HYDROTEL, un modèle hydrologique distribué pouvant générer des

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HYDROTEL, un modèle hydrologique distribué pouvant générer des
Actes des JSIRAUF, Hanoi, 6-9 novembre 2007
HYDROTEL, un modèle hydrologique distribué pouvant générer
des informations spatialisées détaillées très utiles pour la gestion
de bassins versants de tailles diverses
Jean-Pierre FORTIN, S. DUCHESNE, M. BERNIER,
HOANG Kim Huong, J.-P. VILLENEUVE
Institut national de la recherche scientifique, Centre Eau, Terre & Environnement, 490 de la Couronne
Québec (QC), G1K 9A9 CANADA
Email : [email protected]
Abstract
The HYDROTEL hydrological model has been designed with the objective to simulate or forecast the
hydrological behaviour of watersheds of various sizes, going from very small ones covering only a
few square kilometers to very large ones with thousands of square kilometers. Its spatial structure and
the hydrological informations produced by the model are also utilized by GIBSI, an integrated
modeling system involving water erosion, pollutants transport and water quality in rivers simulation as
well as watershed management. GIBSI has also been developed at INRS-ETE. In this communication,
we will explain how HYDROTEL should be an extremely useful tool for the simulation or the forecast
of the spatial distribution of hydrological phenomena like floods or dry spells in a complex watershed
like that of the Câù river un Vietnam. All this information will be very useful to manage potential
conflicts resulting from water use.
Mots clés : HYDROTEL, PHYSITEL, GIBSI, modélisation hydrologique, gestion intégrée, bassin versant
Problématique
Même dans des pays où les ressources en eau sont encore très abondantes, comme le Canada,
on s’interroge sur la disponibilité et la qualité future de ces ressources. Des inondations
viennent dévaster des régions entières ou encore les rares pluies n’arrivent pas à fournir
l’humidité nécessaire aux récoltes. Certains cours d’eau sont pollués par des rejets agricoles
ou industriels, ponctuels ou diffus. On fait écho dans les journaux de l’appétit d’autres pays
pour le partage à sens unique des ressources en eau. On cherche à connaître l’effet des
changements climatiques sur ces ressources.
Ce qui peut risquer d’arriver plus tard au Canada est déjà en cours dans plusieurs pays du Sud
aux prises avec de graves inondations ou des sécheresses dont la durée s’étire année après
année. Des populations plus grandes doivent partager des ressources en eau moins abondantes
souvent alimentées par des conditions météorologiques catastrophiques. Les conditions
rudimentaires et multiples d’utilisation de l’eau amènent une pollution rapide et un mauvais
partage de cette ressource essentielle à la vie.
Nous disposons toutefois de plus en plus de moyens pour améliorer la gestion de l’eau tant en
quantité qu’en qualité. Encore faut-il que les populations soient informées de ce qu’elles
pourraient faire pour améliorer leur gestion de l’eau et aient le financement nécessaire pour le
faire. Il faut aussi que les gens comprennent qu’une telle gestion ne se fait pas au niveau local
seulement, mais doit être entreprise sur une base spatiale beaucoup plus vaste.
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Dans cette communication, nous expliquerons comment l’approche développée à l’INRS-ETE
pour améliorer la gestion des ressources en eau au niveau de grands bassins versants, de
manière à mieux répartir l’eau entre les divers besoins locaux tout en la protégeant, peut
s’appliquer aux régions où ces ressources sont limitées.
Approche de l’INRS-ETE
En quelques mots, l’approche développée à l’INRS-ETE repose sur la connaissance du
territoire à partir de la télédétection et d’informations complémentaires de systèmes
d’information géographique couplées à la modélisation des écoulements tant en quantité
qu’en qualité (Bernier et al. 2003).
