Denis PEKKIP RESTAURATION DU TEMPLE D`OPET

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Denis PEKKIP RESTAURATION DU TEMPLE D`OPET
Mémoire BTMS
Session 2010
Mémoire BTMS
Session 2010
Denis PEKKIP
RESTAURATION DU
TEMPLE D’OPET
Remerciements
Je souhaite remercier en premier lieu Madame Guichard, sans sa générosité, le projet de
restauration du temple d’Opet n’aurait pu exister et ce mémoire n’aurait pas lieu d’être.
Le Conseil Suprème des Antiquités et tout particulièrement, Mansour Boreik, Ibrahim
Soliman et Mohamed Hussein pour leur aide dans les méandres de l’administration
égyptienne.
Tous les participants du chantier d’Opet :
Les ouvriers égyptiens avec qui j’ai travaillé sur le chantier :
‫ صال ح‬، ‫ جاهد أم‬، ‫ حمادة‬، ‫( ومحمد )م ي سون( محمد‬Birbich) ، ‫ال نا صر ع بد ال رح يم ع بد‬
‫ م صط فى وح تى‬En espérant ne pas avoir trop écorché leurs noms.
- Emmanuel Laroze pour sa bonne humeur, sa confiance et son enthousiasme
- Stéphane Peala pour m’avoir tenu compagnie sous les dalles de plafond
- Franck Burgos pour sa présence bien que trop courte en début de chantier
Fanny Chauvet Restauratrice
Catherine Pille Restauratrice
Claire d’Izarny Restauratrice
Frédéric Vasques Restaurateur
Audrey Lanaure Restauratrice
Valérie Baudoin Restauratrice
Guillaume Charloux et son équipe
Tous les membres de l’équipe du Centre Franco-Egyptien d’Etude des Temples de Karnak,
qui ont à un moment ou un autre proposé spontanément leur aide pour le chantier.
-
Nicolas Pelletant sans qui je n’aurai sûrement jamais eu l’occasion de travailler en Egypte
-
François Larche pour ses lumières sur la culture égyptienne
-
Antoine Garric pour ses conseils avisés
-
Fulbert Dubois pour son ingéniosité et ses talents d’échafaudeur
-
Agnès Oboussier pour le soutien qu’elle nous a apporté en temps de crise
-
Clément Apffel et Nathalie Gambier pour leurs photos qui parsèment sans doute ce
mémoire
Rosemary Le Bohec Archéologue
Carole Zandona Administratrice
Romain Mensan Archéologue
Mme Elen Administratrice
Audrey Caparros Architecte
Giorgia Urbani Egyptologue
Anna Guillou Dessinatrice
Marie Millet Archéologue
Les vêtements de chantiers ont été confectionnés par Igwana Création : Anne Dubois
Et encore une fois merci à Emmanuel Laroze pour les documents qu’il m’a fourni pour
l’écriture du présent mémoire
Glossaire
Vocabulaire « quotidien »
Cataracte du Nil
: Les cataractes du Nil sont des rapides, plus que des chutes d'eau, dus à
des encombrements rocheux dans le lit du fleuve. Au nombre de six, elles rendent difficile et
dangereuse, en certains endroits, la navigation sur le fleuve, mais sans l’interrompre.
Cham el-Nessim : (“senteur de la brise”), fête égyptienne d'origine pharaonique, le premier
lundi après la Pâque copte, célébrée par tous les égyptiens (musulmans et coptes)
Fellahs : Un fellah est un travailleur agricole du Moyen-Orient, en Égypte et en Syrie en
particulier.
Galabiéh : Robe longue à manche (djellaba sans capuchon)
Sunnisme (arabe : ‫ سني‬sunnīy) est le courant religieux majoritaire de l'islam. Il représente 85
à 90% des musulmans.
Takièh : Turban
Wadis : Vallées
Vocabulaire en rapport avec la géologie :
Biogènes : Qualifie un élément produit par la vie ou provenant d'êtres vivants
Dolérite : Une dolérite est une roche magmatique intermédiaire entre le gabbro et le
basalte. Elle est constituée de grains visible à la loupe. De teinte verdâtre, elle est composée
de plagioclase en latte (ou baguette) englobé par de pyroxènes. C'est une roche compacte.
Roches ignées : Le terme « igné » signifie « né avec ou par le feu », une référence aux
éruptions volcaniques. Il s’agit donc de roches magmatiques
Roches métamorphiques : Les roches métamorphiques sont formées par la recristallisation
(et généralement la déformation) de roches sédimentaires ou de roches magmatiques sous
l'action de la température et de la pression qui croissent avec la profondeur dans la croûte
terrestre ou au contact d'autres roches.
Ces transformations se font à l'état solide, c'est-à-dire sans fusion de la roche (magmatisme).
C'est grâce au changement des conditions initiales de température (et parfois de pression)
que le métamorphisme se met en place. En effet, les composants chimiques perdent ou
gagnent une molécule d'eau (H2O) ce qui entraîne une réorganisation chimique, et donc
minéralogique, de la roche.
Vocabulaire lié à l’archéologie
Anastylose : L'anastylose est un terme archéologique qui désigne la technique de
reconstruction d'un monument en ruine grâce à l'étude méthodique de l'ajustement des
différents éléments qui composent son architecture.
Archéozoologue : A la fois zoologue et archéologue, il étudie les vestiges d’origine animale
(os, arêtes, cornes,…) pour en tirer des informations archéologiques comme les habitudes
alimentaires ou la pratique de l’élevage.
Architraves : L'architrave, également appelée épistyle, est une partie de l'entablement qui
porte horizontalement sur les colonnes, dans l'architecture antique et les styles qui s'en
inspirent.
Epigraphie : C’est l'étude des inscriptions réalisées sur des matières non putrescibles telles
que la pierre, l'argile ou le métal. Cette science a pour objectif de les dater, de les replacer
dans leur contexte culturel, de les traduire et de déterminer les informations qui peuvent en
être déduites.
Lithicien : Archéologue spécialiste des objets fabriqués en pierre
Naos : Saint des saints : Le naos est connu dans sa forme égyptienne depuis le début de
l'histoire de l'Égypte antique.
Chaque temple abrite un naos, salle ultime de l'élément divin renfermant une statuette à
l'image du dieu ou de la déesse. Un seul homme peut entrer en contact avec Dieu, Pharaon.
Celui-ci ne peut pas se multiplier partout dans le pays alors il se double, cultuellement, en
tant que grand prêtre. Le grand prêtre est le seul capable de pénétrer dans la salle sainte.
Orthophotographie : Les orthophotographies ou orthoimages sont des images rectifiées
géométriquement. Elles peuvent ensuite être référencées dans n'importe quel système de
coordonnées.
Pronaos : Le pronaos (du grec ancien τὸ προνάον), littéralement « l'espace situé devant le
temple », désigne le vestibule ou l'entrée d'un temple.
Salle hypostyle : Une salle couverte dont le plafond repose sur des colonnes
Talatats : Ce sont des blocs de dimensions 27x27x54 cm (soit ½X½X 1 coudée égyptienne).
Ce module de petite taille a été très utilisé par Akhenaton pour bâtir les temples à la gloire
d’Aton à Karnak. Ils peuvent être portés par un homme seul et permettent donc de
construire plus vite qu’avec les grands appareils généralement utilisés dans l’antiquité par
les égyptiens.
Triade : Désigne une sculpture où figurent trois personnages.
Vocabulaire lié au chantier :
Bastaings : Un bastaing est une pièce de bois obtenue par sciage dont la section fait
généralement 50mm x 150 mm ou 63mm x 160 mm à 180 mm.
Paraloid : Résine acrylique, insensible à la lumière et au vieillissement
Toluène : Le toluène, est un hydrocarbure liquide et transparent, utilisé comme produit de
départ industriel ou comme solvant.
Tour d’étaiement : Structure semblable à un échafaudage pouvant supporter une charge
importante
Sommaire
I.
Introduction.......................................................................................................................................... 1
II.
Le site de Karnak .................................................................................................................................. 2
A.
Contexte géographique et historique...........................................................................................3
1.
L’Egypte et la vallée du Nil ......................................................................................................3
2.
De (Ouaset) à Louxor ...........................................................................................................11
B.
Géologie ..................................................................................................................................18
1.
Contexte géologique ............................................................................................................18
2.
Les principaux sites d’extraction ............................................................................................22
3.
Utilisation des matériaux à Karnak ........................................................................................26
C.
Le site archéologique ...............................................................................................................27
1.
Redécouverte du site ...........................................................................................................27
2.
Les grandes phases de restauration et d’aménagement ..........................................................29
3.
Etat actuel ...........................................................................................................................33
III.
Le temple d’Opet ................................................................................................................................ 35
A.
Historique ...............................................................................................................................39
B.
Le projet de restauration ..........................................................................................................42
C.
Avancement du projet ..............................................................................................................43
D.
Campagne de travaux 2006.......................................................................................................44
1.
Fouille archéologique ...........................................................................................................44
2.
Restauration des peintures murales ......................................................................................45
3.
Etude architecturale .............................................................................................................47
IV.
La consolidation des architraves ........................................................................................................ 48
A.
Etude préalable........................................................................................................................49
1.
Diagnostic ...........................................................................................................................49
2.
Etude des solutions envisageables .........................................................................................49
B.
Etaiement................................................................................................................................51
C.
Consolidation...........................................................................................................................55
1.
Injection de résine ...............................................................................................................55
2.
Préparation du support ........................................................................................................55
3.
Poutrelles métalliques et armatures ......................................................................................57
4.
Coffrage et béton .................................................................................................................59
5.
Enduit de finition .................................................................................................................61
V.
Conclusion .......................................................................................................................................... 62
VI.
Annexes .............................................................................................................................................. 63
A.
Annexe I : Décision de l’Unesco pour Louxor 2030 ......................................................................63
B.
Annexe II : Planning prévisionnel des travaux à Opet de 2005 à 2010 par Emmanuel Laroze ..........68
C.
Annexe III : Rapport de G. Legrain sur l’effondrement partiel de la salle hypostyle ........................71
VII.
Bibliographie ...................................................................................................................................... 89
I.
Introduction
Quand Jean Paul Foucher m’a annoncé qu’il fallait rédiger un mémoire pour passer l’examen
du BTMS, j’ai immédiatement pensé au chantier d’Opet. Je pensais depuis quelques temps à
faire partager cette expérience.
En 2005, je pensais partir en Chine faire une expérience à l’étranger, je commençais à
désespérer de trouver une entreprise qui me propose un projet intéressant quand Nicolas
Pelletant m’appela pour me dire qu’il se trouvait en Egypte et que la structure pour laquelle
il travaillait, cherchait un tailleur de pierre pour démarrer un nouveau chantier.
Ce mémoire n’a pas pour but de démontrer quoi que ce soit mais de présenter un chantier
atypique et les choix techniques qui y ont été faits, à tort ou à raison. La littérature à ce sujet
est très limité, il y a bien quelques ouvrages qui traitent de restauration mais ils proposent
des solutions d’ordre général sans entrer dans les détails ou présentent des techniques de
pointes.
