Notes sur un pontifical de Clement VI et sur un missel, dit de

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Notes sur un pontifical de Clement VI et sur un missel, dit de
Dans les premiers jours du mois de mars 1884,
la riche collection de livres de feu M. Buhet, ancien
notaire a Saint-Etienne, était vendue aux enchères
publiques. Parmi les manuscrits précieux et les
ouvrages rares qui composaient le catalogue de
cette importante bibliothèque, un article attira
d'une façon toute particulière notre. attention. Il
était annoncé en ces termes:
PONTIFICALE SEU COEREMÔNIALE. In-fol., rel. en bois,
recouv. de vél. III.
MANUSCRIT DU COMMENCEMENT DU XIV° SIÈCLE, orné de 5 grandes
lettres historiées, formant autant de miniatures très fines, dans
le style byzantin, sur fond d'or, et d'un beau caractère archaïque. On y trouve encore beaucoup d'autres lettres tourneuses,
mais simplement on couleurs, sans or, avec arabesques. Les
derniers feuillets, contenant la messe des Morts pour les évêques,
sont d'une autre main.
Suivant une tradition, ce pontifical aurait fait partie de la
chapelle du pape Clément VI, qui, né dans le Limousin, se
nommait Roger de Rosiers, fut moine à l'abbaye de la ChaiseDieu, en Auvergne, puis archevêque à Rouen. Ce fut lui qui
négocia avec la reine Jeanne de Naples, comtesse de Provence,
la ced'Avignon
ssion d' et du comtat Venaissin. JI mourut en 1352
et fut enterré dans l'église de la Chaise-Dieu. Suivant un acte
Document
O II II I Il tl III 11111111 D D
-6—
joint â ce volume, ce manuscrit provient de la famille de ce
pape, dont une branche était fixée à Aulhat, en Auvergne. Au
verso du dernier feuillet, on lit la mention de la vente de ce
manuscrit, en 1352, faite par les exécuteurs testamentaires de
Jean Bosquet, à Guili. Cardin, diacre, moyennant 3 sous d'or,
payés comptant (pretio triura solidorum auri sol utorum dietis
execuionibus. (1).
Les renseignements qui nous avaient été fournis
sur l'origine de ce manuscrit, par un érudit bibliophile, M. A. Vernière, avocat à Brioude, ne laissaient aucun doute dans notre esprit: il s'agissait
bien d'un manuscrit composé pour le pape limousin
Clément VI et ayant fait partie de sa chapelle.
Pierre Roger, né au château de Maumont, près
d'Egletons, archevêque de Rouen, cardinal du titre
de SS. Nérée et Achillée, élu pape le. 7 mai 1342,
prit le nom de Clément VI en montant sur le trône
de saint Pierre, qu'il occupa pendant dix ans et
sept mois. Son influence sur les destinées du Limousin fut considérable. Il fit sortir de cette obscure
province toute une pléiade de cardinaux, d'archevêques et d'évêques, attira à sa cour des représentants des plus grandes familles de son pays natal,
laissa la tiare à son compatriote Innocent VI qu'il
avait élevé aux plus hautes dignités ecclésiastiques,
et prépara l'avènement au saint siège de son neveu
Grégoire XI, en le faisant cardinal à dix-sept ans.
On lui a reproché d'avoir comblé ses compatriotes
de faveurs. Ce blâme ne saurait trouver d'écho
dans le Limousin qui lui doit une bonne part de
l'éclat incomparable dont il a brillé au moyen âge.
Clément VI est une de nos gloires les plus marquantes.
• Il ne nous reste de lui que des bulles et quelques
(1) Catalogue de la vente des livres, manuscrits et autographes
composant Id bibliothèque de feu M. D.,., ancien notaire, dressé
par Brun, libraire à Lyon. 1884, in-80.
de sermons, réunis par Baluze et confragments de
servés à la Bibliothèque nationale. A défaut de ses
oeuvres, dont les lambeaux n'existent qu'à l'état de
copies, il nous avait semblé que le seul manuscrit
peut-être échappé à sa bibliothèque, le Pontifical
écrit pour lui et qui a servi à son usage, ne devait
pas passer en des mains étrangères; nous avions
pensé que cet ouvrage, précieux par son ancienneté, intéressant parles enluminures et les lettres
ornées qui le décorent, avait sa place toute marquée
dans la bibliothèque communale de Tulle, en attendant l'organisation d'un musée où l'on pourrait lui
faire les honneurs d'une vitrine. Aussi nous soinmes-nous empressé de signaler à M. le Maire de
Tuile la mise en vente du manuscrit de Clément VI,
en lui exposant les raisons qui devaient, selon nous,
déterminer la ville à en faire l'acquisition. Le conseil municipal, consulté, sur la communication de
notre lettre, passa à l'ordre du jour. La vente a eu
lieu, et le Pontifical a été adjugé à M. Ogier, artiste
peintre à Saint-Etienne, pour la somme de cent
dix francs.
