TD 3 La protection juridique des logiciels
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TD 3 La protection juridique des logiciels
M. ADOUTTE Droit des nouvelles technologies TD 3 La protection juridique des logiciels IUT de Cergy 1 M. ADOUTTE Droit des nouvelles technologies REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, statuant en assemblée plénière, a rendu l'arrêt suivant : Sur le pourvoi formé le 24 janvier 1983 par la société anonyme BABOLAT MAILLOT WITT, dont le siège social est à Lyon (Rhône), 93, rue André Bollier, en cassation d'un arrêt rendu le 2 novembre 1982 par la Cour d'appel de Paris (4ème chambre), au profit de Monsieur Jean PACHOT, demeurant à Gagny (Seine-Saint-Denis), 1, rue Leroux, défendeur à la cassation ; Sur le second moyen : Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que Monsieur Jean Pachot, chef comptable de la société "L'Industrie du Boyau" devenue la société anonyme Babolat Maillot Witt (B.M.W.), a conçu et réalisé, de sa propre initiative, des programmes informatiques autres que ceux antérieurement mis à sa disposition par son employeur, qu'il a utilisés pour la comptabilité de l'entreprise ; qu'un membre de la direction ayant voulu établir une copie de sauvegarde de tous les logiciels utilisés, Monsieur Pachot s'y est opposé et a emporté chez lui ceux des programmes dont il estimait être propriétaire ; que lui reprochant d'avoir interrompu, par son comportement, la marche du service, la société B.M.W., après avoir procédé à l'entretien préalable prévue par l'article L. 122-14 du Code du travail, le 1er juillet 1977, a licencié Monsieur Pachot le 5 juillet 1977 ; que celui-ci, estimant ce licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, a assigné son employeur en paiement de diverses indemnités ; Attendu que la société B.M.W. reproche à la Cour d'appel d'avoir retenu que Monsieur Pachot était propriétaire des programmes litigieux, aux motifs notamment que l'élaboration "d'un" programme d'ordinateur est une oeuvre de l'esprit originale dans sa composition et son expression, et que les analystes programmeurs ont à choisir comme les traducteurs d'ouvrages, entre divers modes de présentation et d'expression, que leur choix porte ainsi la marque de leur personnalité, alors que, d'une part, les programmes d'ordinateur constitueraient de simples méthodes que la loi ne protège pas, non des oeuvres protégées au sens de la loi du 11 mars 1957, dans sa rédaction antérieure à la loi du 3 juillet 1985, alors que, d'autre part, et subsidiairement, au cas où le programme d'ordinateur serait une oeuvre de l'esprit protégée, la Cour d'appel aurait dû rechercher si l'oeuvre ainsi réalisée avec la participation de l'employeur ne constituait pas une oeuvre commune, soit collective, soit de collaboration ; Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir, par motifs adoptés, justement relevé que le caractère scientifique des programmes informatiques n'était pas un obstacle à leur protection par le droit d'auteur et exactement retenu qu'il y a lieu de voir dans l'organigramme la composition du logiciel, et dans les instructions rédigées, quelle qu'en soit la forme de fixation, son expression, la Cour d'appel ainsi fait ressortir que le programme d'ordinateur ne constitue pas une simple méthode, et que sa protection doit être examinée dans son ensemble ; Attendu, en second lieu, qu'ayant recherché, comme ils y étaient tenus, si les logiciels élaborés par Monsieur Pachot étaient originaux, les juges du fond ont souverainement estimé que leur auteur avait fait preuve d'un effort personnalisé allant au-delà de la simple mise en oeuvre d'une logique automatique et contraignante et que la matérialisation de cet effort résidait dans une structure individualisée ; IUT de Cergy 2 M. ADOUTTE Droit des nouvelles technologies qu'en l'état de ces énonciations et constatations, et abstraction faite des motifs ci-dessus cités, critiqués par le pourvoi, la Cour d'appel, qui a ainsi retenu que les logiciels conçus par Monsieur Pachot portaient la marque de son apport intellectuel, a légalement justifié sa décision de ce chef ; Attendu, enfin, qu'il ne résulte ni de l'arrêt, ni des conclusions que la société ait soutenu devant la Cour d'appel que les oeuvres réalisées par Monsieur Pachot pouvaient être considérées soit comme des oeuvres collectives au sens de l'article 9, alinéa 3, de la loi susvisée, soit comme des oeuvres de collaboration ; que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit ; Que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé ; IUT de Cergy 3 M. ADOUTTE Droit des nouvelles technologies Droit d’auteur contre brevet samedi 14 mai 2005 par Gérald Sédrati-Dinet (gibus) Article n°156 La plupart des gens croient que les brevets logiciels se rapportent au logiciel. La plupart croient également que les brevets logiciels sont destinés aux développeurs informatiques qui désirent protéger leur logiciel du plagiat. Ces deux idées reçues sont assez fausses. Les brevets logiciels sont octroyés à des personnes qui ne développent et ne publient pas forcément des logiciels. De plus, les brevets logiciels ne protègent pas les