Des étals aux vitrines - Charleville
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Des étals aux vitrines - Charleville
Histoire Histoire des devantures de commerces Des étals aux vitrines mans. Nos entrepôts sont copiés sur les caravansérails et funduqs orientaux. Le vocable « boutique » – issu par une voie très incertaine du grec « apothêkê » (lieu de dépôt) – est rarement usité au Moyen Âge. Celui d’échoppe a pour origine le néerlandais « schoppe », la petite boutique en appentis, adossée à un mur. Il en existait jusqu’au milieu du XIXe siècle contre l’église Notre-Dame de Mézières, elles étaient toutefois qualifiées d’« hobettes ». Dessin : Olivier Gobé Des étals encombrants L’installation des premiers trottoirs à Charleville en 18371839 contraint les commerçants locaux à changer les pratiques de la vente. Les sombres étals de leurs échoppes, encombrants, laissent la place à de larges devantures éclairées de grandes vitrines. 26 N° 127 - Février 2009 Au Moyen Âge : techniques commerciales empruntées aux Musulmans L’essor du commerce avec l’Orient musulman à partir de 1154 (installation des Pisans en Egypte), le déclin des prestigieuses foires de Champagne et l’accroissement de l’économie de la Flandre à partir de 1250, l’œuvre de Jacques Cœur, grand argentier du roi de Bourges Charles VII en 1439, permettent un développement du commerce français et la rationalisation des boutiques et échoppes sédentaires. De nombreuses pratiques commerciales des terres d’Islam sont empruntées par l’Occident chrétien. Des mots arabes ou turcs, importés par les commerçants vénitiens et génois, enrichissent la langue française : le « bazar » signifiant en turc le marché ; en français, à partir de 1816, le « bazar » finit par distinguer un magasin où l’on vend toutes sortes d’objets. Le mot arabe « ta’rîf » - la notification – donne les mots italien – tariffa – et français – tarif -. Le terme « magasin » est issu de l’arabe « mahâzin », entrepôt. Le « trafic » aurait suivi le même chemin. Chez les Arabes, la religion musulmane ne montre jamais, à l’égard des activités commerciales, les préjugés et interdits du christianisme. Au Proche-Orient, bien plus importants que les conflits militaires, furent les échanges pacifiques entre chrétiens et musul- Au Moyen Âge, la boutique se ferme au moyen de deux vantaux, l’un supérieur, l’autre inférieur. De jour, le premier devient auvent, le second, étal. Les auvents débordent toujours davantage et dissimulent partiellement ou complètement l’architecture des édifices. Ils assombrissent la rue, la rendent triste, sinueuse, inquiétante. Albert Franklin observe dans son Dictionnaire des métiers qu’au XIIIe siècle les boutiques « se composaient en général d’une grande arcade divisée par un ou plusieurs montants de pierre. La porte d’entrée se trouvait, non au milieu, mais à l’un des côtés de l’arcade, le reste était consacré à l’étalage. Les volets de la boutique s’ouvraient horizontalement par le milieu ; celui d’en bas s’abaissait vers le mur d’appui, la margelle, et, dépassant l’alignement, recevait les marchandises exposées ; celui d’en haut se relevait, était maintenu en l’air par des crochets, et abritait l’étalage ; souvent aussi, glissant dans une rainure, on se contentait de le remonter, et alors un auvent en bois ou en tôle protégeait la façade du magasin. Presque toutes les affaires se traitaient ainsi en pleine rue ; rarement dans la boutique, au plafond bas, assombrie par le cintre de l’arcade et par des objets exposés à la vente. De là, le nom de fenêtre donné aux magasins ». Les boutiques 1910 : devanture et bâtiment disparus à l’angle des rues de la République et de l’Arquebuse (Coll. G.D.P) nos e d e r i Histo rues Rue Louis-Jouvet 1900 : belle devanture publiée dans l’Almanach Matot-Braine d’apothicaires sont au XVIIIe siècle des exemples de clarté et de rationalité. À partir de 1448, les auvents sont taxés. Une enseigne en bois et fer forgé indique la nature et le nom du commerce, mais depuis l’ordonnance de Sartines (1761), les édiles municipaux incitent les commerçants à fixer leurs écriteaux contre la façade et à démonter les enseignes saillantes. En 1793 et 1799, les enseignes ont interdiction d’être suspendues, mais simplement peintes sur les murs. À Mézières, l’enseigne « Au Mouton Blanc » s’apercevait du parvis de l’église, celle « Aux Faucilles » dans la rue du PetitBourg (rue Bayard), « Au Roy d’Espagne » dans la rue des Etuves… La spécialisation commerciale des rues est très poussée jusqu’au XVIe siècle : à Mézières, l’on rencontrait la rue des Sauniers, celle des Pêcheurs, celle de la Boucherie… Les places accueillent des marchés spécialisés. En septembre 1551, les bouchers de Mézières, Colson Danyault, les frères Taheau et Henry Massuet, vendent leur viande sur des étals au milieu du pont d’Arches ! Ils payent pour chaque étal une redevance annuelle de 16 sous parisis au comte de Rethel. 