Je voulais également faire la présentation d’un pays finalement méconnu ; passionnant, tant
par son histoire que par la culture de ses habitants. Etant tailleur de pierre, je me suis bien
sûr intéressé aux phénomènes géologiques qui ont créé les gisements exploités sur le site où
je travaillais.
Pour l’historique du temple, j’ai eu la chance de rencontrer des gens passionnés par le sujet
au CFEETK qui ont pu guider mes recherches dans la riche documentation mise à disposition
de tous, à condition de pouvoir se rendre sur place. Le contenu n’étant malheureusement
pas encore numérisé.
J’espère que le tableau que je dresse ci-après pourra donner envie à d’autres tailleurs de
pierre de tenter une expérience à l’étranger.
| Introduction
1
II.
Le site de Karnak
Salle Hypostyle de Karnak – David ROBERTS, 1838
L
a première impression de Karnak est celle d’un palais de géants, les
grilles en pierre qui se tiennent encore aux fenêtres donnent la mesure
d’existences formidables ; on se demande, en se promenant dans cette forêt de
hautes colonnes, si l’on n’a pas servi là des hommes entiers enfilés à la broche
comme des alouettes
Gustave Flaubert
Voyages en Orient (1849-1852)
| Le site de Karnak
2
A.
Contexte géographique et historique
1.
L’Egypte et la vallée du Nil
a)
L’Egypte contemporaine
Géographie
Fig 1 : Carte de la République Arabe d’Egypte
| Le site de Karnak
3
L’actuelle République Arabe d’Egypte couvre 995 450 km² délimités par la mer méditerranée
au Nord, Israël et la Mer Rouge à l’Est, la Lybie à l’Ouest et le Soudan au Sud. Le climat est
semi désertique. Toutes les villes importantes sont situées dans la vallée du Nil et son Delta
ou sur les côtes. Le reste du territoire, mis à part quelques oasis éparses sont impropres à
l’activité humaine. La capitale actuelle est Le Caire.
Démographie
Fig.2 : Pyramides des âges de l’Egypte en 2008 (Données : US Census Bureau
La pyramide des âges est représentative d’un pays en voie de développement ; le taux de
natalité encore très élevé. Avec l’augmentation de l’espérance de vie, la population a doublé
au cours des 30 dernières années et pourrait encore doubler encore d’ici à 2050. Alors que
depuis 2006, le cours des denrées alimentaire de base a beaucoup augmenté, on est en droit
de craindre une crise majeure si une solution n’est pas trouvée.
| Le site de Karnak
4
La population totale s’élève à environ 80 millions d’habitants dont 46 % vivent en ville :
Tableau I : Les 5 plus grandes villes égyptiennes
Rang
Nom en arabe
Nom français
Population
1
‫ال قاهرة‬
Le Caire
8 millions
(17 millions avec Guizeh et Shubra alKhayma)
2
‫اإل س ك ندري ة‬
Alexandrie
3
‫س ع يد ب ور‬
Port Said
550 000
4
‫ال سوي س‬
Suez
500 000
5
‫األق صر‬
Louxor
430 000
3.9 millions
Souce : CAPMAS (Egypte) Central Agency for Public Mobilization and Statistics - 2007
Pour l’agglomération du Caire, la population varie selon les sources de 6 à 13 millions pour la
ville du Caire en elle-même et entre 15 et 25 millions pour son agglomération1 ; quel que soit
le chiffre réel, c’est la plus grande métropole du continent africain.
Fig 3 : Photo d’enfants dans une calèche lors de la fête de Cham el-Nessim
1
. Ces variations sont en partie dues à une population en forte croissance et à une urbanisation chaotique où
les territoires des communes ne sont parfois plus clairement définis. La plupart des loyers se payant de la main
à la main il est difficile de tenir un compte précis des habitants d’une ville.
| Le site de Karnak
5
La population est musulmane à 90% (essentiellement sunnites), il y a 8% de coptes2 (voir
encadré)
Les Coptes
devenir minoritaire à partir du XIVème
La tradition établit la fondation de
l’Eglise Copte par Saint Marc à
Alexandrie en 40 après JC, le
christianisme s’étend peu à peu en
Egypte sous la domination romaine
jusqu’à la disparition au 4ème siècle
de
la
religion
antique.
Les
occupations arabes se succèdent en
Egypte à partir du VIIème siècle,
l’église copte va à son tour perdre en
influence au profit de l’Islam pour
siècle.
L’église copte avance aujourd’hui le chiffre de 12 millions de fidèles (soit 15%
de la population), chiffre contesté par le gouvernement.
La langue copte a été pratiquée couramment jusqu’au XVIIème siècle, elle est
encore aujourd’hui utilisée comme langue liturgique.
Situation politique
L’Egypte est reconnue comme étant une république par l’ONU. Il est intéressant de noter
que le pays est dirigé par Hosni Moubarak depuis 1981. Bien que des élections soient tenues
tous les six ans, les conditions de participation ne permettent à d’autres candidats de se
présenter que depuis 2005. Lors des dernières élections, de nombreuses irrégularités
(blocage des bureaux, faux bulletins) ont été reportées par des ONG, observateurs de l’ONU
et journalistes3 du monde entier4, le président a néanmoins été réélu pour 6 ans avec 88,6%
des voix.
Les élections parlementaires de 2005 ont vu une forte percée du parti « illégal mais toléré »
des Frères musulmans qui occupent désormais près de 20% des sièges
2
Là encore les chiffres varient du simple au double, ici encore, il s’agit des chiffres officiels
Désorganisation et irrégularités perturbent l'élection présidentielle en Egypte, LeMonde – 7/09/2005
4
Egypt’s Ugly election, Washington Post - 10/12/2005
3
| Le site de Karnak
6
La frontière avec Israël et notamment la limite Ouest de la « bande de Gaza » est source de
tension. Le gouvernement égyptien est l’un des seuls parmi les pays arabe à entretenir des
relations diplomatiques avec Israël.
La présence policière est forte, notamment dans les zones touristiques depuis l’attentat de
1997 à Louxor sur le site de Deir el-Bahari. Jusqu’en 2009, les touristes ne pouvaient circuler
dans le pays que par le biais de convois escortés par la police touristique.
Economie
Avec 8 milliards de $ (soit 7% du PIB5), le tourisme (édifices historiques dans la vallée du Nil
et stations balnéaires de la Mer Rouge) est une des principales ressources financières de
l’Egypte et c’est la principale activité des habitants de la ville de Louxor. Il engendre un flot
de devises étrangères dans le pays qui contribue en grande partie à la relative bonne tenue
de l’économie égyptienne par rapport à ses voisins (Lybie et Soudan).
Fig. 4 : Foule de touriste à l’entrée du temple de Karnak
5
: Toutes les données économiques chiffrées proviennent du CAPMAS (Central Agency for Public Mobilization
and Statistics) et datent de 2007
| Le site de Karnak
7
La principale activité économique du pays est l’agriculture (14% du PIB mais 25-30% de la
population active), qui s’est développée tout au long de la vallée du Nil. Depuis la
construction du barrage d’Assouan en 1970, les crues du Nil sont contrôlées ; ce qui a permis
de considérablement étendre la surface exploitable. Malheureusement, les crues
apportaient aussi avec elles les alluvions qui rendaient les terres de la vallée naturellement
fertiles ; il faut dont traiter les terres pour maintenir le rendement nécessaire à une
demande toujours croissante.
Fig.5 : Exploitation agricole devant le temple de Medinet Habou sur la rive Ouest
(Photo ©C. Zandona)
Les autres sources de devises étrangères sont les revenus du canal de Suez (entre 3- et 5
milliards de $), les revenus envoyés par les émigrés (essentiellement dans les pays du golfe
persique) et l’aide américaine (2 milliards de dollars) depuis les accords de Camp David en
1979
Le salaire minimum est fixé par la loi depuis 1984 à la maigre somme de 35 Livres
Egyptiennes (LE) par mois, soit environ 5 Euros. Le salaire moyen est assez difficile à
déterminer car beaucoup de salariés cumulent plusieurs emplois et/ou ne sont pas déclarés ;
on estime généralement que le revenu moyen mensuel est entre 600 et 1200 LE (soit entre
40 et 80 Euros). Les femmes ne travaillant généralement pas, il n’y a bien souvent qu’un
revenu par foyer.
| Le site de Karnak
8
b)
L’Egypte antique
Ce mémoire n’a pas vocation à traiter de l’histoire de la civilisation égyptienne, un petit
aperçu semble néanmoins nécessaire pour situer dans le temps les édifices et les souverains
évoqués au long de ce texte.
La civilisation égyptienne a connu une succession de phases politiquement stables et
économiquement fastes. Ces époques appelées « Empire » (en bleu sur la frise) ont permis
le financement des grands chantiers de construction.
Des phases où l’unité de l’Egypte était remise en cause séparent les « Empires » successifs,
elles sont appelées « Périodes intermédiaires » (en rouge sur la frise). Pendant ces époques,
le souverain est souvent peu puissant et les chantiers de construction sont de moins grande
envergure.
Une chronologie approximative a pu être établie par les égyptologues en recoupant des
documents contemporains de l’Egypte antique comme le papyrus de Turin, la pierre de
Palerme ou encore la liste des règnes gravée sur un mur du temple d'Abydos. Les dates
indiquées ci-après sont à prendre avec caution étant donné l’imprécision dûe aux
changements successifs de calendrier et à l’échelle de temps concernée.
| Le site de Karnak
9
Fig.6 : Frise chronologique
| Le site de Karnak
10
2.
De
a)
(Ouaset) à Louxor
Histoire
D’abord une petite capitale de province, elle est la cité natale de la dynastie qui va réunir les
royaumes de Basse et Haute Egypte à la fin de la première Période Intermédiaire et fonder le
Moyen Empire ; la ville va alors prendre de l’importance. Sa situation géographique centrale
dans ce nouveau territoire va la transformer peu à peu en capitale administrative,
remplaçant Memphis.
L’usage de la pierre étant généralement réservé aux bâtiments de culte, peu de vestiges des
palais et édifices publiques bâtis à cette époque ont survécus. Les fouilles archéologiques,
notamment dans les zones où les tessons de poteries et les déchets alimentaires étaient
jetés, ont permis d’estimer que la population a pu atteindre un million de personnes aux
périodes les plus fastes.
Fig.7 : Quelques fragments de poteries en cours de tri lors d’une fouille au temple de Mut
(Photo ©Richard Fazzini - Brooklin Museum)
| Le site de Karnak
11
La propagation du culte d’Amon par les prêtres va lui conférer le statut de capitale
théologique jusqu’à la disparition de la religion égyptienne. C’est ainsi que les temples de la
rive Est vont se développer pour former le complexe tel qu’il subsiste en partie aujourd’hui.
