À propos d`un cas de syndrome de Usher suivi en psychiatrie
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À propos d`un cas de syndrome de Usher suivi en psychiatrie
L’Encéphale (2009) 35, 286—291 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep CAS CLINIQUE À propos d’un cas de syndrome de Usher suivi en psychiatrie : intérêt du diagnostic somatique pour la prise en charge psychiatrique A case of Usher’s syndrome associated with psychotic symptoms: Diagnosis and follow-up in a psychiatric unit A.Viala a,∗, T. Nicot b, F. Levy a, M-N. Vacheron a a b Secteur 13, centre hospitalier Sainte-Anne, 1, rue Cabanis, 75014 Paris, France Unité de soins somatiques, centre hospitalier Sainte-Anne, Paris, France Reçu le 19 novembre 2007 ; accepté le 11 avril 2008 Disponible sur Internet le 21 août 2008 MOTS CLÉS Syndrome de Usher ; Surdicécité ; Rétinopathie pigmentaire ; Troubles psychotiques ∗ Résumé Introduction. — Le syndrome de Usher est une maladie génétique comportant une double déficience sensorielle (auditive et visuelle) appelée surdicécité. Des troubles psychiatriques peuvent être associés, compliquant le diagnostic mais aussi la prise en charge du fait de la réduction d’autonomie et des difficultés de communication. Cas clinique. — À l’occasion du suivi, dans son service de secteur psychiatrique, d’un patient actuellement âgé de 57 ans, considéré comme psychotique chronique sévère, résistant, hospitalisé à plusieurs reprises pour des états aigus, avec déni des troubles et opposition aux soins, l’exploration d’une surdité ancienne appareillée, associée à une cécité qui a progressé entre 40 et 50 ans, a fait procéder à un bilan à visée diagnostique mais aussi pronostique et thérapeutique : ORL, ophtalmologique et neuroradiologique qui a permis d’établir le diagnostic de syndrome de Usher type 2. Alors qu’il s’était toujours montré opposant aux soins psychiatriques, le patient a accepté le bilan et les consultations du médecin généraliste de l’hôpital et des différents spécialistes, et par le biais des soins somatiques, la nécessité d’un suivi à intervalle régulier avec mise en place d’un traitement antipsychotique au long cours. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] ( A.Viala). 0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2008. doi:10.1016/j.encep.2008.04.002 Syndrome de Usher suivi en psychiatrie : intérêt du diagnostic somatique 287 Conclusion. — L’établissement du diagnostic d’une maladie génétique rare a permis une meilleure prise en charge du patient du fait d’une meilleure adhésion du patient aux traitements antipsychotiques, d’une meilleure compréhension et acceptation des difficultés liées au polyhandicap par l’équipe soignante psychiatrique, et de l’ouverture à un réseau de soins spécialisés permettant la mise en place de moyens de réassurance et de communication. © L’Encéphale, Paris, 2008. KEYWORDS Usher syndrome; Deaf—blindness; Retinitis pigmentosa; Psychotic disorders Summary Introduction. — Usher’s syndrome is a heterogeneous autosomal recessive disorder characterised by dual sensory impairment: profound congenital hearing impairment and progressive visual loss due to retinitis pigmentosa, sometimes associated with vestibular dysfunction. Some patients develop a psychotic illness, the etiology of which is still debated. Diagnosis may be difficult, and there are only a few reports in the psychiatric literature. Case report. — The present case reports a 57-year-old man, double diagnosed with sensory impairment and psychosis. The severity of his psychosis required several hospitalisations in a psychiatric in-unit, even under third party decision or compulsory hospitalisation, for acute states with disruptive behaviour, aggressiveness against his mother, persecutory delusion and auditory hallucinations, self-talking, major anxiety, and depressive affects, without dissociation. Deafness had been diagnosed when he was six years old; he was able to attend school and learn to read and speak, using hearing aids, and was able to hold a job for three months. Severe psychotic symptoms appeared when he was18 years old and contributed in confirming the diagnosis. Progressive loss of vision until blindness began later, between the age of 40 to 50. No specific abnormal results were revealed during the neuroradiological check-up. Treatment consisted in antipsychotics, notably depot, first