure a en conséquence duré huit
ans, un mois et un peu plus d’une semaine.
2.
Le caractère raisonnable de la durée de la procédure
me
94. M Reinhardt et M. Slimane-Kaïd affirment que leurs causes ne présentaient aucune complexité particulière et que la lenteur de la procédure est exclusivement
imputable aux juridictions d’instruction et de jugement qui, malgré les interventions de leurs avocats, seraient restées inactives.
95. Le Gouvernement met l’accent sur la complexité « en fait » de l’affaire, laquelle concernerait deux informations distinctes relatives à maintes infractions de nature
économique et financière commises dans le cadre de sociétés aux intérêts imbriqués. Ce ne serait ainsi qu’au fur et à mesure de leurs investigations que les enquêteurs
auraient été à même d’en découvrir les circonstances.
Par ailleurs, il conteste la réalité de certaines des périodes de latence relevées par la Commission au stade de l’information, celles-ci correspondant en vérité à l’exécution
de mesures d’investigation et donc à une activité soutenue du juge d’instruction. S’il reconnaît néanmoins que la procédure d’instruction connut des « ralentissements », le
Gouvernement précise que ceux-ci doivent être appréciés à l’aune de la complexité de l’affaire, du comportement des requérants et de la relative célérité avec laquelle les
juridictions de jugement ont ensuite tranché l’affaire.
L’attitude de M. Slimane-Kaïd ne serait en effet pas exempte de reproches dans la mesure où l’intéressé et ses avocats auraient alourdi le travail du juge d’instruction en ne
coordonnant pas leurs interventions, en produisant un nombre important de pièces et en sollicitant diverses mesures d’investigation. Quant à Mme Reinhardt, elle n’aurait
pas requis la disjonction de sa cause de celle de M. Slimane-Kaïd et aurait causé un certain ralentissement en ne se rendant pas à une convocation du juge d’instruction.
Enfin, les requérants auraient tous deux utilisé toutes les voies de recours que leur ouvrait le droit français.
Bref, l’article 6 § 1 n’aurait pas été méconnu.
96. Selon la Commission, la durée de la procédure ne résulte ni de la seule complexité de l’affaire ni du comportement des requérants, mais essentiellement de la manière
dont l’instruction fut conduite. A ce dernier titre, l’interdépendance des accusations portées contre les requérants et des poursuites dirigées contre eux justifiait que les
autorités examinent les causes de ceux-ci dans le cadre d’une seule et même procédure. Il y aurait néanmoins plusieurs délais qui, cumulés, auraient provoqué un retard
d’environ deux ans et demi et pour lesquels le Gouvernement n’aurait fourni aucune explication convaincante. La Commission se prononce donc en faveur du constat d’une
violation de l’article 6 § 1.
97. La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d'une procédure s'apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa
jurisprudence, en particulier la complexité de l'affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes (voir, par exemple, l’arrêt Kemmache c. France (nos
1 et 2) du 27 novembre 1991, série A n° 218, p. 27, § 60).
98. A l’origine de la présente espèce se trouvent les déclarations faites par le responsable de la société IVECO au service régional de police judiciaire (SRPJ) de
Versailles, lesquelles mettaient en cause la S.A. PROVEX. Une enquête fut menée et une information ouverte contre personne non dénommée pour abus de confiance et
délivrance de documents administratifs à l’aide de faux renseignements, certificats et attestations au cours de laquelle M. Slimane-Kaïd fut inculpé de ces chefs ; ce n’est
qu’au fil du progrès des investigations et à la suite d’une seconde plainte contre X déposée par la société VPL que les tenants et les aboutissants de l’affaire – laquelle a
pour toile de fond la gestion des S.A. PROVEX et SERVEC et de la S.A.R.L. URKA ainsi que les relations entre celles-ci et les sociétés IVECO et VPL – furent établis.
C’est graduellement que la lumière fut faite sur les nombreuses infractions en cause. Toutefois, si les circonstances susdécrites témoignent de la complexité de la tâche des
autorités chargées des investigations, elles ne sauraient justifier à elles seules les cinq années que dura l’information.
99. S’agissant du comportement des requérants, la Cour relève que M. Slimane-Kaïd et ses avocats adressèrent diverses demandes et pièces aux juges d’instruction
successifs sans qu’apparemment ils aient coordonné leurs interventions. Cela ne fut pas de nature à simplifier la tâche desdits juges et à accélérer la procédure. Toutefois,
l’intéressé et ses conseils n’intervinrent de la sorte et répétitivement qu’à partir de 1988, alors que l’information durait déjà depuis plus de trois ans (paragraphes 42 et
suivants ci-dessus), et il ne ressort pas du dossier que des retards notables aient ainsi été provoqués. On ne saurait d’ailleurs en principe reprocher à une personne mise en
cause pénalement de produire devant les magistrats chargés de l’instruction de son dossier les éléments qu’elle juge de nature à la disculper ni de réclamer de ceux-ci qu’ils
procèdent à certaines investigations.
Quant à Mme Reinhardt, elle ne se rendit pas, le 4 décembre 1985, à la convocation du juge d’instruction et ne fut en conséquence entendue que le 11 février 1986
(paragraphe 29 ci-dessus), mais le retard ainsi provoqué est minime au regard de la durée globale de la procédure.
Enfin, le fait que les requérants ont utilisé toutes les voies de recours que leur ouvrait le droit français a certes prolongé la procédure mais il ne saurait être retenu à la leur
charge.
100. L’attitude des juridictions de jugement ne porte pas à critique puisque l’arrêt de la Cour de cassation fut prononcé le 15 mars 1993 (paragraphe 69 ci-dessus), soit
trois ans et trois mois après le renvoi devant le tribunal correctionnel (paragraphe 59 ci-dessus).
Il en va différemment de celle des autorités impliquées dans l’information. Ainsi, la commission rogatoire délivrée le 7 février 1985 par le juge Candau au directeur du
SRPJ de Versailles aux fins de continuer l’enquête ne fut-elle retournée que le 31 mai 1985 et ledit juge resta passif jusqu’au 4 décembre 1985 (paragraphes 28–29 cidessus) ; le procureur de la République ne donna suite à l’ordonnance de soit-communiqué du 25 mars 1986 que le 21 juillet suivant (paragraphes 30 et 32 ci-dessus) et, à
l’exception de l’audition le 5 février 1987 du représentant de la société VPL, aucune mesure d’instruction ne fut prise entre le 29 septembre 1986 (date du réquisitoire
contre X consécutif à la plainte déposée quatre jours plus tôt par la société VPL) et le 11 juin 1987 (date d’un interrogatoire de M. Slimane-Kaïd ; paragraphes 34–37 cidessus) ; la commission rogatoire délivrée le 7 octobre 1987 au SRPJ de Versailles ne fut retournée que le 25 avril 1988 et, sauf la désignation d’un expert le 28 octobre
1987 aux fins d’examiner les signatures apposées au bas des certificats de vente litigieux, le juge d’instruction resta inactif durant cette période et jusqu’au 25 mai 1988 ;
par ailleurs, déposé le 31 décembre 1987, le rapport d’expertise ne fut notifié à la partie civile que le 29 avril 1988 (paragraphes 40–45 ci-dessus) ; enfin, à l’exception de la
confrontation de M. Slimane-Kaïd au représentant de la société VPL, le 5 décembre 1988, aucune mesure d’instruction ne fut prise entre le 29 juin 1988 (date d’un
interrogatoire de M. Slimane-Kaïd) et le 16 mars 1989 (date de la commission rogatoire délivrée au commissaire de police de Chartres ; paragraphes 47–51 ci-dessus).
En conséquence, bien que consciente des difficultés qu’ont pu rencontrer les enquêteurs, la Cour estime que la longueur de la procédure résulte pour l’essentiel d’un
manque de célérité dans la conduite de l’information. Elle conclut ainsi, sans qu’il soit nécessaire de trancher la question de savoir s’il peut être reproché aux autorités de ne
pas avoir disjoint la cause de Mme Reinhardt de celle de M. Slimane-Kaïd, qu’il y a eu, à l’égard des deux requérants, dépassement du « délai raisonnable » et donc
violation de l’article 6 § 1.
B. Sur le caractère équitable de la procédure en cassation
101. Les requérants soutiennent que leurs causes n’ont pas été entendues équitablement par la Cour de cassation.
D’une part, ni eux-mêmes ni leurs conseils n’auraient reçu communication avant l’audience du rapport du conseiller rapporteur alors que ce document aurait été fourni à
l’avocat général. La pratique invoquée par le Gouvernement – qui n’existait d’ailleurs pas à l’époque des faits – et selon laquelle le rôle diffusé huit jours avant l’audience à
l’ordre des avocats aux Conseils mentionne le sens dudit rapport, ne permettrait aux parties que de savoir si le conseiller rapporteur recommande la cassation totale ou
partielle, ou au contraire l’inadmissibilité ou le rejet du pourvoi ; elle ne serait donc pas de nature à remédier à une telle méconnaissance du principe du contradictoire.
D’autre part, ils n’auraient pas eu la possibilité de répliquer aux conclusions de l’avocat général. Or celui-ci représenterait la société devant la Cour de cassation de telle
sorte que le principe susmentionné exigerait que la partie adverse puisse lui répliquer. A cet égard, ils reconnaissent que les avocats aux Conseils ont désormais la faculté, à
l’audience, de répondre auxdites conclusions, mais précisent que la procédure est néanmoins « figée » par les écrits et que les plaidoiries devant la chambre criminelle sont
fort rares.
102. Le Gouvernement rétorque que l’avocat général à la Cour de cassation n’est pas chargé des poursuites ; il exprimerait en toute indépendance son point de vue sur
l’interprétation et l’application de la loi. Aucune question de « rupture d’égalité » entre celui-ci et le demandeur ne pourrait se poser puisque le magistrat ne serait pas
« partie » au procès.
En tout état de cause, le rapport du conseiller rapporteur émanerait de l’un des membres de la formation de jugement et relèverait en conséquence du secret du délibéré, si
bien que le principe du contradictoire n’exigerait pas qu’il soit communiqué aux parties. Celles-ci auraient d’ailleurs la faculté de prendre connaissance du volet dudit
rapport relatif aux faits de la cause et aux moyens de cassation à l’occasion de sa lecture à l’audience. Quant à l’avis proprement dit, il ferait, dans sa substance, l’objet
d’une inscription au rôle diffusé à l’ordre des avocats aux Conseils.
Une pratique constante voudrait en outre qu’avant l’audience les avocats présents en la cause soient informés du sens des conclusions de l’avocat général – lesquelles ne
seraient généralement pas rédigées – et il serait admis que ceux-ci déposent ensuite une « note complémentaire » à leur mémoire initial.
Les conseils des requérants auraient donc été mis à même d’apprécier l’opportunité de plaider l’affaire devant la chambre criminelle, et les conséquences de leur choix de
ne pas le faire ne sauraient être imputées aux autorités judiciaires. Il leur suffisait d’en demander l’autorisation au président de ladite chambre qui, conformément à l’usage,
aurait répondu positivement. Ils auraient alors eu la parole en dernier, après le conseiller rapporteur et l’avocat général. Eu égard à la nature des conclusions de ce dernier et
à la haute spécialisation des avocats aux Conseils ainsi qu’à la possibilité offerte à ceux-ci de déposer une note en délibéré, cela eût assuré le respect du principe du
contradictoire.
103. Selon la Commission, l’opinion du ministère public près la Cour de cassation ne saurait passer pour neutre du point de vue des parties à l’instance : en recommandant
l’admission ou le rejet du pourvoi d’un accusé, le magistrat du ministère public en devient l’allié ou l’adversaire objectif. La question du respect des principes de l’égalité
des armes et du contradictoire serait donc pertinente en l’espèce.
La notification à l’avocat général du dossier du conseiller rapporteur contenant le rapport ainsi que le ou les projets d’arrêt alors que les requérants ne pouvaient être
informés que du sens dudit rapport s’analyserait en une rupture de l’égalité des armes entre les seconds et le premier. L’absence de communication à Mme Reinhardt et M.
Slimane-Kaïd des conclusions de l’avocat général aurait accentué ce déséquilibre. Le droit à une procédure contradictoire impliquerait en principe « la faculté pour les
parties aux procès, pénal ou civil, de prendre connaissance de toute pièce ou observation présentée au juge, même par un magistrat indépendant, en vue d’influencer sa
décision et de la discuter » (rapport, paragraphe 31). Les parties devraient en outre avoir une « possibilité véritable » (ibidem) de commenter celles-ci. Or en l’espèce, s’ils
avaient été présents à l’audience, les conseils des requérants n’auraient pu répliquer qu’ex abrupto auxdites conclusions. L’article 6 aurait donc été méconnu.
104. La Cour entend rechercher si, considérée dans sa globalité, la procédure devant la chambre criminelle de la Cour de cassation revêtit en l’espèce un
caractère « équitable » au sens de l’article 6 § 1.
105. Il n’est pas contesté que bien avant l’audience, l’avocat général reçut communication du rapport du conseiller rapporteur et du projet d’arrêt préparé par celui-ci. Le
Gouvernement l’indique lui-même, ledit rapport se compose de deux volets : le premier contient un exposé des faits, de la procédure et des moyens de cassation, et le
second, une analyse juridique de l’affaire et un avis sur le mérite du pourvoi.
Ces documents ne furent pas transmis aux requérants ou à leurs conseils. De nos jours, une mention au rôle diffusé à l’ordre des avocats aux Conseils une semaine avant
l’audience informe les avocats des parties du sens dudit avis (irrecevabilité du pourvoi, rejet, ou cassation totale ou partielle ; paragraphe 73 ci-dessus).
Les avocats de Mme Reinhardt et de M. Slimane-Kaïd auraient pu plaider l’affaire s’ils en avaient manifesté la volonté ; à l’audience, ils auraient eu la parole après le
conseiller rapporteur, ce qui leur eût permis d’entendre le premier volet du rapport litigieux et de le commenter. Le deuxième volet de celui-ci ainsi que le projet d’arrêt –
légitimement couverts par le secret du délibéré – restaient en tout état de cause confidentiels à leur égard ; dans le meilleur des cas, ils ne purent ainsi connaître que le sens
de l’avis du conseiller rapporteur quelques jours avant l’audience.
En revanche, c’est l’intégralité dudit rapport ainsi que le projet d’arrêt qui furent communiqués à l’avocat général. Or celui-ci n’est pas membre de la formation de
jugement. Il a pour mission de veiller à ce que la loi soit correctement appliquée lorsqu’elle est claire, et correctement interprétée lorsqu’elle est ambiguë. Il « conseille » les
juges quant à la solution à adopter dans chaque espèce et, avec l’autorité que lui confèrent ses fonctions, peut influencer leur décision dans un sens soit favorable, soit
contraire à la thèse des demandeurs (paragraphes 74 et 75 ci-dessus).
Etant donné l’importance du rapport du conseiller rapporteur, principalement du second volet de celui-ci, le rôle de l’avocat général et les conséquences de l’issue de la
procédure pour Mme Reinhardt et M. Slimane-Kaïd, le déséquilibre ainsi créé, faute d’une communication identique du rapport aux conseils des requérants, ne s’accorde
pas avec les exigences du procès équitable.
106. L’absence de communication des conclusions de l’avocat général aux requérants est pareillement sujette à caution.
De nos jours, certes, l’avocat général informe avant le jour de l’audience les conseils des parties du sens de ses propres conclusions et, lorsque, à la demande desdits
conseils, l’affaire est plaidée, ces derniers ont la possibilité de répliquer aux conclusions en question oralement ou par une note en délibéré (paragraphe 79 ci-dessus). Eu
égard au fait que seules des questions de pur droit sont discutées devant la Cour de cassation et que les parties y
sont représentées par des avocats hautement spécialisés, une telle pratique est de nature à offrir à celles-ci la possibilité de prendre connaissance des conclusions litigieuses
et de les commenter dans des conditions satisfaisantes. Il n’est toutefois pas avéré qu’elle existât à l’époque des faits de la cause.
107. Partant, eu égard aux circonstances susdécrites, il y a eu violation de l’article 6 § 1.
PAR CES MOTIFS, LA COUR
1.
Dit, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention en ce que la cause des requérants n’a pas été entendue dans un délai raisonnable ;
2.
Dit, par dix-neuf voix contre deux, qu’il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention en ce que la cause des requérants n’a pas été entendue
équitablement par la Cour de cassation ;
3.
Dit, par vingt voix contre une, que le présent arrêt constitue par lui-même une satisfaction équitable suffisante quant au dommage moral allégué ;
4. Rejette, à l’unanimité, la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
8- Crim. 5 décembre 2001 : Bull. crim., 2001, n° 253 ; Gaz. Pal., Rec. 2003, somm. p. 1198, J. n° 72, 13 mars 2003, p. 9, note Y. Monnet
« Selon l'art. 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article préliminaire, alinéa 2, C. pr. pén., toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par
un Tribunal indépendant et impartial. Il en résulte que ne peut participer au jugement d'une affaire un magistrat qui en a connu en qualité de représentant du ministère
public »
9 – Crim. 19 mars 2002 : Bull. crim., 2002, n° 63
« Il résulte de l'article préliminaire et des art. 174 et 197 C. pr. pén. que, devant la chambre de l'instruction appelée à statuer sur les nullités de la procédure, sur renvoi après
cassation d'un précédent arrêt, toutes les parties et leurs avocats doivent être avisées de la date de l'audience afin d'être mis en mesure de déposer un mémoire et, pour les
seconds, de présenter leurs observations.
Toutefois, seules sont recevables, à proposer des moyens de nullité devant la chambre de l'instruction de renvoi les parties sur le pourvoi desquelles la cassation a été
prononcée.».
10 – Crim. 27 mars 2002
« Les dispositions de l'article 520 du code de procédure pénale, qui ne sont pas limitatives, et s'étendent notamment au cas où le tribunal a déclaré, à tort, l'action prescrite,
ne sont contraires ni aux dispositions de l'article préliminaire du code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi du 15 juin 2000, ni à celles de l'article 2-1 du
protocole n° 7 de la Convention européenne des droits de l'homme ».
FICHE 3 – L’ACTION PUBLIQUE
DOCTRINE
Document fourni
1– B. BOULOC, Commentaire de la loi du 9 mars 2004, RSC 2004.675
Deux tableaux relatifs à l’activité pénale
Documents sur le site Internet :
Bertrand DE LAMY, La loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, D.
2004.1910
Deux modèles de réquisitoire
Documents à lire
1 – J. PRADEL, JCP 2004 I 132
2 – M-D. COMMARET, RSC 2004 p. 897
ARRETS
Non bis in idem
1 – Crim. 17 mars 1999 : Gaz. Pal., Rec. 1999, chr. crim. p. 89 ; D., 1999, IR p. 133 ; Bull. crim., 1999, n° 44
2- Crim. 3 février 1998 : Bull. crim., 1998, n° 41
3 – Crim. 5 juillet 2005 : Prescription et hormone de croissance
DOCUMENTATION SUR LE SITE INTERNET : la CRPC (cf document Acrobat Valloteau)
1 – Schéma procédural
2. – Présentation de Monsieur François MOLINS
3. – Etude de Mademoiselle Aude VALLOTEAU
DOCTRINE
Loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
par Bernard Bouloc Professeur à l'Université Panthéon-Sorbonne (Paris-I)
A peine commençait-on à mieux appréhender la procédure pénale nouvelle, suite à la réforme du 15 juin 2000, complétée par les lois du 15 novembre 2001 et du 4 mars
2002, que sont intervenues les lois du 9 septembre 2002 et du 18 mars 2003. A nouveau, la procédure pénale est soumise à un grand chambardement. Car ce qui devait être
un aménagement de la procédure afin de répondre à la criminalité organisée, et même transfrontière (V. notre conférence « Aperçus sur les projets en cours, en procédure
pénale », Rev. pénit. 2003, p. 249), est devenu une loi touchant non seulement à la criminalité organisée, mais aussi à la procédure normale, notamment des enquêtes. Le
mode de juger est aussi concerné, avec ce que l'on appelle le « plaider coupable à la française ». L'exécution des peines est revue, afin qu'elle soit plus efficace, tandis que
des modalités d'exécution des peines privatives de liberté sont judiciarisées. Bref, la loi du 9 mars 2004 comporte de multiples aspects, qui ne peuvent pas tous être
examinés dans la présente chronique, mais qui seront étudiés dans les chroniques à venir. Pour l'information des lecteurs, on signale d'ores et déjà les études du professeur
Pradel publiées au JCP 2004 (I. 132 et 134) et au D. 2004 chr. p. 1392 et s., et celle du professeur De Lamy au D. 2004, p. 1910 et s.
L'exercice de l'action publique et le rôle du ministère public
Exercice de l'action publique par des parties civiles
On sait qu'en droit français, la victime peut en exerçant son action civile devant le juge pénal mettre en mouvement l'action publique. Même si, parfois, l'on peut observer
quelques excès en la matière, la tendance du législateur est de favoriser l'action des groupements.
Tel est le cas pour les fédérations d'associations ayant pour objet statutaire la défense des victimes d'accidents collectifs qui pourront exercer les droits reconnus à la partie
civile en cas d'accident collectif, lorsque l'action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée (art. 2-15, al. 3, c. pr. pén.).
En revanche, en ce qui concerne les associations combattant le racisme ou la discrimination, la loi du 9 mars 2004 a précisé que ces associations ne seraient recevables, en
cas d'infraction commise envers une personne considérée individuellement, qu'en cas de justification de l'accord de l'intéressé ou, s'il est mineur, du titulaire de l'autorité
parentale ou du représentant légal (art. 2-1, al. 2, nouv. c. pr. pén.).
Prescription de l'action publique
La loi du 9 mars 2004 allonge le délai de prescription de l'action publique en matière de crimes et de délits mentionnés à l'article 706-47 du code de procédure pénale
(lequel a été légèrement modifié pour y inclure les actes de recours à la prostitution de mineurs de l'article 225-12-1 du code pénal (loi du 4 mars 2002). Désormais la
prescription est de vingt ans et le point de départ en est fixé à la majorité de la victime (art. 7, al. 3 et al. 8, c. pr. pén.). Plus de vingt ans après les faits, il sera difficile de
savoir exactement ce qui s'est passé, et les déclarations des prétendues victimes devront sérieusement être examinées, afin d'éviter des erreurs judiciaires.
Le secret des enquêtes et de l'instruction
Depuis la loi du 15 juin 2000, le procureur a la possibilité, pour mettre un terme à des informations inexactes ou parcellaires, de rendre publics certains éléments objectifs
tirés de la procédure ne comportant aucune appréciation sur le bien fondé des charges retenues (art. 11, al. 3, c. pr. pén.).
Complétant ce dispositif, à des fins certainement de prévention, la loi du 9 mars 2004 a introduit un article 11-1 qui donne au procureur de la République ou au juge
d'instruction la possibilité de communiquer à des autorités ou organismes habilités par arrêté du ministre de la justice, après avis d'autres ministres, des éléments de
procédures judiciaires en cours, permettant de réaliser des recherches ou enquêtes scientifiques ou techniques destinées à prévenir la commission d'accidents ou de faciliter
l'indemnisation des victimes ou la prise en charge de leur préjudice. Les personnes à qui ces éléments sont communiqués sont tenues au respect du secret professionnel.
Les attributions du garde des Sceaux
Profitant de la place laissée libre à l'article 30 (disposition concernant les pouvoirs du préfet avant l'abrogation opérée par la loi du 4 janvier 1993), la loi du 9 mars 2004 a
défini les attributions du Garde des Sceaux en matière pénale. L'article 30 précise que le ministre de la justice « conduit la politique d'action publique déterminée par le
gouvernement. Il veille à la cohérence de son application sur le territoire de la République ». En conséquence, il adresse aux magistrats du ministère public des instructions
générales d'action publique. Il s'agit, à l'évidence des circulaires qui ont toujours été prises par les différents ministres de la Justice.
L'alinéa 3 de l'article 30 reprend les dispositions qui figuraient à l'article 36 telles que ce texte avait été modifié par les lois du 4 janvier et du 24 août 1993. Le ministre de la
Justice peut donc dénoncer au procureur général les infractions dont il a connaissance et lui enjoindre, par instructions écrites et versées au dossier, d'engager ou faire
engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites jugées opportunes.
Comme par le passé, le ministre n'a de pouvoir que pour engager des actions qui, en l'absence de victimes directes, auraient pu rester sans poursuite. Il est clair, en tout cas
que des instructions qui tendraient à une absence de poursuites constitueraient un excès de pouvoir, autorisant les procureurs à ne pas en tenir compte.
Les attributions des procureurs
L'article 35 du code de procédure pénale chargeant le procureur général de veiller à l'application de la loi pénale dans toute l'étendue de son ressort, est complété en lui
donnant mission de veiller au bon fonctionnement des parquets de son ressort. Le procureur général doit animer et coordonner l'action des procureurs et la conduite de la
politique d'action publique. Les procureurs de la République doivent adresser chaque année un rapport sur l'activité et la gestion du parquet et sur l'application de la loi.
L'article 36 reprend les dispositions de l'article 37, alinéa 2 du code de procédure pénale, en précisant que le procureur général peut enjoindre aux procureurs de la
République, par instructions écrites et versées au dossier, l'engagement de poursuites ou la saisine de la juridiction compétente de telles instructions jugées opportunes.
Il faut rapprocher de ces dispositions, celles particulières résultant de l'existence de juridictions spécialisées. Ainsi, en matière économique et financière, la loi du 9 mars
2004 envisage la création de telles juridictions à compétence interrégionale (art. 704, 3 dern. al., c. pr. pén.). En pareil cas, c'est le procureur général de la cour d'appel dans
le ressort duquel se trouve une telle juridiction qui est chargé de la coordination de la conduite de la politique d'action publique (art. 706-1-1, c. pr. pén.). Il en est de même
en matière sanitaire (art. 706-2-1, c. pr. pén.), ou en matière de criminalité organisée (art 706-79-1, c. pr. pén.).
Le procureur de la République voit ses missions complétées. S'il décide de classer sans suite, il doit aviser les victimes et les plaignants de sa décision, du moins lorsque
l'auteur des faits est identifié en indiquant les raisons juridiques ou d'opportunité justifiant la mesure (art. 40-2, al. 2, c. pr. pén.). La personne ayant dénoncé les faits peut
former un recours auprès du procureur général, lequel peut enjoindre au procureur d'engager des poursuites. S'il estime le recours infondé, le procureur général en informe
l'intéressé (art. 40-3, c. pr. pén.).
Le nouvel article 40-1 du code de procédure pénale fixe les voies offertes au procureur, informé de faits lui paraissant constituer une infraction commise par une personne
dont l'identité et le domicile sont connus, et pour laquelle aucun obstacle n'existe pour la mise en mouvement de l'action publique. Le procureur peut, si c'est opportun,
engager des poursuites, mettre en oeuvre une des alternatives aux poursuites des articles 41-1 ou 41-2 du code de procédure pénale, soit classer sans suite si les
circonstances particulières liées à la commission des faits le justifient.
Le principe d'opportunité des poursuites demeure, mais il est placé sous la dépendance des circonstances de l'infraction. Si le procureur envisage une poursuite ou une
alternative, il doit en aviser les plaignants ou victimes identifiées ainsi que les personnes ou autorités ayant conformément à l'article 40, alinéa 2, avisé le procureur de ces
faits (art. 40-2, al. 1, c. pr. pén.).
Si le procureur décide de mettre en oeuvre l'une des alternatives aux poursuites, le dispositif de l'article 41-1 est légèrement modifié. Il est précisé par la loi que l'alternative
à la poursuite peut être mise en oeuvre par le procureur, mais aussi par l'intermédiaire d'un officier de police judiciaire, d'un délégué ou d'un médiateur.
Parmi les mesures énumérées, la loi du 9 mars 2004 ajoute l'accomplissement d'un stage ou d'une formation dans un service ou organisme sanitaire, social ou professionnel,
et notamment un stage de citoyenneté.
La loi précise aussi les suites de la médiation et de la non-exécution de l'alternative proposée. S'agissant de la réussite de la médiation, il est précisé que le procureur ou son
délégué en dresse un procès verbal signé par les parties et lui-même. Si l'auteur des faits s'est engagé à verser des dommages-intérêts à la victime, celle-ci peut, au vu du
procès verbal, en demander le recouvrement suivant la procédure d'injonction de payer, conformément aux règles prévues par le nouveau code de procédure civile.
Quant à la non-exécution de la mesure suggérée par le procureur, en raison du comportement de l'auteur des faits, le procureur met en oeuvre une composition pénale ou
engage des poursuites (art. 41-1, al. 3, c. pr. pén.).
A notre avis, puisque l'alternative a échoué en raison du comportement de l'auteur des faits, une composition pénale n'a guère de chance de réussir. Il serait préférable
d'engager tout de suite la poursuite.
En ce qui concerne la composition pénale, la loi du 9 mars 2004 complète la liste des mesures proposées qui de 5 passent à 13. De plus, un article 41-3 généralise la
composition pénale en matière de contraventions.
Parmi les dispositions nouvelles, on relèvera que l'amende de composition ne peut excéder le maximum légal de l'amende encourue (!), et que deux obligations positives
sont prévues (suivre un stage ou une formation dans un service ou organisme sanitaire, social, ou professionnel d'une durée de trois mois dans un délai maximum de dixhuit mois, et l'accomplissement aux frais du délinquant d'un stage de citoyenneté). En outre cinq obligations négatives sont créées : ne pas émettre de chèque pour six mois
au plus (sauf retrait de fonds ou chèques certifiés), ne pas paraître pendant six mois dans les lieux de commission de l'infraction, désignés par le procureur (à l'exception du
lieu de résidence) ne pas rencontrer ou recevoir pendant six mois la ou les victimes de l'infraction ou les coauteurs (ou complices) tous désignés par le procureur, et enfin ne
pas quitter le territoire national.
En matière de contraventions, la privation du permis de conduire ou de chasse ne peut dépasser trois mois, le travail non rémunéré ne peut dépasser trente heures (dans un
délai de trois mois), l'interdiction d'émettre des chèques ne peut excéder trois mois. Les obligations négatives (décrites au 9° à 12° de l'art. 41-2) ne sont pas applicables,
tandis que l'accomplissement d'un travail non rémunéré n'est pas applicable pour les contraventions des quatre premières classes, ainsi que les mesures des 2° à 5° et 8°
(dessaisissement d'un bien, remise d'un véhicule, du permis de conduire ou du permis de chasse interdiction d'émettre des chèques), à moins que la contravention ne soit
punie à titre de peine complémentaire d'une des mesures définies à l'article 131-16 (1° à 5°) du code pénal.
En matière de contravention, l'utilité de la composition pénale se présentera plutôt pour les contraventions de la 5e classe, et les contraventions exclues de l'amende
forfaitaire.
Il est mentionné à l'article 41-1 dernier alinéa que la non-acceptation de la composition pénale ou la non-exécution des obligations imposées, expose à une mise en
mouvement de l'action publique par le procureur de la République.
Les conditions de mise en oeuvre de l'action publique
Deux dispositions doivent être signalées : l'article 43 et l'article 48-1 du code de procédure pénale.
L'article 43 a trait à la compétence du procureur de la République. Outre les chefs de compétence classique, la loi du 9 mars 2004 prévoit la compétence en raison du lieu de
détention d'une des personnes soupçonnées de participation à l'infraction, même si la détention est effectuée pour une autre cause. La mesure évitera des transfèrements qui
nécessitent la mise en oeuvre de moyens matériels et humains. L'article 43 est complété par un alinéa 2 prévoyant un dépaysement d'affaires concernant comme auteurs ou
victimes une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, qui, en raison de ses fonctions est en relation avec les magistrats ou
fonctionnaires de la juridiction. En ce cas, le procureur général peut d'office, sur proposition du procureur de la République et à la demande de l'intéressé, transmettre la
procédure au procureur du tribunal de grande instance le plus proche de la cour d'appel. La juridiction est alors compétente pour connaître de l'affaire. La décision du
procureur général constitue une mesure d'administration judiciaire, insusceptible de recours.
Quant à l'article 48-1 du code de procédure pénale, il crée un bureau d'ordre national automatisé des procédures judiciaires. Ce fichier est placé sous l'autorité d'un
magistrat. Il renferme les informations nominatives relatives aux plaintes et dénonciations reçues par les procureurs ou les juges d'instruction et aux suites réservées. Il est
destiné à faciliter la gestion et le suivi des procédures judiciaires par les juridictions compétentes, l'information des victimes et la connaissance réciproque par les
juridictions des procédures concernant les mêmes faits ou mettant en cause les mêmes personnes.
Les données enregistrées portent sur la date, lieu et qualification des faits, sur les noms des personnes mises en cause ou des victimes (quand ils sont connus) les
informations sur les décisions sur l'action publique, le déroulement de l'instruction, la procédure de jugement et l'exécution des peines. En outre sont mentionnées les
informations sur la situation judiciaire au cours de la procédure de la personne mise en cause, poursuivie ou condamnée.
Les informations sont conservées pendant dix ans, ou si la durée en est supérieure, pendant une durée égale au délai de prescription de l'action publique ou de la prescription
de la peine.
Elles sont enregistrées par les procureurs, les juges (y compris de l'application des peines), les greffiers ou les personnes habilitées à assister les magistrats.
Les données sont directement accessibles par les procureurs, les différents juges, leurs greffiers et les personnes habilitées. Les procureurs généraux ont également accès à
ces données. Un décret précisera les conditions dans lesquelles les personnes pourront exercer leur droit d'accès.
La police judiciaire
La loi du 9 mars 2004 apporte quelques compléments à différents textes concernant la police judiciaire.
Au titre des dispositions générales, l'article 15-3 du code de procédure pénale est complété. Tout dépôt de plainte fait l'objet d'un procès verbal et donne lieu immédiatement
à la délivrance d'un récépissé ; une copie du procès verbal est remise si la victime en fait la demande. La victime est également informée qu'en cas de plainte contre
inconnu, elle ne sera informée des suites réservées à la plainte que si l'auteur est identifié.
Relativement à la compétence territoriale des officiers de police judiciaire, l'article 18 est complété afin de permettre aux officiers de procéder à des auditions en territoire
étranger, à condition que le juge d'instruction ou le procureur de la République ait expressément donné l'autorisation et que les autorités compétentes de l'Etat concerné aient
donné leur accord.
S'agissant des agents des douanes, l'article 28-1 du code de procédure pénale étend leurs pouvoirs. Ils pourront rechercher les infractions douanières, celles en matière de
contributions indirectes, mais aussi l'escroquerie à la TVA, le vol de biens culturels, les infractions aux intérêts financiers de l'Union européenne, les infractions à la
réglementation sur les matériels de guerre, armes et munitions, les infractions en matière de blanchiment, les infractions en matière de contrefaçon, et les infractions
connexes.
Lorsqu'ils agissent sur réquisition du procureur, ces agents sont tenus de respecter les règles des articles 54, 55-1, 56, 57 à 62, 63 à 67, 75 à 78 du code de procédure pénale.
S'ils agissent dans le cadre des mesures de surveillance et d'infiltration prévues en matière de criminalité organisée, les règles des articles 100 à 100-7, 122 à 136, 694, 6953, 706-28, 706-30-1, et 706-73 à 706-106 sont applicables. Les agents des douanes ont compétence pour les infractions douanières de contrebande de tabac, d'alcool, et de
spiritueux et de contrefaçon de marques. Ils peuvent être assistés par les assistants spécialisés des juridictions économiques.
En conséquence, par dérogation à l'article 343-2 du Code des douanes, l'action pour l'application des sanctions fiscales peut être exercée par le ministère public (art. 33-1 de
la loi du 9 mars 2004).
Les enquêtes de flagrance
L'article 53 relatif à la durée des enquêtes de flagrance est modifié. Comme par le passé, la durée de l'enquête reste fixée à huit jours, sans discontinuation. Mais, si des
investigations sont nécessaires pour un crime ou un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement, le procureur peut décider la prolongation de l'enquête pour une
nouvelle durée de huit jours.
L'article 55-1 relatif à des opérations de prélèvements externes nécessaires à l'enquête, en vue de la comparaison avec les traces et indices relevés est complété. L'officier de
police judiciaire peut procéder à des relevés signalétiques et notamment à des prises d'empreintes digitales, palmaires ou de photographies nécessaires aux fichiers de
police. Le refus par une personne soupçonnée de participation à l'infraction est pénalement sanctionné.
A l'article 56, relatif aux perquisitions et saisies, il est précisé que les personnes présentes lors de ces opérations peuvent être retenues sur place, si elles sont susceptibles de
fournir des renseignements sur les objets, documents et données informatiques saisis. Cette retenue est limitée au temps strictement nécessaire à l'accomplissement des
opérations.
En plus des perquisitions, l'officier de police judiciaire se voit reconnaître le pouvoir de requérir de toute personne, établissement privé ou public, ou administration
publique, pouvant détenir des documents intéressant l'enquête, y compris issus de données informatiques ou de traitements de données nominatives, la remise des
documents, sans que puisse être opposé, sans motif légitime, le secret professionnel (art. 60-1, c. pr. pén.). Pour les personnes visées aux articles 56-1 à 56-3 (qui sont
tenues au secret professionnel) la remise des documents ne peut intervenir qu'avec leur accord. A l'exception de ces personnes, la non-réponse à la réquisition est punissable
d'une amende de 3 750 euros. Les personnes morales sont responsables pénalement, aux conditions de l'article 121-2 du code pénal.
En ce qui concerne les témoins, l'article 62 du code de procédure pénale précise que l'officier de police judiciaire peut contraindre les personnes se trouvant sur les lieux, à
comparaître par la force publique ; cet officier peut aussi avec l'autorisation du procureur, contraindre à comparaître par la force publique, les personnes n'ayant pas répondu
à une convocation à comparaître, et dont on peut craindre qu'elles ne répondent pas à cette convocation.
Relativement à la garde à vue, la loi prévoit que l'information du suspect peut être faite, quant à ses droits, au moyen d'un formulaire écrit. Elle supprime l'intervention de
l'avocat à la 20e heure, qui n'avait plus de raison d'être, dès lors que l'avocat peut s'entretenir avec son client, dès le début de la garde à vue (art. 63-4 1re phrase). En
revanche, il est plus conforme que l'avocat ré-intervienne au début de la prolongation, c'est ce que prévoit l'article 63-4 alinéa 5 du code de procédure pénale.
Comme par le passé, des retards dans l'entretien sont prévus par la loi. Il est prévu à la 48e heure en matière de séquestration en bande organisée, proxénétisme aggravé ; vol
en bande organisée, extorsion aggravée et association de malfaiteurs, et à la 72e heure en matière de trafic de stupéfiants et d'actes de terrorisme.
L'article 70 du code de procédure pénale qui permettait au procureur de délivrer un mandat d'amener, est réécrit. Désormais, ce magistrat peut, en cas de délit puni d'au
moins trois années d'emprisonnement, délivrer un mandat de recherche, à l'encontre d'un suspect (personne contre qui existe une raison plausible de penser qu'elle a commis
ou tenté de commettre une infraction). Pour l'exécution de ce mandat, il est possible de pénétrer dans les domiciles entre 6 h et 21 h. Dès qu'elle est découverte, la personne
est placée en garde à vue par l'officier de police judiciaire du lieu de la découverte ; elle peut être entendue, les enquêteurs déjà saisis des faits pouvant se transporter sur
place (au besoin, après avoir obtenu une extension de leur compétence). Le procureur prévenu dès le début de la garde à vue, peut ordonner que la personne soit conduite
dans les locaux du service d'enquête déjà saisi des faits. Si la personne n'est pas découverte au cours de l'enquête, et si le procureur ouvre une information, le mandat de
recherche demeure valable, sauf si le juge d'instruction le rapporte.
Les enquêtes assimilables à la flagrance
Depuis très longtemps le législateur a organisé une procédure particulière de recherche des causes de la mort.
La loi du 9 mars 2004, étend le champ de l'article 74 au cas de découverte d'une personne grièvement blessée, quand la cause des blessures est inconnue ou suspecte.
Par ailleurs, elle introduit un article 74-2 du code de procédure pénale conférant aux officiers de police judiciaire la possibilité de procéder aux actes prévus par les articles
56 à 62, sur instructions du procureur de la République, en vue de la recherche de personnes en fuite. Il s'agit de personnes faisant l'objet d'un mandat d'arrêt, délivré par
toute juridiction (juge d'instruction, juge des libertés, la chambre de l'instruction ou son président, ou le président de la cour d'assises, une juridiction de jugement ou le juge
de l'application des peines) et des personnes condamnées à une peine ferme d'emprisonnement d'au moins un an, quand la décision est exécutoire ou passée en force de
chose jugée.
Si c'est nécessaire, le juge des libertés, sur requête du procureur, peut autoriser des écoutes téléphoniques aux conditions des articles 100, 100-1, 100-3 à 100-7 du code de
procédure pénale pour une durée maximale de deux mois, renouvelable, sans que la durée excède six mois en matière correctionnelle. Ces opérations sont faites sous
l'autorité des juges des libertés, les attributions confiées au juge d'instruction sont exercées par le procureur ou l'officier de police judiciaire requis par ce magistrat. Le juge
des libertés est informé des actes accomplis.
L'enquête préliminaire
Empruntant aux règles de l'enquête de flagrance, l'enquête préliminaire peut donner lieu à des réquisitions auprès de tout établissement, organisme public ou privé, de
documents intéressant l'enquête (art. 77-1-1 reprenant les dispositions de l'art. 60-1, c. pr. pén., supra). Il suffit que le procureur ou l'officier de police judiciaire autorisé par
le magistrat, en décide ainsi.
De même, le procureur peut délivrer un mandat de recherche contre une personne soupçonnée (art. 77-4 qui reprend les dispositions de l'art. 70) et il peut donner une
autorisation aux fins de contraindre à comparaître un témoin (art. 78, c. pr. pén.).
En outre, en ce qui concerne les perquisitions au domicile, elles pourront avoir lieu sans l'asssentiment de la personne, s'il s'agit d'un délit punissable d'au moins cinq ans
d'emprisonnement, et si le juge des libertés, sur requête du procureur, a délivré une décision écrite et motivée.
La décision devra décrire l'infraction dont la preuve est recherchée et l'adresse des lieux à visiter, à peine de nullité. Les opérations sont effectuées sous le contrôle du
magistrat, et elles ne peuvent avoir un autre objet que la recherche des infractions mentionnées dans la décision. Toutefois, si lors de ces opérations sont révélées d'autres
infractions que celles visées dans la décision, il n'y a pas là une cause de nullité des procédures incidentes. Cette disposition finale de l'article 76, alinéa 4 du code de
procédure pénale est éminemment regrettable et se trouve en contradiction avec la phrase précédente. Il est à souhaiter que les chambres de l'instruction n'hésitent pas à
annuler les procédures engagées à la suite de la découverte de documents, lors d'une perquisition décidée d'autorité par le juge... des libertés.
Recueil Dalloz 2004, Chroniques p. 1910
La loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
(Crime organisé - Efficacité et diversification de la réponse pénale)
par Bertrand de Lamy Professeur à l'université de Toulouse I
*
**
La loi du 9 mars 2004, dite Perben II, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, opère une réforme marquante de la procédure pénale(1). Ce texte a
suscité bien des passions et motivé une saisine du Conseil constitutionnel(2) après avoir été examiné deux fois par chaque chambre, puis soumis à une commission mixte
paritaire avant un ultime examen par les parlementaires.
Alors que le projet initial était composé de 87 articles, le texte finalement voté en compte 224, répartis en trois titres, intéressant, non seulement la procédure répressive,
mais aussi le droit pénal substantiel et le droit des peines. Le premier titre comporte les « dispositions relatives à la lutte contre les formes nouvelles de délinquance et de
criminalité » et traite, notamment, de la délinquance organisée. Le deuxième est intitulé « Dispositions relatives à l'action publique, aux enquêtes, à l'instruction, au
jugement et à l'application des peines » et contient, entre autres, les dispositions sur la procédure du plaidé coupable. Dans le dernier titre figurent les « Dispositions
diverses, dispositions transitoires et dispositions relatives à l'outre-mer ».
Ce texte ne constitue pas une véritable rupture avec les réformes précédentes, dont les acquis essentiels sont conservés voire parfaits, comme en matière d'application des
peines, mais amorce, cependant, un nouveau virage en mettant en avant un souci d'efficacité dans la lutte contre la délinquance et certaines de ses manifestations les plus
préoccupantes. Le Conseil constitutionnel(3), qui n'a censuré que deux dispositions du présent texte et formulé sept réserves d'interprétation, a d'ailleurs relevé « qu'il
incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions, toutes deux nécessaires
à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties ; (...) ».
Pour autant que l'équilibre recherché ici ait été trouvé, la procédure pénale française, une nouvelle fois retouchée, répond-elle encore à un modèle ? L'émergence de règles
spécifiques applicables à des catégories d'infractions, comme le terrorisme, les infractions économiques ou la criminalité organisée, tisse des liens étroits entre le droit pénal
spécial et la procédure pénale qui connaît ainsi un phénomène d'éclatement : l'étude de chaque catégorie d'incrimination d'un point de vue substantiel devra être suivie
dorénavant par la présentation de dispositions procédurales particulières. La loi du 9 mars 2004 vient accentuer le désordre au sein du livre IV du code de procédure pénale,
consacré à « quelques procédures particulières », qui compte désormais vingt-six titres traitant de questions aussi diverses que, par exemple, la procédure applicable à la
criminalité et à la délinquance organisée, ou à la pollution des eaux maritimes par rejets des navires, l'utilisation de moyens de télécommunications au cours de la
procédure, la saisine pour avis de la Cour de cassation, ou la coopération avec la Cour pénale internationale. Si une adaptation législative était nécessaire, ne conviendrait-il
pas de mener une réflexion d'ensemble sur ce chantier permanent qu'est la procédure pénale ? Le code n'est plus traité comme tel par le législateur. Censé assurer une
stabilité de la matière et conserver son esprit, il n'est plus qu'un lieu d'empilement de dispositions législatives adoptées successivement. Ce livre devient un simple
instrument permettant, au mieux, une accessibilité matérielle aux règles de procédure, et n'est plus un ouvrage dont la construction d'ensemble et la clarté de la lettre
favoriseraient l'accessibilité intellectuelle.
Le recours à la technique du renvoi, l'articulation des règles communes avec des dispositions spéciales, voire de règles spéciales entre elles, le tout conjugué avec les
réserves d'interprétation du Conseil constitutionnel seront autant d'obstacles pour les praticiens bien qu'aient été prévues cinq dates d'entrée en vigueur, s'échelonnant
jusqu'au 31 décembre 2007, pour assimiler cette loi. L'efficacité recherchée avec raison par les auteurs du texte passe aussi par une sérénité législative, facilitant le travail
judiciaire.
Ce souci d'efficacité se manifeste particulièrement dans deux des volets les plus importants de la loi nouvelle : les dispositions relatives à la lutte contre le crime organisé (I)
et celles accentuant la diversification de la réponse pénale (II).
1re Partie - LA LUTTE CONTRE LE CRIME ORGANISE
La diversification des règles de procédure pénale et leur adaptation aux phénomènes criminels présentant des particularités ont été admises par le Conseil constitutionnel qui
indique, dans la décision n° 86-213 DC du 3 septembre 1986, « Qu'il est loisible au législateur, compétent pour fixer les règles de la procédure pénale en vertu de l'article 34
de la Constitution, de prévoir des règles différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, pourvu que ces différences ne procèdent pas
de discriminations injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense ».
Le législateur, pour être à l'abri des reproches de la juridiction constitutionnelle, doit donc convaincre, d'une part, de la spécificité du crime organisé (I), justifiant que des
normes particulières soient édictées, et, d'autre part, du respect des exigences de nécessité et de proportionnalité au sein des règles nouvelles de procédure pour que ne
soient pas méconnus les droits de la personne poursuivie (II)(4).
I - La notion de crime organisé : énumération plutôt que définition
La criminalité organisée est une réalité criminologique complexe, dont les éléments de description sont nombreux et font prendre conscience de la difficulté qu'il y a à
proposer une définition satisfaisante (A). Le législateur a finalement renoncé à cet exercice, choisissant de s'en tenir à une énumération d'incriminations existantes (B).
A - Réalité criminologique et éléments de définition
Les criminologues ont relevé les traits particuliers du crime organisé et averti de la nouvelle ampleur que prenait ce phénomène. La construction européenne et le
développement des échanges internationaux sont allés de concert avec l'apparition d'une délinquance transfrontière dont l'impact, en particulier sur l'économie, ne peut
demeurer sans réaction(5).
Une réponse strictement nationale étant inadaptée pour endiguer cette catégorie de méfaits, des instruments internationaux ont été forgés, dont la Convention des Nations
unies contre la criminalité transnationale organisée(6).
Sans entrer dans le détail des riches travaux consacrés à la question, il n'est pas inintéressant, pour apprécier la loi du 9 mars 2004, de rendre compte de plusieurs
observations.
Trois variétés de crime organisé sont distinguées par M. Gassin(7) : « 1°) la criminalité organisée à caractère brutal ou agressif (hold up, racket, cambriolage, vol à la
tire...) ; 2°) l'exercice d'activités illicites rémunératrices (tenue clandestine de maison de jeu, proxénétisme, trafic de stupéfiants...) qui consiste à tirer profit des vices
d'autrui ; 3°) le white collar crime qui est le fait de personnes qui appartiennent à des catégories sociales élevées et consiste dans des actes de ruse : fraudes fiscales,
infractions aux lois sur les sociétés, corruption de fonctionnaires ... ». Le crime organisé aurait donc un caractère spécifique mais multiforme, les auteurs sont alors partagés
sur les critères permettant de le définir(8). Toute infraction commise à plusieurs ne relève pas du crime organisé ; toute entente établie en vue de commettre un seul acte
incriminé reste également distincte de cette notion. Il y a, semble-t-il, un consensus pour considérer que le crime organisé implique des actes intentionnels, planifiés,
commis à plusieurs grâce à une organisation structurée et clandestine, inscrite dans la durée, donnant à cette délinquance un type professionnel et facilitant sa mobilité.
Autant de caractéristiques expliquant le besoin d'armes juridiques adaptées. En revanche, le critère tiré du but lucratif est davantage discuté. Il permet cependant d'affiner la
notion et de la distinguer, en particulier, du terrorisme voire d'autres phénomènes aux motivations idéologiques. Le crime organisé ne s'attaque pas aux structures politiques
d'un Etat, mais affecte directement et de façon significative son économie(9). Le terrorisme cherche un avantage politique, le crime organisé cherche un profit. La
Convention des Nations unies retient d'ailleurs la définition suivante : « L'expression groupe criminel organisé désigne un groupe structuré de trois personnes ou plus
existant depuis un certain temps et agissant de concert dans le but de commettre une ou plusieurs infractions graves ou infractions établies conformément à la présente
Convention, pour en tirer, directement ou indirectement, un avantage financier ou un autre avantage matériel »(10).
Le code pénal contient différentes dispositions permettant d'appréhender des trafics(11), de conjurer des entreprises criminelles(12), de faire face à des concertations(13),
des groupes de combat(14), ou encore des groupements ou des ententes établies(15). Mais le législateur n'avait pas envisagé globalement le crime organisé pour doter les
autorités de moyens d'investigations adaptés. Il a cependant choisi de ne pas forger une nouvelle incrimination.
B - Le choix du législateur : l'énumération à droit constant
Dans la loi du 9 mars 2004, le législateur a choisi, non de poser une nouvelle définition qui aurait inévitablement suscité des interrogations sur ses contours, mais de
recourir à des concepts déjà connus de la pratique, et notamment à celui de « bande organisée ». M. Warsmann explique que la voie retenue « consiste à déterminer parmi
les incriminations existantes, donc à droit constant, celles qui relèvent de la criminalité organisée afin de leur appliquer une procédure plus efficace »(16). Ce choix
emportera la conviction du Conseil constitutionnel qui souligne que l'exigence légaliste « s'impose non seulement pour exclure l'arbitraire dans le prononcé des peines, mais
encore pour éviter une rigueur non nécessaire lors de la recherche des auteurs d'infractions »(17). Les auteurs de la saisine reprochaient au texte voté le manque de précision
de l'expression « bande organisée », et de retenir, dans la liste des infractions relevant du crime organisé, des agissements qui ne ressortent pas, par nature, de ce cadre. Tel
est le cas de « la destruction, dégradation et détérioration d'un bien commis en bande organisée, incrimination susceptible d'être retenue pour les violences urbaines ou des
actions syndicales excessives, du vol, de l'extorsion de fonds, de l'aide à l'entrée et au séjour d'un étranger en situation irrégulière »(18). Pour les juges constitutionnels
l'expression « bande organisée », définie à l'article 132-71 du code pénal, se distingue des notions de réunion et de coaction. Ils s'appuient notamment sur le fait qu'il s'agit
d'une notion connue de notre législation et que « la jurisprudence dégagée par les juridictions pénales a apporté les précisions complémentaires utiles pour caractériser la
circonstance aggravante de bande organisée, laquelle suppose la préméditation des infractions et une organisation structurée de leurs auteurs ». Ils citent également, comme
voisine, la définition retenue par la Convention des Nations unies. Faut-il voir dans cette décision un infléchissement de la conception nationale du principe légaliste, sous
l'influence de la Cour européenne des droits de l'homme qui prend déjà en compte le rôle de clarification de la jurisprudence(19) ?
Dans tous les cas, le nouveau dispositif repose, essentiellement, sur la définition de la « bande organisée » (art. 132-71 c. pén.) : « constitue une bande organisée tout
groupement formé ou entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'une ou plusieurs infractions ». L'association de malfaiteurs,
incriminée par l'article 450-1 du code pénal, répond à la même définition ; autrement dit « la bande organisée est donc comme la circonstance aggravante de l'infraction que
l'association de malfaiteur avait en vue de commettre »(20).
Ce choix législatif encourt deux critiques. Tout d'abord, de ne pas mettre en relief, par une définition originale, la spécificité du phénomène criminel visé, alors que les
dispositions internationales existantes constituaient autant de modèles possibles et que les règles particulières de procédure créées trouvent leur raison d'être dans cette
spécificité. Recourir à une circonstance aggravante laisse penser que le cadre global que la loi instaure repose sur une différence de degré criminel, alors que seule une
différence de nature, traduite par une qualification autonome, pourrait justifier ces règles exceptionnelles. Ajoutons que la définition de la « bande organisée », reprise sans
modification, ne retient pas le critère de durée, pourtant adopté par la Convention des Nations unies, et prend alors le risque de diluer le crime organisé dans l'ensemble plus
vaste de l'infraction collective préméditée.
S'il est vrai que le législateur a adopté une démarche réaliste en énumérant des incriminations existantes, il aurait pu, comme il l'avait fait en matière de terrorisme(21),
forger un élément psychologique particulier entendant distinguer le participant au crime organisé de l'auteur ordinaire.
La seconde critique porte sur la liste des infractions sélectionnées qui n'est pas totalement convaincante. A titre d'exemple, le meurtre a été retenu mais non les violences
volontaires, la corruption a été écartée alors que les analyses criminologiques pouvaient encourager à en inclure certaines hypothèses(22) et que la Convention des Nations
unies y fait référence(23). Ou encore, le législateur incrimine l'instigation lorsqu'elle vise à faire commettre un assassinat ou un empoisonnement(24), mais ne fait pas
relever cette nouvelle infraction du champ de la délinquance organisée alors que le caractère secret de ce type d'agissements aurait pu expliquer le recours aux nouveaux
procédés d'enquête.
Le législateur distingue en fin de compte deux sortes de délinquance organisée : une que l'on peut qualifier de grave et l'autre d'ordinaire.
La première est cernée par l'article 706-73 nouveau du code de procédure pénale qui énumère quinze infractions ou catégories d'infractions : 1° meurtre commis en bande
organisée (art. 221-4, 8°, c. pén.) ; 2° tortures et actes de barbarie commis en bande organisée (art. 222-4) ; 3° crimes et délits de trafic de stupéfiants (art. 222-34 à 22240) ; 4° crimes et délits d'enlèvement et de séquestration commis en bande organisée (art. 224-5-2) ; 5° crimes et délits aggravés de traite des êtres humains (art. 225-4-2 à
225-4-7) ; 6° crimes et délits aggravés de proxénétisme (art. 225-7 à 225-12) ; 7° crime de vol commis en bande organisée (art. 311-9)(25) ; 8° crimes aggravés d'extorsion
(art. 312-6 et 312-7) ; 9° crime de destruction, dégradation et détérioration d'un bien commis en bande organisée (art. 322-8) ; 10° crimes en matière de fausse monnaie (art.