L’autre côté du Nil sera le lieu de sépulture des souverains et des hauts dirigeants jusqu’à la
fin du Nouvel Empire. Le calcaire fin et tendre de la montagne est propice à l’excavation et la
décoration des tombes. La multiplication des caveaux dans les zones les plus saines va
former un réseau très dense que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de Vallées des
Rois, des Reines et des Nobles.
Fig.8 : Maquette du réseau de tombes de la Vallée des Rois exposée à l’entrée du site
Pour garder le secret des emplacements des tombes, les ouvriers qui travaillent sur le site
sont les seuls à vivre dans le secteur de la montagne. Le village de Deir el-Medineh, en partie
préservé, renferme également quelques tombes des artisans qui ont construit les sanctuaires royaux.
| Le site de Karnak
12
Fig.9 : Vue panoramique sur le village des artisans
Des temples funéraires à la gloire des souverains les plus puissants prolifèrent également. Ils
permettent de pérenniser le culte du Pharaon tout en gardant caché le lieu où repose le
corps du défunt.
A la fin du Nouvel Empire, le pays est à nouveau coupé en deux et la ville perd son statut de
capitale qui sera déplacée dans le Delta. Cela marque la fin de la nécropole qui ne sera plus
utilisée pour les sépultures royales.
Pendant la Basse Epoque, Taharqa va redonner vie à Ouaset en lançant de grands travaux
mais la ville sera pillée par les assyriens puis par les perses ; la ville perd alors encore en
importance et ne retrouvera plus la splendeur dont Homère faisait l’éloge.
T
hèba dans l'Aigyptia, où les trésors abondent dans les demeures,
qui a cent portes, et qui, par chacune, voit sortir deux cents
guerriers avec chevaux et chars
Extrait du Chant IX de « l’Iliade» d’Homère,
Traduction de Leconte De Lisle, 1850
Le nom grec, Thèbes, apparait à peu près à cette époque, son origine étymologique est
incertaine et ce nom ne sera que peu utilisé, Diospolis Megale6 restant l’appellation grecque
6
La grande cité de Zeus
| Le site de Karnak
13
la plus commune ou Diospolis Magna7 dans sa version romaine. Pourtant, c’est bien le nom
qui sera choisi par la suite pour désigner la cité antique.
Au cours de la période ptolémaïque, de nombreux travaux sont à nouveau engagés mais le
rôle de la ville reste essentiellement cultuel ; Thèbes gardera une importance dans la vie
religieuse pendant toute cette époque.
Ce n’est qu’avec l’arrivée du christianisme que les temples sont définitivement abandonnés.
Certains obélisques sont abattus pour réutiliser la pierre. L’activité économique est alors
concentrée sur les côtes de la méditerranée et de la Mer rouge ; Thèbes tombe peu à peu
dans l’oubli… Certaines tombes dans la vallée des Rois seront transformées en monastère,
les temples en chapelles, en forteresse ou en église. Sous le règne de Constantin (de 306 à
337), les premiers obélisques vont être déplacés, l’un ira à Rome et le deuxième à Istanbul 8.
A partir du Xème siècle, on ne trouve plus de traces écrites du nom de Thèbes, sa localisation
sera oubliée jusqu’au XVIIIème siècle.
Fig. 10 : Croix copte gravée par-dessus les hiéroglyphes sur la paroi du temple de Philae
La ville va changer de nom au VIIème siècle lors des conquêtes arabes pour Al Uqsur
(‫)األق صر‬, pluriel de Al Qasr qui signifie le château. Avec les déformations de prononciations,
le nom se transformera par Louxor, Louqsor ou Luxor pour les occidentaux.
7
La grande cité des dieux
Une trentaine d’obélisques sont disséminés à travers le monde, principalement en Italie, mais aussi en France,
en Allemagne en Grande-Bretagne ainsi qu’aux Etats-Unis et à Israël.
8
| Le site de Karnak
14
Fig.11 : Mosquée Abou el-Haggag construite à la fin du Xème siècle au dessus des couches de
sédiments du temple de Louxor
b)
Situation actuelle
Louxor et son agglomération compte aujourd’hui environ 430 000 habitants, la plus grande
source de revenu est le tourisme mais l’agriculture est encore l’activité principale d’une
grande partie de la population. Le projet d’urbanisme connu sous le nom de « Luxor 2030 »,
dont les travaux ont commencé en 2005, vise à étendre la capacité d’accueil des touristes et
à faciliter l’accès aux sites. Ce projet de grande envergure va profondément changer
l’architecture de la ville.
L’Allée des Sphinx qui s’étend sur plus de 2 km relie les temples de
Louxor et de Karnak a été engloutie sous les habitations, il est prévu
de la dégager, pour cela un grand nombre d’habitation devra être
détruit. Une nouvelle ville est en construction près de l’aéroport pour
accueillir la population expropriée.
| Le site de Karnak
15
Fig.12 : Tracé de l’allée des Sphinx
(1 :Temple de Karnak, 2 : Temple de Louxor ; photo ©Google-Imagerie)
Fig 13: Etat projeté de l’Allée des Sphinx après les travaux (source C.S.A.)
Le village de Gournah sur la rive Ouest était en partie
construit sur les tombes de la vallée des Nobles, il a été
détruit entre 2006 et 2008. La population a été relogée
dans le village de New Gournah, en bordure du désert.
| Le site de Karnak
16
Fig 14: Le village de New Gournah en cours de construction (© « CNL photography »)
Des travaux de voirie importants sont également prévus un peu partout dans la ville,
l’élargissement de certaines voies va nécessiter encore une fois la destruction d’habitations.
Fig 15: Destruction d’un immeuble pour élargir la route à Karnak
Tous ces aménagements provoquent de vives tensions dans la population locale qui se voit
dépossédée de terrains occupés depuis plusieurs générations. Les dédommagements
proposés sont souvent insuffisants et ne permettent pas de retrouver un logement
équivalent.
| Le site de Karnak
17
Le flot incessant de touriste génère un revenu important mais
la majorité de la population locale n’en profite pas beaucoup.
C’est essentiellement un tourisme de masse dont les tarifs
sont durement négociés par les agences de voyage qu’elles
soient locales ou étrangères. Mis à part les guides qui arrivent
à négocier une rémunération au pourboire, la plupart des
employés travaillant dans ce milieu touchent le salaire moyen
égyptien.
B.
Géologie
1.
Contexte géologique
Bien que l’on trouve des formations qui vont du précambrien
tardif au quaternaire (Voir Fig.16 : Echelle géologique et
Fig.18a et 18b : cartes géologiques de l’Egypte), la majorité
des gisements de roches datent de l’orogénèse panafricaine,
soit approximativement de 500 à 2600 millions d’années (Ma).
Cela inclut les roches ignées et métamorphiques qui forment
le socle cristallin de l’Egypte. Les roches du socle sont
généralement enfouies sous des couches de
roches
sédimentaires plus jeunes. Ces couches sont elles mêmes
recouvertes de dépôts d’alluvions géologiques récents
(quaternaires) : composés de graviers, sable et terre dans la
vallée du Nil et les wadis du désert ou de sables éoliens dans
les déserts à l’Est et à l’Ouest. Simultanément, des dépôts
biogènes se sont accumulés sur les côtes, formant des dunes
derrières
les
plages
méditerranéennes
et
des
récifs
carbonates sur la côte de la Mer rouge.
Fig.16 : Echelle géologique
(Age en millions d’années)
| Le site de Karnak
18
Des affleurements du socle précambrien ne sont visibles que dans certaines zones : Sud de la
péninsule du Sinaï, au sud est et au sud ouest du désert occidental et dans les collines qui
bordent la mer rouge à l’est du désert oriental. A la hauteur d’Aswan, ces collines ne bordent
pas seulement la mer rouge, la chaîne se prolonge vers le Nil et forme la première cataracte
dans la vallée. Des affleurements de roches sédimentaires forment les plateaux des déserts
et les limites de la vallée du Nil. Il s’agit principalement de grès au Sud (Haute Egypte) et de
calcaire en moyenne et basse Egypte.
Pendant les ères paléozoïques et mésozoïques, l’Egypte a été alternativement élevée au
dessus du niveau de la mer et inondée par des eaux peu profondes formant principalement
des roches détritiques (grès et mudstone) mais aussi des calcaires. Une large formation de
grès apparait ainsi dans le massif nubien vers la fin du crétacé. De la fin du crétacé à l’éocène
ce sont les dépôts de sédiments carbonés en eau peu profonde qui vont former la plupart
des gisements calcaires de la vallée du Nil.
Au cours de l’oligocène, l’activité tectonique sépare la péninsule arabique du continent
africain, créant la mer Rouge et surélevant le socle précambrien au dessus du niveau de la
mer, des sédiments détritiques sont à nouveau déposés sur les terres. L’activité magmatique
crée des digues de dolérite qui perturbent les roches en surface. Le volcanisme intense crée
de nombreux gisements de roches basaltiques.
Fig. 17 : Carrière de basalte au Sud du Caire
Avec l’apparition de reliefs en bordure de la mer Rouge, un fleuve apparait dans la vallée
mais ce n’est qu’au cours du quaternaire que les sources d’Uganda et d’Ethiopie viendront
l’alimenter pour créer le Nil tels que les égyptiens de l’antiquité vont le connaître.
| Le site de Karnak
19
Fig. 18a : Carte géologique du Nord de l’Egypte
| Le site de Karnak
20
Fig. 18b : Carte géologique du Sud de l’Egypte
| Le site de Karnak
21
2.
Les principaux sites d’extraction
Pour des raisons de facilité de transport, les carrières les plus utilisées étaient celles se
trouvant dans la vallée du Nil. Le fleuve permettait de transporter les pierres, parfois sur de
très grandes distances. On trouve ainsi un nombre impressionnant de grands blocs de granit
d’Assouan à Karnak (200 Km) mais aussi sur les sites de Gizeh et de Memphis (850 km).
Pendant la domination romaine, de nombreux sites vont néanmoins être exploités dans le
désert.
Par chance, l’ouverture ou la réouverture d’une carrière faisait l’objet d’une petite
cérémonie, une inscription était alors gravée sur une stèle ou, plus souvent, sur le front de
taille, on y trouve généralement le nom du Pharaon qui règne à cette période ou l’édifice
auquel est destinée la pierre qui sera extraite. On a donc une idée très précise de la
provenance des pierres. Nous ne détaillerons ici que les sites qui ont servis à la construction
du temple de Karnak.
Fig. 19 : Stèle gravée dans la carrière du Wadi Hammamat
| Le site de Karnak
22
a)
Les pierres de construction
Le grès et le calcaire étaient les pierres les plus utilisées. Depuis les premières dynasties, le
calcaire était le matériau de prédilection pour les pyramides, mastabas et les temples. A
partir de la fin du moyen empire, le grès fut utilisé pour la construction des temples dans les
régions où on pouvait l’extraire mais aussi dans la partie Sud de la zone d’extraction du
calcaire. Le long de la Mer Rouge, les bâtiments des périodes ptolémaïques et romaines ont
été construits en gypse.