Une annotation écrite sur le volume, et des notes
sur feuilles volantes qui l'accompagnent nous permettent d'en suivre, pour ainsi dire, la transmission
depuis Clément VI jusqu'à nous.
Au verso du dernier feuillet on lit les lignes suivantes : Iste liber fait emptas ab execator. defv1ncti
dni Johis Bosqueti per dam G. Gardini cliacnam
Averti. ptio trim solidor. auri solu?tor. eis. cxccator.p. ernden dnam diacnum acta j. vcstiario
ecclesie Averti festo exait. sancte crucis anno M ccc
lii (1).
(j) En rétablissant les lettres supprimées par abréviation, on doit
lire :Iste liber fait emptus ab executoribus defancti domtni Jo/zails Bosquetiper domiaum Guillelinum cardinalent diaconuni Avenioni prctio triant sotidorant auri sotutoruns eisdcm execatortbus
per euntde,n dominant diaconuni actant in vestiario coclesiwAcentonensis (este osait ationis sanctœ crucis anno M ccc Iii.
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- L'acquéreur n'est autre que Guillaume de laJugi e,
neveu de Clément VI. Des quatre cardinaux du prénom de Guillaume qui vivaient en 1352, il était, en
effet, le seul cardinal diacre; les trois autres, Guillaume Curte, Guillaume Daure et Guillaume d'Aigrefeuille étaient cardinaux prêtres. Il avait été
chargé par son oncle d'acheter ce Pontifical, ou il
l'avait acquis de ses propres deniers pour lui en faire
présent. Ce qui n'est pas douteux, c'est que ce voTurne avait été composé pour l'usage du souverain
pontife, car on verra plus loin que les messes qu'il
contient sont précisément celles que les papes
avaient coutume de dire depuis un temps immémôrial.
Quant à Jean Bosquet, dont0 les exécuteurs
testamentaires ont vendu le Pontifical au- cardinal
Guillaume de la Jugie, on peut supposer qu'il
était le calligraphe, le miniaturiste auquel l'ouvrage avait été commandé.
Clément VI mouiut trois mois après l'acquisition de ce manuscrit, le 6 décembre 1352, et fut
enseveli • à la Chaïse-Diéu, en Auvergne. Une
branche de la famille Roger s'était établie dans cette
province; elle hérita de la chapelle du Pape qui
comprenait, avec de riches ornements et des vases
précieux, le missel dont nous nous occupons. Les
Roger-Beaufort-Canillac ont transmis à la maison
de Montboissier, dans laquelle ils se sont éteints,
tout ce qu'ils avaient recueilli de Clément VI. Une
descendante de Montboissier, M'° de Besse de
la Richardie (1), fit cadeau du Pontifical au savant
(1) Nous pouvons, avec tes indications du Nobiliaire de Nadaud
et les renseignements complémentaires quo M. Antoine Vernière
a bien voulu nous fourpir, établir la descendance des loger-Beaufort depuis te père de Clément VI jusqu'à Mn10 de Bosse, et suivre
ainsi le Pontifical dans toules les mains où il a passé, depuis le
décès du premier pape limousin jusqu'à son propriétaire actuel.
Pierre Roger, seigneur de Rosiers (vers 1300), eut trois enfants.
L'ainé, Guillaume loger 1, épousa Guillemette de la Monstre, d'où
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abbé Croizet, qui a consigné cette transmission,
avec la description du manuscrit, dans une intéressante note que nous reproduisons
« Nesehers, 1847.
Ce Missel manuscrit présente un véritable
intérêt historique, religieux et paléographique. 11
Guillaume H. qui suit, Pierre Roger qui devint le pape Clément VI,
Hugues qui tut fait cardinal, Guillemette qui épousa Jacques de la
Jugie et Bertrande qui se maria avec Nicolas de Bosse.
