Droit de la famille - Éditions Yvon Blais

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Droit de la famille - Éditions Yvon Blais
Droit de
la famille
En bref
No 26 – Septembre 2014
EN MANCHETTE
CHRONIQUE
Les recours relatifs à la filiation et pour tests d’identification
d’ADN : lorsque les apparences priment la vérité biologique !,
par Me Christina Bouchard
L’auteure aborde les divers types d’actions relatives à la filiation d’un enfant et les
tests d’identification d’ADN. Elle analyse notamment la preuve requise à cet égard
ainsi que les conditions qui en découlent.
p. 2
JURISPRUDENCE
G. (A.) c. K. (O.), sub nom. Droit de la famille – 141847, EYB 2014-240521
(C.S., 11 juillet 2014)
Nonobstant le refus du père, une mère obtient l’autorisation d’administrer un médicament à l’enfant pour traiter un trouble déficitaire de l’attention.
p. 27
M. (F.) c. D. (S.), sub nom. Droit de la famille – 141954, EYB 2014-240866
(C.S., 3 juillet 2014)
Un époux, ayant choisi d’avantager son épouse pendant la vie commune de façon
irrévocable en lui accordant une rente réversible à 60 % sa vie durant advenant son
prédécès, obtient une pension alimentaire compensatoire.
p. 14
D. (G.) c. De. (P.), sub nom. Droit de la famille – 142043, EYB 2014241248 (C.S., 4 juin 2014)
Un enfant majeur qui étudie à temps partiel afin de s’investir dans la pratique d’un
sport à un niveau élite est un enfant à charge.
p. 22
75, rue Queen, bureau 4700, Mont­réal (Québec) H3C 2N6
Téléphone : (514) 842-3937 Télécopieur : (514) 842-7144
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ISSN : 1929-2023
CHRONIQUE
Les recours relatifs à la filiation
et pour tests d’identification
d’ADN : lorsque les apparences
priment la vérité
biologique !
Me CHRISTINA BOUCHARD*
Avocate
Résumé
L’auteure aborde les divers types d’actions relatives à la
filiation d’un enfant et les tests d’identification d’ADN.
Elle analyse notamment la preuve requise à cet égard
ainsi que les conditions qui en découlent.
INTRODUCTION
En matière familiale, les tribunaux rappellent fréquemment
l’ar­ticle 33 du Code civil du Québec qui prévoit que les décisions concernant un enfant doivent être prises dans son intérêt et dans le respect de ses droits, dont l’un est de connaître
ses parents.
Ces principes sont également applicables en matière de filiation, alors que le législateur a aussi choisi de privilégier la stabilité du climat familial d’un enfant.
C’est dans cette optique que nous aborderons les actions
en filiation prévues par le Code civil du Québec, qui sont de
plus en plus fréquemment présentées devant les tribunaux.
I– T
YPES DE RECOURS EN MATIÈRE DE FILIATION
Il existe divers types de recours en ce qui a trait à la reconnaissance ou la contestation de filiation, dépendamment de
l’identité de la partie demanderesse.
En effet, on peut établir trois recours distincts :
1- Recours en désaveu1 (pour le père présumé) : lorsque l’enfant est né pendant le mariage ou l’union civile de personnes de sexe différent ou dans les 300 jours après sa
dissolution ou son annulation, il est présumé avoir comme
père le conjoint de sa mère2.
Par ce recours, le père présumé cherche à faire déclarer
qu’il n’est pas le père de l’enfant né de sa conjointe pendant le mariage ou l’union civile. Ce recours doit être
*Me Christina Bouchard, associée du cabinet d’avocats Brodeur
Prémont Lavoie Avocats inc., concentre sa pratique en droit de
la famille, des personnes et successions.
1.Art. 531(2) C.c.Q.
2.Art. 525 C.c.Q.
2
entrepris au plus tard un an après la naissance de l’enfant
ou du moment où le père présumé l’a appris3 ;
2- Contestation de paternité4 (pour la mère) : c’est l’action par
laquelle la mère tente de faire déclarer que son époux ou
conjoint civil n’est pas le père de l’enfant né pendant leur
union. Ce recours doit être entrepris au plus tard un an
après la naissance de l’enfant5 ;
Il est primordial pour les pères présumés et les mères d’intenter leur action en désaveu ou en contestation de paternité dans le délai imparti d’un an, puisqu’à défaut, aucun
autre recours n’est possible pour eux, lorsque l’enfant est
né au cours du mariage ou de leur union civile6.