Les carrières de calcaire sont presque toutes situées le long de la vallée du Nil entre le Caire
et Esna (Eocène, paléocène et pliocène). On en trouve également dans le Delta, à l’Ouest
d’Alexandrie (Ere quaternaire).
De nombreuses carrières de calcaire sont encore visibles et la méthode d’extraction est bien
connue (voir encadré).
Fig. 20 : Site d’extraction de calcaire au pieds des pyramides à Gizeh(Photo© Jeremy Ingham)
Extraction du calcaire
Avant de partir en Egypte, j’ai eu la chance de
participer à un test d’extraction organisé par
Pierre Crozat, cette expérience visait à évaluer le
temps nécessaire à l’extraction d’un bloc et
l’usure d’outils en bronze. Des tranchées ont été
creusées autour du bloc qui a ensuite été
décroché à l’aide d’un levier. L’opération a été un
succès, le bloc a été extrait sans endommager les
outils en bronze.
| Le site de Karnak
23
Le grès était extrait le long de la vallée entre Esna et le Nord du Soudan.
Fig.21 Plusieurs vues du site d’extraction du Gebel el Silsila
Le site du Gebel el Silsila est une des carrières les mieux préservées d’Egypte, on y a trouvé
de nombreux vestiges d’exploitation antique.
Le gypse provient des côtes de la Mer Rouge (Miocene) et de la région du Fayoum (Eocene).
Fig.22 Carrière de gypse dans la région du Fayoum
Des pierres plus dures ont aussi été utilisées pour certains édifices, c’est le cas de certaines
chapelles de barques à Karnak (calcite et quartzite) ou du temple de la vallée à Gizeh (granit
d’Assouan).
| Le site de Karnak
24
b)
Les pierres utilisées pour le statuaire
Pour leurs sculptures, les égyptiens ont utilisé presque toutes les pierres disponibles sur leur
territoire au cours de l’Histoire. A toutes les époques, ils ont utilisé le calcaire et le grès
quand d’autres choix n’étaient pas techniquement possibles (le Sphinx à Gizeh) ou quand
d’autres pierres n’étaient pas disponibles ; leur emploi reste assez rare en dehors de la
construction.
Pour trouver des pierres possédant les qualités adéquates, ils n’ont pas hésité à mener des
campagnes de prospection dans le désert, certaines se trouvent à une centaine de Km de la
vallée. Cela leur a permit d’obtenir une grande variété de matériaux, dont le choix dépendait
à la fois du projet pictural et de la symbolique.
Bien que la plupart des blocs extraits étaient destinés à des sculptures de petite taille, on
trouve aussi des sarcophages décorés ou des triades dont le bloc capable devait être de 4 à 5
m3. Dans ce dernier cas, les blocs étaient dégrossis sur place avant d’être transportés vers la
vallée.
Fig.23 : Colonne abandonnée dans une carrière du Mons Claudianus
Par la suite, certaines de ces carrières seront largement exploitées par les romains dans leurs
projets de construction ; c’est le cas par exemple du Mons Claudianus dont la pierre sera
utilisée pour les colonnes du Panthéon à Rome. Certaines seront abandonnées et on a
retrouvé de nombreux récipients en pierres dures (serpentine, pyroxénite et stéatite) lors de
fouilles archéologiques dont on ignore encore la provenance. Comme il s’agit de petits
objets, on peut supposer que ces gisements étaient peu importants en taille et/ou
difficilement accessibles.
| Le site de Karnak
25
3.
Utilisation des matériaux à Karnak
Fig. 24 : Divers édifices dans le temple de Karnak (De gauche à droite : Obélisque en granit, pylône en
grès et bas relief en calcaire)
Le grès, le calcaire et le granit rose sont les principaux matériaux de construction ;
Fig. 25 : Divers édifices dans le temple de Karnak (De gauche à droite : chapelle en granit noir et
quartzite, bas relief dans un bloc de calcite)
La quartzite (carrière du Gebel Ahmar), le granite noir et la calcite (carrière d’Hatnub) ont
aussi été utilisés mais en moins grande quantité.
Le calcaire blanc au grain fin provient des carrières de Tura et Massara (650 Km au Nord),
dans l’actuelle ville du Caire.
Les carrières du Gebel el-Silsila (à 160 Km au Sud) fournissaient la majeure partie du grès.
Les obélisques, certains linteaux et seuils de portes et la plupart des colosses ont été réalisés
en granit rose d’Assouan.
| Le site de Karnak
26
C.
Le site archéologique
1.
Redécouverte du site
Bien que le site soit régulièrement visité au cours des siècles, ce n’est en 1720 que le prêtre
jésuite Claude Sicard va identifier les ruines et dresser une carte de l’Egypte où apparaissent
les grands sites de l’antiquité. L’intérêt pour l’égyptologie va alors croître en Europe,
atteignant son paroxysme au retour de l’expédition de Bonaparte et la parution de la
« Description de l’Egypte » de 1809 à 1829.
Fig.26 : Vue de la porte et des temples du Sud9
(Une des 974 planches de la « Description de l’Egypte »)
9
C’est ainsi que sont désignés les temples d’Opet (que l’on aperçoit à gauche) et de Khonsou (au milieu)
| Le site de Karnak
27
Q
uelques jours plus tard, la division arrive par la rive gauche du Nil de
Thèbes. « Cette cité reléguée que l’imagination n’entrevoit plus qu’à
travers l’obscurité des temps, était un fantôme si gigantesque pour
notre imagination que l’armée, à l’aspect de ces ruines éparses, s’arrêta
d’elle-même, et, par un mouvement spontané, battit des mains, comme si
l’occupation des restes de cette capitales eût été le but de ses glorieux travaux,
eût complété la conquête de l’Egypte. Je fis un dessin de ce premier aspect,
comme si j’eusse pu craindre que Thèbes ne m’échappa ; et je trouvais dans le
complaisant enthousiasme des soldats, des genoux pour me servir de table, des
corps pour me donner de l’ombre, le soleil éclairant de rayons trop ardents
une scène que je voudrais peindre à mes lecteurs, pour leur faire partager le
sentiment que me firent éprouver la présence de ces grands objets et le
spectacle de l’émotion électrique d’une armée composée de soldats, dont la
délicate susceptibilité me rendait heureux d’être leur compagnon, glorieux
d’être Français.
Extrait de « Voyage dans la Basse et Haute Egypte »
Vivant Denon, 1802
Les missions de « fouille » vont se multiplier sur l’ensemble du territoire. La région de Louxor
et surtout la Vallée des rois en souffrira. La plupart des missions ont pour unique objectif de
ramener des objets pour les musées et les collections privées ; un commerce lucratif qui se
fait dans l’indifférence des autorités locales. L’industrialisation bat alors son plein en Egypte ;
les temples sont parfois utilisés comme carrières pour le grès et les blocs de calcaires sont
utilisés dans les fours à chaux.
| Le site de Karnak
28
Fig.27 : Transport d’un colosse, celui-ci sera vendu au British Museum par Belzoni
Le pillage va se poursuivre jusqu’en 1850 ; des passionnés, comme Auguste Mariette,
commencent alors à prendre conscience des dégâts provoqués. L’archéologie va alors
commencer à s’organiser ; néanmoins des objets vont continuer à quitter le territoire
égyptien, et les fouilles sont souvent réalisées dans des conditions qui seraient aujourd’hui
inadmissibles.
2.
D
Les grandes phases de restauration et d’aménagement
es plans de terre disposés par étage pour aller chercher les pierres à vingt
mètres de hauteur, des chèvres semblables à celles dont on se servait sous
la XIXe dynastie, des blocs en marche sur des rouleaux d'acacia, et halant aux
cordes, des files de fellahs vigoureux, la galabiéh bleue au dos ou le caleçon blanc
aux reins, la takièh brune au crâne : si Ramsès II revenait inspecter les travaux qui
s'exécutent en ce moment à Karnak, il pourrait s'imaginer d'abord que rien n'est
changé dans son Égypte. Le gros de nos ouvriers a presque le costume des siens,
et les procédés dont nous usons pour déménager les colonnes renversées lors de la
catastrophe du 3 octobre 1899 sont les mêmes à peu près que ceux qu'il employa
pour les bâtir. [..] M. Legrain, qui dirige la besogne en jaquette grise et en casque
de liège de forme champignon, ne lui rappellerait en aucune façon feu le grand
prêtre d'Amonrâ, roi des dieux, Baoukounikhonsou, qui présidait, sous son règne,
aux constructions de Thèbes. Les chèvres sont d'ailleurs armées de palans
différentiels, au jeu desquels il n'entendrait rien ; l'aise avec laquelle les grosses
architraves se meuvent sur les trucks Decauville lui semblerait tenir de la magie,
et je ne sais trop comment nous nous y prendrions pour lui expliquer le
mécanisme des vérins hydrauliques.
Gaston Maspero, Ruines et paysages d'Égypte.
Louxor, le 24 janvier 1901
C’est au XIXème siècle que commencent les travaux de restauration du temple ; bien que
certains édifices aient été partiellement dégagés pour en effectuer des relevés, les bâtiments
restent en grande partie enfouis par les couches de sédiments peuvent atteindre 6 mètres
par endroits.
| Le site de Karnak
29
Auguste Mariette va commencer le fastidieux travail de dégagement en 1858, il publiera une
première étude topographique et un recueil des textes relevés sur les parois qui étaient
jusqu’alors inaccessibles.
Georges Legrain va prendre la suite de 1895 à 1917, non sans difficultés puisque, en 1899, 11
colonnes de la salle hypostyle vont s’effondrer, il faudra alors les remonter et les
consolider10. Il va également faire dégager la cour des Ier et VIIème pylône, sous le dallage
de cette dernière, 800 statues et 16000 objets vont être découverts, ce qui lui vaudra le nom
de « cour de la cachette »
Fig.28 : La salle hypostyle après l’ « incident » de 1899 (Photo CFEETK)
10
Le rapport de cet incident est détaillé dans le rapport de Georges Legrain en Annexe III
| Le site de Karnak
30
Fig. 29 : Un fragment d’obélisque est hissé le long d’une rampe (Photo CFEETK)
De 1921 à 1926, Maurice Pillet continue le dégagement de l’allée Nord-Sud, pendant cette
période, le Xème puis le IIIème pylône seront consolidés. Pendant les travaux, les ouvriers
découvrent dans l’épaisseur des murs des blocs d’édifices antérieurs qui seront stockés à
l’extérieur pour être étudiés.
Sous la direction de Henri Chevrier, de 1926 à 1954, les travaux vont s’accélérer ; il va
introduire l’utilisation du chemin de fer dans l’enceinte du temple et mettre en place un
canal de drainage pour limiter les effets de la crue. Il va aussi continuer le « vidage » du
IIIème pylône, dont il parviendra à reconstituer le premier « puzzle » : la chapelle blanche
qui sera reconstruite dans le musée de plein air au Nord Ouest de l’enceinte.
