Rencontres des cliniques psychiatriques privées
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Rencontres des cliniques psychiatriques privées
Rencontres des cliniques psychiatriques privées L'ÉDUCATION DES PATIENTS ET DES FAMILLES Docteur Henri Cuche Clinique du Château de Garches - Garches éducateurs pour la santé. Elle concerne, par exemple, les recommandations sur les principes d’une alimentation «saine», sur la prévention des caries dentaires, les informations pour prévenir ou lutter contre le tabagisme ou l’alcoolisme, la gestion de l’anxiété et du stress… L’éducation du patient à la maladie L’éducation thérapeutique du patient est un élément important de la prise en charge médicale, notamment en cas de maladie chronique (diabète, asthme, bronchite chronique, hypertension artérielle, dépression, troubles anxieux, addictions, etc.). Il trouve son application en psychiatrie. Il n’existe pas de définition unique de l’éducation du patient. De façon théorique, le terme générique « éducation du patient » recouvre trois niveaux d’activités, lesquels, dans la pratique courante, peuvent s’intriquer. On distingue : - l’éducation pour la santé du patient, - l’éducation du patient à sa maladie, - et l’éducation thérapeutique du patient. (Deccache A. Quelles pratiques et compétences en éducation du patient ? Recommandations de l’O.M.S. La Santé de l’homme, n° 341, mai-juin 1999, pp12-14). Elle concerne les comportements de santé liés à la maladie, au traitement, à la prévention des complications et des rechutes. Elle s’intéresse notamment à l’impact que la maladie peut avoir sur d’autres aspects de la vie. Les rencontres avec d’autres patients, les groupes d’entraide, l’aide d’éducateurs sont souvent indispensables à ce type d’éducation. L’éducation thérapeutique du patient C’est cet aspect de l’éducation du patient qui est abordé spécifiquement dans cette communication. Elle concerne les actions d’éducation liées au traitement curatif ou préventif. Elle repose pleinement sur les « soignants », dont l’activité d’ « éducation thérapeutique » fait partie intégrante de la définition de leur fonction soignante. L’éducation pour la santé du patient L’éducation thérapeutique du patient est un processus continu, intégré dans les soins et centré sur le patient. Il comprend des activités organisées de sensibilisation, d’information, d’apprentissage et d’accompagnement psychosocial concernant la maladie, le traitement prescrit, les soins, l’hospitalisation et les autres institutions de soins concernées. Elle se situe en amont de la maladie et elle s’intéresse aux comportements de santé et au mode de vie du patient actuel ou potentiel. Cette « culture de santé » repose autant sur les soignants que sur les Ce processus éducatif vise à aider le patient et son entourage à comprendre la maladie et le traitement, à mieux coopérer avec les soignants et à maintenir ou à améliorer sa qualité de vie. 15 L’éducation devrait rendre le patient capable d’acquérir et de maintenir les ressources nécessaires pour gérer au mieux sa vie avec la maladie. En psychiatrie, cette éducation vise à améliorer la compliance au traitement, à favoriser l’adaptation et la réhabilitation du patient dans son environnement, à réduire sa vulnérabilité au stress et à prévenir d’éventuelles rechutes. La définition de l’Organisation Mondiale de la Santé L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a souligné quatre points importants sur l’éducation thérapeutique des patients. (D’après World Health Organization : Therapeutic patient éducation. Continuing education programmes for health care providers in the field of prevention of chronic diseases. Octobre 1998). Eduquer revient à former le malade pour qu’il puisse acquérir un savoir-faire adéquat, afin d’arriver à un équilibre entre sa vie et le contrôle optimal de la maladie. L’éducation thérapeutique du patient est un processus continu qui fait partie intégrante des soins médicaux. L’éducation thérapeutique du malade comprend la sensibilisation, l’information, l’apprentissage, le support psychosocial, tous liés à la maladie et au traitement. La formation doit aussi permettre au malade et à sa famille de mieux collaborer avec les soignants. Conclusion Cet état des lieux permet de considérer qu’il y a eu dans les dix dernières années, un intérêt croissant des équipes hospitalières pour le développement d’actions qui relèvent soit de l’éducation thérapeu- Rencontres des cliniques psychiatriques privées tique du patient, soit plus largement de l’éducation pour la santé. Le caractère plus ou moins résistant ou chronique des pathologies traitées, la forme d’accompagnement et d’apprentissage qu’elles imposent, la nécessité, au regard du traitement, de faire appel à des pratiques multidisciplinaires, rendent compte de l’exigence de professionnalisation qui se fait jour, notamment concernant les compétences pédagogiques et la capacité à conduire l’action d’éducation thérapeutique sur une longue durée. Toutefois certaines interrogations demeurent, tenant d’une part au champ réel de l’implantation de l’éducation thérapeutique des patients au regard des besoins et de l’intérêt manifeste de ces pratiques dans le traitement de nombreuses maladies chroniques. Elles tiennent d’autre part à la qualité, la rigueur et l’évaluation des pratiques ainsi qu’à leur capacité de participer réellement au processus d’autonomisation du patient dans la gestion de la maladie et de ses soins. ■ LA MISE EN ŒUVRE D'UNE STRUCTURE D'ACCUEIL POUR LES ADOLESCENTS Docteur Alice Gros Clinique de la Lironde - St Clément de Rivière de la toute-puissance infantile et de l’idéalisation parentale, moment de perte, de désinvestissement douloureux qu’il va tenter de compenser par un nouvel investissement, celui-là, social par une adhésion aux valeurs de notre société et à ses buts collectifs. Mais paradoxalement, l’adolescent, soumis comme on le sait à « la poussée constante de la pulsion sexuelle » (Freud), est peu enclin à accepter le cadre social et ses exigences. L’adolescence est un passage obligé, difficile, orienté vers l’individualisation et la construction identitaire. Ce passage est toujours porteur d’énigmes, de conflits et traversé de mouvements pulsionnels contradictoires et paradoxaux. Pour entrer dans la vie d’adulte, l’adolescent doit en effet, dans un double mouvement : - accepter de se séparer de ses parents, c’est-à-dire faire le deuil de l’enfance, Et notre société, vacillante sur ses valeurs (éclatement familial, incertitude de l’avenir…) ne semble plus offrir aujourd’hui de modèles identificatoires, constructeurs, suffisamment rassurants et attractifs. L’adolescent désemparé s’installe donc dans son statut d’adolescent et dans son mal-être. Vivant le présent par peur de l’avenir, il ne reconnaît plus que ses pairs, les autres adolescents. Il n’est pas étonnant dans ce contexte environnemental que la pathologie de 16 l’adolescent elle-même se singularise dans ses modes d’expression : Prépondérance de l’agir et des passages à l’acte, carence des processus de secondarisation qui se traduisent par des agressions, violence vis-à-vis des autres et de soi-même (le suicide de l’adolescent est la deuxième cause de mortalité chez les jeunes) ; fugues ; conduites addictives : toxicomanie, alcoolisme, troubles des conduites alimentaires ; effondrement narcissique et son cortège de troubles de l’identité. Ces troubles réclament une prise en charge spécifique au sein de laquelle la dimension relationnelle est, pour nous, centrale. La qualité et la précocité de cette prise en charge déterminent souvent l’avenir de l’adolescent. Elle nécessite aussi la prise en compte de l’environnement familial, scolaire, social (et parfois juridique). C’est devant l’insuffisance des structures existantes, souvent faute de moyens que nous avons cherché avec la création de notre unité d’hospitalisation Rencontres des cliniques psychiatriques privées originale, à offrir les réponses les plus adaptées aux besoins de ces adolescents en souffrance. VOICI NOTRE PROJET : De la conception à la réalisation En réponse aux priorités du SROSS Régional concernant l’hospitalisation à temps complet des adolescents et au souhait de décloisonnement Public/Privé, l’équipe de la clinique la Lironde et le service de pédopsychiatrie de l’Hôpital de Béziers ont donc décidé d’unir leurs moyens pour créer un réseau de soins pour adolescents. La Lironde organise le temps d’hospitalisation, l’Hôpital de Béziers l’amont et l’aval du temps d’hospitalisation. Première étape Une expérimentation de un an financée par le FRAC, portant sur l’hospitalisation de deux adolescents au sein de l’établissement s’est avérée très positive. Elle a permis de : - tisser des liens autour de prises en charge communes ; - former nos soignants ; - apprécier nos besoins et nos compétences ; - établir une première évaluation. - des toxicomanies avec troubles psychiatriques associés, en nombre très restreint, de même pour les situations traumatiques (abus sexuels, maltraitance). Le cadre : l’accueil est capital et doit garantir un espace contenant, sécurisant, lieu de parole et d’accompagnement au quotidien. Les locaux : infirmerie, unité de huit lits (dont six chambres particulières), bientôt douze, une salle à manger, une salle d’activités, une salle d’informatique, une salle de sport. Les moyens : la spécificité nécessite un taux d’encadrement supérieur à celui d’une unité d’adultes. Personnel médical : un psychiatre à temps plein, salarié IDE Educateurs spécialisés Psychologue Ergothérapeute Assistant socio-éducatif Aide soignant Agent de service 5 2 0,5 1,4 0,5 3,6 2 La consultation de préadmission Sur la base d’un déficit de la carte sanitaire en pédopsychiatrie de deux lits, nous avons obtenu dans un premier temps, une création de deux lits et une mise à disposition de cinq autres lits (par l’Hôpital de Béziers) qui doit aboutir in fine à une création de douze lits. Elle constitue un temps fort, préalable indispensable à toute admission. Elle permet : - « un premier accrochage » transférentiel, une rencontre avec les référents parentaux ; - une approche diagnostique ; - une ébauche de projet thérapeutique avec contrat de soins (notamment pour les troubles du comportement alimentaire) ; - et une énonciation du règlement intérieur. Une première étude des orientations de soins possibles après l’hospitalisation, ceci afin d’éviter un allongement inutile du temps d’hospitalisation rapidement préjudiciable à cet âge de la vie (DMS : 30 jours) L’UNITÉ DE SOINS Le projet médical proprement dit Le service accueille des adolescents âgés de 12 à 18 ans, en situation de crise présentant : - des troubles du comportement - des états dépressifs (suicides) - des troubles graves de la personnalité - des troubles du comportement alimentaire La prise en soin par l’équipe pluridisciplinaire est essentiellement psychothérapeutique. Elle privilégie l’écoute, la verbalisation, le travail autour de l’image du corps, la créativité. Deuxième étape Nous nous sommes engagés par une convention de coopération à pérenniser notre expérience et à créer un service spécifique aux adolescents, de sept lits, puis de douze lits. Les activités thérapeutiques mises en place en seront le support psychothérapique : 17 individuelles ou collectives (groupes de