1839 : naissance des vitrines En 1837-1839, s’opère une révolution commerciale. Jusqu’alors, le commerçant proposait à la vente ses articles sur un étal installé au devant de son échoppe et placé sous un auvent. Les clients tenaient haut le pavé et restaient à l’extérieur du magasin. Les commerçants installent désormais des devantures constituées d’un bandeau horizontal, un store, deux tableaux verticaux, d’une plinthe… Quatre grandes raisons président à ce changement : - La première, - suite à la fermeture de la manufacture d’armes de Charleville (1836), la ville s’est appauvrie - l’on assiste ainsi à une recrudescence des vols ; - La deuxième, les verriers inventent de nouveaux procédés pour fabriquer de grandes vitres qui puissent constituer des vitrines, les « montres » dans les Ardennes… Par ailleurs, le mastic, nécessaire pour soutenir les vitres aux dimensions importantes, se généralise depuis 1767 ; - La troisième, les villes augmentent considérablement les taxes sur les étals et les enseignes saillantes pour permettre une meilleure circulation dans le réseau viaire ; - Et, enfin, la quatrième, l’installation de réseaux d’assainissement dotés d’égouts, caniveaux et trottoirs rend difficile la pose d’étals sur la voirie ; le 13 mars 1839, le conseil municipal de Charleville, faisant construire les premiers trottoirs dans les quatre voies principales de la cité, interdit toutes les formes de saillies sur la voirie1 . En 1907, un arrêté municipal relatif à la voirie sanctionne les coffrages de boutique de plus de dix centimètres de saillie2 . La mise en place des devantures coïncide aussi avec la sédentarisation poussée à l’extrême des commerçants, la disparition des petits métiers ambulants et vendeurs « à la criée » : arracheurs de dents, perruquiers, bouquetières, portefaix… Ainsi, la physionomie des rues change radicalement sous la monarchie de Juillet, entre 1830 et 1848. Les attentes et les habitudes des consommateurs se transforment. L’évolution est quelquefois lente, douce, sans heurts, ou, au contraire, révolutionnaire, comme en 1839 ! Pour l’instant, insatiable curiosité, besoin de comparer, recherche de l’originalité, laissent aux vitrines le monopole de pôles commerciaux attractifs, mais la concurrence se fait rude face aux écrans alléchants d’Internet ! Gérald Dardart 1 - Registre de délibérations municipales, A.M. Charleville, 1837-1841. Médiathèque Voyelles. 2 - Arrêté municipal sur la voirie, ville de Charleville, 15 octobre 1907, Médiathèque Voyelles, FL B-560. Né en 1887 à Crozon dans le Finistère, Louis Jouvet connaît, à la Comédie des ChampsElysées, un triomphe en mettant en scène « Knock ou le triomphe de la médecine », la pièce de théâtre de Jules Romains (1880-1972). Il alterne ensuite succès et échecs. En 1928, Jouvet révèle au public le théâtre de son ami Jean Giraudoux en mettant en scène « Siegfried ». Pendant la guerre, à la suite d’un dépit amoureux avec sa partenaire de cinéma, Madeleine Ozeray, originaire de Bouillon, il fait un long voyage en Amérique du Sud. Au cinéma, sa diction martelant étrangement les mots, son regard inquiétant, la raideur de ses gestes font de lui un acteur atypique, il campe successivement les rôles d’un moine lubrique dans la Kermesse héroïque (1935) ; le cynique Mosca, Volpone (1940) ; un inspecteur de police besogneux, Quai des Orfèvres (1947)… Il fut, par ailleurs, Topaze dans l’adaptation filmée par Marcel Pagnol en 1932, ainsi que Knock dans les deux versions cinématographiques de 1933 et 1950. Il joue son propre rôle de professeur au Conservatoire dans « Entrée des artistes » (1938). Certaines de ses répliques, emblématiques du cinéma d’avant-guerre, résonnent et conservent tout le charme d’un art en noir et blanc : « Moi, j’ai dit bizarre ? », Drôle de Drame (1937), ou « Ça vous chatouille ou ça vous grattouille » dans Knock, ou bien encore « J’ai besoin de changer d’atmosphère », Hôtel du Nord (1939)… D’origine ardennaise Du côté de sa mère, ses ancêtres, originaires de Sommauthe et de Belleville-sur-Bar, furent aubergistes, sabotiers, équarrisseurs… Sa grand-mère reprend l’auberge des Trois-Rois à Rethel. À la suite du décès accidentel de son père, Louis Jouvet est accueilli par sa famille rethéloise et réside dans une maison, détruite en 1914, sise place Hourtoule à Rethel. Élève, il fréquente le collège Notre-Dame entre 1901 et 1905. Ses oncles : Gustave Séjournet, pharmacien, officie sur la place de la Halle à Rethel de 1886 à 1914 et Jules Séjournet, médecin, exerce successivement à Revin et Braux (18801910) et Nouzonville (1911-1925). Louis Jouvet passe d’ailleurs ses vacances d’été dans la Vallée de la Meuse, notamment en 1908 et 1909. Qui mieux que lui pouvait incarner le rôle du docteur Knock dans une petite ville de province ? Foudroyé par un infarctus, Louis Jouvet disparaît le 16 août 1951. Gérald DARDART CK « KNO du film Affiche .D. 1950. R N° 127 - Février 2009 », 27