auteurs de logiciels contre l’imitation [4] Le débat dialectique entre droit d’auteur et brevets sur les logiciels n’est pas une question de savoir si le programmeur doit avoir le droit de contrôler l’utilisation de sa réalisation intellectuelle mais il s’agit de savoir où réside cette réalisation — dans les fonctionnalités ou dans leur composition créative au sein d’une œuvre complexe — et comment elle peut être protégée de telle manière que la protection ne s’anéantisse pas elle-même. Par exemple, ce que le lecteur est en train de lire est une composition textuelle de concepts, tels que des enchaînements argumentaires ou des figures de rhétorique. Le gros des efforts est allé à la fois dans l’élaboration de ces concepts et dans leur combinaison au sein d’une œuvre structurée. Le droit d’auteur protège la combinaison originale de concepts qui définit cette œuvre : par la présente, nous donnons au lecteur la permission de produire des copies verbatim de cet article mais nous interdisons le plagiat ou la réutilisation de parties de cet article sans autorisation. Le droit d’auteur ne protège cependant pas les concepts plus ou moins innovants sur lesquels se base cet article ; les lecteurs sont libres d’écrire des articles originaux basé sur les mêmes enchaînements argumentaires ou les mêmes figures de rhétorique. Le principal argument pour ne pas octroyer de monopole sur les concepts ou les idées dans nos société est d’encourager la création. Le droit d’auteur deviendrait en fait assez inutile si les auteurs devaient demander la permission à des centaines de détenteurs de concepts à chaque fois qu’ils voudraient créer et publier une œuvre originale. La protection des idées et des concepts ne fonctionnerait alors que comme une barrière à la création. Tout comme cet article, un programme informatique est également une composition textuelle de concepts. Au lieu d’enchaînements argumentaires et de figures de style, les programmes informatiques reposent sur des fonctionnalités logiques. Le droit d’auteur sur le logiciel protège la combinaison originale de fonctionnalités logiques mais pas les fonctionnalités logiques elles-mêmes. Les partisans des brevets logiciels suggèrent [5] que l’élaboration d’une fonctionnalité est la partie importante d’un programme informatique, le reste ne consistant principalement qu’en du simple « codage ». Les opposants aux brevets logiciels avancent au contraire [6] que les fonctionnalités logiques ont tendance à être assez simples à élaborer, alors qu’un programmeur dépense le gros de son talent et de sa sueur à marier ces fonctionnalités logiques dans un ensemble harmonieux [7]. Dans un cas comme dans l’autre, assujettir le logiciel à la fois au moyen de brevets et de droits d’auteur permet au moindre résultat de barrer la route au meilleur, risquant par là d’étouffer l’innovation au lieu de la favoriser. [1] Ceci est régulièrement suggéré non seulement par les avocats des brevets mais également par certains représentants de la recherche universitaire informatique, comme le président de la Gesellschaft für Informatik allemande, « Software-Engineering » und Patente et son collègue le professeur Endres, ainsi que par des personnes qui ont transformé les projets de recherche universitaire en sociétés privées de cession de licence de brevets logiciels. [2] En informatique, « la réinvention est une pratique courante », car concevoir un algorithme est habituellement plus facile que d’analyser le travail de quelqu’un d’autre — l’argument est que le brevet prône une « exagération de l’invention ». Un ancien architecte système de Microsoft et IUT de Cergy 4 M. ADOUTTE Droit des nouvelles technologies actuellement consultant informatique gourou exhorte les investisseurs à se débarrasser de l’idée reçue de « fabriquer le meilleur piège à rats » : la clé de la réussite dans le monde informatique n’est pas de mettre la main sur de grandes idées mais de mettre en place une équipe de programmeurs talentueux qui sauront eux-mêmes comment « convertir le capital en logiciel qui marche ». [3] Cette dernière opinion est partagée et explicitée en détail par la décision de 1990 de la Cour suprême fédérale allemande concernant l’affaire Betriebssystem (Système d’exploitation), qui stipule également que les systèmes d’exploitation ne sont pas des inventions techniques, parce qu’ils font usage d’équipements physiques connus dans une infrastructure de principes logiques qui est déjà prédéfinie par ces équipements. [4] Le chapitre 3 du rapport du Conseil Général des Mines donne une explication de cette caractéristique des brevets logiciels. [5] Ceci est régulièrement suggéré non seulement par les avocats des brevets mais également par certains représentants de la recherche universitaire informatique, comme le président de la Gesellschaft für Informatik allemande, « Software-Engineering » und Patente et son collègue le professeur Endres, ainsi que par des personnes qui ont transformé les projets de recherche universitaire en sociétés privées de cession de licence de brevets logiciels. [6] En informatique, « la réinvention est une pratique courante », car concevoir un algorithme est