Quelques conseils en matière d`assurance de la responsabilité des

Transcription

Quelques conseils en matière d`assurance de la responsabilité des
Quelques conseils en matière
d’assurance de la responsabilité
des dirigeants
et des mandataires sociaux
Rédigé par Eric Remus, Associé-Gérant
Assurance & Capital Partners
Postface de Jean-Luc Deback
Président de APIA
Présentation des participants
à cette étude
APIA
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Créée fin 2003, APIA est une association dont l'objectif est de définir
et de promouvoir le nouveau métier d'administrateur d'entreprises
et de lui donner un label.
Initiée par un groupe de dirigeants d'entreprises moyennes,
APIA s'est élargie depuis à d'autres dirigeants et à de nombreux partenaires,
experts reconnus des métiers proches des entreprises.
Les membres et les partenaires travaillent ensemble sur des thèmes de réflexio
pour enrichir leur pratique professionnelle et mieux aider les chefs d'entreprises.
ASSURANCE & CAPITAL PARTNERS
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Société de courtage d’assurances, Assurance & Capital Partners
est l’un des principaux spécialistes français des risques de responsabilité civile,
notamment ceux encourus par les dirigeants et administrateurs de sociétés
ainsi que ceux associés aux opérations de fusion-acquisition,
prises de participations et introductions en bourse.
Opérant pour une clientèle diversifiée, Assurance & Capital Partners
a bâti une expérience particulières dans certains secteurs
au premier rang desquels le capital-investissement, la gestion pour compte de tiers
et les sociétés cotées.
Assurance & Capital Partners est affilié à William Gallagher Associates,
l’un des courtiers leaders aux Etats-Unis dans le domaine de l’assurance
de la responsabilité des dirigeants (Directors’ and Officers’ Liability insurance).
Table
des matières
Introduction
Objet de l’assurance
Les assureurs
Les points sensibles
- Les personnes assurées
- Périmètre garanti – Clause de territorialité
- Le montant de garantie
- Les exclusions
Précautions particulières pour un administrateur indépendant
Postface de Jean-Luc Deback, Président de APIA
1
Introduction
2
L
es dirigeants de sociétés disposent de pouvoirs étendus dans la conduite de leur
entreprise. Chacune de leurs décisions, parfois de leur absence de décision, a
des répercussions sur de nombreuses parties prenantes à la vie de l’entreprise,
qu’il s’agisse des employés, des actionnaires, des clients, des fournisseurs ou encore
des administrations publiques.
C’est avec le souci de protéger ces intérêts multiples que le législateur a défini le cadre
de la responsabilité des dirigeants qui permet de sanctionner ces derniers, civilement
ou pénalement, en cas d’infractions aux lois et règlements, de violations des
dispositions statutaires ou de fautes commises dans leur gestion. Cette responsabilité
est distincte de celle qui incombe à l’entreprise et engage le patrimoine personnel des
dirigeants.
On sent bien aujourd’hui, malgré un discours de façade favorable aux entrepreneurs,
que le carcan juridique s’est resserré ces dernières années et que les dirigeants sont
chaque jour un peu plus exposés au risque d’une action en réparation pour des actes
de gestion qui deviennent des fautes du seul fait qu’ils n’ont pas produit l’effet
escompté.
Dans ce nouveau contexte, le dirigeant prévoyant ne peut pas ignorer les solutions
d’assurance lui permettant de limiter l’impact sur son patrimoine personnel d’une
mise en cause de sa responsabilité. De fait, l’assurance de la responsabilité des
dirigeants et des mandataires sociaux, dite assurance « RCMS », s’est largement
répandue ces dix dernières années et on estime qu’une large majorité des sociétés dont
l’actionnariat dépasse le simple cadre familial a aujourd’hui souscrit cette assurance.
Encore un tel contrat n’apporte-t-il une véritable protection que s’il est bien adapté
aux risques généraux ou spécifiques encourus par les dirigeants et les mandataires
sociaux d’une entreprise donnée.
