Supervision : il y a de quoi en faire un fromage
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Supervision : il y a de quoi en faire un fromage
050_053_SOL 6/07/05 Reportage Vu chez MLC 17:39 Page 50 Solutions AUTOMATISMES Supervision : il y a de quoi en faire un fromage ! ▼ Spécialisée dans la raclette et le St Paulin, la fromagerie Maîtres Laitiers du Cotentin (MLC) a récemment rénové l’automatisme de son atelier de fromagerie. Si l’instrumentation et son câblage n’ont pas été remis en cause, si ce sont toujours des automates qui assurent le pilotage, des modifications importantes ont été apportées avec la mise en place d’une supervision et une aide au diagnostic évoluée. Pierre Guerin, qui a réalisé l’application, a adapté la norme S88.01 (spécifique aux process batch) aux besoins de la fromagerie. Le S88. 01 est en effet prévu pour traiter les process batch, notamment les plus complexes. Et l’application de MLC est relativement simple… A la fromagerie Maîtres Laitiers du Cotentin (MLC) de Valognes (près de Cherbourg), les mesures et les automatismes sont présents à tous les étages, sur tous les équipements. N’empêche que le personnel reste près des équipements du process, à surveiller le bon roulement du processus de fabrication, à Aller à l’essentiel donner un coup de main aux automatismes en cas de La fromagerie de MLC à besoin. Pourtant, depuis Valognes produit 5 000 tonnes peu (juillet 2001), à la de fromage par an faveur d’une rénovation, la Les automates présents sur le fromagerie s’est équipée d’un site, commençaient à connaître des pannes, justifiant une opéposte de supervision ration de revamping sophistiqué pour assurer le pilotage des lots de fabrica Pierre Guerin, qui obtient le contrat de rénovation, conserve tion et réaliser les opérales modes de marche mis en œuvre tions de traçabilité et de jusque là et rajoute un système de maintenance. Mais ici pas supervision/traçabilité d’esbroufe : le poste se fait La gestion du procédé batch très discret, dans un local mise en place est conforme à l’esen plein milieu de l’atelier. prit de la norme S88.01, mais plus simple à mettre en œuvre Les vues d’écran sont 50 Architecture de l’automatisme ETHERNET Superviseur Monitor Pro Console ETHERNET TCP/IP XBTF TSX 57 Cuves à fromage XBTE TSX 57 Chaine de pressage TSX 57 Bac mécanisé L’atelier de fabrication des fromages comprend deux sections (coagulation et pressage),chacune pilotée par un automate programmable. Un terminal graphique présent dans chaque atelier indique aux opérateurs l’état du process et le séquencement des opérations. La recette (qui comprend jusqu’à 50 étapes) de chaque lot de fabrication est paramétrée au niveau du superviseur.Les programmes correspondants sont automatiquement générés puis transférés dans les automates. sobres, les opérateurs ne sont pas en permanence devant l’écran. Rien à voir avec les salles de contrôle-commande que l’on trouve dans certaines industries, avec de nombreux écrans, des écrans vidéo, des imprimantes et des opérateurs scotchés à leur poste… Une installation homogène A MLC, la supervision joue un rôle important mais il n’est pas question que le fonctionnement de l’ensemble de l’usine en dépende. « Nous avons délibérément opté pour une conduite locale des équipements, faite par les “hommes de l’art”. De plus, nous souhaitions que les équipements de process ne soient pas à la merci d’une défaillance d’un automate programmable. Dans la fabrication des fromages, certaines opérations sont critiques et on ne peut pas s’autoriser des immobilisations de plus de 5 minutes de certains équipements de production. », explique Nicolas Jarossay, responsable production du site. En quelque sorte, la rénovation de l’installation n’a pas fondamentalement remis en cause les options d’automatismes rete- nues en 1988, lors de la mise en route de la fromagerie. Les opérateurs présents dans les ateliers continuent d’activer sur place l’enchaînement des opérations. Et en cas de panne de l’automatisme, des panneaux à voyants et boutons reliés directement aux capteurs et actionneurs leur permettent de piloter manuellement les équipements. Cette continuité obéit à une certaine logique. En effet, la remise à niveau des automatismes des équipements, décidée début 2001, n’était pas justifiée par un manque d’efficacité de l’usine, ni même par la nécessité d’ajouter de nouvelles fonctionnalités. En fait, s’il fallait faire quelque chose, c’est parce que les automatismes eux-mêmes commençaient