Bismi Allah Ar Rahman, Ar Rahim. Au nom d`Allah, Le Clément, Le

Transcription

Bismi Allah Ar Rahman, Ar Rahim. Au nom d`Allah, Le Clément, Le
Bismi Allah Ar Rahman, Ar Rahim. Au nom d’Allah, Le Clément, Le Miséricordieux.
Assalam alaykoum. Que la Paix soit sur vous.
Chères sœurs, chers frères, chers amis.
C'est avec une profonde émotion, une tristesse émaillée d'une amertume persistante en mon
âme et conscience de musulman, que je viens évoquer devant vous, en cette église, grâce à
l'amabilité de Père Benoît Bertrand à qui j'adresse tous mes remerciements, le souvenir de
cette bouleversante et terrible tragédie, qui a brutalement mis fin à la vaillante existence
des sept malheureux moines, du monastère de l'Atlas, à Tibhirine.
Mais néanmoins, par cette cérémonie de la mémoire et en communion avec vous, je viens aussi
offrir ma joie en partage, celle qui conforte ma belle espérance en cet honorable martyr,
distingué par la volonté et la gloire du Tout Puissant lorsque, par Son Verbe, Dieu dit :
« Ne pense pas que ceux qui ont été tués dans le sentier d'Allah, soient morts. Au contraire,
ils sont vivants, auprès de leur Seigneur, bien pourvus et joyeux de la faveur qu'Allah leur a
accordée, et ravis que ceux qui sont restés derrière eux, et ne les ont pas encore rejoints, ne
connaîtront aucune crainte et ne seront point affligés. Ils sont réjouis d'une bienveillance
d'Allah et d'un privilège, du fait qu'Allah ne laisse pas perdre la gratification des croyants ».
Sourate 3 - La Famille d'Imran. Versets : 169 à 171.
Mes chers frères, sœurs et amis.
Cette Algérie qui m'a vu naître, que je chérissais tant avant de l'abandonner à son destin, ce
territoire si vaste, si fascinant et si envoûtant qu'il me plaisait à arpenter et sillonner
inlassablement, sans qu'aucun coin ni recoin n'ait pu échapper à ma curieuse incursion; cette
nation d'un peuple digne, rude et attachant, si diversifié et si homogène à la fois, par lequel
les langues et les coutumes s'entrecroisent et s'entremêlent; cette terre qui fut trop
souvent souillée par les larmes et longtemps abreuvée du sang des innocents, ce pays aux
mille richesses mais qui n'a pas su les répartir équitablement en son sein, s'est laissé
emporter un temps dans le tourbillon de la violence, dans le délabrement du désordre, de la
division et de la désolation, dans le déchirement des convictions et la tourmente des
consciences, dans l'abjection du crime aveugle et de l'ignominie sanguinaire, par la
prééminence de l'imposture religieuse, et l'exaspération des luttes d'intérêts.
Ni la peur, ni la terreur, ni l'angoisse pernicieuse et constante, qui se répandaient dans les
villes et les campagnes, ni même les exactions criminelles qui se multipliaient sans cesse et qui
se rapprochaient inexorablement du monastère de Tibhirine, n'ont cependant réussi à
affecter la détermination du Père Christian de Chergé, ni de celles de frère Luc et des
autres valeureux moines, ni celle du frère "cheikh" Amédée, comme le nommaient les
autochtones, à demeurer dans leur sanctuaire, aux côtés de leurs voisins musulmans.
Si d'aucuns qualifieraient de naïve ou d'irresponsable l'attitude des courageuses victimes du
monastère de Tibhirine, je répondrais qu'elle reflète bien plus la magistrale démonstration
de la fidélité à l'engagement de ces hommes qui ont œuvré, corps et âme pour Dieu, par le
don de soi, l'échange et le partage, par la proximité et la fraternité, au profit des plus