parole, psychodrame) corporelles : expression corporelle, relaxation, yoga, balnéothérapie, vidéo - sportives : gym - cheval - ergothérapiques : peinture, dessin, sculpture - réadaptatives : sociale (affirmation de soi) - scolaires (soutien scolaire sur place) - ludiques : organisation de matchs, tournois, jeux. Les approches thérapeutiques sont plurielles dans les choix techniques et dans la gestion des distances relationnelles avec les patients (ni trop près de la menace intrusive, ni trop loin du côté du vécu abandonnique). Les approches corporelles permettent de travailler sur la réaffectation des représentations, la réappropriation des ressentis dans le but d’une réassurance narcissique. Les rencontres avec les familles sont régulières tout au long de l’hospitalisation et même au-delà (sous forme de groupes de parents). Elles permettent d’analyser et de réaménager les liens familiaux chargés d’angoisse et de sentiments ambivalents. La métapsychologie freudienne constitue l’outil de réflexion théorique indispensable pour la compréhension des enjeux personnels, institutionnels et psychodynamiques. Il s'agit essentiellement d'instaurer une relation qui permet la mentalisation des conflits au détriment de l'agir. Les différents temps institutionnels - Mini staff, réunion d’équipe - Réunion clinique - Réunion soignants/soignés sont les lieux d’échanges, indispensables au fonctionnement de l’équipe. Ces réunions assurent la cohérence et l’accompagnement du projet de soins et permettent de repérer les dysfonctionnements institutionnels. En conclusion, si la symptomatologie de l'adolescent est bruyante, elle peut être aussi totalement réversible. A cet âge de la vie, rien n'est définitivement joué. Permettre à l'adolescent de devenir soimême en fermant les blessures du passé, tel est bien l'enjeu qui nous anime. ■ Rencontres des cliniques psychiatriques privées LA CRÉATION D'UN SERVICE DE 14 LITS POUR ADOLESCENTS SUICIDANTS Docteur Jean-Michel Léonardi Clinique Château du Bel Air - Crosne C'est un long parcours semé d’embûches que nous avons entrepris il y a maintenant une dizaine d’années. Les réflexions sont venues du terrain car nous étions confrontés à des demandes d’hospitalisation d’adolescents de plus en plus jeunes auxquels il nous était difficile de répondre. Les travaux de Marie Choquet et de l’INSERM ont fait apparaître des faits que les médecins de terrain observaient depuis un moment déjà : à savoir, une montée en nombre des conduites à risques chez les adolescents, notamment des tentatives de suicides avec une fréquence importante des récidives. Nos premières réflexions sont venues de là et de la création au CHU de Bordeaux d'un Centre pour adolescents suicidants par le Docteur Xavier Pommereau. Nous nous sommes inspirés de ce projet qui a maintenant dix ans de fonctionnement et qui est le seul en France à cibler une structure autour de l’adolescent et du jeune adulte suicidaire. tion des sols, aux problèmes de COS et bien sûr au financement. Un premier projet a été déposé à l’ARH en 95 qui n'aboutit pas. Le deuxième projet est déposé dix huit mois plus tard et accepté par l’Agence Régionale d'Ile-de-France. Il faut dire qu’en cette année 97, le suicide chez l’adolescent est apparu à la Conférence Nationale de Santé comme la priorité n°1 au plan national, déclinée par l’Agence Régionale dès 98, puis par le schéma régional de la psychiatrie qui date de 1999. C'est d’ailleurs le thème de la Conférence Régionale de Santé. Entre temps, fin 98, les recommandations de l’ANAES concernant les jeunes suicidants ont été éditées et nous ont confortés dans l’idée que ce projet était cohérent. Plus tard, en 2001, le rapport du Haut Comité de la Santé Publique et plus récemment le rapport de la députée euro- UN PROJET EN ACCORD AVEC LE SROS DE L'ILE-DE-FRANCE En 93/94, nous nous sommes attelés aux études de faisabilité, au plan d’occupa- 18 péenne, Marie-Thérèse Hermange, confirment l'absence de réponse adéquate ainsi que la nécessité de ces modalités de prise en charge nécessaires qui permettent d'avoir un impact positif sur les récidives et évitent une trop grande banalisation. UN PROJET ARTICULÉ AUTOUR D'UNE RÉNOVATION DE LA CLINIQUE En ce qui nous concerne, les travaux ont commencé en octobre 2000 pour se terminer en mai 2002. Nous avons ouvert une partie consacrée aux adultes et nous devrions ouvrir fin octobre la partie adolescents qui se compose de 14 lits répartis sur deux unités. Au départ, nous nous sommes posés un certain nombre de questions, notamment savoir si les adolescents devaient cohabiter complètement avec les adultes ou bien en être totalement éloignés. On s’est inspiré de ces deux stratégies sachant qu’au départ, Rencontres des cliniques psychiatriques privées suicide, souvent en sortie de réanimation ou pour des pathologies aiguës où des idées suicidaires sont prévalantes. L'efficacité repose sur une certaine compliance aux soins dans le cadre d'un contrat de soins qui leur sera présenté et qui impliquera aussi l’entourage médical et les tiers référents. Le premier temps de l'hospitalisation est consacré à l’évaluation de l’état psychique et somatique ainsi qu'à un bilan social. Ensuite un traitement sera planifié qui associera, en synergie, tous les acteurs de soins. On recherchera également une alliance thérapeutique avec les familles, le but étant de constituer un espace tiers qui permettrait la médiation d’un certain nombre de crises familiales. Parallèlement un groupe de parents sera mis en place, groupe ouvert même aux parents dont les jeunes ne sont pas pris en charge dans le centre. on pensait créer un centre indépendant à proximité de la clinique. En définitive, le projet a été un peu plus ambitieux et nous a permis de restructurer complètement l’établissement et de faire un vaste ensemble d'à peu près 3 000 m2 sur 4 niveaux avec création d'une salle de restaurant, d'une nouvelle cuisine, un circuit accueil/admission/prise en charge, des espaces d’activité et une balnéothérapie. UN PROJET MÉDICAL AXÉ SUR LA PRISE EN CHARGE DES ADOLESCENTS DANS UN CONTEXTE LOURD Le projet thérapeutique est centré sur une prise en charge intensive de très brève durée, la DMS devrait être d'environ 15 jours pour des jeunes de 14 à 22 ans dont l'admission se fera essentiellement pour la majorité après une tentative de Très rapidement, il faudra déterminer les modalités optimales de suivi extérieur et faire un travail de liaison avec le réseau d'aval aussi bien public, qu'associatif, que libéral. UN PROJET ADOSSÉ À UNE ÉQUIPE MÉDICALE IMPORTANTE ET STRUCTURÉE L’équipe de soins est une équipe importante et structurée, pluridisciplinaire, conforme aux recommandations de la DHOS d'avril 2002 et qui sera motivée et cohérente, chacun portant individuellement une part du cadre thérapeutique. La synergie des acteurs de soins est favorisée et affinée bien sûr par le travail quotidien et des réunions de réflexion. De même, un travail de liaison important sera fait avec les acteurs externes. Pour conclure, je dirais que l’on se sent souvent seul et peu accompagné sur la durée d’une telle entreprise malgré un certain nombre d'encouragements. Le processus de mise en place est délicat car jusqu’à présent l’ouverture du secteur sanitaire infanto-juvénile était difficilement accessible au privé. Néanmoins, ce type de réalisation reste possible sous quelques conditions : - rester opiniâtres - croire fermement à l’impact de son projet de soins - communiquer cette foi du charbonnier à ceux qui vous accompagnent. ■ 19 Rencontres des cliniques psychiatriques privées ANOREXIE MENTALE Docteur Françoise GALINON Clinique Castelviel - Castelmaurou Avec le temps et les confrontations cliniques, psychiatres et somaticiens sont tombés d’accord sur certains indices de gravité. • Quand l’IMC est en dessous de 15, le traitement ne peut pas être une simple reprise de poids ; il faut évaluer et considérer la dimension de passage à l’acte ou d’acting out que représente la conduite addictive pour cette patiente, dans cette famille. L’Anorexie mentale de la jeune fille n’a pas cessé de faire couler de l’encre et poser des questions. Questions sur les canons de la Mode, et la maigreur des mannequins des années 60/80. Questions sur les modèles que nous donnons à nos enfants. • Pathologie de la transmission intergénérationnelle, sur l’évolution de la société, la famille, l’adolescence, ou les valeurs de l’âge adulte… • Pathologie aussi des moments de transition : entre deux époques, deux âges de la vie - comme l’enfance et l’âge adulte. Rappelons Sainte Catherine de Sienne au moment du grand schisme des Églises d’Orient et d’Occident ou encore les descriptions de l’Anorexia nervosa des grands cliniciens du XIXème siècle, en pleine révolution industrielle. • Pathologie complexe entre toutes, car l’intrication physique et psychique est toujours à reconsidérer au cas par cas et selon le moment de l’évolution et de la conscience des troubles. Les réponses se nuancent sur des indices que chaque discipline médicale réinterprète ensuite dans la spécificité du soin qu’elle prodigue. Il faut parler de l’IMC et de la courbe de poids. • Quand l’IMC est en dessous de 15, il faut travailler de concert : des semaines et des mois de psychothérapie institutionnelle sont alors nécessaires avec des équipes pluridisciplinaires pour recoller les morceaux du roman familial, reconstituer ceux qui manquent, et réécrire deux histoires, celle de la patiente et celle de sa famille. • Parallèlement, le suivi médecin psychiatre doit tenir compte des dégâts physiques et physiologiques et travailler de concert avec les milieux spécialisés dans les troubles de la nutrition. Les courbes de poids, les auto évaluations du catabolisme pendant l’hospitalisation en psychiatrie sont des instruments de choix. • Certaines décompensations sont évidentes, d’autres sont soudaines et d’autres enfin sont infra-cliniques. Ces dernières soulèvent en ce moment toute notre attention, elles semblent être la source de maladies orphelines qui se déclarent 5 ou 10 ans plus tard quand la patiente a oublié son anorexie. Quand elle se croit sauvée, elle retombe dans l’enfer d’une maladie incurable et invalidante. Coordonner le travail des équipes de soins pose la question de l’accès aux soins et de la place de la psychiatrie libérale dans sa région. 