Guihaume Rager 11 comte de Beaufort, acheta tous les biens
, avait en Auvergne (1343). Il se
qu'Humbert, dauphin Viennois
de
maria trois fois. De son union avec Marie de Chambon, naquit,
entre autres enfants, Pierre Roger qui devint le pape Grégoire XI.
De sonmariage avec Guérine de Caoillac, provint Marquis de
Beaufort qui suit. Il n'est pas utile derappeler son troisième mariage.
Marquis de Beaufort s'unit à Catherine dauphine d'Auvergne
(1366 ou 1369). Sept enfants sortirent de cette union. il nous suffit
de mentionner ici le second, Louis de Beaufort.
Louis épousa en premières noces Jeanne de Norri et en eut douze
enfants, parmi lesquels Jacques et Isabeau. Il dent pas d'enfant
de Jeanne de Montboissier, sa seconde femme.
Jacques de Beaufort-Canillac se maria avec Jacqueline de Créqui
(1425); leur union fut stérile. Sa soeur Isabeau avait épousé Jean de
Montboissier; de cette union naquit Jacques de Montboissier qui prit
pour femme Françoise de Chabannes. Etant sans postérité, Jacques
de Beaufort-Canillac transmit son nom et ses biens à son neveu
Jacques de Montboissier, fils d'lsabeau (1511).
Du mariage de Jacques de Monthoissier avec Françoise de Chabannes provint Marc de Beaufort-Montboissier qui s'unit le 3décembre 1537 à Catherine de la -Queille, dame âe Châteauneuf du
Urne, d'où
Jean de Beaufort-Monthoissier marié le 14 février 1565 à Gilberte
de Chabannes; ils eurent pour fils
Jean-Timoléon de Beaufort-Montboissier, marié en 1596 à Casparde Mitte de Miolans. De cette union naquit
Jacques-Timoléon de Beaufort-Monthoissier, marié à Catherine
de Martel de Tréfort.
Leur fille Marie de Montboissier épousa en 1670, Jean-Jacques
d'Aubusson, seigneur de Savignac, d'où Louise d'Aubusson, qui épousa en 1712, Maximilien de Bosredon.
Cette union donna le jour à Gabriel-Annct de Bosredon dernier
sénéchal d'Auvergne, marié en 1742 à Marie J'Apchicr. Ifs eurent
de leur mariage:
Maximilien de Bosredon, qui épousa en 1768 Antoinette-Louise
Nicole de Bouillé. De cette union naquit
Anne-Marie-Ernilie de B osredon, mariée le 15 août 1787 à Eustorge-Claude-Louis de Bosse de la Richardie morte au cbâteaù
d'Aulhat, près Issoire, le 6janvier 1352. C'est elle qui fit cadeau du
Pontifical de Clément VI à l'abb Croizet,
- 10 -
paraît être du XIVC siècle. Cc qui prouve que ce
manuscrit est, en effet, de cette époque, c'est qu'il
a fait partie de la chapelle du pape Clément VI,
dont le tombeau - est encore à la Chaise-Dieu
(Haute-Loire).
» A Sugères, canton de Saint-Denis (Puy-deDôme), Mme de Besse, née de Bosredon, avait un
château (1) sur la porte duquel se trouvaient encore
les armoiries de la famille Roger ou Rosier, originaire du Limousin, de laquelle sortaient les
papes Clément VI et son neveu Grégoire XI. J'ai
vu moi-même à Sugères, une très riche chapelle
dontles ornements étaient d'un très grand prix,
le calice en or, à coupe évasée, les chasubles eft
forme de chappes; le tout avec les écussons du
pape, même les gants en soie, avec l'écusson en
or. Tous ces objets réunis auraient chargé une
voiture. Malheureusement tout, cela a été vendu
à vil prix. J'ai vu aussi à Sugères, les portraits
des deux papes d'assez grandes dimensions. A
mon instigation, Mme de Besse fit porter ces deux
portraits au château d'Aulhat, canton d'Yssoire,
où elle habitait, ainsi qu'une magnifique croix en
or. qui avait au moins 45 centimètres de long,
dans laquelle était une autre croix en argent
remplie de reliques précieuses. J'ai vu un assez
gros fragment de la vraie croix. Mme de Besse
me• fit don d'un morceâu de ce bois et de quelques
autres reliques, ainsi que du présent Missel.