fragiles parmi les musulmans qui les entouraient et les côtoyaient.
Et puis, quelle meilleure preuve que la Parole de Dieu lorsqu'Il dit :
« Et tu trouveras certes que les plus disposés à aimer les croyants (les musulmans) sont ceux
qui disent : « Nous sommes chrétiens.» C’est qu’il y a parmi eux des prêtres et des moines, et
qu’ils ne s’enflent pas d’orgueil. » Sourate 5 – Al Ma’idah – La Table Servie. Verset : 82
À l'instar du Père Christian de Chergé, tous les moines, les prêtres, les frères et les sœurs
qui portaient leur dévolu sur l'Algérie, ressentaient ce besoin incompressible de susciter leur
passion intérieure pour la découverte de l'âme musulmane et pour vivre cette communion avec
ce peuple, en s'abreuvant de leur vocation à rechercher la Présence et à la Grâce de Dieu,
tout en restant véritablement dévoués à leurs ordres ou à l'Église algérienne pour qui la paix
est synonyme de piété.
La fin du siècle dernier fut marquée par la décennie noire, cette terrifiante période durant
laquelle ont succombé près de 250 000 algériens, parmi eux figurent une trentaine de
femmes et d'hommes d'église. Tous victimes de l'atrocité et de la barbarie qui régnaient
alors sur tout le territoire algérien.
Je ne sais plus ce qu'il est advenu de ce prêtre, si accueillant et si affable, qui entretenait
une petite église perpétuellement ensablée, au cœur de la splendide oasis d'El Goléa, près de
laquelle il avait bâti un magnifique petit musée de sciences naturelles.
Je ne sais pas non plus ce qu'il est advenu de cette admirable et dynamique mère supérieure
d'une clinique près d'Alger, dans laquelle elle accueillait, protégeait et accompagnait
généreusement, jusqu'à leur accouchement, ces filles mères menacées par leurs proches ou la
vindicte de la société.
Je ne sais encore moins ce qu'il est advenu à ces attendrissantes sœurs catholiques d'un
orphelinat qui, pour la plupart, n'avaient jamais enfanté, mais qui prenaient admirablement
soin, avec amour et tendresse, ces petits bébés algériens abandonnés qu'on leur confiait, tel
des petits Jésus dans les bras de Marie.
Chers amis. L'Église d'Algérie, depuis plus de 150 ans, s'est toujours montrée solidaire de
l'islam et des musulmans. Monseigneur Dupuch qui fut l'ami de l'Emir Abdelkader, Mgr
Lavigerie qui implanta les premiers dispensaires dans les régions éculées de Kabylie et de
l'Aurès, Mgr Etienne Mohammed Duval qui soutint l'indépendance de l'Algérie et Mgr
Teissier qui œuvra pour la réconciliation nationale, sans oublier Feu Mgr Claverie et tant
d'autres, tous ces évêques et archevêques ont fait de l'Église une incontournable institution
proprement algérienne, au service de Dieu et de ce peuple musulman d'Algérie.
En cela, l'abomination qui a consisté à ôter la vie de ces sept moines de Tibhirine, tout autant
celles de ces chrétiens serviteurs de l'Église d'Algérie et leurs milliers de frères musulmans,
constitue non seulement un abject crime contre l'humanité, mais aussi et surtout une
exécrable trahison envers l'Amour et la Miséricorde d'Allah.
Lorsqu'une telle forfaiture persiste à se réfugier dans l'opacité d'un mystère ténébreux, ou
lorsque la justice peine à s'imposer, la conscience musulmane ne peut trouver ni soulagement,
ni répit.
Que la Bénédiction de Dieu soit sur vous tous, incha Allah.
Je vous remercie.
Nantes, le 25 mai 2016 -
Mohammed GUERROUMI –
Membre de l’Instance Nationale de Dialogue avec l’Islam
Mail : [email protected]
Tél: 06.01.73.83.84

Documents pareils