Plus précisément, le modèle hydrologique distribué HYDROTEL (Fortin et al. 2001a et
2001b, Fortin et al. 1995, Turcotte et al. 2001, Site internet) a été développé dans le but de
simuler ou de prévoir le comportement hydrologique de bassins versants de tailles très
diverses, allant de petits bassins de quelques kilomètres carrés à de très grands bassins
comptant des milliers de kilomètres carrés. Dans HYDROTEL, la variation spatiale des
caractéristiques du bassin versant est obtenue à partir des données d’un SIG et de la
télédétection. Ainsi, le suivi temporel des classes d’occupation du territoire est obtenu
d’images satellitaires de haute résolution, alors que les types de sols proviennent de données
SIG. Un bilan hydrologique vertical est calculé séparément sur de petites unités hydrologiques
relativement homogènes (UHRH). Ces unités correspondent à de très petits sous-bassins dont
la structure de drainage est dérivée d’un modèle numérique d’altitude (MNA) de résolution
relativement grande (5 à 20 m de côté selon les bassins). La base de données décrivant les
caractéristiques des bassins est préparée par PHYSITEL, un logiciel développé pour remplir
cet objectif spécifique et compatible avec les logiciels commerciaux de SIG. HYDROTEL et
PHYSITEL sont dotés d’une interface conviviale pouvant être facilement traduite dans
d’autres langues que le français.
Des simulations ou des prévisions hydrologiques peuvent être réalisées à divers pas de temps
allant de 1 à 24 heures, avec des algorithmes assurant la compatibilité entre les résultats
acquis à divers pas de temps. Tant des données météorologiques mesurées à des stations que
des données en provenance de radars météorologiques peuvent être utilisées. Le couvert de
neige en pays froid ou en haute montagne en pays plus chaud peut être suivi par télédétection
et comparé aux cartes de couvert de neige fournies lors de simulations. Le modèle est utilisé
dans un contexte opérationnel de prévisions hydrologiques et de simulations au Québec.
D’autres applications ont été réalisées ou sont en cours de réalisation dans d’autres pays tels
que l’Argentine, la Côte d’Ivoire, la France et le Mexique.
La structure spatiale et les informations hydrologiques quantitatives fournies par le modèle
HYDROTEL sont aussi utilisées par GIBSI (Rousseau et al. 2000, Site internet), un système
de modélisation intégrée quantité-qualité et de gestion des bassins versants, aussi développé à
l’INRS-ETE. Outre HYDROTEL, GIBSI utilise des versions adaptées des modèles USLE
pour la modélisation de l’érosion hydrique, SWAT/EPIC pour celle du cycle et du transport
de polluants agricoles (azote, phosphore, pesticides) et QUAL2E pour celle de la qualité de
l’eau. L’algorithme de calcul de l’érosion et du transport des sédiments de SWAT a également
été ajouté à la version de QUAL2E utilisée par GIBSI.
Quant à la télédétection, tel que mentionné plus haut, des images haute résolution sont
utilisées pour assurer le suivi spatio-temporel des classes d’occupation du territoire pour la
modélisation hydrologique. Nous avons aussi développé des méthodologies de suivi du
couvert de neige en pays froid ou en haute montagne (Bernier et al. 2003, Bernier et al. 2000,
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Bernier et al. 1999, Fortin et al. 2000). Les informations recueillies sont alors comparées aux
résultats fournis par HYDROTEL sur le couvert nival afin d’effectuer des corrections
compensant pour l’imprécision spatiale des données météorologiques disponibles. Des images
haute ou très haute résolution sont aussi utilisées pour aider à mieux comprendre le
comportement hydrologique de zones particulières de certains bassins versants. On pense ici à
des tourbières, des marécages ou autres zones humides.
Dans ce qui suit, nous ne pourrons présenter en détail l’approche résumée dans les lignes
précédentes et devrons nous borner à donner quelques exemples d’utilisation possibles du
modèle HYDROTEL pour le suivi de divers événements hydrologiques sur un bassin versant
en vue de parvenir à une meilleure gestion des ressources en eau.