442-1 et 442-2) ; 11° actes de terrorisme (art. 421-1 à 421-5) ; 12° délits en matière d'armes commis en bande organisée (loi du 19 juin 1871, art. 3 ; décret du 18 avril 1939,
art. 24, 26 et 31 ; loi du 9 juin 1972, art. 4) ; 13° délits d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d'un étranger commis en bande organisée (Ord. 2 nov 1945,
art. 21, I, al. 4)(26) ; 14° délits de blanchiment (art. 324-1 et 324-2 c. pén.) ou de recel (art. 321-1 et 321-2) du produit, des revenus, des choses provenant des infractions
mentionnées aux 1° à 13° ; 15° délits d'association de malfaiteurs (art. 450-1) lorsqu'ils ont pour objet la préparation de l'une des infractions mentionnées aux 1° à 14°.
Bien que la circonstance aggravante de « bande organisée » ait été introduite dans de nouvelles incriminations par la loi Perben II(27), il convient de remarquer que toutes
celles énumérées dans la liste n'en sont pas systématiquement assorties - et qu'alors des actes commis isolément peuvent être appréhendés au titre du crime organisé - ce qui
fait encore douter du choix opéré par le législateur et souligne le manque de cohérence de la démarche(28).
Le crime organisé ordinaire est lui posé par l'article 706-74 nouveau du code de procédure pénale visant deux cas : 1° les crimes et délits commis en bande organisée autres
que ceux relevant de l'article 706-73(29) ; 2° les délits d'association de malfaiteurs prévus par le deuxième alinéa de l'article 450-1 du code pénal autres que ceux relevant
du 15° de l'article 706-73 du code de procédure pénale.
Cette distinction au sein du crime organisé exprime la volonté du législateur d'adapter les nouvelles règles de procédure en la matière à la gravité de l'infraction poursuivie.
Tous les nouveaux moyens d'investigation encadrés par la loi du 9 mars 2004 pourront être mis en oeuvre lorsque est en cause une des infractions figurant dans la première
liste, mais non systématiquement pour celles de la seconde. Le législateur veille ainsi au respect des principes de nécessité et de proportionnalité, indispensables à la
conciliation des exigences constitutionnelles contraires, que sont, d'un côté, les impératifs de prévention et de répression des atteintes à l'ordre public et, de l'autre, le respect
des libertés.
II - La procédure applicable au crime organisé : nécessité et proportionnalité
Les infractions en matière de trafic de stupéfiants, de proxénétisme et de terrorisme donnaient déjà lieu à des règles de procédures particulières. Le législateur a décidé de ne
pas les supprimer, tout en veillant à leur coordination avec le nouveau dispositif, et les praticiens devront alors jongler avec ces dispositions et celles posées par la loi du 9
mars 2004 applicables au crime organisé(30).
Monsieur le professeur Pradel(31) avait souligné le besoin d'introduire dans la procédure pénale française l'enquête proactive. L'enquête traditionnelle, dite réactive, est, en
effet, inadaptée pour appréhender des formes occultes de délinquance.
Le législateur crée dans le livre IV du code de procédure pénale un titre XXV, intitulé « De la procédure applicable à la criminalité et à la délinquance organisées », et pose
des règles permettant de faire face à la mobilité du crime organisé (B), facilitant l'obtention de preuves (C) et incitant à la révélation d'informations (D), sans sacrifier les
libertés fondamentales (A)
A - Garantir les libertés fondamentales
Le soin que le législateur a eu de proposer deux listes d'infractions relevant du crime organisé reflète une volonté de graduation. La loi a cherché une adéquation entre la
gravité du comportement répréhensible et le caractère exceptionnel de la mesure d'investigation mise en oeuvre. Alors que l'ensemble des dispositions du nouveau titre
XXV est applicable pour tous les crimes et délits énumérés à l'article 706-73 du code de procédure pénale, il doit être indiqué expressément par la loi celles de ces mesures
qui pourront être utilisées pour les infractions de l'article 706-74. Il s'agit là, finalement, de l'application d'un principe directeur affirmé par l'article préliminaire du code de
procédure pénale(32) qui réclame également l'intervention de l'autorité judiciaire pour l'adoption et le contrôle de mesures de contraintes. Sur ce dernier point, la loi Perben
II se montre également soucieuse de mettre en place un système adapté puisque, selon le risque que comporte le moyen mis en oeuvre, la décision sera prise par le
procureur de la République, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention qui voit son rôle conforté.
Le Conseil constitutionnel a, bien entendu, été attentif au respect des libertés et deux points de sa décision doivent retenir l'attention.
Le premier censure un article de la loi selon lequel « Le fait qu'à l'issue de l'enquête ou de l'information ou devant la juridiction de jugement la circonstance aggravante de
bande organisée ne soit pas retenue ne constitue pas une cause de nullité des actes régulièrement accomplis en application des dispositions du présent titre »(33). Pour les
juges de la rue Montpensier, « si le législateur pouvait exonérer de nullité les actes d'enquête ou d'instruction dès lors que la circonstance aggravante de bande organisée
paraissait caractérisée à la date où ils ont été autorisés, il ne pouvait exonérer, de façon générale, des actes qui auraient été autorisés en méconnaissance des exigences
susmentionnées »(34). Autrement dit, doivent pouvoir être sanctionnés les détournements de procédure consistant à recourir aux moyens spéciaux d'investigation sans que
des éléments factuels accréditent sérieusement la qualification retenue pour justifier ces procédés.
Un autre point est particulièrement intéressant dans la décision de Conseil constitutionnel. Il s'agit d'une réserve d'interprétation directive de portée générale. Cette pratique
des réserves d'interprétation - par laquelle le Conseil constitutionnel rectifie la copie du législateur et anticipe la tâche du juge judiciaire sans prendre le risque de remettre
en cause l'économie du texte par une déclaration de non-conformité - est d'autant plus regrettable que les enjeux pour les libertés sont importants(35). Dans la présente
décision, les neuf sages rappellent que les mesures spéciales d'investigation instituées par la loi doivent être conduites « dans le respect des prérogatives de l'autorité
judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, et que les restrictions qu'elles apportent aux droits constitutionnellement garantis soient nécessaires à la manifestation de la
vérité, proportionnées à la gravité et à la complexité des infractions commises et n'introduisent pas de discriminations injustifiées »(36). Autant de recommandations qui
réclameront une mise en oeuvre concrète face au phénomène du crime organisé dont la complexité tient, notamment, à la mobilité.
B - Faire face à la mobilité
La criminalité organisée est mobile, aussi bien au-dessus des frontières qu'à l'intérieur même du territoire national. Notre organisation judiciaire étant trop fragmentée pour
répondre efficacement à ce type de délinquance, le législateur a souhaité instaurer des juridictions interrégionales spécialisées (1°) et permettre une extension géographique
souple des surveillances policières (2°).
1°) Création de juridictions interrégionales spécialisées - La loi nouvelle instaure des juridictions interrégionales spécialisées. Ainsi la « compétence territoriale d'un
tribunal de grande instance ou d'une cour d'assises peut être étendue au ressort d'une ou plusieurs cours d'appel pour l'enquête, la poursuite, l'instruction et le jugement » des
infractions relevant de la criminalité organisée grave (art. 706-73 c. pr. pén.) et ordinaire (art. 706-74), à l'exception des affaires de terrorisme(37). Cette compétence, qui
s'étend aux infractions connexes, est concurrente de celle des juridictions ordinaires puisqu'elle ne joue que pour les affaires « qui sont ou apparaîtraient d'une grande
complexité »(38) - critère qui reste à préciser -, les affaires simples de criminalité organisée relevant des juridictions de droit commun. Pour éviter les renvois nuisant à la
rapidité du traitement des contentieux il est indiqué que la juridiction spécialisée saisie demeure compétente quelles que soient les qualifications retenues lors du règlement
ou du jugement de l'affaire, sauf si l'infraction constitue une contravention. Pour assurer une répression cohérente, il est prévu que le procureur général près la cour d'appel,
dans le ressort de laquelle se trouve une juridiction spécialisée compétente, anime et coordonne, avec les autres procureurs généraux du ressort interrégional, la conduite de
la politique d'action publique(39).
2°) Extension de la compétence policière - Toujours dans le souci d'adapter la réponse pénale à la mobilité de la délinquance organisée, il est permis aux officiers de police
judiciaire (OPJ) et, sous leur autorité, aux agents de police judiciaire (APJ) d'étendre « à l'ensemble du territoire national la surveillance de personnes contre lesquelles il
existe une ou plusieurs raisons plausibles de les soupçonner d'avoir commis l'un des crimes et délits entrant dans le champ d'application des articles 706-73 ou 706-74 du
code de procédure pénale ou la surveillance de l'acheminement ou du transport des objets, biens ou produits tirés de la commission de ces infractions ou servant à les
commettre »(40). Il a été décidé de ne pas limiter la surveillance aux personnes, mais de l'étendre aux biens et produits pour multiplier les possibilités d'identification des
membres d'un réseau. Cette extension de compétence ne réclame que l'information préalable, par tout moyen, du procureur de la République, qui peut s'opposer à cette
mesure, et non son autorisation afin de privilégier la souplesse du mécanisme et d'éviter l'interruption d'opérations en cours(41).
L'infiltration policière, qui facilite encore l'obtention de preuves, est, elle, admise dans des conditions plus restrictives.
C - Faciliter l'obtention des preuves
Le caractère occulte de la criminalité organisée rend la recherche des preuves délicate : les témoins sont souvent impressionnés et le professionnalisme des auteurs réduit les
chances de trouver des indices matériels. Le législateur a répondu à l'invitation des textes internationaux de mettre en oeuvre des moyens intrusifs exceptionnels(42) (1°), et
a également choisi de développer les mesures coercitives (2°), limitant cependant l'emploi de tous ces procédés aux seules infractions énumérées par l'article 706-73 du
code de procédure pénale au nom des principes de nécessité et de proportionnalité.
1°) Moyens intrusifs - La loi du 9 mars 2004 permet le recours à l'infiltration d'un réseau criminel (a), étend les possibilités de mise sur écoute téléphonique (b) et
réglemente les techniques de sonorisation et de fixation d'images dans certains lieux ou véhicules (c).
a) Infiltration d'un réseau criminel - L'infiltration est définie par le nouvel article 706-81, alinéa 2, du code de procédure pénale. Elle « consiste, pour un officier ou un
agent de police judiciaire spécialement habilité dans des conditions fixées par décret et agissant sous la responsabilité d'un officier de police judiciaire chargé de coordonner
l'opération, à surveiller des personnes suspectées de commettre un crime ou un délit en se faisant passer, auprès de ces personnes, comme un de leurs coauteurs, complices
ou receleurs ». La loi encadre strictement ce procédé ; elle entend à la fois permettre une certaine transparence de l'opération pour garantir les droits de la défense, et assurer
la sécurité de l'agent infiltré.
L'infiltration ne peut être utilisée que lorsque les nécessités de l'enquête ou de l'instruction, concernant une infraction énumérée à l'article 706-73 du code de procédure
pénale, le justifient. Le procureur de la République ou le juge d'instruction donnent l'autorisation, et procèdent au contrôle du déroulement de l'opération, à laquelle ils
peuvent y mettre fin à tout moment (art. 706-81 c. pr. pén.). Un OPJ, responsable de l'infiltration, rédigera un rapport comportant les éléments strictement nécessaires à la
constatation des infractions.
A peine de nullité, l'autorisation est donnée par écrit et spécialement motivée : elle précise l'infraction justifiant la mesure, l'identité de l'OPJ responsable de l'opération, la
durée de l'infiltration, qui ne peut excéder quatre mois ; un renouvellement est cependant possible pour la même durée et aux mêmes conditions (art. 706-83 c. pr. pén.). Le
principe du contradictoire est aménagé : d'une part, seul l'OPJ responsable de l'opération peut être entendu comme témoin ; cependant, si la personne poursuivie est mise en
cause par les constatations réalisées par l'agent infiltré, elle peut demander à être confrontée avec lui dans des conditions garantissant l'anonymat de ce dernier(43) (art. 70686 c. pr. pén.). D'autre part, afin d'être en harmonie avec les exigences de la Cour européenne des droits de l'homme(44), une condamnation ne peut être fondée sur les
seules déclarations des policiers infiltrés, sauf révélation de leur véritable identité (art. 706-87 c. pr. pén.)(45). Enfin, l'opération d'infiltration doit permettre de constater la
réalisation d'une infraction, mais ne saurait consister en une incitation à en commettre, à peine de nullité. Il s'agit d'une provocation à la preuve, non au crime ou au délit
(art. 706-81 c. pr. pén.).
L'agent infiltré est assuré que sa responsabilité pénale ne sera pas engagée lorsqu'il réalise, pour les besoins de l'opération, l'un des actes énumérés à l'article 706-82 du code
de procédure pénale ; cette exonération est étendue aux personnes requises par un officier ou un agent de police judiciaire « pour les actes commis à seule fin de procéder à
l'opération d'infiltration » ; il pourrait s'agir, par exemple, du propriétaire d'un local le mettant à disposition sur demande pour stocker des produits stupéfiants (art. 706-82 c.
pr. pén.)(46).
L'agent a la possibilité de prendre une identité d'emprunt et son identité réelle ne doit pas figurer dans la procédure, sa révélation est d'ailleurs incriminée (art. 706-84 c. pr.
pén.). Une cessation brutale de l'opération pouvant être dangereuse pour l'agent, la loi aménage sa sortie du réseau criminel en permettant une prolongation de son rôle (art.
706-85 c. pr. pén.).
b) Interception de correspondances émises par voie des télécommunications - Si les écoutes téléphoniques ne sont possibles, selon la loi du 10 juillet 1991, qu'au stade de
l'instruction, la loi du 9 mars 2004 permet leur utilisation lors des enquêtes policières. Désormais, les écoutes sont permises « si les nécessités de l'enquête de flagrance ou
de l'enquête préliminaire relative à l'une des infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 l'exigent »(47).
L'autorisation de recourir à ce procédé, pour une durée de quinze jours renouvelable, une fois, est délivrée, à la requête du procureur de la République, par le juge des
libertés et de la détention, qui contrôlera le déroulement des opérations et sera informé, sans délai, par le procureur de la République des actes accomplis. Les modalités et
garanties existant dans le cadre de l'instruction doivent être respectées ici(48).
c) Sonorisation et fixation d'images dans certains lieux ou véhicules - Les précautions prises par les membres d'un réseau criminel organisé ont poussé l'Assemblée
nationale à consacrer, et donc encadrer, dans le projet de loi, l'utilisation de procédés techniques particulièrement intrusifs permettant la captation, la fixation, la
transmission et l'enregistrement de paroles ou d'images dans les lieux ou véhicules privés lors de l'instruction. Pour une durée de quatre mois renouvelable, le juge
d'instruction autorise le recours à ce moyen par une ordonnance motivée « lorsque les nécessités de l'information concernant un crime ou un délit entrant dans le champ
d'application de l'article 706-73 l'exigent » et contrôle l'opération. Ce procédé ne peut donc être utilisé que dans le cadre d'une instruction. Si l'opération doit intervenir avant
6 heures ou après 21 heures, dans un lieu d'habitation, l'autorisation est donnée par le juge des libertés et de la détention, saisi par le juge d'instruction, mais lorsqu'elle est
réalisée dans un véhicule ou dans un lieu privé, ne servant pas à l'habitation, aux mêmes horaires, le juge d'instruction est compétent.
Certains lieux demeurent à l'abri de ce dispositif, il s'agit : du domicile, du cabinet ou du véhicule d'un avocat, du cabinet d'un médecin, d'un notaire, d'un avoué, d'un
huissier ainsi que des locaux d'une entreprise de presse ou de communication audiovisuelle et du véhicule, du bureau ou du domicile d'un député, d'un sénateur ou d'un
magistrat.
Un procès-verbal, versé au dossier, portera transcription ou description des conversations ou des images utiles à la manifestation de la vérité ; les enregistrements sont
détruits à l'expiration du délai de prescription de l'action publique(49).
2°) Moyens coercitifs - La loi nouvelle facilite les possibilités de perquisitions (a) et prévoit quelques règles particulières pour la garde à vue (b).
a) Les perquisitions - Pour les infractions relevant de la criminalité organisée grave (art. 706-73 c. pr. pén.), il a été décidé d'élargir les possibilités de perquisitionner(50).
Tout d'abord, si les nécessités de l'enquête de flagrance l'exigent, les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction peuvent être réalisées de nuit, c'està-dire avant 6 heures ou après 21 heures (art. 706-89)(51). L'autorisation est donnée par le juge des libertés et de la détention, sur requête du procureur de la République. Il
en est de même en matière d'enquête préliminaire : les opérations, ne réclamant pas l'assentiment de l'intéressé dès lors qu'elles concernent des infractions punies d'au moins
cinq ans d'emprisonnement, peuvent avoir lieu de nuit, mais ne sauraient se dérouler dans des locaux d'habitation (art. 706-90)(52). Cette même restriction est posée par
l'article 706-91 du code de procédure pénale qui prévoit la possibilité pour le juge d'instruction d'autoriser, si les nécessités de l'instruction l'exigent, les OPJ agissant sur
commission rogatoire à procéder à des perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction de nuit. Le législateur a, cependant, précisé trois hypothèses
permettant, au juge d'instruction, en cas d'urgence, d'autoriser une intervention dans les locaux d'habitation : « 1° Lorsqu'il s'agit d'un crime ou d'un délit flagrant ; 2°
Lorsqu'il existe un risque immédiat de disparition des preuves ou des indices matériels ; 3° Lorsqu'il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'une ou
plusieurs personnes se trouvant dans les locaux où la perquisition doit avoir lieu sont en train de commettre des crimes ou des délits entrant dans le champ d'application de
l'article 706-73 »(53). Le législateur, exigeant l'urgence, a ainsi pris soin d'enserrer ces perquisitions dans des limites temporelles strictes et prévoit l'autorisation et le
contrôle d'un magistrat du siège pour éviter d'éventuels griefs du Conseil constitutionnel(54). Dans tous les cas, l'autorisation est donnée, à peine de nullité, par une
ordonnance écrite, insusceptible d'appel, dont la motivation doit justifier la nécessité des opérations et indiquer la qualification de l'infraction dont la preuve est recherchée
et l'adresse exacte où les investigations doivent avoir lieu. Les opérations se déroulent sous la surveillance du magistrat qui les a autorisées (art. 706-92 c. pr. pén.).
Ce régime, applicable aux infractions relevant de la criminalité organisée grave, ne fait pas totalement disparaître des dispositions spécifiques existant en matière de trafic
de stupéfiants et de proxénétisme(55).
b) La garde à vue - Toujours pour les infractions relevant de la criminalité organisée grave (art. 706-73 c. pr. pén.), la garde à vue pourra durer quatre-vingt-seize heures.
Au-delà des quarante-huit heures de droit commun, deux prolongations supplémentaires de vingt-quatre heures sont possibles, et il peut être accordé une seule prolongation
de quarante-huit heures si les investigations envisagées le justifient, afin de favoriser l'adaptation de cette mesure aux nécessités de l'enquête (art. 706-88 c. pr. pén.)(56).
Ces prolongations sont accordées par le juge des libertés et de la détention ou par le juge d'instruction - donc seulement par un magistrat du siège -, sur requête du procureur
de la République, par décision écrite et motivée. La personne gardée à vue doit être présentée au magistrat pour la première prolongation, mais, exceptionnellement, peut ne
pas l'être pour la seconde. Pour ces prolongations supplémentaires au-delà de quarante-huit heures, un examen médical est pratiqué lors de la première prolongation et
l'intéressé pourra demander, par la suite, un nouvel examen.
La question du moment de l'intervention de l'avocat obéit à des règles complexes résultant de la combinaison de l'article 63-4 du code de procédure pénale modifié et du
nouvel article 706-88 de ce code. Pour les infractions visées au 4°, 6°, 7°, 8° et 15° de l'article 706-73, le premier contact avec un avocat aura lieu à la quarante-huitième
heure ; les autres infractions énumérées par le même article relèvent du droit commun qui prévoit l'intervention de l'avocat à la première, puis à la vingt-quatrième heure.
Lorsque les prolongations supplémentaires de l'article 706-88 sont utilisées pour l'une ou l'autre des infractions précédentes, l'avocat intervient lors de la quarante-huitième
heure - ce sera alors, selon l'infraction, sa première ou sa troisième intervention - puis à la soixante-douzième heure. Doit être réservé le cas des 3° (trafic de stupéfiants) et
11° (terrorisme) de l'article 706-73 du code de procédure pénale pour lesquels l'avocat n'interviendra pour la première fois qu'à la soixante-douzième heure.
Le Conseil constitutionnel, qui rappelle que cette mesure ne joue que pour des infractions déterminées, dont la gravité et la complexité appellent des investigations
particulières, ne fait aucun reproche à la loi compte tenu des conditions de prolongation et des garanties prévues(57). Il admet également le report de l'intervention de
l'avocat pour la première fois à la quarante-huitième heure pour certaines infractions, parce que le nouveau dispositif, « s'il modifie les modalités d'exercice des droits de la
défense, n'en met pas en cause le principe »(58) et que le procureur de la République devra contrôler la qualification retenue par l'OPJ pour justifier ce report.
Lorsque, au cours d'une enquête, il a été fait application des règles spéciales de procédure posées en matière de criminalité organisée, l'information de la personne placée en
garde à vue six mois auparavant est prévue par l'article 706-105 du code de procédure pénale. Lorsque l'enquête se poursuit, et que le procureur envisage de procéder à de
nouvelles auditions, la personne peut même demander à un avocat de consulter le dossier. L'avocat sera également présent lorsque, après une telle enquête, la personne est
déférée devant le procureur en vue d'une comparution immédiate. Il pourra consulter le dossier sur le champ et faire valoir des éléments qui, selon lui, justifient l'ouverture
d'une information plutôt qu'une comparution immédiate (art. 706-106).
Ce dispositif s'enrichit des prescriptions relatives aux repentis : ces auteurs d'infractions qui bénéficient de mesures de faveur lorsqu'ils révèlent aux autorités des
informations utiles.
D - Inciter à la révélation d'informations
L'incitation à dénoncer aux autorités les auteurs d'infractions n'est pas inconnue de notre droit. En matière de terrorisme, de trafic de stupéfiants, d'évasion, de fausse
monnaie et d'association de malfaiteurs, il était déjà promis à un délinquant repenti une exemption ou une réduction de peine s'il communiquait des renseignements utiles
(59). Ces dispositions ponctuelles traduisaient l'embarras du législateur face à une personne que certains qualifient de délateur et d'autres de collaborateur de la justice.
Beccaria, se résignant à des raisons pratiques, avait admis, non sans réticence, l'impunité de cet agent(60).
La loi nouvelle, qui pose un statut complet du repenti, assurant sa sécurité et sa réinsertion (art. 706-63-1 c. pr. pén.), crée une disposition au sein du livre I, donc parmi les
règles générales, et non dans le cadre du seul crime organisé(61). L'article 132-78 nouveau du code pénal prévoit deux hypothèses. Tout d'abord, une exemption de peine,
au profit de la personne qui a tenté de commettre un crime ou un délit, lorsque l'information, communiquée aux autorités, « a permis d'éviter la réalisation de l'infraction et,
le cas échéant, d'identifier les auteurs ou complices ». Ensuite, une réduction de la peine encourue par une personne ayant commis un crime ou un délit si, ayant averti les
autorités, « elle a permis de faire cesser l'infraction, d'éviter que l'infraction ne produise un dommage ou d'identifier les autres auteurs ou complices » ; ou encore si elle a
permis « soit d'éviter la réalisation d'une infraction connexe de même nature que le crime ou le délit pour lequel elle était poursuivie, soit de faire cesser une telle infraction,
d'éviter qu'elle ne produise un dommage ou d'en identifier les auteurs ou complices »(62). Ces faveurs ne seront accordées que si l'information révélée est d'une qualité
suffisante pour produire les effets décrits par le texte, et si elles sont prévues par la loi à propos de l'infraction dénoncée. Le législateur a décliné cette disposition en matière
(63) : d'atteintes volontaires à la vie (art. 221-5-3 c. pén.), d'actes de tortures et de barbarie (art. 222-6-2), de trafic de stupéfiants (art. 222-43 et 222-43-1), d'enlèvement et
séquestration (art. 224-5-1), de détournement d'aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport (art. 224-8-1), de traite des êtres humains (art. 225-4-9), de
proxénétisme (art. 225-11-1), de vol en bande organisée (art. 311-9-1), d'extorsion en bande organisée (art. 312-6-1), pour les infractions en matière d'armes visées par
l'article 706-73 du code de procédure pénale. De façon regrettable, aucune mesure de faveur n'est prévue en matière de blanchiment ou de recel, qui sont pourtant au coeur
de la criminalité organisée en assurant l'alimentation financière du réseau.
Il est indiqué par le dernier alinéa de l'article 132-78 du code pénal qu'aucune condamnation ne peut être fondée sur les seules déclarations d'un repenti. Ce dernier peut être
autorisé par une ordonnance motivée du président du tribunal de grande instance à utiliser une identité d'emprunt, dont la révélation est incriminée.
Utile pour lutter contre des infractions clandestines, ce dispositif doit demeurer exceptionnel et lié à la dangerosité incontestable des infractions à déceler. Son champ n'est
pas celui de l'article 706-73 du code de procédure pénale, ce qui fait encore douter du choix de définition du crime organisé ainsi que de la cohérence d'ensemble de cet
édifice législatif à facettes multiples qu'est la loi du 9 mars 2004.
Conclusion de la première partie - L'étude des dispositions de la loi nouvelle consacrées à la lutte contre le crime organisé ne laisse pas pleinement satisfait. La volonté
louable du législateur de graduer l'atteinte portée aux libertés en fonction de la gravité des faits, objet des investigations, a certes convaincu le Conseil constitutionnel, qui
manie également le principe de proportionnalité, mais conduit à une casuistique qui générera inévitablement des erreurs.
Outre les imperfections précédemment relevées, une piste n'a peut-être pas suffisamment été exploitée par le législateur.
Une lutte efficace contre le crime organisé ne se réalise pas seulement par la punition des auteurs d'infractions, mais également par le démantèlement des réseaux criminels
grâce à la confiscation des profits financiers générés par les activités délictueuses(64).
Les instruments internationaux traitant du crime organisé incitent les Etats à suivre cette voie(65). En ce sens, la loi nouvelle a étendu deux mesures : d'une part, elle
prévoit, à plusieurs égards, l'incrimination punissant celui qui ne peut justifier de ressources correspondant à son train de vie tout en étant en relations habituelles avec des
auteurs d'infractions limitativement visées(66), ce qui permet d'appréhender plus facilement des responsables d'organisations criminelles grâce à une présomption de
culpabilité ; d'autre part, elle étend à de nouvelles incriminations la peine de confiscation générale des biens du condamné(67). Sans doute, ces deux mesures sont à manier
avec beaucoup de circonspection : la première, parce qu'elle pose un renversement de la charge de la preuve imposant au prévenu de justifier de l'origine de ses ressources ;
la seconde parce qu'elle postule un changement d'orientation de notre droit pénal. Mais le législateur aurait pu s'interroger plus longuement sur la place à accorder à ces
deux mesures dont l'efficacité est précisément adaptée au phénomène criminel visé et tenter de les faire mieux coïncider avec le champ du crime organisé.
Ce souci d'adaptation du droit pénal se manifeste dans la loi à d'autres propos que le crime organisé. La diversification de la réponse pénale apportée à la délinquance en
général en est une autre illustration, témoignant du rôle reconnu au ministère public.
2e Partie - EFFICACITE ET DIVERSIFICATION DE LA REPONSE PENALE
La loi du 9 mars 2004 comporte un important volet sur l'action publique qui aura certainement un impact pratique et des répercussions théoriques non négligeables. Le
législateur a voulu concilier l'inconciliable : diminuer le nombre de classement sans suite tout en tentant d'apporter une solution à l'encombrement des juridictions de
jugement.
Matériellement, le premier souhait du législateur réclamera des moyens importants. Plus fondamentalement, le second souhait aboutit à un changement de physionomie du
procès pénal par la mise en place d'une procédure juridictionnelle dans laquelle le premier rôle revient au procureur de la République et non au juge. Est-ce une simple
évolution ou une véritable dérive de la procédure pénale française(68) ? Légitimement préoccupé par la « gestion des flux », le législateur s'est peut-être un peu trop focalisé
sur ce seul souci. A ne prêter attention qu'aux matériaux, on en oublie l'architecture du code comme de la procédure elle-même.
Parmi les questions qui demeurent toujours en suspens, le statut du ministère public est un thème récurrent et sensible. Alors que dans un ouvrage récent Monsieur le
procureur général près la Cour de cassation et Maître Lombard proposaient l'instauration d'un « office judiciaire indépendant, composé de magistrats, ayant à sa tête un
procureur général de la nation chargé d'assurer l'unité du ministère public et de son action sur l'ensemble du territoire national »(69), la loi Perben II entend bien renforcer la
cohérence de l'action publique mais en maintenant les liens hiérarchiques actuels qui font l'objet d'une nouvelle affirmation.
Dans tous les cas, le législateur, tout en maintenant le principe de l'opportunité des poursuites, entend assurer l'efficacité des réponses pénales (I) et renforcer leur diversité
(II).
I - Efficacité de la réponse pénale : cohérence et systématisation
La loi du 9 mars 2004 clarifie et coordonne les règles relatives à l'action publique en rassemblant les dispositions existantes et en consacrant des pratiques judiciaires, sans
véritablement innover. Elle entend permettre le renforcement de la cohérence de la politique d'action publique (A) pour une meilleure unité d'application de la loi pénale,
qui sera plus systématique en limitant les classements sans suite (B).
A - Renforcer la cohérence de la politique d'action publique
En 1997, la Commission de réflexion sur la justice rendait un rapport contenant des propositions sur l'action publique et le statut du parquet(70). Il était notamment envisagé
de mettre fin à la possibilité pour le garde des Sceaux d'adresser des instructions, de quelque nature que ce soit, dans des affaires particulières, et, en contrepartie, de lui
reconnaître un droit de saisine des juridictions. Un projet de loi, inabouti, avait l'intention de concrétiser ces idées(71).
La loi du 9 mars 2004 n'a pas choisi cette voie. Elle pose dans le code des dispositions exprimant les moyens de la hiérarchisation du ministère public (2) dans le but
d'assurer une meilleure cohérence de l'action publique (1).
1 - Le but de la hiérarchisation du ministère public
La loi Perben II crée dans le titre Ier du livre Ier du code de procédure pénale, intitulé « De l'exercice de l'action publique et de l'instruction », un chapitre 1er bis, « Des
attributions du garde des Sceaux, ministre de la Justice », comportant un article unique. Cet article 30, qui entend exposer le rôle du garde des Sceaux, débute par un alinéa
expliquant que « Le ministre de la Justice conduit la politique d'action publique déterminée par le gouvernement. Il veille à la cohérence de son application sur le territoire
de la République ». La Commission de réflexion sur la justice, qui avait souligné le besoin d'inscrire la notion de « politique d'action publique » dans la loi, indiquait que
celle-ci « a pour objet d'inscrire le traitement individuel des contentieux (opportunité des poursuites) dans un cadre d'ensemble visant à une application cohérente de la loi,
en fixant des priorités compte tenu des circonstances et en veillant au respect de l'égalité entre les citoyens »(72). La Commission proposait l'inscription de cette notion dans
le code de l'organisation judiciaire, expliquant qu'elle a un sens plus large que celle de « politique pénale », quitte à prévoir des renvois dans le code de procédure pénale.
Cette façon de faire paraît, en effet, plus adaptée pour satisfaire le but même de cohérence.
Le législateur a préféré modifier le seul code de procédure pénale et donne un écho à ce souci de cohérence dans le nouvel article 35 de ce code qui confie au procureur
général la mission de veiller « à l'application de la loi pénale dans toute l'étendue du ressort de la cour d'appel et au bon fonctionnement des parquets de son ressort » et
ajoute : « A cette fin, il anime et coordonne l'action des procureurs de la République ainsi que la conduite de la politique d'action publique par les parquets de son ressort ».
Enfin, la loi prévoit que le procureur de la République adresse au procureur général, non plus un rapport mensuel, mais « un rapport annuel sur l'activité et la gestion de son
parquet ainsi que sur l'application de la loi »(73). Il peut également rédiger des rapports particuliers de sa propre initiative ou sur demande du procureur général.
L'article 30 du code de procédure pénale est présenté comme l'expression, dans la loi, de l'article 20 de la Constitution qui pose le principe que « le gouvernement détermine
et conduit la politique de la nation ». Le Conseil constitutionnel se fonde, d'ailleurs, sur cette disposition ainsi que sur l'article 5 de l'ordonnance du 22 décembre 1958,
portant loi organique relative au statut de la magistrature, qui place les magistrats du parquet sous l'autorité du ministre de la Justice, pour valider le texte contrôlé. La
nouvelle disposition « qui définit et limite les conditions dans lesquelles s'exerce cette autorité ne méconnaît ni la conception française de la séparation des pouvoirs, ni le
principe selon lequel l'autorité judiciaire comprend à la fois les magistrats du siège et ceux du parquet, ni aucun autre principe ou règle de valeur constitutionnelle »(74).
Ce dispositif laisse perplexe à deux égards. Tout d'abord, ne fallait-il pas préférer l'expression « politique pénale » à celle de « politique d'action publique » ? Ensuite, si la
loi a une portée symbolique, quelle sera la signification de ce nouveau chapitre pour le justiciable ?
2 - Les moyens de la hiérarchisation du ministère public
La loi définit les moyens accordés pour assurer une application la plus uniforme possible de la politique d'action publique.
Le garde des Sceaux peut, en premier lieu, adresser « aux magistrats du ministère public des instructions générales d'action publique ». Est ainsi inscrite dans la loi la
pratique des circulaires dont l'objet est soit d'interpréter un texte nouveau, soit de dessiner des priorités dans la mise en oeuvre de la politique pénale. Dans tous les cas, ces
circulaires n'ont pas de valeur normative, mais simplement interprétative ou indicative(75).
En second lieu, le ministre de la Justice conserve la possibilité d'intervenir, auprès du procureur général, dans des dossiers individuels. Il n'est donc pas inconcevable, en
théorie, qu'un garde des Sceaux demande qu'il soit recouru à une procédure de plaider coupable plutôt qu'à une procédure ordinaire. Cette prérogative est cependant
doublement encadrée : l'objet de l'intervention ne peut être que l'engagement d'une poursuite et non le classement sans suite ; la forme de l'intervention est également définie
par le législateur : il doit s'agir d'instructions écrites et versées au dossier de la procédure(76). Dans les mêmes conditions, le procureur général peut enjoindre aux
procureurs de la République « d'engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites que le procureur général juge
opportunes » (art. 36 c. pr. pén.)(77). Les liens hiérarchiques au sein du parquet se manifestent également dans la reconnaissance d'un recours hiérarchique au cas de
classement sans suite.
B - Une réponse judiciaire systématique
La loi nouvelle ne remet pas en cause le principe de l'opportunité des poursuites (1), mais restreint les effets de classement sans suite en prévoyant la possibilité d'un recours
hiérarchique (3) dont l'exercice sera facilité par l'information des intéressés (2).
1 - Maintien du principe de l'opportunité des poursuites
Le législateur a eu la volonté de permettre une réponse judiciaire systématique aux plaintes et dénonciations(78). A cette fin, la loi, si elle maintient le principe de
l'opportunité des poursuites(79), l'encadre plus précisément et entend réduire la part des classements sans suite. Selon l'article 40-1 du code de procédure pénale dans sa
nouvelle rédaction, lorsqu'il estime que les faits, portés à sa connaissance par plainte ou dénonciation, « constituent une infraction commise par une personne dont l'identité
et le domicile sont connus et pour laquelle aucune disposition légale ne fait obstacle à la mise en mouvement de l'action publique, le procureur de la République
territorialement compétent décide s'il est opportun : 1° Soit d'engager des poursuites ; 2° Soit de mettre en oeuvre une procédure alternative aux poursuites en application
des dispositions des articles 41-1 ou 41-2 ; 3° Soit de classer sans suite la procédure dès lors que les circonstances particulières liées à la commission des faits le justifient
»(80). Ces circonstances sont laissées à la libre appréciation du magistrat. Le classement sans suite, présenté comme le dernier choix offert au procureur de la République,
lorsque les faits constituent une infraction dont l'auteur est identifié, donne lieu à une information des intéressés, ainsi qu'à une possibilité de recours hiérarchique.
2 - L'information de la décision du procureur de la République
Lorsque sont décidées des poursuites ou des mesures alternatives aux poursuites, celles-ci, sans autre motivation, sont portées à la connaissance des plaignants et des
victimes, si elles sont identifiées, ainsi que des autorités constituées, officier public ou fonctionnaire tenus d'informer le procureur des crimes ou délits dont ils ont pu avoir
connaissance dans l'exercice de leurs fonctions (art. 40-2, al. 1er, c. pr. pén.).
Compte tenu de leur nombre, l'information motivée d'une décision de classement sans suite pose davantage de problèmes matériels, expliquant qu'aujourd'hui cela ne soit
prévu que pour certaines infractions commises contre un mineur(81). Le classement sans suite sera choisi « dès lors que les circonstances particulières liées à la commission
des faits le justifient », les travaux parlementaires donnent comme exemple l'extrême faiblesse du trouble causé à l'ordre public, et la situation spécifique dans laquelle se
trouve l'auteur des faits(82).
Le législateur a alors décidé de procéder en deux temps(83).
Jusqu'au 31 décembre 2007, les mêmes personnes que celles se voyant notifier une décision de poursuites ou de recours à une mesure alternative seront informées d'une
décision de classement sans suite, en précisant les raisons juridiques ou d'opportunité qui la justifient, « lorsque l'auteur des faits est identifié »(84).
Par la suite, le principe demeure mais amputé de cette dernière indication qui en limite la portée : tout classement devra donner lieu à une notification motivée.
Cette information a pour corollaire la possibilité d'un recours.
3 - Le recours hiérarchique
La pratique consistant à s'adresser au procureur général lorsque le procureur de la République classe sans suite trouve, dans la loi du 9 mars 2004, un cadre permettant de
clarifier son exercice.
Le nouvel article 40-3 du code de procédure pénale prévoit qu'un recours hiérarchique est ouvert au profit de « toute personne ayant dénoncé des faits au procureur de la
République » ; il ne s'agit donc pas seulement des personnes pouvant se constituer partie civile, mais, bien plus largement, de toute personne ayant signalé l'infraction. Cette
extension exprime encore une tendance à la privatisation de l'action publique, heureusement tempérée par le pouvoir du procureur général.
Ce dernier, saisi du recours contre la décision de classement sans suite, peut soit enjoindre au procureur de la République d'engager des poursuites par instructions écrites et
versées au dossier, soit informer l'intéressé qu'il estime son recours infondé.
Le ministère public joue dans la procédure pénale un rôle de plus en plus important, en particulier dans de nouvelles voies dont l'existence marque une diversification plus
forte de la réponse pénale.
II - Diversification de la réponse pénale : de la contradiction à la négociation ?
Exit le débat sur la preuve et la discussion contradictoire. L'aveu n'est pas seulement aujourd'hui une preuve confrontée aux autres éléments du dossier, il devient le
fondement de certaines procédures afin de diversifier la réponse pénale, objectif exprimé par le garde des Sceaux : « (...) le procès ne doit pas être la seule réponse possible
aux infractions : absence de procès ne signifie pas absence de justice »(85).
Mais cette diversification doit-elle conduire à juxtaposer la procédure de composition pénale et celle du plaider coupable alors que toutes deux reposent sur la nécessité d'un
aveu et réclament le contrôle d'un juge du siège ? En réalité, ces deux procédures ont une nature différente : l'une, qui est élargie, est une alternative aux poursuites (A),
l'autre, qui est créée, est un nouveau mode de poursuites constituant une alternative au procès classique (B).
A - Elargissement de la composition pénale
La composition pénale est un degré intermédiaire de réponse pénale pouvant, notamment, être utilisé au cas d'échec d'une mesure alternative au classement sans suite, telle
une médiation (1). Introduite récemment dans le code de procédure pénale (2), cette procédure voit sa place confortée par la loi du 9 mars 2004 (3).
1 - Des mesures alternatives au classement sans suite à la composition pénale
Le premier degré de réponse pénale est posé par l'article 41-1 du code de procédure pénale qui prévoit différentes mesures allant du rappel à la loi à la médiation. Le
procureur choisit ce procédé, préalablement à sa décision sur l'action publique, lorsqu'il lui paraît pouvoir assurer la réparation du dommage causé à la victime, mettre fin au
trouble à l'ordre public et contribuer au reclassement de l'agent. Pour l'essentiel, la loi nouvelle a entendu élargir le panel de mesures envisageables(86) et assurer l'efficacité
de ce qui relève davantage d'une mesure alternative au classement sans suite que d'une alternative aux poursuites. En ce sens, si l'auteur s'est engagé à indemniser la
victime, celle-ci - au vu du procès-verbal constatant la réussite de la médiation et dont une copie lui a été remise - peut demander le recouvrement des dommages et intérêts
suivant la procédure d'injonction de payer, conformément aux règles prévues par le nouveau code de procédure civile. Et le dernier alinéa de l'article tente de réduire l'aléa
de l'exécution, laissée au bon vouloir de l'auteur, en prévoyant que « En cas de non-exécution de la mesure en raison du comportement de l'auteur des faits, le procureur de
la République, sauf élément nouveau, met en oeuvre une composition pénale ou engage des poursuites ». Seul un échec dû au comportement de l'auteur est pris en compte,
sauf événement nouveau apprécié par le procureur. Sans doute, ce dernier voit-il son pouvoir d'appréciation plus strictement encadré, mais la loi lui permet encore de
recourir à la composition pénale, ce qui souligne le caractère hybride de cette procédure.
2 - Origine et développement de la composition pénale
Introduite en droit français par une loi du 23 juin 1999 qui tire les enseignements de la décision du Conseil constitutionnel du 2 février 1995, bloquant le texte relatif à
l'injonction pénale(87), la composition pénale est une forme de transaction qui repose sur l'aveu(88). Initialement, seuls les délits limitativement visés pouvaient donner lieu
à cette procédure qui débouche sur des mesures telles que la remise d'une chose, de permis de conduire ou de chasser, l'exécution d'un travail non rémunéré et surtout le
paiement d'une amende de composition dont le montant ne pouvait excéder 3 750 euros ni la moitié du maximum de l'amende encourue.
La mesure, proposée par le procureur et acceptée par l'intéressé, doit être validée par un juge du siège dont la décision est insusceptible de recours. Alors que, dans la loi de
1999, il était prévu que « Le président du tribunal peut procéder à l'audition de l'auteur des faits et de la victime, assistés, le cas échéant, de leur avocat. Les auditions sont
de droit si les intéressés le demandent », une loi du 9 septembre 2002(89) supprime cette dernière phrase et rend ces auditions facultatives, affectant ainsi le caractère
contradictoire de la procédure. Elle met également fin à l'interdiction de proposer cette mesure à une personne mise en garde à vue. La loi du 9 mars 2004 ne rétablit pas ces
garanties.
La composition pénale n'a pas connu d'engouement, bien que les chiffres témoignent d'une mise en oeuvre en sensible augmentation(90). Deux griefs ressortent des études.
Tout d'abord, l'exigence de validation, requise avec raison par le Conseil constitutionnel(91), réduit l'effet de désengorgement attendu des juridictions. Un magistrat(92)
souhaitait d'ailleurs que cette procédure, qui « demeure en pratique longue, lourde et complexe », laisse la place à l'ordonnance pénale, jugée simple et rapide. Il ne semble
pas y avoir de grandes différences entre une ordonnance de validation et une ordonnance pénale(93).
Ensuite, pour autant que la loi paraisse précise, une enquête de terrain révèle la diversité des pratiques mises en oeuvre par les juridictions(94). On remarque, ainsi, que «
l'information de l'auteur sur ses droits, et notamment celui d'être assisté d'un conseil, est plus ou moins précoce, effectuée par oral ou par écrit. Selon les modèles, les
dossiers avec des victimes sont exclus ou au contraire intégrés dans le champ de la composition pénale ».
Le législateur a cependant choisi, sans pallier ces difficultés, non seulement de conserver cette procédure, mais encore d'en augmenter le champ en essayant, ici également,
de réduire l'aléa de son exécution.
3 - Les apports de la loi nouvelle
La composition pénale voit son domaine généralisé. Désormais, le procureur peut proposer une composition pénale « à une personne physique qui reconnaît avoir commis
un ou plusieurs délits punis à titre de peine principale d'une peine d'amende ou d'une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à cinq ans, ainsi que, le cas
échéant, une ou plusieurs contraventions connexes » (art. 41-2, al. 1er, c. pr. pén.). La procédure de composition pénale est également applicable aux contraventions (art. 413)(95). Seuls demeurent hors de cette procédure : les mineurs de dix-huit ans, les délits de presse, d'homicides involontaires ou politiques(96).
Les « mesures » - le législateur n'utilise pas le vocable de peine - pouvant être proposées par le procureur voient également leur champ s'élargir(97). Le stage de
citoyenneté, accompli aux frais de l'intéressé, fait notamment son entrée dans la liste, mais il convient surtout de remarquer que les limites de l'amende de composition sont
abolies. Le maximum de cette amende est celui normalement encouru pour l'infraction en question. Ce dernier point a été à l'origine d'une opposition entre l'Assemblée
nationale et le Sénat qui souhaitait que l'amende de composition ne puisse excéder la moitié de l'amende encourue ni 7 500 euros, parce que cette procédure « repose sur le
principe selon lequel les mesures proposées sont moins sévères que les peines encourues pour l'infraction que l'individu reconnaît avoir commise »(98). Les députés ont en
revanche souligné que l'amende est fixée en fonction de la gravité des faits ainsi que des ressources et des charges de la personne et que, de toute façon, l'intéressé peut
toujours refuser l'offre du ministère public jugée peu avantageuse(99).
Si la procédure échoue, soit parce que « la personne n'accepte pas la composition pénale ou si, après avoir donné son accord, elle n'exécute pas intégralement les mesures
décidées, le procureur de la République met en mouvement l'action publique, sauf élément nouveau. En cas de poursuites et de condamnation, il est tenu compte, s'il y a
lieu, du travail déjà accompli et des sommes déjà versées par la personne ». Cette disposition limite encore le pouvoir d'appréciation du procureur(100), qui conservera
finalement une liberté de choix entre les poursuites et le classement sans suite dans la seule hypothèse où l'échec de la composition est dû à un défaut de validation. Dans les
autres cas d'échec, la notion d'« élément nouveau » est volontairement imprécise pour que le procureur conserve une certaine liberté.
La victime, laissée de côté dans cette procédure, voit sa situation sensiblement améliorée. Tout d'abord, comme cela était déjà prévu, elle peut, alors même que la réussite de
la composition a éteint l'action publique, délivrer citation directe devant le tribunal correctionnel ne statuant que sur les seuls intérêts civils. La loi nouvelle prévoit
seulement que le tribunal sera composé d'un seul magistrat exerçant les pouvoirs conférés au président.
Ensuite, lorsque l'auteur s'est engagé à verser des dommages et intérêts à la victime, celle-ci a la possibilité d'en demander le recouvrement au vu de l'ordonnance de
validation, suivant la procédure de l'injonction de payer.
Enfin, alors que jusque-là il était prévu que « la prescription de l'action publique est suspendue entre la date à laquelle le procureur de la République propose une
composition pénale et la date d'expiration des délais impartis pour exécuter la composition pénale », désormais « Les actes tendant à la mise en oeuvre ou à l'exécution de la
composition pénale sont interruptifs de la prescription de l'action publique ».
L'aveu émis dans cette procédure peut être rétracté puisque l'individu peut finalement refuser d'exécuter la mesure acceptée. La possibilité de rétractation a été prise en
compte dans l'aménagement de la nouvelle procédure du plaider coupable.
B - Instauration du plaider coupable
Sous l'Ancien Régime l'aveu n'était pas considéré, par la majorité des auteurs, comme une preuve parfaite. Un élément extérieur était donc requis pour le compléter(101). A
l'heure des empreintes génétiques, l'aveu fait un retour en force avec l'instauration d'un véritable mode de jugement dont l'existence même est fondée sur cette preuve et qui
peut aboutir au prononcé d'une peine privative de liberté.
L'idée d'introduire ce type de procédure dans notre droit n'est pas nouvelle et repose sur des arguments que l'on peut discuter (1). Le domaine et les modalités de la
comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité - c'est sa dénomination exacte - ont été dessinés avec attention par un législateur (2) tenant compte des exigences
exprimées par le Conseil constitutionnel dans ses décisions du 2 février 1995 et du 29 août 2002(102) dont les enseignements sont transposables au présent texte. Cette
procédure se termine par une homologation (3), lui conférant un caractère juridictionnel qui l'érige en un véritable mode de jugement et non en une nouvelle alternative aux
poursuites.
1 - Origine, justifications et critiques
En 1990, la Commission Justice pénale et droits de l'homme(103) proposait de simplifier les procédures lorsque l'accusé plaide coupable. Trois justifications étaient
avancées : tout d'abord, traiter pareillement celui qui a reconnu les faits et celui qui les nie serait peu favorable au respect de la présomption d'innocence ; ensuite, la
participation de l'auteur, par son aveu, au processus judiciaire permettrait une meilleure efficacité de la justice ainsi acceptée ; enfin, il y aurait un gaspillage de moyens
lorsque sont recherchées des preuves alors que l'agent reconnaît les faits qui lui sont imputés.
Le premier argument, en particulier, ne semble pas décisif. La présomption d'innocence, bien qu'elle soit affirmée dans le code civil(104), est moins un droit subjectif,
auquel on peut renoncer, qu'un principe fondamental destiné à diriger le procès et qui ne saurait être neutralisé même par le consentement de celui qu'il protège. Le risque
d'erreur judiciaire demeure, et le fait que la nouvelle procédure n'intéresse que des délits, ne suffit pas à passer ce point sous silence, d'autant plus qu'une peine privative de
liberté peut être prononcée. « Du reste, sincérité ne signifie pas toujours exactitude ; comme le témoin, le coupable est sujet à l'erreur », écrivent MM. Merle et Vitu(105).
En 1997, la Commission de réflexion sur la Justice n'a, d'ailleurs, pas considéré souhaitable l'introduction en droit français d'une procédure de plaider coupable, dont les
avantages ne lui ont pas paru évidents. Il est relevé, entre autre, qu'il sera bien difficile de reprendre des investigations, interrompues prématurément par un aveu, si
finalement celui-ci est rétracté. Et quelle doit être l'attitude d'un juge du siège connaissant du cas d'un coauteur qui a préféré un jugement ordinaire et entend minimiser sa
participation en invoquant l'aveu de celui qui a choisi de plaider coupable(106) ?
Les arguments de droit comparé ne sont pas absents du débat. Les procédures simplifiées, faisant la part belle à l'aveu, existent dans de nombreux pays. On les trouve bien
entendu en Angleterre et au Pays de Galles, mais aussi en Espagne qui a mis en place le dispositif du « jugement de conformité », en Italie, sous le nom de pattegiamento,
c'est-à-dire « marchandage », ou au Portugal, où la procédure est baptisée « confession »(107). Elément fondamental de la procédure dans les pays anglo-saxons, elle a pour
traits essentiels de concerner toutes les infractions et d'être possible à tous les stades du processus judiciaire. Dans les pays d'Europe continentale le plaider coupable s'étend,
mais son application demeure cantonnée aux infractions mineures.
Ce sont sans doute les arguments comptables qui ont, finalement, emporté la conviction lors de l'élaboration de la présente loi(108). Après avoir souligné l'encombrement
des juridictions judiciaires, sont exposées les insuffisances des procédures simplifiées existantes et, notamment, de la composition pénale : « Cette procédure, même
modifiée par le présent projet de loi, demeure d'application limitée, puisqu'elle ne permet pas de prononcer des peines d'emprisonnement. En pratique, il semble qu'elle soit
assez peu utilisée par les parquets. Les formalités qui l'entourent, notamment lors de la validation par le président du tribunal, peuvent en partie expliquer cette relative
désaffection »(109). On aura quelques difficultés à comprendre comment la nouvelle procédure, qui doit obéir à des garanties plus exigeantes encore, compte tenu des
peines qui peuvent être prononcées, sera un itinéraire de délestage efficace.
2 - Domaine, contenu et modalités de la nouvelle procédure
La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité est une procédure de jugement dont les règles, fixant son domaine (a), déterminant son contenu (b) et ses
modalités (c) sont exposées au sein d'un titre traitant du jugement des délits(110).
a) Quant à son domaine - Selon l'article 495-7 du code de procédure pénale, cette procédure est applicable aux délits « punis à titre principal d'une peine d'amende ou d'une
peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à cinq ans » et non simplement à des délits limitativement énumérés. Sont cependant exclus : les mineurs, les délits
de presse, les délits d'homicides involontaires, les délits politiques ou encore ceux dont la poursuite relève d'une procédure spéciale (art. 495-16 c. pr. pén.).
Le procureur peut « d'office ou à la demande de l'intéressé ou de son avocat recourir à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité
conformément aux dispositions de la présente section à l'égard de toute personne convoquée à cette fin ou déférée devant lui en application des dispositions de l'article 393
lorsque cette personne reconnaît les faits qui lui sont reprochés »(111). La procédure est également ouverte, sur sa demande, au prévenu qui a fait l'objet d'une citation
directe ou d'une convocation en justice, à l'exception des personnes renvoyées devant le tribunal correctionnel par le juge d'instruction. Ceci permet d'appliquer la procédure
à des personnes qui ne sont pas déférées au parquet. Elles indiquent alors par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au procureur de la République, qui est
libre de donner ou non une suite favorable, qu'elles reconnaissent les faits et souhaitent l'application de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de
culpabilité (art. 495-15).
b) Contenu des propositions - Le procureur peut proposer une ou plusieurs des peines principales ou complémentaires encourues qui auront été déterminées en fonction des
circonstances de l'infraction et de la personnalité de l'auteur ou encore en tenant compte de ses ressources et de ses charges lorsqu'une amende est envisagée(112). Seule la
peine d'emprisonnement proposée est plafonnée : sa durée ne peut être supérieure à un an ni excéder la moitié de la peine d'emprisonnement encourue(113). Cette peine
peut être assortie de sursis ou encore d'une mesure d'aménagement. Il est également indiqué que « si le procureur de la République propose une peine d'emprisonnement
ferme, il précise à la personne s'il entend que cette peine soit immédiatement mise à exécution ou si la personne sera convoquée devant le juge de l'application des peines
pour que soient déterminées les modalités de son exécution, notamment la semi-liberté, le placement à l'extérieur ou le placement sous surveillance électronique » (art. 4958, al. 2, c. pr. pén.). Il n'a pas été prévu de limitation particulière pour les amendes, afin d'assurer un parallélisme avec la composition pénale : est donc encourue l'amende
prévue par le texte incriminateur. Elle peut cependant être assortie du sursis. Il n'est pas impossible que la mise en oeuvre de cette nouvelle procédure donne lieu à des
discussions entre magistrats du siège et du parquet pour s'accorder sur une tarification des peines tendant à éviter les refus d'homologation(114).
c) Quant aux modalités - Le personnage central de cette procédure est le procureur de la République. Or, il n'est plus question ici d'alternative aux poursuites, mais d'un
nouveau mode de jugement dans lequel le juge du siège n'intervient que dans la phase d'homologation. L'instauration du plaider coupable marque un tournant dans notre
procédure pénale. L'évolution du rôle du procureur va ressurgir sur celui de l'avocat. Il est moins défenseur que conseiller dans une procédure qui a évacué la question de la
preuve pour se concentrer essentiellement sur celle du niveau de la peine proposée(115).