L’objet de ce fascicule est d’aider les dirigeants à se poser certaines questions de base
au moment de l’étude d’une assurance RC Dirigeants et ainsi de faire coïncider le
plus précisément possible la protection recherchée avec les risques effectivement
encourus. Le terme de dirigeant est ici entendu au sens large et vise tant les dirigeants
opérationnels que les mandataires sociaux (tels que les administrateurs, les membres
du conseil de surveillance, ou les membres des comités de SAS). Une attention
particulière sera accordée aux administrateurs indépendants qui n’ont ni le bénéfice
du parapluie de l’entreprise ni celui d’un actionnaire financier.
L’objet de l’assurance
Les assureurs
L’assurance RCMS couvre les dirigeants de droit
(tels que le président, le directeur général, les administrateurs, les membres du directoire) et les dirigeants de fait (toute personne qui, sans être dirigeant
de droit, se verrait reprocher d’exercer une influence
déterminante sur la gestion de l’entreprise) contre les
conséquences financières des fautes qu’ils auraient
effectivement ou prétendument commises.
Le tableau ci-dessous donne la liste des principaux
assureurs intervenant dans l’émission des garanties
RCMS. Si le nombre d’acteurs semble à première
vue assez important, il faut souligner qu’il se réduit
fortement pour la couverture des risques perçus
comme les plus délicats (tels que les très jeunes
sociétés, les sociétés financièrement fragiles, les sociétés cotées, les sociétés présentes aux Etats-Unis). Par
ailleurs, certains assureurs n’accordent qu’une garantie minimale qui suffira pour des profils de risques
classiques (tel qu’une PME rentable opérant dans un
secteur d’activité traditionnel) mais qui sera notoirement insuffisante pour des risques plus complexes
(actionnariat ouvert, présence à l’étranger, activités
sensibles…).
L’assurance prend en charge les frais de défense que
les dirigeants seraient amenés à engager pour leur
défense ainsi que les éventuels dommages et intérêts
qui seraient prononcés à leur encontre en réparation
des préjudices subis par des tiers.
Assureur
Rating*
ACE
AGF
AIG
AXA
CHUBB
CNA
GAN
HCC
Liberty
Lloyd’s
MMA
XL
A
A+
A++
A+
A++
A
Non dispo
A+
A
A
B
A+
Commentaires**
Entreprises du secteur traditionnel
Peu présent dans l’assurance RCMS
Tous types de risques
Entreprises du secteur traditionnel
Entreprises du secteur traditionnel
Tous types de risques
Entreprises du secteur traditionnel
Principalement les grands comptes (en excess)
Principalement les grands comptes (en excess)
Tous types de risques
Entreprises du secteur traditionnel
Principalement les grands comptes (en excess)
*Les ratings sont établis par AM Best, principale agence de notation du secteur de l’assurance (A++ = Supérieur ; A+ = Supérieur ; A = Excellent,
B = Convenable)
**Les commentaires sont basés sur l’état du marché en Décembre 2004 d’après l’expérience d’Assurance & Capital Partners
Les points sensibles
Les personnes assurées
La portée de l’assurance peut être significativement
réduite soit par l’introduction d’une exclusion touchant une composante importante du risque à couvrir soit encore par une limitation introduite dans
certaines définitions.
Les personnes physiques, dirigeants de droit ou de fait
Le choix de l’assureur ne peut donc pas être fondé
sur le seul élément tarifaire mais aussi et d’abord sur
l’adéquation de la garantie aux risques spécifiques
auxquels les dirigeants d’une entreprise donnée sont
exposés.
Sans prétendre à l’exhaustivité, nous avons isolé,
dans les paragraphes suivants, certains points qui,
par expérience, appellent une vigilance particulière
lors de l’examen de propositions concurrentes.
Sans demande particulière, une proposition d’assurance sera généralement limitée à la couverture des
personnes physiques. Les administrateurs indépendants qui détiennent un mandat à titre personnel
(non comme représentant permanent d’une société
patrimoniale), seront donc toujours englobés dans la
définition des assurés et à ce titre couverts par le
contrat d’assurance souscrit par l’entreprise.
Nous passons ci-après en revue d’autres personnes
dont la couverture ne revêt pas la même automaticité.