à causer quelques soucis : la connectique était responsable de pannes à répétition, l’automate PB 400 de Merlin Gerin et le TSX 87 de Telemecanique donnaient des signes de lassitude. Un appel d’offres est alors lancé pour rénover les automatismes des deux ateliers de fabrication, l’un assuMESURES 743 - MARS 2002 050_053_SOL 6/07/05 17:39 Page 51 Solutions On voit ici l’interface homme-machine de l’atelier de pressage,qui donne un état précis de la situation de l’atelier et permet à l’opérateur de valider ou d’arrêter les opérations. rant la coagulation du lait, l’autre le pressage du caillé (voir encadré “Deux grandes opérations : la coagulation et le pressage). Ce cahier des charges, assez général dans les fonctionnalités demandées, a été peaufiné par la suite au fur et mesure des discussions menées avec les fournisseurs. N’ayant pas de service automatismes intégré, MLC n’est pas directif dans les choix techniques, souhaitant simplement une solution d’ensemble homogène. Et comme souvent en pareil cas, c’est la solution d’un fournisseur déjà dans la place qui est retenue. En l’occurrence la société française Pierre Guerin, qui avait installé en 1988 la “chaudronnerie” des équipements de process (les cuves, notamment) assurant l’opération de coagulation du lait, et bien sûr les automatismes associés. Pour des raisons de cohérence, Pierre Guerin se voit également confier la rénovation des automatismes de l’atelier de pressage, dans lequel elle n’était pas intervenue jusque là. Partenaire depuis de longues années de la fromagerie, Pierre Guerin a su proposer une solution répondant bien aux attentes. « Nous connaissions la qualité du service de Pierre Guerin, ce qui a évidemment joué en sa faveur. Nous connaissant bien, elle avait répondu à notre appel d’offres avec un dossier proposant des solutions s’accordant bien avec nos pratiques. Nous avions notamment été attirés par la grande souplesse pour changer de mode de marche (automatique/manuel) et par les nouvelles fonctionnalités apportées, notamment pour le paramétrage des MESURES 743 - MARS 2002 Reportage Vu chez MLC Les “vieilles“ boîtes à boutons présentes en bout de chacune des lignes de pressage ont été Les automates programmables sont regroupés dans une des conservées.Celles-ci servent à reprendre en manuel le fonctionnement des opérations,au cas armoires électriques,sur lesquelles sont ramenées les entrées/soroù l’automate de pilotage connaîtrait une défaillance. ties câblées de façon classique (en fil à fil). opérations et pour la traçabilité. L’ergonomie des vues d’écran et leur exploitation aisée nous avaient également séduits », se souvient Jean-Pierre Doraphé, chef d’atelier fabrication et affinage. Dans la solution retenue, des automates Premium TSX57 de Schneider succèdent aux modèles Merlin Gerin (pour les cuves de coagulation) et Telemecanique (pour les machines de pressage), deux sociétés qui appartiennent aujourd’hui au groupe Schneider. Ceuxci sont regroupés dans un local électrique et reliés au superviseur par un réseau Ether- net 10 Base-T sous TCP/IP avec une connectique standard RJ-45. Les connexions aux capteurs et actionneurs se font par des liaisons fil à fil classiques. « En fait, comme souvent dans les opérations de revamping, nous avons conservé les capteurs existants et leur câblage. L’implémentation d’une solution à bus de terrain nous aurait obligé à tout recâbler,et la solution se serait révélée trop onéreuse », explique Hubert Gautronneau, responsable de la division “Automatisation Réalisation Services” de Pierre Guerin.Cette option a également permis de gagner du temps : à peine 9 jours ont été Deux grandes opérations : la coagulation et le pressage Le site de Valognes des Maîtres Laitiers du Cotentin fabrique deux grands types de fromages : la raclette et le St Paulin, tous deux à base de lait de vache. La fromagerie exploite sa propre marque (Valco). La fromagerie traite 40 millions de litres de lait par an et fabrique 5 000 tonnes de fromage. Les fromages fabriqués à Valognes appartiennent à la famille des fromages à pâte pressé non cuite, dans laquelle on trouve aussi le Cantal, le Reblochon, le St Nectaire, le Morbier, le Laguiole, le Salers, l’Ossau-Iraty, etc. Le process de fabrication comprend deux grandes phases : la préparation en cuve, suivie d’une opération de pressage. Le lait livré à la fromagerie est d’abord entreposé dans des cuves de maturation. Ce lait est ensuite transféré dans des cuves de 12 000 litres où démarre