Le procureur recueille l'aveu de culpabilité de l'auteur et propose une peine en présence de son avocat ou d'un avocat désigné par le bâtonnier(116). Le législateur a
expressément indiqué que « la personne ne peut renoncer à son droit d'être assistée par un avocat » (art. 495-8, al. 4, c. pr. pén.). Cet avocat, dont la présence est donc une
condition de validité de la procédure, doit pouvoir consulter le dossier sur-le-champ et s'entretenir en tête-à-tête avec son client. Le procureur informe la personne « qu'elle
peut demander à disposer d'un délai de dix jours avant de faire connaître si elle accepte ou si elle refuse la ou les peines proposées » ; dans ce dernier cas, la personne peut
être présentée au juge des libertés et de la détention afin de placement sous contrôle judiciaire ou en détention provisoire. Une nouvelle comparution doit avoir lieu dans le
délai de dix à vingt jours à compter de la décision du juge des libertés et de la détention, à défaut il est mis fin à la mesure restrictive ou privative de liberté (art. 495-10).
Les formalités, prévues par les articles 495-8 à 495-13, donnent lieu à un procès-verbal à peine de nullité (art. 495-14, al. 1er).
Lorsque la personne accepte la proposition faite par le procureur, elle est aussitôt présentée devant le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui afin
d'homologation. Autrement dit, l'individu peut toujours refuser la proposition et bénéficier alors d'un procès selon les règles ordinaires, ce qui permet aux personnes ayant
commis les mêmes faits d'être jugées de la même manière.
3 - Homologation et droits des victimes
L'homologation est une « approbation judiciaire à laquelle la loi subordonne certains actes et qui, supposant du juge un contrôle de légalité et souvent un contrôle
d'opportunité, confère à l'acte homologué la force exécutoire d'une décision de justice »(117). L'exigence d'une homologation plutôt que d'une simple validation, comme en
matière de composition pénale, traduit la différence de nature des deux voies. La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, si elle est couronnée de succès ce qui réclame l'accord de l'auteur, de la victime, du procureur et du président du tribunal -, aboutit à un jugement rendu par un magistrat du siège.
L'acte homologué, résultant d'un accord entre le procureur et la personne poursuivie, ressemble à une convention - contrat négocié ou contrat d'adhésion ? -, accréditant
l'idée d'une contractualisation de la justice pénale(118) et d'une privatisation de l'action publique(119). Les mineurs ont, d'ailleurs, été exclus du champ de cette procédure
au motif qu'ils n'ont pas la capacité juridique de contracter(120). La pratique dira si finalement l'aveu sert ou non de monnaie d'échange à une diminution de peine(121).
La phase d'homologation réclame l'intervention du président du tribunal de grande instance, ou du juge délégué, qui entend l'intéressé et son avocat. Ce juge vérifie la
réalité des faits ainsi que leur qualification juridique. Il ne peut modifier la proposition du procureur mais seulement homologuer les peines proposées ou rejeter la demande
d'homologation, en particulier lorsque l'innocence de l'auteur de l'aveu est démontrée, lorsque les faits reprochés ne répondent pas à une qualification pénale ou encore,
explique le Conseil constitutionnel, s'il estime que la nature des faits, la personnalité de l'intéressé, la situation de la victime ou les intérêts de la société justifient une
audience correctionnelle ordinaire(122). Ce pouvoir donné au juge du siège permet de juridictionnaliser l'homologation(123). Le Conseil constitutionnel, dans une réserve
d'interprétation, souligne l'importance des vérifications opérées par le président du tribunal et la possibilité qui lui est donnée de refuser l'homologation pour conclure que,
dans ces conditions, la disposition contestée ne porte pas atteinte au principe de séparation des autorités chargées de l'action publique et des autorités de jugement(124).
Finalement, la tâche de ce magistrat ne semble pas tellement éloignée de celle de tout juge du fond.
Au cas d'échec de la procédure, soit parce que l'intéressé n'accepte pas la proposition du procureur, soit parce que le juge refuse l'homologation, le procureur de la
République saisit, sauf élément nouveau, le tribunal correctionnel ou requiert l'ouverture d'une information (art. 495-12 c. pr. pén.).
L'ordonnance d'homologation est lue en audience publique, ce qui pour l'Assemblée nationale(125) était suffisant pour justifier que l'homologation se déroule, elle, en
chambre du conseil. Ce dernier point a été censuré par le Conseil constitutionnel. L'argument des députés était pourtant convaincant : « ... la logique de la procédure en
cause, qui était réputée ne pas exister lorsqu'elle n'aboutissait pas à une décision d'homologation, s'accordait mal avec la publicité de l'audience, qui ne devrait intervenir que
si l'homologation était finalement prononcée »(126). Le respect de la présomption d'innocence motivait ce désir de discrétion. Mais, pour le juge constitutionnel,
l'homologation est une décision juridictionnelle et « le jugement d'une affaire pénale pouvant conduire à une privation de liberté doit, sauf circonstances particulières
nécessitant le huis clos, faire l'objet d'une audience publique »(127). Le caractère public de l'audience étant lié à l'existence d'un risque de privation de liberté, faut-il en
déduire, comme le fait remarquer un auteur(128), que lorsque le procureur de la République ne propose pas de peine de prison l'audience peut se tenir en chambre du
conseil ?
La discrétion de l'aveu est assurée par l'article 495-14 du code de procédure pénale qui veille, au cas de refus d'acceptation par l'intéressé ou de refus d'homologation par le
juge, à ce que le procès-verbal ne soit pas transmis à la juridiction d'instruction ou de jugement, et que ni le ministère public ni les parties ne fassent état devant cette
juridiction des déclarations faites ou des documents remis en cours de procédure. Mais cela sera-t-il suffisant pour effacer tout souvenir d'un aveu fait publiquement ?
L'ordonnance d'homologation doit être motivée à deux égards : « par les constatations, d'une part, que la personne en présence de son avocat reconnaît les faits qui lui sont
reprochés et accepte la ou les peines proposées par le procureur de la République, d'autre part, que cette ou ces peines sont justifiées au regard des circonstances de
l'infraction et de la personnalité de l'auteur » (art. 495-11, al. 1er, c. pr. pén.). Cette ordonnance emporte les effets d'un jugement de condamnation, elle est immédiatement
exécutoire et peut faire l'objet d'un appel de la part du condamné ; le ministère public n'a, quant à lui, qu'un droit d'appel incident (art. 495-11, al. 3). Le Sénat a, en effet,
estimé qu'un appel à titre principal par le procureur était difficilement concevable, puisqu'il a proposé la peine ; en revanche, le droit de former un appel incident est motivé
par le souci d'éviter qu'un l'individu fasse appel sans que son sort puisse être aggravé(129). Il avait été relevé que la possibilité d'appel heurte la logique dès lors que la
condamnation prononcée a donné lieu à un accord homologué par le juge, mais les risques de censure par le Conseil constitutionnel et le principe de double degré de
juridiction posé par l'article préliminaire du code de procédure pénale ont été les plus forts(130). Ajoutons que cet appel permet de rétracter l'aveu.
Quant à la victime - qui peut faire échec au plaider coupable en se constituant partie civile selon les procédures ordinaires -, elle peut être présente lors de l'homologation
(131). En effet, la victime identifiée est informée de cette procédure, sans délai et par tout moyen, pour pouvoir se constituer partie civile. Elle comparaît, le cas échéant
accompagnée de son avocat, en même temps que l'auteur des faits, devant le juge du siège chargé de l'homologation qui statuera sur la demande de réparation même dans le
cas où la partie civile n'aurait pas comparu à l'audience. La victime pourra faire appel de l'ordonnance (art. 495-13, al. 1er, c. pr. pén.). A défaut, notamment si la victime n'a
pu se manifester en raison de la rapidité de la procédure, elle sera informée par le procureur de son droit de faire citer l'auteur des faits devant le tribunal correctionnel
statuant à juge unique sur les seuls intérêts civils (art. 495-13, al. 2).
Voilà donc mise en place, afin d'alléger la charge des juridictions de jugement, une procédure dans laquelle le prévenu peut avoir à comparaître, devant le procureur de la
République, le juge d'application des peines, le juge des libertés et de la détention et, enfin, devant le président du tribunal de grande instance.
Conclusion de la deuxième partie - Si l'évolution de la procédure pénale est indispensable, la mise en place d'une alternative au procès marque une étape importante qui
risque de se réaliser au prix d'une confusion des rôles et d'un manque de lisibilité du droit pour le justiciable.
Confusion des rôles, parce que le ministère public voit ses prérogatives renforcées et repousse l'intervention du juge du siège, or cette évolution ne devrait-elle pas
s'accompagner d'une modification de son statut(132) ?
Manque de lisibilité, parce que la procédure pénale est en train de connaître une métamorphose. Certes, elle conserve le visage d'une justice imposée, mais elle fait une
place de plus en plus significative à la justice acceptée et une même infraction peut emprunter ces différents chemins.
La justice participative, telle que la médiation, est, certes, adaptée à des infractions sans grande gravité, relevant davantage de l'incivilité que de la véritable délinquance.
Elle permet à la justice pénale de ne pas s'arrêter à des figures classiques et cherche à apporter une réponse adaptée à une délinquance en évolution. La procédure pénale
joue ici un rôle de trait d'union social et non de cristallisation des oppositions. Mais si l'un des objets de la justice pénale est de donner des repères, cette mission n'est-elle
pas compromise par la juxtaposition ou la superposition de procédures, ne visant pas un phénomène particulier de délinquance, qui finit par donner une impression
d'incohérence, d'éclatement et d'instabilité(133) ?
Madame le professeur Cartier(134) avait averti du risque : « On peut craindre également que la justice pénale n'apparaisse brouillée ou déformée, que les repères
traditionnels ne s'estompent au profit d'images par trop diversifiées. (...) Enfin, alors que toutes ces procédures tendent à redonner au délinquant le sens des valeurs, à lui
réapprendre (ou à lui apprendre) la signification, sinon l'existence, de la loi et du droit et à le responsabiliser, on peut craindre que la multiplication des instances, la trop
grande diversité des solutions ne finissent en définitive par produire des effets radicalement inverses à ceux qui étaient recherchés ».
Conclusion générale - Faudra-t-il procéder à une refonte globale du code de procédure pénale? Il conviendrait, au préalable, de s'entendre sur ce que l'on attend de la
justice pénale. Comme l'écrivent Monsieur le procureur général Burgelin et Maître Lombard(135), il n'y a pas de consensus sur ce point, « S'agit-il de punir un coupable ?
De protéger la société ? De trouver le meilleur moyen d'empêcher l'auteur de l'infraction de récidiver ? De juger un délit ou un délinquant ? Quelle doit être la réponse
judiciaire à la déviance juvénile ? ». C'est même une interrogation sur le droit pénal dans son ensemble qui devrait être menée. Quel est le rôle de la loi répressive ? Que
représente-t-elle pour le justiciable ? Quelles sont les fonctions du procès et le sens de la peine ? Autant de questions qui renvoient à une réflexion d'ensemble sur les
finalités et les méthodes du droit pénal.
Tout cela peut paraître bien éloigné de la loi commentée, et pourtant...
Entrée en vigueur de la loi Perben II
D'une manière générale, et sous réserve d'exceptions concernant des dispositions particulières, trois dates d'entrée en vigueur ont été fixées.
Les disposition du titre Ier de la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, aggravant la répression d'un certains nombre d'infractions et concernant
le mandat d'arrêt europeen, ainsi que les dispositions de procédure pénale contenues dans le titre II qui procèdent à des simplifications ou des clarifications des règles
actuelles, sont d'application immédiate, sauf si leur mise en oeuvre effective est subordonnée à la publication d'un décret ou d'un arrêté d'application. La plupart des autres
dispositions de la loi, notamment celles du titre premier relatives aux nouvelles règles de procédure applicables aux infractions de criminalité et de délinquance organisées,
ainsi que les réformes procédurales de plus grande ampleur figurant au titre II, entreront en vigueur le 1er octobre 2004. Enfin, les dispositions réformant globalement le
droit de l'application des peines entreront en vigueur le 1er janvier 2005.
(1) JO 10 mars, p. 4567 ; D 2004, Lég. p. 737 ; Responsabilité pénale des personnes morales : difficultés de droit transitoire, par Emmanuel Pire, D. 2004, p. 1650 ; Le
mandat d'arrêt européen, un premier pas vers une révolution copernicienne dans le droit français de l'extradition, par Jean Pradel, D. 2004, p. 1392 ; présentation du texte
par F. Le Gunehec, JCP 2004, Actual. 177, 188 et 200 ; J. Pradel, Vers un « aggiornamento» des réponses de la procédure pénale à la criminalité, JCP 2004, I, 132 et 134.
(2) Cons. const. 2 mars 2004, n° 2004-492 DC, Gaz. Pal. 11-15 avr. 2004, p. 3, note J.-E. Schoettl ; JCP 2004, II, 10048, note J.-C. Zarka, et Le point sur... de M. Dobkine,
La constitutionnalité de la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, D. 2004, p. 956.
(3) Décision du 2 mars 2004, op. cit., consid. n° 4.
(4) Les dispositions relatives au crime organisé (art. 706-73 à 706-106 c. pr. pén.) seront applicables le 1er octobre 2004.
(5) V. notamment : Criminalité organisée et ordre dans la société, colloque Aix-en-Provence, 5, 6 et 7 juin 1996, ISPEC, PUAM, 1997 ; D. Fontanaud, La criminalité
organisée, La Doc. fr., coll. Problèmes politiques et sociaux, n° 874-875, mai 2002 ; La criminalité organisée, sous la dir. de M. Leclerc, La Doc. fr., 1996 ; X. Raufer et S.
Quéré, Le crime organisé, PUF, coll. Que sais-je ?, 3e éd., 2003 ; Les systèmes pénaux à l'épreuve du crime organisé, RID pén., n° 3 et 4/1996 ; n° 3 et 4/1997 ; n° 1 et
2/1998 ; n° 1 à 4/1999.
(6) Loi n° 2002-1040 du 6 août 2002 autorisant la ratification de la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, JO 7 août, p. 13522 ; décret
n° 2003-875 du 8 août 2003 portant publication de la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, JO 13 sept., p. 15705.
(7) R. Gassin, Criminologie, Précis Dalloz, 5e éd., 2003, n° 649.
(8) M. Cusson, La notion de crime organisé, in Criminalité organisée et ordre dans la société, op. cit., pour qui « La définition est surchargée comme une église italienne
baroque », p. 29 ; V. également : R. Ottenhof, Le crime organisé : de la notion criminologique à la notion juridique, idem, p. 45 ; C. L. Blakesley, Les systèmes de justice
criminelle face au défi du crime organisé, rapport général, RID pén., n° 1 et 2/1998, p. 35 ; F. Debove, Vers un droit pénal de la criminalité organisée ?, Petites affiches, 12
nov. 2002, n° 226, p. 4 ; M. Massé, Notes brèves sur la rencontre de deux expressions : crime organisé et espace judiciaire européen, Rev. science crim. 2000, p. 469 ; X.
Pradel, La criminalité organisée dans les droits français et italien : des politiques pénales sous le signe de la convergence, RPDP 2003, p. 123 ; M. Quille, Le crime
organisé : du mythe à la réalité, RPDP 1999, p. 31.
(9) J.-L. Bruguière, Le crime organisé, in Le nouveau code pénal : enjeux et perspectives, Dalloz, Thèmes et commentaires, 1994, p. 72, expliquant qu'il existe une
différence de nature entre le terrorisme et les autres formes de criminalité organisée. Le but et les moyens mis en oeuvre sont alors fondamentalement différents ; J. Cedras,
Les systèmes pénaux à l'épreuve du crime organisé, RIDP 1998, p. 341 ; C. Girault, Le droit pénal à l'épreuve de l'organisation criminelle, Rev. science crim. 1998, p. 715.
(10) Art. 2, a) de la Convention. Le même article précise que l'expression « groupe structuré » désigne un groupe qui ne s'est pas constitué par hasard pour commettre
immédiatement une infraction et qui n'a pas nécessairement de rôles formellement définis pour ses membres, de continuité dans sa composition ou de structure élaborée, et
l'expression « infraction grave » désigne un acte constituant une infraction passible d'une peine privative de liberté dont le maximum ne doit pas être inférieur à quatre ans
ou d'une peine plus lourde. Le critère tiré de l'existence préalable du groupe depuis « un certain temps » n'est pas d'une grande clarté, mais le facteur de durée constitue
certainement une caractéristique du phénomène à identifier.
(11) Art. 222-34 et s. : trafic de stupéfiants.
(12) Art. 421-1 et 421-2 : actes de terrorisme ; art. 413-4 : entreprise de démoralisation de l'armée.
(13) Art. 211-1 et 212-1 c. pén. : génocide et autres crimes contre l'humanité, et art. 431-1 c. pén. : entrave à l'exercice de libertés fondamentales.
(14) Art. 431-13 c. pén.
(15) Art. 450-1 c. pén. : association de malfaiteurs, et art. 132-71 c. pén. définissant la circonstance aggravante de bande organisée. Pour une étude plus complète : Y.
Mayaud, Les systèmes pénaux à l'épreuve du crime organisé, rapport français, RIDP, n° 3 et 4/1997, p. 793 ; Le crime organisé, in Le nouveau Code pénal : enjeux et
perspective, op. cit., p. 60.
(16) J.-L. Warsmann, Assemblée nationale, rapport au nom de la commission des lois n° 856, t. 1, p. 52-53.
(17) Décision du 2 mars 2004, op. cit., consid. n° 5.
(18) Argument invoqué par les auteurs de la saisine du Conseil constitutionnel, décision du 2 mars 2004, op. cit. V. sur la notion de « bande organisée » les analyses de E.
Verny, Les membres d'un groupe en droit pénal, préface A. Decocq, LGDJ, 2002, n° 626 s.
(19) V. en dernier lieu, CEDH 30 mars 2004, Radio France c/ France, § 20, D. 2004, IR p. 1212 : « La Cour rappelle que l'article 7 § 1 de la Convention exige que les
infractions soient clairement définies par la loi ; il en va ainsi lorsque l'individu peut savoir, à partir du libellé de la clause pertinente et, au besoin, à l'aide de son
interprétation par les tribunaux, quels actes et omissions engagent sa responsabilité ». Sur la question, en particulier : V. Fernandez, Les qualités de la loi (contribution à
l'étude de la légalité criminelle), thèse, Toulouse I, 2003, dir. G. Roujou de Boubée ; D. Zerouki, La légalité criminelle (enrichissement de la conception formelle par une
conception matérielle), thèse, Lyon III, 2001, dir. D. Rebut. Comparer la présente décision du Conseil constitutionnel avec les décisions des 18 janv. 1985, n° 84-183 DC, et
5 mai 1998, n° 98-399 DC (D. 1999, Jur. p. 209, note B. Mercuzot, et 2000, Somm. p. 59, obs. A. Pena-Gaïa ; AJDA 1998, p. 534 ; RFDA 1998, p. 620, étude E. Picard, et
p. 1254, étude V. Goesel-Le Bihan), et les analyses de M. de Viliers et T. S. Renoux, Code constitutionnel, Litec, 2003, p. 56 et spéc. p. 62. Dans la décision du 3 sept 1986,
n° 86-213, Lutte contre le terrorisme, le Conseil était saisi du texte relatif à la lutte contre le terrorisme dans lequel le législateur avait également choisi de viser un certain
nombre d'incriminations existantes pour les soumettre à un régime particulier, et avait conclu au respect du principe légaliste dès lors que ces infractions sont elles-mêmes
définies par le Code pénal ou par des lois spéciales en termes suffisamment clairs et précis. Mais il ne se référait pas à la jurisprudence.
(20) F. Desportes et F. Le Gunehec, Droit pénal général, Economica, 10e éd., 2003, n° 890. V. l'étude de E. Verges, La notion de criminalité organisée après la loi du 9
mars 2004, AJ Pénal 2004, p. 181, pour une présentation des précisions jurisprudentielles.
(21) V. sur ce sujet : M.-H. Gozzi, Le terrorisme, Ellipses, 2003, p. 65 s. ; Y. Mayaud, Le terrorisme, Dalloz, Connaissance du droit, 1997, p. 31 s. Le Conseil
constitutionnel a jugé la formule retenue par le législateur conforme au principe légaliste (décision n° 86-213, op. cit.).
(22) V., entre autres, C. Van den Wyngaert, Les transformations du droit international pénal en réponse au défi de la criminalité organisée, RID comp. 1999, vol. 70, p. 35
s., spéc. p. 60. Un amendement, rejeté, proposait de viser dans l'article 706-73 nouveau « les délits de corruption, prévus par les articles 432-11, 433-1, 435-1, 435-2 et 4353 du code pénal » (Rapport au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale, n° 1236, p. 35 et 545). On pourrait également penser à la contrefaçon dont le
produit financier est certainement un soutien important à la criminalité organisée.
(23) Convention, op. cit., art. 8 et 9.
(24) Art. 221-5-1 c. pén. nouveau.
(25) Le Conseil constitutionnel a précisé par une réserve d'interprétation que « (...) si le vol commis en bande organisée trouve sa place dans cette liste, il ne saurait en être
ainsi que s'il présente des éléments de gravité suffisants pour justifier les mesures dérogatoires en matière de procédure pénale prévues à l'article 1er de la loi déférée ; que,
dans le cas contraire, ces procédures spéciales imposeraient une rigueur non nécessaire au sens de l'article 9 de la Déclaration de 1789 ; qu'il appartiendra à l'autorité
judiciaire d'apprécier l'existence de tels éléments de gravité dans le cadre de l'application de la loi déférée» (décision du 2 mars 2004, op. cit., consid. n° 17).
(26) Par une réserve d'interprétation, le Conseil constitutionnel a précisé que ce délit « ne saurait concerner les organismes humanitaires d'aide aux étrangers ; que de plus
s'applique à la qualification d'une telle infraction le principe énoncé par l'article 121-3 du même code, selon lequel il n'y a point de délit sans intention de la commettre
» (idem, consid. n° 18).
(27) V. les remarques de E. Verges, op. cit. note 20, AJ Pénal 2004, p. 184-185.
(28) Cette circonstance aggravante a été ajoutée en matière de tortures et actes de barbarie (art. 222-4 c. pén.), d'enlèvement et séquestration (art. 224-5-2), corruption de
mineurs (art. 227-22), diffusion, enregistrement ou transmission d'images pornographiques d'un mineur (art. 227-23), infractions en matière d'armes et explosifs, en matière
de courses de chevaux et jeux de hasard, ou encore d'évasion (art. 434-30).
(29) On pense ici à l'infraction de l'article 227-22, al. 3, c. pén. punissant le fait de favoriser ou de tenter de favoriser la corruption d'un mineur et celle de l'article 227-23, al.
5, sanctionnant la fixation, l'enregistrement et la transmission de l'image à caractère pornographique d'un mineur, à l'évasion (art. 434-30, al, 2) et les infractions en matière
de jeu (art. 4 de la loi du 2 juin 1891 réglementant l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux ; art. 1er et 2 de la loi du 12 juillet 1983 relative aux jeux de
hasard).
(30) L'art. 706-73 c. pr. pén., dernier alinéa, pose ce principe de cumul : « Pour les infractions visées aux 3°, 6° et 11°, sont applicables, sauf disposition contraire, les
dispositions du présent titre ainsi que celles des titres XV, XVI et XVII ».
(31) J. Pradel, De l'enquête pénale proactive : suggestions pour un statut légal, D. 1998, Chron. p. 57 ; M. Pradel définit ce type d'enquête comme « l'ensemble des
investigations utilisant le plus souvent des techniques spéciales pour prévenir la commission probable d'infractions ou détecter des infractions déjà commises, mais encore
inconnues ». Cet auteur avertit de la nécessité d'enserrer ce type d'enquête dans des conditions précises, et souligne l'importance des principes de légalité, d'exceptionnalité fait de subsidiarité, de proportionnalité et de spécialité - enfin le principe de judiciarité. V. également les travaux de l'AIDP et notamment le rapport général de C. Van den
Wyngaert, op. cit., p. 88.
(32) Article préliminaire III, al. 3 : « Les mesures de contraintes dont cette personne peut faire l'objet sont prises sur décision ou sous le contrôle effectif de l'autorité
judiciaire. Elles doivent être strictement limitées aux nécessités de la procédure, proportionnées à la gravité de l'infraction reprochée et ne pas porter atteinte à la dignité de
la personne ».
(33) Remarquons que cet article ne visait que les infractions assorties de la circonstance aggravante de « bande organisée », ce qui ne couvrait pas toutes les infractions de
l'art. 706-73 c. pr. pén., alors que la procédure spéciale les concernait.
(34) Décision, op. cit., considérants n° 67 à 71.
(35) Dans sa décision du 24 juill. 1991, n° 91-298 DC, le Conseil explique : « il ne lui appartient de procéder à l'interprétation du texte qui lui est déféré que dans la mesure
où cette interprétation est nécessaire à l'appréciation de sa constitutionnalité ».
(36) Décision op. cit., consid. n° 6.
(37) Art. 706-75 c. pr. pén. Les affaires de terrorisme relèvent de la compétence des juridictions parisiennes : art. 706-17 c. pr. pén.
(38) Art 706-75 c. pr. pén. Des assistants spécialisés peuvent participer aux procédures concernant la délinquance organisée, grave comme ordinaire (art. 706-79). L'art. 70677 prévoit des règles de dessaisissement du juge d'instruction au profit d'une juridiction d'instruction spécialisée.
(39) Art. 706-79-1 c. pr. pén.
(40) Art. 706-80 c. pr. pén.
(41) Art. 706-80 c. pr. pén. Le procureur informé est celui dans le ressort duquel la surveillance est susceptible de débuter ou, le cas échéant, le procureur spécialisé saisi
conformément aux indications de l'article 706-76. L'art. 706-32 qui réglementait la surveillance policière en matière de trafic de stupéfiants est alors abrogé (art. 14, VII, de
la loi).
(42) Conseil de l'Europe, recommandation 2001-11 du Comité des ministres aux Etats membres concernant des principes directeurs pour la lutte contre le crime organisé :
III, point 19 ; Convention des Nations unies, op. cit., art. 20.
(43) Un procédé technique permettant l'audition du témoin à distance, sans que sa voix puisse être identifiée, peut être utilisé (art. 706-61 c. pr. pén.).
(44) CEDH 20 nov 1989, Kostovski c/ Pays-Bas, Rev. science crim. 1990, p. 388, obs. L.-E. Pettiti ; 26 mars 1996, Doorson c/ Pays-Bas, D. 1997, Somm. p. 207, obs. J.-F.
Renucci ; Rev. science crim. 1997, p. 484, obs. R. Koering-Joulin ; 23 avr. 1997, Van Mechelen c/ Pays-Bas, D. 1998, Somm. p. 174, obs. J. Pradel, et 1997, Somm. p. 359,
obs. J.-F. Renucci ; Rev. science crim. 1998, p. 396, obs. R. Koering-Joulin ; JCP 1998, I, 107, obs. F. Sudre.
(45) Ce point a été discuté. L'Assemblée nationale admettait qu'une condamnation soit fondée sur les seules déclarations de l'agent infiltré au motif qu'elles étaient faites,
non par témoin anonyme, mais par un policier agissant sur autorisation d'un magistrat (JOAN, 1re séance, 22 mai 2003, p. 4026). Le Sénat souligne la portée de la
jurisprudence européenne (CEDH 23 avr. 1997, Van Mechelen, op. cit.), pour n'admettre une condamnation, sur le seul fondement des agents infiltrés, que si leur anonymat
est levé (Sénat, rapport fait au nom de la commission des lois, par F. Zocchetto, n° 441, p. 61 s.).
(46) Rapport au nom de la commission des lois du Sénat, n° 441, t. 1, p. 58. La précision posée entend éviter que l'aide apportée à une opération d'infiltration constitue une
cause d'exonération automatique de la responsabilité d'un membre de réseau criminel pour l'ensemble des actes qu'il a commis, alors même qu'ils seraient sans rapport avec
l'infiltration.
(47) Art. 706-95 c. pr. pén.
(48) Sont applicables aux opérations d'écoute téléphonique pratiquées durant la phase policière les dispositions des art. 100, al. 2, 100-1 et 100-3 à 100-7 c. pr. pén. Compte
tenu des modalités et des garanties posées, le Conseil constitutionnel a validé ces dispositions : décision du 2 mars 2004, op. cit., consid. n° 57 à 61.
(49) Le Conseil constitutionnel considère que ces dispositions ne sont pas contraires à la Constitution sous réserve que « les séquences de la vie privée étrangères aux
infractions en cause ne puissent en aucun cas être conservées dans le dossier de la procédure » (décision du 2 mars 2004, op. cit., consid. n° 62 à 66).
(50) Les règles nouvelles en matière de perquisitions ne sont pas jugées contraires au principe d'inviolabilité du domicile (décision du 2 mars 2004, op. cit., consid. n° 41 à
56).
(51) Dorénavant, sur décision du procureur de la République, l'enquête de flagrance peut durer quinze jours lorsque des investigations nécessaires à la manifestation de la
vérité, pour un crime ou un délit puni d'une peine supérieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement, ne peuvent être différées (art. 53, al 3, nouveau c. pr. pén. ; art. 77 de la
loi du 9 mars 2004).
(52) L'art. 76 c. pr. pén., traitant des perquisitions lors de l'enquête préliminaire, est modifié. Le juge des libertés et de la détention peut autoriser une perquisition sans
l'assentiment de l'intéressé « si les nécessités de l'enquête relative à un délit puni d'une peine d'emprisonnement d'une durée égale ou supérieure à cinq ans l'exigent ».
(53) Par une réserve d'interprétation, le Conseil constitutionnel a expliqué « que la notion de risque immédiat de disparition de preuves ou d'indices matériels doit
s'entendre comme ne permettant au juge d'instruction d'autoriser une perquisition de nuit que si celle-ci ne peut être réalisée dans d'autres circonstances de temps » (décision
du 2 mars 2004, op. cit., consid. n° 56).
(54) V. la décision du 16 juill. 1996, n° 96-377 DC, Perquisitions de nuit (D. 1997, Jur. p. 69, note B. Mercuzot, et 1998, Somm. p. 147, obs. T. S. Renoux ; AJDA 1997, p.
86, note C. Teitgen-Colly et F. Julien-Laferrière, et 1996, p. 69, obs. O. Schrameck).
(55) Art. 706- 28 et 706-35 c. pr. pén..
(56) Il est prévu par l'art. 14, VI, de la loi que l'art. 4 de l'ordonnance du 2 févr. 1945, relative à l'enfance délinquante, est ainsi complété : « Les dispositions de l'article 70673 du code de procédure pénale, à l'exception de celles de la deuxième phrase de son dernier alinéa, sont applicables au mineur de plus de seize ans lorsqu'il existe une ou
plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'une ou plusieurs personnes majeures ont participé, comme auteurs ou complices, à la commission de l'infraction ». Le Conseil
constitutionnel (décision, op. cit., consid. 35 à 40) a jugé ce point suffisamment justifié et encadré.
(57) Décision, op. cit., consid. n° 23 à 27.
(58) Idem, consid. n° 28 à 34. Pour la plupart des infractions visées, le délai d'intervention de l'avocat était déjà reculé à la trente-sixième heure par l'article 63-4 c. pr. pén.
(59) Art. 422-2, 222-43, 434-37, 442-9, 442-10 et 450-2 c. pén.
(60) Beccaria, Des délits et des peines, § XIV : Des crimes commencés, des complices, de l'impunité : « (...) l'espérance de l'impunité pour le complice qui trahit, peut
prévenir de grands forfaits, et rassurer le peuple, toujours effrayé lorsqu'il voit des crimes commis sans connaître les coupables. Mais c'est en vain que je cherche à étouffer
les remords qui me pressent, lorsque j'autorise les saintes lois, garants sacrés de la confiance publique, base respectable des moeurs, à protéger la perfidie, à légitimer la
trahison ».
(61) A rapprocher du mécanisme des repentis, le nouvel art. 721-3 c. pr. pén., qui prévoit une réduction exceptionnelle de peine au profit des condamnés dont les
déclarations aux autorités, antérieurement ou postérieurement à leur condamnation, permettent de faire cesser ou d'éviter une infraction mentionnée aux art. 706-73 et 70674 c. pr. pén.
(62) Il avait été envisagé de n'accorder une exemption ou une réduction de peine que si l'information est communiquée « avant tout acte de poursuite ». Cette condition a été
jugée trop restrictive puisque l'ouverture d'une information judiciaire contre X ne laissait plus de place au repentir (Assemblée nationale, rapport au nom de la commission
des lois, n° 856, t. 1, p. 99).
(63) Les règles relatives aux repentis n'intéressant pas que la criminalité organisée font l'objet d'un titre autonome (titre XXI bis) au sein du livre IV.
(64) C. Van den Wyngaert, op. cit., p. 35 s., spéc. p. 40 ; G. Fiandaca et C. Visconti, Les nouvelles formes de confiscation italiennes dans la lutte contre le crime organisé :
mesures patrimoniales à titre de prévention, Petites affiches, 31 oct. 2002, n° 218, p. 60. A la confiscation classique de tout bien ayant un lien direct avec l'infraction, la
législation italienne ajoute la confiscation des réinvestissements des produits des crimes perpétrés.
(65) Conseil de l'Europe, recommandation 2001-11 précitée, III, point n° 15 ; Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, op. cit., art. 12 ;
V. également le dispositif mis en place en Italie : F. Palazzo, La législation italienne contre la criminalité organisée, Rev. science crim. 1995, p. 711, spéc. p. 715.
(66) Ce comportement est incriminé par l'art. 450-2-1 c. pén. à propos de l'association de malfaiteurs, l'art. 222-39-1 à propos du trafic de stupéfiants, l'art. 225-6, 3°, à
propos du proxénétisme, l'art. 312-7-1 à propos de l'extorsion et, de façon particulière, en matière de recel (art. 321-6). Certaines de ces infractions, mais non toutes,
figurent dans la liste de l'art. 706-73 c. pr. pén. sans qu'on comprenne bien les raisons de ce choix.
(67) Cette peine est prévue pour le trafic de stupéfiants, le blanchiment en ce domaine et le fait de ne pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie tout en
étant en relations habituelles avec des personnes se livrant à des activités de trafic de stupéfiants (art. 222-49 c. pén.), la traite des êtres humains et le proxénétisme (art. 22525), le blanchiment (art. 324-7, 12°), les actes de terrorisme (art. 422-6), l'association de malfaiteurs et le fait de ne pouvoir justifier de ressources correspondant à son train
de vie tout en étant en relations habituelles avec une ou plusieurs personnes se livrant à ces actes constitutifs d'association de malfaiteurs (art. 450-5). Le même type de
mesure est encouru au cas de crime contre l'humanité (art. 213-1, 4°). Des mesures conservatoires sont également prévues. L'art. 706-103 c. pr. pén. permet l'adoption de
mesures conservatoires sur les biens de la personne mise en examen au titre d'une infraction relevant de la criminalité organisée, ordinaire (art. 706-74) comme grave (art.
706-73), pour garantir le paiement des amendes encourues, l'indemnisation des victimes et l'exécution de la confiscation. V. J. A. E. Vervaele, Les sanctions de confiscation
en droit pénal : un intrus issu du droit civil ? Une analyse de la jurisprudence de la CEDH et de la signification qu'elle revêt pour le droit (procédural) pénal néerlandais,
Rev. science crim. 1998, p. 39.
(68) V. les réflexions de C. Lazerges, La dérive de la procédure pénale, Rev. science crim. 2003, p. 644.
(69) J.-F. Burgelin et P. Lombard, Le procès de la Justice, Plon, 2003, p. 97.
(70) Rapport de la commission de réflexion sur la Justice, présidée par M. le premier président Pierre Truche, La Doc. fr., 1997. V. également les riches Propositions de
réforme du code de procédure pénale, de Mme M.-L. Rassat (Dalloz Service, 1997, p. 4 s.) souhaitant l'écriture d'un statut cohérent du ministère public devant figurer au
sein du code de l'organisation judiciaire puisqu'il s'agit d'une institution commune à l'intégralité de la justice judiciaire.
(71) Projet de loi relatif à l'action publique en matière pénale et modifiant le code de procédure pénale, commission des lois du Sénat, rapport n° 11 (1999-2000).
(72) Le législateur s'est référé à cette définition : Sénat, rapport au nom de la commission des lois, n° 441, t. 1, p. 31-32.
(73) L'art. 35, al. 2, c. pr. pén. dans sa rédaction actuelle se contentait d'indiquer que chaque procureur de la République adresse, tous les mois, au procureur général un état
des affaires de son ressort.
(74) Cons. const., décis. n° 2004-492 du 2 mars 2004, op. cit., considérant n° 98 ; J.-E. Schoettl, Les attributions du ministre de la Justice en matière d'action publique
(décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 du Conseil constitutionnel), D. 2004, Point sur p. 1387.
(75) Dans le rapport de M. Fauchon, à propos du projet de loi relatif à l'action publique en matière pénale et modifiant le code de procédure pénale, op. cit., après avoir
précisé que les circulaires n'ont pas de valeur normative, il est indiqué que, « cependant, un magistrat du parquet qui se refuserait systématiquement à les respecter
encourrait très probablement des sanctions disciplinaires, même si le projet de loi ne tranche pas clairement cette question ». De plus, il est expliqué que la frontière entre
instructions données dans une affaire particulière et orientations générales peut être ténue lorsque ces dernières donnent lieu à des applications individuelles et qu'il s'agit
d'indiquer aux magistrats la ligne à adopter face à un événement social particulièrement évolutif, telle une grève de routiers.
(76) C'est là la reprise du principe de l'actuel art. 36 c. pr. pén., abrogé par coordination.
(77) La loi nouvelle assure une meilleure rédaction des pouvoirs du procureur général. Jusque-là, l'art. 37, al. 2, c. pr. pén. se contentait d'indiquer qu'« il a les mêmes
prérogatives que celles reconnues au ministre de la Justice à l'article précédent » et l'article en question fixait les conditions d'intervention du garde des Sceaux dans les
affaires particulières.
(78) En 2002, la part des classements sans suite dans les affaires poursuivables représente 31,8 %. Il représentait 32,7 % l'année précédente et 32,1 % en 2000 (Annuaire
statistique de la justice, 2004, La Doc. fr.).
(79) Art. 40, al. 1er, c. pr. pén. dans sa nouvelle rédaction : « Le procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner
conformément aux dispositions de l'article 40-1 ».
(80) Le Sénat a tenu à ce que l'article 40-1 utilise le terme d'« infraction » et non de délit pour montrer le champ du principe de l'opportunité des poursuites. L'article 41-1
prévoit qu'il peut être procédé à un rappel à la loi, que l'auteur des faits peut être orienté vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle, que peut lui être demandé de
régulariser sa situation au regard de la loi, lui demander de réparer le dommage, ou encore que peut être tentée une mission de médiation entre l'auteur et la victime. L'art.
41-2 réglemente la procédure de composition pénale.
(81) Art. 40, al. 2 : « Lorsqu'il s'agit de faits commis contre un mineur et prévus et réprimés par les articles 222-23 à 222-32 et 227-22 à 227-27 du code pénal, l'avis de
classement doit être motivé et notifié par écrit ». L'alinéa 1er de cet art. 40, dans sa version antérieure à la loi nouvelle, prévoit que le procureur avise seulement le plaignant
et la victime, lorsque celle-ci est identifiée, sans autre motivation, d'une décision de classement de l'affaire.
(82) Assemblée nationale, rapport fait au nom de la commission des lois n° 856, t. 1, p. 203.
(83) L'art. 48-1 c. pr. pén. réglemente le bureau d'ordre national automatisé des procédures judiciaires. Ce système, qui nécessite l'adoption d'un décret d'application qui sera
pris après avis de la Commission nationale informatique et libertés, contiendra toutes les informations nominatives relatives aux plaintes et dénonciations reçues par les
parquets ou les juges d'instruction ainsi qu'aux suites qui leur ont été réservées.
(84) Un alinéa 3 provisoire est introduit dans l'art. 15-3 c. pr. pén. jusqu'au 31 déc. 2007 : « Lorsque la plainte est déposée contre une personne dont l'identité n'est pas
connue, la victime est avisée qu'elle ne sera informée par le procureur de la République de la suite réservée à sa plainte que dans le cas où l'auteur des faits sera identifié ».
(85) D. Perben, Présentation du projet de loi lors de la première lecture à l'Assemblée nationale.
(86) A été modifiée la rédaction du 2° de l'art. 41-1 c. pr. pén., qui permet d'orienter l'auteur des faits vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle, pour indiquer
que « cette mesure peut consister dans l'accomplissement par l'auteur des faits, à ses frais, d'un stage ou d'une formation dans un service ou un organisme sanitaire, social ou
professionnel, et notamment d'un stage de citoyenneté ».
(87) K. Medjaoui, L'injonction pénale et la médiation pénale, tableau comparatif critique, Rev. sc. crim. 1996, p. 823 ; J. Pradel, D'une loi avortée à un projet nouveau sur
l'injonction pénale, D 1995, Chron. p. 171 ; J. Volff, Un coup pour rien ! L'injonction pénale et le Conseil constitutionnel, D 1995, Chron. p. 201 ; Cons. const. 2 févr. 1995,
Décis. n° 95-360 DC, D. 1997, Somm. p. 130, obs. T. S. Renoux.
(88) F. Le Gunehec (Présentation de la loi n° 99-515 du 23 juin 1999, JCP 1999, Actual, p. 1325) présente la composition pénale comme « une forme de transaction » ; V.
également les analyses de J. Leblois-Happe, De la transaction pénale à la composition pénale, JCP 2000, I, 198 ; P. Poncela, Quand le procureur compose avec la peine,
Rev. sc crim 2002, p. 638 ; J. Pradel, Une consécration du « plea bargaining » à la française ; la composition pénale instituée par la loi n° 99-515 du 23 juin 1999, D. 1999,
Chron. p. 379.
(89) F. Le Gunehec, La loi d'orientation et de programmation pour la justice, JCP 2002, Actual. p. 2101 ; P. Poncela, Quand le procureur compose avec la peine (bis), Rev.
science crim. 2003, p. 139. Dans sa décision, le Conseil constitutionnel ne se prononce pas sur ce point (Cons. const. 29 août 2002, Décis. n° 2002-461 DC, D 2003, Somm.
p. 1127, obs. L. Domingo et S. Nicot ; Rev. science crim. 2003, p. 612, obs. V. Bück).
(90) En 2001 (chiffres extraits de : Sénat, rapport fait au nom de la commission des lois, n° 441, t. 1, p. 287), sur 893 373 affaires ayant fait l'objet d'une réponse pénale, 269
996, soit 30,2 % firent l'objet de procédures alternatives aux poursuites. Parmi celles-là seules 1 511 donnèrent lieu à une procédure de composition pénale. La grande
majorité des procédures alternatives consiste en un rappel à la loi (129 021), au désintéressement de la victime et à la régularisation de la situation (38 823) ou encore en
une médiation (33 484). L'augmentation du recours aux procédures alternatives est très nette : elles représentaient 21,1 % de la réponse pénale en 1998 et 31,1 %
aujourd'hui. En 2002, on compte 6 755 procédures de composition pénale (Annuaire statistique de la justice, op. cit.).
(91) Cons. const., 2 févr. 1995, préc. Le juge constitutionnel refuse que des mesures de nature à porter atteinte à la liberté individuelle interviennent à la seule diligence du
ministère public. Une décision de l'autorité de jugement est nécessaire au nom de la sauvegarde de la liberté individuelle.
(92) J. Volff, L'ordonnance pénale en matière correctionnelle, D. 2003, Chron. p. 2777, spéc. p. 2780. Egalement : J. Hederer, Un an d'expérimentation de la composition
pénale dans un tribunal de grande instance, AJ Pénal 2003, p. 53.
(93) La loi du 9 mars 2004 procède d'ailleurs à l'extension du champ de l'ordonnance pénale, amorcée par la loi du 9 septembre 2002. Selon l'alinéa 1er de l'article 495 c. pr.
pén., dans sa nouvelle rédaction, « Peuvent être soumis à la procédure simplifiée prévue à la présente section les délits prévus par le code de la route, les contraventions
connexes prévues par ce code et les délits en matière de réglementations, relatives aux transports terrestres ».
(94) J. Danet et S. Grunvald, Brèves remarques tirées d'une première évaluation de la composition pénale, AJ Pénal 2004, p. 196.
(95) Jusque-là, l'art. 41-3 c. pr. pén. prévoyait que « La procédure de composition pénale est également applicable en cas de violences ou de dégradations
contraventionnelles, ainsi que pour les contraventions dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat ». Les mesures encourues ne sont pas exactement les mêmes que
pour un délit ; plutôt que de procéder simplement à une énumération, le législateur a opté pour une explication longue et confuse (V. al. 2 du nouvel art. 41-3 c. pr. pén.).
(96) Selon la loi nouvelle, les dispositions relatives à l'action publique et aux procédures de troisième voie sont d'application immédiate.
(97) Jusque-là, l'art. 41-2 c. pr. pén. prévoyait comme mesures : versement d'une amende de composition ; dessaisissement d'une chose au profit de l'Etat ; remise du permis
de conduire ou de chasse ; effectuer un travail non rémunéré ; suivre un stage ou une formation ; réparer les dommages subis par la victime. La loi Perben II ajoute à cette
liste : remise du véhicule ; ne pas émettre de chèque ni utiliser de carte de paiement, sous certaines réserves ; ne pas paraître dans certains lieux ; ne pas rencontrer ou
recevoir la ou les victimes ni le ou les coauteurs ou complices ; ne pas quitter le territoire national et remettre son passeport ; effectuer, à ses frais, un stage de citoyenneté.
(98) Sénat, rapport fait au nom de la commission des lois, par F. Zocchetto, n° 148, p. 198. Jusqu'à la loi Perben II, l'amende de composition était plafonnée, ne pouvant
excéder 3 750 euros ni la moitié du maximum de l'amende encourue.
(99) Assemblée nationale, rapport fait au nom de la commission des lois par J.-L. Warsmann, n° 1236, p. 163.
(100) Jusque-là il était indiqué qu'au cas d'échec de la composition « le procureur de la République apprécie la suite à donner à la procédure ».
(101) A. Laingui et A. Lebigre (Histoire du droit pénal, tome 2, Cujas, p. 114-115) exposent les analyses des criminalistes du XVIIIe siècle ; H. Roland et L. Boyer, Adages
du droit français, Litec, n° 245. Nemo auditur perire volens : on ne doit pas entendre celui qui veut mourir. Plus largement que sa traduction littérale, cet adage avertissait
du doute que l'on doit conserver face à l'aveu.
(102) Cons. const. 2 févr. 1995, op. cit., relative à l'injonction pénale, et 29 août 2002, op. cit., loi d'orientation et de programmation pour la justice, traitant des garanties en
matière d'ordonnance pénale.
(103) Rapport sur la mise en état des affaires pénales, sous la direction de M. Delmas-Marty.
(104) Art. 9-1 c. civ. Lire les pénétrantes remarques du Doyen Carbonnier (Droit civil, les personnes, PUF, 2000, n° 96) : « Qui défendrait mieux son innocence que
l'innocent ? Il y a, dans la reconnaissance d'un droit subjectif, une logique d'efficacité. Mais l'efficacité ne saurait être l'explication ultime. Ce droit doit bien avoir une
obligation pour support quelque part. (...) Cette obligation, en vérité, est un devoir absolu, sans vis-à-vis humain, automatisme exact d'un commandement si souvent
entendu - au coeur du christianisme, a dit un jour André Gide (Matthieu, VII, 1, et Luc, VI, 37, n'en ont été que les messagers) - Ne jugez point. Il est des juges pour juger,
et il en faut : ils se sacrifient pour nous dispenser de le faire. La présomption d'innocence est la projection de nos silences mêlés d'effroi devant notre propre justice ».
(105) R. Merle et A. Vitu, Traité de droit criminel : procédure pénale, 5e éd, Cujas, 2001, n° 215.
(106) Rapport de la Commission de réflexion sur la justice, op. cit., p. 71.
(107) On pourra consulter avec intérêt les travaux de la division des études de législation comparée du Service des études juridiques du Sénat, in Le plaider coupable,
rapport fait au nom de la commission des lois du Sénat, par F. Zocchetto, n° 441, t. 1, p. 567.
(108) Assemblée nationale, rapport fait au nom de la commission des lois, par J.-L. Warsmann, n° 856, t. 1, p. 304-305 : il est indiqué que, en 2001, sur 1 327 848 affaires
poursuivables, 46,8 % ont fait l'objet de poursuites, 32,7 % ont été classées sans suite, 20,4 % ont fait l'objet d'une procédure alternative aux poursuites et 0,1 % d'une
composition pénale. V. les analyses de Me Didier Ligier exposant le nouveau dispositif légal, Fonction de la justice : mieux juger ou traiter les flux policiers ?, Gaz. Pal. 1213 mai 2004, p. 5.
(109) Idem.
(110) Ces dispositions entreront en vigueur le 1er octobre 2004. Cette nouveauté est l'un des points de la loi les plus controversés : G. Ayache, A quoi bon !!! (à propos du «
plaider coupable »), D. 2004, Point de vue p. 356 ; J. Pradel, Défense du plaidoyer de culpabilité, JCP 2004, Actual. n° 58.
(111) Il s'agit de l'hypothèse dans laquelle la personne fait l'objet d'une convocation par procès-verbal ou d'une comparution immédiate.
(112) L'art. 495-8 c. pr. pén. renvoie à l'art. 132-24 c. pén. traitant de la personnalisation des peines.
(113) Dans un premier temps, il était prévu que la peine de prison proposée par le procureur ne puisse excéder six mois, soit le minimum des peines d'emprisonnement
encourues en matière délictuelle (Assemblée nationale, rapport fait au nom de la commission des lois, par J.-L. Warsmann, n° 856, t. 1, p. 310). Le Sénat a préféré
augmenter le seuil jusqu'à un an parce qu' « une telle durée paraît davantage en rapport avec le champ d'application de la nouvelle procédure (délits punis d'une peine
d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à cinq ans) que celle de six mois proposée par le projet de loi » (rapport Zocchetto, n° 441, préc., p. 412).
(114) En ce sens J. Pradel, Vers un « aggiornamento » des réponses de la procédure pénale à la criminalité, JCP 2004, I, 132, § 24.
(115) Sénat, rapport fait au nom de la commission des lois, par F. Zocchetto, n° 441, p. 413 : « Il convient de noter que la nouvelle procédure pourrait modifier
substantiellement le rôle de l'avocat. Celui-ci devra en effet conseiller son client sur le niveau des peines proposées par le ministère public. Il conviendra donc que les
avocats soient formés à cette nouvelle mission ».
(116) La loi précise que l'intéressé est informé que les frais d'avocat sont à sa charge sauf s'il remplit les conditions d'accès à l'aide juridictionnelle.
(117) Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, sous la direction de G. Cornu, PUF, Quadrige : cf. Homologation.
(118) V. Vers une peine négociée ?, dossier in AJ Pénal 2003, p. 45. Plus largement sur le sujet, notamment : F. Alt-Maes, La contractualisation du droit pénal mythe ou
réalité ?, Rev. science crim. 2002, p. 501 ; A. Cisse, Justice transactionnelle et justice pénale, ibid. 2001, p. 509 ; X. Pin, La privatisation du procès pénal, ibid. 2002, p.
245 ; Le consentement en matière pénale, LGDJ, coll. Bibliothèque de sciences criminelles, t. 36, 2002
(119) A. Decocq, L'avenir funèbre de l'action publique, Mélanges Terré, Dalloz - PUF - éditions du Juris-Classeur, p. 781.
(120) Assemblée nationale, rapport fait au nom de la commission des lois, par J.-L. Warsmann, n° 856, t. 1, p. 309.
(121) Sur ce sujet, plus largement : M.-J. Arcaute-Descazeaux, L'aveu, essai d'une contribution à l'étude de la justice négociée, thèse, Toulouse I, 1998, direction G. Roujou
de Boubée.
(122) Cons. const. 2 mars 2004, op. cit., considérant n° 107.
(123) Assemblée nationale, rapport Warsmann, n° 856, préc., p. 312.
(124) Cons. const. 2 mars 2004, op. cit., considérant n° 107.
(125) Assemblée nationale, rapport Warsmann, n° 856, préc., p. 312.
(126) Assemblée nationale, rapport Warsmann, n° 1236, préc., p. 200.
(127) Cons. const. 2 mars 2004, op. cit., considérants n° 117 et 118.
(128) V. F. Le Gunehec, op. cit., JCP 2004, Actual. n° 188, spéc. n° 5. Par cette position, le Conseil évite de remettre en cause les procédures de composition pénale et
d'ordonnance pénale.
(129) Sénat, rapport fait au nom de la commission des lois, par F. Zocchetto, n° 441, t. 1, p. 420.
(130) Sénat, rapport F. Zocchetto, préc., p. 416.
(131) A été rejeté un amendement entendant préciser que le plaider coupable ne doit être employé que lorsque l'auteur, non seulement reconnaît sa culpabilité, mais encore
s'engage à indemniser la victime (Assemblée nationale, rapport Warsmann, n° 856, préc., p. 311).
(132) Conseil supérieur de la magistrature, Rapport annuel d'activité, 2001, Journaux officiels : « Si le Conseil est favorable au maintien du pouvoir hiérarchique sur
l'ensemble des magistrats du ministère public, il propose en revanche un mode de nomination de ces magistrats qui permette d'éviter le soupçon de choix politique et de
garantir leur impartialité objective, au sens de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme » ; J.-P. Dintilhac, Rôle et attributions du procureur de la
République, Rev. science crim. 2002, p. 35 ; M. Robert, La Recommandation 2000 (19) du Conseil de l'Europe sur les principes directeurs pour les ministères publics
d'Europe, Rev. science crim. 2002, p. 47.
(133) Lire : M. van de Kerchove, Eclatement et recomposition du droit pénal, Rev. science crim. 2000, p. 5 ; D. Salas, Le juge dans la cité : nouveaux rôles, nouvelle
légitimité, Justices 1995, p. 181.
(134) Les modes alternatifs de règlement des conflits en matière pénale, Rev. gén. procédures, 1998, n° 1, p. 1 et spéc. p. 13.
(135) Le procès de la Justice, op. cit., p. 35.
FICHE 4 – L’ACTION CIVILE
ARRETS
1. La constitution de partie civile des parents et proches
1 – Crim. 19 juin 1975 : Bulletin criminel 1975 N° 161 + note A. Tunc
2 – Crim. 9 février 1989 : GAPP n°9
3 – Crim. 4 février 1998 : D. 1999.445
4- Crm. 14 février 2006 : AJP 2006. 174
2. La constitution de partie civile du coauteur
1- Crim. 28 octobre 1997 : Bulletin criminel 1997 N° 353 p. 1203 ; Dalloz, 1998-05-28, n° 20, p. 268, note D. MAYER et J-F.
CHASSAING
2 –Crim. 7 février 2001 : Bulletin criminel 2001 N° 38 p. 110
3. Les associations et l’action civile
1 – Crim. 23 juin 1986 : Bulletin criminel 1986 N° 218
2 – Crim. 3 mai 1988 : Bulletin criminel 1988 N° 188 p. 484
3 – Crim. 15 juin 2000 : Bulletin criminel 2000 N° 227 p. 673
4 – Crim. 27 février 2001 : Bulletin criminel 2001 N° 48 p. 142
5 – Crim. 23 janvier 2002 : Bulletin criminel 2002 N° 12 p. 31
EXERCICE : Commentaire d’arrêt
Crim. 12 avril 2005 : Bulletin criminel 2005 N° 121 p. 418
1. La constitution de partie civile des parents et proches
1 – Crim. 19 juin 1975 : Bulletin criminel 1975 N° 161 + note A. Tunc
(Bull. crim. no 161 ; D. 1975.679, note A. Tunc).
La concubine privée de son compagnon marié et victime d'un homicide par imprudence est recevable à réclamer des dommages-intérêts au tiers responsable.