» Mme de Besse m'assura que la chapelle avait
'toujours été conservée dans la branche aînée de la
famille des papes; que cette branche avait contracté
alliance avec les Montboissier, les Canillac, les Lw
Tour d'Auvergne, et presque toutes les familles
(1) Lorsque ic château de MonWoissier (commune de Brôusse,
canton de £unlhat) tomba en ruines, les Montboisier habitèrent le
château de Sugères.
princières; enfin, qu'elle descendait elle-même de
cette branche par les de Bosredon qui étaient entrés dans la famille de Montboissier.
» J'ai encore vu à Sugères et à Aulhat un très
grand nombre de manuscrits et surtout de parchemins qui intéressaient l'histoire d'Auvergne, des
lettres de Charles IX, de Catherine de Médicis, de
Henri II, etc. A Sugères surtout, un grand appartement en était rempli. Mais lorsque j'y suis ailé,
la toiture de l'appartement venait de s'édrouler, et
toutes ces richesses étaient ensevelies sous des
ruines. Mme de 13esse me promit qu'elle ferait porter tous ces manuscrits k Aulhat, mais j'ai appris
'u 'elle a terminé sa longue carrière, et que ces
archives sont à peuprès perdues.
Quant au Missel, c'est, comme on le voit, un
grand in-.40, qui était portatif, car il ne renferme
qu'un petit nombre de messes, celles de la SainteVierge, du Saint-Esprit, de la Sainte-Croix et des
Morts, puis, à la fin, en caractères plus menus,
une pour un évêque défunt, une autre pour toutes
sortes de calamités. Il se compose de quatre-vingts
pages en parchemin parfaitement conservé, et où
l'on voit un grand nombre de figures, de lettres
majuscules et de vignettes remarquables. Les planchettes, couvertes en maroquin rouge, ont été un
peu altérées par les vers. Il n'a pas de titre et les,
pages ne sont pas notées. »
Quatre copies dé cette note, en feuilles yolantes,
sur mauvais papier, sont conservées dans le Pontifical. L'une d'elles présente une variante qu'il est
bon de faire connaître. Après avoir relaté les conditions dans lesquelles le manuscrit est arrivé jusqu'à lui, l'abbé Croizet ajoute:
Ces circonstances nous semblent assez prouver
que ce petit monument ou manuscrit a, en effet,
apparteùu au pape Clément VI. Ce qui vient encore
à l'appui de cette assertion c'est que ce Missel
portatif in-40 , renferme, dans les soixQnte-quinze
preiïiière pages les messes de la Sainte-Vierge,
du Saint-Esprit de la Sainte-Croix, des Morts, et
dans les quatre dernières pages, des oraisons, des
secrètes, des post-communions pour un évêque
défunt, pour la paix, etc.; ce sont là précisément
les messes que les papes disent ordinairement depuis nombre de siècles. En outre, le paléographe
pourra facilement s'assurer que ce manuscrit est
réellement du nvC siècle, en comparant la forme
des lettres, les lettres conjointes initiales, les majuscules, la ponctuation, l'absence de diphtongues,
les vignettes, avec celles de cette époque, dans la
nouvelle diplomatique des savants bénédictins, et
dans un grand nombre d'autres manuscrits et ouvrages.
» Cet ouvrage est magnifiquement exécuté et
digne du grand personnage auquel il appartenait.
Le peintre lui-même saura en tirer parti pour les
manuscrits du beau temps de l'art architectonique.
On contemplera avec admiration, au commencement du canon de la messe, le Sauveur du inonde
- représehté avec les plus vives couleurs et où
brille avec éclat l'or, - bénissant de la main droite
tenant un livre de la main gauche; le crucifère, les
symbolès des quatre évangélistes, le soleil, la lune,
les encadrements, tout mérite l'attention de l'artiste.
En avant de ce magnifique dessin, on voit un prêtre
ou ppntife, disant la messe. Le calice évasé et la
chasuble enveloppant tout le corps sont entièrement semblables au calice et aux chasubles que j'ai
vus à Sugères. - Cette dernière observation prouveseule que notre Missel est bien de l'époque ci-dessus signalée. »
Après là mort de M. l'Abbé Croizet (1), en 1859,
(1) Jean-Baptiste Croizet, nô à Cournon le 12 janvier 1787, prêtre
- 13 -
lé manuscrit quo lui avait donné M me de Basse fut
mis en vente et acheté par M. Buhet, moyennant
300 fi'. II était une des plus belles pièces de sa
remarquable collection.