habituellement plus facile que d’analyser le travail de quelqu’un d’autre — l’argument est que le brevet prône une « exagération de l’invention ». Un ancien architecte système de Microsoft et actuellement consultant informatique gourou exhorte les investisseurs à se débarrasser de l’idée reçue de « fabriquer le meilleur piège à rats » : la clé de la réussite dans le monde informatique n’est pas de mettre la main sur de grandes idées mais de mettre en place une équipe de programmeurs talentueux qui sauront eux-mêmes comment « convertir le capital en logiciel qui marche ». [7] Cette dernière opinion est partagée et explicitée en détail par la décision de 1990 de la Cour suprême fédérale allemande concernant l’affaire Betriebssystem (Système d’exploitation), qui stipule également que les systèmes d’exploitation ne sont pas des inventions techniques, parce qu’ils font usage d’équipements physiques connus dans une infrastructure de principes logiques qui est déjà prédéfinie par ces équipements. IUT de Cergy 5 M. ADOUTTE Droit des nouvelles technologies Racket : les brevets logiciels ont leurs « trolls » vendredi 14 janvier 2005 par Gérald Sédrati-Dinet (gibus) Article n°95 Certaines entreprises ont pour modèle d’affaires la production de plaintes judiciaires et non de produits. Au détriment du reste de l’économie, certaines entreprises ont fait de la mise en application des brevets leur activité principale ou leur objectif d’affaires exclusif. En d’autres termes : ils produisent des plaintes judiciaires sur des brevets au lieu de véritables produits. Eolas a fait les grands titres avec une première décision de justice qui condamnait Microsoft à verser environ 500 millions d’euros d’indemnités à cette entreprise composée d’une seule personne. Il existe une autre forme de profiteurs de brevets : des entreprises qui possèdent quelques brevets, vestiges d’un passé plus glorieux. Un célèbre exemple est Unisys, qui était une entreprise informatique très importante mais qui, depuis, a perdu de sa pertinence. Son département juridique, qui était assis sur des brevets relatifs au populaire format de fichier graphique GIF, a dépassé le département des ventes en termes de capacité à générer de nouvelles affaires. Cela donne évidemment des raisons de s’inquiéter sérieusement qu’il n’y ait une tendance irrésistible à l’industrialisation des bénéfices tirés des brevets. Avec Acacia et Forgent, le monde a maintenant deux entreprises commerciales de notoriété publique, chacune d’elles ayant des millions d’euros en banque, qui génèrent la majeure partie de leur revenus en appliquant des brevets. Acacia ne fait qu’acquérir et commercialiser des brevets. Forgent a un petit commerce de publication de logiciels mais les 90% de ses revenus proviennent de l’application de brevets. Le brevet principal de Forgent concerne une technique qui est utilisée en rapport avec le format de fichier graphique JPG. Grove, [président] d’Intel, ridiculise de tels détenteurs de brevets pour leur manque d’intérêt à produire des biens avec leurs inventions en faveur d’une demande de rémunération pour des concessions de licences à d’autres. « On les appelle des trolls », a-t-il dit. The Washington Post Les entreprises de ce genre non seulement font valoir ces brevets contre les éditeurs de logiciels mais également contre les utilisateurs. Par exemple, Acacia a pris l’initiative de réclamer à chaque université des États-Unis 5 000 dollars si elles offraient des services d’enseignement à distance avec de la diffusion en continu (streaming) de vidéo sur Internet. Il n’y aurait rien de condamnable dans ce concept si les entreprises en question étaient des innovateurs majeurs qui épargnaient aux autres l’effort de réinventer la roue. Malheureusement, ce n’est pas le cas. La seule raison pour laquelle des entreprises pourraient être forcées de payer ces profiteurs et racketteurs est que ces derniers étaient les premiers à enregistrer une idée. La valeur d’un brevet est d’autant plus importante pour ces profiteurs et racketteurs que sa portée est large. Toutefois, si elle est très étendue, une protection par un brevet n’aurait jamais dû être accordée. Ainsi, la manière dont se déroule le jeu est que les avocats spécialisés en brevets font de longues descriptions d’idées simples de manière à ce que des choses triviales et de large portée aient l’air impressionnantes aux yeux des examinateurs de brevets. Certains brevets se composent d’une douzaine de pages ou plus mais peuvent être « violés » par une seule ligne de code de programmation. IUT de Cergy 6 M. ADOUTTE Droit des nouvelles technologies Brevets logiciels et brevets littéraires par Richard Stallman et Gérald Sédrati-Dinet vendredi 24 juin 2005 par Gérald Sédrati-Dinet (gibus) Article n°169 Le 6 juillet 2005, le Parlement européen votera sur la question vitale d’autoriser ou non des brevets couvrant le logiciel — une politique qui imposerait des restrictions à chaque utilisateur d’informatique et plongerait les développeurs de logiciels dans la confusion. De nombreux responsables politiques pourraient voter aveuglément, n’étant pas programmeurs, ils ne comprennent pas bien ce