Application en cours de démarrage au Vietnam
L’objectif principal du projet est de fournir aux partenaires vietnamiens l’expertise nécessaire
pour implanter une approche de gestion intégrée par bassin versant au Vietnam, en vue
d’élaborer divers scénarios d’intervention et d’être en mesure de définir les priorités d’action
pour l’amélioration de la qualité de l’eau des rivières vietnamiennes. Ces connaissances et ce
savoir-faire seront acquis, au cours du projet, par la réalisation de l’ensemble des activités
requises pour appliquer la gestion intégrée sur le sous-bassin amont du bassin de la rivière
Câu. Ce bassin versant servira donc de cas d’application pour la formation des acteurs
vietnamiens afin que ces derniers soient en mesure, au terme du projet, d’appliquer les
principes de gestion intégrée sur d’autres bassins du Vietnam. Tout au long du projet, des
activités sont également prévues pour informer les collectivités locales sur les principes
généraux de la gestion intégrée par bassin versant et pour s’assurer de leur participation au
choix des scénarios d’intervention à préconiser afin d’améliorer la qualité de l’eau sur le
bassin.
La réalisation de ces objectifs implique la synthèse de l’état des connaissances sur le bassin de
la rivière Câu, la mise en place et le suivi des activités du Comité de bassin de la rivière Câu
de même que le transfert et l’adaptation de GIBSI, ce qui implique la collecte de données
existantes, des campagnes de mesure pour compléter ces données, la normalisation de la base
de données et l’étalonnage des modèles inclus dans GIBSI, dont HYDROTEL. Enfin, à l’aide
de GIBSI, l’élaboration et l’évaluation de plans d’action optimaux pour l’amélioration de la
qualité de l’eau pourront être envisagées.
Génération par HYDROTEL d’informations spatialisées très utiles pour la gestion de
bassins
Tout organisme ayant comme objectif le développement durable des ressources en eau dans
une région donnée doit être en mesure de suivre et de prévoir l’évolution spatio-temporelle de
ces ressources sur le territoire dont il a la charge. Pour ce faire, il a besoin d’informations sur
le terrain mais aussi d’outils informatiques capables de générer les informations dérivées
cruciales pour une bonne gestion. Dans les lignes qui suivent, nous allons décrire brièvement
comment HYDROTEL peut aider à fournir ces informations cruciales.
Rappelons qu’HYDROTEL effectue un bilan hydrologique vertical sur chaque UHRH du
bassin étudié. Ces UHRH peuvent être aussi petites que souhaité par l’utilisateur de manière à
obtenir la résolution spatiale désirée pour les objectifs visés. À chaque pas de temps, un bilan
hydrologique est donc réalisé sur chaque UHRH. Ce bilan est calculé sur trois couches de sol :
une couche de surface d’où il y aura ruissellement en cas de saturation, une couche
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intermédiaire produisant l’écoulement retardé et une couche plus profonde liée à l’écoulement
de base. Il est donc possible de cartographier la teneur en eau dans chacune de ces couches de
sol et de l’afficher en cours de simulation (fig. 1).
Figure 1 : Affichage de la distribution spatiale de la pluie, du ruissellement et des teneurs en
eau des trois couches de sol sur la partie simulée du bassin NZO, en Côte d’Ivoire
Ceci signifie qu’un gestionnaire peut connaître à tout moment la distribution spatiale de la
teneur en eau du sol sur l’ensemble du bassin versant sous sa responsabilité. Il peut donc
prévoir des besoins d’irrigation dans telle ou telle partie du bassin si la sécheresse se poursuit
ou, au contraire, s’attendre à des inondations si des précipitations importantes se produisent
dans les prochains jours, le sol étant près de la saturation. Par extension, il peut s’attendre à de
l’érosion dans certaines zones ou à des glissements de terrain.
Au Québec, HYDROTEL est utilisé pour effectuer des prévisions hydrologiques par le
ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs ainsi que par la
compagnie Hydro-Québec. Il est possible d’utiliser HYDROTEL pour effectuer des
prévisions hydrologiques permettant d’augmenter le délai d’avertissement de crue pour la
population, le bétail, les habitations et autres constructions importantes. Les divers types
d’affichage en cours de simulation de la prévision permettent en outre de visualiser divers
aspects hydrologiques liés à la crue, comme le ruissellement, la propagation de l’onde de crue
et les débits atteints partout sur le bassin à un pas de temps donné.