Chambre criminelle, 19 juin 1975
Dame Toros
Attendu qu'aux termes de l'article 2 du code de procédure pénale, l'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit, ou une contravention, appartient à
tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que Bournazel, victime de l'homicide involontaire, était séparé de son épouse, qu'il vivait maritalement depuis plusieurs
années avec Toros Suzanne, envers laquelle il avait manifesté l'intention de régulariser sa situation à l'issue d'une procédure de divorce, et que tous deux élevaient ensemble
la fille née de leurs relations ainsi d'ailleurs que l'un des enfants issus du mariage de Bournazel ;
Attendu que, pour refuser en cet état de faire droit à l'action civile de la demanderesse Suzanne Toros, la cour d'appel s'est fondée sur le motif repris des premiers juges que
son concubinage, étant entaché d'adultère, présentait un caractère délictueux ;
Mais attendu que l'auteur responsable de l'homicide ne pouvait être admis à se prévaloir du caractère délictueux d'un état de fait touchant à la vie privée de la partie adverse
et que, d'après les dispositions combinées des articles 336, 337 et 339 du code pénal, seule l'épouse de la victime aurait eu légalement la faculté de dénoncer ou d'opposer en
justice ; que dès lors, l'exception tirée d'un tel état délictueux ne pouvait soustraire le prévenu aux conséquences civiles de sa propre responsabilité, ni priver la
demanderesse, si elle avait personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction, de l'action en indemnisation que lui ouvraient en pareil cas les articles
1382 du code civil, 2 et 418 du code de procédure pénale ;
D'où il suit que la cassation est... encourue ;
OBSERVATIONS
Sur la question délicate de l'indemnisation du concubin privé par accident de son compagnon, l'arrêt Dame Toros ci-dessus rapporté n'est certes pas le plus célèbre. Il
constitue cependant le point extrême - et qui ne sera sans doute pas remis en cause - d'une évolution jurisprudentielle tourmentée en décidant qu'un concubin peut demander
réparation de son préjudice même si son compagnon était marié. On doit replacer cet arrêt dans cette évolution avant d'en apprécier le bien-fondé.
I. - Les hésitations de la Cour de cassation s'expliquent parce que la question n'est pas seulement technique, se trouvant liée à des considérations socio-morales qui ont
évolué ces dernières décennies. Elles ont eu pour effet de laisser longtemps les concubins dans une grande incertitude. Plusieurs phases peuvent être distingués avant d'en
arriver à l'arrêt du 19 juin 1975.
A. - La première fait apparaître une opposition totale entre la chambre criminelle et la chambre civile (d'abord unique, puis la 2o de la Cour de cassation). Les magistrats
de la chambre criminelle, après avoir, il est vrai, hésité, se sont fixés en 1958, en faveur de la concubine par des arrêts conçus en termes généraux et subordonnant
l'indemnisation à la seule condition que le préjudice soit certain (Crim., 26 juin 1958, Gaz. Pal. 1958.2.160 ; 24 février 1959, JCP 1959.II.11095 ; 28 décembre 1959, Bull.
crim. no 593 ; 20 novembre 1962, Bull. crim. no 330 ; 18 février 1964, Bull. crim. no 55). Pendant ce temps, les magistrats civils de la Cour suprême déboutaient la
concubine qui ne pouvait se prévaloir " d'un intérêt légitime juridiquement protégé " (Civ., 27 juillet 1937, Méténier. D. 1938.1.5, note R. Savatier, S. 1938.1.321, note G.
Marty ; Civ., 22 février 1944, D. 1945.245, note J. Flour ; Civ. 2e, 10 janvier 1963, D. 1963.405 ; Civ. 2e, 7 avril 1967, D. 1967.496). Pourtant la jurisprudence de la 2e
chambre civile était contestée par certaines juridictions du fond dont les décisions (Paris, 10 mai 1958, Gaz. Pal. 1958.2.32) annonçaient un revirement.
B. - Curieusement, ce fut la chambre criminelle qui fit un pas vers la 2e chambre civile en rejetant l'action d'une demanderesse dont le concubin décédé était marié, ce qui
conférait, disait-elle, au concubinage un caractère délictueux et précaire (Crim., 20 janvier 1966, JCP 1966.II.14870, note Wiederkehr, D. 1966.184, rapp. R. Combaldieu).
Ce " coup de frein " (R. Combaldieu, précité) préfigure le célèbre arrêt Dangeraux rendu par la chambre mixte le 27 février 1970 (D. 1970.201, note R. Combaldieu, RTD
civ. 1970.353, obs. G. Durry, JCP 1970.II.16305, concl. J. Lindon, note Parlange ; add. J. Vidal, JCP 1971.I.2390) : cet arrêt en accordant une indemnité au concubin
survivant a relevé d'abord en termes généraux que " l'article 1382 C. civ. n'exige pas, en cas de décès, l'existence d'un lien de droit entre le défunt et le demandeur en
indemnisation " et ajoute qu'en l'espèce le concubinage ne présentait pas de caractère délictueux, ce qui implicitement conduisait à exclure toute réparation en cas de
concubinage adultérin et par conséquent à opposer les concubinages " purs " et les concubinages " impurs ". Cette distinction entre concubinages " purs " et concubinages
doublés d'adultère sera confirmée (Crim., 14 juin 1973, Bull. crim. no 263). Pourtant d'autres décisions, sans contredire directement l'arrêt de 1970, vont très loin, en
indemnisant une demanderesse qui était abandonnée depuis plus de trente ans par son mari et en se fondant sur un doute quant à l'existence de l'adultère (Crim., 20 avril
1972, Bull. crim. no 134 ; 14 juin 1973, Bull. crim. no 262).
C. - Ces deux arrêts annonçaient un nouveau revirement. C'est la troisième phase qui débute avec l'arrêt Dame Toros. Un sieur Bournazel, séparé de son épouse, vivait
maritalement depuis plusieurs années avec une dame Toros dont il eut un enfant. Il allait, semble-t-il, entamer une procédure de divorce lorsqu'il fut victime d'un accident
mortel. À la demande formée par la dame Toros, la chambre criminelle répond favorablement : peu importe l'adultère, la stabilité de l'union libre, condition du préjudice,
comptant seule désormais (Crim., 4 juin 1985. Bull. crim. no 213). Tous les arrêts postérieurs confirment cette nouvelle jurisprudence (Crim., 8 janvier 1976, Bull. crim. no
5, où le mari de la concubine était en hôpital psychiatrique depuis dix-huit ans ; 3 mai 1977, Bull. crim. no 150 ; 2 mars 1982, Bull. crim. no 64, où les concubins étaient
certes célibataires, mais où ils vivaient séparément tout en se témoignant mutuellement une " affection profonde et durable ").
La disparition de la condition d'illicéité et le maintien de la seule condition de préjudice entraine d'autres applications que celle relative au concubinage. Par exemple,
peut obtenir réparation de son préjudice économique l'enfant naturel du conjoint de la victime d'un homicide involontaire : en effet l'absence de lien de filiation entre cet
enfant et la victime n'est pas un obstacle à la demande en réparation d'autant plus que cet enfant vivait au foyer du défunt (Crim., 17 octobre 2000, Bull. crim. no 297 ; RTD
civ. 2001.379, obs. P. Jourdain). Et en l'espèce, ce qui a beaucoup pesé, c'est que l'enfant naturel vivait au foyer du défunt depuis quatre ans et était donc à la charge de ce
dernier, ce que ne manque pas de relever la chambre criminelle.
Que décider dans le cas du concubinage homosexuel ? L'individu qui perd son partenaire victime d'un homicide involontaire peut-il réclamer réparation ? La chambre
criminelle n'a pas encore statué, semble-t-il. Mais une décision du fond, en reprenant la formule générale de l'arrêt Dangereux du 27 février 1970, a admis l'indemnisation
des dommages économique et moral résultant de la disparition de l'union (TGI de Belfort, 25 juillet 1995, JCP 1996.II.22724, note C. Paulin). Solution dangereuse à notre
avis en ce qu'elle est contraire à l'intérêt social (V. dans le même sens G. Viney et P. Jourdain, " les conditions de la responsabilité ", 2e éd. 1998, no 272 in fine, in Traité de
droit civil, sous la direction de J. Ghestin, LGDJ). À titre comparatif, on évoquera une décision qui rejette une action en diffamation lancée par un groupe d'homosexuels
contre un évêque (Colmar, 27 juin 1983, D. 1983.550, note R. Koering-Joulin).
II. - Le bien-fondé de la jurisprudence inaugurée par l'arrêt du 19 juin 1975 doit être apprécié à deux égards.
A. - D'un point de vue strictement juridique, la chambre criminelle se fonde sur la généralité des articles 1382 du code civil et 2 du code de procédure pénale. Elle reprend
ainsi la conception de l'arrêt du 20 janvier 1966 précité qui, plus nettement encore, avait décidé que " l'article 1382 du code civil ne formule aucune distinction en ce qui
concerne la nature du dommage éprouvé et, en cas de décès de la victime, la nature du bien d'où résulterait un préjudice actuel, direct et personnel... " (V. déjà pareillement,
Crim., 20 février 1863, D. 1864.1.99 ; comp. Crim., 20 novembre 1962, précité, qui parle de la " manière générale " dont procède l'art. 1382 C. civ.). L'argument est
puissant car, effectivement, les deux articles posent le principe de la réparation sans prévoir de distinction puisqu'ils sont rédigés en termes très généraux.
L'hésitation reste cependant permise car la généralité de ces textes ne signifie pas nécessairement que l'atteinte à une situation délictueuse ou même seulement illicite
laisse subsister le droit à réparation. C'est qu'en l'espèce, la demanderesse se trouvait dans une telle situation.
Que sa situation ait été d'abord délictueuse, la Cour suprême le reconnaît implicitement puisqu'elle se borne à refuser au tiers auteur de l'accident le droit de l'invoquer,
l'adultère étant un délit privé qui ne peut être poursuivi que sur plainte de l'époux offensé. L'indifférence de la Cour de cassation à l'égard d'une situation délictueuse,
immorale, est d'ailleurs bien connue (Crim., 7 juin 1945, Lavaure, D. 1946.149, note R. Savatier, JCP 1946.II.2955, note J. Hémard). Et qu'une loi du 11 juillet 1975 ait
dépénalisé les atteintes à la fidélité conjugale n'apporte finalement pas grand-chose, si ce n'est une légitimation supplémentaire après coup de la jurisprudence Dame Toros.
En effet, dès avant cette loi, ces délits n'étaient que de " petites " infractions et la Cour de cassation n'hésitait pas à oublier le délit quand se posait la question de réparation.
Si l'on peut donc admettre que le caractère délictueux d'une situation n'exclut pas la réparation, peut-on raisonner de même à l'égard d'une situation illicite ? C'est qu'en
l'espèce, l'illicéité est évidente, le défunt ayant méconnu à la fois le devoir de fidélité (art. 212 C. civ.) et le devoir de vie commune (art. 215 C. civ.). Selon les principes, la
décision du 19 juin 1975 est certainement contestable. A quoi servirait en effet de consacrer par voie législative ces règles morales pour les bafouer ensuite à l'occasion d'un
procès ? C'est à peu près ce qu'estimait le conseiller Combaldieu quand il disait que la solution adoptée ne doit pas " être ressentie par l'épouse légitime comme un soufflet
qui lui serait porté " (rapport sous Crim., 20 janvier 1966, précité). Il faut cependant être réaliste car dans l'application la situation est souvent dramatique, l'époux ayant
disparu depuis des années. Et les valeurs morales pratiquées ne sont pas celles du législateur traditionnel. Et un sentiment d'amour peut habiter les faux-ménages aussi bien
que les autres. Doit-on ajouter qu'il est choquant que l'auteur du dommage échappe à toute obligation de réparer parce qu'il a eu " la chance " d'écraser une personne en
situation illicite ? On ne doit pas enfin sous-estimer les difficultés procédurales soulevés par un divorce (J. Dupichot, Des préjudices réfléchis nés de l'atteinte à la vie ou à
l'intégrité corporelle, 1969, no 140). Il faut donc ne pas exiger que le dommage soit légitime. Seule doit compter la condition de certitude du dommage. En somme le
dommage est un fait brut détaché de toute condition morale (contra Civ. 2e, 24 janvier 2002, pas de réparation de la perte de rémunérations si celles-ci étaient illicites, D.
Mazeaud, " La résistance de la règle morale dans la responsabilité civile ", D. 2002, Chron. 2559).
On ajoutera deux observations sur cette condition. D'abord, cette certitude se fonde sur " la continuité et la stabilité de l'union de fait " (Crim., 1er avril 1968, Bull. crim.
no 114, pour une demanderesse qui était à la fois ex-épouse divorcée et concubine du défunt dont elle avait eu quinze enfants au cours de vingt-sept années de vie
commune), caractères découlant eux-mêmes de la communauté d'existence, de l'affection et, le cas échéant, de la présence d'enfants communs. C'est par un strict contrôle de
cette condition que l'on évitera des réparations abusives, voire la réparation simultanée en faveur de la veuve et de la concubine ou en faveur de deux concubines (Crim., 8
janvier 1985, Bull. crim. no 12, JCP 1986.II.29588, note Endreo, où la double liaison invoquée était précaire s'agissant d'un polygame qui avait une maîtresse de jour, une
autre de nuit) ; il est vrai que cette règle de la réparation simultanée est réduite par cet autre arrêt qui admet l'action à la fois de l'épouse et de la concubine, mais en tenant
compte de la précarité du concubinage pour évaluer le préjudice de la concubine (Crim., 9 octobre 1996, Dr. pén. 1997, Comm. 12, obs. A. Maron). Ensuite, seconde
observation, la concubine peut obtenir réparation même si le concubinage ne s'accompagnait pas de cohabitation (Crim., 2 mars 1982, Bull. crim. no 64, JCP 1983.II.19972,
note P. le Tourneau, RTD civ. 1983.341, obs. G. Durry).
B. - La jurisprudence Dame Toros se justifie encore par certaines considérations extrajuridiques.
On a soutenu que l'indemnisation de la concubine d'un homme marié pouvait nuire à la famille légitime. Mais on a brillamment répondu à cette obligation (note A. Tunc
sous Crim., 19 juin 1975). Il est en effet très douteux que le refus d'indemnisation pousse à l'avenir les concubins vers le mariage ; on ne peut avoir une conception
quantitative du mariage. Ce qui est sûr en revanche, c'est que dans l'immédiat, un tel refus peut laisser désemparée une femme et des enfants.
Il faut convenir aussi que l'opinion publique est favorable à l'indemnisation (V. les résultats d'un sondage au Compte général de l'administration de la justice, 1969, p. R.
109). Cette faveur s'explique à la fois par l'importance sociologique de l'union libre dans les milieux populaires et par l'existence d'un courant d'idées à caractère à la fois
idéaliste (œuvres de P. et V. Marguerite et de L. Blum, Du mariage, 1907) et démographique (J. Dupichot, précité, no 95).
Et pourtant, la réparation de la concubine adultère est moralement choquante aux yeux de beaucoup.
2 – Crim. 9 février 1989 : GAPP n°9
Crim., 9 février 1989, Latil-Janet
(Bull. crim. no 63 ; D. 1989.614, note Bruneau ; ibid. Somm. 389, et obs.).
L'épouse d'un homme victime de blessures par imprudence peut demander au juge pénal réparation de son préjudice moral propre.
Chambre criminelle, 9 février 1989
Latil-Janet
... Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 2, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné in solidum Latil, le responsable, la société Ford France, civilement responsable, et la compagnie d'assurances La Zurich à payer à
Mme Janet, née Nadine Follot, la somme de 25 000 francs et à ses enfants Baptiste Janet et Julien Janet, la somme de 10 000 francs chacun, avec intérêts de droit à
compter de l'arrêt, en réparation de leur préjudice moral ;
" aux motifs que "le conjoint de Christian Janet, Nadine Follot et ses enfants mineurs ont subi du considérablement diminuée sur le plan physique et intellectuel, un
préjudice certain, direct, personnel, se détachant de celui souffert par la victime et non compensé par la réparation qui devra être accordée à celle-ci ; que ce préjudice
moral de caractère exceptionnel justifie l'allocation à Nadine Janet d'une somme de 25 000 francs et à chacun des deux enfants mineurs la somme de 10 000 francs " ;
" alors qu'un préjudice direct peut, seul, donner naissance à l'action civile devant les tribunaux de répression ; que l'exercice de l'action civile devant la juridiction pénale
est un droit exceptionnel qui, en raison de sa nature, doit être strictement renfermé dans les limites fixées par le Code de procédure pénale ; que ne présente pas un
caractère direct le préjudice moral qui résulterait tant pour Mme Janet, née Follot, que pour les deux enfants Baptiste et Julien Janet des graves infirmités dont reste
atteint leur mari et père ; qu'en leur allouant, de ce chef, des dommages-intérêts, la cour d'appel a méconnu le principe ci-dessus rappelé " ;
Attendu que l'épouse de Janet ayant réclamé, pour elle-même et pour ses enfants mineurs, des indemnités en réparation du dommage moral que leur causait le spectacle des
graves blessures infligées à leur mari et père, " considérablement diminué sur le plan physique et intellectuel ", les juges ont accueilli cette prétention par les motifs
reproduits au moyen ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'en effet, il résulte des dispositions des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale que les proches de la victime d'une infraction de blessures involontaires sont
recevables à rapporter la preuve d'un dommage dont ils ont personnellement souffert et découlant directement des faits objet de la poursuite ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette les pourvois.
OBSERVATIONS
En décidant que les proches (conjoint, parents, descendants, compagnon) d'une personne victime d'une infraction de blessures involontaires sont recevables à exercer
l'action civile, la chambre criminelle, dans son arrêt du 9 février 1989, apporte une solution importante, révolutionnaire et non évidente.
Solution importante tout d'abord en raison, faut-il le rappeler, du nombre élevé d'accidents de la circulation : chaque année en France, on compte 250 000 blessés dont 60
000 gravement atteints (La sécurité routière, Livre blanc, présenté au Premier ministre, La Documentation française, 1989, p. 14). Même si les chiffres sont depuis peu à la
baisse, ils restent encore élevés.
Solution révolutionnaire ensuite car, avant l'arrêt de 1989, la Cour de cassation avait, par une longue suite d'arrêts, rejeté cette action civile (Crim., 4 mai 1954, JCP 1954.
II.8245, déboutant l'épouse dont le mari avait été victime d'un grave accident le jour même de son mariage ; 29 novembre 1966, JCP 1967.II.14979, RTD civ. 1967.633,
obs. Durry ; 6 mars 1969, Bull. crim. no 110, Rev. sc. crim. 1969.888, obs. J.-M. Robert ; 23 janvier 1975, D. 1976.375, note J. Savatier ; Ass. plén., 12 janvier 1979, affaire
Salva, JCP 1980.II.19335, rapport Ponsard et note M.-E. Cartier ; 18 janvier 1982, Bull. crim. no 14).
Solution non évidente enfin (V. observations nuancées du rapport Ponsard). L'admission de l'action civile des proches se fonde certes sur d'excellentes raisons, mais elle ne
s'accorde guère avec la conception classique des conditions de recevabilité de l'action civile.
I. -La recevabilité de l'action civile des proches de la personne blessée n'est pas exactement conforme à la tradition de l'action civile. Sans doute, les demandeurs à l'action
civile ont-ils bien éprouvé un préjudice : l'arrêt du 9 février 1989 évoque " le spectacle des graves blessures infligées à leur mari et père considérablement diminué sur le
plan physique et intellectuel ". Mais on sait que devant le juge pénal, l'existence d'un préjudice ne suffit pas à fonder la recevabilité de l'action civile. Ce n'est pas n'importe
quel préjudice qui autorise la victime à saisir le juge répressif.
Il est admis en effet depuis la fin du xixe siècle que l'action civile exercée devant le juge répressif est de droit étroit : " l'exercice de l'action civile devant la juridiction
pénale, rappelle souvent la chambre criminelle, est un droit exceptionnel qui, en raison de sa nature, doit être strictement renfermé dans les limites fixées " par la loi (Crim.,
25 février 1897, S. 1898.1.201, note Roux ; 11 décembre 1969, D. 1970.156 ; 23 janvier 1975, précité ; 16 février 1983, Bull. crim. no 58 ; 15 janvier 1991, Bull. crim. no
24). Cette idée s'explique parce que l'action civile met en mouvement l'action publique et plus généralement parce qu'elle " corrobore " cette dernière (Crim., 15 mars et 4
octobre 1977, D. 1977.IR.239, obs. M. Puech). Or le moyen technique utilisé par la chambre criminelle pour restreindre l'action civile est de dire que celle-ci n'" appartient
qu'à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ", formule que consacrera l'article 2 du code de procédure pénale. Le dommage
pénal réparable devant le juge répressif doit donc être à la fois direct et personnel (c'est le fameux " étranglement " de l'action civile).
A. -La jurisprudence et la doctrine ne définissent guère la notion de préjudice direct, que le législateur se borne à rappeler à l'article 2 du code de procédure pénale. Les
auteurs civilistes, se bornent en général à dire que la notion implique un lien de causalité entre l'infraction et le dommage, ajoutant qu'elle suppose une certaine appréciation
du juge et qu'elle entraîne quelques incertitudes (G. Durry, obs. RTD civ. 1967.395) et précisant encore que le dommage est direct quand il y a entre le fait dommageable et
le dommage un lien suffisant de causalité en sorte que ce dernier est " la suite nécessaire " de celui-là (Pothier, Traité des obligations, nos 166 et s.). On parle aussi "
d'enchaînement causal " (P. Le Tourneau et L. Cadiet, Droit de la responsabilité et des contrats Dalloz, Action 2000-2001 no 1777). En procédure pénale, il faut préciser les
choses cependant. Le caractère direct du préjudice s'explique par la nature propre de l'infraction pénale qui, loin d'être " tout fait quelconque de l'homme " (art. 1382 C. civ.)
est un comportement précis et limitativement conçu par une loi particulière. Par conséquent, une infraction ne peut causer comme dommage réparable que celui qui est
prévu par le texte d'incrimination. En revanche, un préjudice " né à l'occasion de l'infraction alors même qu'il lui serait étroitement lié ne pourrait donner lieu à action civile
devant les juridictions répressives " (G. Stéfani, Procès pénal et action civile, 1955-1956, p. 71, cité par M. E. Cartier, JCP 1980.II.19335) ; il ne s'agirait là que d'un
dommage indirect, par ricochet.
Cette exigence donne lieu à d'innombrables applications en jurisprudence (Faivre, " Action civile ", nos 84 et s., in Répertoire de droit pénal et de procédure pénale). Elle
explique par exemple que l'enfant conçu à la suite du viol d'une jeune femme par son propre père est recevable à agir : l'infraction de viol entraîne bien directement un
préjudice notamment économique pour l'enfant qui va devoir vivre dans des conditions désastreuses (Crim., 4 février 1998, Bull. crim. no 43, D. 1999.445, note BourgaultCoudevylle, JCP 1999.II.10178, note Moine-Dupuy, Dr. pén. 1998, Comm. 104, obs. A. Maron) ; on pourrait pourtant soutenir que lors de l'infraction génératrice du
préjudice, la victime n'existait pas. Elle explique le rejet de l'action intentée par la victime d'un vol aux fins de remboursement des frais engagés pour la mise en place d'un
dispositif de surveillance (Crim., 9 avril 1976, Bull. crim. no 108) ou par les actionnaires d'une société en cas de non-révélation de faits délictueux par le commissaire aux
comptes (Crim., 24 janvier 1978, Bull. crim. no 28) ou encore par l'assureur de la victime d'un vol (Crim., 8 avril 1986, Bull. crim. no 116, D. 1987. Somm. 77 et obs.). De
même, en cas de condamnation pour vol, mais d'acquittement pour meurtre, les ayants droit de la victime du meurtre ne peuvent obtenir des dommages-intérêts (Crim., 25
avril 1990, Bull. crim. no 155, D. 1990. Somm. 375, et obs.). Et bien sûr, la dépense résultant pour l'héritier de l'obligation légale d'acquitter les droits de mutation après
décès ne constitue pas un élément du préjudice né directement de l'infraction, objet de la poursuite (Crim., 28 février 1996, Bull. crim. no 97). De même encore, est
seulement indirect le préjudice d'une association pour l'atteinte à sa réputation causée par la mise en examen de salariés et dirigeants de celle-ci pour infractions à la
législation sur les stupéfiants (Crim., 12 septembre 2000, Bull. crim. no 264). Quant aux membres de la famille d'une victime d'une dénonciation calomnieuse, ils ne sont
pas les victimes directes de cette infraction (Crim. 22 octobre 2002, Bull. crim. no 189). Enfin, il a été jugé qu'en cas de poursuite pour abus de biens sociaux contre les
dirigeants, les associés ne peuvent pas agir : le dommage, dit la chambre criminelle, est subi par la société elle-même et ne constitue pas un préjudice propre à chaque
associé (Crim., 13 décembre 2000, 2 arrêts, Bull. crim. nos 373 et 378, Responsabilité civile, JCP 2001.I.338, chron. G. Viney) : voilà une étrange conception alors qu'il est
évident que les agissements du prévenu ont appauvri les associés !
Le cas des proches dans notre affaire est analogue. Ce qui en effet découle directement du délit de blessures par imprudence reproché au prévenu, ce sont les blessures
physiques éprouvées par la victime même. La douleur morale de l'entourage n'est qu'un préjudice par ricochet ou médiat, réfléchi, par répercussion dit-on encore. C'est
pourquoi, du fait d'un homicide par imprudence, des parents ou amis éprouvant des troubles psychiques ne peuvent pas agir devant le juge pénal car le prévenu, par
hypothèse, n'est pas poursuivi pour blessures involontaires sur leur personne (Crim., 1er mars 1973, JCP 1974.II.17615, note G. Viney).
Si dans certains cas, le juge pénal peut réparer un préjudice indirect, c'est parce que le législateur est venu à titre exceptionnel lui consentir de manière expresse une
prorogation de compétence. C'est le cas de l'article 3, alinéa 2 du Code de procédure pénale qui décide que l'action civile " sera recevable pour tous chefs de dommages,
aussi bien matériels que corporels ou moraux, qui découleront des faits objets de la poursuite ". Ce texte a été pris en 1959 pour permettre à la victime d'un dommage
corporel d'obtenir aussi la réparation de son dommage matériel, lequel ne découle pas directement du délit de blessures involontaires. Mais comme ce texte vise le cas très
particulier des accidents de la circulation (A. Besson, R. Vouin et P. Arpaillange, Code annoté de procédure pénale, 1958, art. 3, p. 3) et la victime directe, il paraît
impossible de l'étendre au cas du dommage moral éprouvé par le conjoint de la victime blessée. En outre, la chambre criminelle, après avoir hésité il est vrai, s'est
finalement refusée à appliquer l'article 3, alinéa 2 du code de procédure pénale à la victime d'un accident de la circulation qui n'aurait été atteinte que dans ses biens (Crim.,
2 décembre 1975, Bull. crim. no 164 ; 12 décembre 1977, Bull. crim. no 391 ; 18 octobre 1995, Bull. crim. no 312).
Il faut donc convenir que l'épouse du conjoint blessé n'éprouve pas un préjudice direct et qu'elle est donc irrecevable à ce titre. En est-il de même en ce qui concerne la
condition que le préjudice doit être aussi personnel ?
B. -La nécessité du caractère personnel du préjudice est assez complexe à analyser. 1. - Là encore une définition est nécessaire. Pour la chambre criminelle, le préjudice
personnel n'est pas celui qui est propre au demandeur, c'est-à-dire différent dans ses éléments de celui qui s'applique à la victime première. Ce n'est pas non plus celui qui
est certain dans son existence. Car il existe des préjudices réels et objectivement réparables qui sont ignorés du juge pénal et dont seul le juge civil peut connaître. C'est
pourquoi la chambre criminelle rejette l'action civile des créanciers de la victime (Crim., 16 janvier 1964, D. 1964.194 ; 24 avril 1971, Bull. crim. no 117), du cessionnaire
de son action (Crim., 25 février 1897, précité) et des personnes qui sont subrogées dans ses droits (Crim., 18 février 1967, Bull. crim. no 186, pour l'assureur avant la loi du
8 juillet 1983, art. 385-1 et s. C. pr. pén., qui admet l'intervention de celui-ci à l'instance pénale ; 2 mai 1984, Bull. crim. no 150). Ces personnes subissent bien un préjudice,
mais elles sont étrangères à l'infraction elle-même qu'elles n'ont pas vécu. Si certains subrogés peuvent exceptionnellement agir, c'est que, là encore, un texte spécial est
intervenu (par ex. art. L. 376-1 et 454-1 C. séc. sociale, pour les caisses de sécurité sociale et art. 385-1 et s. C. pr. pén., pour l'assureur). Ainsi le préjudice personnel, c'est
celui qu'éprouve la victime même de l'infraction. Seul celui qui a reçu " l'impact de l'infraction " peut faire état d'un préjudice personnel.
Par conséquent, ici encore, la situation du conjoint ou parent est très nette. Il ne peut agir, faute d'avoir reçu le choc de l'infraction. Il n'est pas " la personne que la norme
transgressée avait pour but de protéger " (M. Puech, L'illicéité dans la responsabilité civile extracontractuelle, 1973, no 370). Déjà en 1866, Faustin-Hélie ne disait pas
autre chose : " Mais quant aux crimes et délits qui ont porté dommage à tous nos proches, nous n'avons en général aucune action pour en poursuivre la réparation. En effet,
le dommage ne frappe ni notre personne, ni nos biens ; il n'ouvre donc aucun droit en notre faveur " (Traité de l'instruction criminelle, t. I, no 542, p. 651). 2. - Trois
remarques générales doivent ici être faites. D'abord, il arrive à la jurisprudence de nier l'existence d'un préjudice personnel et de prétendre, à des fins d'allègement des
audiences pénales, que l'infraction est " d'intérêt général " (V. infra, no 10). Ensuite la jurisprudence hésite pour décider si tel préjudice dont elle ne veut pas assurer la
réparation est indirect ou s'il est non personnel. Certains arrêts retiennent cette dernière qualification, mais d'autres ont retenu la première (Crim., 23 janvier 1975, précité).
On peut s'étonner d'une telle divergence. A la vérité, elle s'explique parce que les deux notions sont très proches l'une de l'autre. Enfin, si la chambre criminelle exige un
préjudice direct et personnel pour accorder réparation, ce n'est pas seulement parce qu'elle estime, à juste titre, que la vengeance est de droit étroit, c'est aussi parce qu'elle
entend éviter l'encombrement des juridictions pénales. Mais croit-on vraiment que ces dernières vont se trouver engorgées parce qu'on y aura admis le conjoint de la victime
blessée ? C'est oublier qu'en pratique, la victime " vraie " se sera elle aussi constituée de sorte que la constitution du conjoint n'apportera qu'une surcharge infime aux
magistrats répressifs. Si néanmoins subsistait la crainte de voir ce conjoint poursuivre, le premier, de sa haine le tiers auteur de sa misère morale, il resterait la possibilité législative celle-là - de l'autoriser à intervenir. Il est en effet choquant de le voir moins bien traité que... les caisses de sécurité sociale (M. E. Cartier, précité, in fine). C'est
pourquoi les magistrats dans l'affaire jugée le 9 février 1989, désireux d'accueillir la famille, ont préféré affirmer que le dommage était direct et personnel. Même si cette
affirmation n'est pas exacte au regard des conceptions traditionnelles, comme on vient de le voir, elle se fonde sur des raisons solides.
II. -Ces raisons sont au nombre de deux.
A. -En premier lieu, la jurisprudence civile, statuant dans des cas rigoureusement identiques, n'hésite pas à accueillir la demande. Si l'on excepte un arrêt ancien et unique
(Req., 22 décembre 1942, D. 1945.99, note Givord), tous ceux qui ont suivi ont admis le principe de l'indemnisation du préjudice moral éprouvé par les proches, qu'ils
émanent d'abord de la chambre civile unique (Civ., 22 octobre 1946, D. 1947.59) ou ensuite de la deuxième chambre civile (Civ., 21 octobre 1960, Bull. civ. II, no 594 ; 10
juin 1964, D. 1964, Somm. 111 ; 16 février 1967, Bull. civ. II, no 77 ; 28 octobre 1968, JCP 1970.II.16359, 1re espèce, note J. Dupichot ; 8 décembre 1971, Bull. civ. II, no
339 ; 14 décembre 1972, Gaz. Pal. 1973.2.587 ; 5 janvier 1973, Bull. civ. II, no 6 ; 10 octobre 1973, Bull. civ. II, no 254 ; 23 mai 1977, Bull. civ. II, no 139 ; 1er mars 1978,
Bull. civ. II, no 51 ; V. dans le même sens pour le préjudice matériel, Civ. 13 décembre 1978, Bull. civ. II, no 271, 18 mars 1981, D. 1981.IR.323, obs. Ch. Larroumet ; Civ.
1re, 23 novembre 1989, Bull. civ. I no 369 ; Civ. 2e, 3 février 1993, JCP 1993.IV.879 et 3 mai 1995, Resp. civ. et ass. 1995, Comm. 224). Une seule hésitation est apparue.
Les premiers arrêts exigeaient un préjudice " d'une gravité exceptionnelle " (Civ., 22 octobre 1946, 16 février 1967, 14 décembre 1972, 5 janvier 1973 et 10 octobre 1973,
précités). Les derniers ont par bonheur supprimé cette déraisonnable limite (Civ., 23 mai 1977 et 1er mars 1978, précités). Ainsi l'opposition était éclatante entre la 2e
chambre civile et la chambre criminelle avant l'arrêt du 9 février 1989. Grâce à ce dernier, la jurisprudence retrouve son unité.
C'est d'autant plus heureux que les arrêts civils contiennent des attendus... identiques à ceux de la chambre criminelle. Celui du 22 octobre 1946 parle d'un " préjudice
découlant (pour le père) directement de l'accident ". Celui du 21 octobre 1960 mentionne le dommage moral que " le mari prétendait avoir personnellement et directement
subi ". Celui du 10 juin 1964 vise " un préjudice personnel... en relation directe avec l'accident ". Enfin, ceux des 8 décembre 1971, 23 mai 1977 et 1er mars 1978 se réfèrent
à un " dommage personnel, direct et certain ". En somme, dans la même situation, les magistrats civils reconnaissent que le préjudice est direct et personnel alors que leurs
collègues de la chambre criminelle niaient avant le 9 février 1989 ce double caractère. Étrange situation qui ne pouvait s'expliquer que par la tradition restrictive de la
jurisprudence pénale et par l'existence " au pénal " de l'article 2 du Code de procédure pénale. Les mêmes mots ont donc aujourd'hui le même sens d'une juridiction à l'autre.
B. -En second lieu, la chambre criminelle elle-même accueille l'action civile du demandeur si la victime première est décédée des suites de l'infraction. Les proches
éprouvent alors, dit-elle, un préjudice propre qui est direct et personnel. Peuvent ainsi demander réparation de leur dommage moral le conjoint (Crim., 6 mai 1982, Bull.
crim. no 115 et RTD civ. 1983.348, obs. G. Durry), les parents (Crim., 2 mars 1967, Bull. crim. no 87 ; 1er mars 1973, Bull. crim. no 105), les descendants (Crim., 15
octobre 1979, Bull. crim. no 277), les frères et sœurs (Crim., 20 juin 1863, D. 1864.1.99), voire une personne non membre de la famille, mais psychologiquement très
proche (Crim., 20 mars 1973, Bull. crim. no 137) ; la jurisprudence précise même que la recevabilité de l'action civile n'est pas subordonnée à l'existence d'une créance
alimentaire au profit du demandeur (Crim., 8 mars 1983, Bull. crim. no 71 ; 2 mai 1983, Bull. crim. no 119).
Cette action propre au demandeur ne doit évidemment pas être confondue avec celle qu'il peut exercer en qualité d'héritier lorsque la victime n'est pas décédée
immédiatement, trépassant en cours d'instance par exemple. Or l'héritier se voit reconnaître le droit d'agir même si la victime ne l'avait pas fait. Ainsi en a décidé la chambre
mixte en 1976 : le droit à réparation de la souffrance morale se transmet aux héritiers même en cas d'inaction procédurale de la victime avant son décès (Ch. mixte, 30 avril
1976, 2 arrêts, D. 1977.185, note Contamine-Raynaud). La solution donnée le 30 avril 1976 paraît pourtant contestable, du moins devant le juge pénal : le préjudice
résultant des souffrances endurées par la victime est évidemment personnel de sorte que l'action ne doit pouvoir être exercée que par la victime même (action vengeresse),
l'abstention de celle-ci signifiant qu'elle a pardonné. Et pourtant cette solution sera étendue (et cette fois logiquement), d'abord à titre général, les héritiers peuvent obtenir
réparation du préjudice que l'infraction a causé à leur auteur décédé en cours d'instance (Crim. 9 octobre 1985, Bull. crim. no 305, D. 1987. 93, note Breton), mais à la
condition qu'ils aient repris la procédure engagée par leur auteur (Crim. 26 novembre 1998, Bull. crim. no 318, Rev. sc. crim. 2000. 219, obs. A. Giudicelli). Ultérieurement
il sera précisé même que la victime initiale a pu ne survivre à l'accident que quelques instants, mais qu'elle a dû avoir eu conscience de son malheur avant de décéder
(Crim., 28 octobre 1992, D. 1993, Somm. 203 et obs., arrêt notant qu'il n'a été constaté chez la victime " aucune perte de conscience ").
En définitive, même si la solution donnée par l'arrêt du 9 février 1989 n'est pas exactement conforme à l'exigence d'un préjudice direct et personnel au sens traditionnel, elle
s'impose dans la réalité : d'abord en fait car les victimes par ricochet ont bien éprouvé un préjudice (et souvent considérable) ; ensuite au regard des solutions de longue date
admises dans des situations assez ou très voisines. L'arrêt de février 1989 est dans le droit fil du mouvement actuel de protection des victimes d'infractions (V. en dernier
lieu, loi du 6 juillet 1990 sur les victimes d'infractions et Convention européenne relative au dédommagement des victimes d'infractions violentes entrée en vigueur le 1er
juin 1990 et publiée par décret du 29 mai 1990). C'est la raison pour laquelle la solution inaugurée par l'arrêt du 9 février 1989 a toutes chances de durer longtemps. Elle a
déjà été confirmée par un arrêt rendu dans une espèce identique de blessures involontaires (Crim., 21 mars 1989, Bull. crim. no 137) et par un autre rendu dans une affaire
de coups volontaires (Crim., 23 mai 1991, Bull. crim. no 220, D. 1992. Somm. 95, et obs., avec la reprise de la formule du " dommage causé par le spectacle de l'état
physique ou psychique découlant des graves blessures infligées à un conjoint ").
3 – Crim. 4 février 1998 : D. 1999.445
LA COUR - Statuant sur le pourvoi formé par X... Corinne, en qualité de représentante légale de sa fille mineure Aurélie X..., partie civile, contre l'arrêt de la cour d'assises
de l'Isère, du 10 décembre 1996, qui, après condamnation de Maurice X... pour viols aggravés, a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu les mémoires produits en demande et
en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 2 et 3 du code de procédure pénale, 222-23, 222-24 du code pénal, 593 du code de procédure pénale,
défaut de motifs et manque de base légale ; « en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de Corinne X... en qualité d'administrateur légal de
sa fille mineure Aurélie X... ; aux motifs qu'Aurélie X... n'est pas la victime du crime de viol commis sur la personne de sa mère et qu'elle ne subit aucun préjudice
découlant directement de cette infraction ; alors, d'une part, que, faute de préciser si elle statue en fait ou en droit, la cour d'assises n'a pas mis la Cour de cassation en
mesure d'exercer son contrôle et a ainsi privé sa décision de toute base légale ; alors, d'autre part, que l'enfant né de relations incestueuses forcées entretenues par un père
avec sa fille mineure peut subir un préjudice direct, résultant de ce viol, dont l'auteur du crime lui doit réparation ; que, en interdisant à l'enfant né de telles relations de se
constituer partie civile, la cour d'assises a violé les textes précités ; alors, enfin, que le représentant de l'enfant faisait valoir que celle-ci, au courant de sa filiation, en avait
subi un préjudice psychologique grave et avait une personnalité extrêmement fragile nécessitant un suivi médico-psychologique constant ; que, faute de s'expliquer sur ces
éléments, la cour n'a pas donné de base légale à sa décision » ; - Vu lesdits articles :
Attendu que selon les articles 2 et 3 du code de procédure pénale les proches de la victime d'une infraction sont recevables à rapporter la preuve d'un dommage dont ils ont
personnellement souffert et qui découle des faits, objet de la poursuite ; - Attendu que, pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile de Corinne X..., agissant au
nom de sa fille, née des relations incestueuses que son père lui avait imposées au cours de sa minorité, l'arrêt attaqué énonce que l'enfant « n'est pas la victime du crime de
viol commis sur la personne de sa mère et qu'elle ne subit aucun préjudice découlant de cette infraction » ; - Mais attendu qu'en ne reconnaissant ainsi qu'à la seule personne
ayant subi un viol le droit d'exercer l'action civile contre l'auteur des faits, la cour d'assises a méconnu les textes et le principe ci-dessus visés ; d'où il suit que la cassation
est encourue de ce chef ;
Par ces motifs, casse et annule en ses seules dispositions ayant déclaré irrecevable la constitution de partie civile de Corinne X..., agissant en qualité d'administratrice légale
de sa fille mineure Aurélie X..., l'arrêt de la cour d'assises de l'Isère en date du 10 décembre 1996, toutes autres dispositions étant expressément maintenues, et pour qu'il
soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, renvoie la cause et les parties devant le tribunal civil de Lyon, à ce désignée par
délibération spéciale prise en chambre du conseil...
4- Crm. 14 février 2006 : AJP 2006. 174
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu’à la suite de propos tenus lors d’une réunion de la commission permanente du conseil régional de la
Région Rhône-Alpes, Germaine Y... a été citée par le procureur de la République devant le tribunal de police du chef de provocation non publique à la discrimination, à la
haine ou à la violence raciale ; que le tribunal l’a condamnée à une amende et à payer des dommages-intérêts à la Région Rhône-Alpes, à la ligue internationale contre le
racisme et l’antisémitisme (LICRA), à l’association SOS Racisme, à la ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen, à la fédération départementale
du Rhône et au comité régional du mouvement contre le racisme et pour l’amitié des peuples (MRAP), constitués partie civile ; que Germaine Y... a interjeté appel ; que,
devant la cour d’appel, elle a soutenu que ses propos ne mettaient en cause aucune communauté, que les juridictions de l’ordre judiciaire étaient incompétentes pour allouer
des dommages-intérêts dès lors qu’elle avait la qualité d’agent public et que les faits poursuivis n’étaient pas détachables de ses fonctions ; qu’elle a également fait valoir
que la Région Rhône-Alpes, qui ne tirait d’aucune disposition de la loi un droit particulier à être indemnisée, ne justifiait pas d’un préjudice personnel et direct ;
(…)
Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche ;
Vu l’article 2 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu’il résulte de ce texte que l’action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention n’est recevable que si le dommage a été
causé directement par l’infraction ;
Attendu que, pour condamner Germaine Y... à payer des dommages-intérêts à la Région Rhône-Alpes, l’arrêt retient que la prévenue, en tenant les propos poursuivis, au
cours d’une réunion de la commission permanente du conseil régional, a porté une atteinte sérieuse à l’image de la Région, qui, en application des articles 2 et 3 du Code de
procédure pénale, est recevable à se constituer partie civile pour demander réparation du préjudice moral qu’elle a subi ;
Mais attendu qu’en prononçant ainsi, alors que ne peut qu’être indirect, pour une Région, le préjudice résultant du discrédit que lui porteraient les propos tenus par l’un des
ses membres, la cour d’appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et du principe ci-dessus rappelé ;
D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Lyon, en date du 26 mai 2005, en ses seules dispositions ayant condamné Germaine
Y... à payer 1 euro à titre de dommages- intérêts et une somme en application de l’article 475-1 du Code de procédure pénale à la Région Rhône-Alpes, toutes autres
dispositions étant expressément maintenues ;
DIT n’y avoir lieu à renvoi ;
2. La constitution de partie civile du coauteur
1- Crim. 28 Octobre 1997
« Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 2 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que la chambre d'accusation a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de Bernard Foucher ;
" aux motifs que les délits qu'il dénonce : faux et usage de faux, menaces de mort, à les supposer établis, ont nécessairement été commis avant l'action criminelle du 30 mars
1985 dont ils n'ont été que les composantes, étant souligné par ailleurs, qu'à l'époque des faits et des poursuites engagées à son encontre, non seulement Bernard Foucher n'a
pas fait état de ces éléments comme des faits commis à son préjudice mais seulement comme les moyens nécessaires à une action criminelle à laquelle il a été partie
prenante et dont, loin de se plaindre, il l'a revendiqué haut et fort ; que l'appelant ne peut invoquer un préjudice personnel et direct résultant de l'ensemble de ces faits qu'il
ne saurait trouver dans la condamnation définitive subie par lui conformément à la loi, et n'a pas qualité pour agir ;
" alors qu'est recevable la constitution de partie civile du coauteur d'un crime ou d'un délit à raison des préjudices qu'il a personnellement et directement subis du fait de
délits commis à son encontre à l'occasion de la commission de l'infraction principale " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 31 mars 1989, Bernard Foucher a été définitivement condamné par la cour d'assises de Paris à 20
ans de réclusion criminelle pour assassinat ; que, le 12 avril 1991, il a porté plainte avec constitution de partie civile contre personne non dénommée des chefs d'assassinat
complicité d'assassinat, faux, usage de faux et menaces de mort, alléguant que le crime, objet de sa condamnation, avait été commis par lui " sous la contrainte morale et les
pressions " de personnes qui, pour le tromper, lui avaient présenté de fausses " cartes officielles " ; que, par ordonnance en date du 4 juin 1996, le juge d'instruction a
déclaré irrecevable la constitution de partie civile ;
Attendu que, pour écarter l'argumentation de Bernard Foucher, qui, reprenant les termes de sa plainte, soutenait qu'il avait " qualité " pour agir en raison de "
l'emprisonnement que sa participation forcée à une opération de nature criminelle lui a fait encourir ", et confirmer l'ordonnance entreprise, la chambre d'accusation se
prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Attendu qu'en cet état, les juges n'encourent pas les griefs allégués ;
Qu'en effet, l'auteur d'une infraction n'est pas recevable à se constituer partie civile à l'encontre des personnes qui l'auraient incité à commettre celle-ci, en alléguant le
préjudice que lui auraient causé sa déclaration de culpabilité et sa condamnation ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ».
2 –Crim. 7 février 2001
« Mais sur le deuxième moyen cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 433-2 du Code pénal, 2, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de
motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé la condamnation du prévenu au paiement d'une somme de 110 000 francs pour Alain Bros et d'une somme de 25 000 francs pour
Micheline Sansano-Vinet, parties civiles du chef du délit de trafic d'influence passif commis par un particulier ;
" aux motifs qu'aucune disposition de la loi ne permet de réduire, à raison d'une faute de la victime, le montant des réparations civiles dues à celle-ci par l'auteur d'une
infraction intentionnelle contre les biens, la partie civile étant en droit d'obtenir la réparation intégrale de son préjudice, sans que sa prétendue imprudence ou négligence
puisse lui être opposée ;
" alors que le délit de trafic d'influence passif commis par un particulier en vue de faire obtenir d'un dépositaire de l'autorité publique, une décision favorable à un tiers qui a
accepté de remettre des fonds pour cette intervention, constitue une infraction contre la chose publique qui porte atteinte à l'intérêt général ; que cette infraction ne peut
concomitamment consommer une atteinte aux biens que si le tiers qui verse les fonds ignore le caractère illicite de cette intervention, la seule acceptation de cette
sollicitation, en connaissance de cause, réalisant pour le tiers, le délit de trafic d'influence actif commis par un particulier ; qu'en l'espèce, il résulte des énonciations des
premiers juges et de l'arrêt attaqué qu'Alain Bros et Micheline Sansano-Vinet ont été informés par Thierry Liegaux qu'ils pouvaient, moyennant finance, obtenir une
intervention destinée à faciliter l'attribution de la gestion d'un kiosque à journaux pour le premier et d'un logement municipal pour la seconde, par un responsable de la ville
de Paris, et qu'ils ont à cet effet, en connaissance de cause, versé une somme de 110 000 francs pour Alain Bros et une de 25 000 francs pour Micheline Sansano-Vinet pour
rémunérer cette intervention ; que, dès lors, la demande de ces particuliers est irrecevable, ceux-ci ayant été informés préalablement du caractère illicite du versement des
fonds auquel ils ont consenti, de sorte que l'arrêt n'est pas légalement justifié " ;
Vu l'article 2 du Code de procédure pénale, ensemble l'article 433-2 du Code pénal ;
Attendu que la personne qui, de mauvaise foi, a remis une somme d'argent à l'auteur principal d'un délit de trafic d'influence ou à son complice, en vue d'obtenir une
décision favorable d'une autorité publique, est irrecevable à se constituer partie civile contre eux ;
Attendu qu'appelée à statuer sur les demandes de dommages-intérêts d'Alain Bros et de Micheline Sansano-Vinet, constitués parties civiles, la cour d'appel, confirmant le
jugement entrepris, a condamné Adolphe Nahmani, solidairement avec Thierry Liegaux, à leur payer les sommes respectives de 110 000 francs et 25 000 francs ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, après avoir constaté que les parties civiles avaient sciemment remis des fonds à Thierry Liegaux, afin qu'il abuse de son influence pour
leur faire obtenir, par l'intermédiaire d'Adolphe Nahmani, un kiosque à journaux et un appartement et alors qu'elles étaient elles-mêmes susceptibles de faire l'objet de
poursuites du chef de trafic d'influence, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de Cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au
litige, ainsi que le permet l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 27 mars 2000, mais en ses seules dispositions civiles, toutes autres dispositions étant
expressément maintenues :
DIT irrecevables les constitutions de partie civile ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi... »
Les associations et l’action civile
1 – Crim. 23 juin 1986
« Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de l'article 2 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable l'action civile de l'A.F.V.A.C. ;
" aux motifs qu'elle ne peut justifier d'un préjudice personnel direct ;
" alors que cette association ayant pour but de regrouper et de défendre les familles des victimes des accidents de la circulation et d'agir pour améliorer, notamment, la
sécurité routière, les infractions routières qui ont été commises à l'encontre d'une famille, l'atteignent d'une manière personnelle et directe et lui causent un dommage dont
elle est fondée à demander réparation en se constituant partie civile " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'Olivier Meot, âgé de dix-neuf ans, a été tué au cours d'un accident de la circulation dont Lesbegueries reconnu coupable
d'homicide involontaire a été déclaré entièrement responsable ; que les parents, frères et soeurs et grands-parents de la victime, ainsi que l'Association des familles des
victimes des accidents de la circulation (A.F.V.A.C.) se sont constitués parties civiles ;
Attendu que pour déclarer irrecevable l'action de cette dernière, la Cour d'appel, adoptant les motifs du tribunal, énonce que l'A.F.V.A.C. n'entre pas dans les cas visés par
les dispositions des articles 2-1 et suivants du Code de procédure pénale ; que cette association " a pour but de regrouper et défendre les familles des victimes des accidents
de la circulation et d'agir pour améliorer notamment la sécurité routière et que ses membres actifs se recrutent uniquement parmi les familles et les parents de tués par
accident de la route " ; que cette association peut certes ester en justice mais à condition de justifier d'un préjudice personnel directement causé par les infractions dont la
juridiction est saisie ; que l'A.F.V.A.C.. ne représente ici que la somme des intérêts de ses membres et non pas une entité distincte et ne subit aucun préjudice autre que celui
de la famille Meot ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a justifié sa décision ; qu'en effet aux termes de l'article 2 du Code de procédure pénale et sauf dérogation législative qui
n'existe pas en l'espèce, l'action civile ne peut être exercée devant les juridictions pénales que par celui-là même qui a subi un préjudice personnel prenant directement sa
source dans l'infraction poursuivie ;
Et attendu que la constitution de partie civile de la demanderesse étant irrecevable, son pourvoi est lui-même irrecevable ;
DECLARE le pourvoi IRRECEVABLE ».
2 – Crim. 3 mai 1988
« (…) Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 2-3 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale, défaut de
réponse à conclusions ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les parties civiles irrecevables en leur constitution ;
" alors que, dans leurs conclusions, les parties civiles faisaient valoir que leur action visait à obtenir que l'acte d'exciser reçoive sa véritable qualification, qu'une telle action
qui tendait à établir l'existence de l'infraction était d'autant plus recevable que les associations demanderesses faisaient valoir qu'elles avaient pour objet la lutte contre toutes
formes de discrimination à l'égard des femmes et l'assistance aux femmes et enfants victimes de violences exercées en privé et qu'en n'examinant pas, fut-ce pour les rejeter,
ces chefs péremptoires des conclusions des parties civiles, l'arrêt attaqué a violé l'article 593 du Code de procédure pénale " ;
Attendu, d'une part, que l'association Enfance et Partage s'est constituée partie civile seulement devant la Cour de renvoi après cassation de l'arrêt de la cour d'appel de Paris
du 6 novembre 1984 ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'arrêt attaqué a déclaré sa constitution de partie civile irrecevable ; qu'en effet la juridiction de renvoi après
cassation est saisie, par application de l'article 609 du Code de procédure pénale, du même procès avec les mêmes parties, c'est-à-dire du procès tel qu'il a été présenté
devant les premiers juges dans l'instance ; qu'il s'ensuit qu'une partie qui n'a pas figuré dans l'instance ayant donné lieu à la décision cassée n'est pas recevable à se
constituer partie civile devant le juge de renvoi ;
Attendu, d'autre part, que pour déclarer irrecevables les constitutions de parties civiles des autres demanderesses la cour d'appel relève que celles-ci ne seraient recevables "
que dans les limites fixées par les articles 2-2 et 2-3 du Code de procédure pénale, sauf à démontrer sur la base de l'article 2 du même Code, un préjudice direct et
personnellement subi par elles du fait de l'infraction " ; que les juges énoncent " qu'elles ne prouvent ni n'offrent de prouver un tel préjudice et que le délit de non-assistance
à personne en danger ne fait pas partie de ceux qui sont limitativement énumérés par les articles 2-2 et 2-3 susvisés " ;
Qu'en cet état la cour d'appel, qui a également constaté que les faits poursuivis ne pouvaient constituer que le délit prévu par l'article 63, alinéa 2, du Code pénal, a répondu
sans insuffisances aux chefs péremptoires des conclusions qui lui étaient soumises et a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ».
3- Crim. 15 juin 2000
« Sur le premier moyen de cassation proposé pour X..., pris de la violation des articles 2-2, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable la constitution de partie civile de l'association Y... et a condamné le prévenu à lui verser la somme de 5 000 francs à titre de
dommages-intérêts ;
" aux motifs que cette association s'est constituée partie civile par voie de conclusions ;
" alors que, faute d'établir que les "victimes" aient donné leur accord à la constitution de partie civile de l'association Y..., ni que celles-ci se trouvaient, au moment des faits,
sur leur lieu de travail, la cour d'appel, qui a déclaré cependant recevable cette constitution de partie civile, laquelle obéit à des règles d'ordre public, sans mettre la Cour de
Cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale " ;
Attendu que, faute d'avoir été soulevée devant les juges du fond, l'exception d'irrecevabilité de la constitution de partie civile de " l'association Y... " proposée pour la
première fois devant la Cour de Cassation, constitue un moyen nouveau, mélangé de fait et de droit et, comme tel, irrecevable ; (…) ».
