introduction description - Centre de formation saint michel
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Situation relationnelle du M5 par Linda G, FI de l’IFAS du CFSM de Malestroit 2013-2014 INTRODUCTION Dans le cadre du Module 5 « Relation-Communication » de la formation d’aide-soignante, je vais vous proposer une situation qui m’a interpellé lors de mon premier stage, dans un service de soins de suite et de réadaptation. La personne soignée avec laquelle j’ai partagé ce moment est un homme de 76 ans, vivant en EHPAD depuis le décès de sa femme. Il est de forte corpulence, les cheveux blancs. Arrivé dans le service depuis une semaine, il refuse de prendre ses repas en salle à manger et dit s’ennuyer toute la journée. Je vais donc vous décrire cette situation de communication qui m’a interpellé, je vais l’analyser afin de comprendre mon ressenti puis mettre en avant mon questionnement. Par souci de confidentialité et par respect du secret professionnel, je l’appellerai monsieur P. DESCRIPTION Il est 8h30, l’aide-soignante avec qui je me trouve m’explique le soin que je devrai effectuer : une toilette complète au lit et une aide à l’habillage. Je frappe à la porte de la chambre 206 mais pas de réponse. J’entre discrètement. Les volets sont fermés, la télévision est éteinte. J’allume la présence et m’approche sans bruit du lit. Seule la veilleuse éclaire monsieur P. Il est allongé sur le côté, en position fœtale, les yeux clos, sa respiration est paisible. Je lui murmure un bonjour jovial, en souriant. Il ouvre les yeux, me regarde froidement puis tourne la tête et rabat la couverture sur lui. Je lui explique d’un ton neutre que je viens pour l’aider à faire la toilette. Monsieur P. ne réagit pas. Je m’approche du bouton pour ouvrir les volets électriques et appuie. Au bout de quelques secondes, monsieur P. crie : « Referme ça ! ». Etonnée, je m’exécute, m’approche du lit et lui demande pourquoi il refuse d’ouvrir les volets. Il reste muet, les yeux toujours clos. Je m’avance un peu plus vers lui et demande à voix haute pourquoi je dois les refermer. Il me répond d’un ton sec de le laisser tranquille. Ne sachant plus que faire, je lui explique que je dois faire la toilette et l’installer au fauteuil en lui précisant que s’il préfère la lumière à la clarté de l’aube, c’est son choix et le respecte. Je prépare donc le nécessaire pour mon soin et commence la toilette. Monsieur P. a toujours les yeux fermés et c’est donc naturellement que je lui demande pourquoi il ne les ouvre pas. C’est alors à ce moment qu’il les écarquille, me fixe et enrage : « Pourquoi, pourquoi, pourquoi !!! Ici vous ne savez dire que ça !» Gênée, je m’éclipse dans la salle de bain, prétextant changer l’eau et retourne dans la chambre. Je retrouve monsieur P., la tête tournée vers le mur, dos à moi. D’une voix tremblante, il m’avoue à demimot qu’il ne sert plus à rien et qu’il serait mieux ailleurs. Mal à l’aise, j’essaie de le réconforter en lui disant que sa fille est présente tous les deux jours et qu’il compte beaucoup à ses yeux, qu’elle serait triste sans lui. Je lui rappelle que ses copains l’attendent à l’EHPAD pour jouer à la belotte. Inconsolable, il se retourne vers moi et je croise son regard embué de larmes. Troublée, je continue la toilette en silence. Monsieur P. referme les yeux. Un silence pesant s’installe. Une fois habillé, je l’installe au fauteuil, lui propose un magazine qu’il refuse, range mon nécessaire de toilette et sort de la chambre en lui disant à plus tard. J’éteins la présence, Monsieur P. a les yeux rivés à la fenêtre, le regard vide. Je ferme la porte et le laisse seul et pense ne pas lui avoir apporté de réconfort. Je me sens mal, j’ai l’impression d’avoir échoué. L’estomac noué, je décide d’en parler à l’équipe soignante. L’infirmière passe le voir et m’explique que monsieur P. souffre de syndrome dépressif. Je lui demande quel discours tenir face à une telle situation. Elle sourit et ajoute qu’avec le temps et l’expérience je trouverai les mots. 1 Par la suite, monsieur P. sera traité pour son syndrome dépressif et rentrera à l’EHPAD avant la fin de mon stage. ANANLYSE Lorsque j’entre dans la chambre et vois monsieur P. les yeux clos, en position fœtale, je pense qu’il se repose. Je n’hésite pas à le stimuler pour l’aider à effectuer sa toilette. Il utilise donc à ce moment le langage non verbal : ensemble de signes (mimiques, regards, gestes, postures) qu’émet une personne et que l’équipe soignante doit savoir observer car ces signes ont valeur de langage. On l’appelle aussi paralangage1. Une citation de Freud révèle bien cet aspect de communication : « Celui dont les lèvres se taisent bavarde avec le bout des doigts ; il se trahit par tous les pores2 ». Lors de mes stages suivants, à plusieurs reprises, j’ai pu travailler avec ce mode de communication face à des personnes non communicantes. En effet, à chaque évaluation de la douleur avec l’échelle Doloplus, le paralangage est utilisé. Ensuite, monsieur P. refuse l’ouverture des volets. Cette situation peut paraître anodine mais c’est son choix et je le respecte. Le métier d’aide-soignant se définit par une prise en charge globale de la personne soignée. La personne est un être humain unique dans l’unité de son corps et de son âme, considéré selon quatre dimensions : physique, psychologique, sociale et spirituelle ; l’homme est pris en compte comme un sujet de pensées, de