20 • Le psychiatre doit souligner son souci de maintenir à chaque instant une double lecture des symptômes pour éviter l’instrumentalisation du malade ou de sa maladie. • Nous sommes tous traversés par le siècle et la société de consommation. Même derrière les murs des cliniques ou des hôpitaux psychiatriques arrivent leurs particules élémentaires. • La psychiatrie restera-t-elle le refuge du sujet en détresse et le gardien du droit d’asile qu’elle a été par le passé dans des périodes tourmentées ? • La question d’aujourd’hui se resserre autour de la pratique de l’hospitalisation dans le privé. LE PRIVÉ PEUT - IL ÊTRE UN REMÈDE, UN LIEU PRIVILÉGIÉ POUR SOIGNER CETTE PATHOLOGIE SI PARTICULIÈRE QUE REPRÉSENTE L’ANOREXIE MENTALE ? Quelques mots de notre expérience à Castelviel. Depuis que la clinique existe, il y a toujours eu une dizaine d’anorexiques ou de Rencontres des cliniques psychiatriques privées boulimiques vomisseuses mais depuis janvier 2000 les listes d’attente et le nombre de patients hospitalisés n’a fait qu’augmenter. Aujourd’hui, nous avons 20 lits (sur 125) réservés pour cette pathologie. Soit environ 5 patients pour 2 infirmières réparties en 3 services sur le même étage. Nous n’avons pas voulu créer une unité au sens strict sachant le désir d’individuation des patients, leurs difficultés particulières. Mais nous avons été obligés de rapprocher les services pour créer une unité de soins, une régulation du travail des équipes pluridisciplinaires et une formation permanente pour les infirmières. La charge que ces malades représentent pour les équipes nécessite un soutien permanent sur le plan psychologique et psycho dynamique. L’hospitalisation à Castelviel se déroule en 4 temps : • Le premier n’est pas le moindre : c’est l’appel téléphonique - pas toujours facile à canaliser et qui est pris en charge par la surveillante de l’établissement. • Le second est celui de la pré-admission. C’est un moment de bilan, un rendezvous pour la patiente et sa famille. L’entretien est fait par le psychiatre qui suivra le patient pendant son séjour en clinique. • Le troisième est celui de l’hospitalisation. Celle-ci est le plus souvent longue. Au moins trois mois, mais bien souvent six mois, un an. Il peut y avoir des ruptures de séjour et des retours en famille. • Le quatrième est le plus difficile à déterminer : c’est celui de la sortie définitive. Il se prépare tout au long de l’hospitalisation. Il pose la question du suivi en ambulatoire tant sur le plan somatique que sur le plan psychothéra- pique. Certaines patientes dès la sortie arrêtent les soins. L’exposé vient souligner la pertinence et la place de la pratique libérale en général et en institution privée en particulier. • En quoi faisons nous mieux ou plus facilement que nos confrères du public? • Je relèverai trois points : la taille des établissements, la souplesse du fonctionnement libéral, le libre choix du patient . Les cliniques sont restées de taille humaine et sont encore dans de grands parcs selon des normes imposées lors de leurs constructions. Les hôpitaux sont souvent trop grands (secteur) ou trop petits (CHU), il n’y fait pas bon vivre et le ré-apprentissage de l’existence y est difficile tant pour les patients que pour les soignants pour faire exister le soin. La clinique privée représente une alternative à la vie sociale pour ces patients assez jeunes et encore très insérés. L’hospitalisation devient un temps critique de psychothérapie institutionnelle, une expérience de vie autrement. Mais ce n’est pas un black out dans un monde confiné hors du temps, une désocialisation qui rend la sortie encore plus problématique et difficile à réussir. Par ailleurs les patient côtoyés, même s’ils souffrent de troubles aigus ou très graves, ont gardé un climat de bonne insertion sociale autour d’eux. La souplesse des horaires de travail des médecins, qui en tant que libéraux sont libres de leur emploi du temps, permet des rendez-vous familiaux quand tout le monde peut se libérer. La souplesse du système de soins libéral soutient le libre choix du patient qui peut venir consulter ou demander un avis et être hospitalisé à l’autre bout du pays. Il faut souligner que dans certains cas d’anorexie, l’éloignement familial est à envisager et à prescrire. L’hospitalisation privée n’a pas de secteur, il n’y a pas de continuum entre le dedans et le dehors. Faut-il en conclure qu’il n’y a pas de suivi ? - Non, mais il doit ou s’articuler à un travail de liaison à réinventer pour chaque cas, ou accepter de rester le lieu d’une mémoire cryptée et le patient viendra peut-être un jour vérifier que l’on ne l’a pas oublié. ■ 21 Rencontres des cliniques psychiatriques privées LE CENTRE D’ACCUEIL DE JOUR DU MONT DUPLAN Denis Reynaud Clinique du Mont Duplan – Nîmes Avant d’exposer l’expérimentation du Centre d’Accueil de Jour du Mont Duplan, je voudrais «tordre le cou» au concept d’alternative tel que nous l’utilisons fréquemment dans nos débats. Lorsque nous cherchons à innover dans le domaine des prises en charge en psy- chiatrie, ce n’est pas dans le but de trouver une solution de remplacement à l’hospitalisation complète mais bien de proposer un complément de prise en charge du patient, complément destiné à parfaire les résultats obtenus lors de l’hospitalisation complète. Je propose donc que soit désormais banni à jamais de notre vocabulaire ce terme d’alternative, employé improprement pour désigner en fait de nouvelles prises en charge qui n’ont aucun caractère alternatif mais visent à permettre un accompagnement plus complet du patient tant en amont qu’en aval de la période de crise qui justifie l’hospitalisation complète. Notre présentation d’aujourd’hui s’inscrit dans la réponse au besoin de réadaptation/réinsertion des patients atteints de pathologies psychiatriques et plus particulièrement à la problématique de la prise en charge des patients psychotiques puisqu’ils représentent plus de 50 % des patients suivis dans le Centre d’Accueil de Jour du Mont Duplan. Nous avons pris la décision de nommer notre CATTP, Centre d’Accueil de Jour pour le différencier des prises en charge de ce type existant dans l’hôpital public. En effet, et c’est là un des aspects de cette innovation, le Centre d’Accueil de Jour du Mont Duplan est l’un des premiers développés dans le secteur de la psychiatrie privée. Le très récent rapport au Comité Consultatif de Santé Mentale attribue en priorité la compétence en matière de réponse au besoin de réadaptation/réinsertion aux professionnels du champ sanitaire spécialisé en psychiatrie sans pour autant d’ailleurs proposer d’ouvrir cette compétence au secteur commercial privé. Historiquement, l’agglomération nîmoise qui regroupe plus de 200 000 personnes est relativement peu dotée en prise en charge alternative. Seul le CHU de Caremeau a développé un CATTP qui accueille une file active d’environ 130 patients. Or, le département du Gard, comme d’ailleurs l’ensemble de la région Languedoc-Roussillon ont une originalité dans l’offre de soins en psychiatrie adulte : une forte représentation du secteur privé qui représente près de 50 % de l’ensemble des lits installés alors que la moyenne nationale est de 13 %. C’est cette spécificité qui est en partie à l’origine de la décision de la Direction de l’ARH Languedoc-Rousillon de consacrer en 1999 une part importante du Fonds Régional d’Aide à la Contractualisation 23 Rencontres des cliniques psychiatriques privées (FRAC) à l’expérimentation, dans plusieurs cliniques privées de la région, de différents projets de coopération entre les secteurs public et privé. Un appel à projet lancé en juin 1999 devait déboucher sur la création de 6 expérimentations : – 3 d’entre elles portaient sur l’installation de lits « d’urgence de 2ème rang » – 3 d’entre elles portaient sur la création d’activités de jour et post cure. Toutes ces expérimentations devaient mettre en place une coopération constatée par une convention entre les établissements gestionnaires de secteurs de psychiatrie publique et l’établissement privé concerné. Du point de vue des établissements privés, nous soulignerons que cet appel à projet a été vécu à la fois comme une opportunité de travail en réseau avec le secteur public et comme une première « brèche » dans le mur législatif et réglementaire qui exclut le secteur psychiatrique privé du développement des alternatives à l’hospitalisation privée et de la prise en charge psychiatrique d’urgence. En effet, même si les discriminations à l’égard du secteur privé nous font quelquefois douter de la volonté gouvernementale de maintenir la coexistence des deux secteurs, nous restons des partisans inconditionnels du libre choix du patient, libre choix que certains décrets et arrêtés ont sérieusement mis à mal. Cette création d’un Centre d’Accueil de Jour est avant tout pour nos patients une réelle opportunité de pouvoir bénéficier d’un type de prise en charge qui leur était, de fait, très difficile voire inaccessible. C’est en novembre 1999, après réponse à l’appel d’offre et réalisation en urgence des travaux nécessaires à l’aménagement de locaux spécifiques exigés par l’ARH et des embauches nécessaires au fonctionnement du Centre que nous avons pu démarrer cette expérience pour laquelle nous avions obtenu un financement d’un an. Le projet faisait alors référence à quatre objectifs de prise en charge : – Préparer la réinsertion de patients en fin d’hospitalisation – Assurer le suivi de patients qui ont besoin d’un accompagnement – Éviter la ré hospitalisation de patients menacés de rechute – Préparer certaines hospitalisations complètes Et à quatre objectifs institutionnels : – Diminuer la DMS de l’établissement – Diminuer le taux de ré hospitalisation – Créer sur le département une unité d’alternative privée – Développer la coopération avec d’autres établissements L’équipe chargée de mener à bien cette expérimentation est constituée de deux médecins psychiatres libéraux, une ergothérapeute à plein temps, un infirmier à plein temps, un musico thérapeute à temps partiel, l’ensemble disposant en outre des ressources de la Clinique puisque les locaux, distincts de ceux de la Clinique et spécifiquement aménagés pour cette activité, sont néanmoins installés dans l’enceinte de celle-ci. Le Centre d’Accueil de Jour, sur le plan thérapeutique, s’inscrit dans la volonté de briser le risque de chronicisation de la prise en charge en hospitalisation classique, risque résultant de l’apparition d’une carence relationnelle à la sortie de l’institution et décrit dans le schéma ci-contre. L’objectif du Centre d’Accueil de Jour est de pallier cette carence relationnelle observée lors de sortie sans accompagnement. Nous le verrons, toute la difficulté résidera ensuite dans la gestion de la relation soignant soigné et notamment dans la capacité à la calquer sur les conditions de vie habituelle dans la société. 