3- Recours général en contestation d’état : toute personne
intéressée qui a un intérêt financier ou moral peut contester par tous les moyens la filiation de celui qui n’a pas une
possession d’état conforme à son acte de naissance7 ;
Bien que les personnes généralement intéressées à présenter de
telles demandes soient les parents confirmés ou présumés ou
l’enfant, cela n’empêche pas que d’autres personnes puissent
formuler une requête de ce type et démontrer un intérêt suffisant pour ce faire, tel le conjoint de fait de la mère de l’enfant,
par exemple8. Le cas échéant, les enfants doivent être mis en
cause dans ces types de requêtes qui mettent en jeu leur intérêt9.
II– D
ÉLAI DE PRESCRIPTION DU RECOURS GÉNÉRAL EN
CONTESTATION D’ÉTAT
Les requêtes en réclamation d’état ont longtemps été imprescriptibles.
En effet, ce n’est que depuis 1980 que le législateur a modifié
le Code civil du Québec de façon à ce que ce type de requête
doive être soumis dans un délai de 30 ans :
536. Toutes les fois qu’elles ne sont pas enfermées par la loi dans
des délais plus courts, les actions relatives à la filiation se prescrivent
par trente ans, à compter du jour où l’enfant a été privé de l’état
qui est réclamé ou a commencé à jouir de l’état qui lui est contesté.
Les héritiers de l’enfant décédé sans avoir réclamé son état,
mais alors qu’il était encore dans les délais utiles pour le faire,
peuvent agir dans les trois ans de son décès.
[Nos soulignements]
La difficulté est toutefois de déterminer le point de départ
de la computation de ce délai trentenaire, qui peut d’ailleurs être soulevé d’office par le tribunal10, dépendamment
de l’identité du requérant.
3.Art. 531(2) C.c.Q.
4.Art. 525 et 531(2) C.c.Q.
5.Art. 531(2) C.c.Q.
6. Droit de la famille – 12320, 2012 QCCS 593, EYB 2012-202637.
7.Art. 531(1) C.c.Q.
8. Droit de la famille – 133317, EYB 2013-229829 (C.S.).
9. Ar­t. 34 C.c.Q., Droit de la famille – 13281, 2013 QCCS 498,
EYB 2013-218246.
10.Art. 2878(1) C.c.Q.
Reproduction ou diffusion interdite
À ce titre, lorsque c’est le père présumé qui se porte demandeur, le délai débute au moment où ce dernier a connaissance de la naissance de l’enfant dont on présume qu’il est
le père.
C’est d’ailleurs ce qui a été décidé dans Lebrun c. Québec12
où, dans des circonstances similaires, le tribunal a décidé
que la prescription trentenaire ne courrait qu’à compter
du 9 avril 2001, puisque la demanderesse, qui était née le
4 juin 1944, n’a été en possession de son acte de naissance
pour la première fois que le 9 avril 2001.
Pour l’enfant, on s’est interrogé quant à savoir si on devait
faire débuter la computation à compter de la date de naissance inscrite sur le certificat ou à
Dès que la condition prévue à l’ar­ticle 530 C.c.Q.
compter du moment où l’enfant
est remplie, il devient manifestement imposapprend l’existence de son père
sible d’attaquer la paternité.
présumé.
En effet, dans Droit de la famille –
11385711, une dame âgée de 38 ans se porte demanderesse
et requiert du tribunal qu’il ordonne aux frères et sœurs de
son défunt père présumé, qui a été incinéré, de se soumettre
à un test d’ADN, de façon à lui permettre de faire sa preuve
lors de l’audition au fond de sa requête en réclamation d’état.
En 1991, la demanderesse a pris connaissance de son acte de
naissance pour la première fois, alors qu’elle était âgée de
19 ans et qu’elle envisageait de se marier. C’est à ce moment
qu’elle a appris que celui qu’elle croyait être son père n’avait
pas été déclaré à son acte de naissance.
Le 4 février 2010, le père biologique présumé de la demanderesse est décédé sans testament ni d’autre descendant que
cette dernière, si tant est qu’elle était bel et bien sa fille.
