Perturbateurs endocriniens

Transcription

Perturbateurs endocriniens
M0431TOR
18/12/03 13:36
Page 1
FICH E DE SYNTHÈSE SCI ENTI FIQUE
N° 4 - Novembre - Décembre 2003
Géologie et Santé
Perturbateurs endocriniens
L’impact environnemental
Le BRGM analyse ces perturbateurs afin de comprendre leur comportement
dans le sol et le sous-sol et leur influence sur l’environnement.
ublié en 1996 aux Etats-Unis, le
livre, «Our stolen future» (traduit
en français sous le titre «L’homme
en voie de disparition») a alerté la
communauté scientifique internationale. Pour la première fois, après
des études sur des anomalies de
reproduction observées chez certains
poissons ou oiseaux, on mettait en
évidence l’action de «perturbateurs
endocriniens» chez l’Homme. Ces
perturbateurs sont des substances
chimiques rejetées dans l’environnement et qui entraînent des dérèglements hormonaux et des perturbations
du système endocrinien. L’une des
conséquences directes serait la
«féminisation des organismes vivants
m â l e s » e t l a « v i r i l i s at i o n d e s
organismes vivants femelles» avec à la
clef une réduction de leur fécondité.
On soupçonne ainsi fortement ces
substances d’être responsables de la
raréfaction et de la perte de qualité
des spermatozoïdes mais aussi de
tumeurs et de certains cancers des
testicules, du sein et de la prostate.
Des malformations du système
reproducteur, des altérations du
P
Direction de la Communication et des Éditions - D. Roblin - Tél. 02 38 64 39 76
système immunitaire et l’inversion du
«sex ratio» (plus de naissances de
filles que de garçons) pourraient
également être mises à leur actif.
L’enjeu est donc de taille puisqu’il
peut entraîner des conséquences irréversibles
sur la vie.
C ’ e s t
pourquoi
l ’ U n i o n
européenne
s’est mobilisée
p o u r e n g a g e r,
depuis 1998, des
programmes
de
recherche. Le BRGM
travaille ainsi depuis
plus d’un an au sein
du programme européen
COMPRENDO. «Une des difficultés
de ces recherches, expliquent
Certaines substances
chimiques utilisées
(comme ici le DDT),
piégées dans l’eau,
les sédiments,
les organismes vivants,
peuvent modifier
le système endocrinien
lorsqu’elle sont recyclées
dans l’organisme.
© M.Villey-Brgm
Des produits chimiques, des pesticides et plusieurs centaines de
substances peuvent modifier et faire évoluer le système endocrinien qui
régit la mécanique interne de la vie. Avec d’autres organismes en Europe,
le BRGM recherche dans l’eau, les aliments, les sédiments et les
organismes vivants ces perturbateurs qui représentent un risque
pour la santé et la reproduction de l’espèce.
M0431TOR
18/12/03 13:36
Page 2
Des anomalies constatées
4 organismes vivants
soumis à des tests
Roger Jeannot et Thierry Dagnac,
responsables de projet au service
analyse et caractérisation minérale
du BRGM, c’est d’identifier les
produits en cause. Aujourd’hui, on
en recense plusieurs centaines avec
des effets potentiels».
UNE RÉVOLUTION
SCIENTIFIQUE ?
Cette liste intègre des substances
issues de contraceptifs, certaines
hormones naturelles, des pesticides,
et en particulier le fameux DDT,
aujourd’hui interdit mais aussi des
composés organiques métalliques,
des produits cosmétiques, des
peintures et médicaments... Ces
substances peuvent «renforcer
certains phénomènes, les inhiber
ou les perturber, poursuit Roger
Jeannot, avec des conséquences sur la
synthèse, le transport et l’élimination
des hormones avec des effets très
fins».
Aujourd’hui, cette recherche ne fait
que débuter mais avec une montée
en puissance rapide : quatre
programmes de recherches et
64 équipes (dont celles du BRGM)
travaillent en Europe dans le cadre
de CREDO, (Cluster of research on
endocrine disruption in Europe).