5 –Crim. 27 février 2001
« Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale, 111-4, 434-1 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale,
défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance ayant déclaré recevable la constitution de partie civile de M. et Mme Z..., M. et Mme Y..., M. et Mme A... ;
" aux motifs que le fait reproché à X... de n'avoir pas informé les autorités judiciaires ou administratives du comportement sexuel de B... envers les enfants dont il avait la
charge, lorsqu'il a été prévenu de ce comportement à la fin de l'année 1996 ou au début de l'année 1997, a maintenu les enfants victimes des agissements du prêtre, alors
insoupçonné et insoupçonnable, dans l'incapacité de briser le silence dans lequel ils s'étaient enfermés, ne leur a pas permis, par l'effet libérateur de la révélation des faits,
d'abréger leur souffrance intérieure et de limiter les conséquences nocives pour leur développement du traumatisme engendré par les actes sexuels subis, et, également, a
empêché leurs parents, pendant une période d'au moins 18 mois, de leur venir en aide et d'alléger leur mal-être par un dialogue adapté ou le recours à des personnes
spécialisées dans les soins aux enfants victimes de sévices ; en découvrant qu'informé plus tôt ils eussent pu même comprendre le comportement de leurs fils et adopter
envers lui une attitude propre à lui venir en aide et à apaiser ses difficultés, à un âge difficile de son existence, les parents ont pu subir, ainsi que le juge d'instruction l'a
justement indiqué, un dommage moral personnel, directement lié à l'infraction de non-dénonciation poursuivie ; il importe peu qu'en l'état il ne soit pas établi que X... ait eu
connaissance de l'identité des enfants victimes, le fait qu'il n'ait pas révélé l'existence d'actes sexuels commis par B... sur des enfants, même si ceux-ci sont demeurés pour
lui anonymes, ayant tenu les parents, parties civiles, dans l'ignorance des agissements du prêtre et les ayant empêchés d'agir pour apporter à leur enfant l'assistance dont il
avait besoin ; il convient, en conséquence, de considérer que M. et Mme Z..., M. et Mme Y..., M. et Mme A... justifient de circonstances susceptibles de faire admettre
comme possible l'existence du préjudice qu'ils allèguent" ;
" alors, d'une part, que le délit de non-dénonciation de crime, sur lequel les parties civiles fondent leur action, suppose qu'il soit encore possible de prévenir ou de limiter les
effets d'un crime ; qu'en l'espèce il était constant que le crime était consommé lorsque X... en a été partiellement informé, et qu'il avait déjà développé ses effets, à savoir le
traumatisme subi par la jeune victime à la suite des faits, aucun nouvel acte répréhensible n'ayant été commis ultérieurement ; qu'une dénonciation du crime, à supposer que
X... ait eu connaissance de faits de cette nature, ne pouvait avoir pour conséquence d'en prévenir ou d'en limiter les effets, ni, a fortiori, d'empêcher son renouvellement,
comme l'exige le texte de répression pour que soit constitué le délit, mais seulement d'apporter, éventuellement, remède au traumatisme engendré par le crime, ce qui ne
constitue donc pas un effet direct du crime, mais au contraire une éventuelle réaction face à ce crime, avec des conséquences au demeurant incertaines ;
" alors, surtout, que rien ne permet d'affirmer que X... ait eu connaissance de faits qualifiés crime, dans la mesure où les informations reçues étaient très partielles ; que les
parties civiles n'établissent d'ailleurs pas que X... ait eu des informations concernant leur enfant en particulier, ni même, plus généralement, sur la nature exacte des actes
commis par B... ;
" alors, d'autre part, que le préjudice invoqué par les parties civiles, à savoir la souffrance morale subie par les jeunes victimes et leurs parents, ne résulte pas directement du
délit de dénonciation de crime dont se plaignent les parties civiles, mais du crime lui-même, la non-dénonciation étant sans incidence aucune sur l'existence même des faits
commis par B... ; que c'est, par conséquent, à tort que l'arrêt a admis la constitution de partie civile, pourtant soumise à l'existence d'une possibilité de préjudice direct ;
" alors, en outre, que, dans son mémoire laissé sur ce point sans réponse, X... faisait valoir que les enfants victimes des agissements non dénoncés sont devenus tous
majeurs, qu'ils ne se sont pourtant pas constitués parties civiles, lors même qu'ils étaient les seuls à pouvoir, éventuellement, invoquer un préjudice en lien de causalité
direct avec l'infraction reprochée à X... ; qu'ainsi les parents desdites victimes sont irrecevables à agir en leur lieu et place, et n'ont pu subir, à raison de la non-dénonciation
litigieuse, qu'un préjudice indirect ne relevant pas des dispositions des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale ;
" alors, enfin, que l'infraction de non-dénonciation de crime concerne essentiellement l'ordre public ; qu'elle n'est susceptible d'être invoquée par une partie civile que dans
un but de protection des intérêts privés entendu strictement, c'est-à-dire si la dénonciation pouvait être utile à cette partie civile ; que, dans la mesure où X... ne connaissait
pas l'identité des enfants victimes des agissements de B..., ni la mention exacte de ces agissements, rien ne permet d'affirmer qu'une dénonciation, nécessairement évasive,
aurait permis, aux parents des jeunes victimes restées anonymes, d'avoir accès au dossier de l'information ne les concernant pas au premier chef, et de réagir efficacement
dans le laps de temps ayant séparé l'information donnée à l'évêque et l'interpellation de B... ; qu'ainsi la cour d'appel a encore violé les textes précités " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que, mis en examen pour s'être abstenu de dénoncer aux autorités judiciaires ou administratives les faits de viols et d'atteintes
sexuelles commis sur des enfants mineurs par un prêtre de son diocèse, X..., évêque de C..., a contesté la constitution de partie civile des époux A..., parents de l'une des
victimes ; que le juge d'instruction a rejeté cette contestation ;
Attendu que, pour confirmer la décision entreprise, la chambre d'accusation énonce qu'en ne révélant pas aux autorités judiciaires ou administratives le comportement
sexuel du prêtre envers les enfants dont celui-ci avait la charge, X... a privé les parents d'une information qui leur eût permis de comprendre le comportement de leur fils et
d'adopter envers eux une attitude propre à apaiser leurs difficultés à un âge difficile de leur existence ; qu'ils ajoutent que le silence de l'évêque a empêché les parents de
faire obstacle à la poursuite des rencontres entre leurs enfants et le prêtre ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors que les parties civiles invoquaient l'existence d'un préjudice pouvant résulter directement de l'infraction, distinct du préjudice
social dont la réparation est assurée par l'exercice même de l'action publique, les juges ont justifié leur décision ;
Qu'en effet, l'article 434-1 du Code pénal a également pour but la protection des intérêts privés et autorise l'exercice de l'action civile dans les conditions des articles 2 et 3
du Code de procédure pénale ;
Qu'il n'importe que les enfants, également victimes de l'infraction, et devenus majeurs, ne se soient pas constitués parties civiles, dès lors que les parents se réclament d'un
préjudice qui leur est personnel ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ».
7 – Crim. 23 janvier 2002 :
« Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 411-11 du Code du travail, 222-33 du Code pénal, 2, 3 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de
motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré un syndicat, le syndicat X..., irrecevable en sa constitution de partie civile dans une action relative à des faits de viols et de harcèlement
sexuel ;
" aux motifs que, par ordonnance du 31 juillet 2000 dont appel, le juge d'instruction a déclaré irrecevable la constitution de partie civile du syndicat X... dans une
information ouverte des chefs de viols et harcèlement sexuel, sur plainte avec constitution de partie civile de Z... ; que le magistrat instructeur a motivé sa décision par le
fait que le plaignant ne justifie d'aucun préjudice personnel et direct résultant des infractions en cause s'agissant des viols et du harcèlement sexuel, et qu'en outre, les faits
visés n'entrent pas dans les prévisions de l'article L. 411-11 du Code du travail ; que l'information a été ouverte sur plainte avec constitution de partie civile de la victime des
infractions dénoncées de viols et de harcèlement sexuel, à savoir Z... ; que l'intervention du syndicat demandeur, qui ne peut, en raison de la nature même des infractions,
arguer d'un préjudice personnel et direct, ne pourrait être fondée que sur les dispositions de l'article L. 411-11 du Code du travail qui autorise les syndicats professionnels à
"exercer tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent" ; que,
contrairement à ce que soutient le syndicat demandeur, le fait que les agissements délictueux reprochés au mis en examen se soient produits dans le cadre du travail
qu'accomplissait la victime au restaurant d'entreprise et qu'ils aient été commis par son supérieur hiérarchique ne suffit pas à caractériser, au sens de l'article L. 411-11 du
Code du travail, une atteinte à l'intérêt collectif des salariés du secteur de l'Energie Chimie de l'Ile-de-France que représente le syndicat ; que celui-ci n'est pas davantage
recevable à agir sur la base des articles L. 123-1, L. 123-6 et L. 122-46 du Code du travail également invoqués dans son mémoire qui visent les actions permises à un
syndicat en cas de pratiques discriminatoires fondées notamment sur le sexe, mais qui ne l'autorisent pas à se constituer directement partie civile du chef du délit de
harcèlement sexuel ; qu'il convient, en conséquence, de confirmer l'ordonnance d'irrecevabilité entreprise ;
" alors que la violation de dispositions destinées à assurer la sécurité et la dignité des salariés dans leur emploi ainsi que la sécurité de leur emploi est de nature à causer un
préjudice matériel et moral aux intérêts collectifs de la profession à laquelle ils appartiennent ; qu'ainsi, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le syndicat X... s'est constitué partie civile, dans l'information ouverte des chefs de viols et harcèlement sexuel sur plainte avec
constitution de partie civile de Z..., en faisant valoir que les faits auraient été perpétrés sur le lieu de travail de la victime et par son supérieur hiérarchique ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction déclarant irrecevable cette constitution de partie civile, la chambre de l'instruction relève, notamment, que
les circonstances de la commission des faits dénoncés ne suffisent pas à caractériser une atteinte à l'intérêt collectif des salariés du secteur de l'Energie Chimie de l'Ile-deFrance que représente le syndicat ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, les juges ont justifié leur décision ;
Qu'en effet, si, aux termes de l'article L. 411-11 du Code du travail, les syndicats professionnels peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la
partie civile, c'est à la condition que les faits déférés au juge portent par eux-mêmes un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ;
Que, tel n'étant pas le cas en l'espèce, le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ».
EXERCICE : Commentez l’arrêt suivant
Crim. 12 avril 2005
« Sur le moyen unique de cassation , pris de la violation des articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881, 5 de la loi du 1er juillet 1901, 55 de la Constitution du 4 octobre
1958, 6 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, 2, 3, 575, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de l'association Organisation islamique mondiale du secours islamique ;
" aux motifs que " il résulte des termes précis et sans ambiguïté de l'article 5 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association que, pour pouvoir ester en justice et
donc se constituer partie civile devant les juridictions pénales, toute association, quelle que soit sa nationalité, doit remplir un certain nombre de formalités ; que figure au
nombre de celles-ci le fait de souscrire une déclaration auprès de la préfecture, siège de son principal établissement ; qu'il est constant, et d'ailleurs non prétendu par
l'Organisation islamique mondiale du secours islamique, que cette association n'a pas accompli cette formalité, son mémoire se bornant à soutenir à cet égard qu'elle est
régulièrement déclarée dans son pays d'origine où elle jouit de la personnalité morale ; qu'elle ne saurait sérieusement soutenir qu'en décider autrement serait discriminatoire
et contraire aux dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme, spécifiquement des articles 6.1 et 14, alors que les formalités rappelées et prescrites par
l'article 5 de la loi précitée du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, s'imposent à toute association voulant ester en France, qu'elle soit de nationalité française ou
étrangère ; qu'elle ne saurait guère plus sérieusement inviter la Cour à préférer suivre et faire sienne la jurisprudence résultant de décisions de tribunaux, aussi dignes
d'intérêt soit elle, plutôt que celle fournie par la Cour de cassation dans son interprétation des textes pertinents ; qu'ainsi, faute par l'Organisation islamique mondiale du
secours islamique d'avoir accompli ces formalités, elle n'a pas la capacité d'agir en justice, sa constitution devant être déclarée irrecevable ; que, pour ces raisons,
l'ordonnance du magistrat instructeur qui avait refusé d'informer sera infirmée, la Cour évoquant et déclarant irrecevable la constitution de partie civile de l'Organisation
islamique mondiale du secours islamique" (arrêt, pages 4 et 5) ;
"1 / alors que, conformément aux dispositions des articles 6.1 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui ont une valeur supérieure à la loi interne, toute
personne morale, quelle que soit sa nationalité, a droit au respect de ses biens et à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial ;
Que, dès lors, en se déterminant par la circonstance qu'en vertu de l'article 5 de la loi du 1er juillet 1901, toute association, quelle que soit sa nationalité, qui souhaite ester
en France doit souscrire une déclaration préalable auprès de la préfecture, siège de son principal établissement, et que l'association Organisation islamique mondiale du
secours islamique n'a pas accompli cette formalité, pour en déduire que son action civile est irrecevable, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés ;
"2 / alors, subsidiairement, qu'en se déterminant par la seule circonstance qu'en vertu de l'article 5 de la loi du 1er juillet 1901, toute association, quelle que soit sa
nationalité, qui souhaite ester en France doit souscrire une déclaration préalable auprès de la préfecture, siège de son principal établissement, et que l'association
Organisation islamique mondiale du secours islamique n'a pas accompli cette formalité, pour en déduire que son action civile est irrecevable, sans répondre au chef
péremptoire du mémoire d'appel de la demanderesse, faisant valoir que la règle de la déclaration préalable à la préfecture ne tend qu'à rendre publique l'association, de sorte
qu'une telle formalité ne s'impose pas aux associations étrangères ayant, comme l'association Organisation islamique mondiale du secours islamique, régulièrement acquis
la personnalité morale dans leur pays d'origine, la chambre de l'instruction a violé l'article 593 du Code de procédure pénale" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, s'estimant diffamée par un article du journal SOT AL AROUBA publié en langue française et
diffusé sur le territoire français, l'association de droit saoudien Organisation islamique mondiale du secours islamique, ayant son siège social à Djeddah, a porté plainte avec
constitution de partie civile du chef de diffamation publique envers un particulier auprès du juge d'instruction de Paris ;
Attendu que, pour déclarer cette constitution de partie civile irrecevable, l'arrêt attaqué retient que l'association dont s'agit n'a pas souscrit de déclaration auprès de la
préfecture du siège de son principal établissement, comme l'exige l'article 5 de la loi du 1er juillet 1901 ; qu'en réponse aux articulations du mémoire soutenant que cette
personne morale était régulièrement déclarée dans son pays d'origine, les juges énoncent que les dispositions de l'article 5 de ladite loi s'imposant à toute association voulant
ester en justice en France, ne revêtent aucun caractère discriminatoire au sens des articles 6 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
Qu'en effet, si toute personne morale qui se prétend victime d'une infraction est habilitée à se constituer partie civile devant la juridiction répressive, ce droit, qui s'exerce
dans les conditions prévues par l'article 2 du Code de procédure pénale, requiert, s'agissant d'une association, qu'elle remplisse les formalités exigées par l'article 5 de la loi
du 1er Juillet 1901, auxquelles toute association, française ou étrangère, doit se soumettre pour obtenir la capacité d'ester en justice ;
D'ou il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ».
FICHE 5 – LA PRESOMPTION D’INNOCENCE
ARRETS
ARRETS
« EN DROIT
1- CEDH 25 mars 1983 : Minelli c/ Suisse, § 37: Série A no 62
2- CEDH 8 février 1996 : John Murray c/ Royaume-Uni: RS crim. 1997. 476, obs. Koering-Joulin
3- CEDH 23 avril 1998 : Bernard c/ France, § 37: Rec. 1998-II; JCP 1999. I. 105, obs. Sudre; RS crim. 1999.
404, obs. Koering-Joulin
4- Cons. Const. 19-20 janvier 1981 : no 80-127 DC: JCP 1981. II. 19701, note Franck; D. 1981. 101, note Pradel
et 1982. 441, note Dekeuwer; AJDA 1981. 275, note Rivéro et 1981. 278, note Gournay; RD publ. 1981. 651,
note Philip
5- Cons. Const. 8 juillet 1989 : no 89-258 DC: JCP 1990. II. 21409, note Franck; D. 1990. Somm. 138, obs.
Chelle et Prétot
6- Cons. Const. 2 février 1995 : no 95-360: D. 1995. 171, note Pradel; RFD const. 1995. 405, note Renoux
7- Crim. 19 juin 2001 : Bull. crim., 2001, n° 149 ; Gaz. Pal., Rec. 2002, jur. p. 120, J. n° 57, 26 février 2002, p.
24, note Y. Monnet ; D., 2001, jur. p. 2538, note B. Beignier et B. de Lamy ; D., 2002, somm. p. 1463, obs. J.
Pradel ; JCP, 2002, II, 10064, note A. Lepage ; Pet. aff., 5 septembre 2001, p. 14, note E. Derieux ; Rev. trim. dr.
com., 2002, p. 178, chron. B. Bouloc
8- Crim. 19 septembre 2001 : Bulletin criminel 2001 N° 185 p. 600
9- Crim. 19 février 2002 : Bull. crim., 2002, n° 30 ; D., 2003, somm. p. 32, obs. J. Pradel
1- CEDH 25 mars 1983
23. Le requérant se pre•tend victime d'une violation de l'article 6 § 2 (art. 6-2) de la Convention, ainsi libelle•:
"Toute personne accuse•e d'une infraction est pre•sume•e innocente jusqu'a• ce que sa culpabilité• ait e•te• le•galement e´établie."
Elle résulterait de la de•cision, du 12 mai 1976, par laquelle la chambre de la Cour d'assises du canton de Zurich, tout en clôturant les poursuites pour cause de prescription,
mit a• la charge de l'inte•resse• une partie des frais de la proce•dure et lui enjoignit de payer a• la socie•te• Te•le•-Re•pertoire et a• M. Vass une indemnité• de de•pens
(paragraphes 12-13 ci-dessus).
I. SUR L'APPLICABILITE DE L'ARTICLE 6 § 2 (art. 6-2)
24. Selon la the•se principale du Gouvernement, la pre•sente espe•ce e•chappe a• l'empire du texte pre•cite• a• la fois ratione materiae et ratione temporis.
A. Champ d'application mate•riel de l'article 6 § 2 (art. 6-2)
25. Quant au premier point, l'inapplicabilité• de l'article 6 § 2 (art. 6-2) tiendrait au caracte•re tant des poursuites litigieuses que de la fonction exerce•e en l'occurrence par
la chambre de la Cour d'assises.
1.Caracte•re des poursuites litigieuses
26. Le Gouvernement reconnait que M. Minelli se voyait "accuse• d'une infraction", au sens du paragraphe 2 de l'article 6 (art. 6-2) .Il estime, ne•anmoins, que des
poursuites prive•es pour atteinte a• l'honneur ne ressortissent pas a• la "matie•re pe•nale" dont parle le paragraphe 1 (art. 6-1), mais sont fondamentalement de nature civile.
Il s'appuie sur une jurisprudence de la Commission selon laquelle le droit de jouir d'une bonne re•putation reve•t un "caracte•re civil" et "la proce•dure de poursuites
prive•es ne tombe pas sous le coup de l'article 6 § 1 (art. 6-1)".
La Commission rele•ve qu'il y a malentendu de la part du Gouvernement et marque son de•saccord avec les conclusions de celui-ci: bien que le droit a• l'honneur pre•sente dans le chef de son titulaire – un caracte•re civil, la personne traduite en justice pour atteinte a• l'honneur ferait sans nul doute l'objet d'une "accusation en matie•re pe•nale"
et, partant, pourrait invoquer les paragraphes 2 et 3 de l'article 6 (art. 6-2, art. 6-3).Telle est aussi la the•se du reque•rant.
27.La Cour doit rechercher si ce dernier, "accuse•" sans contredit "d'une infraction" ("charged with a criminal offence", article 6 § 2) (art. 6-2), avait a• re•pondre d'une
"accusation en matie•re pe•nale dirige•e contre lui" ("criminal charge against him", article 6 § 1) (art. 6-1); comme le rappelle le Gouvernement, la pre•somption
d'innocence que consacre le paragraphe 2 de l'article 6 (art. 6-2) figure parmi les e•le•ments du proce•s pe•nal e•quitable exige• par le paragraphe 1 (art. 6-1) (arre•t
Deweer du 27 fe•vrier 1980, se•rie A n° 35, p. 30, § 56, et arre•t Adolf du 26 mars 1982, se•rie A n° 49, p. 15, § 30).
28. La le•sion d'un droit individuel de "caracte•re civil" constitue parfois aussi une infraction pe•nale.Pour de•terminer si l'on se trouve devant une "accusation en matie•re
pe•nale", il faut notamment examiner la situation du pre•venu, telle qu'elle de•coule des normes juridiques internes en vigueur, a• la lumie•re du but de l'article 6 (art. 6):
prote•ger les droits de la de•fense (arre•t Adolf pre•cite•, ibidem).
En Suisse, les atteintes a• l'honneur comptent au nombre des de•lits que de•finit et re•prime le code pe•nal fe•de•ral (paragraphe 17 ci-dessus).
Les poursuites les concernant de•pendent d'une "plainte" (Strafantrag) de la victime pour leur de•clenchement, mais leur de•roulement obe•it aux codes cantonaux de
proce•dure pe•nale, en l'occurrence celui de Zurich; elles peuvent entrainer des peines d'amende, et me•me d'emprisonnement, a• inscrire au casier judiciaire (paragraphe 18
ci-dessus).
De•s lors, la Cour n'e•prouve pas de doutes sur la nature pe•nale de la proce•dure que Te•le•-Re•pertoire et M. Vass engage•rent le 29 fe•vrier 1972 contre M. Minelli
(paragraphe 10 ci-dessus).
2.Caracte•re de la fonction exerce•e par la chambre de la Cour d'assises
29. Le Gouvernement soutient en outre qu'en statuant sur les frais apre•s avoir de•clare• l'action pe•nale e•teinte par prescription, la chambre de la Cour d'assises du canton
de Zurich a rempli une fonction purement administrative, intrinse•quement distincte de ses taches judiciaires; elle aurait rendu une de•cision proce•durale a• laquelle la
pre•somption d'innocence, simple re•gle de preuve, serait e•trange•re.
D'apre•s la Commission au contraire, l'article 6 § 2 (art. 6-2) s'applique aussi a• des poursuites qui s'ache•vent sans un jugement proprement dit.En l'espe•ce, du reste, c'est
par un acte unique que la chambre de la Cour d'assises de•cida de ne pas donner suite a• la plainte et de mettre a• la charge du reque•rant une fraction des frais judiciaires
ainsi qu'une indemnite• de de•pens.
30. Aux yeux de la Cour, l'article 6 § 2 (art. 6-2) re•git l'ensemble de la proce•dure pe•nale, inde•pendamment de l'issue des poursuites, et non le seul examen du bienfonde• de l'accusation (voir, mutatis mutandis, l'arre•t Adolf pre•cite•, se•rie A n° 49, p. 16, § 33 in fine).
Dans le canton de Zurich, une de•cision de re•partition des frais constitue un e•le•ment normal d'une proce•dure pour atteinte a• l'honneur; elle vise a• en re•gler certains
effets.Peu importe a• cet e•gard queson texte apparaisse dans un document se•pare• ou que son adoption ait eu lieu apre•s celle de la de•cision sur le fond.
En l'occurrence, au demeurant, on ne se trouve pas en pre•sence d'actes partiels, e•chelonne•s ou non dans le temps, ni me•me - comme dans l'affaire Adolf ou• la Cour a
e•galement conclu a• l'applicabilite• de
l'article 6 (art. 6) dans des circonstances diffe•rentes (arre•t pre•cite•, se•rie A n° 49, p. 16, § 32) - d'un "acte unique concre•tise• en plusieurs phases", mais d'un seul acte
global.La de•cision du 12 mai 1976, apre•s avoir constate• l'expiration du de•lai le•gal de prescription, de•laissait a• la charge de l'inte•resse• les deux tiers des frais
judiciaires et lui enjoignait de verser une indemnite• de de•pens a• Te•le•-Re•pertoire et a• M. Vass (paragraphe 12 ci-dessus).Les deux aspects de la motivation se
re•ve•lent indissociables: la re•partition des frais constitue le corollaire et le comple•ment ne•cessaire de la cloture des poursuites; le Gouvernement l'a du reste reconnu lors
des audiences.Le dispositif le confirme nettement: aussitot apre•s un premier point refusant d'admettre l'accusation, les points subse•quents traitent des frais et de
l'indemnite• de de•pens.
B. Champ d'application temporel de l'article 6 § 2 (art. 6-2)
31. Selon le Gouvernement, la de•cision incrimine•e sort pour le moins du champ d'application temporel de l'article 6 § 2 (art. 6-2). M. Minelli aurait joui de la garantie de
la pre•somption d'innocence tout au plus jusqu'au 27 janvier 1976, date de la survenance de la prescription (paragraphe 12 ci-dessus); la chambre de la Cour d'assises se
serait borne•e a• enregistrer les effets juridiques de celle-ci puis a• re•partir les frais.
La Commission n'accepte pas cette the•se.D'apre•s elle, une proce•dure judiciaire peut prendre formellement fin en plusieurs e•tapes plutot qu'en une fois.La de•cision,
longuement motive•e, du 12 mai 1976, aurait marque• en l'espe•ce la dernie•re phase.
32. La Cour se range a• l'avis de la Commission.Sans doute la prescription avait-elle e•teint les poursuites ouvertes contre le reque•rant, mais il fallait un acte officiel de la
chambre de la Cour d'assisespour le reconnaitre (voir, mutatis mutandis, l'arre•t Artico du 13 mai 1980, se•rie A n° 37, pp. 6-7 et 15-18, §§ 8-11 et 31-37).
La de•cision litigieuse renferme pre•cise•ment pareil constat.Elle de•clare d'abord que "l'accusation n'est pas admise", puis que "l'accuse•" devra supporter deux tiers des
frais et payer a• chaque plaignant une indemnite• de de•pens (points 1, 3 et 4 du dispositif).
Les termes ainsi employe•s montrent clairement qu'a• ce stade ultime de la proce•dure, la chambre de la Cour d'assises tenait encore le reque•rant pour "accuse• d'une
infraction", au sens de l'article 6 (art. 6).
C. Re•capitulation
33. L'article 6 § 2 (art. 6-2) s'appliquait donc en l'occurrence.
II. SUR L'OBSERVATION DE L'ARTICLE 6 § 2 (art. 6-2)
A. Limites de la ta•che de la Cour
34. Reque•rant et Gouvernement s'accordent pour estimer que l'affaire soule•ve une question de principe: la pre•somption d'innocence s'accommode-t-elle de la solution
consistant a• imposer la charge de frais de proce•dure et d'une indemnité• de de•pens a• une personne qui a be•ne•ficie• d'un classement, d'un non-lieu, d'un acquittement
ou, comme ici, de la prescription?
Ainsi que le Gouvernement le souligne avec force en ordre subsidiaire, le syste•me permettant d'adopter cette solution dans certains cas est profonde•ment enracine• dans la
tradition juridique suisse: la le•gislation fe•de•rale et celle de la majorite• des cantons, dont Zurich, l'ont consacre•; la jurisprudence et la pratique l'ont de•veloppe•.
Selon M. Minelli au contraire, il incombe a• l'Etat d'assumer en entier le risque des poursuites pe•nales, en matie•re non seulement de preuves mais aussi de frais de
proce•dure.
Aux yeux de la Commission, ledit syste•me ne saurait en soi se heurter a• l'article 6 § 2 (art. 6-2) de la Convention; un proble•me surgirait cependant si les motifs de la
de•cision du juge ou tout autre e•le•ment pre•cis et concluant re•ve•lent que la re•partition des frais de•coule d'une appre•ciation de la culpabilite• du pre•venu.
35. La Cour souscrit en principe a• l'avis de la Commission.Elle souligne pourtant, conforme•ment a• sa jurisprudence constante, que, dans une cause issue d'une reque•te
individuelle, il lui faut se borner autant que possible a• l'examen du cas concret dont on l'a saisie (voir notamment l'arre•t Adolf pre•cite•, se•rie A n° 49, p. 17, § 36).
Partant, elle n'a pas a• se prononcer in abstracto sur la le•gislation et la pratique zurichoises, mais uniquement sur la manie•re dont elles furent applique•es a• l'inte•resse•.
B. La de•cision de la chambre de la Cour d'assises du canton de Zurich (12 mai 1976)
36. D'apre•s le Gouvernement, la de•cision du 12 mai 1976 ne prenait en compte la conduite du reque•rant que parmi d'autres conside•rations, pour re•partir les frais et
"sous l'angle d'une simple hypothe•se": elle s'attachait, sans plus, a• e•valuer quelles chances de succe•s aurait eues la plainte de Te•le•-Re•pertoire et de M. Vass si elle
avait abouti a• un jugement pe•nal.De•s lors, il n'y aurait pas eu violation de l'article 6 § 2 (art. 6-2).
La Commission, elle, exprime l'opinion contraire: la chambre de laCour d'assises du canton de Zurich aurait tenu M. Minelli pour coupable.
37. Aux yeux de la Cour, la pre•somption d'innocence se trouve me•connue si, sans e•tablissement le•gal pre•alable de la culpabilite• d'un pre•venu et, notamment, sans
que ce dernier ait eu l'occasion d'exercer les droits de la de•fense, une de•cision judiciaire le concernant refle•te le sentiment qu'il est coupable.Il peut en aller ainsi me•me
en l'absence de constat formel; il suffit d'une motivation donnant a• penser que le juge conside•re l'inte•resse• comme coupable.La Cour doit rechercher si tel fut le cas le 12
mai 1976.
38. La chambre de la Cour d'assises se fondait sur l'article 293 du code zurichois de proce•dure pe•nale qui, en matie•re de poursuites pe•nales prive•es pour atteinte a•
l'honneur, permet de de•roger, dans des circonstances spe•ciales, a• la re•gle selon laquelle le plaideur qui succombe paye les frais de la proce•dure et verse a• l'autre partie
une indemnite• de de•pens (paragraphe 19 ci-dessus).De la jurisprudence zurichoise, elle de•duisait que "l'obligation de supporter les frais et de•pens" devait, en
l'occurrence, "de•pendre du jugement qui aurait e•te• rendu" sans l'arrive•e a• e•che•ance du de•lai le•gal de prescription.Pour statuer sur ce point, elle retenait quatre
e•le•ments (paragraphe 13 ci-dessus): la quasi-identite• de l'affaire avec celle du journaliste Fust, laquelle avait de•bouche• le 2 septembre 1975 sur un arre•t de
condamnation (paragraphe 10 ci-dessus); la gravite• des accusations du reque•rant contre M. Vass; la circonstance qu'il n'avait pas contro•le• l'exactitude de ses
alle•gations; le re•sultat ne•gatif des poursuites intente•es en 1972 contre M. Vass (paragraphe 9 ci-dessus).
Ces motifs, longuement de•veloppe•s et indissociables du dispositif (arre•t Adolf pre•cite•, se•rie A n° 49, p. 18, § 39), amenaient la chambre de la Cour d'assises a•
conclure que, sans la prescription, l'article incrimine• de la "National Zeitung" aurait "tre•s probablement conduit a• la condamnation" du reque•rant.Ils pre•sentaient
comme e•tablis les agissements de•nonce•s par les plaignants; de surcroit, ils s'appuyaient sur les de•cisions prises dans deux autres causes, relatives aux me•mes faits mais
auxquelles M. Minelli n'e•tait point partie et qui, juridiquement, se distinguaient de la sienne.
La chambre de la Cour d'assises se montrait ainsi convaincue de la culpabilite• du pre•venu qui, le Gouvernement le reconnait, n'avait pas be•ne•ficie• des garanties des
paragraphes 1 et 3 de l'article 6
(art. 6-1, art. 6-3).Nonobstant l'absence de constat formel et malgre• quelques pre•cautions de langage ("selon toute vraisemblance", "tre•s probablement"), elle se livrait a•
des appre•ciations incompatibles avec le respect de la pre•somption d'innocence.
C. L'arre•t du Tribunal fe•de•ral (16 mai 1979)
39. Le Gouvernement invoque un dernier argument, tire• de l'article 26 (art. 26) de la Convention: devant les organes de Strasbourg, il re•pondrait uniquement de l'ultime
de•cision judiciaire rendue en l'espe•ce, a• savoir de l'arre•t du Tribunal fe•de•ral, du 16 mai 1979, lequel aurait dissipe• toute ambiguite• que pouvait receler la de•cision du
12 mai 1976.
40.Celle-ci doit certes se lire a• la lumie•re de l'arre•t du 16 mai 1979 (arre•t Adolf pre•cite•, ibidem, p. 19, § 40).Le Tribunal fe•de•ral notait, pour commencer, que des
raisons d'e•quite• pouvaient obliger a• tenir compte, en statuant sur les frais, de ce qu'aurait probablement e•te• l'issue des poursuites si la prescription n'avait pas joue•; il en
infe•rait qu'il se justifiait de se demander, apre•s un examen provisoire du fond de l'affaire, quelle partie aurait vraisemblablement gagne• sans cet obstacle.Il ajoutait que la
chambre de la Cour d'assises du canton de Zurich n'avait pris aucune mesure propre a• sanctionner de manie•re implicite la reconnaissance judiciaire d'une infraction
pe•nale, e•quivalant a• une condamnation; elle avait bien releve• que le reque•rant aurait sans doute du e•tre de•clare• coupable d'atteinte a• l'honneur, mais il s'agissait la•
d'une simple supputation et non d'un constat formel (paragraphe 16 ci-dessus).
L'arre•t du 16 mai 1979 nuanc•ait ainsi quelque peu la de•cision du 12 mai 1976; il se bornait cependant a• en pre•ciser les motifs, sans en changer le sens ni la porte•e.Il la
confirmait en droit, par le rejet du pourvoi de M. Minelli; il l'approuvait aussi, pour l'essentiel, dans sa substance.
Peut-e•tre le Tribunal fe•de•ral aurait-il abouti a• un re•sultat diffe•rent si le reque•rant avait invoque• devant lui son droit a• e•tre entendu (paragraphe 16 ci-dessus),
comme il l'a fait depuis lors devant la Commission et la Cour sans que le Gouvernement ait plaide• le non-e•puisement des voies de recours internes.Cette hypothe•se ne
change pourtant rien a• la conclusion a• laquelle conduit l'examen de la de•cision du 12 mai 1976, me•me combine•e avec l'arre•t du 16 mai 1979.
D. Conclusion
41. De•s lors, il y a eu violation de l'article 6 § 2 (art. 6-2) ».
2- CEDH 8 février 1996
« A.Sur l'article 6 paras. 1 et 2 (art. 6-1, art. 6-2): droit de garder le silence
41. Selon le reque•rant, le fait d'avoir tire• conforme•ment a• l'ordonnance de 1988 sur les preuves en matie•re pe•nale en Irlande du Nord ("l'ordonnance") des conclusions
qui lui e•taient de•favorables enfreint l'article 6 paras. 1 et 2 (art. 6-1, art. 6-2) de la Convention.Cela reviendrait a• me•connai•tre son droit de garder le silence, son droit a•
ne pas contribuer a• sa propre incrimination et le principe selon lequel la charge de la preuve incombe a• l'accusation sans que l'accuse• ait a• pre•ter son concours.
Une premie•re composante, tre•s e•vidente, du droit de garder le silence serait celui de se taire face aux questions de la police et de n'avoir pas a• te•moigner contre soime•me au proce•s.Il s'agirait la• d'e•le•ments qui ont toujours e•te• essentiels et fondamentaux dans le syste•me britannique de justice pe•nale.Du reste, la Commission dans
l'affaire Saunders c. Royaume-Uni (rapport du 10 mai 1994, paras. 71-73) et la Cour dans l'affaire Funke c. France (arre•t du 25 fe•vrier 1993, se•rie A n° 256-A, p. 22, par.
44) auraient admis qu'ils font intrinse•quement partie du droit a• un proce•s e•quitable au sens de l'article 6 (art. 6).Il s'agit la•, selon lui, de droits absolus dont un accuse•
doit be•ne•ficier sans restriction.
Une deuxie•me composante, tout aussi essentielle, du droit de garder le silence serait que l'exercice de ce droit par l'accuse• ne doit pas e•tre utilise• comme preuve a•
charge lors du proce•s.Or le juge du fond aurait tire•, en vertu des articles 4 et 6 de l'ordonnance, des conclusions tre•s de•favorables de la de•cision prise par le reque•rant
de garder le silence lors des interrogatoires de police et pendant le proce•s.A la ve•rite•, il ressortirait clairement des observations dudit juge et de l'arre•t de la cour d'appel
que les conclusions en question sont entre•es pour une grande part dans la de•cision de le de•clarer coupable.
En conse•quence, l'inte•resse• aurait e•te• gravement et doublement pe•nalise• pour avoir choisi de garder le silence: une premie•re fois pour son silence lors des
interrogatoires de police et une autre pour le fait de n'avoir pas te•moigne• lors du proce•s. Utiliser en sa de•faveur le silence devant la police et son refus de de•poser lors
du proce•s e•quivaudrait a• renverser la pre•somption d'innocence et la charge de la preuve en de•coulant: ce serait en effet a• l'accusation de prouver la culpabilite• du
pre•venu sans obliger aucunement ce dernier a• pre•ter son concours.
42. Amnesty International soutient que permettre de tirer des conclusions de•favorables du silence que garde l'accuse• est un moyen de contrainte efficace qui fait glisser la
charge de la preuve de l'accusation sur l'accuse• et qui est incompatible avec le droit de ne pas e•tre oblige• de s'avouer coupable ou de te•moigner contre soi-me•me;
l'accuse•, en effet, ne se verrait laisser aucun choix raisonnable entre se taire - ce qui sera conside•re• comme un te•moignage a• charge - et te•moigner.
L'organisation souligne que l'article 14 par. 3 g) du Pacte international des Nations Unies relatif aux droits civils et politiques pre•voit expresse•ment que l'accuse• "ne peut
pas e•tre contraint de te•moigner a• charge ni de s'avouer coupable".Elle renvoie e•galement d'une part a• l'article 42 A du re•glement de proce•dure et de preuve du
Tribunal international pour l'ex-Yougoslavie, qui dispose expresse•ment que le suspect a le droit de conserver le silence et, d'autre part, au projet de statut d'une Cour
criminelle internationale, soumis a• l'Assemble•e ge•ne•rale des Nations Unies par la Commission de droit international qui, au projet d'article 26 par. 6 a) i), pre•cise ainsi
le droit au silence: "sans que ce silence soit pris en conside•ration pour de•terminer [la] culpabilite• ou [l']innocence" du suspect.
Liberty et autres ont pre•sente• des observations analogues.Justice insiste sur ce que de tels accrocs faits au droit de garder le silence risquent d'augmenter le nombre
d'erreurs judiciaires.
La Northern Ireland Standing Advisory Commission on Human Rights estime pour sa part que le droit de se taire n'est pas un droit absolu mais pluto•t une garantie
pouvant, dans certains cas, e•tre enleve•e a• la condition d'introduire pour les accuse•s d'autres protections approprie•es qui contrebalanceront le risque e•ventuel de
condamnations injustes.
43. Selon le Gouvernement, ce qui se trouve en jeu, ce n'est pas de savoir si l'ordonnance est en soi incompatible avec le droit de se taire, mais pluto•t de savoir si, au vu des
circonstances de l'espe•ce, le fait d'avoir tire• des conclusions conforme•ment aux articles 4 et 6 de l'ordonnance a entache• d'iniquite• la proce•dure pe•nale engage•e contre
le reque•rant, contrairement a• l'article 6 (art. 6) de la Convention.
Toutefois, la premie•re question appellerait une re•ponse ne•gative.L'ordonnance ne porterait pas atteinte au droit de se taire lors des interrogatoires de police et
confirmerait expresse•ment le droit de ne pas de•poser au proce•s.Elle n'aurait en rien modifie• la charge ou le niveau de la preuve: ce serait
toujours a• l'accusation de prouver, au-dela• de tout doute raisonnable, la culpabilite• du pre•venu.L'ordonnance confe•rerait un pouvoir souverain de tirer des conclusions
du silence de celui-ci dans des circonstances pre•cise•ment de•finies.Cela ne contreviendrait pas en soi au droit de se taire.
A cet e•gard, le Gouvernement souligne les garanties, mises en e•vidence par les de•cisions judiciaires internes, auxquelles les conclusions tire•es en vertu de l'ordonnance
(paragraphes 24 et 29 ci-dessus) se trouvent subordonne•es.En particulier, les tribunaux rappelleraient constamment que l'ordonnance se borne a• autoriser le juge du fond
a• tirer les conclusions que dicte le bon sens.Il y aurait lieu de rechercher dans chaque cas si les e•le•ments de preuve a• charge sont suffisamment se•rieux pour appeler une
re•ponse.
Quant aux normes internationales auxquelles se re•fe•re Amnesty International, elles n'attesteraient pas que soit admise au niveau international l'interdiction de tirer du
silence de l'accuse•, lors du proce•s ou avant, les conclusions que dicte le bon sens.En particulier, le projet de statut d'une Cour criminelle internationale serait loin d'e•tre
de•finitif et on ne saurait le tenir pour adopte• par la communaute• internationale.
Quant a• savoir si, au vu des faits, les conclusions tire•es en vertu des articles 4 et 6 de l'ordonnance ont compromis le caracte•re e•quitable de la proce•dure pe•nale dirige•e
contre le reque•rant, le Gouvernement analyse en de•tail l'appre•ciation des preuves a• charge a• laquelle s'est livre• le juge du fond.Sur quoi il soutient qu'a• partir des
e•le•ments produits par l'accusation, la cour d'appel a conclu a• bon droit que les charges contre l'inte•resse• e•taient e•crasantes, que les re•quisitions de l'accusation
l'avaient fortement implique• dans la séquestration de M. L. et qu'elles "appelaient une re•ponse".
Les de•ductions seraient donc allées de soi et relèveraient du bon sens.
44. La Cour, se limitant aux circonstances de la cause, doit rechercher si les de•ductions tire•es en de•faveur du reque•rant en vertu des articles 4 et 6 de l'ordonnance ont
compromis le caracte•re e•quitable de la proce•dure pe•nale a• l'encontre de l'inte•resse• - et en particulier la condamnation - au regard de l'article 6 (art. 6) de la Convention.
Elle rappelle a• ce propos qu'aucune conclusion n'a e•te• e•tablie en application de l'article 3 de ladite ordonnance.Elle n'a point pour ta•che d'examiner in abstracto si tirer
des conclusions d'apre•s le syste•me pre•vu dans l'ordonnance se concilie avec la notion de proce•s e•quitable que renferme l'article 6 (art. 6) (voir, parmi maints exemples,
l'arre•t Brogan et autres c. Royaume-Uni du 29 novembre 1988, se•rie A n° 145-B, p. 29, par. 53).
45. Il ne fait aucun doute que, me•me si l'article 6 (art. 6) de la Convention ne les mentionne pas expresse•ment, le droit de se taire lors d'un interrogatoire de police et le
droit de ne pas contribuer a• sa propre incrimination sont des normes internationales ge•ne•ralement reconnues qui sont au coeur de la
notion de proce•s e•quitable consacre•e par l'article 6 (art. 6) (arre•t Funke pre•cite•, loc. cit.).En mettant le pre•venu a• l'abri d'une coercition abusive de la part des
autorite•s, ces immunite•s concourent a• e•viter des erreurs judiciaires et a• garantir le re•sultat voulu par l'article 6 (art. 6).
46. La Cour n'estime pas devoir se livrer a• une analyse dans l'abstrait de l'e•tendue de ces immunite•s et, en particulier, de ce qui constitue en l'occurrence une "coercition
abusive".Se trouve en jeu ici la question de savoir si ces interdictions reve•tent un caracte•re absolu en ce sens que l'exercice par un pre•venu du droit de garder le silence
ne pourrait jamais servir en sa de•faveur au proce•s ou, a• titre subsidiaire, qu'il y a toujours lieu de tenir pour une "coercition abusive" le fait de l'informer au pre•alable
que, sous certaines conditions, son silence pourra e•tre ainsi utilise•.
47. D'une part, il est manifestement incompatible avec les interdictions dont il s'agit de fonder une condamnation exclusivement ou essentiellement sur le silence du
pre•venu ou sur son refus de re•pondre a• des questions ou de de•poser.D'autre part, il est tout aussi e•vident pour la Cour que ces
interdictions ne peuvent et ne sauraient empe•cher de prendre en compte le silence de l'inte•resse•, dans des situations qui appellent assure•ment une explication de sa part,
pour appre•cier la force de persuasion des e•le•ments a• charge.
Ou• que se situe la ligne de de•marcation entre ces deux extre•mes, il de•coule de cette interpre•tation du "droit de garder le silence" qu'il faut re•pondre par la ne•gative a•
la question de savoir si ce droit est absolu.
On ne saurait donc dire que la de•cision d'un pre•venu de se taire d'un bout a• l'autre de la proce•dure pe•nale devrait ne•cessairement e•tre de•pourvue d'incidences une fois
que le juge du fond tentera d'appre•cier les e•le•ments a• charge.En particulier, comme le Gouvernement le rele•ve, si elles consacrent le droit de garder le silence et
l'interdiction de contribuer a• sa propre incrimination, les normes internationales e•tablies sont muettes sur ce point.
Pour rechercher si le fait de tirer de son silence des conclusions de•favorables a• l'accuse• enfreint l'article 6 (art. 6), il faut tenir compte de l'ensemble des circonstances, eu
e•gard en particulier aux cas ou• l'on peut proce•der a• des de•ductions, au poids que les juridictions nationales leur ont accorde• en appre•ciant les e•le•ments de preuve et
le degre• de coercition inhe•rent a• la situation.
48. Quant au degre• de coercition en l'occurrence, il y a lieu de rappeler que le reque•rant a en ve•rite• pu garder le silence. Bien que mis en garde a• plusieurs reprises
contre la possibilite• que des de•ductions fussent tire•es de son silence, il ne fit aucune de•claration a• la police et ne de•posa pas a• son proce•s.
D'ailleurs, en vertu de l'article 4 par. 5 de l'ordonnance, il demeurait un te•moin que l'on ne pouvait forcer (non-compellable witness) (paragraphe 27 ci-dessus).Son silence
persistant tout au long de la proce•dure ne constituait donc pas une infraction pe•nale ou un contempt of court.De plus, comme des de•cisions judiciaires internes l'ont
souligne•, le silence ne saurait en soi passer pour un indice de culpabilite• (paragraphes 24 et 29 ci-dessus).
49. Il e•chet donc de distinguer les circonstances de la pre•sente cause de celles de l'affaire Funke (paragraphe 41 ci-dessus) dans laquelle les services des douanes avaient
entame• contre le reque•rant des poursuites pe•nales afin de le contraindre a• fournir des preuves d'infractions qu'il aurait commises.La Cour avait juge• en pratique
incompatible avec l'article 6 (art. 6) ce degre• de coercition puisqu'il vidait de son sens l'interdiction de contribuer a• sa propre incrimination.
50. Certes, combine• avec le poids des e•le•ments a• charge, un syste•me ou• l'on avertit le pre•venu - e•ventuellement en l'absence d'un avocat (comme ici) - que l'on
pourra tirer des conclusions en sa de•faveur de son refus d'expliquer a• la police sa pre•sence sur le lieu d'une infraction ou de de•poser a• son procè•s, comporte un certain
degré• de coercition indirecte.Cependant, le reque•rant ne pouvant e•tre contraint a• parler ou a• de•poser, comme cela a e•te• indique•, ce fait ne saurait a• lui seul e•tre
de•terminant; la Cour doit plutôt s'attacher au rôle que les de•ductions ont joue• dans la proce•dure pe•nale et en particulier la condamnation.
51. A ce propos, il convient de rappeler qu'il s'agissait d'une proce•dure sans jury, qu'un juge expe•rimente• e•tait charge• de juger les faits.Du reste, l'ordonnance soumet
l'action de tirer des conclusions a• une importante se•rie de garanties conc•ues pour le respect des droits de la de•fense et limitant le poids a• accorder auxdites conclusions.
D'abord, avant de proce•der a• des de•ductions en vertu des articles 4 et 6 de l'ordonnance, il faut du•ment avertir le pre•venu des effets juridiques de son silence e•ventuel.
De plus, comme l'indique l'arre•t de la Chambre des lords dans l'affaire R. v. Kevin Sean Murray, l'accusation doit d'abord e•tablir un commencement de preuve (prima
facie case) contre l'accuse•, c'est-a•-dire des charges reposant sur des preuves directes qui, s'il y ajoute foi et les associe a• des conclusions en de•coulant le•gitimement,
peuvent amener un jury ayant rec•u des instructions convenables a• l'intime conviction, au-dela• de tout doute raisonnable, de l'existence de chacun des e•le•ments
constitutifs de l'infraction (paragraphe 30 ci-dessus).
Il faut rechercher dans chaque cas si les charges de l'accusation sont suffisamment se•rieuses pour appeler une re•ponse.Le tribunal national ne peut conclure a• la
culpabilite• du pre•venu simplement parce que celui-ci choisit de garder le silence.C'est seulement si les preuves a• charge "appellent" une explication que l'accuse• devrait
e•tre en mesure de donner, que l'absence d'explication "peut permettre de conclure, par un simple raisonnement de bon sens, qu'il n'existe aucune explication possible et que
l'accuse• est coupable".A l'inverse, si le procureur n'a pas e•tabli de charges suffisamment se•rieuses pour appeler une re•ponse, l'absence d'explication ne saurait justifier de
conclure a• la culpabilite• (ibidem).En re•sume•, le juge peut seulement tirer, en vertu de l'ordonnance, des e•le•ments a• charge les conclusions dicte•es par le bon sens et
qu'il estime approprie•es.
D'ailleurs, le juge du fond a le pouvoir souverain de tirer ou non des conclusions des faits de la cause.Comme la cour d'appel l'a indique• en l'espe•ce, lorsque le juge admet
que l'accuse• n'a pas compris l'avertissement qui lui a e•te• donne• ou qu'il a des doutes a• ce sujet, "nous sommes su•rs [que le juge]
ne fera pas jouer l'article 6 (art. 6) [au] de•triment [de l'inte•resse•]" (paragraphe 31 ci-dessus).De surcroi•t en Irlande du Nord, ou• les juges du fond sie•gent sans jury, le
juge doit motiver la de•cision de tirer des conclusions et le poids qu'il leur accorde.L'exercice du pouvoir d'appre•ciation a• cet e•gard est susceptible de recours devant les
juridictions d'appel.
52. En l'occurrence, la cour d'appel a conside•re• les charges e•tablies par l'accusation comme "e•crasantes" (paragraphe 26 ci- dessus).Il faut rappeler que lorsque la police
pe•ne•tra dans la maison, un assez long moment apre•s avoir frappe• a• la porte, elle a vu le reque•rant descendre l'escalier de cette maison ou• l'IRA se•questrait M. L.
Celui-ci a fait une de•position - que le juge du fond a estime•e corrobore•e - selon laquelle il avait e•te• contraint a• passer des aveux enregistre•s et qu'apre•s l'arrive•e de la
police sur les lieux et une fois qu'on lui eut retire• son bandeau, il aperc•ut le reque•rant en haut de l'escalier.
M. Murray lui aurait dit de descendre et de regarder la te•le•vision.Il e•tait en train de sortir une bande d'une cassette.La bande encheve•tre•e et le magne•tophone furent
retrouve•s plus tard sur les lieux.Le te•moignage du coaccuse• de l'inte•resse• affirmant que celui-ci venait d'arriver a• la maison, conside•re• comme indigne de foi, fut
e•carte• (paragraphes 25 et 26 ci-dessus).
53. Le juge du fond tira des conclusions formelles de•favorables au reque•rant en vertu de l'article 6 de l'ordonnance faute pour l'inte•resse• d'avoir explique• sa pre•sence
dans la maison lorsque la police l'arre•ta et l'interrogea.Il tira aussi des conclusions formelles en vertu de l'article 4 de l'ordonnance du refus de M. Murray de de•poser a• sa
de•charge lorsque le tribunal l'y invita (paragraphe 25 ci-dessus).
54. Selon la Cour, eu e•gard au poids des preuves a• charge contre le reque•rant et expose•es ci-dessus, les conclusions tire•es de son refus, lors de son arrestation, pendant
l'interrogatoire de police et au proce•s, de donner une explication a• sa pre•sence dans la maison e•taient dicte•es par le bon sens et ne sauraient passer pour iniques ou
de•raisonnables en l'espe•ce.Comme le rele•ve le de•le•gue• de la Commission, dans un grand nombre de pays ou• les e•le•ments de preuve sont appre•cie•s librement, les
tribunaux peuvent, en se livrant a• cette appre•ciation, tenir compte de tous les facteurs pertinents, y compris la manie•re dont l'accuse• s'est comporte• ou a mene• sa
de•fense.La Cour estime que le fait de tirer des conclusions en vertu de l'ordonnance se distingue en ce que, outre l'existence des garanties pre•cises mentionne•es plus haut,
il s'agit, comme le dit la Commission, d'"un syste•me formalise• ayant pour objet de permettre que des de•ductions dicte•es par le bon sens jouent ouvertement un ro•le
dans l'e•valuation des e•le•ments de preuve".
Dans ce contexte, on ne peut pas davantage de•clarer qu'avoir tire• des conclusions raisonnables du comportement du reque•rant a eu pour effet de de•placer la charge de la
preuve de l'accusation sur la de•fense, en contravention au principe de la pre•somption d'innocence.
55. D'apre•s le reque•rant, il n'a pas e•te• e•quitable de tirer des conclusions de son silence en vertu de l'article 6 de l'ordonnance a• une e•poque ou• il ne be•ne•ficiait pas
des conseils d'un homme de loi.La question de l'acce•s a• un solicitor serait indissociable de celle des conclusions tire•es au de•triment d'un pre•venu de son silence avant le
proce•s lors d'interrogatoires de police.Dans ce cas, par le jeu de l'ordonnance, une fois que l'accuse• a garde• le silence, il se trouverait pris a• un pie•ge dont il ne pourrait
s'e•chapper: s'il choisissait de de•poser ou de citer des te•moins, du fait de son silence ante•rieur, il risquerait de voir tirer en vertu de l'article 3 des conclusions suffisantes
pour de•boucher sur un verdict de culpabilite•; en revanche, s'il persistait dans son silence, d'autres dispositions de l'ordonnance permettraient d'en tirer des conclusions en
sa de•faveur.
56. La Cour rappelle qu'elle doit se borner aux faits de l'espe•ce (paragraphe 44 ci-dessus).La re•alite• de la pre•sente cause est que le reque•rant garda le silence du de•but
de l'interrogatoire de police a• la fin de son proce•s.Il n'appartient de•s lors pas a• la Cour de spe•culer sur le point de savoir si l'on aurait proce•de• a• des de•ductions en
vertu de l'ordonnance dans le cas ou• le reque•rant, a• un moment ou a• un autre apre•s son premier interrogatoire, avait choisi de parler a• la police, de de•poser a• son
proce•s ou de citer des te•moins.
Elle ne peut pas davantage se livrer a• des conjectures quant a• la question de savoir si la circonstance que son solicitor a conseille• au reque•rant de garder le silence
s'explique par la possibilite• que de telles conclusions fussent tire•es.
Imme•diatement apre•s son arrestation, M. Murray rec•ut l'avertissement pre•vu par l'ordonnance, mais choisit de se taire.
Comme la Commission, la Cour rele•ve que rien n'indique que l'inte•resse• n'ait pas compris la signification de l'avertissement de la police avant de voir son solicitor.Dans
ces conditions, le fait que pendant les quarante-huit premie•res heures de sa de•tention, le reque•rant n'a pu avoir acce•s a• un homme de loi ne retire rien au constat qui
pre•ce•de, a• savoir qu'il n'e•tait pas inique ou de•raisonnable de tirer des conclusions de la sorte (paragraphe 54 ci-dessus).
La question du de•ni d'acce•s a• un solicitor n'en a pas moins sur les droits de la de•fense des incidences qui appellent un examen se•pare• (paragraphes 59-69 ci-dessous).
57. Cela e•tant et compte tenu du ro•le des conclusions tire•es en vertu de l'ordonnance lors du proce•s ainsi que de leurs conse•quences sur les droits de la de•fense, la
Cour n'estime pas que le caracte•re e•quitable de la proce•dure pe•nale ait e•te• compromis ou qu'il y ait eu manquement au principe de la pre•somption d'innocence.