24 Dés le départ, le fonctionnement du Centre est défini dans une petite brochure envoyée à l’ensemble des psychiatres et généralistes de la région nîmoise. Cette brochure indique quelle est la population visée, le mode de prise en charge et le fonctionnement du Centre. Financé sur un principe de budget global, le mode de prise en charge ne prévoit aucune facturation au patient pendant la période expérimentale d’un an. Le fonctionnement prévoit les modalités d’admission suivante : L’admission d’un patient ne peut se faire que sur demande d’un médecin (généraliste ou médecin traitant) adressée à l’un des deux psychiatres en charge du Centre. Cette demande est suivie d’un premier entretien au cours duquel le patient rencontrera les médecins et les membres de l’équipe soignante. Cet entretien se termine par une synthèse d’accueil qui définit l’objectif de la prise en charge, le programme de séances pour une première période d’un mois avant que ne soit décidé si le patient continuera sur un rythme qui lui est propre, en auto prescription, ou s’il est souhaitable de prévoir ou même « d’imposer » un rythme plus régulier. Tout au long de son programme de venue dans le Centre le patient continue à être suivi par son médecin traitant qui gère notamment sa chimiothérapie. Chaque venue est obligatoirement d’une durée minimale de deux heures mais Rencontres des cliniques psychiatriques privées ments privés aux alternatives à l’hospitalisation complète et d’essayer de concrétiser ainsi la réalité du libre choix du patient dans tous les domaines de la prise en charge psychiatrique. Aujourd’hui, les problèmes sont en passe d’être résolus, bien que, à l’heure où nous écrivons ces lignes, l’établissement soit encore en phase expérimentale sur une DMT spécifique. peut à l’inverse s’étendre à la journée et le centre est ouvert du mardi au samedi de 9 h à 12h et de 13h à 17h. En octobre 2000, après un an de fonctionnement, nous faisions le premier bilan de cette expérience, bilan que l’on peut qualifier de globalement très positif par rapport aux objectifs institutionnels. En effet, l’année de mise en route correspond à une file active de 48 patients pour un total de plus de 1300 venues. Sur un échantillon représentatif de 22 patients pour lequel nous avons eu accès au dossier administratif sur plusieurs années, nous avons pu constater que depuis l’ouverture du Centre les patients suivis par le Centre ont eu 2.5 fois moins de jours d’hospitalisation qu’auparavant. Pour ce qui est du travail en réseau, le Centre collabore avec les médecins psychiatres de la Clinique du Mont Duplan et d’autres établissements de Nîmes. Cette collaboration s’est également mise en place au niveau institutionnel avec le CHU (service de psychiatrie B, hôpital de Jour, et différents CMP), avec le Centre Logos (structure pour toxicomanes), le CHAA (centre d’alcoologie), la Clinique des Sophoras. Il est important de souligner que dès la date du 1er novembre 2000, se pose le problème de la poursuite de l’expérimentation : le Fonds Régional d’Aide à la Contractualisation étant supprimé et il n’est donc pas question qu’il participe d’une quelconque façon à la pérennisation éventuelle de l’expérience. Cependant nous avons décidé de maintenir, sans budget spécifique, le fonctionnement du Centre, le temps pour l’administration régionale de régler le délicat problème de trouver une solution administrative à la pérennisation d’activités en limite des autorisations en matière de psychiatrie privée. Cette volonté de persévérance dans le développement de cette expérimentation résulte de plusieurs facteurs : • Le succès rencontré auprès des patients par la structure, doublé de leur inquiétude manifeste et explicite quant à leur devenir en cas de fermeture du Centre d’Accueil de Jour. • La certitude que ce type de prise en charge s’inscrit efficacement dans la prise en charge globale de ces patients psychotiques, et le désir de continuer à développer une collaboration inter établissements encore balbutiante afin d’aboutir à terme à la création d’un réseau. • La volonté affichée de l’ARH de trouver une solution à la pérennisation de ces expérimentations qui sont d’ailleurs inscrites dans le projet du SROS psychiatrie du Languedoc-Roussillon. • La volonté commune de plusieurs dirigeants d’établissements privés de rendre définitif l’accès des établisse- 25 Les obstacles sont nombreux et vont de la résistance au changement d’une partie de notre profession qui conçoit le secteur de la psychiatrie privé comme un secteur à protéger de toute concurrence, à la réflexion globale portant sur la redéfinition de la politique de sectorisation suite au rapport Piel et Roelandt et à la décision de la Direction des Hôpitaux et de l’Organisation des Soins de modifier les décrets réglementant l’accès aux alternatives pour les établissements privés. Avant de présenter les bénéfices et les difficultés inhérents à cette prise en charge, nous vous présenterons rapidement quelques statistiques permettant de mieux appréhender l’activité du Centre. Sur le plan nosologique nous avions ouvert le Centre à toutes les pathologies dans la mesure où le patient ne se trouve pas en période de crise aiguë nécessitant une hospitalisation complète. Trois ans d’exercice nous permettent de constater que les malades psychotiques, principalement des schizophrènes, représentent à eux seuls plus de 50 % de la file active, le reste se répartissant entre les troubles de la personnalité (addiction, névrose…), quelques démences séniles (2 cas) et troubles organiques (1 cas). La file active a repris sa croissance depuis quelques mois car tant que l’incertitude sur l’avenir du projet n’était pas levée nous avons préféré ne pas recruter davantage. Elle est aujourd’hui de 90 patients, dont 26 % en « post hospitalisation » de la Clinique, 29 % appartiennent à la file active de la Clinique mais n’ont pas été hospitalisés dans les trois mois précédant leur première venue au Centre, 28 % nous ont été adressés par le CHU et 16 % proviennent d’autres institutions et de la médecine de ville. Rencontres des cliniques psychiatriques privées Nous avons pu constater une certaine lenteur dans l’utilisation de l’accueil de jour par le tissu régional de soins (structures publiques, psychiatres libéraux, médecins généralistes, autres structures…) bien que la participation et le nombre de venues par rapport aux objectifs fixés soient satisfaisants. nous considérons d’abord comme le fait de la pathologie (65 % ont une pathologie psychotique). Nos principales difficultés, en dehors de la remise en cause éventuelle de l’existence même du Centre, résultent bien évidemment de la difficulté de créer le Provenance des patients plus d’un an 19% 1 venue 32% de 3 mois un an 12% moins de 3 mois 37 % En moyenne, un patient vient au Centre une fois par quinzaine, avec des rythmes pouvant aller d’une seule venue dans l’année à plus de 50. La période de traitement peut elle aussi varier de façon importante, d’une journée, lorsque le patient n’adhère pas au projet, à plusieurs mois voire plusieurs années. Notons toutefois qu’une très grande majorité, près de 70 %, a une période de traitement inférieure à 3 mois. Toutefois, avec une présence supérieure à un an et un nombre de venue moyen supérieur à 100, environ 20 % de la file active peut être considéré comme relativement «chronicisé», chronicisation que contexte relationnel nécessaire à l’équilibre de nos patients et permettant de gérer leur sortie de l’environnement thérapeutique. difficile pour l’instant de connaître la qualité et la réalité de leur réinsertion, ni même si leur départ du Centre correspond réellement à la disparition du besoin d’accompagnement. Nous manquons à la fois de la possibilité de recueil de l’information et du recul nécessaire à ce type d’analyse. Dans l’ensemble, les activités thérapeutiques proposées par le Centre constituent les principaux médiateurs entre le patient et le soignant. Elles permettent la revalorisation, la confiance en soi, la convivialité, l’ouverture sur des expériences nouvelles mais elles restent souvent insuffisantes pour reconstruire réellement l’autonomie du patient dans ses relations à autrui. Ce qui doit différencier le patient hospitalisé du patient pris en charge dans le Centre est avant tout son rapport au soin : le patient hospitalisé est plutôt en situation de recevoir un soin prodigué par l’équipe, alors que le patient du Centre est plutôt en situation d’acteur, il prend seul l’initiative de participer aux activités thérapeutiques. Dans les ateliers, il décide librement de sa participation et de ses réalisations. En effet, on constate que le Centre crée des relations d’une part entre les patients et l’équipe de soins et d’autre part entre les patients eux-mêmes et de ce point de vue c’est déjà un succès. En revanche, pour l’instant, le Centre n’a pas eu réellement les moyens d’assurer, pour ses patients au «long cours», une réelle réinsertion dans la société, c’est-à-dire une insertion indépendante de l’environnement du Centre. Pendant la période de prise en charge par le Centre, le contact avec l’environnement extérieur des patients ainsi que les liens médicaux sont maintenus : l’accueil de jour ne vient pas se substituer aux relations déjà mises en place mais les conforte. Il est important de souligner ici le fait que la multipolarité des soins est un des facteurs de réussite de ce type de prise en charge car elle permet de porter un regard différent à l’évolution des patients chroniques. Quant à la majorité des patients dont le séjour est inférieur à l’année, il nous est Cette multipolarité des soins autorise chacun des intervenants à conserver son 26 Rencontres des cliniques psychiatriques privées approche thérapeutique mais en revanche lui impose d’accepter et de reconnaître les autres interventions et en final le conduit à essayer de donner à l’ensemble une certaine homogénéité ou au moins une bonne convergence. Le psychiatre référent demeure le psychiatre traitant habituel qui poursuit la prise en charge psychothérapique et médicamenteuse hors urgence. Il serait probablement souhaitable, dans le développement de cette approche de « multipolarité des soins », de créer la fonction de « professionnel référent du soin au long cours» telle qu’elle est suggérée dans le rapport déjà cité sur l’évolution des métiers en santé mentale. Notons, dans nos résultats, l’échec de la cure ambulatoire que nous pensions pouvoir aussi développer dans ce Centre, notamment pour les sevrages et certains traitements par perfusion. En définitive nous pouvons dire que le Centre d’Accueil de Jour est devenu pour nos patients psychotiques un lieu de référence dans le temps et dans l’espace. Il a ses horaires fixes, sa délimitation géographique, et propose plusieurs cadres d’activités qui régissent son fonctionnement et alimentent ses réflexions. Nous avons pu constater que les patients testent régulièrement la solidité de cette base et ce fut notamment le cas lorsque nous avons dû envisager la fermeture du Centre en août pour les congés d’été la deuxième année. La fermeture fut annoncée dés le mois de mai et cette annonce fut immédiatement génératrice d’inquiétudes, de craintes, voire même pour certains d’angoisses. Ce thème fut l’objet de nombreux dialogues, de réassurances, et peu à peu les appréhensions se sont estompées et la fermeture est apparue comme un phénomène de société. Alors qu’au départ les congés n’étaient le fait que du personnel du Centre, l’appropriation de ce concept s’est faite progressivement par les patients qui pour certains ont considéré que cette période était aussi des vacances pour eux. Aucun patient n’a été hospitalisé au cours de cette coupure. Sur le plan du fonctionnement du Centre, nous avons encore beaucoup à apprendre pour aboutir à ce qu’il permette une meilleure intégration du patient dans l’environnement de la cité. A ce sujet, nous devons dire qu’il nous paraîtrait opportun d’en développer la capacité afin qu’une équipe soignante plus importante permette la mise en place d’activités hors des murs du Centre qui conduiront les patients à la prise en 27 charge par eux-mêmes de la gestion de leurs relations à autrui. En effet nos tentatives de sortie, en général très positives sur le plan relationnel pour nos patients, se heurtent aux contraintes d’encadrement et de fonctionnement du Centre. Pour conclure le récit de cette expérience encore « balbutiante » dans ce type de prise en charge, nous voudrions témoigner que celle-ci n’a été possible que grâce à la persévérance de l’équipe du Mont Duplan. La ténacité de l’autorité de tutelle, qui a recherché les textes qui permettent de donner une véritable pérennité à l’expérience en définissant une discipline