que font les brevets logiciels. Ils pensent souvent que les brevets logiciels sont similaires au droit d’auteur, à quelques détails près — ce qui n’est pas le cas. Par exemple, lorsque Richard Stallman avait demandé publiquement à Patrick Devedjian, alors ministre de l’industrie, comment la France voterait sur la question des brevets logiciels, Devedjian avait répondu en défendant passionnément le droit d’auteur, louant le rôle joué par Victor Hugo dans l’adoption de ce droit. Ceux qui imaginent des effets comme ceux occasionnés par le droit d’auteur ne peuvent saisir les véritables répercussions des brevets logiciels. On peut illustrer la différence en prenant Victor Hugo comme exemple. Un roman et un programme informatique complexe ont certains points en commun : ils sont tous deux de taille importante et mettent en œuvre de nombreuses idées. Poursuivons l’analogie et supposons qu’au XIXe siècle, le droit des brevets se soit appliqué aux romans ; supposons que des États tels que la France aient permis le brevetage des idées littéraires. Comment cela aurait-il affecté les écrits de Victor Hugo ? Quelles seraient les conséquences des brevets littéraires en comparaison avec celles du droit d’auteur sur la littérature ? Considérons le roman « Les Misérables » dont Hugo est l’auteur. Puisqu’il en est l’auteur, les droits d’auteur n’appartenaient qu’à lui — et à personne d’autre. Il n’avait pas à craindre qu’un inconnu ne le poursuive en justice pour contrefaçon au droit d’auteur, ni que ce dernier ne gagne le procès. Cela était impossible parce que le droit d’auteur ne couvre que les détails de la paternité d’une œuvre et ne restreint que la copie. Hugo n’avait pas copié « Les Misérables », il ne courait donc aucun danger. Les brevets fonctionnent différemment. Les brevets couvrent des idées ; chaque brevet est un monopole sur l’utilisation d’une idée, qui est décrite dans le brevet lui-même. Voici un exemple d’un brevet littéraire hypothétique : • Revendication 1 : procédé de communication caractérisé par l’introduction dans l’esprit d’un lecteur du concept d’un personnage ayant été en prison durant une longue période de temps, si bien qu’il se sent aigri contre la société et le genre humain. • Revendication 2 : procédé de communication selon la revendication 1, caractérisé en ce que ledit personnage trouve une rédemption morale à travers la bonté d’un autre personnage. • Revendication 3 : procédé de communication selon les revendications 1 et 2, caractérisé en ce qu’il consiste à changer le nom dudit personnage au long du récit. Si un tel brevet avait existé en 1862 lorsque « Les Misérables » ont été publiés, le roman aurait enfreint chacune de ces trois revendications, puisque toutes ces choses arrivent à Jean Valjean au cours du roman. Victor Hugo aurait pu être poursuivi en justice et aurait perdu si cela s’était passé. IUT de Cergy 7 M. ADOUTTE Droit des nouvelles technologies Considérons maintenant cet autre brevet littéraire hypothétique : • Revendication 1 : procédé de communication caractérisé par l’introduction dans l’esprit d’un lecteur du concept d’un personnage ayant été en prison durant une longue période de temps et ayant changé de nom par la suite. « Les Misérables » auraient également enfreint ce brevet-ci, parce que cette description correspond aussi à l’histoire de la vie de Jean Valjean. Et voici encore un autre brevet hypothétique : • Revendication 1 : procédé de communication caractérisé par l’introduction dans l’esprit d’un lecteur du concept d’un personnage trouvant une rédemption morale et ayant changé de nom par la suite. Jean Valjean aurait également enfreint ce brevet-là. Ces trois brevets auraient tous couvert l’histoire d’un personnage de roman. Ils se recouvrent en partie mais ils ne sont pas strictement identiques, si bien qu’ils auraient pu être tous valides en même temps ; et les trois détenteurs de ces brevets auraient tous pu poursuivre Victor Hugo. Chacun d’entre eux aurait pu interdire la publication des « Misérables ». Le roman aurait pu également enfreindre ce brevet, • Revendication 1 : procédé de communication caractérisé par l’introduction dans l’esprit d’un lecteur du concept d’un personnage dont le prénom se retrouve dans la dernière syllabe de son nom de famille. à travers le nom de « Jean Valjean », mais au moins, ce brevet-ci aurait été facile à éviter. On pourrait penser que ces idées sont si simples qu’aucun office de brevets ne les aurait acceptées. Nous, les programmeurs, sommes souvent stupéfiés par la simplicité des idées couvertes par des brevets logiciels bien réels — par exemple, l’Office européen des brevets a accordé un brevet sur la barre de progression et un autre sur le fait d’accepter un paiement via une carte de crédit. On pourrait rire de ces brevets s’ils n’étaient pas si dangereux. D’autres caractéristiques des « Misérables » auraient pu être confrontées à des brevets. Par exemple, il aurait pu exister un brevet sur une description romancée de la Bataille de Waterloo ou sur l’emploi de l’argot parisien dans une fiction. Deux procès de plus. En fait, il n’existe aucune limite au nombre de brevets distincts qui