la fabrication proprement dite du fromage. L’introduction dans ces cuves de ferments, présure et autres ingré- dients entraîne la coagulation du lait. La phase de coagulation prend environ une demi-heure. Après décaillage, on obtient un mélange de caillé et de lactosérum. Une partie (environ 5 000 l) du lactosérum est ensuite retiré de la cuve, le reste est mélangé avec le caillé pour obtenir un mélange homogène. Vient alors la deuxième étape de la fabrication, celle du pressage, réalisée dans un atelier séparé. Le caillé extrait des cuves est mis dans des moules cylindriques où il est pressé en plusieurs étapes et prend sa forme définitive. Le fromage pressé obtenu est ensuite extrait du moule et transféré en saumure puis en salle d’affinage où il séjourne de quinze jours à huit semaines. L’atelier de pressage comporte une partie “mécanisation”, assurant les opérations de démoulage, de manutention et de nettoyage des moules. 51 050_053_SOL 6/07/05 Reportage Vu chez MLC 17:39 Page 52 Solutions nécessaires pour réaliser le basculement complet (incluant le décâblage, le recâblage et la mise en service) de l’ancienne installation vers la nouvelle. L’installation rénovée n’a pas eu de mal à se faire accepter par le personnel Les recettes de fabrication sont pilotées par le logiciel batch installé sur le poste de supervision.La terminologie adoptée n’est pas sans rappeler celle de la norme S88.01. de la fromagerie. Car elle leur apporte de nouvelles fonctionnalités, tout en évitant de bousculer leurs habitudes. Par exemple, au niveau des cuves de coagulation, chaque opération (brassage, mélange, extraction du lactosérum, vidange, etc.) est automatisée, comme par le passé. Et c’est toujours l’opérateur qui valide manuellement l’enchaînement de certaines séquences. Pour cela, une balise lumineuse l’avertit qu’une opération est achevée et qu’il peut passer à la suivante. Pour suivre plus précisément son process, il dispose désormais d’une interface homme-machine locale qui lui donne de nombreuses indications sur les volumes, la durée et la vitesse de rotation des outils de brassage, etc. Jusque là, il devait s’appuyer sur les indications données par des indicateurs de tableau. Ces indicateurs et les synoptiques “à l’ancienne” Des Grafcet donnent une idée très précise du déroulement du process et permettent de localiser un problème éventuel. gravés sur des tableaux ont été conservés de façon à ce qu’en cas de panne de l’automate programmable, la conduite des opérations puisse être reprise en mode manuel. Au niveau de l’atelier de pressage, c’est un peu la même chose. Chaque chaîne dispose d’un automatisme qui lui est propre. L’automate programmable assure le pilotage de l’ensemble. Ici aussi, une interface homme-machine a été mise en place pour donner des informations sur le fonctionnement de l’atelier. Au bout du compte, la principale avancée se situe au niveau de la supervision. MLC souhaitant une solution aussi homogène que possible, Pierre Guerin a opté pour le logi- Au service du goût et de la santé… Le slogan de Pierre Guerin est tout un programme : “Au service du goût et de la santé”. On l’aura compris, la société œuvre essentiellement dans les industries agro-alimentaire, pharmaceutiques et biotechnologiques. Elle est également présente en cosmétologie, mais là aussi, il est question de (bon) goût. Les équipements fabriqués par Pierre Guerin (groupe Fives-Lille) sont destinés aux liquides : ils sont très divers, et comprennent notamment des cuves, pompes, vannes, des systèmes d’agitation, de mélange et de nettoyage en place (NEP). La société propose des lignes automatisées 52 ciel Monitor Pro sous Windows NT de Schneider (qui est lui-même basé sur FactoryLink d’US Data,avec qui la société française a un accord de partenariat). Le logiciel va au-delà d’une supervision classique et assure des fonctions de MES (Manufacturing Execution System). Pour l’aide à la maintenance, Pierre Guerin a développé un diagramme Grafcet décrivant l’enchaînement des séquences de chaque poste automatisé de l’usine. Ces Grafcet identifient clairement l’étape en cours et indiquent (par un repère couleur) la présence d’un problème éventuel. Par le passé, pour arriver au même résultat, il fallait faire appel complètes. Sa division Arès (Automatisation, Réalisation, Services), forte d’une quarantaine de personnes, est spécialisée dans les automatismes de process, aussi bien sur les applications nouvelles que sur les rénovations. Elle intègre