Son écriture, le style de ses lettres ornées, la
manière de ses enluminures, la date de son acquisition par Guillauihe de la Jugie, les oraisons et
les messes qui le composent, et cette circonstance
enfin que ce pontifical est reté pendant cinq siècles
la propriété de la famille Roger, ne laissent aucune
incertitude sur son origine: il a appartenu au pape
limousin Clément VI.
II
Nous ne pouvons faire remonter jusqu'au même
personnage le magnifique Missel, conservé à la
bibliothèque publique de Clermont-Ferrand et
connu sous le nom de Missel de Clément VI.
Cette désignation, qui l'accompagne jusque sur
le catalogue, incontestablement erronée, n'a pas
trompé Mgr Barbier de Montault, lorsque, au
sujet des armes de notre pape, il écrivait : « Un
Missel qui a appartenu à un membre de sa famille
et qui possède maintenant la bibliothèque de Clermont, offre • en plusieurs endroits un écusson
légèrement dissemblable : d'argent â la bande
d'azur, accompagné en orle de six roses de
de Saint-Sulpice, professeur de philosophie au grand sommaire de
Montferrand, curéoyen de Neschers, diocèse de Clermont. googue et botaniste auteur des Recherches sur les ossements fossiles
du département Ju Puy-de-Dôme et de diverses notices publiées
dans les Annales de l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts
de Clcrrnont-Fcrraad, est décédé le 5 avril 1859, àgé de 73 ans.
gueules pointées d'or au coeur (1). Ce missel que
l'on nomme à tort de Clément VI, me paraît dater
plutôt du XV0 siècle (2).
C'est un in-P de 35 centimètres de hauteur sur
24 de largeur, comprenant 380 feuillets en très
beau vélin, écrits sur deux colonnes. La pagination, marquée au recto seulement, est récente. La
marge extérieure a été coupée aux folios XI, XII,
XIV, XVII, XXIV et XXV.
Les feuillets principaux sont encadrés de guirlandes de fleurs et de fruits habilement exécutées.
Parfois, sans que cela se reproduise symétriquement, nous a écrit M. Vernière, dont nous ne
faisons que reproduire ici les notes, une ornementation du même genre se trouve en haut et en bas
d'une des colonnes de la page; mais l'artiste semble
avoir agi au gré de son caprice, car elle existe sur
des colonnes où est écrit l'office de saints assez
obscurs alors qu'elle manque à des fêtes plus importantes.
Dans le milieu de l'encadrement, au bas du
premier feuillet, est peint un écusson écartelé au
premier d'argent à la bande d'azur accompagné
en orle de six roses de gueules, qui est Roger de
Beaufort; du troisième d'azur au lecrier d'argent
colleté de gueules, à la bordure billetée de sinople,
qui est Canillac (3); parti de gueules à la fasce
d'or, qui est Norri (4).
Le propre des messes occupe les feuillets 1 à 52.
Puis viennent, en, plus gros caractères, le gloria,
(1) Au lieu de D'or à la bande d'a:ur, accompagné en orle de
six roses de gueules. - Baluze et Justel donnent les mêmes émaux
que le missel de Clermont.
(2) Armorial des papes, par Mgr X. Barbier de Montault; Arras,
187, in-S-; page 16, note 1.
(3) L'écu des Canillac est plus ordinairement billeté d'or ou
môme componnô d'aiyjent.
(.4) Justel et Nadaud attribuent aux Norri une fasce d'argent.
- 15 -
le credo, les préfaces avec notation musicale. Les
paroles de la consécration sont en lettres d'or minuscules. Au bas de la page 53 est reproduit l'écu
des Norri, de gueules à la fasce d'or. Nous voyons
à la même placedu feuillet 60, un autre écusson
écartelé aux premier et quatrième de RogerBeaufort et aux deuxième et troisième de Canillac.
Enfin l'écu de Gueules à la fasce d'or se retrouve
à la page 213.
Des enluminures fort riches, placées dans le
texte et dans l'intérieur des colonnes, représentent
les mystères ou des scènes de la vie des principaux saints. En voici les sujets:
Page 80. L'Adoration des Bergers.
Page 85. Saint Jean l'évangéliste.
Page 92. La Circoncision.
Page 95. L'Adoration des Rois.
Page 147. La Résurrection.
Page 162. L'Ascension.
Page 166. La Pentecôte.
Page 169 Le Christ assis sur le même siège
qu'un pape; le Saint-Esprit sort
de la bouche du Christ et va dans
celle du pape. Page 175. La Cène.
Page 213. David coupe la tête de Goliath.