Fig.30 : La Decauville utilisée par Henri Chevrier installée à l’entrée du site de Karnak
| Le site de Karnak
31
En 1967, le CFEETK est créé, il prévoit la collaboration de chercheurs et techniciens français
(dépendants du CNRS et du MAE) et égyptiens (dépendants du CSA) sur le site. Parmi les
travaux de restauration importants réalisés depuis on peut citer :
-
Des travaux d’anastylose et de reconstruction dans le musée de plein air comme la
chapelle rouge d'Hatchepsout ou la cour à portique de Thoutmôsis IV
L’anastylose, le relevé, le démontage et la reconstruction du IXème pylône. A
l’intérieur du pylône, on a trouvé plus de 12000 talatats (voir encadré) dont la
plupart sont épigraphiés, ils ont été photographiés et relevés individuellement.
L’opération, au total, a duré près de 30 ans.
Fig.31 : Le IXème pylône avant et après restauration
-
Depuis 2008, l’ARCE (American Research Center in Egypt) a aussi signé une
convention avec le CSA et participe aux travaux de restauration à Karnak, notamment
sur le temple de Khonsou.
Les talatats
Ce sont des blocs de dimensions
27x27x54 cm (soit ½X½X 1 coudée
égyptienne). Ce module de petite taille
a été très utilisé par Akhenaton pour
bâtir les temples à la gloire d’Aton à
Karnak. Ils peuvent être portés par un
homme seul et permettent donc de
construire plus vite qu’avec les grands appareils généralement utilisés dans
l’antiquité par les égyptiens.
| Le site de Karnak
32
3.
Etat actuel
Fig. 32 : Vue générale du temple prise depuis une montgolfière (Photo © C. ZANDONA)
Le temple de Karnak est aujourd’hui un immense complexe dont certaines parties datent de
plus de 3000 ans. Les ruines souffrent aujourd’hui de nombreux maux :
-
Les remontées salines qui altèrent les pierres, surtout depuis la construction du
barrage d’Assouan qui a arrêté les crues qui chassaient les sels. Celles-ci ont
particulièrement touché les blocs qui proviennent des pylônes qui ont parfois été
stockées à même le sol.
-
Les dégradations causées par la présence d’une moyenne de 6000 visiteurs par jour
avec des pics pouvant atteindre 20000 visiteurs par jour pendant les périodes de
vacances en occident.
-
Les violents chocs thermiques quotidiens. Il n’est pas rare de constater une
amplitude de 25 à 30° C dans une même journée.
-
Les changements de niveaux de la nappe phréatique qui ont provoqué des
affaissements ou des tassements de terrain. Grâce à l’ARCE, cela ne devrait plus
poser de problèmes depuis qu’ils ont mis en place un système de régulation de la
nappe fonctionnant avec des pompes qui reprend plus le moins le tracé du drain qui
avait été mis en place par Henri Chevrier.
| Le site de Karnak
33
Fig.33 : Plan général du temple de Karnak (©Emmanuel Laroze-CFEETK)
Avec des constructions réparties sur plus de 25 Ha, il est parfois difficile de prioriser les
interventions avec un budget et des équipes qui sont limités. On peut néanmoins constater
que le temple, malgré son état de ruine, est globalement en bon état et aucune des parties
du temple n’est en péril immédiat.
Il n’en est pas de même de tous les vestiges datant d’après la période pharaonique qui se
trouvaient dans et autour de l’enceinte et qui ont été systématiquement détruits au cours
des divers aménagements du site. De même, les sites ne se trouvant pas sur les circuits
habituels des touristes sont généralement en bien moins bon état. L’Unesco a d’ailleurs
fortement réprimandé les responsables du projet « Luxor 2030 » dans son dernier rapport
de mission11 (Voir annexe I)
11
Ce rapport n’a malheureusement pas été traduit en français, c’est donc la décision de l’Unesco prise à la
suite de la lecture du rapport en séance qui est en Annexe.
| Le site de Karnak
34
III.
Le temple d’Opet
Relevé du temple d’Opet – « Description de l’Egypte », 1809-1829
Vue panoramique du temple d’Opet pendant les travaux (©CNRS-CFEETK)
| Le temple d’Opet
35
Plusieurs noms lui sont donnés par les égyptiens : « le temple de la déesse Opet, la grande,
au côté gauche du temple de Khonsou », « le lieu où fut engendré Osiris », « où est engendré
Osiris de Thèbes », ou encore « le lieu de l’enfantement ».
Opet elle-même est parfois appelée Touéris et le temple ne lui est pas entièrement dédié, il
est aussi la tombe d’Osiris, dieu des morts et de la renaissance. On trouve dans le temple le
mécanisme de réincarnation d’Osiris, personnifié par Opet : Déesse de la fertilité et de la
protection, elle défend tout ce processus de la régénération.
Fig.34 : Plan de l’angle Sud-ouest de Karnak (©Emmanuel Laroze-CFEETK)
L’édifice est situé au sud ouest du complexe près du temple de Khonsou qui lui-même fait
face à la porte d’Evergète. Ces deux temples sont les vestiges d’un ensemble cultuel qui
devait être indépendant du sanctuaire d’Amon.
| Le temple d’Opet
36
L
es deux sanctuaires fusionnent à l’unisson. Le temple d’Opet est dédié
à un concept théologique, traduit par l’image d’un hippopotame
gravide, qui n’est autre que la mère universelle, identifiée à Nout. (...). Le
temple d’Opet (...) est le siège de la naissance de la lumière, synthèse de la
fusion des deux aspects de l’énergie divine latente la nuit en Osiris, vivante et
créatrice, le jour, en Amon-Rê. Au couchant, Amon-soleil entre dans le corps
d’opet-Nout pour y passer à l’état de « mort-gestation » de l’extinction de la
lumière des astres. Il est alors Osiris, celui qui peut renaître(...).
Extrait de « l’Egypte restituée »,
Jean-Claude Golvin
Une porte en grès, ouverte dans l’enceinte en terre crue bâtie par Nectanebo I, permet un
accès direct au pylône qui lui-même donne sur la court où l’on peut voir les traces d’un petit
kiosque à colonnes. Une rampe permet l’entrée dans le Pronaos. C’est la plus grande salle,
elle permet d’accéder au toit par un escalier situé au Nord Est et à des couloirs qui mènent à
de petites « chambres » dans les 3 autres coins ; chacune de ces petites salle possèdent une
entrée dissimulée dans le dallage permettant d’accéder à des souterrains.
Fig.35 : Plan d’Opet (©Emmanuel Laroze-CFEETK)
| Le temple d’Opet
37
Les dalles de plafond du Pronaos sont supportées par des architraves qui sont encastrés
dans les murs d’un côté et posés sur des colonnes à chapiteau hathorique de l’autre. Dans
les autres pièces du temple, les dalles de plafond reposent directement sur les murs.
La seconde pièce sur l’axe Est Ouest est la « Salle des offrandes »
qui s’ouvre au Sud et au Nord sur deux chapelles dédiés au mythe
d’Osiris. Dans les murs de ces chapelles se trouvait un mécanisme
caché permettant d’accéder aux cryptes se trouvant de part et
d’autre du Saint des saints. La salle des offrandes donne enfin sur
le Saint-des-saints orné d’une niche, dans laquelle reposait
vraisemblablement une statue d’Opet, peut-être celle retrouvée
Fig. 36 : Statue d’Opet
au musée du Caire
par Mariette dans ce secteur de Karnak et exposée aujourd’hui au
musée du Caire.
Fig.37 : Coupe longitudinale d’Opet obtenue à partir d’un scan 3D
(©Emmanuel Laroze-CFEETK-ATM3D)
Bien que le temple reproduise en coupe la progression classique d’un temple égyptien avec
des salles qui se réduisent en hauteur au fur et à mesure de la progression, la disposition des
salles et particulièrement le plan cruciforme formé par le Pronaos, la salle des offrandes, les
chapelles et le Naos sont tout à fait inhabituels.
| Le temple d’Opet
38
A.
Historique
Fig.38 : Fouilles dans la chapelle Sud en 2005 (cliché 106220 © CNRS-CFEETK / Y. Stoeckel)
Les fouilles menées par Guillaume Charloux en février et novembre 2007 ont permis de
mettre au jour des fondations qui dateraient du règne de Taharqa ; les sondages réalisés
dans la cour ont permis de trouver des céramiques et des empreintes de sceaux qui
attestent une occupation du lieu depuis le Moyen Empire. Deux blocs trouvés dans la cour
indiquent qu’un temple dédié à Opet avait également été construit par Thoutmosis III.
Le temple, bien que constituant un édifice d’apparence homogène, a été bâti en plusieurs
phases ; seul le pylône aurait survécu du temple construit du temps de Taharqa. Les autres
parties de l’édifice porte les noms de Ptolémée II et III, mais l’essentiel de la décoration
intérieure est attribué à Ptolémée VIII. On trouve à l’extérieur des décorations faite du
temps de Caesar Augustus12.
12
Ocatavien Auguste, neveu de Jules César.
| Le temple d’Opet
39
Fig.39 : Vue du pan de mur manquant et de la partie restante de l’escalier
(Photo© CNRS-CFEETK/E.Laroze)
Après l’époque pharaonique, le temple a été utilisé comme carrière, il manque donc
quelques pierres dans les parties hautes, c’est certainement à cette époque que le mur Nord
ouest du Pronaos et l’escalier qui menait au toit ont disparus.
A une époque indéterminée, des pilleurs ont détruit le dallage en plusieurs endroits pour
accéder aux souterrains.
On sait qu’il a été utilisé comme cuisine au XIXème siècle, il était peut-être aussi utilisé
comme habitation auparavant, un incendie a gravement endommagé le plafond de la salle
des offrandes et les encadrements de portes à l’intérieur. Les murs et les plafonds sont
couverts de suie.
| Le temple d’Opet
40
Fig. 40 : Cecilia Sagouis fait des essais de nettoyages par compresses sur le plafond de la chapelle
Nord, on voit la couche se suie (Photo© CNRS-CFEETK).
Les colonnes du Pronaos ont été partiellement restaurées par Georges Legrain au début du
XXème siècle
La cour a été très abîmée au cours des siècles, le pylône et les murs d’enceinte ont presque
disparus, il n’en reste que 4 à 5 assisses. La rampe qui mène à la porte principale a disparu
récemment (elle est encore visible sur certaines photos de Henri Chevrier prises dans les
années 1930), sûrement lors de travaux de voirie.
Fig. 41 : Photo prises au début du XXème siècle. De gauche à droite : Dégagement de la cour, La rampe
visible avant et après la reconstruction de l’enceinte (Photo© CNRS-CFEETK).
| Le temple d’Opet
41
Jusqu’en 2004, le temple est utilisé comme magasin par le CSA, il contient beaucoup de
fragments épigraphiés et de petits objets qui ne peuvent être stockés à l’extérieur car ils
risqueraient de « disparaitre ». Un mur de briques en terre crue a été construit au Nord Est
pour refermer le Pronaos. Des chauves souris ont élu domicile dans le temple, des
excréments couvrent les parois intérieures.