Au mois d’octobre 2010, la demanderesse a donc entrepris
un recours en réclamation d’état où elle demandait au tribunal de déclarer son défunt père biologique présumé comme
étant officiellement son père, de corriger son acte de naissance en conséquence et qu’il soit ordonné aux frères et
sœurs de son père biologique présumé de se soumettre à
un test d’ADN afin d’établir la preuve formelle de sa filiation avec le défunt.
La succession du défunt oppose à la demanderesse un moyen
de non-recevabilité pour cause de prescription de son recours,
alors que les frères et sœurs de celui-ci refusent de se soumettre à un test d’ADN en invoquant leur droit au respect
de leur dignité, leur intégrité physique, l’inviolabilité de leur
personne et de leur vie privée.
Après avoir fait une analyse fort intéressante sur les possibilités de point de départ de la computation triennale, le juge
rejette la requête en irrecevabilité présentée par la succession et défère au juge du fond l’examen de cette question.
Quant à la requête pour la tenue d’un test d’ADN, celle-ci a
été accueillie par le tribunal.
Le 14 mai 2013, lors de l’audition au fond de ce dossier, il a
été reconnu que le défunt père présumé était bel et bien le
parent biologique de la demanderesse.
Le tribunal ne s’est toutefois pas prononcé sur la question
de la prescription, puisqu’elle n’a pas été soumise à nouveau par les parties, laissant présumer que la date de départ
considérée pour la computation du délai trentenaire a été
celle du moment où la demanderesse a appris que le nom
de son père n’était pas indiqué à son acte de naissance,
soit en 1991.
11. Droit de la famille – 113857, EYB 2011-199199.
Dans Droit de la famille – 216913,
l’enfant est né de parents inconnus
en 1937, a été informé par sa mère
de l’identité de son père seulement
en 1955, l’a rencontré pour la première fois en 1959 avant d’entreprendre une action en réclamation en 1992, laquelle était déjà prescrite.
III– IMPOSSIBILITÉ D’ATTAQUER LA FILIATION
Malgré les procédures dont on a préalablement traité ci-dessus, l’ar­ticle 530 du Code civil du Québec privilégie la stabilité de la filiation lorsque l’acte de naissance est conforme à
la possession d’état de l’enfant :
530. Nul ne peut réclamer une filiation contraire à celle que lui
donnent son acte de naissance et la possession d’état conforme
à ce titre.
Nul ne peut contester l’état de celui qui a une possession d’état
conforme à son acte de naissance.
La possession d’état, qui se doit d’être constante14, est définie en regard de trois éléments, à savoir15 :
– Le nom : l’enfant doit porter le nom du parent, soit
celui duquel il a une possession d’état ;
– Le traitement : l’enfant est entretenu et éduqué par ceux
qui sont désignés comme étant son père et sa mère ;
– La renommée : l’enfant est reconnu par son entourage
et son milieu comme étant l’enfant de celui et de celle
avec lesquels il vit et avec lesquels on veut établir un
lien de filiation.
Ainsi, dès que la condition prévue à l’ar­ticle 530 C.c.Q. est remplie, il devient manifestement impossible d’attaquer la paternité, que ce soit par une requête en désaveu, une contestation
de paternité, ou une réclamation ou une contestation d’état16.
À titre d’exemple, une future mère qui, pendant sa grossesse,
se voit abandonnée par le père biologique de l’enfant à naître
rencontre ensuite un homme avec qui elle vit une relation
amoureuse. Lors de la naissance de l’enfant, la mère et son
nouveau conjoint décident d’inscrire ce dernier comme père
de l’enfant à l’acte de naissance. En se comportant comme le
père de l’enfant, le conjoint établit ainsi envers l’enfant une
possession d’état conforme à son acte de naissance17.
12. Lebrun c. Québec (Directeur de l’état civil), 9 juillet 2002,
REJB 2002-33179 (C.S.).
13. Droit de la famille – 2169, EYB 1995-56128 (C.A.).
14. Droit de la famille – 11394, EYB 2011-186549 (C.A.).
15. Droit de la famille – 113130, EYB 2011-196967 (C.S.).
16. Droit de la famille – 123909, EYB 2012-217832 (C.S.) ; Droit de la
famille – 3184, REJB 1998-10380, AZ-99021045 (C.S.) ; Droit de la
famille – 3544, REJB 2000-16656 ; C.D. c. L.B., REJB 2002-31399,
2002 CanLII 342 ; Droit de la famille – 09358, EYB 2009-154996.
17. Suzanne GUILLET, « Chapitre IV – Les droits de l’enfant à l’occasion
d’un litige familial », dans Personnes, famille et successions, Col-
Reproduction ou diffusion interdite 3
Ainsi, l’acte de naissance et la possession d’état conforme priment l’existence ou non d’un lien biologique18.