58. Partant, il n'y a pas eu violation de l'article 6 paras. 1 et 2 (art. 6-1, art. 6-2) de la Convention ».
3- CEDH 23 avril 1998
I.
sur l'exception préliminaire du gouvernement
28.Le Gouvernement excipe, comme déjà devant la Commission, du non-épuisement des voies de recours internes. Le requérant aurait négligé de demander au juge
d'instruction une contre-expertise à la suite du dépôt du rapport du second expert. L'appel du 25 septembre 1989, mentionné dans le rapport de la Commission, contre
l'ordonnance du juge d'instruction rejetant sa demande de deuxième contre-expertise concernerait une ordonnance prise par un autre juge d'instruction, dans le cadre d'une
procédure diligentée contre le requérant pour tentative d'évasion avec violences. Selon le Gouvernement, la nomination d'un troisième expert-psychiatre aurait
incontestablement été de nature à remédier au grief tiré de l'article 6 § 1 de la Convention.
29.Avec le délégué de la Commission, la Cour souligne d'abord que le moyen se réfère aux expertises présentées pendant la phase de l'instruction menée par le juge de
Nevers, alors que M. Bernard conteste les propos tenus par les experts Guggiari et Dumoulin lors de l'audience du 9 juin 1992 devant la cour d'assises du Rhône. Ensuite –
la Commission l'a à juste titre reconnu dans sa décision sur la recevabilité de la requête –, le requérant a soulevé le grief litigieux devant la cour d'assises, par le biais d'un
incident contentieux, puis en saisissant la Cour de cassation. Il y a donc eu épuisement des voies de recours internes.
30.Au demeurant, le juge d'instruction de Nevers suivait à l'époque deux instructions ouvertes à l'encontre du requérant : l'une pour vols avec arme et l'autre pour tentative
d'évasion. Si l'appel du 25 septembre 1989 (paragraphe 14 ci-dessus) concernait l'expertise psychiatrique présentée par le docteur Dumoulin dans le cadre de la seconde
instruction – M. Bernard le concède d'ailleurs –, on peut raisonnablement présumer que toute nouvelle demande de contre-expertise introduite après le dépôt du rapport du
docteur Dumoulin du 24 juin 1989 (paragraphe 13 ci-dessus) eut été vouée à l'échec.
II.
sur la violation alléguée de l'article 6 de la Convention
31.Le requérant affirme que les propos tenus par les deux experts-psychiatres lors de l'audience du 9 juin 1992 devant la cour d'assises du Rhône ont porté atteinte à son
droit à un procès équitable et au principe de la présomption d'innocence. Il en infère une violation de l'article 6 §§ 1 et 2 de la Convention, ainsi libellé :
« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale
dirigée contre elle (...)
2. Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. »
32.Selon le Gouvernement, les modalités de l'intervention des psychiatres à l'audience, eu égard au contenu de leurs rapports déposés pendant l'instruction, n'ont pas
méconnu le droit du requérant à un procès équitable et à la présomption d'innocence. Il rappelle que les experts ne sont pas des membres de la juridiction appelée à statuer
sur la culpabilité de l'accusé et n'ont pas davantage pour tâche d'intervenir dans l'établissement de la matérialité des faits reprochés à l'inculpé. Leur contribution viserait
uniquement à apprécier la personnalité de celui-ci, afin de déterminer en particulier son degré de responsabilité au moment des faits, à supposer ceux-ci établis. En d'autres
termes, les opinions émises par les experts-psychiatres dans le cadre de leur mission n'auraient d'incidence ni sur les investigations menées par le juge d'instruction sur les
faits à l'origine des poursuites, ni sur la détermination de la culpabilité de la personne poursuivie.
33.Le Gouvernement affirme que les questions soulevées en l'espèce doivent être appréciées en tenant compte du contexte général de l'ensemble du procès ce qui implique
nécessairement en droit français que soit incluse, dans l'examen global du procès d'assises, la phase de l'instruction, préalable à l'audience. En effet, le nouvel examen de
l'ensemble des charges pesant contre l'accusé intervient après toute une procédure au cours de laquelle l'ensemble des faits reprochés à la personne poursuivie ont été
examinés d'abord par un juge d'instruction, puis par la chambre d'accusation d'une cour d'appel. En l'occurrence, M. Bernard a été renvoyé devant la cour d'assises du Rhône
par un arrêt rendu le 11 octobre 1991 par la chambre d'accusation de la cour d'appel de Lyon, qui avait préalablement entendu ses conseils. Ceux-ci auraient parfaitement
pu, à l'occasion de cette audience, faire valoir les griefs tirés du contenu des rapports des experts-psychiatres, et demander l'annulation de ces rapports, au motif qu'ils
portaient atteinte au principe de la présomption d'innocence. En outre, dans l'hypothèse où la chambre d'accusation n'aurait pas fait droit à leur demande, ils auraient
également pu se pourvoir en cassation contre l'arrêt de renvoi. Aucune contestation ne fut cependant émise. Enfin, devant la cour d'assises le requérant a soulevé un incident
contentieux visant à obtenir un « donné-acte », mais la cour, après examen des faits incriminés, le lui a refusé et la Cour de cassation a confirmé cette décision. En tout état
de cause, à supposer que les déclarations des deux experts-psychiatres aient été de nature à influencer les jurés en faveur de la culpabilité de M. Bernard, la condamnation
de celui-ci reposerait sur un ensemble d'éléments de fait, dont l'identification par plusieurs témoins.
34.La Commission estime que la question de savoir si les rapports psychiatriques ont constitué une violation du droit du requérant à un procès équitable, doit être résolue
par un examen de ces rapports dans le contexte de l'ensemble du procès. Elle reconnaît toutefois que cette tâche n'est pas aisée eu égard à la spécificité de la procédure
devant la cour d'assises, l'instruction devant se faire oralement à l'audience, l'arrêt de condamnation n'étant pas motivé et un compte rendu officiel des débats n'étant pas
prévu par le code de procédure pénale. En l'occurrence, les membres du jury ont pour la première fois entendu les experts à l'audience d'assises. Or l'investiture des experts
et leur serment spécial, différent de celui des simples témoins, ainsi que leur aura de spécialistes peuvent conférer une importance particulière à l'opinion qu'ils émettent
pour des juges non professionnels que sont les jurés. La Commission considère dès lors que le président de la cour d'assises aurait dû rappeler aux experts leur mission, à
savoir prêter leur concours à la justice en leur honneur et en leur conscience, et permettre ainsi au requérant, au moyen d'un incident contentieux, de remédier le cas échéant
à une situation contraire aux exigences de la Convention. La seule possibilité laissée à la défense de « demander à acter » les propos litigieux et d'ordonner leur nullité ne
serait pas suffisante au regard du droit du requérant à un procès équitable au sens de l'article 6 § 1 vu l'importance de l'enjeuet la gravité de la sanction encourue, mais
surtout la spécificité de la procédure devant la cour d'assises.
35.Quant à la violation alléguée de la présomption d'innocence, la Commission n'a pas estimé nécessaire d'examiner ce grief eu égard à son constat de violation du
paragraphe 1 de l'article 6.
36.Selon le requérant, les caractéristiques particulières de l'expertise psychiatrique font que l'objectivité et l'impartialité des experts doivent être irréprochables. L'expertpsychiatre, à la fois auxiliaire de justice et médecin, passerait outre les principes habituels régissant le déroulement d'une procédure pénale et la déontologie médicale. Lors
d'un examen, l'accusé ne pourrait se faire assister ni par un conseil ni par un autre médecin expert, et ne pourrait pas présenter d’observations. Le seul recours à sa
disposition consisterait en une demande de contre-expertise. En revanche, le psychiatre recueillerait quelquefois des confidences assez intimes et, malgré cela, il les
rapporterait au juge d'instruction puis devant une juridiction en audience publique. Cette spécificité devrait conduire les experts à observer beaucoup de prudence et à
apporter une justification scientifique ou médicale aux réponses qu'ils peuvent donner aux questions posées. En l'espèce, les propos litigieux ne feraient référence à aucune
base médicale ni scientifique, mais démontreraient, au contraire, la partialité de leurs auteurs. Selon M. Bernard, ces propos ont eu une grande influence sur les jurés, qui,
dès la première audience, ont vu en lui le coupable.
37.La Cour rappelle d'abord que « la présomption d'innocence consacrée par le paragraphe 2 de l'article 6 figure parmi les éléments du procès pénal équitable exigé par le
paragraphe 1 » (voir notamment les arrêts Deweer c. Belgique du 27 février 1980, série A n° 35, p. 30, § 56, Minelli c. Suisse du 25 mars 1983, série A n° 62, p. 15, § 27, et
Allenet de Ribemont c. France du 10 février 1995, série A n° 308, p. 16, § 35). Par conséquent, elle examinera les griefs du requérant sous l'angle de ces deux textes
combinés. En se livrant à cette analyse, elle doit considérer la procédure pénale dans son ensemble. Certes, il n'entre pas dans ses attributions de substituer sa propre
appréciation des faits et des preuves à celle des juridictions internes, à qui il revient en principe de peser les éléments recueillis par elles. La tâche de la Cour consiste à
rechercher si la procédure litigieuse, envisagée comme un tout, y compris le mode d'administration des preuves, revêtit un caractère équitable (voir, mutatis mutandis, les
arrêts Edwards c. Royaume-Uni du 16 décembre 1992, série A n° 247-B, pp. 34 et 35, § 34, et Mantovanelli c. France du 18 mars 1997, Recueil des arrêts et décisions
1997-II, pp. 436–437, § 34).
38.Les expertises psychiatriques subies par M. Bernard tendaient à obtenir, entre autres, une réponse à la question de savoir si l'intéressé souffrait d'une quelconque
anomalie mentale ou psychique et, dans l'affirmative, s'il existait un lien entre ces affections et les faits qui lui étaient reprochés. Elles devaient également évaluer la
dangerosité de l'individu. Les deux spécialistes nommés par le juge d'instruction durent en toute logique partir de l'hypothèse de travail selon laquelle le requérant était
l'auteur des crimes à l'origine des poursuites. Leurs conclusions avaient été déposées respectivement les 13 juillet 1988 et 24 juin 1989 au cours de l'instruction (paragraphes
11 et 13 ci-dessus) et contenaient les propos litigieux. M. Bernard avait d'ailleurs lui-même demandé la seconde expertise et s'était vu refuser une troisième. Lors de
l'audience devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Lyon, le 11 octobre 1991, le requérant eut la possibilité de contester les expertises et d'en demander
l'annulation, mais l'arrêt de renvoi du même jour ne mentionne aucune tentative de ce genre de la part de ses conseils.
39.A l'audience du 9 juin 1992 devant la cour d'assises du Rhône, à la suite de l'audition des docteurs Guggiari et Dumoulin la défense de M. Bernard souleva un incident
contentieux, mais la cour n'accepta pas de déclarer nulle ladite audition, estimant que les phrases contestées n'établissaient pas que leurs auteurs avaient préjugé du fond ni
qu'ils s'étaient prononcés sur la culpabilité de l'accusé. Dans son arrêt incident du 12 juin 1992, la cour nota que les experts avaient toujours pris soin de préciser qu'ils
exposaient le résultat de leur mission par rapport à des faits qui étaient niés par le requérant (paragraphe 17 ci-dessus). Le procès-verbal des audiences montre en outre que
tous les témoins cités par M. Bernard furent entendus et que la défense eut la possibilité de formuler des observations après chaque audition et présentation de preuves. Le
31 mars 1993, la Cour de cassation repoussa le moyen du requérant, tiré du fait que les propos litigieux étaient contraires au principe de la présomption d'innocence, au
motif qu'aucun manquement au serment des experts d'apporter leur concours à la justice en leur honneur et en leur conscience, tel que prévu par l'article 168 du code de
procédure pénale, ne pouvait être déduit des propos incriminés (paragraphe 20 ci-dessus).
40.Le dossier montre que la condamnation du requérant repose sur l'ensemble des charges retenues et sur les preuves recueillies lors de l'instruction et discutées au cours
des audiences devant la cour d'assises. Dans ces circonstances, la Cour ne saurait considérer les déclarations litigieuses, élément parmi d'autres soumis à l'appréciation du
jury, comme contraires aux règles du procès équitable et à la présomption d'innocence.
41.En conclusion, il n'y a pas eu violation de l'article 6 §§ 1 et 2.
4- Cons. Const. 19-20 janvier 1981
« En ce qui concerne les articles 47 à 52 relatifs à la procédure correctionnelle :
29. Considérant que, selon les auteurs des saisines, les articles 47 à 52 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel devraient être déclarés non conformes à la
Constitution ; qu'en effet, en matière correctionnelle, ils permettent au procureur de la République, par une décision discrétionnaire, de saisir directement le tribunal sans
information préalable confiée à un juge d'instruction et, ce, même en l'absence de flagrant délit et alors même que le prévenu pourrait faire l'objet d'un mandat de dépôt ;
que le choix ainsi discrétionnairement ouvert au procureur de la République entre une procédure comportant une information préalable par le juge d'instruction et une
procédure ne comportant pas une telle information préalable serait contraire tout à la fois au principe selon lequel seule la loi peut fixer la procédure pénale, aux droits de la
défense et à l'égalité des personnes devant la justice ; qu'au surplus, constituerait également une méconnaissance des droits de la défense l'absence, dans les textes critiqués,
de toute disposition prévoyant que la personne concernée pourra être assistée d'un avocat lors de sa comparution devant le procureur de la République et avant que celui-ci
n'opte entre les diverses procédures possibles.
30. Considérant qu'en vertu de l'article 393 nouveau du code de procédure pénale, tel qu'il résulte de l'article 51 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel, le
procureur de la République peut, s'il estime qu'une information n'est pas nécessaire, procéder soit par voie de convocation du prévenu devant le tribunal par procès-verbal,
soit par voie de saisine immédiate du tribunal, soit par voie de saisine préalable du président du tribunal ou d'un juge délégué par lui ;
31. Considérant que, si en vertu de l'article 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et de l'article 34 de la Constitution, les règles de la procédure
pénale sont fixées par la loi, il est loisible au législateur de prévoir des règles de procédure pénale différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles
s'appliquent, pourvu que les différences ne procèdent pas de discriminations injustifiées et que soient assurées des garanties égales aux justiciables ;
32. Considérant que l'institution de la convocation par procès-verbal, celle de la saisine immédiate du tribunal et celle de la saisine préalable du président du tribunal ou du
juge délégué par lui ont pour objet de permettre de saisir sans retard inutile la juridiction de jugement dans des affaires pour lesquelles une information n'est pas nécessaire ;
que cet objet est conforme à la bonne marche de la justice et à la liberté des personnes susceptibles d'être provisoirement détenues.
33. Considérant que, si le pouvoir d'apprécier dans quelle mesure le recours à la procédure d'information confiée au juge d'instruction n'est pas nécessaire et d'user alors de
l'une des procédures de saisine directe est attribué au procureur de la République, c'est en raison du fait que la charge de la poursuite et de la preuve lui incombe ; qu'un
recours non pertinent du procureur de la République à l'une des procédures de saisine directe aurait nécessairement pour conséquence, en raison de la présomption
d'innocence dont bénéficie le prévenu, soit la relaxe de celui-ci, soit la décision de la juridiction de jugement de procéder à un supplément d'information prévu par l'article
396, alinéa 2, du code de procédure pénale tel qu'il résulte de l'article 51 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ;
34. Considérant que, si l'article 393 nouveau précité du code de procédure pénale, tel qu'il résulte de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel, ne prévoit pas que
la personne déférée au procureur de la République puisse être assistée d'un avocat, c'est parce que ce magistrat qui ne dispose que du droit de décider par quelle voie il
exerce sa poursuite est privé par la loi nouvelle du pouvoir de décerner un mandat de dépôt, même en cas de flagrant délit, un tel mandat ne pouvant être décerné que par un
juge du siège.
35. Considérant que les dispositions des articles 397, 397-1, 397-2, 397-3, 397-4, 397-5 du code de procédure pénale tels qu'ils résultent de la loi soumise à l'examen du
Conseil constitutionnel procurent au justiciable, en ce qui concerne sa liberté individuelle, les mêmes garanties que celles dont il bénéficierait devant le juge d'instruction ;
qu'en effet, aucun mandat de dépôt ou mesure restreignant sa liberté ne peut émaner que d'un magistrat du siège ; que les voies de recours contre de telles décisions sont les
mêmes que si celles-ci émanaient du juge d'instruction ; que les conditions auxquelles est subordonnée la possibilité de mandats de dépôt ou de mesures de contrôle
judiciaire ne sont pas liées au choix par le procureur de la République de l'une des procédures de saisine directe.
36. Considérant qu'aux termes de l'article 397-6 du code de procédure pénale, tel qu'il résulte des dispositions de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel, Dans
tous les cas l'affaire doit être jugée au fond par le tribunal dans les deux mois. A défaut de jugement dans ce délai, les mesures de détention provisoire ou de contrôle
judiciaire cessent de plein droit de produire effet, et le prévenu détenu, s'il ne l'est pour une autre cause, est mis d'office en liberté ;
37. Considérant que, quelle que soit l'option faite par le procureur de la République entre les diverses procédures de poursuites et sans égard au fait qu'il y a eu ou non une
information préalable confiée à un juge d'instruction, le jugement de l'affaire au fond appartient à la même juridiction ; que celle-ci, éclairée au besoin par le supplément
d'information qu'elle aura pu ordonner en toute hypothèse, doit statuer sur la culpabilité du prévenu, toujours présumé innocent, selon des règles de forme et de fond
identiques ; qu'ainsi les dispositions dont il s'agit ne sont contraires ni aux droits de la défense ni à l'égalité devant la justice.
38. Considérant, enfin, qu'aux termes des dispositions de l'article 397-7 du code de procédure pénale, tel qu'il résulte de la loi soumise à l'examen du Conseil
constitutionnel, les dispositions des articles 393 à 397-6 ne sont applicables ni aux mineurs, ni en matière de délits de presse, de délits politiques ou d'infractions dont la
procédure de poursuite est prévue par une loi spéciale ;
39. Considérant, dès lors, que les articles 47 à 52 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ne sont pas contraires à la Constitution ; ».
5- Cons. Const. 8 juillet 1989
« En ce qui concerne les moyens dirigés contre les articles 1 et 2 de la loi :
7. Considérant que les sénateurs auteurs de la troisième saisine estiment que les articles 1 et 2 de la loi, dans la mesure où ils ne se bornent pas à amnistier des personnes
d'ores et déjà condamnées mais entendent faire bénéficier de l'amnistie des personnes que la justice n'a pas encore jugées, contreviennent à deux principes de valeur
constitutionnelle ; qu'il y aurait violation du principe de la séparation des pouvoirs car l'amnistie avant jugement revient à dessaisir le juge d'un dossier et lèse les intérêts de
la partie civile ; que la présomption d'innocence affirmée par l'article 9 de la Déclaration des Droits de 1789 serait pareillement méconnue pour le motif que l'amnistie avant
jugement tend à présumer coupable tous ceux qu'elle concerne et empêche, en outre, l'inculpé de faire la preuve de son innocence ; »
6- Cons. Const. 2 février 1995
« - SUR L'ARTICLE 35 :
3. Considérant que l'article 35 insère au chapitre II du titre premier du livre premier du code de procédure pénale intitulé : "Du ministère public", une section V intitulée :
"De l'injonction pénale" comportant sept articles 48-1 à 48-7 ;
4. Considérant qu'en vertu de ces dispositions, le procureur de la République peut faire une injonction consistant dans l'exécution de certaines obligations à une personne
physique majeure contre laquelle les éléments d'une enquête sont de nature à motiver l'exercice de poursuites pour une ou plusieurs des infractions mentionnées à l'article
48-2 ; que ces obligations, définies par l'article 48-4, consistent soit dans le versement au Trésor public d'une certaine somme fixée par le procureur de la République dans
les limites définies par la loi, en fonction des circonstances de l'infraction, des ressources et des charges de la personne concernée, soit en la participation de cette personne à
une activité non rémunérée au profit d'une personne morale de droit public ou d'une association habilitée à cet effet, dans la limite de quarante heures ; que l'injonction peut
prévoir des mesures de réparation du préjudice causé à la victime ; qu'elle peut également prévoir la remise à l'État de la chose qui a servi à l'infraction ou était destinée à la
commettre ou de la chose qui en est le produit, à l'exception des objets susceptibles de restitution ; que le délai d'exécution des obligations ainsi prévues doit être fixé par
l'injonction sans pouvoir excéder six mois à compter de l'acceptation de cette dernière par la personne intéressée ; que cette injonction pénale ne peut être opérée qu'à la
condition que les faits aient été reconnus par la personne à laquelle elle s'applique ; que l'action publique ne doit pas avoir été mise en mouvement ; qu'il doit apparaître au
procureur de la République que cette procédure est susceptible de mettre fin au trouble résultant de l'infraction, de prévenir le renouvellement de celle-ci et d'assurer, s'il y a
lieu, la réparation du dommage causé à la victime ; que l'exécution par la personne visée par l'injonction des mesures prescrites dans le délai imparti a pour effet d'éteindre
l'action publique ; qu'en revanche en cas de refus de l'injonction ou d'inexécution dans les délais impartis, l'article 48-5 dispose que "le procureur de la République, sauf
élément nouveau, exerce l'action publique" ;
5. Considérant qu'en vertu de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, tout homme est présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable ;
qu'en vertu de l'article 66 de la Constitution, l'autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle ; que le principe du respect des droits de la défense constitue un des
principes fondamentaux reconnus par les lois de la République réaffirmés par le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère le Préambule de la
Constitution de 1958 ; qu'il implique, notamment en matière pénale, l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties ; qu'en
matière de délits et de crimes, la séparation des autorités chargées de l'action publique et des autorités de jugement concourt à la sauvegarde de la liberté individuelle ;
6. Considérant que certaines mesures susceptibles de faire l'objet d'une injonction pénale peuvent être de nature à porter atteinte à la liberté individuelle ; que dans le cas où
elles sont prononcées par un tribunal, elles constituent des sanctions pénales ; que le prononcé et l'exécution de telles mesures, même avec l'accord de la personne
susceptible d'être pénalement poursuivie, ne peuvent, s'agissant de la répression de délits de droit commun, intervenir à la seule diligence d'une autorité chargée de l'action
publique mais requièrent la décision d'une autorité de jugement conformément aux exigences constitutionnelles ci-dessus rappelées ;
7. Considérant que, dès lors, l'article 35 de la loi déférée doit être regardé comme contraire à la Constitution ; »
7- Crim. 19 juin 2001
« Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-13, alinéa 1-10 , préliminaire, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 6.1 et 6.2 de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale, renversement de la charge de la preuve, ensemble
violation des droits de la défense ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Manuel Fernandez-Gomez coupable de violences avec arme ;
"aux motifs que Manuel Fernandez-Gomez doit être retenu dans les liens de la prévention, le témoignage de Pascale Langagne étant précis et circonstancié ;
"alors qu'en raison du principe de la présomption d'innocence, les déclarations de la partie civile ne peuvent légalement servir de preuve, faute d'être corroborées par des
éléments objectifs susceptibles d'être soumis à la discussion des parties ; qu'en fondant sa décision de condamnation sur le seul témoignage de la partie civile, la cour
d'appel a méconnu ce principe et privé, ce faisant, Manuel Fernandez-Gomez du procès équitable auquel il avait droit" ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 131-8 du Code pénal, 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a, tant en méconnaissance des dispositions du droit interne que des principes conventionnels, prononcé à l'encontre de Manuel Fernandez-Gomez
une peine de 200 jours-amende d'un montant unitaire de 25 francs sans s'expliquer sur les ressources et les charges du prévenu" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, d'une part, l'arrêt mentionne que les accusations de la partie civile ont été corroborées par le témoignage d'une amie nommément citée et qui a été entendue ;
Que, d'autre part, les juges disposent pour fixer le montant des jours-amende dans les limites prévues par la loi d'une faculté, dont ils ne doivent aucun compte ;
D'où il suit que les moyens ne peuvent qu'être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ».
8- Crim. 19 septembre 2001
« Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles Préliminaire III, 144, 148-1, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 6.2 de la Convention européenne
de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de mise en liberté de Jacques X... ;
" aux motifs qu'il a été jugé définitivement par l'arrêt du 16 mai 2000 qu'il existe contre Jacques X... des charges de culpabilité pour viol commis sur Chrystelle X... ; que si
avant la décision de la cour d'assises de l'Allier l'ayant condamné à la peine de 8 ans d'emprisonnement, Jacques X..., qui niait les faits, a respecté les obligations du contrôle
judiciaire, depuis l'audience de la cour d'assises, il a pris la mesure du crédit accordé par ses juges à ses dénégations et aux accusations des victimes de ses actes et qu'il peut
en conséquence maintenant raisonnablement être craint qu'après le jugement sur son appel, il ne tente par des pressions de faire revenir ces témoins sur leurs déclarations
dont il peut maintenant encore plus craindre l'effet sur des juges ; qu'en outre, maintenant plus conscient des risques encourus, il peut également être craint qu'il ne tente de
se soustraire à l'action de la justice, même s'il est marié, père d'un enfant et occupe un emploi ; qu'une mesure de contrôle judiciaire apparaît insuffisante pour garantir cette
absence de pressions sur les témoins et pour garantir la représentation en justice qui ne peuvent être assurées que par la détention provisoire ;
" alors qu'aux termes de l'article Préliminaire du Code de procédure pénale, toute personne poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n'a pas été établie ;
qu'il se déduit de ce principe essentiel aux droits de la défense qu'une chambre de l'instruction ne saurait rejeter la demande de mise en liberté d'un accusé appelant d'une
décision de la cour d'assises en déduisant, comme l'a fait en l'espèce la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Riom, l'existence d'éventuels risques de pression sur les
témoins et d'une prétendue insuffisance des garanties de représentation en justice de la personne concernée exclusivement de motifs tirés des charges de culpabilité existant
à son encontre dans l'arrêt de renvoi et de sa condamnation en première instance ;
" alors que, statuant en application des dispositions de l'article 148-1 du Code de procédure pénale, la décision de la chambre de l'instruction doit être spécialement motivée
en fait et en droit d'après les éléments de l'espèce et que l'arrêt, qui relevait tous les éléments de fait d'où il se déduit nécessairement que Jacques X... offre toutes les
garanties de représentation et qui, par contre, ne relevait aucune circonstance dans laquelle celui-ci aurait fait pression sur les témoins, ne pouvait sans se contredire, et
fonder sa décision sur de simples hypothèses, affirmer que la détention provisoire était le seul moyen de garantir sa représentation en justice et d'éviter les pressions sur les
témoins ;
" alors qu'en ne s'expliquant pas in concreto sur les prétendues insuffisances du contrôle judiciaire, insuffisances démenties, selon ses propres constatations, par l'attitude
antérieure de Jacques X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale " ;
Attendu que, pour rejeter la demande de mise en liberté de Jacques X..., qui a été condamné par arrêt de la cour d'assises de l'Allier, du 1er mars 2001, pour viol aggravé, à
8 ans d'emprisonnement, et qui a interjeté appel de cette décision, la chambre de l'instruction s'est prononcée par les motifs reproduits au moyen ;
Attendu que les griefs allégués ne sont pas encourus ;
Qu'aucune atteinte n'a été portée au principe de la présomption d'innocence, dès lors que l'arrêt, qui ne fait que constater l'existence de la condamnation de la cour d'assises
de première instance, sans préjuger de la culpabilité de l'accusé, énonce que la détention provisoire du demandeur est l'unique moyen d'empêcher des pressions sur les
témoins et la victime, ainsi que de garantir le maintien de l'intéressé à la disposition de la justice ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ».
9- Crim. 19 février 2002
«Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de la présomption d'innocence, des articles 1741 du Code général des impôts, L. 227 du Code des procédures
fiscales, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que André X... a été déclaré coupable du délit de fraude fiscale ;
"aux motifs que, en ce qui concerne le dépôt de déclarations de TVA minorées au titre des mois de décembre 1994 à avril 1995, pour déterminer le montant des droits
éludés, l'administration fiscale a, à juste titre, reconstitué les droits éludés à partir des éléments comptables que la société lui a soumis, éléments corrigés de la variation des
comptes clients. Ainsi l'Administration a, à bon droit, déterminé le montant des droits éludés en tenant compte de la période de la prévention. Le montant des droits
redressés n'a pas été contesté devant le juge de l'impôt ;
"alors que les juges qui déclarent le prévenu coupable d'un délit doivent caractériser l'infraction en tous ses éléments constitutifs ; qu'en statuant ainsi sans s'expliquer sur la
circonstance, invoquée par le prévenu dans ses conclusions d'appel, que pour établir matériellement la minoration poursuivie l'Administration s'était bornée à faire état, par
application de la règle de trois, du prorata, pour la période considérée, de la minoration constatée, à l'occasion du contrôle fiscal de la société, pour la totalité de l'exercice
annuel, la cour d'appel n'a pas ainsi valablement constaté par cette extrapolation contraire à la présomption d'innocence la minoration effective des quatre déclarations
mensuelles de TVA faisant seules l'objet des poursuites et n'a donc pas donné de base légale à sa décision ;
"et aux motifs que l'intention coupable d'André X... est caractérisée ; il ne pouvait en effet ignorer l'obligation pesant sur lui en sa qualité de gérant de la SARL. Cette
qualité le constituait personnellement responsable des obligations fiscales de la société qu'il représentait, et ce d'autant qu'il avait reçu précédemment un avertissement à la
suite d'un redressement en août 1993 sanctionnant des carences similaires ;
"alors que la preuve de la mauvaise foi du dirigeant d'une société ne résulte pas de cette seule qualité ; qu'en se fondant exclusivement, pour retenir en l'espèce l'existence de
l'intention frauduleuse, sur la qualité de gérant de la SARL d'André X... qui prétendait avoir confié le suivi de la comptabilité à son fils qui allait lui succéder quelques
semaines plus tard à la gérance de la société, ainsi qu'à un expert-comptable, et qui faisait en particulier valoir que la mise en demeure notifiée à l'entreprise en raison de la
seule omission de déclaration mensuelle de TVA, au titre de mars 1995, était postérieure à son départ de celle-ci, la cour d'appel qui n'a relevé aucune circonstance propre à
faire constater la part prise par le prévenu, de mauvaise foi, à la Commission des infractions, n'a pas donné de base légale à sa décision" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement dont il adopte les motifs mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans
insuffisance ni contradiction, et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, caractérisé en tous ses éléments, tant matériel qu'intentionnel, le
délit de fraude fiscale dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en cause l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de
preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ».
FICHE 6– L’ENQUETE DE POLICE
ARRETS
Les écoutes téléphoniques
Jurisprudence européenne.
CEDH 25 mars 1998, Kopp c/ Suisse: Gaz. Pal. 1998. 1. Somm. 187, et l'opinion concordante de M. Pettiti
Jurisprudence nationale
- Crim. 2 avr. 1997:Bull. crim. no 131; Procédures 1997. Comm. 217, obs. Buisson; RS crim. 1997. 858, obs. Dintilhac
- Crim. 19 janv. 1999:Bull. crim. no 9; Dr. pénal 1999. 77, obs. Maron; ibid. 1999, chron. no 24, obs. Marsat; JCP 1999. II.
10156, note Rebut; RS crim. 1999. 588, obs. préc. Delmas Saint-Hilaire
- Crim. 14 avr. 1999:Bull. crim. no 82; D. 1999. Somm. 324, obs. Pradel; Dr. pénal 1999. 124, obs. Maron; JCP 2000. II. 10312,
note Peltier
EXERCICE
Les perquisitions au cabinet de l’avocat
A partir des résumés d’arrêts et de la loi dite Perben II, réalisez une note de synthèse sur les perquisitions opérées au cabinet
d’un avocat.
LIRE SUR LE SITE INTERNET : Pascal LEMOINE, La loyauté de la preuve.
Jurisprudence européenne.
CEDH 25 mars 1998, Kopp c/ Suisse: Gaz. Pal. 1998. 1. Somm. 187, et l'opinion concordante de M. Pettiti.
« I. Sur la violation alléguée de l'article 8 de la Convention
44.M. Kopp avance que l'interception de ses communications téléphoniques a emporté violation de l'article 8 de la Convention, ainsi libellé :
« 1.Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure
qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des
infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
A. Sur l'exception préliminaire du Gouvernement
45.Le Gouvernement soutient à titre principal, comme déjà devant la Commission, que le requérant n'a pas épuisé les voies de recours internes (article 26 de la Convention),
faute d'avoir soulevé en substance son grief devant les autorités nationales. En effet, devant le Conseil fédéral, il aurait fait valoir que c'était uniquement l'application de
l'article 66 § 1 bis de la loi fédérale sur la procédure pénale (PPF – paragraphe 35 ci-dessus) qui était contraire à l'article 8 de la Convention, sans contester la validité en
tant que telle de la base légale des écoutes téléphoniques dont il avait fait l'objet.
46.En revanche, l'intéressé affirme qu'il a satisfait aux exigences de l'article 26 de la Convention en indiquant que la surveillance des lignes téléphoniques de son cabinet
d'avocats n'avait pas de base légale en droit suisse.
47.La Cour rappelle que la finalité de l'article 26 est de ménager aux Etats contractants l'occasion de prévenir ou redresser – normalement par la voie des cours et tribunaux
– les violations alléguées contre eux avant qu'elles ne soient soumises aux organes de la Convention. Ainsi, le grief dont on entend saisir la Commission doit d'abord être
soulevé, au moins en substance, dans les formes et délais prescrits par le droit interne. Toutefois, l'article 26 doit s'appliquer avec une certaine souplesse et sans formalisme
excessif (voir, par exemple, les arrêts Ankerl c. Suisse du 23 octobre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-V, p. 1565, § 34, et K.-F. c. Allemagne du 27 novembre
1997, Recueil 1997-VII, pp. 2670–2671, § 46).
48.En l'espèce, la Cour relève que dans le recours administratif de M. Kopp du 2 décembre 1992 devant le Conseil fédéral, son avocat avait évoqué, sous la rubrique
« violation de l'article 8 de la Convention », l'illégalité des écoutes téléphoniques dont il avait fait l'objet (paragraphe 30 ci-dessus). Il soutenait notamment que l'article 66
§ 1 bis PPF interdisait expressément la mise sur écoute des avocats et que la surveillance des lignes du cabinet de l'intéressé était donc illégale au regard du droit suisse.
49.Dès lors, la Cour estime, avec la Commission, que le requérant a soulevé en substance, devant les autorités nationales, son grief relatif à l'article 8 de la Convention.
Partant, il échet de rejeter l'exception préliminaire.
B.Sur le bien-fondé du grief
1. Applicabilité de l'article 8
50.Pour la Cour, il ressort de sa jurisprudence que les appels téléphoniques en provenance et à destination de locaux professionnels, comme c'est le cas pour un cabinet
d'avocats, peuvent se trouver compris dans les notions de « vie privée » et de « correspondance » visées à l'article 8 § 1 (voir notamment l'arrêt Halford c. Royaume-Uni du
25 juin 1997, Recueil 1997-III, p. 1016, § 44, et, mutatis mutandis, l'arrêt Niemietz c. Allemagne du 16 décembre 1992, série A n° 251-B, pp. 33–35, §§ 28–33). Ce point
n'a d'ailleurs pas prêté à controverse.
2. Observation de l'article 8
a) Existence d'une ingérence
51.Le Gouvernement soutient que la question de savoir s'il y a véritablement eu ingérence des autorités dans la vie privée et la correspondance du requérant demeure posée,
puisque aucune des conversations enregistrées le concernant n'a été portée à la connaissance du ministère public et que tout enregistrement a été détruit et n'a été utilisé en
aucune façon.
52.La Cour note qu'il n'est pas contesté que le procureur général de la Confédération a ordonné la mise sur écoute des lignes téléphoniques du cabinet d'avocats de
M. Kopp, que le président de la chambre d'accusation du Tribunal fédéral a approuvé cette mesure et qu'elle s'est déroulée entre le 21 novembre et le 11 décembre 1989
(paragraphes 16–18 ci-dessus).
53.Or l'interception des communications téléphoniques constitue une « ingérence d'une autorité publique » au sens de l'article 8 § 2, dans l'exercice d'un droit que le
paragraphe 1 garantit au requérant (voir notamment les arrêts Malone c. Royaume-Uni du 2 août 1984, série A n° 82, p. 30, § 64, et Halford précité, p. 1017, § 48 in fine).
Peu importe, à cet égard, l'utilisation ultérieure de ces enregistrements.
b) Justification de l'ingérence
54.Pareille ingérence méconnaît l'article 8 sauf si, « prévue par la loi », elle poursuit un ou des buts légitimes au regard du paragraphe 2 et, de plus, est « nécessaire dans une
société démocratique » pour les atteindre.
i. L'ingérence était-elle « prévue par la loi » ?
55.Les mots « prévue par la loi », au sens de l'article 8 § 2, veulent d'abord que la mesure incriminée ait une base en droit interne, mais ils ont trait aussi à la qualité de la loi
en cause : ils exigent l'accessibilité de celle-ci à la personne concernée, qui de surcroît doit pouvoir en prévoir les conséquences pour elle, et sa compatibilité avec la
prééminence du droit.
– Existence d'une base légale en droit suisse
56.D'après le requérant, la base légale en droit suisse fait défaut en l'espèce, les articles 66 § 1 bis et 77 PPF (paragraphe 35 ci-dessus) prohibant expressément la mise sur
écoute des lignes téléphoniques d'un avocat, si celui-ci est surveillé en tant que tiers.
57.La Commission souscrit à cette thèse. Selon elle, les dispositions légales en question visent à protéger la relation professionnelle, notamment entre un avocat et ses
clients. Pour que cette relation privilégiée soit respectée, il faut partir du principe que toutes les communications téléphoniques d'un cabinet d'avocats revêtent un caractère
professionnel. On ne saurait dès lors admettre l'interprétation des autorités suisses d'après laquelle ces articles leur permettent d'enregistrer et d'écouter les conversations
téléphoniques d'un avocat avant de déterminer si elles relèvent du secret professionnel.
58.Le Gouvernement soutient, en premier lieu, que la mise sur écoute téléphonique dans le cadre de procédures menées par les autorités fédérales fait l'objet d'une
réglementation complète et détaillée (paragraphes 35–37 ci-dessus). Par ailleurs, les articles 66 § 1 bis et 77 PPF tout comme la doctrine et la jurisprudence en la matière
prévoient que le secret professionnel de l'avocat ne couvre que les activités spécifiques à la profession.
59.La Cour rappelle qu'« il incombe au premier chef aux autorités nationales », et singulièrement « aux cours et tribunaux, d'interpréter et d'appliquer » le droit interne
(voir, parmi beaucoup d'autres, l'arrêt Malone précité, p. 35, § 79, et les arrêts Kruslin c. France et Huvig c. France du 24 avril 1990, série A n° 176-A et -B, p. 21, § 29, et
p. 53, § 28, respectivement). Il ne lui appartient donc pas, en principe, d'exprimer une opinion contraire au Département fédéral de justice et de police et au Conseil fédéral
sur la compatibilité des écoutes judiciaires dont a fait l'objet M. Kopp avec les articles 66 § 1 bis et 77 PPF.
60.Par ailleurs, on ne saurait faire abstraction de la doctrine et de la jurisprudence du Tribunal fédéral en la matière, que le Gouvernement cite dans son mémoire
(paragraphes 38–39 ci-dessus).
En effet, dans le domaine du paragraphe 2 de l'article 8 de la Convention et d'autres clauses analogues, la Cour a toujours entendu le terme « loi » dans son acception
« matérielle » et non « formelle » ; elle y a notamment inclus le « droit non écrit » (arrêts Kruslin et Huvig précités, pp. 21–22, § 29 in fine, et pp. 53–54, § 28 in fine,
respectivement).
61.En résumé, l'ingérence litigieuse avait une base légale en droit suisse.
– « Qualité de la loi »
62.La deuxième exigence qui se dégage du membre de phrase « prévue par la loi », l'accessibilité de cette dernière, ne soulève aucun problème en l'occurrence.
63.Il n'en va pas de même de la troisième, la prévisibilité de la loi quant au sens et à la nature des mesures applicables.
64.La Cour rappelle à cet égard que l'article 8 § 2 exige que la loi soit « compatible avec la prééminence du droit » : lorsqu'il s'agit de mesures secrètes de surveillance ou de
l'interception de communications par les autorités publiques, l'absence de contrôle public et le risque d'abus de pouvoir impliquent que le droit interne doit offrir à l'individu
une certaine protection contre les ingérences arbitraires dans les droits garantis par l'article 8.C'est ainsi que la loi doit user de termes assez clairs pour indiquer à tous de
manière suffisante en quelles circonstances et sous quelles conditions elle habilite la puissance publique à prendre pareilles mesures secrètes (voir, en dernier lieu, l'arrêt
Halford précité, p. 1017, § 49).
65.D'après le Gouvernement, l'ensemble des textes législatifs pertinents et la jurisprudence du Tribunal fédéral permettent de conclure que les écoutes téléphoniques
ordonnées en l'espèce répondaient bien à l'exigence de prévisibilité telle que définie par la Cour européenne.
66.La Cour doit donc examiner la « qualité » des normes juridiques applicables à M. Kopp en l'espèce.
67.Elle relève tout d'abord que les lignes téléphoniques du cabinet d'avocats du requérant furent mises sur écoute en vertu des articles 66 et suivants PPF (paragraphe 25 cidessus) et qu'il fut surveillé en tant que tiers.
L'article 66 § 1 bis PPF prévoit que « des tiers peuvent également être surveillés si des faits déterminés font présumer qu'ils reçoivent ou transmettent des informations qui
sont destinées à l'inculpé ou au suspect ou proviennent de lui. Font exception les personnes qui, en vertu de l'article 77, peuvent refuser de témoigner ».
L'article 77 PPF, quant à lui, dispose que « les avocats (…) ne peuvent être tenus de témoigner sur des secrets à eux confiés en raison de (…) leur profession ».
68.A première vue, le texte paraît clair et semble interdire la surveillance des lignes téléphoniques d'un avocat lorsque celui-ci n'est pas suspect ou inculpé. Il vise à protéger
les relations professionnelles entre un avocat et ses clients par le biais de la confidentialité des correspondances téléphoniques.
69.Ce principe figurant dans la loi fut d'ailleurs repris par le président de la chambre d'accusation en l'espèce, puisque l'ordonnance du 23 novembre 1989 (paragraphe 18 cidessus) précise que « les conversations des avocats ne doivent pas être prises en compte ». De même, le ministère
public le rappela dans sa lettre du 9 mars 1990 informant le requérant qu'il avait été mis sur écoutes téléphoniques (paragraphe 25 ci-dessus), et le Conseil fédéral s'y référa
également dans sa décision du 30 juin 1993 (paragraphe 31 ci-dessus).
70.Cependant, comme la Cour l'a relevé plus haut (paragraphe 52 ci-dessus), toutes les lignes téléphoniques du cabinet d'avocats de M. Kopp ont été surveillées du 21
novembre au 11 décembre 1989.
71.Le Gouvernement entend résoudre cette contradiction en se référant à la doctrine et à la jurisprudence du Tribunal fédéral d'après lesquelles le secret professionnel de
l'avocat ne couvre que ce qui relève de sa profession, et que M. Kopp, mari d'une ancienne conseillère fédérale, n'a pas été mis sur écoute en qualité d'avocat. Il ajoute qu'en
l'espèce, conformément à la pratique suisse en matière de surveillance téléphonique, un fonctionnaire spécialisé des PTT a écouté la bande pour y déceler d'éventuelles
conversations pertinentes sous l'angle de la procédure en cours, mais qu'aucun enregistrement n'a été retenu et transmis au ministère public de la Confédération.
72.Ces arguments ne sauraient, toutefois, convaincre la Cour.
D'une part, il ne lui appartient pas de spéculer à quel titre M. Kopp avait été mis sur écoute, puisqu'il avait la qualité d'avocat et que toutes les lignes téléphoniques de son
cabinet ont été surveillées.
D'autre part, les écoutes et autres formes d'interception des entretiens téléphoniques représentent une atteinte grave au respect de la vie privée et de la correspondance.
Partant, elles doivent se fonder sur une « loi » d'une précision particulière. L'existence de règles claires et détaillées en la matière apparaît indispensable, d'autant que les
procédés techniques ne cessent de se perfectionner (arrêts Kruslin et Huvig précités, p. 23, § 33, et p. 55, § 32, respectivement).
A cet égard, la Cour ne minimise nullement la valeur de certaines des garanties inhérentes à la loi comme la nécessité, à ce stade de la procédure, de l'approbation de la
décision du ministère public de la mise sur écoutes téléphoniques par le président de la chambre d'accusation (paragraphes 18 et 35 ci-dessus), magistrat indépendant, ni le
fait que le requérant a été officiellement informé de l'interception de ses communications téléphoniques (paragraphe 25 ci-dessus).
73.Cependant, la Cour décèle une contradiction entre un texte législatif clair, protecteur du secret professionnel de l'avocat lorsque celui-ci est surveillé en tant que tiers, et
la pratique suivie en l'espèce. Même si la jurisprudence consacre le principe, d'ailleurs généralement admis, que le secret professionnel de l'avocat ne couvre que la relation
avocat-clients, la loi n'explicite pas comment, à quelles conditions et par qui doit s'opérer le tri entre ce qui relève spécifiquement du mandat d'avocat et ce qui a trait à une
activité qui n'est pas celle de conseil.
74.Surtout, en pratique, il est pour le moins étonnant de confier cette tâche à un fonctionnaire du service juridique des PTT, appartenant à l'administration, sans contrôle par
un magistrat indépendant. Cela d'autant plus que l'on se situe dans le domaine délicat de la confidentialité des relations entre un avocat et ses clients, lesquelles touchent
directement les droits de la défense.
75.En résumé, le droit suisse, écrit et non écrit, n'indique pas avec assez de clarté l'étendue et les modalités d'exercice du pouvoir d'appréciation des autorités dans le
domaine considéré. M. Kopp, en sa qualité d'avocat, n'a donc pas joui du degré minimal de protection voulu par la prééminence du droit dans une société démocratique. Il y
a donc eu violation de l'article 8 ».
- Crim. 2 avr. 1997:Bull. crim. no 131; Procédures 1997. Comm. 217, obs. Buisson; RS crim. 1997. 858, obs. Dintilhac.
« Sur le pourvoi de Vincent Parera contre l'arrêt du 26 novembre 1996 :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 432-9
du Code pénal, 19, 40, alinéa 2, 100 à 100-7 et 429 du Code de procédure pénale, 591 et 593 du même Code, manque de base légale, ensemble violation des droits de la
défense :
" en ce que l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Bordeaux du 26 novembre 1996 a refusé de prononcer la nullité des procès-verbaux D 28, D 29, D 36, D
37, D 40 et D 569 et de toute la procédure subséquente, ces procès-verbaux relatant la réquisition en date du 21 juillet 1995 à la société France Télécom aux fins de mise en
oeuvre du procédé IAM, des conversations téléphoniques échangées avec le mis en examen et l'interpellation de ce dernier ;
" aux motifs que la ligne objet de la mise en place du procédé technique "indicateur d'appels malveillants" est suffisamment identifiée par le nom et l'adresse de son titulaire
figurant sur la réquisition du 21 juillet 1995 qui permettait aux services techniques de France Télécom de mettre en oeuvre le procédé IAM, sans recourir au numéro de la
ligne, ce qui a été fait ; qu'il importe peu, dès lors, que la réquisition ait mentionné un numéro de ligne erroné, attribuée à un tiers ;
" qu'il ne ressort pas que les enquêteurs qui se trouvaient en la présence constante de Mme Lévy, qui recevait les communications incriminées et qui a seule échangé des
propos avec son correspondant ont pratiqué des interceptions de correspondances émises par la voie de télécommunications ;
" alors, d'une part, qu'il ne résulte pas des pièces de la procédure que la société France Télécom, saisie par une réquisition aux fins de mise en place du procédé IAM faisait
état de renseignements contradictoires (ligne téléphonique ne correspondant pas au titulaire à surveiller), a sollicité une rectification de la réquisition erronée ; que, dès lors,
les surveillances téléphoniques exercées les 21 et 22 juillet 1995, et notamment la localisation de la communication téléphonique reçue le 22 juillet 1995 à 9 heures 50 au
domicile de Guy Lévy, n'ont aucun fondement légal et devaient être annulées ;
" alors, d'autre part, qu'est constitutif d'une interception prohibée au sens des articles 100 à 100-7 du Code de procédure pénale le fait, pour des officiers de police judiciaire
agissant en enquête de flagrance, d'écouter et de retranscrire sur procès-verbaux le contenu des communications téléphoniques adressées à une personne au domicile de
laquelle ils exerçaient une surveillance avec mise en place du procédé IAM ; qu'en l'espèce il résulte des procès-verbaux de l'enquête préliminaire transcrivant les propos
tenus téléphoniquement par l'interlocuteur de la personne au domicile de laquelle les officiers de police judiciaire exerçaient une surveillance et comportant la description de
sa voix et des appréciations sur son comportement que les officiers de police judiciaire ont écouté et donc intercepté des conversations téléphoniques en violation des
articles 100 à 100-7 du Code de procédure pénale ; que l'arrêt attaqué, qui affirme qu'il ne résulte pas de ces procès-verbaux que les enquêteurs ont pratiqué des
interceptions de correspondance, s'est mis en contradiction avec les pièces de la procédure en violation de l'article 543 du Code de procédure pénale ;
" et, alors, enfin, que les articles 100 à 100-7 du Code de procédure pénale confèrent au juge d'instruction le pouvoir exclusif d'ordonner l'interception des correspondances
émises par la voie des télécommunications sans distinguer selon que ladite interception est obtenue avec ou sans procédé technique ; que, dès lors, le fait pour les officiers
de police judiciaire agissant en enquête de flagrance et sans ordre du juge d'écouter à son insu les propos tenus par un correspondant téléphonique constitue une interception
prohibée ; que, dès lors, l'arrêt attaqué qui a refusé d'annuler les écrits pratiqués dans de telles conditions a violé les textes susvisés " ;
Attendu que, pour refuser d'annuler la réquisition adressée par les enquêteurs aux services des télécommunications, aux fins de mise en place d'un dispositif technique
permettant de déterminer l'origine des appels téléphoniques adressés au domicile de Guy Lévy, la chambre d'accusation énonce, à bon droit, que ce procédé, qui n'avait pas
pour objet l'interception des communications, est régulier et que la ligne sur laquelle il a été adapté était suffisamment identifiée par le nom et l'adresse de son titulaire, peu
important qu'une erreur, sans conséquence, se soit glissée dans le numéro attribué à l'abonné ;
Attendu que, par ailleurs, pour rejeter la demande d'annulation des procès-verbaux par lesquels les policiers ont rendu compte des appels suspects reçus, en leur présence,
par l'épouse de la victime, la chambre d'accusation relève que " les policiers présents au domicile de Mme Lévy lors des appels incriminés n'ont pas prêté leur assistance à
une provocation ou procédé à une machination " et qu'ils se sont contentés de rapporter, en substance, les propos tenus par le correspondant ;
Attendu qu'en cet état la chambre d'accusation n'encourt pas le grief allégué ;
Qu'en effet ne saurait constituer une interception de correspondance émise par la voie des télécommunications, au sens de l'article 100 du Code de procédure pénale, le
simple compte rendu de propos entendus par des policiers au cours d'une conversation téléphonique qui s'est déroulée en leur présence, sans artifice ni stratagème ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ».
- Crim. 19 janv. 1999:Bull. crim. no 9; Dr. pénal 1999. 77, obs. Maron; ibid. 1999, chron. no 24, obs. Marsat; JCP 1999. II.
10156, note Rebut; RS crim. 1999. 588, obs. préc. Delmas Saint-Hilaire.
« Vu le mémoire produit ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, dans un rapport en date du 7 février 1994, Y..., gardien de la paix affecté à l'office central pour la
répression du trafic illicite des stupéfiants (OCRTIS), a informé sa hiérarchie de ce que X..., avocat, avait manifesté le souhait de le rencontrer pour obtenir des
renseignements sur un certain Z..., l'avocat lui ayant précisé que cette rencontre pouvait présenter un intérêt pour l'OCRTIS ; que ce rapport a été annexé aux pièces
d'exécution d'une commission rogatoire qui avait été délivrée au chef de ce service dans une information ouverte contre personne non dénommée, pour trafic de stupéfiants ;
Que, conformément aux instructions de sa hiérarchie, données après avoir " pris l'attache du juge mandant ", Y..., muni d'un magnétophone dissimulé, s'est présenté au
rendez-vous qui lui avait été fixé par l'avocat, le 10 février 1994 dans un restaurant, plusieurs policiers équipés d'appareils photographiques étant par ailleurs postés sur les
lieux ; qu'au cours de la rencontre, le gardien de la paix a enregistré clandestinement sa conversation avec X... ; qu'au vu, notamment, de la transcription de l'enregistrement
jointe au dossier, le procureur de la République a saisi le juge d'instruction de réquisitions supplétives pour corruption de fonctionnaire visant X... ; que celui-ci, mis en
examen de ce chef, a saisi la chambre d'accusation d'une requête en annulation de la procédure ;
En cet état :
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 14, 17, 53 et suivants, 802 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne de sauvegarde
des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure ;
" 1° aux motifs que "le fait (de corruption de fonctionnaire) évidemment étranger à la saisine du juge, a été considéré et régi comme un fait nouveau (...) ; que c'est donc à
tort que l'officier de police judiciaire a cru pouvoir accomplir les actes nécessaires à la constatation de ce délit sur le fondement de la commission rogatoire dont il était
saisi ; que, percevant un fait nouveau constitutif d'un délit, il lui appartenait, après en avoir avisé le juge mandant, d'user des pouvoirs propres à lui conférés par les articles
14 et 17 du Code de procédure pénale pour le constater selon la procédure de la flagrance, comme il l'a réellement fait, en dépit de son erreur de droit regrettable qu'il
convient à la Cour de rectifier, en restituant à la constatation critiquée sa véritable qualification d'opération de police judiciaire (...)", (cf. arrêt p. 10) ;
" alors qu'il résultait des propres énonciations de l'arrêt attaqué, que, dès le mois de janvier 1994, les policiers avaient eu connaissance d'un fait susceptible de revêtir la
qualification de corruption de fonctionnaire et d'être commis par Me X... ; qu'en déclarant néanmoins que, le 10 février 1994, les policiers avaient agi selon la procédure
d'enquête de flagrance dans le but de constater ce même fait, la chambre d'accusation a violé les textes susvisés ;
" 2° aux motifs que "contrairement à l'affirmation du requérant, la constatation ainsi effectuée ne résulte pas d'une provocation, les actes litigieux n'ayant en rien été
déterminés par l'intervention du gardien de la paix Y..., qui a eu seulement pour effet d'en arrêter la continuation (...)", (cf. arrêt p. 11) ;
" alors qu'il résultait des propres énonciations de l'arrêt attaqué, que Y..., agissant avec l'accord et sur instructions de sa hiérarchie, n'avait donné suite à la proposition
d'entretien que dans le but de "constater" un fait nouveau constitutif d'un délit, ce dont il s'évinçait que les policiers avaient joué un rôle actif procédant d'un plan concerté et
que la provocation était dès lors constituée ; qu'en déclarant le contraire la chambre d'accusation a violé les textes susvisés ;
" alors que, et à tout le moins, la chambre d'accusation ne pouvait, sans se contredire, déclarer, d'une part, que les actes litigieux n'avaient en rien été déterminés par
l'intervention du gardien de la paix Y... qui avait eu seulement pour effet d'en arrêter la continuation, et énoncer d'autre part que ce dernier n'avait donné suite à la
proposition d'entretien que dans le but de constater un fait nouveau constitutif d'un délit ;
" 3° aux motifs que "la violation alléguée du principe de la loyauté dans la recherche des preuves suppose que soit établie, à l'encontre de l'officier ou de l'agent de police
judiciaire et à son initiative, une machination destinée à rapporter la preuve d'une infraction, en déterminant la commission de celle-ci ou l'exécution d'actes constituant des
indices probatoires (...) ; qu'en donnant à ce policier (Y...) l'instruction de procéder à l'enregistrement critiqué, l'officier de police judiciaire a seulement, comme il en avait
le pouvoir et même le devoir, diligenté l'enquête permettant de constater un délit flagrant (...) ; qu'aucune atteinte n'a été portée au principe de loyauté dans la recherche des
preuves (...)", (cf. arrêt p. 11 in fine et p. 12) ;
" alors que l'enregistrement effectué de manière clandestine, par un policier agissant selon la procédure d'enquête de flagrance dans le but de constater un délit et d'en réunir
les preuves, des propos qui lui sont tenus, fût-ce spontanément par une personne sur laquelle pèsent les indices apparents d'un comportement délictueux, élude les règles de
procédure et compromet les droits de la défense ; que la validité d'un tel procédé ne peut être admise " ;
Sur la première branche du moyen :
Attendu que, répondant à l'argumentation du requérant selon laquelle les policiers avaient excédé les limites de la délégation qui leur avait été délivrée, la chambre
d'accusation, après avoir souverainement analysé le contenu du rapport établi par le gardien de la paix, relève que les agissements révélés par lui, susceptibles de
caractériser le délit de tentative de corruption, constituaient effectivement des faits nouveaux étrangers à la saisine du juge ; qu'elle en déduit que c'est à tort que les policiers
avaient cru pouvoir accomplir les actes nécessaires à la constatation de ce délit sur le fondement de la commission rogatoire dont ils étaient saisis ;
Que, pour refuser néanmoins d'annuler la procédure, la chambre d'accusation énonce qu'en dépit de cette " regrettable erreur de droit ", les policiers n'ont pas excédé leurs
pouvoirs dès lors qu'ils tenaient des articles 14 et 17 du Code de procédure pénale le droit de procéder d'office et en flagrance à des investigations sur les faits de corruption
qui leur avaient été révélés ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction, la chambre d'accusation, qui, appréciant souverainement le contenu des pièces de la procédure,
pouvait restituer leur véritable nature aux investigations policières, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Qu'en effet, des policiers, découvrant en dehors de l'exécution d'une commission rogatoire, des indices apparents révélant l'existence d'agissements délictueux en cours et
étrangers à la saisine du juge d'instruction, sont en droit de procéder à des investigations en application des règles prévues pour l'enquête de flagrance ;
Sur les autres branches du moyen :
Attendu que, pour écarter le grief pris de la violation du principe de la loyauté des preuves, la chambre d'accusation retient que les policiers n'ont en rien provoqué la
commission de l'infraction, la rencontre entre le gardien de la paix et l'avocat étant le fait des sollicitations insistantes de celui-ci ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre d'accusation a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués dès lors que, par ailleurs, l'enregistrement critiqué ne
constituait pas un acte de procédure susceptible d'annulation, mais seulement un moyen de preuve soumis à la libre discussion des parties, ayant été effectué par le
fonctionnaire de police, non dans l'exercice de ses fonctions, en vue de constater des faits de trafic de stupéfiant, sur délégation judiciaire, mais, en tant que victime de faits
de corruption, pour se constituer une preuve des sollicitations dont il était l'objet ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme :
REJETTE le pourvoi ».