B.
Le projet de restauration
L’étude épigraphique a été réalisée mais aucune étude architecturale n’avait encore été
menée. Même les relevés existants s’avèrent sommaires et imprécis. En février 2004, le
CFEETK, à l’initiative d’Emmanuel Laroze, va y remédier en faisant intervenir l’entreprise
ATM3D qui réalise un relevé en 3D du temple à l’aide d’un scanner. Ce projet va permettre
de perfectionner la technique, encore expérimentale dans le domaine du relevé de sites
antiques. L’objectif visé est de réaliser une maquette numérique du temple sur laquelle des
images seront plaqués à l’aide des techniques d’orthophotographie.
Scan 3D
Le scanner permet de relever une
multitude de points dans l’espace.
Le « nuage » ainsi créé peut servir
à définir un volume dans un
logiciel de dessin. Le volume créé
on peut plaquer les photos prises
sur site sur l’objet en 3D pour
obtenir un rendu fidèle à la réalité.
Le
relevé
au
scanner
est
particulièrement utile dans le cas d’un bâtiment endommagé, un relevé manuel
ne peut pas rendre aussi bien les cassures, fissurations et déformations d’un
bâtiment car cela prendrait trop de temps, surtout à l’échelle d’un temple comme
Karnak. Grâce à cette technique, les éventuelles détériorations, déformation du
bâtiment ou mouvement de terrain sont beaucoup plus faciles à repérer.
| Le temple d’Opet
42
Fig. 42 : Equipe ayant participé au scan du temple d’Opet. De gauche à droite : Emmanuel Laroze, Eric
Varrel, Bertrand Chazaly, David Lhomme et Yvan Robin en février 2004. (Photo ©CFEETK/ATM3D)
C’est à la suite de cette mission qu’il sera décidé de lancer un programme de restauration.
Jusque là, comme le temple était quasiment inaccessible, aucun diagnostic n’avait été réalisé
depuis Auguste Mariette. L’état des architraves était masqué de l’extérieur par le mur en
terre crue construit lors de la reconversion en magasin
C.
Avancement du projet
Le 20 avril 2005, une première rencontre entre les différents corps de métier concernés par
la restauration du temple d’Opet réunit Emmanuel Laroze (architecte, directeur du CFEETK),
Franck Burgos (conducteur de travaux), Antoine Garric (tailleur de pierre), Cécilia Sagouis
(restauratrice), Agnès Oboussier (restauratrice) et Gaël Pollin (photographe).
Cette rencontre permet de se rendre compte de l’urgence des travaux à entreprendre,
notamment dans le Pronaos où les architraves et le linteau de la porte principale sont très
endommagés. Les excréments de chauves souris risquent d’abîmer à plus ou moins court
terme les peintures encore présentes sous les couches de suie.
| Le temple d’Opet
43
Grâce à la contribution financière de Mme Brigitte Guichard et l’enthousiasme d’Emmanuel
Laroze, le chantier peut commencer dès le mois d’octobre 2005 (pour le planning détaillé
des travaux voir Annexe II). Après la phase d’installation de chantier et les tests de
nettoyage, la restauration de la chapelle à l’Est est réalisée ; dans le même temps le dallage
intérieur qui présente un grand nombre de trous de pilleurs et de dalles manquantes est en
partie restauré et des gaines électriques sont placées sous celui-ci quand cela est possible.
D.
Campagne de travaux 2006
C’est après la première campagne que j’ai pris le poste de tailleur de pierre sur le chantier en
Novembre 2006. Jusqu’en juillet 2007, différentes opérations se sont déroulées, bien que je
n’y ai pas participé directement, je les détaille ici car elles ont toutes une influence sur le
déroulement du chantier.
1.
Fouille archéologique
De février à mars 2007, Guillaume Charloux (archéologue) et son équipe composée de
Angevin
Raphaël (lithicien),
Monchot
Hervé
(archéozoologue),
Roberson
Joshua
(Egyptologue), Virenque Hélène (Egyptologue) vont faire plusieurs sondages dans la cour
intérieure et en bordure du temple. Lors de ces fouilles, ils vont constater que le bâtiment
actuel repose sur les fondations d’au moins 3 édifices antérieurs et que le site a connu 9
phases d’occupation.
Les blocs épigraphiés, les fragments de vaisselle et les sceaux retrouvés dans les tranchées
permettront de déterminer les époques d’occupation
Les ossements et autres objets permettent de se faire une idée de la vie quotidienne des
thébains à ces différentes époques.
| Le temple d’Opet
44
2.
Restauration des peintures murales
Des restauratrices françaises et égyptiennes vont collaborer pour les travaux de
consolidations des gravures et peintures des chapelles Sud et Nord. C’est, pour les deux
équipes, l’occasion d’échanger sur les techniques et la doctrine qui sont parfois assez
éloignées.
Fig. 43 : Nettoyage en cours de la chapelle Nord. De gauche à droite : Claire d’Izarny, Haffaf
Mahmoud et Wouafa Abd el Hamd
Le protocole adopté consiste à poser des compresses de celluloses imbibées de carbonate
d’ammonium dilué (3%) dans de l’eau déminéralisée. Les compresses permettent d’aspirer
les salissures dans la solution aqueuse et ramollissent considérablement les couches de
concrétions qui peuvent ensuite être enlevées mécaniquement à l’aide d’un scalpel.
| Le temple d’Opet
45
Fig. 44 : Détail du mur Ouest de la chapelle Nord, avant et après nettoyage
Ce premier nettoyage est suivi d’un passage à la micro sableuse qui permet de retrouver
presque partout une paroi saine et exempte de dépôts.
Dans les zones les plus fragiles, un agent de consolidation très dilué (résine acrylique) est
appliqué pour fixer la couleur au support. Ces produits ont la particularité de ne pas modifier
la porosité du support, ainsi les échanges d’humidité peuvent se faire normalement, de plus,
ils sont très facilement réversibles, si une restauration devait être à nouveau réalisée.
| Le temple d’Opet
46
3.
Etude architecturale
Le scan 3D a permis de réaliser une image du temple, qui constitue un support précieux mais
parfois insuffisant. Ainsi, un relevé traditionnel au 1/20 ème est réalisé pour comprendre
l’agencement des blocs et les étapes de construction. Cela a permis notamment de
déterminer que les dalles de plafond ont été amenées par une rampe située au Nord d’Opet
pour être glissées sur le toit d’Est en Ouest.
Fig. 45 : Aperçu relevé au 1/20ème de la court et du temple (Plan ©CFEETK-CNRS/Emmanuel Laroze)
Un relevé topographique de toute la zone du temple de Karnak est également en cours, il
permettra, à terme de placer les bâtiments existants mais aussi des projections de
constructions antérieures. Ces édifices qui ont été remontés dans le musée de plein air ou
dont l’anastylose a été réalisée et peuvent ainsi être replacés virtuellement à leur situation
d’origine.
| Le temple d’Opet
47
IV.
La consolidation des architraves
L’architrave la plus endommagée dans l’angle Nord-Ouest
(Photo© CNRS-CFEETK/E.Laroze)
| La consolidation des architraves
48
A.
Etude préalable
1.
Diagnostic
C’est probablement le feu qui a fait une partie des dégâts, la pierre est calcinée en plusieurs
endroits et les jambages de portes montrent les éclats caractéristiques causés par le feu.
Cela dit, la destruction volontaire n’est pas à exclure pour l’architrave Nord Ouest qui est la
plus endommagé, on a vu que le temple avait été utilisé comme carrière ; peut-être qu’une
des dalles de plafond « extraite » a pu heurter l’architrave.
Tout mouvement ultérieur semble peu probable ; le sol est stable et sous constante
surveillance depuis des années, de même le court du Nil est désormais complètement
contrôlé grâce au barrage d’Assouan.
2.
Etude des solutions envisageables
Fig. 46 : Recommandations de consolidation par Auguste Mariette
(Grand bey, rapport sur les temples égyptiens, 1888)
Plusieurs solutions ont été utilisées à d’autres endroits du temple, mais aucune ne convient
vraiment à la situation présente.
| La consolidation des architraves
49
Les architraves ne peuvent être démontées pour les consolider. Les dalles de plafond
reposent en partie dessus et celles-ci pèsent près de 10 tonnes chacune. En les déposant, il y
aurait de gros risques de perturber l’équilibre du reste du temple. De plus, aucune grue
pouvant supporter ce type de charge n’est présente dans la région.
Il est également impossible de solidariser les fragments à l’aide de tirants ou de goujons
comme dans la grande salle hypostyle de Karnak, la charge est trop importante et les blocs
sont fissurés en trop d’endroits.
Fig.47 : Schéma de principe pour la restauration des architraves dans la grande salle hypostyle de
Karnak (© CNRS-CFEETK)
Fig.48 : Schéma de principe pour la restauration des architraves à Opet
(© CNRS-CFEETK/E.Laroze)
| La consolidation des architraves
50
C’est finalement une troisième solution qui est adoptée ; le volume est reconstitué avec du
béton armé. Pour former un volume solidaire, le béton est collé à la pierre grâce à des
tirants reliés à un IPN (poutrelle I à Profil Normal). Cette poutrelle redistribue la charge sur le
mur et la colonne.
B.
Etaiement
Une tour d’étaiement devait nous arriver du Caire pour le temple d’Opet, une fois celle-ci
livrée, il s’avère que les éléments sont en très mauvais état et en quantité insuffisante. La
décision est prise de réaliser un mur en brique. Bien que plus longue à mettre en place, cette
solution est la seule que l’on puisse envisager compte tenu du budget et du matériel
disponible sur place.
Fig.49 : Implantation du mur de briques dans le Pronaos (Plan © CNRS-CFEETK/E.Laroze)
Les murs « fins » servent à soutenir l’architrave la plus endommagée pendant les premières
phases. Comme les autres, elle présente des fissures suffisamment larges pour avoir été
remplies de terre. Il faut donc purger (mécaniquement et à l’aide d’air comprimé) avant de
remplir les failles de résine.
| La consolidation des architraves
51
Fig. 50 : Etaiement en tubes et colliers qui repose sur les « petits » murs en brique
(Photo© CNRS-CFEETK/E.Laroze)
Le mur le plus large est destiné à recevoir deux poutres qui soulageront les architraves. Ces
poutres proviennent de la restauration de la salle hypostyle par Georges Legrain ; bien
qu’étant stockées en plein air sur le site, elles sont encore en excellent état après près d’un
siècle.
| La consolidation des architraves
52
Fig.51 : Mise en place des poutres grâce à un palan à chaîne
On hisse d’abord les poutres sur le mur à l’aide de palans à chaîne, La poutre du haut est
mise en charge sous la dalle de plafond à l’aide d’un petit cric hydraulique, on insère des
coins pour maintenir la hauteur.
| La consolidation des architraves
53
Fig.52 : Schéma de principe et photo en situation des poutres
Pour éviter d’abimer les peintures lors de la mise en charge, une épaisseur de mousse (en
jaune sur la photo de la Fig.51) est glissée entre les dalles de plafond et la poutre supérieure.