Nous mentionnions ci-haut qu’il est impossible d’attaquer
une possession d’état conforme à l’acte de naissance. Toutefois, un seul jugement, dénotant des faits bien particuliers,
a été répertorié où une action en désaveu de paternité a été
accueillie, même si cela était conforme à l’acte de naissance19.
En effet, dans cette affaire, l’homme
qui a été désigné comme étant le
père l’a fait de façon involontaire et
à la suite d’un mensonge de la mère.
Pourtant, dans Droit de la famille – 113130, 2011 QCCS 5345,
EYB 2011-196967, le tribunal a dans ce cas considéré qu’une
possession d’état de 12 mois était suffisante21, alors que c’est
la mère qui demandait la radiation au registre de l’état civil
du nom du défendeur, qui n’était pas le père biologique de
son enfant.
En effet, le défendeur a agi conformément à l’acte de naissance de l’enfant, malgré le fait qu’il n’était pas le père biologique du premier enfant de la
L’ar­t icle 533 C.c.Q. prévoit que la preuve
demanderesse ; il l’était toutefois
pour le second enfant.
de filiation peut se faire par tous moyens.
Toutefois, les témoignages ne sont permis
La juge a donc considéré le fait que
que si l’on est en mesure de démontrer un
l’enfant serait privé d’une filiation
commencement de preuve.
certaine, librement et entièrement
Il s’agissait d’un couple marié qui
avait eu un enfant. Ce n’est que
trois ans après la naissance de ce
dernier que l’époux a appris l’aventure extraconjugale de madame. Le test d’ADN a confirmé
que l’époux n’était pas le père de l’enfant, ce qui l’a motivé
à intenter un recours en désaveu de paternité.
assumée par le défendeur qui agit
comme le père de l’enfant, si la requête de madame était
accueillie.
V– LA PREUVE DE FILIATION
Le recours de l’époux a exceptionnellement été accueilli, et
ce, malgré le fait que la possession d’état était conforme à
l’acte de naissance, puisque le juge était d’avis que jamais il
n’y aurait eu de possession d’état conforme à l’acte de naissance si l’époux avait su, au moment de la naissance de l’enfant, qu’il n’en était pas le père biologique.
L’ar­ticle 533 C.c.Q. prévoit que la preuve de filiation peut se
faire par tous moyens. Toutefois, les témoignages ne sont
permis que si l’on est en mesure de démontrer un commencement de preuve, ou lorsque les présomptions ou les indices
résultant de faits déjà clairement établis sont assez graves
pour en déterminer l’admission.
Or, dans un autre dossier où les faits étaient similaires à ceux
précédemment mentionnés, la Cour d’appel a mis un terme
définitif à toute controverse en la matière en indiquant que
« le législateur a choisi de conférer à celui qui a une possession d’état conforme à son acte de naissance une filiation qui
ne peut être contestée d’autre façon »20.
Voici des exemples d’éléments reconnus comme représentant
un commencement de preuve22 :
Depuis cet arrêt de la Cour d’appel, les tribunaux n’hésitent
plus à rejeter les requêtes de modification de filiation lorsqu’on est en présence de possession d’état conforme à l’acte
de naissance, et ce, peu importe que la réalité biologique
soit tout autre.
IV– DURÉE MINIMALE REQUISE POUR FAIRE LA PREUVE
D’UNE POSSESSION D’ÉTAT CONFORME
Quant à la durée suffisante pour démontrer une possession
d’état conforme à l’acte de naissance, la Cour d’appel s’est
exprimée ainsi dans Droit de la famille – 737, [1990] R.J.Q. 85,
EYB 1989-63350 :
Il m’apparaît qu’une possession d’état conforme, d’une durée
de tout au moins 16 mois et possiblement 24, est suffisamment
longue pour rencontrer les exigences de la loi et satisfaire à la
nécessaire stabilité des filiations dans notre droit et dans notre
société, même au risque possible, parfois, d’une erreur quant à
la vérité biologique.
lection de droit 2013-2014, École du Barreau du Québec, vol. 3,
Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2013, p. 157, EYB2013CDD47 ;
Droit de la famille – 11394, 2011 QCCA 319, EYB 2011-186549.