désirs, d’interrogations philosophiques et spirituelles et le soignant se doit d’avoir une éthique qui soulèvera des questions : comment respecter l’être humain que nous accompagnons dans sa globalité ?3 Puis monsieur P. me demande de le laisser tranquille. Je suis embarrassée puisque je dois l’aider à faire sa toilette. Dois-je lui proposer de repasser plus tard ? Dois-je poursuivre mon intention ? Le principe du service de soin de suite et de réadaptation, comme son nom l’indique, est axé sur la réautonomisation. L’équipe du service m’a expliqué lors de mon arrivée, que la règle était de ne pas faire à la place du patient mais l’aider, l’accompagner. Ma difficulté sur ce point balance entre deux choix : respecter l’attente de monsieur P. et le laisser tranquille (sans toilette et alité) ou insister et imposer ma volonté (pour qu’il soit propre et au fauteuil) Par la suite, je demande à monsieur P. pourquoi il refuse d’ouvrir les yeux. Il s’énerve et me crie que c’est la seule question qu’on lui pose. Effectivement, dans la conversation c’est la deuxième fois que je l’interroge ainsi. Ma maladresse a abouti à une querelle. Avec le recul, je pense que la solution était de lui poser une question ouverte : « vous n’ouvrez pas les yeux ce matin ? ». Il s’agit d’une technique d’aide à la communication : les questions sont ouvertes et permettent au patient de faire partager son point de vue ou son ressenti4. Conséquemment, après avoir quitté monsieur P. pour changer l’eau, il pleure. Je suis embarrassée. Est-ce de ma faute ? Pourquoi est-il triste ? Il me dit qu’il ne sert plus à rien. Qu’il est difficile d’entendre ces motslà ! J’adopte alors une attitude de réconfort : votre fille a besoin de vous, elle est très présente et vos copains à l’EHPAD vous attendent pour une partie de belote… Monsieur Porter a étudié les attitudes favorisant le rapport soignant/soigné dans la relation d’aide. Celle que j’ai utilisée est celle dite de support ou de soutien : elle a l’avantage d’apporter confiance, réconfort, soulagement et consolation mais elle a également l’inconvénient d’infantiliser le patient, de l’assister et de minimiser le problème5. Monsieur P. me dit qu’il veut en finir, il sous-entend qu’il souhaite mourir. C’est en sujet tabou qu’il m’est difficile d’écouter. Je repense à une conversation avec une proche qui venait de perdre son mari, « La mort est un sujet tabou en France alors qu’on sait tous qu’on est des mortels ! Dans d’autres civilisations, le su 1 Cours Module 5 « Relation‐Communication » de Catherine Courtois du 9/01/2014 De Mijolla Alain, « Vous ne vous en doutiez pas ? », le carnet psy 5/2004 (n°91), p. 1‐1 3 Synthèse du Module 1 ; Centre de Formation Saint Michel/Groupe Hospitalier St Augustin de Malestroit 4 Synthèse du Module 5 ; Centre de Formation Saint Michel/Groupe Hospitalier St Augustin de Malestroit 5 Cours du Module 5 de Catherine Courtois, du 9/01/2014 2 2 jet est plus facile à exprimer. Pourquoi ? ». Je n’ai pas de réponse. Je pense juste que c’est un sujet délicat et qu’il peut apporter des larmes mais parler de la mort, c’est ouvrir son cœur. Un silence gêné s’installe et je préfère me taire pour éviter de dégrader la situation. La reformulation aurait sans doute été bénéfique puisque monsieur P. aurait été libre de continuer ou pas à livrer ses sentiments : cette dernière attitude de compréhension facilite l’expression de l’autre…ce dernier peut cheminer luimême et chercher ses propres solutions6. Pour finir, je décris mon mal-être à l’infirmière : elle prend le temps de m’écouter, me réconforte et rend visite à monsieur P. Ainsi, je me sens libérée de ma maladresse. Effectivement, l’esprit d’équipe est primordial dans les services de soins. Il est important de pouvoir compter sur les autres. Contre l’épuisement professionnel, la transmission des savoirs est une véritable ressource7. « Ce que je trouve le plus fertile dans le travail d’équipe, c’est que chacun découvre qu’il est à la fois semblable à ses collègues dans ce qu’il éprouve mais qu’il en est différent dans sa façon de réagir. Et souvent, ce qu’un autre exprime nous permet de mieux voir ce que nous ressentions sans savoir le dire8 ». CONCLUSION Cette situation, je l’ai vécue comme une difficulté, un échec. Depuis cette expérience, j’ai compris toute l’importance de la communication. Elle est essentiel dans le métier d’aide-soignante, qu’elle soit verbale ou non. L’observation, l’écoute et le toucher sont d’autres formes de communication. Maintenant, à chaque acte auprès des patients, je me demande ce qu’il va se passer, comment vais-je réagir, aurais-je la bonne attitude ? La communication est spontanée et s’il fallait analyser la situation avant d’apporter une réponse, je ne serais plus moi. Je ne vais pas pouvoir faire l’analyse de chaque situation, (au vu du nombre, je n’aurais plus le temps d’exercer), mais lorsque je termine mon service, sur le trajet du retour, je me remémore les situations et je fais le bilan. La remise en question est primordiale dans ce métier riche en relation. Je sais aussi que je peux compter sur l’esprit d’équipe pour parler de mes émotions et ne pas m’épuiser professionnellement. Serais-je une bonne confidente ? 6 Type d’attitude habituelle en face à face Agora/Cours Module5/Catherine L’aide‐soignante. Janvier 2011. N°123 Agora/Cours M5 Anne 8 De Elisabeth Vargas ; psychologue ; L’aide‐soignante. Janvier 2011. N°123 Agora/Cours M5/Anne 7 3