3
Les personnes morales, dirigeant de droit
4
intérêts de son employeur,
Avec le développement du rôle joué par les investisseurs en capital en France, de nombreux conseils
d’administration ou de surveillance comprennent
aujourd’hui des personnes morales.
• Soit qu’il ait un comportement identique à celui
d’un autre investisseur, lui-même titulaire d’un
mandat social, amenant le juge à les assimiler
dans le partage des responsabilités.
Ne pas prévoir, s’il y a lieu, la couverture des personnes morales revient à exclure certains dirigeants
du bénéfice de la garantie et même, serait-on tenté
d’ajouter, revient à exclure les dirigeants les plus
exposés puisque, par le biais d’une condamnation
solidaire, le tiers lésé pourra se tourner vers la partie
présumée la plus solvable, et donc plutôt vers une
personne morale qu’une personne physique. Le cas
échéant, il convient donc d’élargir la définition des
assurés à la couverture des personnes morales titulaires d’un mandat social. Indépendamment des
investisseurs en capital, la question se pose aussi
pour certaines personnes fortunées qui peuvent
accepter des mandats au nom de la structure patrimoniale qu’elles ont créée.
Dans tous les cas, il sera prudent pour la personne
morale d’être couverte en qualité de personne morale, dirigeant de fait.
Les personnes morales, dirigeant de fait
Quand un investisseur financier est actionnaire
d’une société et alors même qu’il ne détient pas de
mandat social en propre, il encourt le risque de voir
sa responsabilité recherchée comme dirigeant de
fait :
• Soit qu’un de ses préposés, un directeur de participations par exemple, siège en son nom personnel mais représente, dans la réalité des faits, les
Les personnes physiques, titulaires d’une délégation de
pouvoirs
Dans les groupes importants, disposant d’établissements secondaires, le chef d’entreprise peut, à certaines conditions, limiter sa responsabilité, notamment sa responsabilité pénale, par la mise en place
de délégations de pouvoirs au bénéfice de responsables non mandataires sociaux.
Le bénéficiaire de la délégation est dès lors en première ligne et à son tour expose son patrimoine personnel. Le chef d’entreprise doit donc veiller à ce
que les délégataires puissent également bénéficier du
contrat d’assurance s’ils sont mis en cause. C’est
généralement le cas dans la plupart des contrats mais
on a vu apparaître des restrictions qui peuvent être
pénalisantes, par exemple lorsque le contrat prévoit
que le bénéficiaire d’une délégation ne sera couvert
que s’il est mis en cause conjointement avec un dirigeant de droit. L’introduction de cette condition
supplémentaire atténue l’efficacité de la garantie et
une telle limitation ne doit pas être acceptée.
Résumé
Questions concernant l’entreprise
Questions concernant le contrat d’assurance
Les organes d’administration ou de surveillance de
mon entreprise comptent-ils des personnes
morales? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . OUI – NON
Si OUI, sont-elles couvertes par le contrat :
- en tant que dirigeant de droit ?
- en tant que dirigeant de fait ?
Certains mandataires sociaux défendent-ils les intérêts d’investisseurs financiers ?
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . OUI - NON
Si OUI, les investisseurs financiers sont-ils couverts
en tant que dirigeant de fait ?
Certains cadres sont-ils titulaires de délégations de
pouvoirs ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . OUI – NON
Si OUI, ces personnes bénéficient-elles du contrat
d’assurance sans restriction ?
Périmètre garanti –
Clause de territorialité
Dans un groupe, tous les dirigeants sont exposés
qu’ils siègent dans les organes d’administration de la
société holding, ou d’une société filiale, que celle-ci
soit située en France ou à l’étranger.
Les dirigeants considérant la souscription d’un
contrat « Responsabilité des dirigeants » doivent, à
titre de première vérification, valider que l’ensemble
des entités composant leur groupe entre bien dans le
périmètre garanti et, seconde vérification, que la
clause de territorialité du contrat est en conformité
avec la situation géographique des sociétés du
Groupe.
Holding
Dans les situations de LBO, une société holding est
créée pour porter les titres de la société opérationnelle et les financements nécessaires à l’acquisition. Les
dirigeants doivent veiller à ce que le contrat soit bien
souscrit par la société holding ou, si un contrat existait au niveau de la société opérationnelle, que le
souscripteur soit bien modifié.