médico-tarifaire spécifique à cette activité et une tarification de la « venue » au Centre, nous a été d’un grand secours même si par moment les lenteurs administratives nous ont un peu inquiétés. La mise en place de cette discipline médico-tarifaire est encore elle aussi « une expérience » qui peut être remise en cause en fonction des résultats et de l’évolution législative ou réglementaire mais elle représente à nos yeux, comme à ceux de l’ARH, et à ceux de nos patients, une réelle avancée dans le domaine du libre choix du patient. ■ Rencontres des cliniques psychiatriques privées LA POSTCURE PSYCHIATRIQUE Gilles Ricome Clinique Rech – Montpellier malades. Si la France, à la suite du Canada et de l’Italie, continue à vider les hôpitaux psychiatriques sans pour autant permettre au Privé de développer ses capacités d’accueil de court séjour, le développement de la postcure sera le meilleur moyen à la fois de répondre à un réel besoin amplifié par la fermeture des lits du Public et de permettre aux établissements qui le souhaitent un développement durable parallèle à leur activité traditionnelle. Je vais vous décrire une situation personnelle, faite sur Montpellier, de création d’un centre de soins de suite. Nos cliniques d’hospitalisation complète sont saturées et ne peuvent accueillir certains patients qu’il faudrait orienter vers du moyen séjour afin de faciliter leur réinsertion. Les rares établissements de postcure spécialisés, les maisons de retraite médicalisées, sont pour la plupart saturés. Certains de nos malades peuvent attendre jusqu’à 12 mois ou plus sur des listes avant d’être accueillis dans des organismes adaptés à leur situation qui n’est plus du ressort de l’hospitalisation en court séjour. On constate aussi que ces établissements sont généralement localisés loin des centres urbains, or les familles souhaitent de plus en plus souvent une médecine de proximité. Pour toutes ces raisons, l’hospitalisation privée doit se positionner face à ce besoin clairement identifié qui concerne à la fois les jeunes ou même les personnes âgées qui, en aucun cas, ne doivent continuer à cohabiter avec les autres En effet, nos établissements doivent se développer pour réduire leurs charges. Une activité de postcure doit permettre des économies d’échelle pour tout ce qui n’est pas du domaine du soin et donc du normatif. Les embauches à temps partiel sont toujours difficiles. Cette activité complémentaire pourra permettre de fidéliser, grâce à du temps plein, du personnel fragilisé par la précarité de son emploi : ergothérapeute, musicothérapeute, diététicienne, éducateur, etc. Bien entendu, la postcure ne répond pas aux mêmes besoins en terme de structure que l’hospitalisation traditionnelle. L’environnement architectural doit être ouvert vers l’extérieur, qu’il s’agisse d’accueillir des jeunes ou même de moins jeunes. N’étant pas soumis à des soins lourds, ces malades doivent pouvoir aller et venir sans que leur chambre soit leur seul univers. Les activités doivent pouvoir leur être proposées et il faut repenser radicalement dans un projet médical novateur l’encadrement de ces patients par un accompagnement encore plus personnalisé. La chambre individuelle, par exemple, doit devenir la règle. La plupart du temps, les médecins seront salariés. Il s’agira donc d’une tarification «tout compris» dont on a un peu parlé ce matin. Cela signifie la fin des honoraires 28 des psychiatres libéraux, c’est donc un tournant important. Les infirmières, en nombre restreint, seront remplacées par des psychologues, assistantes sociales, éducateurs spécialisés. La prise en charge institutionnelle va remplacer l’environnement médicalisé. Dans cette expérience à Rech, ayant en tête ce besoin d’assurer l’accueil des patients en postcure, notre démarche s’est développée sur deux axes : rechercher des lits et établir un projet médical à partir d’une cible précise. L’étude du schéma régional montrait que le secteur de Montpellier avait en priorité n° 4 l’injonction de créer des capacités de soins de suite par reconversion des lits de médecine du secteur sanitaire et/ou par redéploiement des capacités situées dans des secteurs sanitaires excédentaires. La santé mentale constituait elle aussi une priorité dans le secteur sanitaire. Ainsi est née l’idée de se positionner sur les soins de suite spécialisés en psychiatrie. Notre démarche nous a amenés dans la région des Pyrénées Orientales largement excédentaire en maisons de repos. Nous avons donc pu acheter 40 lits après abattement de 25 % et obtenir leur transfert et reconversion en lits de soins de suite spécialisés en psychiatrie. A qui s’adresse ce projet ? Nos médecins avaient fait le constat que de nombreux jeunes de 18 à 30 ans, pschotiques chroniques stabilisés, devaient pouvoir bénéficier d’autres structures qu’une hospitalisation complète, sans pour autant revenir dans leur cadre de vie habituel, familial et afin d’y faciliter leur réinsertion future. Il s’agit donc de la prise en charge des jeunes adultes en difficultés, présentant des problèmes d’adaptation ou de réadaptation socio-professionnels ou de troubles de conduite alimentaires, pour leur permettre d’effectuer une for- Rencontres des cliniques psychiatriques privées mation universitaire ou professionnelle à partir d’un milieu protégé. Ces jeunes, s’ils ont acquis une certaine stabilité, restent incapables de s’assumer de façon indépendante ou sont mal tolérés dans leur milieu familial. Ce type de structure, qui n’existe pas dans la région, devra être innovant et intermédiaire entre l’hospitalisation en psychiatrie et les structures existantes telles que les appartements thérapeutiques, les ateliers éducatifs. Cette structure doit être le lieu de référence du jeune adulte en souffrance pour qui la capacité à supporter un cadre de référence est au centre du débat psychique, du fait de son handicap. La prise en charge doit être d’une grande souplesse et présenter une cohérence forte qui doit servir de point de répère au jeune adulte en difficultés. Ces jeunes adultes étant souvent très désorganisés, peu autonomes, loin des contingences matérielles, il est nécessaire, dans le cadre de leur prise en charge, d’assumer un rôle éducatif fort, un encadrement structuré ainsi qu’un soutien psychologique adapté. Cette structure doit devenir le lieu ouvert sur l’extérieur où pourront s’effectuer séances de psychotérapie ou rencontres avec des praticiens sur des thèmes spécifiques, boulimie, alcool, dépendance. La structure doit permettre d’assurer une prise en charge psychiatrique plus souple qu’en hospitalisation, avec un rôle modérateur du référent psychiatrique assisté par un infirmier assurant la gestion des traitements. Les séjours seront centrés sur la période de formation universitaire ou professionnelle, l’apprentissage par exemple, pouvant s’étaler sur la durée de celle-ci par période de 9 mois à 1 an, éventuellement reconduite. L’accueil et la prise en charge seront très personnalisés en fonction des besoins de chaque adulte et passeront par la détermination d’un projet thérapeutique accepté par chacun. Les différentes étapes feront l’objet d’une évaluation des capacités d’autonomie et 29 d’une adaptation à la prise en charge éducative, avec évaluation périodique de celle-ci. La formation engagée fera l’objet d’un tutorat spécifique par un enseignant universitaire justifiant donc d’un travail de coopération entre la structure d’accueil et l’université ou le centre de formation. La prise en charge de ces jeunes adultes au sein de cette structure passe par la mise en place de moyens spécifiques en personnel comme je vous l’ai dit plus haut. Pour 40 lits,7 à 8 éducateurs, 1 à 2 médecins plein temps, 1 psychologue, 1 assistante sociale, 5 IDE pour permettre d’en avoir 1 en permanence. Enfin, nous devons passer un accord avec l’hôpital psychiatrique de Montpellier pour lui permettre de placer certains de ces patients dans cette structure. Pour conclure, je dirais que nous devons œuvrer pour que la postcure s’ouvre totalement au privé et ne reste pas le lot de certaines expériences locales liées à telle ou telle opportunité. ■ Rencontres des cliniques psychiatriques privées LA GÉRONTO-PSYCHIATRIE : UN ENJEU DE SANTÉ PUBLIQUE Didier Brun, Directeur Clinique Saint-Antoine, Montarnaud (34) Avec la collaboration du Dr Maurice Brun, Neuro-Psychiatre et du Dr Isabelle Agounizera, pour la partie médicale. La Psychiatrie de la Personne Agée est un domaine d’apparition récente en terme de problématiques sanitaire et sociale. Elle n’est pas aujourd’hui reconnue comme une discipline à part entière. Notre propos se limite volontairement à la Géronto-Psychiatrie, qui relève de notre discipline Psychiatrique. Nous verrons ce qu’elle amène en terme de réponse adaptée à des besoins de santé. Il apparaît, depuis de nombreuses années, un flou dans ce que recouvre cette notion. Le groupe de travail DHOS/02 relatif aux «Recommandations d’organisation et de fonctionnement de l’offre de soins en psychiatrie pour répondre aux besoins de santé mentale» a proposé dans l’annexe VI les définitions des termes de Psycho-Gériatrie et de Géronto-Psychiatrie. Psycho-Gériatrie : «Prise en charge de la souffrance psychique de la personne face à son vieillissement, généralement dans un contexte de vieillissement pathologique (polypathologies, démences de type Alzheimer et démences apparentées…). Dans ce domaine la prise en charge gériatrique est au premier plan ». LA DÉMOGRAPHIE Géronto-Psychiatrie : «Elle correspond à la prise en charge psychiatrique de personnes âgées, qu’il s’agisse de pathologies mentales chroniques ou récentes, en phase aiguë ou non. Elle relève de la compétence de la Psychiatrie ». La Géronto-Psychiatrie relève de la compétence de la Psychiatrie « Les études montrent que d’ici à 2020, sous l’effet conjugué de l’allongement de l’espérance de vie et des tendances de la fécondité, la France va vieillir. On compte aujourd’hui 9 millions de personnes âgées de 65 ans ou plus : elles seront 13 millions en 2020, soit 40 % de plus et représenteront alors 20 % de la population contre 15 % aujourd’hui. Le nombre de personnes très âgées (85 ans et plus) va augmenter encore plus rapidement pendant la période, passant de 1,2 million à 2,1 millions (+74%) ». (1) Les services de l’État, que ce soient la DATAR ou la DHOS, insistent sur cette évolution démographique et sur les Distinctions entre psycho-gériatrie et géronto-psychiatrie DISCIPLINE Points communs Origine Enjeux Traitement Psycho-GERIATRIE Géronto-PSYCHIATRIE La personne est âgée (+ de 65 ans) Elle présente des troubles psychiatriques associés le plus souvent à des troubles somatiques Neurologique Psychiatrique il y a des lésions cérébrales généralement origine fonctionnelle, éventuellement irréversibles : démence d’Alzheimer, sur un début d’affaiblissement démence vasculaire… intellectuel Soulager le patient et sa famille Soigner, Prévenir l’évolution vers la démence, Retarder l’aggravation de son état Réinsérer socialement le patient dans son milieu de vie habituel Adaptation d’un traitement de stabilisation Traitements psychiatriques : Adaptation de l’environnement chimiothérapie, psychothérapie, rééducation Traitements somatiques (kiné, orthophonie, ergothérapie), éventuellement ECT… Traitements somatiques 30 