in a mental health care in-unit and subsequently in an out-patient unit: although he denied psychotic symptoms, he became compliant with medication and could go on with treatment, associated with multidisciplinary interventions at home, in order to improve his quality of life. Discussion. — Usher’s syndrome is the most frequent cause of combined deafness and blindness in adults (three and five individuals per 100,000), but difficulties in communication need to increase clinical awareness of this disorder, especially for psychiatrists. Three subtypes are recognized by the International Usher Syndrome Consortium: Type 1 is characterised by profound congenital deafness, retinal degeneration beginning in childhood, and progressive vestibular dysfunction; Type 2 is characterised by moderate to severe hearing impairment, later onset of retinal degeneration, and normal vestibular function; Type 3 is characterised by progressive hearing loss and variable age of onset of retinal degeneration. Although nearly 23% may have psychotic symptoms, the aetiology remains unclear: sensory deprivation associated with environmental stress, organic changes such as cerebral abnormalities, genetic link (two genetic loci for both Usher’s syndrome and psychotic illness are very close). Treatment of psychiatric symptoms is based on antipsychotics, well tolerated by the patients, who improve change of behaviour and communication abilities. Genetic counselling may be useful for parents. Conclusion. — Access to mental health services is particularly difficult for deaf and deaf-blind people, and difficulties in communication are a challenge for patients and for caregivers too. Antipsychotic medications are helpful for associated psychotic symptoms. Potential link between Usher syndrome and psychosis is still unclear and needs further studies. © L’Encéphale, Paris, 2008. Introduction Le syndrome de Usher est caractérisé par une double déficience sensorielle (auditive et visuelle) appelée surdicécité pouvant être associée à des troubles psychiatriques qui compliquent le diagnostic et la prise en charge. C’est une maladie génétique dont la transmission est autosomique, récessive, touchant donc également les hommes et les femmes. Décrite pour la première fois par Von Graefe en 1858, à propos de trois patients atteints de surdité congénitale associée à une rétinite pigmentaire progressive [24], complétée par Usher, ophtalmologiste anglais, qui en a décrit le caractère héréditaire et en a fait un syndrome spécifique [23]. Maladie rare qui touche un individu sur 25 000, elle est à l’origine de 3 à 6 % des surdités congénitales et de 18 % des cas de rétinopathie pigmentaire ; elle est la cause la plus fréquente de surdicécité chez l’enfant. Elle est reconnue en France par le décret du 2 août 2000 et classée parmi les handicaps rares. La fréquence des troubles psychiatriques associés varie selon les études, pouvant aller jusqu’à 23 % [6,13], ce qui est nettement supérieur aux taux habituellement reconnus dans la population générale (1 % pour la schizophrénie, 10 % environ pour la dépression, 1 % pour le retard mental). 288 C’est à l’occasion du suivi en milieu psychiatrique d’un patient actuellement âgé de 57 ans, souffrant de surdité congénitale et de cécité progressive, que le diagnostic a été porté d’abord cliniquement, puis complété par un bilan ORL, ophtalmologique et neuroradiologique. L’établissement du diagnostic a permis une meilleure appréhension des soins, tant pour le patient que pour l’équipe soignante, facilitant notamment l’acceptation d’un traitement antipsychotique au long cours et la mise en place de mesures essentielles pour l’amélioration de sa qualité de vie, via une association spécialisée. L’association de troubles psychiatriques, si elle a été décrite à l’occasion de quelques publications dans la littérature psychiatrique [8,9,13,26], reste encore mal expliquée et différentes possibilités étiologiques sont discutées. Cas clinique Monsieur P. naît en avril 1950. Il est enfant unique. L’apprentissage du langage est difficile : il parle de manière incompréhensible, seuls ses parents le comprennent et on le prend pour un débile mental. Ce n’est qu’à cinq ans qu’est fait le diagnostic de surdité bilatérale responsable de ses difficultés. À six ans, il entre à l’école communale, puis au lycée et finalement dans une école spécialisée pour sourds-muets