Filiales
Si le contrat est souscrit au niveau de la société holding, ce que nous recommandons, il faut ensuite
s’assurer que les dirigeants des filiales soient bien
assurés y compris pour les actes antérieurs à la création de la holding. La couverture prend effet pour
les actes de gestion postérieurs à la date à laquelle
une société est devenue filiale soit, sauf à prévoir
d’autres dispositions, à la date de la création de la
société holding.
Filiales à l’étranger
La création de filiales à l’étranger représente un
risque aggravé pour les dirigeants du fait des règles
juridiques propres à chaque pays notamment en
matière fiscale. La clause de territorialité du contrat
d’assurance doit être adaptée aux différents pays
d’implantation étant précisé que les pays anglosaxons sont très généralement exclus sauf à en faire
la demande expresse.
Résumé
Questions concernant l’entreprise
Questions concernant le contrat d’assurance
Une holding d’acquisition a t-elle été créée ?
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . OUI – NON
Si OUI, est-elle bien désignée au contrat?
Si une holding a été créée, souhaite t-on couvrir ses
filiales pour les actes de gestion antérieurs ?
OUI – NON
Si OUI, les dirigeants de ces filiales sont-ils bien
couverts à ce titre ?
Certaines filiales sont-elles implantées dans des
pays anglo-saxons ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . OUI - NON
Si OUI, la territorialité du contrat est-elle bien
étendue à ces pays ?
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Le montant de garantie
6
Avec la contraction du marché, on a vu certains
contrats prévoir des capitaux assurés de
€ 100 000 ou de € 150 000. Même s’il n’est pas
aisé, en matière d’assurance de responsabilité, de
déterminer le montant approprié, contrairement à
l’assurance des risques de dommages, on peut toutefois raisonnablement affirmer que les montants qui
viennent d’être cités sont insuffisants même pour
une très jeune société. Il faut en effet se souvenir que
le montant de garantie a vocation à être partagé
entre tous les dirigeants et administrateurs de l’entreprise et à couvrir et les frais de défense et les dommages et intérêts.
S’il n’y a pas de modèle parfait pour déterminer le
montant de garantie idéal, notre expérience de courtier spécialisé nous permet d’approcher un montant
« raisonnable » en pondérant les fonds exposés par
l’expérience jurisprudentielle.
Les fonds exposés sont, dans notre acception, les
apports en fonds propres et l’endettement net de
l’entreprise, c’est à dire les sommes apportées à l’entreprise par les groupes les plus susceptibles de
rechercher la responsabilité des dirigeants, les actionnaires et les créanciers par le biais de l’action en
comblement de passif.
Diverses décisions de justice ont montré que les
juges, même lorsque la responsabilité des dirigeants
était établie, ne condamnaient pas les dirigeants mis
en cause pour la totalité des montants réclamés. En
fonction du degré d’aversion au risque, nous préconisons de retenir une proportion de 15 à 25% des
fonds exposés. Ainsi, pour une société disposant de
capitaux propres de € 3 millions et un endettement
net de € 3 millions, un montant de garantie de €
1,5 million nous paraît-il un chiffre raisonnable.
Les exclusions
Il est compréhensible que l’assureur cherche à se prémunir contre certains types de réclamations. Ainsi
est-il logique qu’il exclut les litiges connus à la date
d’effet du contrat ou qu’il refuse sa garantie lorsque
une décision de justice sanctionne un acte pénalement répréhensible ou encore lorsqu’une réclamation relève d’un autre contrat usuellement souscrit
par l’entreprise.
Par contre, certaines restrictions apparues ces deux
ou trois dernières années peuvent remettre en cause
l’intérêt même du contrat et doivent être purement
et simplement refusées ou à tout le moins atténuées
en en négociant les termes.
Exclusion des conséquences des procédures collectives
L’action en comblement de passif engagée contre les
dirigeants dans une procédure collective est LE
grand risque en France moins en termes de fréquence que d’enjeu pour le patrimoine personnel des
dirigeants. L’exclusion des actions introduites par les
mandataires de justice réduit donc considérablement
l’intérêt du contrat, particulièrement pour les petites
et moyennes entreprises. Nous estimons qu’une telle
restriction n’est pas acceptable.