D’autres pistes ont été ouvertes
sur les risques professionnels
(exposition de certains salariés des
entreprises pharmaceutiques, agriculteurs utilisateurs de pesticides
ou d’herbicides, exposition aux
d i ox i n e s . . . ) . L e s i m p a c t s s u r
l’environnement devront également
être évalués, notamment dans les
effluents des stations d’épuration
où pourraient se concentrer une
bonne part de ces substances.
Autant dire que s’annonce une
«révolution scientifique» qui met à
la fois en cause notre mode de
développement mais aussi notre
avenir à long terme.
Le programme COMPRENDO
Le BRGM travaille avec 13 partenaires de 9 pays européens au sein du programme
«COMPRENDO» (Comparative research on endocrine disrupters).
Ce programme a débuté à la fin 2002 avec comme objectif d’étudier certaines
substances comme des organo-étains et certains pesticides organo-chlorés (dont le
DDT) ayant des effets déjà reconnus sur le système endocrinien. Ces 13 substances
ont été sélectionnées pour leurs effets androgéniques ou antiandrogéniques qui
stimulent ou inhibent les fonctions hormonales masculines et qui pourraient
notamment entraîner le développement de ces hormones chez les femelles.
Toutes ces substances sont testées par des équipes pluridisciplinaires (biologistes,
écotoxicologues, biochimistes, endocrinologues environnementalistes et chimistes).
Le BRGM travaille notamment sur les organo-étains, en particulier le tributylétain,
qui étaient utilisés, il y a peu encore, pour traiter la coque des bateaux.
Un site dans une ville portuaire de Pologne a été retenu pour l’étude
de l’exposition de l’homme à ces produits.
Plus de renseignements sur ces programmes européens :
www.comprendo-projet.org
www.credocluster.info
Hyalella azteca
Antedon
Paracentrotus lividus
Marisa cornuarietis
Quels impacts
sur l’environnement ?
Ces substances chimiques sont
présentes essentiellement dans les
effluents des stations d’épuration,
dans les rejets industriels et dans les
eaux de lessivage et de ruissellement
des terrains agricoles pour ce qui
concerne les pesticides ou les
phytosanitaires.
De natures chimiques très différentes
ces substances peuvent se dissoudre
dans les eaux ou, pour les plus
hydrophobes, se fixer partiellement
sur les sédiments et les matières en
suspension. Certaines se fixeront
durablement, d’autres, à la durée de
vie relativement courte,
se dégraderont et d’autres enfin
pourront être relarguées dans le
milieu aquatique. C’est au contact des
eaux et des sédiments que les
organismes aquatiques pourront
êtres exposés à ces substances.
Tout l’objet des études en cours est
donc de dresser un inventaire de ces
substances et de déterminer leur
devenir dans l’environnement et leurs
effets, en particulier endocriniens, sur
les milieux vivants.
Pour en savoir plus :
Roger Jeannot - Tél. 02 38 64 36 60.
Thierry Dagnac - Tél. 02 38 64 37 42.
Collaboration rédactionnelle :
Jean-Jacques Talpin
Centre scientifique et technique
BRGM - 3, avenue Claude-Guillemin - BP 6009
45060 Orléans Cedex 2 - Tél. 02 38 64 34 34
www.brgm.fr
Décembre 2003
Si les conséquences sur l’être humain sont encore sujets
d’exposition
d’interrogation, les cas avérés chez les animaux sont nombreux :
aux perturbateurs
changement de sexe chez des poissons, intersexualité
endocriniens
(13 % des gardons examinés en Angleterre avaient des testicules
porteurs d’ovocytes, cellules destinées à former des œufs),
amincissement de la coquille des œufs d’oiseaux,
trouble du système immunitaire des phoques, etc…
Certains phénomènes étudiés chez des mollusques aquatiques
montrent le développement de cellules mâles et la stérilisation
de sujets femelles.
L’une des conséquences directes serait la disparition
de coquillages le long des côtes.
Toute la chaîne animale serait touchée. Alors, pourquoi pas l’Homme..