jusqu’au BEPC qu’il obtient. On note ensuite un fléchissement, puis une interruption de sa scolarité. Il travaille pendant trois mois en usine en 1970. À 17 ans, apparaissent progressivement des crises d’angoisse, des conduites impulsives avec violence vis-à-vis de sa mère, l’amenant à consulter une psychologue. En 1972, à l’âge de 22 ans, il débute une psychothérapie. En 1975, il est hospitalisé en hospitalisation d’office (HO) dans son service de secteur : le diagnostic posé alors est celui d’une schizophrénie hébéphrénique et il sera qualifié de psychotique sourd et aveugle jusqu’en 2001. La symptomatologie psychiatrique comporte des troubles du comportement (violence vis-à-vis de sa mère, grande impulsivité, sthénicité), une angoisse majeure, une incurie, une agitation avec logorrhée et vociférations, un « probable dialogue hallucinatoire », des éléments délirants à thèmes sexuel et de persécution, mégalomaniaques, un déni des troubles avec opposition aux soins, entraînant des ruptures de traitement. Il n’y a pas de dissociation retrouvée. On ne retrouve pas de notion d’antécédent familial hormis une dépression chez la mère, qui a motivé des soins en milieu spécialisé. Un bilan psychologique effectué lors de la première hospitalisation en 1975 constate : « Niveau d’intelligence moyen (résultats non homogènes). Personnalité très probablement psychotique sans éléments dissociatifs. Faible possibilité d’adaptation sociale ». Les troubles sensoriels constatés sont les suivants : • auditifs : ◦ hypoacousie congénitale découverte vers l’âge de cinq à six ans à l’école (psychologue), ◦ en 1977, une oreille est appareillée, ◦ « angoissé par les gens dans le métro, qui le fixaient, et qu’il n’entendait pas », A.Viala et al. ◦ le bilan effectué en 2004, confirme une surdité de perception bilatérale (75—80 dB) stable, appareillée avec un bon gain prothétique : • visuels ; ◦ il a beaucoup lu dans sa jeunesse, ◦ en 1978, on évoque « qu’il a quelque chose aux yeux » : il est considéré comme amblyope et opéré de la cataracte, ◦ la rétinopathie pigmentaire est déjà connue depuis plusieurs années en 1996, mais le lien n’a pas été fait par rapport à la surdité et la psychose, ◦ les troubles visuels s’aggravent à partir de 2001 majorant l’angoisse et la peur de sortir, ◦ en 2003, il signale une souffrance liée au manque d’images, « ses souvenirs visuels sont seulement intellectuels », il décrit la lumière du jour comme « un mur de lumière », ◦ en 2004, au fond d’œil droit et gauche, on note une rétinopathie pigmentaire avec papilles pâles. Le bilan neuroradiologique réalisé en 2003 (notamment, IRM) n’a pas montré d’anomalie significative. Le suivi a comporté une prise en charge complexe du fait des déficits sensoriels associés, avec plusieurs hospitalisations souvent en hospitalisation à la demande d’un tiers (HDT), des consultations très régulières au centre médicopsychologique (CMP) et en intra-hospitalier, une mesure de protection des biens. Compte tenu du déni des troubles et de l’absence de compliance, c’est un traitement neuroleptique à action prolongée (halopéridol décanoate, pipotiazine palmitate puis fluphénazine) qui a été mis en place, bien supporté et efficace par rapport aux troubles, qui l’apaise sans qu’on puisse vraiment parler de rémission, le patient restant très fragile psychologiquement. Si les éléments délirants, notamment à thèmes de persécution, sont relativement enkystés bien que non critiqués, l’angoisse reste très importante, la réactivité émotionnelle aussi, avec des changements d’humeur et de comportement très rapides et souvent imprévisibles. Le traitement a toujours été efficace en quelques semaines, avec réapparition des troubles lors des arrêts intempestifs, comme cela a été signalé dans la littérature [8]. Le diagnostic de syndrome de Usher de type 2 a été établi dans le service psychiatrique de secteur, en 2003, à l’âge de 53 ans, sur les arguments cliniques : surdité congénitale diagnostiquée vers l’âge de cinq à six ans, rétinopathie progressive et plutôt tardive, absence de troubles vestibulaires. Ce diagnostic n’a été porté que tardivement car le handicap sensoriel pourtant important est passé au second plan derrière les troubles psychiatriques, mais aussi du fait de la méconnaissance de cette entité clinique en psychiatrie. Il a permis : • une prise de contact avec le Centre de ressources pour