auraient pu s’appliquer pour poursuivre l’auteur d’un ouvrage comme « Les Misérables ». Tous les détenteurs de brevets auraient prétendu qu’ils méritaient une récompense pour le progrès littéraire qu’auraient représenté leurs idées brevetées. Mais ces obstacles n’auraient favorisé aucun progrès dans la littérature, ils n’auraient fait que l’empêcher. Toutefois, un brevet très large aurait rendu toutes ces questions hors de propos. Imaginons des brevets avec des revendications aussi larges que celles-ci : • • • • • Procédé de communication caractérisé en ce que le récit court sur de nombreuses pages. Structure de narration semblant parfois tenir de la fugue, voire de l’improvisation. Intrigue s’articulant autour de l’affrontement de quelques personnages se tendant des pièges tour à tour. Récit décrivant plusieurs couches de la société. Récit démontant les rouages de la conspiration. Qui auraient été les détenteurs de ces brevets ? On peut imaginer d’autres romanciers, peut-être Dumas ou Balzac, qui auraient écrit de tels romans — mais pas forcément. On n’est pas forcé d’écrire un programme pour breveter une idée logicielle. Aussi, si nos hypothétiques brevets littéraires suivent le IUT de Cergy 8 M. ADOUTTE Droit des nouvelles technologies système de brevets réel, les détenteurs de ces brevets n’auraient pas été obligés d’écrire des romans, ni des histoires, ni quoi que ce soit — à part des demandes de brevets. Les parasites des brevets, ces entreprises qui ne produisent rien d’autres que des menaces et des procès, gagnent de plus en plus d’importance de nos jours. Avec ces brevets très larges, Victor Hugo n’aurait pas commencé à se poser la question de savoir si des brevets pouvaient lui valoir des poursuites pour avoir utilisé le personnage de Jean Valjean, parce qu’il n’aurait tout simplement même pas envisagé d’écrire un roman de ce type. Cette analogie peut aider ceux qui ne sont pas programmeurs à se rendre compte de ce que font les brevets logiciels. Les brevets logiciels couvrent des fonctionnalités, telles que définir des abréviations dans un éditeur de texte, ou recalculer selon l’ordre naturel dans un tableur. Les brevets couvrent les algorithmes que les programmes ont besoin d’utiliser. Les brevets couvrent les caractéristiques de formats de fichiers, comme les nouveaux formats de Microsoft pour les fichiers Word. Le format vidéo MPEG 2 est couvert par 39 brevets différents déposés aux États-Unis. Tout comme un roman pourrait enfreindre à lui seul plusieurs brevets littéraires différents, un seul programme peut enfreindre de nombreux brevets logiciels différents. Une étude de 2004 sur Linux, le noyau du système d’exploitation GNU/Linux, a découvert qu’il enfreignait pas moins de 283 brevets logiciels différents déposés aux États-Unis. C’est-à-dire que chacun de ces 283 différents brevets couvre un procédé de calcul que l’on peut trouver quelque part dans les milliers de pages du code source de Linux. Le texte de la directive approuvé par le Conseil des ministres autorise clairement les brevets couvrant des techniques logicielles. (Voir http://swpat.ffii.org/lettres/cons0....) Ses partisans prétendent que l’exigence que les brevets présentent un « caractère technique » va exclure les brevets logiciels. Mais ce n’est pas le cas. Il est facile de décrire un programme d’ordinateur de manière « technique » : la Chambre de recours de l’Office européen des brevets, concernant un brevet déposé par Hitachi sur une méthode d’enchères en ligne, écrivait (Affaire T 0258/03 ; http://legal.european-patent-office...) : La Chambre de recours est consciente que son interprétation relativement large du terme « invention » dans l’article 52 (1) CBE inclura des activités qui sont si familières que leur aspect technique tend à être sous-estimé, comme l’acte d’écrire en utilisant du papier et un crayon. N’importe quel logiciel fonctionnel peut être « chargé et exécuté sur un appareil programmable » afin de remplir sa tâche, ce qui est le critère de l’article 5.2 de la directive selon le Conseil, pour permettre à des brevets d’interdire même la publication de programmes — voir http://swpat.ffii.org/papers/europa...). Le moyen d’empêcher les brevets logiciels de saccager le développement de logiciels est simple : ne pas les autoriser. En première lecture, le Parlement européen a adopté en 2003 les amendements nécessaires pour exclure les brevets logiciels, mais le Conseil des ministres a renversé la décision. Les citoyens de l’Union européenne devraient téléphoner à leurs députés sans tarder, en leur demandant expressément de soutenir la précédente décision du Parlement et d’adopter des amendements similaires. Copyright 2005 : Richard Stallman, exemples et traduction française : Gérald Sédrati-Dinet La reproduction exacte et la distribution intégrale de cet article sont autorisées dans le monde entier sans redevance et sur tous supports pourvu que la présente notice soit préservée IUT de Cergy 9 M. ADOUTTE Droit des nouvelles technologies Après six ans de débats improductifs, les eurodéputés ont fini par rejeter, mercredi 6 juillet, le projet de directive sur les brevets logiciels. Brevets logiciels : les réactions au rejet Francisco Mark Webbink Michel Rocard Avocat conseil Député européen Mingorance Directeur des adjoint, Red Hat affaires publiques, BSA Europe Pierre Breese Président, BreeseDerambureMajerowicz Gérald SédratiDinet Vice-Président, FFII Avec 648 voix sur 680, le Parlement européen a signifié à la Commission et au Conseil européens son refus d'une non prise en compte des amendements votés en septembre 2003 en première lecture. Le statu quo demeure donc, jusqu'à nouvel ordre. Francisco Mingorance (BSA Europe) "Au moins la protection de la propriété intellectuelle reste-t-elle intacte" Même si nous aurions souhaité une harmonisation des lois européennes, au moins la protection de la propriété intellectuelle que les innovateurs avaient hier reste-t-elle intacte, ce qui est critique pour la compétitivité européenne. Nous recommandons au Parlement d'agir avec courage et prudence dans sa résistance à l'offensive féroce de ceux qui voulaient affaiblir le système de propriété intellectuelle de l'Europe. Nous enjoignons également les gouvernements européens à raviver la dynamique de la communauté du brevet. Mark Webbink (Red Hat) "Le champ de la brevetabilité dans le projet de directive était trop large" Les actions du Parlement et les efforts de nos amis de la FFII - l'Association pour une infrastructure informationnelle libre - dans l'obtention de ce résultat sont tout simplement surprenantes. L'action du Parlement affirme que le champ de la brevetabilité dans le projet de directive était trop large, qu'il est préférable de ne pas avoir de loi plutôt qu'une mauvaise loi, et qu'il n'y a aucune relation entre l'innovation et les brevets logiciels. Nous applaudissons les efforts de tous ceux qui ont contribué à ce résultat et à ce succès. Michel Rocard (eurodéputé) "Le Parlement européen a envoyé un signal fort" En rejetant la directive "brevets logiciels" à une écrasante majorité - 648 voix sur 680 -, le Parlement européen a envoyé un signal fort. Alors que la Commission et le Conseil présentaient leur directive comme la codification de la pratique actuelle de l'Office européen des brevets, le Parlement indique par là même qu'il rejette cette pratique et invite la Commission, qui avait ignoré une première demande de réécriture du texte, à le revoir intégralement. Face aux menaces de la Commission de ne pas tenir compte des amendements qui auraient été votés en deuxième lecture, et afin qu'une hasardeuse procédure de conciliation ne produise au final un texte IUT de Cergy 10 M. ADOUTTE Droit des nouvelles technologies conduisant à la légalisation des brevets logiciels, le Parlement a réaffirmé son soutien au travail réalisé en première lecture en refusant que ses idées soient à nouveau ignorées. En l'absence de directive, la brevetabilité logicielle restera contenue en Europe par l'article 52.2 de la Convention européenne du brevet, ainsi que par la jurisprudence en la matière - cas "Gale's Application" en Grande-Bretagne et cas 17W(pat)69/98 en Allemagne -, qui réaffirme que seules peuvent être brevetables des inventions basées sur une innovation appartenant au domaine matériel, que du logiciel soit présent ou non. Le texte voté en première lecture par le Parlement pourra également servir aux juges pour interpréter la CBE dans ce sens. Pierre Breese (Breese-Derambure-Majerowicz) "Cette agitation a conduit à une régression de la compréhension du système des brevets" Ce vote met fin à un processus initié en 1999, dans le but de rendre plus lisible le droit des brevets en ce qui concerne la brevetabilité des programmes d'ordinateurs. Force est de constater que ce but n'est pas atteint, bien au contraire : le processus de co-décision, et plus encore la présentation de ce processus auprès du grand public, va sans doute augmenter encore la confusion dans l'esprit de nombres d'entreprises et d'organismes de recherche. Néanmoins, l'interruption du processus d'harmonisation par une directive a pour conséquence que la doctrine et la jurisprudence actuelle restent les seules références, avec le critère du “caractère technique”. Il existe toutefois un risque de voir les tribunaux appliquer de façon restrictive ou imprévisible les critères de brevetabilité pour des inventions mises en oeuvre par un ordinateur. Toute l'agitation qui a accompagné ce chantier a conduit à une issue certes pragmatique et évitant le pire, mais aussi à une régression de la compréhension du système des brevets dans le domaine des TIC, notamment pour les PME. Gérald Sédrati-Dinet (FFII) "Le rejet de la directive apporte un bol d'oxygène pour de nouvelles initiatives" C'est une grande victoire pour ceux qui ont fait campagne pour éviter que l'innovation et la compétitivité européenne soient soumises à la menace du brevet logiciel. Elle marque la fin des tentatives de la Commission d'offrir un cadre législatif aux agissements de l'Office Européens des brevets inspirés par la pratique américaine. Nous estimons que le travail du Parlement, en particulier les 21 amendements de compromis offre une base solide sur laquelle de nouvelles propositions peuvent être bâties. Le rejet de la directive apporte un bol