les automates, logiciels de supervision et bus de terrain de la plupart des grands constructeurs. Pierre Guerin emploie 460 personnes et a réalisé un chiffre d’affaires de 55 M€ l’an dernier. Pierre Guerin BP 12 - 79210 Mauze Tél. : 05 49 26 30 58 Fax : 05 49 26 07 75 Les synoptiques ont été conçus avec des symboles graphiques explicites,des vues peu chargées mais offrant la possibilité d’accéder rapidement aux détails,avec un souci de simplicité d’utilisation. à la console automate, ce qui n’était pas à la portée du premier technicien de maintenance venu. Du coup, lorsqu’il y avait un problème, les techniciens allaient sur place vérifier individuellement chaque entrée et chaque sortie pour localiser le défaut. « Désormais, grâce à la supervision, lorsqu’il y a une panne due à une entrée ou une sortie,nous savons rapidement localiser physiquement l’entrée concernée », explique Philippe Marie, du service maintenance de MLC. Le technicien qui est sur place peut alors identifier la cause du défaut, s’il s’agit d’une pièce bloquée, d’une connexion ou d’un capteur ou d’une vanne défectueux. Les responsables de MLC ont souhaité que ces informations de diagnostic restent localisées au niveau du superviseur. Sur d’autres sites automatisés par Pierre Guerin,les informations de diagnostic sont affichées en clair sur des terminaux opérateurs présents au pied des machines. Une implémentation “light” de la S88.01 Pierre Guerin,et plus précisément sa division Arès spécialisée dans la conduite de procédés, a apporté un soin tout particulier à l’ergonomie des pages d’écran. L’esthéMESURES 743 - MARS 2002 050_053_SOL 6/07/05 17:39 Page 53 Solutions tique a été soignée mais c’est surtout le côté pratique qui a été recherché. Les opérateurs sont en effet des techniciens travaillant en atelier qui n’avaient pas de culture en supervision. C’est ainsi que les icônes représentant les différents organes du process adoptent un graphisme très réaliste. Les vues d’écran prennent différentes formes : les synoptiques ont été adoptés pour représenter le fonctionnement des cuves alors que les tableaux ont été préférés pour représenter les machines de pressage (qui comportent beaucoup de capteurs et actionneurs). Un Grafcet est associé à chaque poste et peut être visualisé à tout instant pour indiquer l’état d’avancement du cycle. Par essence, une fromagerie fabrique des lots, avec des variantes de l’un à l’autre. Elle met en œuvre un process batch, et qui dit process batch dit norme S88.01 (relayée par la norme EN 61512) ou Astrid. « Le système d’automatisme qui pilote le process de MLC a été développé dans l’esprit de la S88.01, mais nous l’avons simplifié de façon à ce qu’il colle bien aux besoins de la fromagerie, tout en réduisant son coût »,explique M. Gautronneau. MESURES 743 - MARS 2002 L’atelier de pressage est difficile à représenter sous forme de synoptiques graphiques.Pierre Guerin a opté pour une représentation synthétique qui permet de voir en un coup d’œil l’état de l’atelier. Par exemple, les ressources physiques de l’installation (les cuves à fromage et les équipements annexes) ne sont pas allouées dynamiquement par le système, car la conception de l’atelier permet d’affecter ces ressources dans les recettes. Il n’est pas non plus nécessaire de créer les conditions des transitions entre les phases. Autre différence par rapport à la norme S88.01, les écrans de saisie pour modifier les recettes ne se présentent pas sous forme de Grafcet comme dans la plupart des progiciels de type “batch Reportage Vu chez MLC manager”, car ce genre d’interface, plus souple mais aussi plus complexe pour une personne peu familiarisée aux automatismes, ne s’est pas révélé adapté à l’application de MLC. Le logiciel permet de piloter la fabrication à partir de recettes entièrement configurables, que le responsable de production peut créer et modifier luimême. Celui-ci dispose ainsi d’une grande souplesse et d’une grande autonomie pour s’adapter aux évolutions de production. Dans la conception de cette application batch, il a fallu penser aux modes de marches dégradées, car en industrie fromagère, il est obligatoire de respecter scrupuleusement les cadences définies, faute de quoi c’est l’ensemble de l’atelier qui se trouve désorganisé. Pour cela, les phases servant à bâtir des recettes peuvent être lancées unitairement par l’opérateur, pour pallier à d’éventuels aléas de fabrication. C’est en quelque sorte un mode semi-automatique. Jean-François Peyrucat 53