enfants et adultes sourds-aveugles et sourds malvoyants (CRESAM) [4], qui a permis un travail en partenariat avec une équipe spécialisée : rencontre en groupe soignantspatient dans l’institution, mais aussi individuelle au domicile du patient, avec un membre de l’association : possibilité d’aide au téléphone ; Syndrome de Usher suivi en psychiatrie : intérêt du diagnostic somatique • un accompagnement personnalisé pour se rendre à l’extérieur de son domicile, permettant de sortir de son isolement, mais aussi de le rassurer et de le soutenir pour se rendre à ses consultations, avec participation d’une accompagnatrice, mais aussi des infirmières du service de secteur ; • après des travaux effectués à son domicile par l’équipe des chantiers thérapeutiques du service, une aide ménagère vient régulièrement chaque semaine assurer l’entretien, mais aussi établir un lien avec ce patient qui vit totalement seul et qui se retrouve sans famille et sans amis ; • au total, les explications et informations acquises du fait du diagnostic de syndrome de Usher, ont permis la diminution de la peur et de l’incompréhension, une meilleure acceptation des soins par le patient et par l’équipe soignante, et donc de meilleures conditions pour favoriser l’adaptation et tenter de réduire l’isolement. Discussion Les principales publications concernant le syndrome de Usher se trouvent dans des revues d’ophtalmologie, ORL, neurologie et génétique. On a retrouvé peu de publications des troubles psychiatriques associés. Nous proposons dans cet article une synthèse des arguments diagnostiques et de la discussion étiologique. Les éléments diagnostiques Le double déficit sensoriel comporte : • une surdité bilatérale congénitale de perception, par anomalie cochléo-vestibulaire ; • une cécité progressive par rétinopathie pigmentaire : la rétine dégénère et perd sa capacité à transmettre les images au cerveau. Dans les cas avancés, des taches de pigment apparaissent sur la rétine. La symptomatologie associe : • une héméralopie (gêne dans l’obscurité ou la pénombre) avec, paradoxalement, une hypersensibilité à l’éblouissement ; • une réduction du champ visuel ; • une baisse de l’acuité visuelle progressive, qui devient maximale vers 30—40 ans. La rétinopathie pigmentaire est le symptôme qui permet d’affirmer le diagnostic, l’héméralopie en est souvent la première manifestation. Cette double déficience sensorielle pose un problème spécifique et complexe, car les deux déficiences multiplient et intensifient leurs effets, et les patients ne peuvent utiliser l’une pour compenser l’autre. Trois types, décrits en fonction de l’évolution, sont reconnus par l’International Usher Syndrome Consortium [10,17,20] : • le type 1 : surdité profonde à la naissance et troubles vestibulaires à type de troubles de l’équilibre pouvant retarder l’apprentissage de la marche. À l’examen on 289 retient l’absence de nystagmus à la stimulation calorique froide. Les premières manifestations visuelles apparaissent précocement, diagnostiquées en général avant l’âge de dix ans ; • le type 2 : surdité congénitale modérée à sévère, appareillable, sans trouble vestibulaire. La rétinopathie débute plus tardivement, progressive et invalidante, devenant gênante autour de 25—30 ans ; Les types 1 et surtout 2 sont les plus fréquemment rencontrés. • le type 3 : ouïe et vision normales ou quasi-normales à la naissance, surdité progressive pouvant se détériorer sur dix ou 15 ans, sans troubles de l’équilibre, rétinopathie progressive, à partir de l’adolescence ; il s’agit d’une entité initialement spécifiquement reconnue en Finlande, mais elle est également décrite dans d’autres pays. Hallgren en 1959 [6], et d’autres auteurs depuis, ont décrit des syndromes de Usher s’accompagnant de troubles psychiatriques ou d’ataxie, mais aussi des syndromes de Usher avec surdité progressive, qui présentaient des troubles schizophréniformes, des altérations corticales et sous-corticales en neuro-imagerie, qui ont fait porter le diagnostic de Syndrome d’Hallgren [22] ou de type 4, qui n’ont pas été retenus. Les recherches génétiques développées au cours des 20 dernières années ont mis en évidence que le syndrome de Usher est une maladie hétérogène, les trois types cliniques pouvant se diviser en plusieurs sous-types génétiques [1,11,12]. Un certain nombre de mutations dans différents gènes sont connues pour provoquer