d'oxygène pour de nouvelles initiatives qui bénéficieront du savoir accumulé pendant ces 5 années de débats. Toutes les institutions sont à présent pleinement conscientes des préoccupations des parties concernées. IUT de Cergy 11 M. ADOUTTE Droit des nouvelles technologies L’OEB cherche à valider les brevets logiciels sans le Parlement européen mardi 17 mars 2009 par Rene Mages (ramix) Article n°370 COMMUNIQUÉ DE PRESSE - [ Europe / Economie / Innovation ] Bruxelles, 17 Mars 2009 — Au plus haut niveau de l’Office Européen des Brevets (OEB), la légalité des brevets logiciels en Europe est sur le point d’être validée. La FFII met en garde : le Parlement Européen est sur le point d’être court-circuité par la validation d’une décision de portée européenne qui sera prise sans son aval et sans le moindre débat. La présidente de l’Office Européen des Brevets (OEB), Alison Brimelow, a demandé à la Grande Chambre de recours (en anglais : Enlarged Board of Appeal (EBA) ) de trancher en ce qui concerne l’interprétation de la Convention sur le Brevet Européen (CBE) sur l’exclusion des logiciels du champ des domaines brevetables. La Grande Chambre des Recours est en train de se substituer au Parlement Européen afin de valider sans aucun débat les brevets logiciels en Europe. Benjamin Henrion, Président de la FFII, déclare : "La stratégie actuelle des lobbies pro-brevets est très claire : éviter une nouvelle directive sur les brevets logiciels, faire valider la pratique de l’OEB par une haute cour de l’OEB. Ils veulent éviter l’intervention du Parlement Européen dans le droit positif des brevets. Le Parlement Européen a déjà critiqué le manque de séparation des pouvoirs au sein de l’OEB dans sa résolution de Mars 2000 sur le clonage humain : « Considérant que l’OEB est une institution à la fois juge et partie, dont les attributions et les procédures doivent être révisées. [...] Demande la révision des règles de fonctionnement de l’OEB afin de garantir que cette institution puisse justifier publiquement sa responsabilité dans l’exercice de ses fonctions [...]. » Des personnes d’influence comme Alfons Schäfers, un juriste allemand Président de GRUR (l’association allemande de Protection de la Propriété Intellectuelle), ont déjà pointé le manque de contrôle démocratique de l’OEB et ont appelé à une intégration dans les structures officielles de l’Union Européenne : « l’OEB devrait faire partie de l’Union Européenne, au même titre que l’OHMI d’Alicante. Maintenir l’OEB hors de ce cadre est totalement ridicule à une époque où l’Union Européenne couvre peu à peu toutes les frontières de l’Europe politique et historique. Les Institutions Européennes - et plus particulièrement le Parlement Européen - doivent être dotées de tous les moyens nécessaires pour exercer un contrôle démocratique solide et pour structurer et mettre en place une législation européenne sur les brevets. C’est la seule façon de venir à bout de la suspicion grandissante du Parlement Européen sur le droit des brevets. » Henrion de conclure : « l’OEB est en train de prendre la place du Parlement et de d’éluder tout débat. L’objectif de cette manoeuvre est de forcer les juges à entériner la validation des brevets logiciels et ce sans légiférer ». IUT de Cergy 12 M. ADOUTTE Droit des nouvelles technologies Why Open Source misses the point of Free Software by Richard Stallman When we call software “free,” we mean that it respects the users' essential freedoms: • • • • The freedom to run the program, for any purpose (freedom 0). The freedom to study how the program works, and change it to make it do what you wish (freedom 1). Access to the source code is a precondition for this. The freedom to redistribute copies so you can help your neighbor (freedom 2). The freedom to distribute copies of your modified versions to others (freedom 3). By doing this you can give the whole community a chance to benefit from your changes. Access to the source code is a precondition for this. Open source is a development methodology; free software is a social movement. For the free software movement, free software is an ethical imperative, because only free software respects the users' freedom. By contrast, the philosophy of open source considers issues in terms of how to make software “better”—in a practical sense only. It says that nonfree software is an inferior solution to the practical problem at hand. For the free software movement, however, nonfree software is a social problem, and the solution is to stop using it and move to free software. La licence GPL est valable en droit français : premier arrêt de cour d’appel. Pour la première fois en France, une cour d’appel s’est prononcée sur la portée de la licence GPL et a admis sa validité en droit français. L‘arrêt a été rendu le 16 septembre 2009 par la cour d’appel de Paris. L’affaire qui a donné lieu à cet arrêt est relativement simple à l’origine. L’association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) avait commandé à un prestataire informatique des « espaces ouverts de formation » à installer dans ses établissements avec un mobilier spécifique, un ordinateur, un réseau informatique, des