18. Mario PROVOST, « La filiation », dans Droit de la famille québécois, Publications CCH, Brossard, mis à jour le 15 juillet 2014,
p. 4, 017-6.
19. Droit de la famille – 2530, [1996] R.J.Q. 2981, REJB 199629303 (C.S.).
20. G. (M.) c. D. (M.), REJB 2000-16656 (C.A.).
4
– Titres de famille, registres de papiers domestiques
et tous les écrits publics ou privés ou émanant d’une
partie engagée dans la contestation ou qui y aurait
intérêt si elle était vivante23 ;
– Cohabitation pendant la période contemporaine à la
conception24 ;
– Relation sexuelle pendant la période contemporaine
à la conception25 ;
– Ressemblance de l’enfant avec le père26 ;
– L’aveu d’une partie au litige27 ;
– Comportement du père présumé qui s’est laissé appeler « papa »28 ;
– Comportement du parent présumé à l’égard de l’enfant29 ;
21.Voir Droit de la famille – 12395, 2012 QCCS 751, EYB 2012-203157,
où un délai de moins de 12 mois a été jugé insuffisant.
22. Droit de la famille – 2418, REJB 1996-29233 (C.A.).
23.Art. 534 C.c.Q.
24. Droit de la famille – 1745, REJB 1995-28796, [1995] J.Q. nº 256,
par. 5 (C.A.) ; Droit de la famille – 131698, 2013 QCCS 2909,
EYB 2013-223818.
25. Droit de la famille – 133081, EYB 2013-229067 (C.S.) ; Droit de
la famille – 133698, 2013 QCCS 6566, EYB 2013-231489.
26. Droit de la famille – 12736, EYB 2012-204663 (C.S.).
27. Droit de la famille – 12736, EYB 2012-204663 (C.S.) ; Droit de la
famille – 141481, 2014 QCCS 2878, EYB 2014-239035.
28. M. (L.) c. L. (G.), 9 mai 1996, EYB 1996-29233 (C.A.).
29. Droit de la famille – 133081, EYB 2013-229067 (C.S.).
Reproduction ou diffusion interdite
– L’intensité de la relation entre les parties30 ;
– Le refus de subir un test d’ADN à la suite d’une ordonnance en vertu de l’ar­ticle 535.1 C.c.Q., conjointement
à d’autres éléments pertinents31.
Enfin, il importe de préciser que lorsque l’on conteste une
requête relative à la filiation, la preuve testimoniale est
admissible, sans qu’il soit nécessaire de démontrer au préalable un commencement de preuve.
VI– ORDONNANCE DE TEST D’IDENTIFICATION D’ADN
(ACIDE DÉSOXYRIBONUCLÉIQUE)
[Nos soulignements]
VII– COMMENCEMENT DE PREUVE REQUIS
Le tribunal doit donc s’assurer qu’a priori, il y a un commencement de preuve de filiation ou qu’il existe des présomptions ou des indices résultant de faits déjà clairement établis
et étant suffisamment graves pour justifier l’ordonnance sollicitée34.
Les tribunaux ont notamment reconnu comme étant suffisants les motifs suivants afin d’autoriser la tenue d’un test
d’ADN :
Malgré le fait que la filiation se prouve par tous moyens32,
c’est sans conteste le test d’identification d’ADN qui demeure
le meilleur moyen de prouver ou non un lien biologique.
– Le père présumé ou la mère a admis avoir eu des relations sexuelles avec l’autre lors de la période possible
de conception de l’enfant35 ;
Le test d’ADN est une analyse sanguine ou un prélèvement
d’échantillon qui permet d’établir la paternité, ou non, à un
degré quasi certain, soit à 99,97 %. Puisqu’un enfant hérite
de l’ADN de ses parents en parts égales, les profils d’ADN de
la mère, de l’enfant et du père présumé peuvent être comparés afin de déterminer si ce dernier est le père biologique
de l’enfant.
– La mère a admis avoir eu des rapports sexuels avec
deux frères jumeaux ; la tenue d’un test d’ADN est
ordonnée par le tribunal. Toutefois, si les frères
jumeaux s’avéraient être identiques, donc monozygotes, il serait probablement impossible de déterminer le véritable père36.
Pour ce faire, la mère, l’enfant et le père présumé doivent
consentir à la tenue de ce test ou obtenir une ordonnance
en ce sens.