les différentes formes ; à ce jour, toutes les mutations ne sont pas connues. Les recherches récentes portent sur l’identification de nouveaux gènes, sur la fonction des protéines correspondantes et sur les interactions entre les protéines. Huit gènes et deux loci sont actuellement répertoriés, correspondant à la totalité des cas connus [7]. Les deux gènes majeurs sont MYO7A et USH2A [15]. Les études ont montré que toutes les protéines actuellement connues du syndrome de Usher type 1 agissent sur la cohésion des stéréocils qui se trouvent dans les cellules auditives de l’oreille interne et de différentes structures des photorécepteurs (Tableau 1). Toutes les formes du syndrome de Usher sont transmises de la même manière, appelée transmission autosomique récessive [14]. Dans ce type de maladie, les deux parents sont porteurs sains ; le risque est alors de 25 % à chaque grossesse. Les couples ayant déjà un enfant atteint peuvent bénéficier d’un diagnostic prénatal, au sein de la même famille les symptômes peuvent être de gravité variable. La possibilité d’une consanguinité a été décrite. Le diagnostic moléculaire est aujourd’hui possible, guidé par la clinique, mais coûteux à réaliser (du fait de la très grande longueur des gènes) [7]. Les données neuroradiologiques récentes, développées elles aussi ces dernières années, ont permis de décrire des anomalies inconstantes telles qu’une atrophie cérébelleuse ou plus rarement du tronc cérébral ou du cortex occipital [5]. 290 A.Viala et al. Tableau 1 Locus USH1B a USH1C USH1D USH1E USH1F USH1G USH2A USH2B USH2C USH3A Gènes responsables du syndrome de Usher (d’après Hamel). Localisation Pathologie Gène Protéine 11q13,5 Usher de type 1 et type 3-like, surdité non syndromique (DFNA11, DFNB12) Usher de type 1, surdité non syndromique (DFNB18) Usher de type 1, surdité non syndromique (DFNB12) Usher de type 1 Usher de type 1, surdité non syndromique (DFNB23) Usher de type 1 Usher de type 2, rétinite pigmentaire non syndromique Usher de type 2 Usher de type 2, convulsions fébriles Usher de type 3 MYO7A Myosine 7A USH1C CDH23 ? PCDH15 USH1G USH2A ? VLGR1 USH3A Harmonine Cadhérine 23 ? Protocadhérine 15 Sans Usherine ? Protéine VLGR1 Clarine 1 11q15,1 10q22,1 21q21 10q21,1 17q24-q25 1q41 3p23-p24,2 5q14,3-q21.3 3q25,1 DFNA : surdité dominante autosomique ; DFNB : surdité récessive autosomique. a Le locus USH1A n’existe pas, les familles USH1A ayant des mutations dans MYO7A. De façon plus exceptionnelle, l’IRM a pu mettre en évidence des lésions nodulaires ou en plages hyperintenses en séquence pondérée T2 siégeant dans le tronc cérébral, le cervelet ou la substance blanche hémisphérique, notamment périventriculaire [16]. Les troubles psychiatriques associés aux déficits sensoriels ont été décrits jusqu’à environ 23 % des cas. Les symptômes les plus fréquemment retrouvés sont : • des troubles dépressifs souvent rapportés au stress de la déprivation sensorielle, mais aussi à la reconnaissance du polyhandicap, à l’isolement et à la désinsertion sociale, voire socioprofessionnelle pour certains patients ; • un retard mental modéré à sévère, lié aux difficultés d’acquisition compte tenu des handicaps associés (difficultés d’apprentissage de la parole, de la lecture et de l’écriture, instabilité liée aux troubles vestibulaires), variable selon le phénotype [19] ; • des troubles d’allure psychotique plus souvent constatés que dans la population générale ; ils peuvent donner lieu à des états psychotiques aigus avec une agressivité et une irritabilité fréquemment retrouvées ; des perceptions évoquant des hallucinations, notamment auditives et visuelles, sont décrites par les patients ; des troubles du comportement avec agitation, violence, sous-tendus par des idées délirantes, notamment à thèmes de persécution, ont fait discuter les diagnostics de Syndrome de Capgras [25], de paranoïa, de schizophrénie paranoïde ou de trouble schizophréniforme [8,19]. Il existe souvent un déni des troubles psychiatriques, une anxiété pouvant aller jusqu’à l’angoisse majeure, sans dissociation retrouvée dans les cas rapportés dans la littérature, réagissant bien aux traitements antipsychotiques de première et de deuxième génération. Discussion étiologique Selon les données de la littérature, plusieurs hypothèses sont proposées concernant l’association des troubles psychiatriques aux troubles sensoriels du syndrome de