Page 251; Le Christ et le pape. Même vignette
qu'à la&page 169, moins le SaintEsprit.
Page 268. Saint Nicolas.
Page 269. La Visitation.
Page 276. Saint Sébastien.
• Page 282. La Présentation.
• Page 290. Noël.
Page 292. Enluminures marginales : animaux
et fruits.
Page 397. Le Crucifiement.
Page 309. Saint Pierre et saint Paul.
- 16 -
Page 313. Sainte Marie-Madeleine. Un évêque
donne la communion; la nappe est
tenue par deux anges. On voit la
Vierge dans les nuages.
Page 315. Sainte Anne.
Page 322. La Transfiguration.
Page 324. Saint Laurent sur le gril.
Page 327. L'Assomption.
Page 334. La Nativité de la Vierge.
Page 340. Saint Michel.
Page 344 Le Massacre des Innocents.
Page 352. Sainte Catherine.
Page 356. Tous les Saints.
Ces miniatures ont de 8 à 10 centimètres de
hauteur sur 8 de largeur. A l'exception de la scène
du martyre de saint Laurent, où le peintre a adopté
des habillements contemporains, les personnages
sont revêtus, suivant les .sujets, de costumes romains ou judaïques.
Quelle est la date de ce précieux manuscrit?
Malgré la tradition qui l'a fait inscrire au cataloguç de la bibliothèque de Clermont sous lé nom
de Missel de Clément VI, il nous est impossible
de le faire remonter jusqu'à lui. Il est de beaucoup
postérieur au décès de ce pape (1352), postérieur
aussi la mort du second pape issu de la même
famille, Grégoire XI (1378). Son écriture, les encadrements des feuillets, les costumes dessinés
dans la vignette représentant le martyre de saint
Laurent sont incontestablement du xv 6 siècle.
D'autres indications contenues dans le texte et les
blasons qui l'illustrent, vont nous perifiettre de préciser sa date.
Les feuillets 206 et suivants continent un calendrier, dans lequel est marquée, au 7 avril, la
fête de Saint Vincent Ferrier, canonisé en 1458.
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Le missel est donc postérieur à cette date. Nous
lisons, en outre, au bas du mois de mars, dans le
même calendrier, la rubrique suivante « 1/ide
cwream nwnerum inpctrtc sinistra de nigro seriptum pro cinno de quo volueris; et in sequenti
proxirnct dorninica celebratur Pctscha. Si autetn
aureus numerus et littera doininicalis simal et in
codent loco concurrunt, tuno proxima sequenti
dorninica Pascha celebratur. Et nota quod hoc
anno domini M GCCC LXII. tenebramus pro
aurco numero X et pro littera dominicaui E et
erat bissextus. »
N'est-ce pas 1k la date du manuscrit? On ne
peut guère en douter, lorsqu'on sait qu'à cette époque Louis de Roger-Beaufort, marquis de Canillac,
venait d'épouser Jeanne de Norri, fille d'Etienne de
Norri et de Jeanne de Passac. 11 avait reçu de son
père les armes des Beaufort écartelées de celles de
Canillac. II y ajout;, après son mariage, le parti
de gueules à la fasce d'or des Norri. C'est ce blason, ainsi composé, qui se trouve à la première
page du volume. Nous pouvons donc affirmer que
le Missel de la bibliothèque de Clermont date de la
seconde moitié du xve siècle.
Composé pourLouis de Roger-Beaufort, marquis
de Canillac, il a été transmis comme le Pontifical
de Clément VI, à la famille de Montboissier. Il a
passé à M. de Bosredon, sénéchal d'Auvergne,
dont la mère, Louise d'Aubusson, était, comme
nous l'avons dit plus haut, issue des MontboissierBeaufort-Canillac. M. de Bosredon en fit hommage à Mgr de BonaJ, dernier évêque de Clermont avant la Révolution, qui le donna à la bibliothèque du chapitre de sa cathédrale. Cette bibliothèque a été le noyau de celle que possède aujourd'hui
la ville.
Si nous avons combattu et détruit la légende,
qui faisait remonter le Missel de Clermont jusqu'au
- 18 pape Clément VI, nous avons démontré qu'il avait
été composé pour une des familles les plus considérables de l'Auvergne et du Limousin, et qu'il
était resté pendant près de trois siècles en sa possession. Moins ancien que le Pontifical récemment
acquis par M. Ogier, il n'en offre pas moins un véritable intérêt artistique.

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