Fig.53 : Etaiement côté Sud
Le côté sud étant en bien meilleur état, des tours d’étaiement sont fabriquées à l’aide
d’échafaudage renforcé avec des tubes, des pieds à vis serviront d’étais.
| La consolidation des architraves
54
C.
Consolidation
1.
Injection de résine
En premier lieu, de la résine est injectée dans les fissures pour consolider l’ensemble. Les petits
fragments les plus instables sont séparés de la masse, nettoyés et fixés à nouveau sur l‘architrave.
Fig.54: Une fissure injectée de résine
2.
Préparation du support
Pour isoler la pierre du béton, les restaurateurs ont appliqué plusieurs couches de Paraloid
dilué dans du Toluène. Ce mélange présente de nombreux avantages :
-
Le Paraloid est utilisé depuis les années 50 et le bilan est très bon, les tests on
démontré que le mélange reste stable
-
Le point de ramollissement (température à laquelle le mélange redevient visqueux)
est à 70°C, une température qui ne peut être atteinte à l’ombre en Egypte.
| La consolidation des architraves
55
Fig.55 : Le dessous du linteau nettoyé à la sableuse, les tirants et les goujons sont déjà en attente et le
Paraloid est en cours d’application par Frédéric Vasques (Photo© CNRS-CFEETK/E.Laroze)
Dans la partie Sud, les dalles de plafond sont encore en place mais les joints entre les dalles
ont été vidés du plâtre mort qui servait de scellement. Les joints sont à nouveau remplis
avec un mélange maigre de chaux, briques concassées et de sable avant de mettre en place
les IPN.
Fig. 56 : Stéphane Peala en train de vider les joints des dalles de plafond avec de l’air comprimé
| La consolidation des architraves
56
3.
Poutrelles métalliques et armatures
Les IPN sont percés au plus près de l’axe vertical, les trous sont répartis des deux côtés de
l’axe pour éviter une flexion du profil. La poutrelle est placée sur sa position définitive pour
marquer l’emplacement des passages à percer dans la pierre pour les tiges filetées. Les tiges
sont ensuite vissées sur le profil, elles seront soudées le long de l’axe vertical.
Fig.57: Préparation des IPN au sol.
Fig.58 : Mise en place des IPN sur le toit (Photo© CNRS-CFEETK/E.Laroze)
| La consolidation des architraves
57
Une fois le béton mis en place, les IPN seront recouverts d’une épaisseur de briques, pour
des raisons esthétiques mais aussi pour éviter une dilatation excessive des poutrelles
métalliques qui pourrait à long terme fissurer le béton. En effet, les poutrelles étant situés
sur le toit, elles sont exposées aux rayons du soleil toute la journée.
Fig. 59 : Mise en place et soudure des fers à béton
Des goujons ont été mis en place dans la pierre à l’aide de résine époxy avant la protection
de la surface pour faciliter la mise en place des aciers longitudinaux. Ils sont maintenus de
niveau par des platines vissées sur les tiges filetées. Des épingles sont soudées aux aciers de
construction pour former les cadres.
| La consolidation des architraves
58
4.
Coffrage et béton
L’armature du coffrage est réalisée en bastaings qui reposent sur l’étaiement mis en place
lors du percement.
Fig. 60 : Fabrication de l’armature du coffrage
La peau du coffrage est réalisée en contre plaqué, elle suit la cassure pour laisser une
réservation suffisante à la réalisation de l’enduit.
Fig. 61 : Préparation du coffrage en contre plaqué (Photo© CNRS-CFEETK/E.Laroze)
| La consolidation des architraves
59
De la mousse et du plâtre permettent d’étanchéifier l’ensemble. Des chevrons sont fixés sur
le contre plaqué pour qu’il résiste aux tremblements provoqués par l’aiguille vibrante.
Fig. 62 : Antoine Garric en train de vibrer le béton dans le coffrage du linteau (Photo© CNRSCFEETK/E.Laroze)
Une goulotte est fixée sur le coffrage pour couler le béton, on la remplit entièrement au
moment du coulage du béton et on la laisse en place le temps que la prise se fasse. Elle peut
être enlevée le lendemain, il suffit ensuite de piquer le béton en surépaisseur avant que le
béton ait atteint sa résistance nominale.
| La consolidation des architraves
60
Fig. 63 : Les linteaux décoffrés (Photo© CNRS-CFEETK/E.Laroze)
5.
Enduit de finition
L’enduit de finition ne sera réalisé qu’après la restauration des peintures sur les architraves.
Il sera d’une couleur un peu plus rose et légèrement en creux par rapport à la pierre pour
clairement marquer la limite de la restauration.
| La consolidation des architraves
61
V.
Conclusion
Cette expérience en Egypte m’a appris que je n’avais que peu d’expérience de la vie de
chantier et de ses aléas, cet apprentissage sur le tas m’a beaucoup appris.
Avec les contraintes climatiques, économiques et politiques, apprendre à encadrer une
équipe s’est avérée assez difficile au départ, notamment à cause de la barrière de la langue
et des différences culturelles.
Organiser des tâches quand on ne sait pas combien d’ouvriers seront présents le lendemain,
planifier des opérations alors que les livraisons en matériaux sont imprévisibles, imaginer
des travaux lorsque le choix des matériaux et du matériel est limité le tout dans des
conditions de sécurité toujours insuffisantes, autant d’épreuves qui ont su mettre ma
patience et mon enthousiasme à rude épreuve.
Cependant, le projet a été mené à bien sans qu’aucun accident grave n’ait eu lieu ; par la
grâce de Dieu, certainement.
La rédaction de ce mémoire m’a permis de prendre le temps d’étudier plus qu’en surface la
géologie de l’Egypte et l’origine des roches avec lesquelles Karnak est bâti. Je me suis vite
rendu compte que la documentation disponible en français est très axée sur la recherche de
gisements miniers, j’ai en revanche trouvé de nombreux mémoires en anglais traitant des
gisements de roches où j’ai pu trouver facilement les renseignements qui me manquaient.
Cela m’a permis d’enrichir ma connaissance de l’anglais dans un domaine que je ne
maîtrisais pas. On peut cependant regretter que les chercheurs français ne diffusent pas
mieux les résultats de leurs recherches.
J’ai pu également mettre de l’ordre dans la quantité de données numériques (photos et
textes) que j’avais emmagasiné durant deux ans en Egypte et en sortir un condensé
structuré.
J’espère avoir atteint mon but et que la lecture de ce mémoire t’auras donné envie, à toi
lecteur, d’aller voir ailleurs si la pierre est plus belle.
| Conclusion
62
VI.
Annexes
A.
Annexe I : Décision de l’Unesco pour Louxor 2030
54. Thèbes antique et sa nécropole (Égypte) (C 87)
Année d’inscription sur la Liste du patrimoine mondial 1979
Critères
(i) (iii) (vi)
Année(s) d’inscription sur la Liste du patrimoine mondial en péril
Néant
Décisions antérieures du Comité
30 COM 7B.46 ; 31 COM 7B.55 ; 32 COM 7B.57
Assistance internationale
Montant total accordé au bien : 14 000 dollars EU au titre de l'assistance technique
Fonds extrabudgétaires de l’UNESCO
Montant total accordé au bien : 1 131 000 dollars EU du fonds en dépôt japonais 2002-2004
et 2008 (restauration des fresques)
Missions de suivi antérieures
2001 : mission de l’ICOMOS ; 2002 : mission d'un expert en hydrologie ; juillet 2006 et mai
2007 : missions du Centre du patrimoine mondial ; avril 2008 : mission Centre du patrimoine
mondial/ICOMOS ; mai 2009 : mission Centre du patrimoine mondial/ICOMOS.
Principales menaces identifiées dans les rapports précédents
a) Montée de la nappe phréatique ;
b) Risques d'inondations (vallées des Rois et des Reines) ;
c) Absence d’un plan de gestion global ;
d) Vastes projets d'infrastructure et d’aménagement en cours ou prévus ;
e) Urbanisation incontrôlée ;
f) Envahissement de la rive occidentale par les habitations et l’agriculture ;
g) Démolitions dans les villages de Gurnah, sur la rive occidentale du Nil, et transfert de
population.
Matériel d’illustration
http://whc.unesco.org/fr/list/87
Problèmes de conservation actuels
A sa 32e session, (Québec, 2008), le Comité du patrimoine mondial a réitéré sa demande à
l’État partie de réviser le projet de l’allée des Sphinx et ses alentours et abandonner le
| Annexes
63
projetde construction d’un débarcadère pour les bateaux de croisière sur la rive occidentale
du Nil, près du nouveau pont, et limiter de tels aménagements à la rive orientale. De plus, le
Comité a réitéré sa demande auprès de l’Etat partie afin qu’il prépare et/ou complète les
plans de gestion de Karnak, Louxor et la rive occidentale et que ces plans soient intégrés au
sein d’un plan de gestion global et coordonné, comprenant un plan de conservation et une
stratégie de contrôle du développement touristique. Il a aussi prié instamment l'Etat partie
de mettre en place une structure officielle de coordination, placée sous la responsabilité du
Conseil suprême des Antiquités, chargée d'établir le lien entre ce même Conseil, les équipes
scientifiques internationales et les autres parties concernées, et de tenir des consultations
régulières avant la prise de décision et le lancement de projets susceptibles d’affecter le bien
et sa zone tampon. Le Comité a invité l'Etat partie à intensifier ses efforts visant à restaurer
le nouveau village de Gournah de Hassan Fathy et à soumettre, avant approbation, tout
projet concernant le village à l'examen du Comité du patrimoine mondial. L’Etat partie a
soumis son rapport sur l'état de conservation le 5 février 2009. Le rapport ne se réfère pas
aux demandes formulées par le Comité lors de ses 31e et 32e sessions mais est plutôt
organisé de façon à décrire les activités et initiatives récentes ayant eu lieu sur le bien. Le
rapport décrit les travaux réalisés dans différentes zones du site, les questions concernant
l’utilisation du territoire du temple de Louxor, le village de Gournah, le village de Hassan
Fathy, le système de transport, les menaces et les hauts niveaux de risque dans la région de
Thèbes et les priorités de l’Etat partie sur la rive occidentale. Les points principaux soulevés
dans le rapport de l’Etat partie comprennent :
a) les efforts actuels du Conseil supérieur de Louxor de déplacer les habitants du village de
Al Hassasna qui “campaient pratiquement dans la zone archéologique au nord du temple
depuis des centaines d’années” afin de révéler des preuves importantes de l’utilisation de
Karnak au IIe siècle av.J.-C. ;
b) à la suite du dégagement de l’esplanade devant le temple de Karnak, en vue de restaurer
le lien traditionnel avec le Nil, remplacement des points d’entrée actuels du temple de
Karnak par un centre de visiteurs moderne et démolitions de structures associées aux
fouilles réalisées au siècle dernier, à l’exception d’une structure témoin ;
c) l’aménagement de l’allée de Sphinx pour relier les temples de Karnak et de Louxor,
recréant l’antique allée processionnelle, au détriment de nombreuses structures actuellement
en place, notamment des résidences, une mosquée et une église orthodoxe. Le rapport de
l’Etat partie mentionne que “l’Égypte, toujours dans la même optique de gestion des sites,
considère qu’il est obligatoire de débarrasser cette partie de l’allée et de reconstituer l’axe
processionnel de l’ère pharaonique”. Le rapport reconnaît que toutes les visites de suivi
récentes ont été opposées à cette approche ;
d) le déplacement de la route en corniche donnant accès au temple de Louxor nécessitant la
récupération de plusieurs mètres de structures existantes (le musée de Louxor et la Chicago
House) ;
e) le projet d’une nouvelle marina pour les bateaux de tourisme sur la rive occidentale du Nil,
proposé par le Conseil de Louxor et qui, sans un aménagement et une gestion prudents,
pourrait devenir le centre d’un nouvel aménagement touristique menaçant la valeur de
patrimoine mondial du site ;
f) les efforts déployés depuis 2007 pour revitaliser et restaurer le village moderne traditionnel
vernaculaire de Hassan Fathy ;
g) les menaces physiques actuelles pesant sur le bien, notamment des changements de
hauteur de la nappe phréatique, une instabilité géologique dans la vallée des Rois et une
augmentation des pluies torrentielles. Le rapport décrit des approches proactives pour
améliorer la conservation des tombes et des temples de Thèbes.