Usher. Elle pourrait être liée : • à la proximité de localisations génétiques : certains auteurs ont fait remarquer une proximité de localisation entre certains gènes mutés du syndrome de Usher et ceux suspectés dans la schizophrénie au niveau de deux chromosomes (11q et 5q), posant la question du lien entre les deux affections, du fait de la prédominance de la symptomatologie psychotique [8,12] ; la myosine 7A, responsable de la majorité des syndromes de Usher type 1 est largement exprimée dans le cerveau [7]. Mais, il faut rester très prudent car aucune mutation de gènes du syndrome de Usher n’a été rapportée dans une forme à symptomatologie psychiatrique associée ; • au rôle du déficit sensoriel majeur : la perte progressive de la vue et de l’ouïe s’accompagne de troubles psychiatriques dans 9 à 15 % des cas de déficits sensoriels non syndromiques et le pourcentage augmente lorsque les troubles débutent à l’âge adulte (rôle majeur du stress lié à la déprivation sensorielle et à l’isolement qui en découle, mais aussi aux grandes difficultés rencontrées dans les gestes de la vie quotidienne) [3] ; • à une origine organique, du fait de la découverte en neuro-imagerie de quelques cas d’atrophie cérébelleuse et corticale, notamment occipitale [2], mais aussi de désordres métaboliques et dégénératifs pouvant intéresser le cerveau et spécialement les aires sous-corticales, et la substance blanche du cerveau et du cervelet. Mais il s’agit là encore d’hypothèses concernant un petit nombre de cas [12,18,21]. Traitements et moyens à proposer Traitements et moyens à proposer : • la surdité peut être appareillée par amplificateur. Les surdités profondes doivent être implantées le plutôt possible (dès six mois à un an) ; • le trouble visuel : le port de lunettes grossissantes et de verres solaires pour éviter l’éblouissement peut aider, mais il n’existe pas de traitement pour empêcher que la vue ne se détériore ; • les troubles psychiatriques sont souvent d’allure psychotique et il a été constaté dans tous les cas rapportés qu’ils réagissent bien aux neuroleptiques et antipsychotiques ; Syndrome de Usher suivi en psychiatrie : intérêt du diagnostic somatique • il faut surtout penser au diagnostic pour mettre en place le plus tôt possible des mesures d’accompagnement, la mise en relation avec une association spécialisée, l’apprentissage du Braille, de la langue des signes, le port d’une canne ; • un conseil génétique peut être dispensé aux membres de la famille et aux parents d’un enfant déjà atteint. Conclusion L’établissement du diagnostic de syndrome de Usher de type 2 chez un patient connu et traité en psychiatrie depuis de nombreuses années pour des troubles sévères, a permis une meilleure compréhension et donc une meilleure prise en charge par l’ensemble de l’équipe soignante, et la mise en place d’une aide spécialisée. Une meilleure adhésion du patient aux soins proposés, à partir de ce moment-là, peut sans doute y être rapportée ; mais elle peut aussi être liée au fait que la reconnaissance d’un syndrome où les troubles psychiatriques sont associés à une pathologie organique connue, lui ont permis une meilleure compréhension et acceptation de sa symptomatologie, et à partir de là, une meilleure adhésion au traitement antipsychotique aussi bien que psychothérapeutique associé à la prise en charge médicosociale. Il s’agit d’une maladie génétique rare ; les troubles psychiatriques associés restent mal connus des psychiatres, et leur étiologie incertaine malgré plusieurs hypothèses. De nombreuses recherches sont en cours (notamment en génétique et en neuroradiologie) qui pourraient faire évoluer le pronostic de cette affection pour laquelle il n’y a pour l’instant aucune perspective de traitement par thérapie génique ou pharmacologique. De nombreuses associations spécialisées existent à travers le monde et certains pays (comme le Québec) ont développé des programmes de prise en charge multidisciplinaire, au sein d’unités spécialisées ; leur aide est très importante, tant pour les patients concernés et leurs familles que pour les équipes soignantes qui les prennent en charge. Références [1] Astuto LM, Weston MD, Carney CA, et al. Genetic heterogeneity of Usher syndrome: Analysis of 151 families with Usher type 1. Am J Hum Genet 2000;67:1569—74. [2] Bloom TS, Fishman GA, Mafee MF. 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