Un gestionnaire peut aussi se demander quel serait l’effet d’une retenue sur tel ou tel tronçon
d’une rivière pour aider à l’irrigation ou encore protéger les zones aval contre les crues.
L’estimation de cet effet est possible avec HYDROTEL. Si un pont doit être construit à tel ou
tel endroit sur une rivière ou si on désire mieux définir les zones inondables le long d’une
rivière, la simulation de la crue maximale probable en n’importe quel point de cette rivière est
importante et peut être simulée par un modèle hydrologique tel HYDROTEL. Enfin,
beaucoup d’études basées sur des images satellitaires prises à plusieurs années d’intervalle ont
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montré l’envahissement urbain sur tel ou tel bassin, le déboisement ailleurs, ou encore la
progression des zones désertiques. Simuler l’effet de ces changements d’occupation du sol sur
les conditions hydrologiques régionales et locales est aussi possible avec HYDROTEL. Dans
ce cas, il faut tout d’abord produire des cartes d’occupation du sol à diverses dates à partir
d’images obtenues par télédétection. On peut aussi vouloir prévoir l’effet hydrologique d’un
changement d’occupation possible dans le futur. Encore ici, il s’agit de produire de nouvelles
cartes d’occupation du sol comportant les changements escomptés. Dans tous ces cas, c’est la
télédétection, les données de SIG et leur traitement dans PHYSITEL qui sont primordiaux,
HYDROTEL effectuant les simulations à partir de ces nouvelles cartes.
Utilisation en cours au Vietnam
Dans le cadre du projet de collaboration Canada-Vietnam portant sur la gestion du bassin
intégré de la rivière Câu, l’objectif principal de la modélisation est de déterminer l’impact sur
la qualité de l’eau en rivière de divers scénarios (ex. déboisement, construction de digues,
mise en place de stations de traitement de l’eau, etc.). Pour ce faire, on a recours à l’outil
informatique GIBSI. Tous les modèles de GIBSI s’appuient sur les résultats d’Hydrotel,
puisque la modélisation du ruissellement et des débits est primordiale pour estimer les
transferts de sédiments et de contaminants sur le bassin versant. Sur le bassin de la rivière
Câu, les données de débit mesurées sont extrêmement rares. Le modèle Hydrotel, une fois
calé sur la base de ces mesures, permet dans ce cas de calculer les débits en divers endroits
non jaugés du bassin et aussi d’évaluer l’impact sur le régime hydrologique de divers
aménagements. Ces informations seront très utiles pour appuyer les décisions de gestion sur
ce bassin versant, lequel a été identifié comme prioritaire pour l’amélioration de la qualité de
l’eau par le gouvernement vietnamien. À ce jour, des données provenant de la télédétection
ont été recueillies, analysées et traitées pour fournir à Hydrotel des informations essentielles
concernant la topographie du terrain, l’occupation du territoire, les types de sol et la
cartographie du réseau hydrographique du bassin versant de la rivière Câù.
Conclusion
Les ressources en eau deviennent un enjeu géopolitique un peu partout à travers le monde.
Nous n’avons plus le choix, il faut arriver à mieux gérer cette ressource, à mieux la répartir
pour répondre aux divers besoins tout en agissant de manière à préserver cette ressource
essentielle à la vie, tant en quantité qu’en qualité. Cela veut dire recourir à des logiciels pour
faciliter la prise de décision, avoir une vision spatiale beaucoup plus grande et surtout une
vision humanitaire de coopération pour le bien de tous et non seulement de quelques-uns.
Bibliographie
Site internet HYDROTEL : http://www.ete.inrs.ca/activites/modeles/hydrotel/fr/accueil.htm
Site internet GIBSI : http://www.ete.inrs.ca/activites/modeles/gibsi/francais/accueilgibsi.htm
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