- Crim. 14 avr. 1999:Bull. crim. no 82; D. 1999. Somm. 324, obs. Pradel; Dr. pénal 1999. 124, obs. Maron; JCP 2000. II. 10312,
note Peltier.
« Sur la procédure :
Attendu qu'à la suite de l'arrestation de X... dans le cadre d'une procédure distincte, les policiers ont découvert, dans le véhicule utilisé pour assurer sa conduite au
commissariat, un appareil récepteur de messagerie unilatérale de marque " Tatoo" ;
Que, le lendemain, alors que X... se trouvait en garde à vue, une personne, présente au commissariat pour une autre affaire, a reconnu l'intéressé comme étant son
fournisseur de drogue et a indiqué qu'elle avait l'habitude de l'appeler sur un appareil " Tatoo " dont le numéro s'est révélé être celui de l'appareil découvert dans le fourgon
de police ;
Qu'au cours de l'enquête préliminaire ouverte à la suite de ces constatations, les policiers ont relevé les messages parvenant sur le récepteur et, notamment, les numéros de
téléphone laissés par les personnes souhaitant être rappelées ; que ces appels émanaient de toxicomanes qui ont reconnu s'adresser, par ce moyen, à leur fournisseur
habituel ;
Que les enquêteurs, après avoir procédé à l'audition de X..., qui se trouvait détenu pour autre cause, ont placé sous scellés l'appareil " Tatoo " et ont adressé la procédure au
ministère public qui a requis l'ouverture d'une information ;
Attendu que X... a saisi la chambre d'accusation d'une requête en annulation d'actes de la procédure qui a été rejetée par l'arrêt attaqué ;
En cet état :
Sur le cinquième moyen de cassation proposé par le mémoire personnel, pris de la violation de l'article 593 du Code de procédure pénale :
Attendu que, pour refuser d'annuler la présentation de X... à la personne qui l'a originairement dénoncé comme étant son fournisseur de drogue, les juges énoncent que
l'intéressé a été reconnu par ce témoin, venu déposer une plainte pour autre cause, et qu'il n'a été procédé à aucune parade d'identification ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre d'accusation a justifié sa décision, dès lors que, l'audition du témoin n'étant, elle-même, affectée d'aucune irrégularité, les juges
du fond disposent du pouvoir d'apprécier souverainement sa valeur probante ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le quatrième moyen de cassation proposé par le mémoire personnel, pris de la violation de l'article 593 du Code de procédure pénale :
Attendu que, pour rejeter la demande d'annulation de la réquisition adressée par les policiers à France Télécom, qui est datée du 15 octobre 1997 à 10 heures, alors qu'elle
est nécessairement postérieure à l'audition du témoin, intervenue à 12 h 15, et qui mentionne, par ailleurs, que l'enquête est diligentée dans le cadre de la flagrance, alors que
les policiers agissaient en enquête préliminaire, la chambre d'accusation énonce que ces 2 erreurs, purement matérielles, sont sans incidence sur la régularité de la
procédure ;
Qu'en l'état de ces motifs, l'arrêt attaqué a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par le mémoire ampliatif, pris de la violation des articles 81, 100 à 100-6 et 151 du Code de procédure pénale, L. 32 du Code des
postes et télécommunication, 6.1 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler la cote D 9 et la procédure subséquente ;
" aux motifs que les actes accomplis par l'officier de police judiciaire ont seulement consisté à recueillir, sur l'appareil "Tatoo", les numéros de téléphone laissés par les
personnes qui, ayant appelé le requérant, souhaitaient qu'il les rappelle téléphoniquement ; qu'ainsi n'ont été exécutés aucune interception, ni enregistrement, ni transcription
de correspondances émises par la voie des télécommunications au sens de l'article 100 du Code de procédure pénale ;que dès lors ne pouvaient trouver application les
dispositions des articles 100-1 et suivants du Code de procédure pénale, aucune autorisation d'un juge d'instruction n'étant exigée pour l'exécution des actes querellés, dont
la légalité n'apparaît pas discutable ;
" 1° alors que la transmission de messages au moyen d'un appareil "Tatoo", lequel constitue un récepteur de services de messagerie unilatérale, entre dans le champ
d'application des articles 100 à 100-6 du Code de procédure pénale ;
" 2° alors que même s'il ne consiste qu'en un simple numéro de téléphone, le message laissé sur un tel appareil constitue par lui-même une correspondance et que dès lors
son interception comme sa transcription ne peuvent être effectuées que sur un ordre écrit d'un juge d'instruction et sous son contrôle ;
" 3° alors que l'interception ou la transcription, par les policiers opérant sans ordre d'un magistrat instructeur, de correspondances émises par la voie des télécommunications
constitue une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et de la correspondance non prévue par la loi au sens de l'article 8 de la Convention européenne
de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par le mémoire personnel, pris de la violation des mêmes textes :
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'en refusant, par les motifs reproduits au moyen, de prononcer l'annulation du procès-verbal relatant la découverte de l'appareil " Tatoo " et son maintien en
service afin de recueillir les numéros de téléphone laissés par les correspondants, la chambre d'accusation a fait l'exacte application de la loi ;
Qu'en effet, ne saurait constituer une interception de correspondance émise par la voie des télécommunications, au sens de l'article 100 du Code de procédure pénale, les
simples lecture et transcription par les policiers, sans artifice ni stratagème, des messages parvenus sur la bande d'un récepteur de messagerie unilatérale ;
Qu'ainsi les moyens doivent être écartés ;
Sur le second moyen de cassation proposé par le mémoire ampliatif, pris de la violation des articles 56, 76 et 802 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de
base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler la procédure pour tardiveté de la saisie de l'appareil "Tatoo" appréhendé par les enquêteurs le 15 octobre 1997 ;
" aux motifs que, dans la mesure où ce "Tatoo" a été découvert dans un véhicule de police hors la présence du requérant, la méconnaissance des prescriptions combinées des
articles 56 et 76 du Code de procédure pénale réside seulement dans le fait que cet appareil a été placé sous scellés dans un temps différé par rapport à son appréhension ;
que, toutefois, cette violation n'a porté aucune atteinte aux droits du requérant pour la double raison que l'authenticité de la découverte de cet objet n'en a pas été affectée et
que les numéros de téléphone récupérés sur cet appareil auraient pu l'être tout aussi aisément si ledit appareil avait été formellement saisi par le biais d'un scellé ouvert ;
" 1° alors que l'irrégularité résultant du placement sous scellés dans un temps différé de son appréhension (en l'espèce plus de 2 mois) porte par elle-même atteinte aux
droits de la défense puisqu'elle est de nature à permettre toutes les manipulations ou les stratagèmes policiers ;
" 2° alors qu'il résulte des propres motifs de l'arrêt que le placement différé sous scellés a eu pour objet et pour résultat de permettre la poursuite par les enquêteurs de
l'interception de correspondances émises par la voie des télécommunications en violation des dispositions des articles 100 à 100-6 du Code de procédure pénale " ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé par le mémoire personnel, pris de la violation des mêmes textes :
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour refuser l'annulation de la saisie et du placement sous scellés de l'appareil " Tatoo ", la chambre d'accusation se prononce par les motifs reproduits au
moyen ;
Attendu qu'en cet état, la chambre d'accusation a justifié sa décision sans encourir le grief allégué, dès lors qu'elle constate que le retard apporté à la mise sous scellés de
l'objet saisi n'a pas eu pour effet de porter atteinte aux intérêts du demandeur ;
D'où il suit que les moyens ne peuvent être admis ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé par le mémoire personnel, pris de la violation de l'article 593 du Code de procédure pénale :
Attendu que, pour refuser d'annuler l'audition de X..., en raison de l'absence d'une partie de l'original du procès-verbal rapportant cette audition, la chambre d'accusation
énonce que ce vice n'affecte pas la régularité de la transcription dudit procès-verbal, effectuée par l'officier de police judiciaire ayant procédé à l'audition, dès lors que la
juridiction de jugement a toute latitude pour apprécier, selon son intime conviction, la valeur probante d'un tel document, conformément aux dispositions de l'article 427 du
Code de procédure pénale ;
Qu'en l'état de ces motifs, la chambre d'accusation a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ».
EXERCICE
Les perquisitions au cabinet de l’avocat
A partir des résumés d’arrêt et de la loi dite Perben II, réalisez une note de synthèse sur les perquisitions opérées au cabinet d’un
avocat.
- A légalement justifié sa décision au regard de l'art. 105 C. pr. pén. la Cour d'appel qui, pour répondre aux conclusions d'un avocat faisant l'objet d'une inculpation, qui
invoquait non point l'irrégularité du procès-verbal de perquisition au cours duquel il aurait été entendu en qualité de témoin et non pas d'inculpé, mais le caractère tardif de
son inculpation intervenue seulement à l'issue de ces opérations, a relevé que les conditions dans lesquelles cet avocat avait été mis en cause précédemment imposaient au
juge d'instruction de procéder notamment au cabinet et au domicile de l'intéressé à des investigations complémentaires qui avaient permis à ce magistrat de trouver
confirmation des allégations antérieures et ainsi de disposer d'un ensemble d'indices suffisamment graves et concordants pour justifier, à partir de ce moment là seulement,
l'inculpation immédiate, laquelle de ce fait était intervenue dans des conditions excluant toute atteinte aux droits de la défense
(Crim. 1er février 1988 : Bull. crim., 1988, n° 47).
- Si, en vertu du principe de la libre défense qui domine la procédure pénale, les correspondances adressées par l'inculpé, le prévenu, ou l'accusé à son conseil, sont
couvertes par le secret et échappent à toute saisie, il en va autrement:... lorsqu'il s'agit d'écrits n'ayant pas trait à une poursuite pénale et qui, en outre, sont susceptibles de
constituer la preuve d'une infraction, dès lors que leur existence en a été révélée par l'avocat destinataire à son client, lequel n'étant pas tenu par leur caractère confidentiel,
en a fait état dans sa plainte
(Crim. 9 févr. 1988: Bull. crim. no 63; JCP 1988. II. 21056, rapp. Dardel; Gaz. Pal. 1988. 2. 732, note Damien; RS crim. 1988. 789, obs. Levasseur)
- Si le juge d'instruction est, selon l'art. 96 C. pr. pén., investi du pouvoir de saisir les objets et documents utiles à la manifestation de la vérité, ce pouvoir trouve sa limite
dans le principe de la libre défense, qui domine toute la procédure pénale et qui commande de respecter les communications confidentielles des inculpés avec les avocats
qu'ils ont choisis ou veulent choisir comme défenseurs.
La saisie des correspondances échangées entre un avocat et son client ne peut, à titre exceptionnel, être ordonnée ou maintenue qu'à la condition que les documents saisis
soient de nature à établir la preuve de la participation de l'avocat à une infraction.
En l'espèce, le juge d'instruction a saisi et placé sous scellé n[ 7, malgré les protestations du délégué du bâtonnier, une lettre adressée par l'inculpé à son avocat, ainsi qu'un
document joint à cette lettre. Pour dire n'y avoir lieu d'annuler cette saisie, les juges énoncent «qu'en l'état des soupçons pesant sur Me X... d'avoir participé aux faits
litigieux, soupçons qui avaient conduit l'officier de police judiciaire agissant sur commission rogatoire à prendre à son encontre une mesure de garde à vue au temps de la
perquisition, la saisie de cette correspondance, étrangère aux relations normales entre un avocat et son client, avait pour seul but de recueillir des renseignements sur les
activités de Me X..., qui ont d'ailleurs motivé son inculpation».
Mais en l'état de ces seuls motifs, d'où il ne résulte pas que les documents saisis aient été de nature à prouver la participation de Me X... à une activité délictueuse, la
chambre d'accusation n'a pas justifié sa décision au regard du principe ci-dessus rappelé
(Crim. 12 mars 1992 : Bull. crim., 1992, n° 112 ; Gaz. Pal., Rec. 1992, somm. p. 383, J. n° 305, 31 octobre 1992, p. 16, note J. Pradel ; D., 1993, somm. p. 207, note J.
Pradel ; D., 1994, somm. p. 134, note A. Brunois).
- Saisi notamment de faits d'abus de biens sociaux, le juge d'instruction a procédé au cabinet de S..., avocat, ancien conseil d'ex-cadres dirigeants ou associés d'IBSA qui
avaient déjà été mis en examen dans cette affaire, à une perquisition en présence du représentant du bâtonnier de l'Ordre, laquelle a abouti à la saisie et à la mise sous scellés
notamment de notes de travail de l'avocat, ainsi que de correspondances échangées entre lui et ses clients. Par requête S..., resté étranger aux poursuites et n'assistant aucune
des parties à la procédure, a sollicité la restitution de tous les documents saisis, au motif que les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, de
même que les correspondances échangées entre le client et son avocat, sont, aux termes des dispositions de l'art. 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, modifié par la loi du 4
janvier 1993, couvertes par le secret professionnel, et ce en toute matière.
Pour confirmer le rejet de la requête en restitution de pièces présentée par S..., l'arrêt attaqué se borne à énoncer qu'il résulte de l'examen de ces pièces, afférentes à des
montages juridiques et financiers d'opérations dont le juge d'instruction est saisi, qu'elles ont été établies antérieurement à l'ouverture de la présente information, et que, ne
concernant pas la défense des personnes mises en examen, dont Me S... n'a pas été chargé, elles ne sauraient revêtir un caractère de confidentialité, et que le magistrat
instructeur tient de l'art. 97 C. pr. pén. le pouvoir de les saisir. Mais la juridiction du second degré ne s'explique pas, dans ses motifs, sur la nature ou le contenu des
documents placés sous scellés, ni sur l'identité des clients concernés, et ne précise pas si la restitution sollicitée était de nature à faire obstacle à la manifestation de la vérité
ou à la sauvegarde des droits des parties.
En statuant ainsi, sans se conformer aux prescriptions de l'art. 99 C. pr. pén., la Chambre d'accusation, qui ne pouvait, au surplus, déduire l'absence de confidentialité et
d'atteinte au secret professionnel de l'avocat de la seule affirmation que les pièces saisies seraient étrangères à l'exercice des droits de la défense dans l'instance pénale en
cours, n'a pas justifié sa décision
(Crim. 6 février 1997 : Bull. crim., 1997, n° 55 ; Gaz. Pal., Rec. 1997, jur. p. 183, J. n° 77, 18 mars 1997, p. 4, note A. Damien).
- Si les dispositions de l'art. 66-5 de la loi du 31 déc. 1971 modifiées par la loi du 7 avr. 1997 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques précisent qu'
«en toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les
correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et son confrère, les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes
par le secret professionnel», la prohibition édictée par cet article, qui sanctionne la révélation du secret professionnel pour certaines professions juridiques et judiciaires
dépositaires, ne peut pas faire obstacle à ce qu'un juge d'instruction fasse procéder à la saisie de toutes pièces dans lesquelles il est susceptible de découvrir des éléments
indispensables à la conduite de son information, les prérogatives que ce magistrat tient de l'art. 81 C. pr. pén. ne souffrant aucune restriction.
(Paris, 5 nov. 1997: D. 1997. IR. 253; Gaz. Pal. 1997. 2. Somm. 518).
- Il résulte de l'arrêt attaqué que la Fédération Nationale de la Mutualité Française a déposé plainte avec constitution de partie civile pour faux, usage de faux et tentative
d'escroquerie; elle exposait que son ex-directeur financier, François B..., l'avait engagée dans des opérations financières, notamment une participation dans le capital de la
société N..., alors que, démis de ses fonctions, il n'avait plus la signature sociale; dans le respect des dispositions de l'art. 56-1 C. pr. pén., le juge d'instruction a procédé à
une perquisition au cabinet d'avocats X..., qui avait été chargé d'une mission d'assistance et de conseil pour la réalisation de l'opération critiquée; divers documents se
rapportant à cette opération ont été saisis par le juge, le procès-verbal dressé par lui précisant qu'aucun d'eux ne concernait une mission de défense.
Le cabinet d'avocats a sollicité la restitution des documents saisis; le juge d'instruction ayant rejeté sa requête, il a interjeté appel de cette décision, invoquant devant la
Chambre d'accusation les dispositions de l'art. 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue de la loi du 7 avril 1997.
Pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction, la Chambre d'accusation, après avoir décrit de manière précise chacune des pièces placées sous scellés, lesquelles
consistaient en des correspondances, actes ou projets d'actes destinés à la réalisation de l'opération, énonce que les dispositions de l'art. 66-5 de la loi du 31 décembre 1971
ne peuvent empêcher les recherches utiles à la manifestation de la vérité auxquelles le juge d'instruction procède sur le fondement des art. 81, 94, 96, 97 et 56- 1 C. pr. pén.,
«lorsque des indices graves déjà recueillis au cours de l'information font présumer la présence dans un cabinet d'avocats de documents relatifs au montage d'une opération
financière révélant des faits délictueux»; les juges ajoutent que les documents saisis sont en relation étroite avec les faits, objet de la poursuite, et que leur restitution serait,
en l'état, de nature à faire obstacle à la manifestation de la vérité; en prononçant ainsi, abstraction faite d'un motif erroné, mais surabondant, critiqué par la première branche
du moyen, la Chambre d'accusation a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués; en effet, il résulte des art. 97 et 99 C. pr. pén. et de l'art. 8 de la Convention
européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme que le juge d'instruction peut s'opposer à la restitution de documents saisis dans le cabinet d'un avocat et couverts par le
secret professionnel, dès lors que leur maintien sous la main de la justice en vue de déterminer l'existence d'infractions pénales est nécessaire à la manifestation de la vérité
et qu'il ne porte pas atteinte aux droits de la défense; tel étant le cas en l'espèce, le moyen doit être écarté.
(Crim. 30 juin 1999:Bull. crim. no 172; D. 1999. 458, note Pradel, et Somm. 322, obs. Pradel; JCP 1999. II. 10177, note R. Martin; Gaz. Pal. 1999. 2. 569, note Damien;
Dr. pénal 1999. Comm. 155, obs. Maron; Procédures 1999, no 236, obs. J. Buisson; RS crim. 1999, p. 840, obs. Commaret; JCP 2000. I. 231, no 12, obs. R. Martin).
- Justifie légalement sa décision la chambre d'accusation qui, pour rejeter la demande de restitution de documents saisis lors d'une perquisition au cabinet d'un avocat,
retient, après avoir analysé la nature et le contenu de chacun des scellés, que la restitution est de nature à faire obstacle à la manifestation de la vérité en raison de la relation
étroite entre les documents saisis et les faits objets de la poursuite dans laquelle l'avocat est mis en examen, que l'implication de l'avocat dans cette affaire rend inopérante
son argumentation relative à la confidentialité et à l'atteinte portée au secret professionnel, que les écrits placés sous scellés et antérieurs à l'ouverture de l'information, ne
concernent pas l'activité de défenseur de l'avocat dans aucune instance pénale en cours mais sont, en revanche, relatifs aux activités ayant donné lieu à la mise en cause de
l'avocat et que les indices de participation de ce dernier à l'infraction existaient au jour de la perquisition.
(Crim. 5 oct. 1999:Bull. crim. no 206; D. 2000. Somm. 155, obs. Blanchard).
- À la suite de la découverte du corps de R., atteint de deux balles de fort calibre, le juge d'instruction de Montpellier a délivré à la gendarmerie, le 12 décembre 1997, une
première commission rogatoire pour déterminer les circonstances du meurtre, puis, le 25 décembre 1997, une nouvelle commission rogatoire en vue de «sonoriser, à
l'occasion de la perquisition qui y sera effectuée, le domicile de M.», domicile que l'auteur présumé, prénommé C. (V. ), était susceptible de fréquenter.
Le lendemain, les officiers de police judiciaire ont procédé à une perquisition dans l'appartement de M., avec l'assistance de gendarmes du groupe d'observation et de
reconnaissance de Versailles, qui y ont mis en place un équipement permettant de capter et d'enregistrer à distance les conversations ; une nouvelle perquisition effectuée le
28 décembre a permis l'interpellation de V., lequel a été mis en examen pour homicide volontaire le 30 décembre 1997.
Pour rejeter la requête en annulation de la commission rogatoire du 25 décembre 1997, des opérations de sonorisation et de toute la procédure subséquente, déposée par
l'avocat de V. après la notification de l'avis de fin d'information, l'arrêt énonce que «le magistrat instructeur était en droit, au visa tant de l'article 81 que des articles 100 et
suivants du Code de procédure pénale, d'autoriser, par une commission rogatoire technique, l'opération de sonorisation d'un appartement» et que les officiers de police
judiciaire, qui ont agi dans un cadre légal défini par le juge d'instruction, «n'ont provoqué ni la venue de V. dans les lieux, ni les conversations qu'il y a librement
entretenues avec M.».
En cet état, le demandeur ne saurait se faire un grief de ce que la perquisition du 26 décembre 1997, qui ne pouvait avoir d'autres fins que la recherche d'objets utiles à la
manifestation de la vérité, était irrégulière, dès lors que seul celui qui en est personnellement victime a qualité pour invoquer une violation des règles de procédure, portant
atteinte à l'intimité de la vie privée.
(Crim. 15 février 2000 : Bull. crim., 2000, n° 68)
- Le secret professionnel de l'avocat, tel qu'il résulte de l'art. 66-5 de la loi du 31 déc. 1971 modifiée par la loi du 7 avr. 1997, ne peut être entendu comme ayant un
caractère absolu, ce qui rendrait inopérantes les dispositions prises dans le cadre de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits
des victimes, sur le fondement desquelles est examinée la présente procédure; cependant, les atteintes au secret professionnel de l'avocat, lequel constitue une norme
européenne, ne sauraient être entendues que de façon restrictive, ce qui n'autorise la saisie des consultations et correspondances échangées entre un avocat et son client que
si celles-ci révèlent de façon intrinsèque la commission par l'avocat d'une infraction en qualité d'auteur principal ou de complice.
(TGI Paris, (ord.), 7 juill. 2000: Gaz. Pal. 25-29 août 2000, note A. Damien; JCP 2001. I. 284, nos 12 s., obs. R. Martin 2 oct. 2000: Gaz. Pal. 13-14 oct. 2000. Adde: P.-A.
Iweins, Gaz. Pal. 13-14 oct. 2000).
- Justifie sa décision la chambre de l'instruction qui, pour rejeter le moyen d'annulation pris de l'irrégularité d'une perquisition à laquelle a procédé le juge d'instruction, en
présence du bâtonnier, dans un cabinet d'avocat, relève que des indices de participations à des faits délictueux existaient à l'encontre de cet avocat au jour de cet acte et que
la copie du disque dur du système informatique, effectuée par l'expert, assistant le magistrat, n'avait d'autre but que de perturber le moins possible le fonctionnement du
cabinet collectif, ladite copie ayant été placée sous scellé et rien n'ayant été transcrit qui ne concernait la procédure
(Crim. 14 novembre 2001 : Bull. crim., 2001, n° 238)
- Est régulière la perquisition effectuée par le juge d'instruction au domicile et en présence de la personne mise en examen, en l'absence de l'avocat qui n'a pas été avisé de
ce transport, dès lors que cet acte a été accompli dans le respect des formalités prévues aux art. 95, 57 et 59 C. pr. pén. et que la personne mise en examen n'a été soumise à
aucun interrogatoire, confrontation ou reconstitution qui eût impliqué l'information de son avocat, préalablement au transport décide par le magistrat
(Crim. 20 février 2002 : Bull. crim., 2002, n° 41).
FICHE 7 – LA GARDE A VUE
ARRETS
Définition de la garde à vue
- Crim. 9 septembre 1998 : Bull. crim., 1998, n° 229 ; Gaz. Pal., Rec. 1999, chr. crim. p. 8, J. n° 19, 19 janvier 1999, p.
8
- Crim. 13 octobre 1998 : Bull. crim., 1998, n° 254 ; D., 2000, jur. p. 808, note V. Peltier ; Gaz. Pal., Rec. 1999, chr.
crim. p. 27, J. n° 79, 20 mars 1999, p. 27 ; D., 1999, IR p. 7
Durée de la garde à vue et présentation au procureur de la République
- Crim. 22 mai 2001 : inédit au bulletin
Nullités et garde à vue
- Crim. 6 mars 2001 : inédit au bulletin
Commentaire comparé :
- Crim. 17 mars 2004
- Crim. 2 septembre 2004
Définition de la garde à vue
- Crim. 9 septembre 1998 :
« Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 63-3 et 63-4 du Code de procédure pénale et des droits de la défense :
Attendu que Joël Bertuit, découvert sur la voie publique à 14 h 45 en complet état d'ivresse, a été aussitôt placé en chambre de dégrisement ; que les gendarmes ont procédé
à son audition dès qu'il a recouvré la raison, le lendemain à 8 heures, et l'ont remis en liberté à 8 h 30 sans l'avoir placé en garde à vue ;
Attendu qu'en écartant les allégations du prévenu selon lesquelles les gendarmes lui auraient refusé l'exercice des droits reconnus aux personnes gardées à vue, la cour
d'appel a justifié sa décision ;
Qu'en effet, les individus retenus en chambre de sûreté en application de l'article L. 76 du Code des débits de boissons ne disposent pas des droits accordés par les articles
63 et suivants du Code de procédure pénale aux personnes placées en garde à vue ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ».
-
Crim. 13 octobre 1998 :
« Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 154 du Code de procédure pénale dans sa rédaction antérieure à la loi du 4 janvier 1993, 171 et
suivants, 593 du même Code, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé de sanctionner par la nullité la violation des obligations relatives à la garde à vue ;
" aux motifs qu'X..., placé en garde à vue le 21 octobre 1992 à 9 heures, a vu cette mesure levée à 2 reprises pour des raisons de santé ayant entraîné son hospitalisation ;
" qu'il soutient, que si les procès-verbaux de garde à vue présentent un décompte de 42 heures 30 et plus précisément : 30 h 30 du 21 octobre 1992 à 9 heures au 22 octobre
1992 à 15 h30 ; 10 heures du 3 novembre 1992 à 15 heures au 4 novembre 1992 à 1 heure ; 2 heures du 4 novembre 1992 à 17 heures au 4 novembre 1992 à 12 heures ;
" qu'il a subi en réalité une garde à vue de plus de 70 heures dans la mesure où, lors de son hospitalisation le 22 octobre 1992 un gendarme était resté dans le service
hospitalier où il se trouvait de 15 h 45, heure de son admission jusqu'au 23 octobre 1992 à 20 heures, soit pendant 28 h 15 ;
" qu'outre le fait que la présence d'un gendarme dans les locaux hospitaliers ou était admis X... ne résulte que de la simple attestation d'un médecin, il convient de relever
qu'X... n'a jamais été entendu pendant cette période et qu'il ne démontre pas en quoi, en l'espèce, la recherche et l'établissement de la vérité se sont trouvés
fondamentalement viciés par la présence dudit gendarme ;
" alors qu'une personne ne peut être retenue en garde à vue à l'occasion des mêmes faits pour une durée totale excédant 48 heures, le dépassement de ce délai constituant par
lui-même une atteinte aux intérêts de la personne concernée ; que la prise en charge médicale momentanée sous le contrôle d'un policier, d'une personne gardée à vue n'a
pas pour conséquence de suspendre le cours du délai ; qu'en l'espèce, il résulte des pièces de la procédure, qu'après avoir été gardé à vue dans les locaux de la brigade des
recherches d'Angoulême, pendant 30 h 30, du 21 octobre 1992 à 19 h jusqu'au 22 octobre 1992 à 15 h 30, le demandeur a été gardé à vue dans le service de cardiologie du
centre hospitalier général d'Angoulême par un représentant de la gendarmerie nationale du jeudi 22 octobre à 15 h 45 au vendredi 23 octobre jusqu'à 20 heures ; qu'ainsi, la
garde à vue a duré 59 heures, ce qui excède la limite fixée par le législateur ; que c'est en violation des articles 77 et 154 du Code de procédure pénale que la chambre
d'accusation a refusé d'annuler la procédure" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'X... a été placé en garde à vue le 21 octobre 1992, à 9 heures ; que cette mesure, dont la prolongation
avait été autorisée, a été levée le 22 octobre, à 15 heures 30, en raison de l'état de santé de l'intéressé, lequel a été aussitôt admis dans un établissement hospitalier ; que, le 3
novembre 1992, alors qu'il avait quitté cet établissement, une nouvelle garde à vue lui a été notifiée à 15 heures, mais a été interrompue le lendemain à 1 heure, son état
nécessitant une seconde hospitalisation ; qu'une troisième garde à vue lui a été notifiée le 4 novembre 1992, à 17 heures, pour une durée de 2 heures ;
Attendu qu'en cet état, le demandeur ne saurait faire grief à la chambre d'accusation d'avoir écarté l'exception de nullité visée au moyen ;
Qu'en effet, la garde à vue a pour objet l'audition de la personne retenue à la disposition d'un officier de police judiciaire ; que tel n'est pas le cas d'une mesure de simple
surveillance organisée sous le contrôle du juge d'instruction ;
Que, par ailleurs, la durée d'une prise en charge médicale momentanée ne doit être imputée sur celle de la garde à vue qu'autant que cette mesure est toujours en cours
pendant la période de soins ; que tel n'était pas le cas en l'espèce ;
Que, dès lors, le moyen ne peut être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ».
Durée de la garde à vue et présentation au procureur de la République
- Crim. 22 mai 2001 :
« Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 77 du Code de procédure pénale ;
Vu ledit article, ensemble l'article 593 du Code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit être motivé ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 22 juin 1999, les policiers agissant en enquête préliminaire ont entendu Jean Decoster sur
diverses infractions qui lui étaient reprochées ; que le 24 juin suivant, les policiers ont transmis au procureur de la République les procès-verbaux de l'enquête ; que, sur
instructions de ce magistrat, ils ont convoqué à nouveau Jean Decoster et, le 25 juin 1999, l'ont placé en garde à vue de 8 heures 15 à 10 heures ; qu'à l'issue de cette mesure,
ils ont présenté l'intéressé au procureur de la République qui, après avoir recueilli ses déclarations, lui a notifié une convocation en vue de sa comparution devant le tribunal
correctionnel ;
Attendu que, pour confirmer le jugement du tribunal correctionnel ayant prononcé l'annulation du placement en garde à vue et des actes subséquents, la cour d'appel
constate que, durant l'exécution de la mesure, aucun acte d'investigation n'avait été effectué ; qu'elle en déduit que la garde à vue n'avait eu d'autre objet que d'assurer le
maintien de Jean Decoster à la disposition de "l'autorité poursuivante" à laquelle il devait être présenté et qu'elle n'était pas justifiée par les nécessités de l'enquête au sens de
l'article 77 du Code de procédure pénale ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que le déferrement au procureur de la République avait pour objet de permettre à ce magistrat dans l'exercice de ses pouvoirs de
direction de la police judiciaire d'apprécier les suites à donner aux investigations des enquêteurs, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Douai, en date du 31 octobre 2000, et pour qu'il soit jugé à nouveau, conformément à la
loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Amiens, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ».
Nullités et garde à vue
- Crim. 6 mars 2001 :
« Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 8 janvier 2001, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 63,
63-1, 171, 174, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que la chambre d'accusation, statuant sur renvoi de cassation, a refusé de tirer les conséquences de l'irrégularité de la garde à vue d'Alain Samycia et a dit n'y avoir
lieu à annulation des pièces de procédure ;
"aux motifs qu'en l'espèce les déclarations faites par Alain Samycia au moment de son interpellation, et dont le contenu a été consigné dans le procès-verbal de transport et
de constatations (D8) signé par le seul officier de police judiciaire et ne comportant aucune signature d'Alain Samycia (D12) ne peuvent être assimilées à une audition au
sens de l'article 62 du Code de procédure pénale qui dispose que le procès-verbal doit être signé de la personne entendue après avoir procédé personnellement à sa lecture
ou lecture faite par l'officier de police judiciaire si elle ne sait lire ;
"alors, d'une part, que doivent être annulées par voie de conséquence les pièces qui ont pour support nécessaire les actes entachés de nullité ; qu'en l'espèce, dès lors que le
placement en garde à vue était nul, devait être également et par voie de conséquence annulé le procès-verbal relatant les déclarations faites par la personne irrégulièrement
gardée à vue, dès lors que ces déclarations ont été faites au cours de la garde à vue et avant toute notification des droits, peu important que l'officier de police judiciaire n'ait
pas établi un procès-verbal d'audition ;
"alors, d'autre part, qu'ayant constaté l'irrégularité pour notification tardive des droits de la mesure de garde à vue de 0 h 10 à 3 heures 30, la chambre d'accusation devait à
tout le moins annuler le procès-verbal de notification verbale de placement en garde à vue (D8) ainsi que le procès-verbal (D21) de fouille à corps et de saisie des objets
trouvés sur la personne irrégulièrement gardée à vue, ces mesures étant toutes intervenues avant la notification des droits" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la chambre d'accusation a constaté l'irrégularité de la procédure de garde à vue d'Alain Samycia entre le moment du placement en
garde à vue et le moment où l'intéressé a reçu notification des droits afférents à cette mesure ;
Que, pour refuser d'annuler les pièces de la procédure, les juges retiennent que les actes accomplis pendant la période de garde à vue entachée de nullité ne trouvent pas leur
support nécessaire dans cette mesure et que les actes d'enquête, de poursuite et d'instruction ultérieurs se fondent sur les déclarations faites par l'intéressé après notification
de ses droits ;
Attendu qu'en cet état, et dès lors que l'irrégularité d'une garde à vue est sans effet sur les actes antérieurs régulièrement accomplis, tel qu'en l'espèce l'a été le procès-verbal
de transport et de constatations, où l'officier de police judiciaire a notamment rapporté, d'une part, les déclarations faites par Alain Samycia antérieurement à son placement
en garde à vue et, d'autre part, sa décision de placer l'intéressé en garde à vue, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, qui manque partiellement en fait en sa seconde branche, ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ».
Commentaire comparé :
- Crim. 17 mars 2004
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-sept mars deux mille quatre, a rendu l’arrêt
suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire CARON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les
conclusions de M. l’avocat général CHEMITHE ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Laaziz,
- Y... Pierre,
contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de PARIS, en date du 28 novembre 2003, qui, dans l’information suivie contre eux pour infractions à la
législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, a prononcé sur leurs demandes d’annulation d’actes de la procédure ;
Vu l’ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 23 janvier 2004, joignant les pourvois en raison de leur connexité et prescrivant leur examen immédiat ;
II - Sur le pourvoi formé par Laaziz X... :
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l’article 66 de la Constitution, de l’article 7 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août
1789, de l’article 5 de la Convention des droits de l’Homme, de l’article préliminaire du Code de procédure pénale, ensemble les articles 63, 77, 154, 591, 593, 706-23, 70629, 802 du Code de procédure pénale ;
”en ce que l’arrêt attaqué a rejeté la demande du demandeur tendant à l’annulation de la garde à vue dont il a été l’objet, des actes accomplis pendant celle-ci ainsi que des
actes qui en ont constitué la suite ;
”aux motifs que lorsqu’une personne fait l’objet de deux gardes à vue pour les mêmes faits, la durée de la première garde à vue doit s’imputer sur celle de la seconde garde
à vue, que la personne ait ou non été remise en liberté entre les deux mesures ; que, par ailleurs, les deux mesures, du point de vue de leur durée totale cumulée, ne doivent
pas excéder la durée légale maximale d’une garde à vue ; qu’en revanche, dans l’hypothèse où la seconde mesure de garde à vue est motivée par des faits distincts de ceux
ayant donné lieu à la première de ces deux mesures, il y a mise en oeuvre d’une garde à vue nouvelle ; qu’il y a donc des gardes à vue indépendantes ; qu’il n’existe aucune
limitation du nombre des gardes à vue dont peut faire l’objet une même personne pour des faits distincts ;
qu’il importe peu, à cet égard, que les mesures de garde à vue distinctes se chevauchent dans le temps, ce qui a pour effet que le même temps de garde à vue est compté
simultanément dans la durée de ces deux mesures, ce qui est loin de faire grief au mis en examen ; qu’en l’espèce, Laaziz X... a été placé en garde à vue le 9 juillet 2003 à
22 heures 20, par les policiers de la brigade des stupéfiants de Paris, pour des faits d’infractions à la législation sur les stupéfiants et d’association de malfaiteur ; que cette
mesure s’est terminée le 13 juillet à 18 heures 48 et n’a donc pas excédé le délai légal prévu par l’article 706-26 du Code de procédure pénale, en matière de trafic de
stupéfiants ; que la requête soutient qu’en l’absence, au dossier de l’information, de la procédure établie par le commissariat de Saint-Denis, rien ne permet d’affirmer que
les faits ayant donné lieu à cette mesure de garde à vue soient distincts de ceux pour lesquels Laaziz X... se trouvait déjà en garde à vue en Seine-Saint-Denis ; que l’on
aurait pu aussi bien dire que rien ne permet à l’auteur de la requête en nullité d’affirmer que les deux gardes à vue portaient sur les mêmes faits ; qu’en tout état de cause, le
procureur général a versé au dossier constitué à la Cour une copie de la procédure du commissariat de police de Saint-Denis ; qu’il en ressort que si le requérant a
effectivement été placé antérieurement en garde à vue le 9 juillet 2003 à 18 heures 48 par les officiers de police judiciaire du commissariat de Saint-Denis, c’est pour des
faits totalement différents, comme l’indiquait déjà la pièce cotée D 158 au dossier de l’information ;
que Laaziz X... a été informé, à l’occasion des deux placements en garde à vue dont il a fait l’objet, des faits qui lui étaient reprochés et qui justifiant respectivement de
telles mesures ; qu’il n’y a donc pas lieu d’additionner la durée de la première garde à vue (4 heures 30) et de celle de la seconde garde à vue (93 heures 08) ; qu’ainsi, le
délai légal maximal de 96 heures a été respecté pour cette dernière garde à vue ;
que de la même manière, les dispositions de l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme n’ont pas été violées ; (arrêt p. 5 et 6) ;
”1 ) alors, d’une part, qu’une personne ne peut être gardée à vue pour les mêmes faits plus de quatre-vingt seize heures, ces faits seraient-ils constitutifs d’infractions en
matière de stupéfiants ;
qu’au cas présent, il ressort des pièces du dossier que la première garde à vue dont a fait l’objet le demandeur a été décidée sur infraction flagrante par des policiers de SaintDenis un jour où le suspect était déjà suivi par des agents de la brigade des stupéfiants de Paris agissant sur commission rogatoire (cote D 248) ; qu’une perquisition a été
effectuée dans le cadre de ladite commission rogatoire, pendant la première garde à vue, perquisition au cours de laquelle les policiers de Paris ont utilisé des clés trouvées
dans le véhicule du demandeur immobilisé par les policiers de Saint-Denis (cote D 248), que les plaques prétendument recelées par le demandeur et dont la détention avait
justifié le premier placement en garde à vue étaient celles d’un véhicule Renault dont les policiers de Paris ont constaté la présence, dans un local appartenant au
demandeur, lors d’une perquisition effectuée dans le cadre de la commission rogatoire ;
qu’en considérant, malgré leur imbrication, que les faits ayant justifié la mise en garde à vue du demandeur par les officiers de police judiciaire de Saint-Denis, lors de
l’enquête de flagrance, étaient entièrement distincts de ceux ayant donné lieu au placement en garde à vue décidé dans le cadre de la commission rogatoire, par les policiers
parisiens, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
”2 ) alors, d’autre part, et en tout état de cause que lorsqu’il est appelé à vérifier si une garde à vue a, ou non, excédé la durée légalement admissible, le juge doit tenir
compte de la période pendant laquelle le suspect est resté de manière ininterrompue, concrètement, à la disposition de la police, peu important que cette privation de liberté
soit le fruit de mesures de garde à vue distinctes, motivées par la recherche de faits différents ; qu’au cas présent, il ressort de l’arrêt attaqué et des pièces du dossier que le
demandeur a été placé en garde à vue, initialement, le 9 juillet à 18 heures, qu’il a fait l’objet d’une seconde mesure de garde à vue qui s’est “chevauchée” avec la première,
que cette seconde mesure coercitive a pris fin le 13 juillet à 18 heures 48, qu’il est ainsi resté à la disposition de la police sans discontinuer pendant une durée totale de 96
heures 48 ; qu’en validant une mesure privative de liberté de plus de quatre jours, supérieure à la durée maximale admise en droit interne pour les infractions les plus
graves, au motif que les deux mesures ayant visé le demandeur auraient été motivées par des faits différents, la cour d’appel s’est prononcée par un motif inopérant et n’a
pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
”3 ) alors, de troisième part, qu’aux termes de l’article 5 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme, toute personne qui fait l’objet d’une mesure privative de
liberté en vue d’être conduite devant l’autorité judiciaire compétente doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions
judiciaires ; qu’au cas présent, l’exposant n’a été présenté à un magistrat qu’à l’issue de la dernière mesure coercitive prise à son encontre, le 13 juillet à 18 heures 48, les
deux décisions de prolongation de garde à vue dont il avait, auparavant, fait l’objet ayant été prises par écrit, sans que le suspect ait été présenté au magistrat signataire ;
qu’en validant une privation de liberté de plus de quatre jours intervenue dans de telles conditions, la cour d’appel n’a pas justifié légalement sa décision au regard du texte
susvisé ;
”4 ) alors, de quatrième part, que la garde à vue consistant en la mise à la disposition de la police d’un suspect donné, la succession de deux mesures de garde à vue prises à
l’encontre d’une même personne et exécutées sans discontinuité s’analyse en une décision implicite de prolongation de la garde à vue initiale, peu important que la seconde
mesure soit justifiée par des faits distincts de la première ; de sorte qu’en validant une décision de ce type prise sans aucune base légale par les officiers de police judiciaire
de la brigade des stupéfiants de Paris, à la faveur d’un véritable excès de pouvoir, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
”5 ) alors, enfin, qu’il est exclu que les officiers de police judiciaire puissent soumettre une personne à un nombre illimité de gardes à vue successives ; qu’en affirmant, au
contraire, “qu’il n’existe aucune limitation du nombre de gardes à vue dont peut faire l’objet un même personne pour des faits distincts” (p. 5 avant dernier alinéa), la cour
d’appel a exposé le suspect à une détention arbitraire, et, partant, n’a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés” ;
Vu les articles 63, 77, 154, 706-29 du Code de procédure pénale, 5.3 de la Convention européenne des droits de l’homme ;
Attendu que, si une personne peut être soumise, à l’occasion de faits distincts, à des mesures de garde à vue immédiatement successives et indépendantes l’une de l’autre,
elle ne peut toutefois être retenue de manière continue à la disposition des officiers de police judiciaire pendant une période totale excédant la durée maximale de garde à
vue autorisée par la loi ; que le dépassement de ce délai porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que les policiers ont interpellé Laaziz X... le 9 juillet 2003, à 18 heures, à la suite d’un contrôle routier
régulier au cours duquel, d’une part, il a présenté un permis de conduire s’étant révélé faux et, d’autre part, les policiers du commissariat de Saint-Denis ont aperçu dans son
véhicule une plaque d’immatriculation provenant d’une automobile volée ;
que sa garde à vue, décidée dans le cadre d’une enquête de flagrant délit pour faux et recel, qui a débuté à 18 heures, a été levée à 22 heures 30 sur instruction de remise en
liberté donnée par le procureur de la République de Bobigny ; que des policiers de la brigade des stupéfiants de Paris, enquêtant sur commission rogatoire du juge
d’instruction de Créteil et apprenant la présence de l’intéressé, soupçonné d’infractions à la législation sur les stupéfiants, dans les locaux du commissariat, l’ont placé en
garde à vue le même jour à 22 heures 20 ; que cette mesure a été levée, après prolongations, le 13 juillet, à 18 heures 48 ;
Attendu que, pour écarter le moyen d’annulation, proposé par Laaziz X... et pris de l’irrégularité de sa garde à vue en ce qu’elle aurait duré 96 heures 48 minutes, l’arrêt
attaqué relève que, dans l’hypothèse où la seconde garde à vue est motivée par des faits distincts de ceux ayant donné lieu à la première mesure, il n’existe aucune limitation
du nombre des gardes à vue dont peut faire l’objet une même personne pour des faits distincts ; que les juges ajoutent que chaque garde à vue, prise indépendamment, a
respecté la durée maximale prévue par la loi et que l’intéressé n’a subi aucun grief :
Mais attendu qu’en prononçant ainsi, alors que Laaziz X... a été retenu, de manière ininterrompue, à la disposition d’un officier de police judiciaire, sous le régime de la
garde à vue, au-delà de la durée maximale légalement autorisée qui était, en l’espèce, de 96 heures, en application de l’article 706-29 du Code procédure pénale, et alors que
ce dépassement a nécessairement porté atteinte à ses intérêts, la chambre de l’instruction a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et du principe énoncé ci-dessus ;
D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs,
I - Sur le pourvoi de Pierre Y... :
Le REJETTE ;
II - Sur le pourvoi de Laaziz X... :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, en date du 28 novembre 2003, et, pour qu’il soit à
nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l’instruction de Versailles, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, sa mention en marge ou à la
suite de l’arrêt annulé ;
Publication :Bulletin criminel 2004 N° 69 p. 264 »
-
Crim. 2 septembre 2004
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Roland,
- Y... Geneviève, épouse X...,
contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de NIMES, en date du 8 juin 2004, qui, dans l’information suivie contre eux des chefs d’abus de confiance,
escroquerie, faux et usage, a rejeté leur requête en annulation d’actes de la procédure ;
Vu l’ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 7 juillet 2004, ordonnant l’examen immédiat du pourvoi ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 63, 77, 173, 174, 570, 571, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
”en ce que l’arrêt attaqué a rejeté la requête des époux X... tendant à l’annulation des auditions de Geneviève Y..., épouse X..., des 11, 16 et 26 septembre 2003, et à
l’annulation des mesures de garde à vue imposées aux demandeurs du 6 octobre 2003 à 15 heures 15 au 8 octobre 2003 à 14 heures 20 ;
”aux motifs que : “les deux mesures de garde à vue de décembre 2002 étaient consécutives aux soupçons de faux concernant un contrat emploi consolidé signé par
l’association “L’accueil Cévenol” et les conséquences de ce contrat pour certaines administrations (Cram et Ddass) ; que, dans le cadre de ces mesures, les époux X... ont
été entendus également sur la situation du foyer-logement pour personnes âgées situé au Vigan exploité par cette association et plus précisément sur le domaine de la
restauration et des soins aux personnes ; que cette première procédure d’enquête préliminaire a fait l’objet d’une citation directe devant le tribunal correctionnel des chefs
de : - modifications substantielles de l’activité ou du fonctionnement du foyer d’hébergement “L’accueil Cévenol” sans information de l’autorité de tutelle, - faux et usage
en fournissant à la Cram des déclarations mensongères sur le contrat de travail de Nathalie Z... ; qu’en revanche, la présente procédure vise les infractions qui auraient été
commises au sein de l’association CAL et de la société anonyme simplifiée “Jeunesse et Cité” ; qu’ainsi, ont été retenus à l’encontre des époux X... : - des infractions
d’abus de confiance visant “le transfert du patrimoine de l’association CAL vers le SAS, le versement des indemnités de licenciement à Roland X..., l’utilisation abusive
d’un véhicule de l’association CAL, des versements effectués au profit de leur fils locataire d’un appartement de l’association CAL, des infractions de faux et usage
concernant les procès-verbaux de plusieurs assemblées générales, des infractions d’escroquerie visant une indemnité de rupture pour cessation d’activité d’un montant de
2,8 millions de francs versée à Roland X... et des indemnités de chômage versées par les Assedic ; que tous ces derniers faits n’entraient pas dans la saisine de la brigade de
recherches du Vigan ; qu’il est indifférent que les enquêteurs de cette unité aient été conduits à interroger, notamment Geneviève Y..., épouse X..., sur le “contexte général”
des faits pour satisfaire à une exigence d’exhaustivité ; qu’ils se sont de plus gardés de toutes investigations sur “d’autres infractions imputables à l’association CAL” ; qu’il
résulte ainsi de l’ensemble de ces éléments que les deux procédures ont visé des faits distincts, de surcroît de nature différente, commis au sein d’entités juridiques
distinctes et que la seule existence d’un “dénominateur commun” constitué par l’identité des deux mis en cause ne peut permettre de retenir la notion de “même affaire” ;
qu’en conséquence, la requête n’est pas fondée et sera rejetée” (arrêt, pages 5 et 6) ;
”alors qu’il résulte de l’article 77 du Code de procédure pénale qu’une personne ne peut être retenue en garde à vue, à l’occasion des mêmes faits, pour une durée totale
excédant 48 heures, fût-ce par le cumul de plusieurs placements en garde à vue successifs, espacés dans le temps ; que le dépassement de ce délai constitue par lui-même
une atteinte aux intérêts de la personne concernée ; qu’en l’espèce, il est constant que Geneviève Y..., épouse X..., a fait l’objet d’un premier placement en garde à vue du 2
décembre 2002 à 9 heures 30 et jusqu’au 4 décembre 2002 à 9 heures 25, soit pendant 47 heures 55, puis d’un second placement en garde à vue du 6 octobre 2003 à 15
heures 15 au 8 octobre 2003 à 14 heures 20, soit pendant 47 heures 05, tandis que Roland X... a fait l’objet d’un premier placement en garde à vue du 3 décembre 2002 à 11
heures 45 au 4 décembre 2002 à 11 heures, soit pendant 23 heures 15, puis d’un second placement en garde à vue du 6 octobre 2003 à 15 heures 15 au 8 octobre 2003 à 14
heures 20, soit pendant 47 heures 05 ; que, pour estimer que le temps maximal de garde à vue fixé par l’article 77 du Code de procédure pénale n’avait pas été dépassé, la
chambre de l’instruction a retenu que les deux procédures successivement exécutées visaient des faits distincts et de natures différentes ayant pour seul dénominateur
commun l’identité des deux personnes mises en cause ; qu’en statuant ainsi, tout en relevant que la seconde procédure ayant donné lieu aux gardes à vue accomplies du 6 au
8 octobre 2003 vise notamment des accusations d’abus de confiance concernant l’utilisation abusive d’un véhicule de l’association CAL, faits sur lesquels les époux X... ont
l’un et l’autre été interrogés lors de la garde à vue opérée au mois de décembre 2002, la chambre de l’instruction a omis de tirer les conséquences légales de ses propres
constatations et violé l’article 77 du Code de procédure pénale” ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 13 juin 2002, le procureur de la République de Nîmes a chargé la gendarmerie du Vigan (Gard)
d’enquêter sur la gestion de l’association “L’accueil cévenol”, chargée de l’hébergement de personnes âgées ; que, dans le cadre de cette enquête, Roland X... et Geneviève
Y..., épouse X..., respectivement président et vice-présidente de l’association, ont été placés en garde à vue, le premier, du 3 décembre 2002 à 11 heures 45 au 4 décembre
2002 à 11 heures et la seconde, du 2 décembre 2002 à 9 heures 30 au 4 décembre 2002 à 9 heures 25 ; qu’ultérieurement, ils ont fait l’objet d’une citation directe devant le
tribunal correctionnel des chefs de modifications substantielles, sans en informer l’autorité de tutelle, de l’activité ou du fonctionnement d’une association, et de faux et
usage, la caisse régionale d’assurance maladie ayant été destinataire de renseignements mensongers sur le contrat de travail d’une employée de ladite association ;
Que, le 17 décembre 2002, après réception par le procureur de Nîmes d’un rapport de la mission interministérielle du logement social révélant diverses irrégularités dans le
fonctionnement du Centre d’amélioration du Logement (CAL), le SRPJ de Montpellier s’est vu confier une enquête préliminaire dans le cadre de laquelle Geneviève Y...,
épouse X..., présidente du CAL et Roland X..., directeur, ont été placés en garde à vue, la première, du 6 octobre 2003 à 15 heures 15 au 8 octobre 2003 à 14 heures 20, et le
second, du 6 octobre 2003 à 15 heures 15 au 8 octobre 2003 à 14 heures 20 ; qu’à l’issue de ces auditions, les époux X... ont été mis en examen, le 8 octobre 2003, des chefs
d’abus de confiance, escroquerie, faux et usage ;
Attendu que, pour écarter le moyen d’annulation proposé par les demandeurs et pris de l’irrégularité de leur garde à vue en ce que les deux enquêtes portant sur la même
affaire, la durée cumulée des deux mesures aurait dépassé le délai légal de 48 heures, l’arrêt attaqué relève que les placements en garde à vue du mois de décembre 2002
étaient justifiés par des soupçons de faux et usage relatifs à un contrat de travail conclu par l’association “L’accueil cévenol” alors que l’enquête diligentée en octobre 2003
était fondée sur des soupçons d’abus de confiance, d’escroquerie et de faux et usage commis au sein du CAL et d’une société anonyme en forme simplifiée “Jeunesse et
Cité” ; que les juges ajoutent que les deux procédures concernaient des faits distincts, la seule existence d’un “dénominateur commun” constitué par l’identité des mis en
cause ne pouvant permettre de retenir la notion d’unicité d’affaire ;
Attendu qu’en cet état, la chambre de l’instruction a justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Publication :Bulletin criminel 2004 N° 196 p. 709
FICHE 8 – LA MISE EN EXAMEN
ARRETS
Statut du témoin assisté
- Crim. 13 févr. 2002 :Bull. crim., 2002, n° 28
- Crim. 23 mars 2004 : Bull. crim., 2004, n° 76; Gaz. Pal., Rec. 2004, jur. p. 3273, J. n° 293, 19 octobre 2004, p. 7, note Y.