Exclusion des réclamations introduites par un actionnaire significatif
Il est fréquent de voir exclues les réclamations introduites par un actionnaire « significatif » de l’entreprise. Suivant les assureurs, et la structure de l’actionnariat d’une entreprise donnée, le terme « significatif » visera uniquement l’actionnaire majoritaire
ou tout actionnaire détenant plus d’une certaine
quotité du capital, parfois aussi basse que 15 à 20%.
Une telle restriction est assez généralisée dans les
contrats d’assurance et vise à prémunir l’assureur
contre le risque qu’un des principaux actionnaires,
qui a généralement été associé aux décisions importantes, ne cherche à se « refaire » des conséquences
de ses mauvais choix par une action en responsabilité menée contre les dirigeants qu’il a lui-même nommés.
Cependant, sachant que l’action en responsabilité
introduite par les actionnaires est, après l’action en
comblement de passif, une des autres sources
majeures de contentieux contre les dirigeants, il faut
s’efforcer, à défaut de supprimer une telle disposition, d’en atténuer la portée.
Exclusion des réclamations d’un assuré contre un autre
assuré
C’est un principe, en matière d’assurance de responsabilité, que deux parties, assurées par le même
contrat, ne puissent se mettre en cause entre eux en
« fabriquant » une réclamation au détriment de l’assureur, payeur ultime. Cependant, dans le cas de
l’assurance de la responsabilité des dirigeants, cette
restriction est potentiellement très pénalisante.
L’expérience montre en effet que les actions introduites par un nouveau management contre l’ancien,
ou inversement, font partie du paysage des affaires.
Là encore, une telle restriction doit-elle être soit supprimée soit fortement atténuée par une négociation
avec l’assureur.
On pourrait prendre d’autres exemples encore mais
l’essentiel est de souligner la nécessité pour les dirigeants, avec l’assistance d’un courtier d’assurances
spécialisé, de procéder à une lecture minutieuse de
leur contrat dont il faut rappeler qu’il constitue une
des dernières lignes de défense, sinon la dernière,
pour la sauvegarde de leur patrimoine personnel.
Précautions particulières
pour un administrateur
indépendant
Les développements précédents auront montré que
la seule information de l’existence d’un contrat n’est
pas suffisante pour être rassuré sur la réalité de la
protection. Or l’administrateur indépendant n’est
généralement pas à l’origine de la mise en place d’un
contrat pas plus qu’il n’a participé à la négociation
de ses termes. Il doit donc demander à disposer
d’une copie du contrat pour, assisté au besoin de son
conseil, en faire une lecture critique. Nous voudrions
souligner ici deux dispositions du contrat qui peuvent avoir une incidence sur l’efficacité de la protection disponible pour les administrateurs indépendants.
Risque d’invalidation du contrat pour fausse information
L’assureur émet un contrat sur la foi des informations qui lui ont été communiquées sous diverses
formes et notamment par le biais d’un questionnaire
d’assurance. Le Code des assurances lui donne la
possibilité d’invalider un contrat s’il peut démontrer
qu’il a été trompé dans la présentation qu’il lui a été
faite du risque. Or, le questionnaire est toujours
rempli par la Direction de l’entreprise. Le risque
existe donc que l’administrateur indépendant perde
le bénéfice de la garantie, en même temps que les
autres assurés, du fait des informations communiquées par les dirigeants opérationnels. Il serait donc
plus protecteur pour les mandataires sociaux ne
détenant pas de fonctions opérationnelles dans l’entreprise, tels que le ou les administrateurs indépendants ou les représentants des actionnaires, que les
informations dont dispose l’assureur ne soient opposables qu’au seul signataire du questionnaire, généralement le président et aux autres membres de la
Direction opérationnelle.
Si l’Assureur refuse de prévoir une telle disposition,
au moins l’administrateur indépendant prendra t-il
la précaution de demander et de relire la copie du
questionnaire d’assurance qui a été complété à l’origine de la mise en place du contrat.