| Annexes
64
Une mission conjointe du Centre du patrimoine mondial et de l’ICOMOS a eu lieu
entre les 8 et 12 mai 2009. Les principales recommandations de la mission sont les
suivantes :
Le projet de la Corniche :
La mission a considéré qu’il était important d’éviter un élargissement de la route à deux
voies le long de la rive, d’améliorer le quai existant en tant que promenade et d’étudier plus
avant l’état de sites spécifiques le long de la rive afin de s’assurer que le traitement proposé
répond aux besoins techniques et visuels, en face des temples de Karnak et de Louxor. En
particulier, les travaux prévus donneront l’opportunité de trouver des solutions plus
appropriées à des problèmes techniques, tels que les murs en béton qui soutiennent
actuellement le temple de Louxor, empêchant le drainage des eaux souterraines vers le
fleuve et représentant un danger pour la conservation du site.
L’allée des sphinx :
La mission a noté que la démolition de maisons le long de l’allée des Sphinx a été effectuée
sans évaluation objective de sa signification, et qu’il était important d’assurer les liens entre
toutes les couches architecturales de la ville. La mission a fortement recommandé la
conservation de plusieurs bâtiments intéressants, notamment un minaret et deux églises,
tandis que l’essentiel du tissu urbain alentour ne constitue pas une valeur patrimoniale. Au
contraire, les éléments physiques et socioculturels sont très dégradés. Un plan global révisé
pour ce projet doit être développé, en définissant la logique, la vision et les preuves sur
lesquelles il est basé, ainsi qu’une approche pluridisciplinaire.
Le projet de marina :
La mission, tout en étant satisfaite de la justification des plans de déplacement du
débarcadère pour les bateaux sur la rive occidentale, a reconnu que ce plan pouvait
encourager, en l’absence de contrôle, une urbanisation et un développement touristique
indésirables sur la rive occidentale. A cette fin, la mission a recommandé d’établir une zone
tampon pour le bien du patrimoine mondial sur la rive occidentale, afin de protéger le bien
d’un développement incontrôlé de la marina.
Le nouveau village de Gournah de Hassan Fathy :
La mission a recommandé d’interrompre les activités de construction dans le village, en
établissant immédiatement des mesures de protection pour sauvegarder les bâtiments
existants, d’établir une zone tampon correspondant aux plans d’origine du village, et de
contrôler les transformations indésirables. La mission a également recommandé de lancer
des études appropriées afin d’étudier comment le nouveau village de Gournah pourrait être
relié formellement aux attributs de la valeur universelle exceptionnelle du bien. Le Centre du
patrimoine mondial et les Organisations consultatives restent préoccupés par l’approche
adoptée actuellement en ce qui concerne la réhabilitation à long terme du site – nettoyage
du site de structures historiques et contemporaines et de couches n’appartenant pas à la
période pharaonique – qui manque d’exactitude historique et qui pourrait avoir un impact
potentiel négatif sur l’intégrité du bien, du point de vue du contexte culturel. Néanmoins,
| Annexes
65
tout en appréciant le désir de l’Etat partie de présenter le bien de manière visuellement
spectaculaire, ils recommandent fortement qu’avant le nettoyage de ces couches de
patrimoine plus récent, l’Etat partie organise une consultation internationale pour élaborer
les projets et les plans qui pourraient mettre en valeur et présenter la valeur universelle du
bien. Le Centre du patrimoine mondial et les Organisations consultatives soutiendraient
volontiers un tel événement.
Décision provisoire : 33 COM 7B.54
Le Comité du patrimoine mondial,
1. Ayant examine le document WHC-09/33.COM/7B.Add,
2. Rappelant la décision 32 COM 7B.57, adoptée à sa 32e session (Québec, 2008),
3. Regrette que le rapport détaillé de l’état de conservation fourni par l’Etat partie ne
réponde pas à de nombreuses requêtes formulées par le Comité dans ses décisions prises
lors de ses 31e et 32e sessions : a) Révision du projet d’aménagement de l’allée des sphinx
et ses environs,
b) Préparation et/ou finalisation des plans de gestion de Karnak, Louxor et de la rive
occidentale, et integration de ces plans en un plan de gestion global et coordonné,
comprenant des plans de conservation de sites individuels et une stratégie de contrôle du
développement touristique,
c) Mise en place d’une structure officielle de coordination, placée sous la responsabilité du
Conseil suprême des Antiquités, chargé d’examiner tous les projets susceptibles d’avoir des
conséquences sur le bien et sa zone tampon,
d) Développement en consultation avec le Centre du patrimoine mondial et les
Organisations consultatives d’un projet de Déclaration de valeur universelle exceptionnelle,
incluant les conditions d’intégrité et d’authenticité, en tant qu’élément fondamental pour
l’élaboration du plan de gestion et la mise en place des mécanismes de coordination
afférents ;
4. Accepte les arguments avancés par l’Etat partie et la récente mission en faveur du
transfert du débarcadère des bateaux de croisière sur la rive occidentale du Nil, avec la
contrainte qu’une zone tampon soit définie sur la rive occidentale afin de limiter les
nouveaux développements ;
5. Prie instamment demande à l’Etat partie d’adopter les recommandations émises par la
récente mission de suivi réactif telles que résumées dans le présent rapport, concernant le
développement de la Corniche, l’allée des sphinx, le projet de marina, le nouveau village de
Gournah, et en particulier à l’Etat partie de soumettre une proposition révisée pour le projet
de l’allée des sphinx, avec des détails appropriés de vision à long terme, de preuve et de
justification d’une approche pluridisciplinaire ;
| Annexes
66
6. Suggère à l’Etat partie d’organiser une consultation internationale en vue d’élaborer les
projets et les plans permettant de mettre en valeur et de présenter la valeur universelle
exceptionnelle du bien ;
7. Demande également à l’Etat partie de soumettre au Centre du patrimoine mondial, avant
le 1er février 2010, un rapport d’avancement détaillé sur la mise en oeuvre des
recommandations ci-dessus, pour examen par le Comité du patrimoine mondial à sa 34e
session en 2010.
| Annexes
67
B.
Annexe II : Planning prévisionnel des travaux à Opet de 2005 à
2010 par Emmanuel Laroze
| Annexes
68
| Annexes
69
| Annexes
70
C.
Annexe III : Rapport de G. Legrain sur l’effondrement partiel de
la salle hypostyle
| Annexes
71
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72
| Annexes
73
| Annexes
74
| Annexes
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| Annexes
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| Annexes
87
| Annexes
88
VII. Bibliographie
Livres
La conservation préventive de la pierre – Groupement d’auteurs
Publié en 1982 par l'UNESCO
Contient des passages intéressants sur les méthodes de conservation et le diagnostic des
pathologies des maçonneries et des roches.
Les roches ornementales – Par Raymond Perrier
Publié en 2004 par les éditions ProRoc
Les chapitres sur la géologie m’ont permis de traduire les différentes sources anglaises dont
je me suis servi.
Ancient Egyptian quarries– an illustrated overview - Par James A. Harrell and Per Storemyr
Publié par Norges geologiske undersøkelse (Centre d’étude géologique de Norvège)
C’est de cette publication que viennent la plupart des informations sur les gisements de
roches en Egypte que l’on peut lire dans ce mémoire.
Les cahiers de Karnak- Groupement d’auteurs
Publié par l’Institut Français d’Archéologie Orientale et le CFEETK de 1967 à 2007
De nombreux renseignements sur les trvaux de fouille et de restauration dans le temple de Karnak,
les publications de 1975 à 2003 sont disponibles gratuitement sur le site du CFEETK
Voyages en Egypte – Groupement d’auteurs
Publié par l’IFAO
Une collection qui regroupe des récits de voyage en Egypte du 15ème au 19ème siècle par différents
auteurs.
| Bibliographie
89
Sites internet
Digital Karnak – Aout 2010
Des essais de reconstitution des étapes de construction du temple de Karnak en 3D, projet financé
par l’Université de Californie, Los Angeles (UCLA)
http://dlib.etc.ucla.edu/projects/Karnak/
Quarryscapes – Aout 2010
Un site recensant les anciens sites d’extraction de roches. Porté par des norvégiens, il n’est
malheureusement plus mis à jour depuis 2008
http://www.quarryscapes.no
CFEETK – Aout 2010
Une source fiable pour tout ce qui concerne de près ou de loin l’étude du temple de Karnak.
www.cfeetk.cnrs.fr/
| Bibliographie
90
| Bibliographie
91
Mots clefs
Egypte – Géologie – Karnak - Opet –Restauration – Architraves – Grès
Résumé
Ce mémoire rédigé par Denis PEKKIP (tailleur de pierre) dans le cadre de la soutenance du BTMS
“Métiers de la pierre” traite de la restauration du temple d’Opet à Karnak en Egypte.
Dans une première partie on trouve une brève présentation du pays et plus particulièrement du site
de Karnak, de la formation géologique à la situation actuelle.
La deuxième partie se concentre sur les travaux menés à Opet de 2004 à 2006.
La dernière partie traite uniquement de la consolidation des architraves et du linteau de la porte
principale du Pronaos et détaille les techniques employées