Monnet ; D., 2004, IR p. 1213
A LIRE
La mise en examen
C. GUERY, La mise en examen par le juge d’instruction après l’entrée en vigueur de la loi du 15 juin 2000, JCP 2001 I 359
Le secret de l’instruction
J. DEMATTEIS et Nadine POULET-GIBOT LECLERC, Peut-on supprimer l’article 11 du code de procédure pénale relatif au
secret de l’instruction ?, JCP 2002 I 170
ARRETS
Statut du témoin assisté
- Crim. 13 févr. 2002:
« Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6.3 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales, ensemble les articles 82-1, 104, 195, 186-1, 203, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable la requête présentée par Michel Viellard et la société VMC contestant la régularité des constitutions de partie civile de Mme
Plieux de Diusse (ou Patrice Plieux de Diusse ?), de Marie-Madeleine Macquart de Terline et de Guy Viellard du chef d'abus de biens sociaux ;
"aux motifs qu'il résulte de l'examen de la procédure que Michel Viellard et la société Viellard Migeon et Compagnie possèdent la qualité de partie civile dans le cadre de la
plainte relative à la tentative de chantage et de dénonciation calomnieuse ;
qu'en ce qui concerne la plainte relative à l'abus de biens sociaux, bien que nommément visé dans la plainte, l'instruction a été ouverte contre personne non dénommée et le
juge d'instruction n'a pas procédé à la mise en examen de Michel Viellard ; que celui-ci, dans le cadre de cette plainte, est donc tiers et ne saurait être considéré comme une
partie à la procédure ; que, dès lors, en l'absence de qualité de partie, Michel Viellard et la société VMC ne peuvent contester la régularité de la plainte avec constitution de
partie civile émanant des consorts Plieux de Diusse ni de l'opportunité d'actes d'information ordonnés par le juge d'instruction dans le cadre de cette plainte ; que la requête
sera donc déclarée recevable sur ce point ;
"alors que, premièrement, doit être assimilée à la partie mise en examen et par suite a la qualité de partie la personne visée par une plainte avec constitution de partie civile ;
qu'au cas d'espèce, en énonçant que Michel Viellard n'avait pas la qualité de partie alors qu'il avait été mis en cause par la plainte avec constitution de partie civile déposée
le 1er janvier 1998 du chef d'abus de biens sociaux, les juges du fond ont violé les textes susvisés ;
"alors que, deuxièmement, toute personne qui y a intérêt doit pouvoir avoir accès à un juge ; qu'en matière pénale, la personne expressément mise en cause par une plainte
avec constitution de partie civile doit avoir accès au juge afin de pouvoir remettre en cause la recevabilité de la constitution de partie civile ou encore afin de pouvoir
déclencher tout acte d'information susceptible d'établir sa mise hors de cause ; qu'en l'espèce, en statuant comme ils l'ont fait, les juges du fond ont privé Michel Viellard de
son droit d'accès au juge et ont ainsi violé les articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
"et alors que, troisièmement et en tout cas, en statuant comme ils l'ont fait alors que les deux plaintes - celle déposée du chef d'abus de biens sociaux et celle déposée des
chefs de chantage et de dénonciation calomnieuse - avaient été jointes par ordonnance du 6 juin 1999, les juges du fond se sont mépris sur les effets de la connexité et ont
violé les textes susvisés" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'à la suite de la plainte avec constitution de partie civile de Guy Viellard, Marie-Madeleine Macquart
de Terline et Patrice Plieux de Diusse, actionnaires de la société Viellard Migeon et Compagnie, VMC, pour abus de biens sociaux commis au préjudice de cette société par
son directeur Michel Viellard et de l'ouverture d'une information de ce chef contre personne non dénommée, l'avocat de Michel Viellard et de la société VMC a saisi le juge
d'instruction d'une requête en irrecevabilité desdites constitutions de partie civile et relevé appel de l'ordonnance ayant rejeté la demande ;
Attendu que, pour déclarer cette requête irrecevable, l'arrêt attaqué se prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en cet état, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
Que, d'une part, toute personne, nommément visée par une plainte et qui peut être entendue comme témoin asssisté dans les conditions prévues par l'article 113-2 du Code
de procédure pénale, ne saurait se prévaloir de la qualité de partie à la procédure ;
Que, d'autre part, les articles 113-3 et suivants dudit Code, lui permettant d'avoir accès au dossier de l'information et d'assurer sa défense devant le juge d'instruction, ne la
privent pas des droits prévus par les textes conventionnels invoqués ;
Qu'enfin, une ordonnance de jonction, prise pour la bonne administration de la justice, n'a pas pour effet d'étendre la qualité de partie civile, reconnue à une personne
plaignante dans une procédure, à d'autres faits rapportés dans une plainte distincte la désignant comme auteur d'infraction ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ».
-
Crim. 23 mars 2004
“Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
de l'article préliminaire, des articles 81, 173, 174, 591 à 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la
défense ;
"en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'ordonner la nullité de tous les actes d'instruction à compter de la commission rogatoire du 24 janvier 2002 délivrée par Mme Piccinin,
juge d'instruction du tribunal de grande instance de Gap ;
"aux motifs que l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme stipule que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement...par un
tribunal indépendant et impartial et que le jugement doit être rendu publiquement... ; qu'ainsi, il est certain que cet article ne s'applique qu'à une juridiction de jugement, ce
qui n'est pas le cas d'un juge d'instruction ; que ces dispositions ne concernent que les juridictions appelées à se prononcer sur le fond de l'affaire ; qu'elles ne sauraient donc
être invoquées en l'espèce, les décisions du juge d'instruction ne préjugeant en rien sur la culpabilité ; qu'au surplus, pour pouvoir soulever une nullité, il faut, selon les
dispositions de l'article 173 du Code de procédure pénale, qu'il y ait eu violation d'une disposition de procédure pénale, en l'occurrence le défaut présumé d'impartialité n'est
pas une disposition de procédure pénale ; que la seule voie ouverte, recouvrant les dispositions de l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme en les
étendant à toutes causes et procédures en sus de la phase de jugement, est celle de la récusation (...) ; qu'agir sous la forme d'une requête en nullité, est donc un
détournement de procédure ne mettant pas à même la personne "accusée" de partialité en mesure de se défendre (...) ; que la requête en nullité visant la partialité supposée
du juge d'instruction doit être déclarée irrecevable ; qu'il lui appartenait en sus, pour soulever la nullité, de viser et démontrer une violation effective et non potentielle des
dispositions invoquées ; qu'il peut également présenter une requête au président en dessaisissement ;
"alors que, d'une part, le principe d'impartialité, tel que consacré par l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales, s'applique aussi bien aux magistrats des juridictions de jugement qu'à ceux des juridictions d'instruction ; qu'ainsi, la chambre de l'instruction ne pouvait pas
déclarer irrecevable la requête en nullité présentée par les personnes mises en examen qui avait sollicité l'annulation de l'ensemble des actes commis par le juge d'instruction
en violation de ce principe ;
"alors que, d'autre part, ne sont valables que les actes de procédure effectués par un juge d'instruction compétent et agissant dans le cadre de ses pouvoirs ; que sa
compétence et ses pouvoirs s'apprécient au regard de l'ensemble des règles qui gouvernent son intervention, y compris au regard de la règle d'impartialité objective qu'il doit
respecter à tout moment de la procédure ; que, si cette impartialité objective n'existe pas, ou vient à disparaître, les parties sont recevables et bien fondées à solliciter
l'annulation des actes effectués par lui en méconnaissance de cette exigence fondamentale, peu important l'existence de procédures de dessaisissement parallèles qui
peuvent se combiner avec une requête en nullité mais qui n'ont ni le même objet ni le même effet puisqu'elles ne peuvent aboutir à la nullité des actes passés ; que la
chambre de l'instruction a donc violé les textes et principes susvisés ;
"alors, enfin, que caractérise un doute objectif sur l'impartialité du juge d'instruction le fait que celui-ci soit le conjoint d'un avocat qui est l'avocat d'une partie civile dans
une autre procédure dirigée contre les personnes mises en examen ; que l'appréhension des personnes mises en examen ainsi objectivement justifiée, nécessaire et suffisant
pour la mise en oeuvre de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, devait entraîner la nullité de tous les actes diligentés par le juge
d'instruction" ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable la requête en annulation présentée par les personnes mises en examen, au motif que le magistrat instructeur n'offrait pas toute
garantie objective d'impartialité, l'arrêt attaquéénonce que les dispositions de l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme ne s'appliquent pas au juge
d'instruction, lequel ne pouvait faire l'objet que d'une procédure de récusation ou d'une demande de dessaisissement ;
Attendu que, si c'est à tort que les juges ont prononcé ainsi, l'exigence d'impartialité s'imposant aux juridictions d'instruction à l'encontre desquelles un tel grief peut être
invoqué indépendamment de la mise en oeuvre des procédures de récusation ou de renvoi, la décision n'encourt pas pour autant la censure, dès lors que l'intervention du
conjoint du juge d'instruction en qualité d'avocat du commissaire au redressement judiciaire de la société X..., dans une procédure distincte, clôturée à la date de l'ouverture
de l'information objet des présents pourvois, n'est pas de nature à faire naître un doute objectivement justifié sur l'impartialité du magistrat concerné ;
Qu'ainsi, le moyen est inopérant ;
Mais sur le moyen de cassation relevé d'office, les parties ayant été avisées, pris de la violation des articles 113-2 et 152 du Code de procédure pénale ;
Vu lesdits articles, dans leur rédaction issue de la loi du 15 juin 2000 ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que toute personne nommément visée par une plainte et qui n'a pas acquis la qualité de témoin assisté peut être entendue par un officier de
police judiciaire agissant sur commission rogatoire du juge d'instruction ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Daniel et Valérie X..., nommément visés dans une plainte avec constitution de partie civile ayant
donné lieu à l'ouverture d'une information contre personne non dénommée, ont été entendus, en exécution d'une commission rogatoire, par des officiers de police judiciaire,
après y avoir consenti, connaissance leur ayant été préalablement donnée des articles 113-2 et 152 du Code de procédure pénale ;
Attendu que, pour annuler ces procès-verbaux d'audition, ainsi que les mentions correspondantes de la commission rogatoire, l'arrêt retient que les intéressés ne pouvaient
être entendus dans de telles conditions qu'après que le juge d'instruction les eut informés de leur droit d'obtenir le statut de témoin assisté ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et du principe énoncé ci-dessus ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de Cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au
litige, ainsi que le permet l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions, ayant prononcé l'annulation des auditions cotées D 77, D 78, D 88 et D 88/1 et ordonné la cancellation, dans la commission
rogatoire cotée D 42, du troisième paragraphe du deuxième feuillet, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Grenoble, en date du 2 décembre 2003 ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ».
ADDE :
Les observations que le témoin assisté doit pouvoir présenter, préalablement à sa mise en examen envisagée par le juge d'instruction, peuvent être recueillies en l'absence
d'un avocat, lorsque la personne entendue ne souhaite pas être assistée ; En effet, la renonciation à l'assistance d'un avocat est alors possible, les dispositions de l'art. 116,
alinéa 4, C. pr. pén. n'étant pas applicables à la personne qui a déjà été entendue comme témoin assisté (Crim. 11 mai 2004 : Bull. crim., 2004, n° 114 ; Gaz. Pal., Rec.
2004, somm. p. 4006, J. n° 356, 21 décembre 2004, p. 20, note Y. Monnet ; D., 2004, IR p. 1865).
FICHE 9 – LE TEMOIGNAGE ET L’AVEU
ARRETS
Le droit à faire entendre un témoin
- Crim. 13 févr. 2001:Dr. pénal 2001. Chron. no 30
Témoignage et hypnose
- Crim. 12 déc. 2000:Bull. crim. no 369; D. 2001. IR. 432; D. 2001. 1340, note Mayer et Chassaing; RS crim. 2001. 611, obs. A.
Giudicelli; Dr. pénal 2001. Comm. 38, obs. Maron; Procédures 2001. Comm. 70, obs. Buisson; JCP 2001. II. 10495, note
Puigelier.
- Crim. 27 juin 2001:Bull. crim. no 164.
- Crim. 28 nov. 2001:Bull. crim. no 248; D. 2002. IR. 372
Le Président de la République
- Cass., Ass. plén., 10 oct. 2001:Bull. crim. no 11; D. 2001. 3365, note Favoreu; D. 2002. 237, note Debbasch; ibid.
674, note Pradel; RFD adm. 2001. 1169, note Jouanjanet et Wachsmann; ibid. 1187, note Beaud; Petites affiches 2001,
no 203; RS crim. 2002. 128, obs. A. Giudicelli; Dr. pénal 2001. Comm. 144, obs. Maron; Dr. pénal 2002. Chron. 1, note
Delaloy
- Crim. 10 oct. 2001:Bull. crim. no 206; RTD civ. 2002. 169, obs. Molfessis.
SUR LE SITE INTERNET : deux articles du monde (fichiers image)
Le droit à faire entendre un témoin
- Crim. 13 févr. 2001
« Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des
libertés fondamentales ;
Attendu que pour entrer en voie de condamnation à l'encontre du demandeur, sans avoir fait droit à sa demande d'audition du témoin à charge Carole Delliste, la cour
d'appel énonce que le prévenu "a fait citer ce témoin devant le premier juge, que cette dame Delliste a pris soin d'écrire au tribunal pour indiquer qu'elle ne pouvait pas se
rendre à l'audience, qu'elle avait fait une déposition circonstanciée à la gendarmerie, à laquelle elle n'avait rien à ajouter, et qu'enfin elle ne souhaitait pas rencontrer le
prévenu pour éviter d'éventuelles pressions" ;
Qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel n'a pas méconnu l'article 6.3 d de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Qu'en effet, s'il résulte de ce texte que tout prévenu a droit notamment à interroger ou faire interroger les témoins à charge avec lesquels il n'a, à aucun stade de la
procédure, été confronté, le refus par les juges du second degré d'entendre un témoin n'enfreint pas, en tant que tel, les dispositions de ce texte, dès lors qu'ils justifient leur
décision, en exposant les circonstances particulières qui font obstacle à la confrontation, ou sont de nature à la priver de toute force probante ;
Que dès lors, le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ».
Témoignage et hypnose
- Crim. 12 déc. 2000
“(…)Mais sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 81, 170 et 302 du Code de procédure pénale, 6.1 de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la requête en nullité formée par Christian et Jean-François X... ;
" aux motifs que le juge d'instruction a commis M. Alban de Jong, hypnologue et sophrologue, expert non inscrit sur une liste mais spécialement désigné en raison de ses
compétences et expériences particulières en ce domaine ayant pour origine sa participation à plusieurs missions d'expertises judiciaires, pour procéder à la mise sous
hypnose de M. Dominique Z..., gendarme à la brigade motorisée de Dinan, en présence des enquêteurs de la section de recherches de Rennes chargés d'acter les déclarations
du témoin ; que l'expert ainsi désigné a prêté serment, effectué ses opérations le jour fixé et déposé son rapport (tome 3, cotes D 60 à D 62) ; que le témoin concerné a
préalablement donné son accord ; que les gendarmes ont dressé procès-verbal de leurs opérations réalisées sur commission rogatoire (cotes D 99 à D 108) ; que l'hypnose
n'est pas un procédé interdit mais représente actuellement une technique encore expérimentale à laquelle les chercheurs s'intéressent et qui fait l'objet d'études notamment
par les médecins en matière d'anesthésie ; que le recours à cette méthode pour entendre un témoin afin de tenter d'activer sa mémoire sur un fait précis ne peut être
considéré comme attentatoire à la personne que si elle est utilisée à son insu ; qu'en toute hypothèse, si l'efficacité d'une telle technique, mise en oeuvre dans des conditions
normales de forme, peut être discutée, l'audition ainsi réalisée n'est pas irrégulière et n'a pas eu pour effet de porter atteinte aux intérêts des mis en examen ;
" alors que l'audition d'un témoin sous hypnose élude les règles de procédure et compromet les droits de la défense, même si elle est pratiquée avec l'accord de l'intéressé " ;
Vu les articles 81, 101 à 109 du Code de procédure pénale ;
Attendu que, si le juge d'instruction peut procéder ou faire procéder à tous actes d'information utiles à la manifestation de la vérité, encore faut-il qu'il se conforme aux
dispositions légales relatives au mode d'administration des preuves ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le juge d'instruction a fait procéder, sur commission rogatoire, à l'audition, par les gendarmes, d'un
témoin qui a été placé, avec son consentement, sous hypnose par un expert désigné par ce magistrat ;
Attendu que, pour dire n'y avoir lieu à annulation, l'arrêt énonce que l'audition ainsi réalisée n'est pas irrégulière et qu'elle n'a pas eu pour effet de porter atteinte aux intérêts
des personnes mises en examen ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que la violation des dispositions légales relatives au mode d'administration des preuves compromet l'exercice des droits de la
défense, la chambre d'accusation a méconnu le principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
I. Sur les pourvois formés par Christian X... et Jean-François X... au greffe de la maison d'arrêt :
Les DECLARE IRRECEVABLES ;
II. Sur le pourvoi formé par avoué, le 26 mai 2000, au greffe de la chambre d'accusation au nom de Christian X... et de Jean-François X... :
CASSE ET ANNULE, l'arrêt susvisé de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Rennes, en date du 18 mai 2000, en ce qu'il a rejeté la requête en annulation des actes
de la procédure relatifs à l'audition sous hypnose du témoin Dominique Z..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Angers. »
- Crim. 28 nov. 2001
« Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 81, 101 à 109, 170,
173, 174, 427, 591 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué, qui a prononcé l'annulation des pièces de procédure cotées S 177, D 181 et D 202, correspondant à la désignation d'un expert hypnologue et à
l'audition de X... sous hypnose le 10 octobre 2000, a refusé de faire droit, pour le surplus, à la requête, et notamment a refusé d'annuler les procès-verbaux de l'audition de
X..., personne gardée à vue du 13 au 15 décembre 2000, ainsi que l'interrogatoire de première comparution du 15 décembre 2000 ;
" aux motifs que, le 13 décembre 2000, X... était placé en garde à vue et détaillait longuement les circonstances du meurtre de sa femme, du dépeçage de son cadavre et de
l'abandon en divers lieux des restes enfouis avec les vêtements dans des sacs poubelles ; il confirmait longuement ses aveux devant le juge d'instruction le 15 décembre
2000 ; auparavant, le 10 octobre 2000, X... avait été longuement entendu sous hypnose sur désignation par le juge d'instruction de M. Alban de Jong pour y procéder ; au
cours de cette audition n'était cependant recueilli aucun aveu ni aucun élément supplémentaire ou en contradiction avec ceux qu'avaient déjà recueillis les enquêteurs auprès
du mis en examen sur les faits eux-mêmes, sur ses relations de couple ou sur ce qu'il prétendait avoir été son enfance ; que si selon le principe posé par l'article 81 du Code
de procédure pénale, le juge d'instruction peut procéder à tous les actes d'information utiles à la manifestation de la vérité, encore faut-il qu'il se conforme aux dispositions
légales relatives au mode d'administration de la preuve ; que viole les dispositions légales relatives au mode d'administration des preuves et compromet l'exercice des droits
de la défense l'audition par les gendarmes d'un témoin placé avec son consentement sous hypnose par un expert désigné par le juge d'instruction ; qu'en conséquence, il y
aura donc lieu de faire droit partiellement à la requête et d'annuler les pièces cotées S 177, D 181 et D 202, d'annuler partiellement par cancellation les actes qui font
référence à ceux visés ci-dessus et qui seront détaillés dans le dispositif ; que cependant, et sur le second moyen, ces pièces annulées ne contiennent aucun élément d'aveu,
ni de contradictions avec les éléments de biographie précédemment recueillis par les enquêteurs ; qu'en conséquence, il ne peut être soutenu sérieusement que les aveux du
mis en examen au cours de la garde à vue, puis devant le juge d'instruction auraient un quelconque lien avec les éléments recueillis dans les pièces annulées ; que la requête
est donc sur ce point en voie de rejet (arrêt, pages 5 et 6) ;
" alors que, lorsqu'elle constate la nullité d'un acte de la procédure, la chambre de l'instruction a l'obligation d'annuler tous les actes de la procédure subséquente qui ont un
lien de causalité avec l'acte irrégulier ; que le lien de causalité pouvant exister entre une audition sous hypnose, procédé de preuve prohibé, et les actes ultérieurs de la
procédure, ne résulte pas du seul contenu intrinsèque des propos tenus par l'intéressé au cours de la séance d'hypnose mais en outre, et surtout, des conséquences d'un tel
entretien sur son état psychique ultérieur, et notamment du fait qu'ainsi préparé, il se trouve affecté d'une confusion mentale susceptible, à la faveur de questionnements
adaptés, de le conduire à tenir des propos dont il n'a pas pleinement le contrôle ; qu'en l'espèce, il est constant que, postérieurement à l'audition sous hypnose de X...,
effectuée le 10 octobre 2000, l'adjudant-chef Jobin, psychologue commis le 22 novembre de la même année par le magistrat instructeur avec pour mission d'établir un profil
psychologique de l'"auteur", a en se référant notamment au rapport de l'audition sous hypnose dont il a reproduit la teneur dans son propre rapport du 15 décembre 2000
indiqué d'emblée (rapport page 2) que les premiers éléments d'analyse lui avaient permis d'affirmer que l'auteur du meurtre était X... ; qu'ayant par ailleurs pour mission
d'effectuer une "préparation technique d'audition aux fins de garde à vue" du demandeur, le psychologue a, au cours de cette garde à vue, adressé diverses remarques à X...,
notamment sur son comportement, provoquant l'énervement et la déstabilisation dudit demandeur qui, selon les propres constatations de l'expert, observait souvent ce
dernier, lequel l'intriguait beaucoup ; que d'après le même rapport, les aveux litigieux ont été délivrés "dans une sorte de transe" et "en parlant à la troisième personne", au
moment précis où le psychologue indiquait à X..., après présentation d'une photographie du cadavre de Mme X..., "vous avez parlé d'un couteau, et il manque l'intérieur du
ventre" ; qu'ainsi, en s'attachant au seul contenu de l'audition sous hypnose, qui n'avait révélé aucun aveu, pour en déduire que cette pièce annulée n'avait aucun lien avec les
aveux effectués par le mis en examen au cours de la garde à vue puis devant le juge d'instruction, sans rechercher, comme elle y était invitée par la requête dudit demandeur,
si ces aveux ne constituaient pas le prolongement et l'exploitation, psychologiquement dirigée, d'éléments de sa biographie et de sa vie intime recueillis au cours de son
audition sous hypnose, la chambre de l'instruction, qui s'est déterminée par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale " ;
Vu les articles 81, 101 à 109, 171 et 174 du Code de procédure pénale ;
Attendu que, d'une part, selon les articles 171 et 174 du même Code, sont nuls, par voie de conséquence, les actes d'instruction qui procèdent d'actes dont l'annulation a été
prononcée dans la même procédure ;
Attendu que, d'autre part, par application des articles 81, 101 à 109 du Code de procédure pénale, si le juge d'instruction peut procéder ou faire procéder à tous actes
d'information utiles à la manifestation de la vérité, encore faut-il qu'il se conforme aux dispositions légales relatives au mode d'administration des preuves ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le juge d'instruction a fait procéder à l'audition de X... qui avait été placé sous hypnose par un expert
désigné par ce magistrat ; que ce même juge d'instruction a ordonné ensuite une expertise " en matière de profilage psychologique ", confiée à un psychologue conseil et lui
enjoignant, notamment, de procéder " à une préparation technique d'audition aux fins de garde à vue ultérieurement " ; que cet expert, au cours des auditions de X...,
effectuées sur commission rogatoire par les gendarmes, après son placement en garde à vue, est intervenu à plusieurs reprises pour poser des questions à l'intéressé, lequel a
avoué à cette occasion et pour la première fois le meurtre de son épouse et le dépeçage de son corps ;
Attendu qu'après avoir annulé l'audition de X... effectuée sous hypnose, la chambre de l'instruction a écarté de l'annulation, notamment, le rapport déposé le 28 décembre
2000 par l'expert qui avait procédé au placement sous hypnose et le rapport de " profilage psychologique " déposé le 15 décembre 2000 qui se référaient, tous deux, en en
rapportant la teneur, à l'audition sous hypnose de X... ; qu'elle a également refusé d'annuler les auditions au cours desquelles les enquêteurs ont recueilli, en présence du
psychologue conseil désigné par le magistrat, les aveux de X... lors de sa garde à vue ;
Mais attendu qu'en cet état, alors que le rapport d'expertise relative aux opérations de placement sous hypnose et celui " de profilage psychologique " avaient pour support
nécessaire l'audition sous hypnose de X... et alors que le procédé consistant à faire entendre sur commission rogatoire, délivrée à des officiers de police judiciaire, une
personne suspectée, placée en garde à vue, et à la faire, dans ces conditions, interroger par un psychologue conseil, sous couvert d'une mission d'expertise, viole les
dispositions légales relatives au mode d'administration des preuves et compromet l'exercice des droits de la défense, la chambre de l'instruction a méconnu les textes et
principes ci-dessus rappelés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes, en date du 29 août 2001, et pour qu'il soit à nouveau
jugé, conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon ».
Le Président de la République
- Cass., Ass. plén., 10 oct. 2001
« Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Paris, chambre de l'instruction, 29 juin 2001) qu'au vu d'un rapport de la Chambre régionale des comptes, une information a été
ouverte contre personne non dénommée pour favoritisme, détournement de fonds publics, abus de biens sociaux, prise ou conservation illégale d'intérêt, complicité, recel,
concernant des irrégularités dans les marchés publics passés par la Société d'économie mixte parisienne de prestations, dissoute le 22 juillet 1996, dont la ville de Paris, le
département de Paris et d'autres sociétés d'économie mixte étaient les actionnaires ;
Que, s'étant constitué partie civile en lieu et place de la ville de Paris en vertu d'une autorisation donnée le 7 juillet 2000 par le tribunal administratif, M. Michel X... a saisi
le 21 novembre 2000 les juges d'instruction d'une requête motivée en vue de l'audition, en qualité de témoin, de M. Jacques Y..., à l'époque des faits maire de Paris et
aujourd'hui Président de la République ;
Que, par ordonnance du 14 décembre 2000, les juges d'instruction se sont déclarés incompétents pour procéder à l'acte d'information sollicité, aux motifs que la demande
d'audition est formulée en des termes tendant à la mise en cause pénale de M. Jacques Y..., qu'aux termes de l'article 68 de la Constitution, le Président de la République
n'est responsable des actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions qu'en cas de haute trahison, et que, selon l'interprétation que donne de ce texte la décision du 22
janvier 1999 du Conseil constitutionnel, " au surplus, pendant la durée de ses fonctions, sa responsabilité pénale ne peut être mise en cause que devant la Haute Cour de
justice, selon les modalités fixées par le même article " ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance entreprise, l'arrêt retient que ce dernier membre de phrase est un des motifs qui fondent la décision du Conseil constitutionnel,
dont, en vertu de l'article 62 de la Constitution, les décisions s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et judiciaires, et que, dès lors, tant
l'article 68 de la Constitution que la décision du 22 janvier 1999 du Conseil constitutionnel excluent la mise en mouvement, par l'autorité judiciaire de droit commun, de
l'action publique à l'encontre d'un Président de la République dans les conditions prévues par le Code de procédure pénale, pendant la durée du mandat présidentiel, les
juges d'instruction restant néanmoins compétents pour instruire les faits à l'égard de toute autre personne, auteur ou complice ;
Attendu que le demandeur fait grief à l'arrêt d'avoir statué ainsi, alors, selon le moyen :
1° que, n'ayant statué que sur la constitutionnalité de l'article 27 du traité portant statut de la Cour pénale internationale, la décision du Conseil constitutionnel du 22 janvier
1999 ne dispose d'aucune autorité de chose jugée à l'égard du juge pénal agissant en application des dispositions du Code de procédure pénale, qui n'ont fait l'objet d'aucune
décision du Conseil constitutionnel portant sur la question de l'immunité du chef de l'Etat ;
2° qu'en vertu du principe constitutionnel de l'égalité des citoyens devant la loi, l'immunité instituée au profit du Président de la République par l'article 68 de la
Constitution ne s'applique qu'aux actes qu'il a accomplis dans l'exercice de ses fonctions et que, pour le surplus, il est placé dans la même situation que tous les citoyens et
relève des juridictions pénales de droit commun ;
Mais attendu que, si l'autorité des décisions du Conseil constitutionnel s'attache non seulement au dispositif, mais aussi aux motifs qui en sont le soutien nécessaire, ces
décisions ne s'imposent aux pouvoirs publics et aux autorités administratives et juridictionnelles qu'en ce qui concerne le texte soumis à l'examen du Conseil ; qu'en
l'espèce, la décision du 22 janvier 1999 n'a statué que sur la possibilité de déférer le Président de la République à la Cour pénale internationale pour y répondre des crimes
de la compétence de cette Cour ; qu'il appartient, dès lors, aux juridictions de l'ordre judiciaire de déterminer si le Président de la République peut être entendu en qualité de
témoin ou être poursuivi devant elles pour y répondre de toute autre infraction commise en dehors de l'exercice de ses fonctions ;
Attendu que, rapproché de l'article 3 et du titre II de la Constitution, l'article 68 doit être interprété en ce sens qu'étant élu directement par le peuple pour assurer,
notamment, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'Etat, le Président de la République ne peut, pendant la durée de son mandat, être
entendu comme témoin assisté, ni être mis en examen, cité ou renvoyé pour une infraction quelconque devant une juridiction pénale de droit commun ; qu'il n'est pas
davantage soumis à l'obligation de comparaître en tant que témoin prévue par l'article 101 du Code de procédure pénale, dès lors que cette obligation est assortie par l'article
109 dudit Code d'une mesure de contrainte par la force publique et qu'elle est pénalement sanctionnée ;
Que, la Haute Cour de justice n'étant compétente que pour connaître des actes de haute trahison du Président de la République commis dans l'exercice de ses fonctions, les
poursuites pour tous les autres actes devant les juridictions pénales de droit commun ne peuvent être exercées pendant la durée du mandat présidentiel, la prescription de
l'action publique étant alors suspendue ;
Attendu que, si c'est à tort que la Chambre de l'instruction, au lieu de constater l'irrecevabilité de la requête de la partie civile, a déclaré les juges d'instruction incompétents
pour procéder à l'audition de M. Jacques Y..., l'arrêt, néanmoins, n'encourt pas la censure, dès lors que les magistrats instructeurs, compétents pour instruire à l'égard de
toute autre personne, n'avaient pas le pouvoir de procéder à un tel acte d'information ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ».
FICHE 10 – LA DETENTION ET LE CONTROLE JUDICIAIRE
ARRETS
- Crim. 26 juillet 2000 : Bull. crim., 2000, n° 260; D., 2001, somm. p. 514, obs. J. Pradel; Gaz. Pal., Rec. 2001, jur. p.
76, J. n° 27, 27 janvier 2001, p. 25
- Crim. 7 juin 2000 : Bull. crim., 2000, n° 218; D., 2001, somm. p. 516, obs. J. Pradel; Gaz. Pal., Rec. 2000, jur. p.
2536, J. n° 358, 23 décembre 2000, p. 38
- Crim. 22 mai 2001 : Bulletin criminel 2001 N° 129 p. 398
- Crim. 18 novembre 1998 : Bull. crim., 1998, n° 306 ; D., 1999, jur. p. 97, note J. Pradel ; Gaz. Pal., Rec. 1999, chr.
crim. p. 51, J. n° 84, 25 mars 1999, p. 51
- Crim. 13 juin 2001 : D., 2001, jur. p. 3571, note E. Dreyer
- Crim. 22 mai 2005 : Bulletin criminel 2005 N° 160 p. 570
- Crim. 21 juin 2005 : n° 05-82010, publié au bulletin
SUR LE SITE INTERNET :
- Deux articles sur l’interprétation de l’article 721 CPP
- Schémas et statistique
ARRETS
- Crim. 26 juillet 2000 :
« Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 137, 138, 139, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation de l'ordonnance du juge d'instruction du tribunal de grande instance de Lille ayant placé X... sous contrôle
judiciaire ;
" aux motifs que ni l'article 138 ni l'article 139 du Code de procédure pénale n'exigent que l'ordonnance de placement sous contrôle judiciaire soit motivée ; qu'il n'y a donc
pas lieu à annulation de l'ordonnance entreprise, prise par le magistrat instructeur en fonction des éléments du dossier, et notamment du fait que X... ne déférait pas aux
convocations et risquait de se soustraire à l'action de la justice ;
" alors que le contrôle judiciaire auquel peut être soumise la personne mise en examen ne peut être ordonné qu'à raison des nécessités de l'instruction ou à titre de mesure de
sûreté ; que l'ordonnance de placement sous contrôle judiciaire doit être motivée en ce que le magistrat instructeur doit s'expliquer sur les circonstances justifiant, en raison
des nécessités de l'instruction ou à titre de mesure de sûreté, le placement du mis en examen sous contrôle judiciaire ; qu'en refusant d'annuler l'ordonnance ayant placé X...
sous contrôle judiciaire, qui ne comportait aucun motif justifiant cette mesure, pour la raison que les ordonnances de placement sous contrôle judiciaire n'avaient pas à être
motivées, la chambre d'accusation a violé les textes visés au moyen " ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 137, 138, 139, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a partiellement confirmé l'ordonnance du juge d'instruction du tribunal de grande instance de Lille ayant placé X... sous contrôle judiciaire ;
" aux motifs que le dossier de la procédure révèle que, si X... n'a pas été entendu par les services de police, c'est parce qu'il n'a pas déféré à leur convocation ; qu'un mandat
d'amener a été nécessaire pour permettre sa mise en examen ; qu'ont également été jointes à la présente procédure, les pièces d'un autre dossier d'instruction dont il résulte
que par deux fois X... ne s'est pas présenté à la confrontation devant le juge d'instruction ; que le placement sous contrôle judiciaire apparaît ainsi nécessaire pour assurer
plus efficacement la représentation de X... en justice, et pour éviter qu'il ne se concerte avec ses complices ou n'exerce des pressions sur les victimes, ce qu'il pourrait être
tenté de faire compte tenu du regard qu'il porte sur les faits ; que toutefois une présentation à la brigade de gendarmerie de Seclin tous les 15 jours apparaît suffisante ;
" 1° alors que le contrôle judiciaire auquel peut être soumise la personne mise en examen ne peut être ordonné qu'à raison des nécessités de l'instruction ou à titre de mesure
de sûreté ; qu'en ne constatant aucunement que les mesures prises à l'encontre de X... étaient justifiées à raison des nécessités de l'instruction ou à titre de mesure de sûreté,
la chambre d'accusation n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes visés au moyen ;
" 2° alors qu'en toute hypothèse, en retenant notamment que dans un autre dossier d'instruction, il apparaissait que X... ne s'était pas présenté aux convocations devant le
magistrat instructeur, sans s'expliquer sur la circonstance que X... n'en avait pas moins obtenu une mainlevée du contrôle judiciaire qui lui avait été infligé, la chambre
d'accusation n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes visés au moyen ;
" 3° alors que de même, en imposant à X... de "se soumettre aux mesures de contrôle qui porteront sur ses activités professionnelles ou son assiduité à un enseignement",
sans définir ces mesures de contrôle, ni les activités concernées, pas plus que l'enseignement visé, la chambre d'accusation n'a pas donné de base légale à sa décision au
regard des textes visés au moyen " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance de placement sous contrôle judiciaire, l'arrêt attaqué énonce, notamment, que X... n'avait pas répondu aux convocations des
services de police et que la délivrance d'un mandat d'amener avait été nécessaire pour permettre sa mise en examen ;
Attendu qu'abstraction faite de motifs surabondants, ces énonciations établissent que, compte tenu des circonstances de l'espèce, le placement sous contrôle judiciaire était
justifié en raison des nécessités de l'instruction ou à titre de mesure de sûreté ;
Attendu que, par ailleurs, en confirmant, sans motivation particulière, la décision du juge d'instruction de soumettre X... à l'obligation prévue par l'article 138, alinéa 2.6°,
du Code de procédure pénale, l'arrêt attaqué n'encourt pas les griefs allégués ;
Qu'en effet, les juridictions d'instruction ne sont pas tenues de motiver chacune des modalités du contrôle judiciaire autres que celle inscrite au 12° du texte précité ; qu'à la
différence de cette dernière disposition, qui interdit l'exercice d'activités professionnelles ou sociales en relation avec l'infraction, lesquelles doivent être définies, le 6°
édicte une obligation générale de répondre aux convocations et de se soumettre, le cas échéant, à des mesures de contrôle portant sur les activités professionnelles ou
l'assiduité à un enseignement ;
D'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ».
-
Crim. 7 juin 2000 :
« Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 83, alinéa 3, et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé une ordonnance de mise en détention signée par deux juges d'instruction ;
" alors que l'instruction est conduite par un juge unique nommé par le président du tribunal et que, si la gravité ou la complexité de l'affaire permet d'adjoindre au juge
d'instruction chargé de l'information un ou plusieurs juges d'instruction qu'il désigne, ces magistrats ont un rôle d'adjoints, mais ne sauraient, en vertu du principe de noncollégialité du premier degré de l'information, participer au prononcé des ordonnances ; qu'à cet égard l'article 83, alinéa 3, du Code de procédure pénale dispose que le juge
d'instruction chargé de l'information a seul qualité pour statuer en matière de détention provisoire ; qu'en l'espèce, il résulte des mentions de l'ordonnance que la mise en
détention a été prononcée par deux juges, le juge d'instruction chargé de l'information et le juge d'instruction adjoint, en violation de la règle de la non-collégialité du
premier degré de la procédure d'instruction " ;
Vu l'article 83, alinéa 3, du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, lorsqu’un ou plusieurs juges d'instruction sont adjoints au juge d'instruction chargé de l'information, ce dernier a seul qualité pour statuer
en matière de détention provisoire ;
Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure que l'ordonnance de placement en détention provisoire a été rendue par les deux juges d'instruction désignés dans
l'information judiciaire ouverte à l'encontre de X... ;
Qu'en cet état, en omettant de constater d'office la nullité de l'ordonnance ainsi prise, l'arrêt attaqué a méconnu le texte susvisé ;
Que, dès lors, la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner le second moyen proposé ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions l'arrêt susvisé de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris en date du 16 février 2000 et pour qu'il soit jugé à
nouveau conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles ».
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Crim. 22 mai 2001 :
« Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 144, 145-5, 207, alinéa 1, 593 du Code de procédure pénale, 5 et 8 de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant placé en détention provisoire X..., père de trois enfants de moins de 10 ans
sur lesquels il exerce l'autorité parentale et qui vivent à son domicile, sans avoir fait procéder au préalable à l'enquête prévue par l'article 145-5 du Code de procédure
pénale ;
" aux motifs, d'une part, que la chambre de l'instruction ayant renvoyé l'examen de l'appel et commis le service pénitentiaire de probation aux fins d'enquête, par suite de
l'effet dévolutif de l'appel, la chambre de l'instruction a le devoir d'examiner le bien-fondé de la détention provisoire ; que l'arrêt vient au soutien d'une ordonnance qui
n'aurait pas totalement respecté une exigence légale ;
" alors, d'une part, que les formalités de l'article 145-5, et notamment l'exigence d'une enquête préalable à la mise en détention de toute personne exerçant l'autorité
parentale sur des enfants mineurs de moins de 10 ans vivant à son domicile, sont substantielles, et que leur inobservation entraîne la nullité du titre initial de détention, sans
que la chambre de l'instruction puisse réparer le vice initial de ce titre ; que la chambre de l'instruction, à qui l'effet dévolutif ne permettait pas de pallier les vices inhérents
au titre initial de détention, devait constater l'irrégularité de ce titre et mettre X... en liberté ;
" aux motifs, d'autre part, que le service pénitentiaire d'insertion et de probation a déposé son rapport ; que les obligations du contrôle judiciaire sont insuffisantes au regard
des dispositions de l'article 137 du Code de procédure pénale ; que la détention provisoire est l'unique moyen d'empêcher une concertation frauduleuse, une pression sur les
témoins ou les victimes, et de prévenir le renouvellement de l'infraction ;
" alors, d'une part, qu'à supposer que la chambre de l'instruction puisse réparer l'omission de l'enquête prévue par l'article 145-5 du Code de procédure pénale, elle ne peut
placer l'intéressé remplissant les conditions prévues par ce texte sans rechercher si la détention provisoire est effectivement compatible avec l'exercice de l'autorité parentale
qui lui incombe, et sans préciser, par des motifs concrets, si cette détention pourrait être évitée par des mesures appropriées ; qu'en se bornant à une référence de pur style à
l'insuffisance des mesures du contrôle judiciaire et aux hypothèses prévues par la loi par la mise en détention provisoire, la chambre de l'instruction a totalement privé sa
décision de motifs et donc de fondement légal ;
" alors, d'autre part, qu'en toute hypothèse en se bornant à énoncer de façon purement théorique que les obligations du contrôle judiciaire sont insuffisantes, et à rappeler de
façon théorique les hypothèses dans lesquelles la détention provisoire peut être ordonnée au regard de l'article 144 du Code de procédure pénale, la chambre de l'instruction
a privé sa décision de toute base légale " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 2 février 2001, le juge d'instruction a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de
placement en détention provisoire de X... et demandé dans le même temps au service pénitentiaire d'insertion et de probation d'effectuer une enquête sociale rapide sur
l'intéressé, père de trois enfants âgés de moins de 10 ans sur lesquels il exerçait l'autorité parentale ; qu'au vu de cette enquête le juge des libertés et de la détention a, le
même jour, placé X... en détention provisoire ;
Attendu que, devant la chambre de l'instruction, saisie en application de l'article 187-2 du Code de procédure pénale, X... a soutenu, notamment, que l'enquête effectuée ne
satisfaisait pas aux exigences de l'article 145-5 dudit Code dans la mesure où aucune mesure propre à éviter la détention n'y était proposée ni même recherchée ; que la
chambre de l'instruction a renvoyé l'examen de l'appel à une audience ultérieure et ordonné un complément d'enquête sociale ; que le service chargé de cette mesure a
déposé un rapport concluant " qu'une alternative à la détention pourrait être envisagée, avec une obligation d'un contrôle socio-judiciaire strict " ;
Attendu que, pour confirmer, au vu de ce complément d'enquête, l'ordonnance de placement en détention provisoire, la chambre de l'instruction, après avoir exposé les
indices de culpabilité pesant sur l'intéressé, qui aurait participé à un vol avec effraction, et précisé qu'il avait déjà été condamné pour vol, se prononce par les motifs
reproduits au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs et dès lors qu'en application de l'article 145-5 du Code de procédure pénale, une enquête avait été effectuée à la demande du juge
d'instruction, avant le placement en détention provisoire de la personne mise en examen, la chambre de l'instruction, qui a répondu sans insuffisance ni contradiction aux
articulations essentielles du mémoire de celle-ci, n'a pas méconnu les textes visés au moyen ;
Qu'en effet, lorsqu'elle constate l'insuffisance de l'enquête adressée au juge des libertés et la détention en application de l'article 145-5 du Code de procédure pénale, la
chambre de l'instruction a le pouvoir de faire procéder aux investigations complémentaires qu'elle estime nécessaires ;
Que, par ailleurs, s'il est vrai que la juridiction d'instruction doit prendre en considération l'enquête effectuée en application de l'article précité lorsqu'elle statue sur la
détention provisoire, ni cet article, ni aucune autre disposition légale ne lui impose d'énoncer les motifs pour lesquels elle estime insuffisantes les mesures proposées dans
cette enquête afin d'éviter la détention provisoire ;
Et attendu que l'arrêt est régulier tant en la forme, qu'au regard des articles 143-1 et suivants du Code de procédure pénale ;
REJETTE le pourvoi ».
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Crim. 18 novembre 1998 :
« Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen de cassation, pris de la violation de l'article 5, paragraphe 3, de la Convention européenne des droits de l'homme, excès de pouvoir et insuffisance de motifs :
Vu l'article 5.3 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Attendu qu'après déclaration du bien-fondé de l'accusation dirigée contre lui, un accusé ne peut, dans l'attente de la décision de la Cour de Cassation, saisie de son pourvoi
contre l'arrêt de la cour d'assises, bénéficier des dispositions de l'article 5.3 de la Convention européenne des droits de l'homme qui accordent à toute personne arrêtée ou
détenue le droit d'être jugée dans un délai raisonnable ou libérée pendant la procédure ; que ce n'est qu'après une cassation ne laissant rien subsister de la déclaration de
culpabilité, qu'il recouvre l'usage de ce droit jusqu'à ce qu'il ait été à nouveau jugé au fond ; qu'il en résulte qu'en cas de pourvoi, une chambre d'accusation, saisie d'une
demande de mise en liberté formée en application de l'article 148-1, alinéa 3, du Code de procédure pénale, n'est pas autorisée à libérer un accusé sur le fondement des
dispositions conventionnelles précitées ;
Attendu que, par arrêt du 10 février 1998, la cour d'assises de la Vienne a condamné X... à 15 ans de réclusion criminelle pour un viol commis, sous la menace d'une arme,
sur une personne vulnérable ; que l'intéressé, après avoir formé un pourvoi en cassation contre cette décision, a saisi la chambre d'accusation d'une demande de mise en
liberté ;
Attendu que, pour ordonner sa mise en liberté sous contrôle judiciaire, l'arrêt attaqué, après avoir relevé que X... a toujours nié les faits pour lesquels il a été condamné et
qu'il a fait état, à l'audience, d'une possibilité d'hébergement chez sa mère, énonce " qu'aucune information n'est parvenue à la Cour sur la date à laquelle il sera statué sur
son pourvoi " et " que le délai raisonnable prévu par la Convention européenne ne serait pas respecté s'il était maintenu en détention " ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre d'accusation a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE »
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Crim. 13 juin 2001
« Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 137, 137-1, 147, 148, 186, 207 du Code de procédure pénale, excès de pouvoir ;
"en ce que la chambre de l'instruction s'est réservée pour l'avenir le contentieux de la détention ;
"alors que la détention provisoire est ordonnée ou prolongée par le juge des libertés et de la détention ; que les demandes de mise en liberté lui sont également soumises ;
qu'elles sont adressées au juge d'instruction qui communique immédiatement le dossier au procureur de la République aux fins de réquisitions, puis - lorsqu'il n'entend pas y
donner une suite favorable - qui les transmet, avec son avis motivé, au juge des libertés et de la détention ; qu'en l'espèce, en se réservant le contentieux de la détention, la
chambre de l'instruction a retiré à Valérie Bernardini le bénéfice d'un éventuel double degré de juridiction, en ce compris le recours au "référé-liberté", ainsi que la garantie
d'un double examen de sa demande d'élargissement par le juge d'instruction et par le juge des libertés et de la détention, violant ainsi les textes susvisés" ;
Attendu que l'arrêt attaqué par lequel la chambre de l'instruction se réserve le contentieux ultérieur de la détention provisoire n'encourt pas la censure, dès lors que les
décisions de cette juridiction sont soumises à recours ;
Qu'ainsi le moyen ne peut être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ».
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Crim. 22 mai 2005
« Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 5 et 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 145-1, 171, 172, 186, alinéa
1, 206, 591, 593 et 802 du Code de procédure pénale, dénaturation des pièces de la procédure, ensemble violation des droits de la défense ;
"en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler l'ordonnance du 21 décembre 2004 ayant prolongé la détention du prisonnier ;
"aux motifs qu'en application de l'article 145-1 du Code de procédure pénale, la détention provisoire ne peut être prolongée au-delà d'un an en matière correctionnelle qu'a
la condition, notamment, que l'individu poursuivi encourt une peine égale à dix ans d'emprisonnement ;
"or attendu que si une telle peine est prévue en répression du délit d'escroquerie en bande organisée par l'article 313-2 du Code pénal, du moins ce texte qui procède d'une
loi du 9 mars 2004, n'est pas applicable en l'espèce qui concerne des faits commis avant l'entrée en vigueur de cette loi ; qu'il sera donc fait reste de droit au moyen articulé,
en son mémoire, par le conseil du prisonnier ; attendu néanmoins que Niarolem X..., qui déclare à l'audience se nommer Munt Y..., reconnaît que lui est applicable le casier
judiciaire inséré au dossier et aux termes duquel, sous cette dernière identité, il a été condamné, notamment, à la peine d'un an d'emprisonnement pour recel et tentative
d'escroquerie suivant jugement prononcé par défaut le 26 octobre 1995 par le tribunal de Fontainebleau, contre lequel fut formé une opposition déclarée irrecevable par arrêt
du 06 avril 1999 ; que cette peine était définitive lors de la commission des faits objet de la présente information, lesquels ont eux-mêmes été perpétrés dans le délai de cinq
ans à compter de l'expiration ou de la prescription de la précédente peine ; que, par suite, peut trouver application l'article 132-10 du Code pénal relatif au doublement de la
peine d'emprisonnement encourue en cas de récidive légale ; or attendu que, par le fait de cette récidive, l'appelant, en vertu des articles 313-1 et 132-10 dudit code, encourt
dix années d'emprisonnement ;
attendu, dès lors, la récidive pouvant donner lieu à une inculpation supplétive et même être relevée d'office par la juridiction de jugement, que I'appelant, de par cette
circonstance personnelle, encourt, au sens de l'article 145-1 du Code de procédure pénale, une peine telle que sa détention provisoire peut être prolongée au-delà d'un an ;
d'où il suit que, pour erronés que fussent les motifs du premier juge, sa sentence n'en est pas moins justifiée ;
"alors qu'il résulte de l'article 145-1 du Code de procédure pénale que le juge ne peut pas prolonger la détention provisoire de la personne mise en examen en prenant en
compte, pour déterminer la peine encourue, la circonstance de récidive ;
qu'en retenant dès lors que la récidive pouvant donner lieu à une inculpation supplétive et même être relevée d'office par la juridiction de jugement, l'appelant, de par cette
circonstance personnelle, encourt, au sens de l'article 145-1 du Code de procédure pénale, une peine telle que sa détention provisoire peut être prolongée au-delà d'un an,
l'arrêt attaqué a violé les textes susvisés" ;
Vu l'article 145-1 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte de ce texte, que le juge ne peut pas prolonger la détention provisoire de la personne mise en examen en prenant en compte, pour déterminer la peine
encourue, la circonstance de récidive ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant la détention provisoire de Niarolem X..., détenu depuis le 7 septembre 2003,
l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, en prenant en compte, pour déterminer la peine encourue, la circonstance de récidive, la chambre de l'instruction a méconnu le texte
susvisé et le principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Reims, du 6 janvier 2005 ;
Et attendu qu'il ne reste rien à juger ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ».
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Crim. 21 juin 2005
« Vu l'article 593 du Code de procédure pénale, ensemble les articles 137-3, 143-1 et suivants dudit Code ;
Attendu que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des
parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que Michel X..., mis en examen pour assassinat, a été placé en détention provisoire le 20 mars 2002 ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire pour une durée de 4 mois, l'arrêt attaqué énonce que des
investigations sont en cours au sens de l'article 145-2 du Code de procédure pénale et que la mise en liberté constituerait un risque d'une particulière gravité pour la sécurité
des personnes ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans préciser le délai prévisible d'achèvement de la procédure, comme le prévoit l'article 145-3 du Code de procédure pénale,
auquel renvoie l'article 145-2 du même Code, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision ;
Que dès lors, la cassation est encourue ;
Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 18 mars 2005, et pour qu'il
soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise
en chambre du conseil ».
ANNALES
Sujet de Procédure pénale
Galop d’essai du 19/03/2004
Cas pratique
Au cours d’une petite soirée bien arrosée, Jean et Paul ont proposé à leurs amis de leur vendre des produits stupéfiants.
Pierre et Sylvie ont profité de l’occasion pour essayer ces produits et, en rentrant chez eux, ont eu un grave accident de la route.
Pierre conduisait le véhicule et a brûlé un stop, il est entré dans la voiture qui venait de sa droite ; le choc a été terrible, Sylvie est décédée et les personnes dans l’autre
voiture ont été grièvement blessées.
A 1H15 du matin, lors de l’arrivée des secours et de la police, Pierre, qui n’a rien eu, est contrôlé : il avait 2,3 grammes d’alcool dans le sang et les résultats sanguins
montrent qu’il était sous l’emprise de produits stupéfiants. Mais Pierre était dans un état de nervosité tel que les policiers n’ont pu lui dire ses droits et l’ont immédiatement
placé en garde à vue, au cours de laquelle il a expliqué sa petite soirée…
La police fait alors une descente chez Jean et Paul à 3H30du matin et découvre des sachets de cocaïne et des comprimés d’amphétamine ; les interpellations de Jean et Paul
sont musclées, Jean est propulsé à terre et a le bras droit cassé.
Emmenés au poste de police, ils sont placés en garde à vue, le procureur de la république estalors informé de cette affaire à 6H.
Les avocats de Pierre, Paul et Jean ne sont prévenus qu’à 10 heures de cette affaire, et Jean n’est présenté à un médecin qu’à 12h30.
Après examen de l’affaire, le Procureur de la République propose une comparution sur reconnaissance de culpabilité à Pierre, et transmet les dossiers de Jean et Paul au
juge d’instruction qui sollicite un placement en détention provisoire auprès du juge des libertés et de la détention.
1)
Examinez les différentes actions possibles des victimes de l’accident.
2)
Envisagez le cas de Pierre : que pouvez vous dire de sa garde à vue et de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité qui lui est proposée.
3)
Envisagez les cas de Jean et de Paul au regard de la perquisition, leur garde à vue et leur placement en détention provisoire.
RQ. Noter que la simple consommation de drogue n’est pas constitutive d’une infraction relative au trafic de stupéfiants.
Sujet de Procédure pénale
Galop d’essai du 19/02/2004
Cas pratique
L’association CYCLES 2000 gère un groupe sportif de coureurs cyclistes professionnels ; et a pour objet de promouvoir l’image de marque du principal sponsor du groupe
la Société SPORT 2000, notamment par la participation sous cette marque aux grandes compétitions cyclistes internationales.
En décembre 2002, une enquête pour trafic de produits dopants est ouverte contre le dirigeant et le trésorier de l’association, et à cette occasion ils sont placés en garde à
vue. Le dirigeant est placé pendant 23 heures et 15 minutes en garde à vue et le trésorier pendant 47 heures et55 minutes.
A l’issue de ces gardes à vue, ces deux personnes sont mises en examen pour trafic deproduits dopants et le juge d’instruction place le dirigeant sous écoutes téléphoniques.
Il en ressort que son avocat, Maître DOP a participé à des faits constitutifs du trafic de produits dopants. Il est alors mis en examen et est même écroué en raison de sa
complicité dans le trafic de produits dopants.
La presse locale, le journal « Le petit rapporteur » informe de la participation de Maître Dop à l’infraction et le présente comme le principal instigateur du trafic découvert.
Maître Dop envisage alors d’intenter une action contre le journal en abus de la liberté d’expression portant atteinte à sa présomption d’innocence.
Par ailleurs, en octobre 2003, le dirigeant et le trésorier de l’association sont encore placés en garde à vue pendant 47 heures chacun, dans le cadre d’une enquête pour faux
en écritures falsifiées et usages de documents falsifiés. A l’issue de ces gardes à vue, ils sont mis en examen pour faux et usages de faux.
La commune ayant accordé des subventions et une banque ayant consenti unprêt envisagent de se constituer partie civile pour obtenir le remboursement des sommes
versées. De même, l’association envisage de se constituer partie civile en raison du préjudice subi du fait de l’atteinte à l’image de marque de la société Sport 2000.
1)
Les actions civiles de la commune, de la banque et de l’association sont elles respectivement recevables ?
2)
Que pensez-vous de la légalité des écoutes téléphoniques prescrites par le juge d’instruction ?
3)
Quelles sont les chances de succès de l’action de Maître Dop ?
4) Le dirigeant et le trésorier estiment que les durées de leurs deux gardes à vue sont illégales, et envisagent de faire annuler la seconde procédure, qu’en
pensez-vous ?