Rencontres des cliniques psychiatriques privées conséquences en terme d’offre de soins et de prévention pour cette population. Il n’existe malheureusement pas, à notre connaissance, d’étude épidémiologique permettant d’évaluer les besoins en terme de structures de soins Géronto-Psychiatriques. sence de ces maladies aiguës surajoutées. Leur traitement constitue donc, dans bien des cas, non seulement une action curative mais également une action préventive de l’évolution précipitée vers la démence et la dépendance qui est son corollaire. Toutefois, notre propre expérience dans l’Hérault, sur la zone d’influence de l’établissement, nous conduit à estimer que ce mode de prise en charge est nécessaire, sur une année, à 1 % au moins de la population de plus de 65 ans. De plus, les personnes âgées présentent fréquemment, du fait de leur âge, des troubles somatiques associés qui sont à prendre en charge au cours de l’hospitalisation, en parallèle aux troubles psychiatriques. LE PATIENT Les troubles psychiatriques fonctionnels relevant de la Géronto-Psychiatrie ne sont pas liés à des lésions cérébrales mais à un dysfonctionnement du psychisme et évoluent de façon aiguë ou subaiguë. Ce sont : – les troubles dépressifs ou anxieux, – les états névrotiques et réactionnels liés à l’âge, – les confusions mentales, – les troubles délirants, – les états de crise psychopathologiques aigus, – les décompensations d’états psychiatriques préexistant à l’âge adulte. Ces troubles fonctionnels sont fréquents, ils entraînent globalement de la souffrance pour le malade et son entourage, et sont la plupart du temps réversibles et curables. Par ailleurs, ils peuvent se comporter comme des facteurs de précipitation dans l’évolution vers une démence quand ils apparaissent chez des sujets vieillissants déjà affaiblis intellectuellement, mais dont l’affaiblissement aurait pu se stabiliser ou progresser assez lentement pour ne jamais atteindre le seuil de la démence en l’ab- La Géronto-Psychiatrie a une vocation curative mais aussi préventive de l’évolution précipitée vers la démence LA GÉRONTO-PSYCHIATRIE : une disci- La stratégie de la Clinique Saint Antoine s’est délibérément écartée des pathologies d’origine organique (Alzheimer notamment) justifiant une prise en charge chronique pour s’adresser aux personnes atteintes de troubles fonctionnels qui, dans la majorité des cas, sont réversibles dès lors qu’ils sont diagnostiqués et traités rapidement. Ces troubles fonctionnels n’ont souvent aucun rapport avec un processus démentiel mais peuvent en constituer un facteur aggravant. L’établissement comporte : - un service d’hospitalisation classique à temps plein de 57 lits - une unité de 5 lits spécialisée dans la prise en charge de la personne âgée dépressive ou suicidaire en période de crise. Cette unité permet d’hospitaliser avec un délai d’attente court, des personnes en état de crise psychopathologique aiguë, notamment suicidaire et de leur éviter ainsi, sauf en cas de risque somatique vital, un passage systématique aux urgences du CHU. La prise en charge est globale, incluant la dimension somatique. La mobilité réduite de certains patients ainsi que les autres handicaps, en particulier en début d’hospitalisation, sont pris en compte. La zone d’influence est essentiellement centrée sur le secteur sanitaire de Montpellier – Lodève et le département de l’Hérault en général. pline hospitalière à part entière Le plateau technique Exemple d’un établissement dont l’activité y est entièrement dédiée : La Clinique Saint-Antoine (Hérault) L’Établissement est divisé en 2 services : une unité de 22 lits qui inclut le service de crise de 5 lits et une unité de 40 lits. La première accueille des patients nécessitant une prise en charge lourde, que ce soit sur le plan psychiatrique ou sur le plan somatique et également en terme de dépendance. Tous les lits sont médicalisés, dont certains à hauteur variable électrique. Une installation d’oxygénothérapie et de vide est présente à la tête de chaque lit. La seconde prend en charge des patients dont les problèmes somatiques et de dépendance sont en arrière plan. Un poste d’Electro-Convulsivo-Thérapie (ECT) voit son activité s’élever à près de 500 actes par an. Les autres activités médico-techniques (laboratoires, imagerie, explorations fonctionnelles) sont sous-traitées à des établissements voisins. L’établissement La Clinique Saint Antoine est un établissement de soins privé comportant 62 lits de psychiatrie à orientation Géronto-Psychiatrique. Elle prend en charge en courts séjours des patients psychiatriques âgés pour lesquels on peut espérer une amélioration ou une guérison de leurs troubles et une réinsertion dans leur milieu de vie habituel. Il s’agit essentiellement de dépressions sévères, d’états névrotiques ou réactionnels liés à l’âge, de troubles délirants, de troubles confusionnels, de décompensations de psychoses chroniques vieillies, de crises psychopathologiques aiguës. 31 Rencontres des cliniques psychiatriques privées Les professionnels impliqués – Psychiatres à orientation géronto-psychiatrique également compétents en médecine gériatrique ; – Gériatres à temps plein, assurant une présence 24h/24, anesthésistes (ECT), cardiologues ; – Infirmières et aides-soignantes formées aux besoins spécifiques des personnes âgées, tant au niveau somatique que psychologique ; – Psychologue et Orthophoniste-neuropsychologue, avec une fonction d’aide au diagnostic et d’apport psychothérapique ; – Kinésithérapeutes, pour lutter contre les handicaps physiques, préserver l’autonomie et prévenir l’entrée en dépendance; – Ergothérapeutes, rééducateurs des handicaps physiques ou cognitifs pouvant affecter les actes de la vie courante ; – Orthophoniste, thérapeute du langage et de la communication, les déficits de ces fonctions pouvant perturber les relations sociales, familiales et affectives ; – Animateur, pour entretenir la vie sociale et le plaisir d’agir et de partager. d’un changement de statut de leur domicile (domicile > maison de retraite par ex.) - 11 % sont hospitalisés suite à la survenance ou l’aggravation d’une pathologie somatique Les 2 % restant constituent essentiellement des sorties contre avis médical. Et ce, au terme d’une hospitalisation d’une durée moyenne d’environ 40 jours. On mesure ici la dimension curative et préventive de la prise en charge. La très grande majorité des patients retrouve son milieu de vie habituel à la sortie Il y a donc probablement des besoins de santé manifestement non satisfaits, engendrant une perte de chance pour les patients qui relèveraient de cette discipline. UNE DISCIPLINE MÉCONNUE OU MAL CONNUE DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ Les professionnels de terrain, médecins généralistes, SIAD, EPAHD… ont souvent un manque de connaissance de la distinction entre Géronto-Psychiatrie et Psycho-Gériatrie et des modes de prises en charge correspondants. Cela conduit souvent, en simplifiant, au scénario suivant : Les thérapeutiques L’objectif sera, non seulement de guérir ou d’améliorer les maladies aiguës ou chroniques qui surviennent de plus en plus fréquemment, mais aussi d’éviter leur conséquences sur l’adaptation du sujet à son environnement. Le traitement psychiatrique des maladies tient compte du terrain de fragilité plus grande de la vieillesse, des interactions médicamenteuses liées à la polypathologie le plus souvent observée, et des effets iatrogènes des médicaments. La prévention des handicaps, en particulier par la rééducation, permet de diminuer ou de retarder le risque d’entrée en dépendance. Les aspects psychologique et social sont pris en considération. Les résultats (2) Sur l’ensemble des patients admis pour des troubles psychiatriques sévères à un âge avancé en 2001, présentant en moyenne 4.1 pathologies somatiques associées, avec un tableau pouvant en imposer pour un diagnostic (erroné) de démence avérée : - 75 % retournent à leur domicile ou dans leur lieu de vie d’origine - 12 % justifient, malgré l’amélioration, On voit bien que cette prise en charge requiert une organisation spécifiquement dédiée qui en fait une discipline atypique au sein de la psychiatrie. Les charges supportées sont également atypiques. Elles sont le fait de la présence de médecins gériatres, des équipements spécifiques et du recours à des consommables « gériatriques », liés à la polypathologie et aux handicaps momentanés. Si elles sont reconnues comme justifiées par l’ARH, la tarification, elle, n’en tient pas réellement compte. Le nombre d’établissements privés consacrés exclusivement à ce mode de prise en charge semble très limité. Dans le Languedoc-Roussillon, nous sommes le seul établissement à afficher clairement cette discipline. Au plan national, la situation semble voisine, malgré l’existence de quelques services hospitaliers dédiés. 32 Un patient âgé souffre d’une pathologie psychiatrique fonctionnelle (par exemple un état dépressif) sur un terrain d’affaiblissement intellectuel. Il relèverait donc d’une prise en charge géronto-psychiatrique en ambulatoire ou en hospitalisation. Le diagnostic est mal établi, le patient est catalogué « dément, en début d’évolution » et on admet le caractère irréversible des troubles. Il est donc traité comme un dément, à son domicile ou dans sa maison de retraite. On adapte la prise en charge médicale, infirmière et son environnement à cet état. L’entourage se résigne. Le patient, considéré comme « dément » verra alors ses capacités intellectuelles se dégrader d’autant plus rapidement qu’elles seront inhibées par la dépression non traitée, ce qui aboutira à une démentification authentique et rapide. Le pro- Rencontres des cliniques psychiatriques privées Il prône l’intersectorialité ou la transectorialité, la mise en place de centres ressources, le développement de la recherche, des publications et des formations dans ce domaine. Le Schéma de Services Collectifs Sanitaires, (1) qui prépare les SROS de 3° génération, insiste sur l’importance du dispositif de soins psychiatrique privé et de sa complémentarité avec le public et les acteurs sanitaires locaux. Il fait de la prévention de la perte d’autonomie de la personne âgée un axe majeur de la politique sanitaire et sociale. Il insiste également sur la nécessité d’un repérage et d’un diagnostic précoce, sur la continuité des soins et la prise en charge globale. Pour conclure, la Géronto-Psychiatrie doit trouver sa juste place dans l’offre sanitaire. cessus initial aura alors joué un rôle de facteur de précipitation et, paradoxalement, le diagnostic erroné du départ paraîtra confirmé ! LA POLITIQUE DE SANTÉ PREND MAINTENANT EN COMPTE CETTE PROBLÉMATIQUE Depuis peu, on assiste à une prise de conscience des pouvoirs publics qui font bien la distinction entre les deux disciplines, apportant ainsi une certaine clarification. Le SROS Santé Mentale du Languedoc Roussillon (3) est très clair à ce sujet. Il prône le recentrage de la Psychiatrie sur le diagnostic et la prise en charge des phases aiguës, l’amélioration de la réponse aux urgences, la prévention du suicide de la personne âgée, la réponse à l’intrication entre les pathologies psychiatriques et somatiques. La circulaire DHOS du 18 mars 2002, relative à l’amélioration de la filière de soins gériatriques (4), constate que le dispositif de