Solidarité dans l’application de certaines exclusions
Certaines exclusions donnent la faculté à l’assureur
de rejeter les réclamations trouvant leur origine dans
un acte intentionnel ou dolosif commis par un assuré. Là encore, une telle disposition vise d’abord les
dirigeants opérationnels de l’entreprise qui peuvent
plus facilement se rendre coupables d’une fraude,
d’un détournement ou d’un abus de biens sociaux. Il
faut éviter que cette exclusion, au demeurant légitime, n’aboutisse à priver certains assurés du bénéfice
de la garantie alors même qu’ils sont totalement
étrangers aux agissements frauduleux incriminés.
Les exclusions relatives à des actes frauduleux ne doivent être opposables qu’aux seuls assurés directement
responsables de la faute. Il doit donc être explicitement précisé dans le contrat qu’il n’y a pas de solidarité entre assurés dans l’application de ces exclusions.
7
Postface
S’il est souhaitable voire indispensable pour les dirigeants de s’assurer convenablement, il faut rappeler
que la meilleure des protections, c’est d’abord la prévention, c'est-à-dire l’ensemble des mesures permettant de limiter les risques et donc les ennuis.
8
Une telle démarche n’est pas particulièrement compliquée. Elle repose sur le professionnalisme et l’indépendance dont chaque administrateur doit faire
preuve dans l’exécution des quatre missions principales que la loi attribue au conseil d’administration
et qui sont rappelées ci-après :
1. Il détermine les orientations de l’entreprise et
veille à leur mise en oeuvre (autrement dit le
Conseil décide en dernier ressort de la stratégie
de l’entreprise, donc participe forcément à son
élaboration...)
2. Il se saisit de toutes les questions intéressant la
bonne marche de l’entreprise et règle par ses
délibérations les affaires qui la concernent
3. Il nomme (et révoque) les dirigeants et fixe les
conditions de leur rémunération
4. Il se porte garant vis à vis des tiers (actionnaires,
créanciers, personnels,...) de la bonne communication financière et de sa fiabilité
Même si l’entreprise traverse une passe difficile, le
respect par les administrateurs des cinq règles suivantes devrait leur permettre de fortement limiter les
risques personnels auxquels ils sont exposés :
1. Travailler... Un administrateur, a fortiori professionnel, n’est pas une chambre d’enregistrement
de ce qu’on veut bien lui présenter... Avant les
Conseils (auxquels il assiste bien évidemment),
il doit aller chercher l’information s’il ne l’a pas,
la faire compléter si nécessaire, l’analyser, se forger une opinion, pouvoir l’argumenter.
2. Ecrire... et faire écrire. Administrer une entreprise n’est pas simplement se parler, discuter.
C’est instruire, challenger, arbitrer, consigner. La
loi le dit d’ailleurs : un PV de Conseil doit traduire l’essentiel des débats et les principaux
points de vue préalables à une décision. Un
administrateur qui ne partage pas une analyse
conduisant à une décision qu’il n’approuve pas
doit exiger qu’il en soit fait état au procès verbal
de conseil.
3. Proposer… Un administrateur, a fortiori professionnel, doit être capable de proposer au
Dirigeant et au Conseil des orientations stratégiques, des anticipations d’actions ou des corrections de dysfonctionnements...
4. Savoir alerter... Si un administrateur professionnel ayant respecté les règles précédentes considère qu’un risque préoccupant reste sous-estimé
ou insuffisamment pris en compte, qu’un sujet
grave n’est pas traité ou soumis au Conseil
comme il le devrait, qu’un dossier ne présente
pas toutes les garanties de fiabilité requises, il
doit en alerter par tout moyen pertinent le chef
d’entreprise et, si nécessaire, le Conseil.
5. Savoir démissionner... Et au pire, s’il n’a pas été
entendu, si un désaccord qui lui semble grave
persiste, il doit être capable de se retirer. Autant
un administrateur qui démissionne par panique
alors qu’il n’avait rien fait auparavant aggrave
son cas, autant celui qui a travaillé, écrit, proposé, alerté sans succès et se voit donc obligé de
se désolidariser, se protège en démissionnant.
Jean-Luc Deback
Président de APIA
Assurance & Capital Partners
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