VIII– C
ONDITION DU PRÉLÈVEMENT ET INVIOLABILITÉ DE
LA PERSONNE
Les tribunaux ont longtemps refusé de permettre de tels tests
au nom de l’inviolabilité de la personne.
L’ar­ticle 535.1 du Code civil du Québec prévoit également
que le juge devra déterminer les conditions de réalisation du
prélèvement et de l’analyse, afin de limiter l’atteinte à l’intégrité et respecter le droit à l’inviolabilité de la personne37.
Le 8 novembre 2001, le projet de loi 50 a été déposé dans sa
version initiale, différente de l’ar­ticle 535.1 C.c.Q. que l’on
connaît aujourd’hui.
D’ailleurs, ce droit est reconnu et respecté même lors du décès
d’une personne38. Le consentement est donc nécessaire pour
porter atteinte à un cadavre39.
C’est le 7 juin 2002 que l’actuel ar­ticle 535.1 C.c.Q. a été
adopté, lequel prévoit la possibilité qu’il soit ordonné, même
de façon interlocutoire, que l’on procède à un test d’identification d’ADN, dans la mesure où cela est requis dans le cadre
d’une action relative à la filiation :
De façon générale, l’analyse s’effectue par prélèvement capillaire ou frottis salivaire, mais peut aussi se faire, de façon
exceptionnelle, au moyen de bouts d’ongle, d’urine ou d’expertise sanguine.
535.1. Le tribunal saisi d’une action relative à la filiation peut,
à la demande d’un intéressé, ordonner qu’il soit procédé à une
analyse permettant, par prélèvement d’une substance corporelle, d’établir l’empreinte génétique d’une personne visée par
l’action.
Toutefois, lorsque l’action vise à établir la filiation, le tribunal
ne peut rendre une telle ordonnance que s’il y a commencement de preuve de la filiation établi par le demandeur ou si les
présomptions ou indices résultant de faits déjà clairement établis par celui-ci sont assez graves pour justifier l’ordonnance.
Le tribunal fixe les conditions du prélèvement et de l’analyse, de
manière qu’elles portent le moins possible atteinte à l’intégrité
de la personne qui y est soumise ou au respect de son corps. Ces
conditions ont trait, notamment, à la nature et aux date et lieu
du prélèvement, à l’identité de l’expert chargé d’y procéder et
d’en faire l’analyse, à l’utilisation des échantillons prélevés et à
la confidentialité des résultats de l’analyse.
Le tribunal peut tirer une présomption négative du refus injustifié de se soumettre à l’analyse visée par l’ordonnance.33
30. Droit de la famille – 2192, EYB 1995-58001 (C.A.).
31. M. (L.) c. L. (G.), 9 mai 1996, EYB 1996-29233 (C.A.).
32.Art. 533 C.c.Q.
33. S. (R.) c. E. (T.), sub nom. Droit de la famille – 11682 (C.A., 17 mars
2011), EYB 2011-187977.
CONCLUSION
Nous sommes donc à même de constater que, malgré un
assouplissement du législateur quant à l’ordonnance de
soumettre une personne à un test d’identification d’ADN, il
demeure le principe fondamental de protection de la stabilité
familiale des enfants, et ce, au-delà même du lien biologique.
34. Michel TÉTRAULT, « Chronique – La filiation par le sang, par procréation assistée, par adoption ou par possession d’état, le changement de nom, la déclaration tardive et la rétroactivité de la
pension alimentaire, ouf ! La Cour d’appel se prononce », dans
Repères, octobre 2011, EYB2011REP1095 ; Droit de la famille –
12419, EYB 2012-203231 (C.S.).
35. Droit de la famille – 113857, 2011 QCCS 6543, EYB 2011-199199 ;
Droit de la famille – 141481, 2014 QCCS 2878, EYB 2014-239035.
36. V.R. c. S.D., C.S. Mont­réal, 500-04-036838-044 (26 octobre 2004),
EYB 2004-79793.
37.Art. 10(1) C.c.Q., L. (C.) c. S. (D.), [1999] R.J.Q. 2927, REJB 199915071 (C.S.).
38. Suzanne PHILIPS-NOOTENS, Pauline LESAGE-JARJOURA et Robert
P. KOURI, Éléments de responsabilité civile médicale, 3e éd.,
Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2007, p. 219, EYB2007RCM13.
39.Art. 44 et 45 C.c.Q.
Reproduction ou diffusion interdite 5