soins est insuffisamment adapté aux personnes âgées, elle insiste sur le rôle que doit jouer la psychiatrie dans ce domaine. Le groupe de travail DHOS/02 a établi en mars 2002 «Les recommandations d’organisation et de fonctionnement de l’offre de soins en psychiatrie pour répondre aux besoins de santé mentale » (5). Dans son annexe 6, relative aux personnes âgées, les définitions des notions de psycho-gériatrie et de géronto-psychiatrie sont proposées. Concernant cette dernière, qui nous intéresse, il met en évidence la méconnaissance de la problématique, les difficultés des relations entre les médecins traitants et les services de psychiatrie, la faiblesse du secteur concernant les personnes âgées non préalablement connues de lui. Elle est utile aux patients par sa dimension curative de la pathologie psychiatrique et ses effets préventifs d’une entrée en état de dépendance. A ce titre elle est également utile à la Société en terme macro-économique. Elle doit faire l’objet d’informations et de formations auprès des professionnels de terrain. Elle nécessite une prise en charge pluri dimensionnelle du patient (Psychiatrie, neurologie, gériatrie, rééducations). A l’instar de la Pédo-Psychiatrie, la Géronto-Psychiatrie devrait à terme devenir une spécialité reconnue en tant que telle, sur la base d’un cahier des charges précis. Pour se développer au bénéfice des patients, elle doit obtenir une reconnaissance tarifaire spécifique, permettant à certains établissements de trouver une alternative à leur activité. ■ Bibliographie 1 – Schéma de Services Collectifs Sanitaires, DATAR (Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale), avril 2002 2 – Statistique d’activité 2001- Clinique Saint Antoine. 3 – Schéma Régional d’Organisation des Soins en Santé Mentale 2001-2006 – ARH Languedoc Roussillon – Novembre 2001 4 – Circulaire DHOS/O2/DGS/SDSD/n°2002/157, relative à l’amélioration de la filière de soins gériatriques – 18 mars 2002 5 – Recommandations d’organisation et de fonctionnement de l’offre de soins en psychiatrie pour répondre aux besoins de santé mentale, Annexe 6 Santé mentale et personnes âgées. Rapport du groupe de travail DHOS/02 mars 2002. Document présenté devant le comité consultatif de santé mentale d’avril 2002 33 Rencontres des cliniques psychiatriques privées LA RÉHABILITATION PSYCHO-SOCIALE Docteur Alain Nicolet Clinique de Pen An Dalar – Guipavas - les erreurs récurrentes dans sa stratégie d’adaptation - l’augmentation de sa dépendance matérielle, médicale, psychologique et sociale. Il faut pouvoir engager avec lui une période de rupture qui l’aide à retrouver son autonomie, à ne plus subir son existence, mais à dominer ses choix, à prendre des attitudes préventives... Selon l'OMS, la réhabilitation psycho sociale est l'ensemble des activités nécessaires pour assurer au patient une condition physique, mentale et sociale optimale lui permettant d’occuper, par ses moyens propres, une place aussi normale que possible dans la société. « Aussi normale que possible » signifie pour moi… retrouver le goût du bonheur. Un grand nombre de ceux que nous accueillons souffre de maladie chronique. L’idée que je développe est de les aider à passer en quelque sorte d’un état d’être souffrant dans leur maladie à un état d’être vivant avec leur maladie. Car nous pouvons faire mieux demain que nous ne faisons aujourd’hui. Cette période de rupture s’appuierait sur la plate-forme de réhabilitation psycho sociale constituée, par exemple, autour d’un noyau soignant, du psychologue, d’un infirmier ayant en charge un projet que l’on aimerait appeler «regagner l’estime de soi». Ce projet comporterait plusieurs volets : • l’aide aux familles et aux aidants (tuteurs, assistants sociaux, etc.) sous la forme de tables rondes sur les pathologies et les comportements • l’entraînement aux habilités sociales (affirmation de soi, présentation, CV, intégration à la vie associative locale…) • la gestion du stress familial et social, l’apprentissage du dialogue avec l’entourage et le milieu professionnel Et le spectaculaire se situe dans le paradoxe qu’il est parfois plus aisé et moins consommateur d’énergie de s’occuper d’un patient dépressif profond que de la réhabilitation d’un jeune en rupture avec les repères affectifs et sociaux habituels. QUI EST CE MALADE CHRONIQUE? C’est un patient engagé dans un processus global psychologique familial et social. Il vit dans sa maladie et distille autour de lui sa souffrance personnelle. Sa maladie primaire entraîne une pathologie psycho sociale secondaire par : - la non-acceptation de la maladie et du traitement (déni, révolte, projection) - son isolement social, familial et professionnel - le découragement, les pertes d’initiatives, la dépression, la chute des performances 34 • la prise en charge du corps (activité physique, hygiène alimentaire), table d’hôte • l’insertion, c’est à dire l’externalisation de l’établissement, avec relation aux associations intermédiaires. QUELS MOYENS ? J’entrevois deux possibilités organisationnelles car ce type de prise en charge doit s’effectuer soit en fin de séjour, soit en « post cure ». La première hypothèse - Sur des lits existants d’hospitalisation complète, la possibilité d’utiliser quelques lits en lit de jour ou de nuit avec un programme thérapeutique établi sur une partie de la journée, quelques jours par semaine La seconde hypothèse - En post cure, la possibilité de faire venir les patients en externe avec une prise en charge forfaitaire. Tout cela entraîne donc une évolution des réglementations, un partenariat en réseau avec l’ARH, les conseils généraux, autour de contrat État Région, contrat de ville… ■ Rencontres des cliniques psychiatriques privées DES MÉTHODOLOGIES POUR LA MISE EN PLACE D’OUTILS D’ÉVALUATION DES BESOINS DE SOINS Docteur Philippe Cléry-Melin Clinique du Château de Garches - Maison de santé de Bellevue - Meudon usagers, aux réalités sanitaires et sociales, aux enjeux économiques ? Comment l’évaluer ? Quel système de référence utiliser pour juger de la qualité de ses résultats ? Toute la difficulté de notre sujet est là : sans références, la machine planificatrice tournerait à vide. Des références, nous en avons tous plein la tête. L’obstacle à notre entreprise est que nous ne savons pas les formaliser de manière suffisamment méthodique. DEFINIR LA MÉTHODE ET PROPOSER DES ORIENTATIONS Dans la perspective proche du SROS de troisième génération, planifier l’organisation du dispositif de soins en santé mentale peut apparaître comme une délirante utopie ou une dangereuse paranoïa. Comment prétendre organiser, c’est-àdire dessiner de l’extérieur du système son architecture, quand il est bien difficile de maîtriser le moindre des paramètres qui le font se métamorphoser ? Si la planification sanitaire entend véritablement imposer une forme au dispositif de soins, elle sera accusée de vouloir en rigidifier les mouvements, de vouloir brider le développement de toutes ses potentialités. On le constate aujourd’hui avec le mouvement de désinstitutionnalisation qui aboutit à la fermeture inconséquente des lits d’hospitalisation temps plein. Mais le discours anti-planificateur, qui voudrait jeter la planification aux orties, « laisser le vivant vivre sa vie », est aussi une utopie. Les organisations livrées à elles-mêmes finissent toujours par se détourner de ce pour quoi elles sont faites. Au-delà du débat théorique opposant les avantages et les inconvénients du dirigisme et du laisser-faire, la question vraiment importante est : comment apprécier le bon fonctionnement d’une organisation sanitaire, son adéquation aux besoins des Le fonctionnement d’une organisation sanitaire peut se mesurer selon deux systèmes de références : - Le suivi transversal du déroulement des actions de prévention, de soins et de réadaptation pour une pathologie donnée : c’est ici la méthode des pathologies traceuses. Elle peut permettre en psychiatrie d’apprécier la qualité des articulations entre les domaines sanitaire et social. Ces références particulières doivent être constituées par consensus entre les différents professionnels de santé : il nous manque encore le recueil systématique d’un maximum de références particulières susceptibles de nous permettre de juger l’organisation des prises en charge du plus grand nombre de pathologies. C’est dans le va et vient entre une approche « macroscopique » utilisant les références globales, et une approche « microscopique » utilisant le système des références particulières, que nous serons en mesure de porter un jugement qualitatif sur notre dispositif de soins. Seul le décalage constaté par rapport aux références nous indiquera les problèmes sanitaires qu’il conviendra de résoudre. Une démarche de planification pourra alors vraiment commencer. • Un système de références globales Quels que soient les processus thérapeutiques choisis, un dispositif de soins en santé mentale doit être articulé avec le secteur social et satisfaire à un certain nombre de grands objectifs. Il doit pouvoir : - s’adapter aux évolutions des pratiques et des techniques - optimiser ses ressources - répondre aux besoins en soins de la population - favoriser l’accessibilité aux soins - assurer la qualité des soins. LE BESOIN DE SOINS EN SANTÉ MENTALE : CADRE DE RÉFÉRENCE • Un système de références spécifiques La prise en charge de certaines pathologies peut être en grande partie codifiée dans ses aspects principaux à partir desquels peut se construire un système de références particulières : - l’examen de l’organisation des prises en charge, pour une pathologie donnée, en un point du dispositif de soins. Ainsi, par exemple, l’accueil et la prise en charge des tentatives de suicide, l’organisation des cures de sevrage pour les éthyliques, la prise en charge des psychoses déficitaires… La difficulté à laquelle nous nous trouvons d’abord confrontés est que, dans le domaine de la santé mentale plus que dans les autres disciplines médicales, la « demande » peut être très différente du « besoin ». Elle est d’ailleurs, contrairement aux idées reçues, généralement en deçà du besoin. L’accès aux soins doit, bien entendu, être équitable pour tous les membres de la société qui en ont «besoin» et se faire dans un souci d’économie de moyens. En outre, la prise en charge des problèmes de santé mentale implique une participation de tout le sys- 35 Rencontres des cliniques psychiatriques privées tème de santé, y compris le système de soins primaire et le système de soutien social. La question de la demande de soins en santé mentale La demande de soins en psychiatrie est l’aboutissement d’un cheminement complexe dans lequel interviennent de nombreuses variables personnelles et sociologiques et souvent d’autres soignants qui œuvrent en amont. Non seulement la conscience de ressentir une forme de souffrance de type « maladie » ou même d’avoir un « problème de santé mentale» est variable suivant les classes sociales, mais elle est aussi influencée par d’autres facteurs tels que les opinions de l’entourage. Vient ensuite l’attitude par rapport au système de soins. Pour formuler une demande de soin, il ne suffit pas au sujet de concevoir qu’il a un problème, il lui faut également admettre que ce problème peut être soigné. Or, nombreuses sont les personnes qui pensent que les troubles de