logiciels dédiés de communication et des logiciels pédagogiques. Le prestataire qui avait emporté l’appel d’offres avait installé trois sites pilotes dont la recette technique avait été prononcée après la levée des réserves, mais dans le processus de recette, l’AFPA avait émis des réserves sur « la nature juridique des logiciels » installés sur les « espaces ouverts de formation ». Considérant qu’elle avait été trompée sur certains éléments, l’AFPA a refusé de payer. Un long contentieux s’en est suivi. Le prestataire a demandé le paiement de ses prestations pendant que l’AFPA faisait nommer un expert judiciaire. Au vu du rapport, le tribunal de grande instance de Bobigny a condamné le 21 septembre 2004 l’AFPA à payer plus de 900.000 € au prestataire. La cour d’appel, sur demande de l’AFPA, a ordonné un complément d’expertise, confié à un autre expert, pour déterminer si dans la livraison à l’AFPA, n’avait pas été livré un logiciel libre masqué volontairement par le prestataire. L’AFPA demandait à la cour d’appel d’infirmer le jugement et s’appuyait sur le fait que la solution informatique contenait un logiciel libre, VNC, dont les mentions de « copyright » avaient été remplacés, dont le texte de la GPL avait été supprimé, exposant donc l’AFPA à un procès en contrefaçon. De plus, l’AFPA reprochait au prestataire d’avoir modifié le système de protection du IUT de Cergy 13 M. ADOUTTE Droit des nouvelles technologies logiciel, permettant au prestataire de prendre le contrôle à distance de la machine. VNC est un logiciel bien connu par les prestataires informatiques puisqu’il permet de contrôler à distance un ordinateur pour en assurer la maintenance. Le fonctionnement suppose que l’utilisateur donne au technicien qui se trouve à distance accès à sa machine. Le prestataire répliquait qu’il n’avait jamais caché l’existence d’un logiciel en GPL, et que quelques semaines après l’émission des réserves par l’AFPA, le problème avait été résolu. Le prestataire affirmait que lors des tests destinés à prononcer la recette, le logiciel présent sur les solutions informatiques était en phase de développement. Dès que l’AFPA avait soulevé des questions sur « la nature juridique des logiciels », le prestataire avait pris l’engagement de régulariser la situation. Le prestataire ajoutait que la modification du logiciel ne créait pas de vrai « trou » de sécurité. La cour d’appel a considéré que la présence d’un logiciel libre n’avait pas été dissimulée, mais que la recette ne pouvait pas se faire sur un environnement de développement, mais sur un produit informatique définitif. Or, les livraisons préalables à la recette contenaient des versions de VNC dont les mentions de copyright avaient été modifiées, et dans cette version, la prise en mains à distance n’était pas autorisée par l’utilisateur, et que tous les postes avaient un mot de passe identique. En revanche, la cour d’appel ne se prononce pas sur l’argument du prestataire indiquant qu’il avait régularisé la situation quelques semaines après la découverte du problème par son client. Dès lors, la cour d’appel a jugé que l’AFPA avait résilié valablement le contrat aux torts du prestataire, et donc aucune somme n’est due au titre du contrat. On peut tirer de cet arrêt trois enseignements, après avoir souligné qu’il a été rendu par une chambre de la cour d’appel qui n’est pas celle spécialisée en droit de la propriété intellectuelle (ce qui laisse planer un léger doute sur la certitude que la solution sera toujours la même devant la cour d’appel de Paris). Tout d’abord, livrer une solution informatique qui présente un « trou de sécurité » justifie la résiliation du contrat aux torts du prestataire. Ensuite, et c’est sûrement le plus intéressant, livrer une solution informatique qui ne respecte pas la licence GPL équivaut à une livraison non-conforme parce que, dit la cour d’appel, cela expose le client à une action en contrefaçon. Il s’agit de l’application de la garantie d’éviction : le vendeur d’une chose doit en garantir la jouissance paisible à l’acheteur (article 1626 du code civil). Enfin, il est parfois impossible de régulariser une situation. Des développeurs pris par le temps utilisent du code libre en pensant parfois qu’il sera toujours temps de re-développer si l’insertion de code libre est découverte. Hélas, c’est trop tard nous dit la cour d’appel de Paris : le code doit être « bon » au moment de la livraison. Il est intéressant de noter que deux autres décisions ont été rendues en France par des juridictions de premier degré. Ces deux décisions concernaient aussi des projets « d’éducation numérique ». Le jugement du TGI de Chambéry (15 novembre 2007) concernait un projet de « cartable numérique », et le jugement du TGI de Paris (28 mars 2007) portait aussi sur un projet d’enseignement à distance. Dans tous ces cas, il ne s’agit pas d’un procès entre un auteur de logiciel libre et une entreprise qui l’utilise, mais entre une entreprise qui utilise du logiciel libre pour la vendre à un client. Attention, donc : la licence GPL est juridiquement valable, et les conséquences de son non-respect peuvent être dramatiques… IUT de Cergy 14