santé mentale sont incurables ou encore, à l’opposé, qu’ils s’amélioreront d’eux-mêmes avec le temps. Si la possibilité d’une amélioration apportée par des soins est envisagée par le demandeur, celui-ci devra ensuite prendre la décision de s’adresser à un médecin généraliste, à un psychologue ou, plus rarement, à un psychiatre. La consultation faite auprès du médecin généraliste peut aboutir à un diagnostic psychiatrique. La personne est alors soit prise en charge par le généraliste, ce qui est le cas le plus fréquent, soit adressée au système de soin spécialisé, public ou privé, qui peut par la suite renvoyer cette personne au généraliste pour son suivi. Dans notre système, la personne peut s’adresser directement à un psychiatre ou à une consultation dans le système public sans passer par le généraliste. Parfois, cette même consultation ne donne pas lieu à la reconnaissance du diagnostic psychiatrique par le médecin généraliste et, par conséquent, n’est pas prise en charge. Cette reconnaissance dépend en effet, elle aussi, de nombreux facteurs comme le style d’entretien (directif, centré sur les symptômes physiques), l’intérêt éprouvé par le praticien pour le domaine de la psychiatrie, sa formation, la présentation du patient et sa propre réticence à aborder ses problèmes de santé mentale. À cela s’ajouteront les problèmes d’accessibilité aux soins : présence ou éloignement des spécialistes, listes d’attente parfois trop longues… Toutes ces notions doivent être intégrées dans les mesures du besoin puisqu’un problème qui n’est pas ressenti comme tel n’aboutira pas à une demande. C’est pourquoi il est hautement souhaitable de proposer des actions d’information et d’éducation pour la santé, tant sur les symptômes que sur leur possibilité de traitement, plutôt que de mettre en place des offres de prise en charge qui risquent de ne pas être utilisées. La question du retentissement et de la gêne La question du retentissement est un concept charnière entre le symptôme et le besoin de soin, dès lors que l’on considère que le besoin de soin est à la fois la présence d’un trouble et un retentissement sur le fonctionnement dans la vie quotidienne. Le retentissement est en général fonctionnel mais il se manifeste souvent significativement sur la sphère psychique : c’est la souffrance psychique. Plus le trouble est sévère, plus le retentissement est important, même si le parallélisme n’est pas toujours évident. Enfin, la notion de durée des symptômes semble une composante clef dans la définition du besoin de soins ; dans une certaine mesure le besoin concerne les troubles qui durent. La mesure de cette notion de durée n’est toutefois pas évidente, car on manque d’études de suivi en population générale avec groupe de contrôle, qui permettraient de comparer les différents traitements, notamment la prise en charge dans le système de soins primaire, en milieu spécialisé, et l’évolution sans traitement. LA MESURE DES BESOINS INDIVIDUELS Le prototype de la réponse aux besoins de santé dans nos sociétés est celui de la demande d’aide d’un individu. Dans le modèle qui prévaut dans le contexte des services sanitaires et sociaux, cette demande donne lieu à une évaluation au cours de laquelle le besoin ressenti par la personne est mesuré par l’intervenant en 36 fonction de sa formation (médecin, infirmier, travailleur social, etc.) et de sa conception des problèmes pour lesquels son intervention peut aider. A partir de cette évaluation, s’engage une négociation d’où découle un contrat thérapeutique sur les problèmes ciblés, les interventions offertes et les résultats attendus. Ce modèle se rapporte facilement aux notions de demande (besoin exprimé), de ressources (offre de service) et d’utilisation des services (résultat de la négociation entre l’usager et les intervenants). Pour la plupart des intervenants en santé mentale, répondre aux besoins des usagers ne représente rien de nouveau, les intervenants ont toujours tenu compte des besoins. Il importe de préciser que le degré de négociation entre l’intervenant et la personne peut varier et a évolué dans les dernières décennies. D’une relation à caractère autocratique où l’intervenant dominait la négociation avec ses connaissances et son statut social, on évolue, sous la pression du mouvement des consommateurs, vers une ère de partage d’information sur la nature de la condition, de l’impact des interventions et des alternatives. Dans le champ de la réadaptation psychosociale, on se dirige même d’une approche centrée sur les besoins des usagers vers une approche menée par les usagers. Les procédures individuelles de mesure des besoins offrent des méthodologies qui n’excluent pas les différences de point de vue et examinent de façon systématique les problématiques de santé mentale et les interventions requises. LES METHODOLOGIES DE MESURE DES BESOINS DE SOINS EN SANTÉ MENTALE Définition (Kovess, Lesage) « Un besoin existe : 1) si une personne souffrant de maladie mentale présente un problème significatif dans les sphères cliniques ou sociales et 2) si une intervention thérapeutique ou sociale peut réduire ou contenir le problème. » Cette définition insiste sur la nécessité d’avoir un problème de santé mentale clairement identifié et « significatif », c’est-à-dire d’une certaine intensité et susceptible d’une intervention efficace, y compris dans le domaine social. Rencontres des cliniques psychiatriques privées Cette notion de besoins implique trois niveaux : - les problèmes liés à l’état de santé mentale ; - les interventions pour améliorer ou contenir cet état et ses conséquences ; - la réponse aux besoins, c'est-à-dire les ressources requises par ces interventions. Cette définition implique donc clairement que la présence de problèmes de santé mentale n’équivaut pas à un besoin de santé mentale. De même, l’identification d’un volume d’intervention ou de ressources n’équivaut pas à déclarer ces derniers comme étant équivalents aux besoins. En effet, tous les problèmes n’ont pas une solution ; toutes les interventions ne sont pas justifiées. pour s’assurer que chaque région dispose des moyens pour offrir une gamme diversifiée de programmes en santé mentale, la tâche du clinicien sera de fournir à son patient les interventions requises, le proche ou l’association d’apporter des conseils, d’aider à retrouver une vie sociale. Tous parlent de besoins en santé mentale, tous sont impliqués dans un système qui cherche à définir et combler les besoins en santé mentale. L’évaluation des besoins de soins en santé mentale La nécessité d’évaluer les besoins de soin en santé mentale tient à trois raisons distinctes : La mesure de ces états de santé mentale, de ces interventions ou de ces ressources n’équivaut donc pas à mesurer les besoins, même s’ils représentent des mesures essentielles pour y arriver, ou même si parfois, à l’intérieur de certaines balises, ils représentent des mesures indirectes des besoins. La mesure des besoins en santé mentale d’une population Les besoins d’une population représentent donc plus que la somme des besoins individuels de santé mentale, car ils sont définis également par la vision collective, politique et culturelle de la santé mentale. La réponse aux besoins d’un individu ne peut se poser dans la seule vision d’une motivation et d’une action de ce dernier, mais aussi dans un contexte social et culturel qui influence la manière dont on définit et l’on répond à ses besoins. Les « vrais » besoins, la réponse à ces derniers, ne se situent donc ni au niveau strictement individuel, ni au niveau de la population, mais dans une constante mesure de l’un et l’autre pour faire émerger à leur rencontre la meilleure réponse aux besoins définis selon ces perspectives. La détermination des besoins et des priorités dans les besoins nécessite donc la rencontre de la vision individuelle et de la vision épidémiologique des besoins : elle nécessite le point de vue complémentaire, parfois contradictoire des usagers, des proches, des intervenants, des planificateurs et de la communauté. La tâche du planificateur sera d’allouer équitablement les ressources financières - la désinstitutionnalisation qui a contribué à créer la recherche évaluative, - les préoccupations croissantes de la société et des gouvernements face aux coûts engendrés par les services de santé et les service sociaux, et à la nécessité d’une plus grande rationalisation des ressources, tant par la planification que par l'organisation des soins et des services. - Enfin, les enquêtes épidémiologiques des 20 dernières années, lesquelles ont montré des taux importants de désordres psychiatriques dans la population générale. Ces taux varient de 15 à 20 % selon les critères retenus. Les désordres identifiés dans la communauté sont essentiellement représentés par les troubles d’anxiété, de dépression et d’abus de substance. Leur ampleur considérable questionne sur les services disponibles et sur les besoins de services qu’ils pourraient commander. 37 L’évaluation des besoins de soins en santé mentale représente donc une tentative d’estimer pour une population identifiée les services requis. Une telle proposition suggère une notion épidémiologique, celle de taux de besoin dans une population donnée, et une notion de recherche évaluative, l’estimation de la nature et de l’ampleur des problèmes et les interventions requises. Quel est le juste besoin de soins ? Un ouvrage récent, fruit de travaux francoquébécois, développe une approche approfondie de cette problématique, au coeur de toute démarche planificatrice (Kovess, Lesage, et al, 2001). Un exposé quasiexhaustif de l’actualité de la question, des registres à prendre en compte, des étapes de son élaboration, et des différentes stratégies de conduite de cette planification y est effectué. Il apparaît que si les problèmes des patients, leurs besoins, sont fondamentalement les mêmes, l’organisation des systèmes de dispensation des interventions qui devra en découler est, quant à elle, étroitement dépendante des systèmes sociaux déjà en vigueur dans chacun des pays concernés, et pourra donc varier notablement. Quels paramètres retiendra-t-on pour affirmer qu’existe, pour une personne donnée, ce «besoin de soins» ? Ciarlo (1992) propose de définir des critères dans trois registres : ceux du diagnostic, de la détresse psychologique, et du retentissement fonctionnel. Selon la position du sujet vis-à-vis de ces variables, et des options retenues par le consensus sociétal, on affirmera ou non ce besoin de soins. Un instrument international, le NFCAS (Needs For Care Assessment Schedule) a été développé (Brewin and Wing, 1989) pour faire support aux tentatives d’objectivation du besoin de soins (Kovess, 2000, Wiersma, 1998). Il explore les différents registres des besoins du patient, besoins élémentaires, besoins sociaux, besoins de soins de santé. Le NFCAS évalue 20 problèmes (9 problèmes cliniques, sur la base d’évaluation standardisée, symptômes psychotiques, négatifs, ou physiques, et 11 problèmes de fonctionnement social, habiletés sociales, gestion de la vie quotidienne). En regard de ces problèmes, l’investigateur aura à statuer sur le besoin de soin approprié. Un besoin existe si le niveau de fonctionnement est, ou peut devenir, inférieur à un niveau minimum défini. Le besoin peut ne pas exister, ou