Supervision : il y a de quoi en faire un fromage

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Supervision : il y a de quoi en faire un fromage
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6/07/05
Reportage
Vu chez
MLC
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Solutions
AUTOMATISMES
Supervision : il y a de quoi en faire
un fromage !
▼
Spécialisée dans la raclette et le
St Paulin, la fromagerie Maîtres Laitiers
du Cotentin (MLC) a récemment rénové l’automatisme de son atelier de fromagerie. Si l’instrumentation et son
câblage n’ont pas été remis en cause, si
ce sont toujours des automates qui
assurent le pilotage, des modifications
importantes ont été apportées avec la
mise en place d’une supervision et une
aide au diagnostic évoluée. Pierre
Guerin, qui a réalisé l’application, a
adapté la norme S88.01 (spécifique
aux process batch) aux besoins de la
fromagerie.
Le S88. 01 est en effet prévu pour traiter les process batch, notamment les
plus complexes. Et l’application de
MLC est relativement simple…
A
la fromagerie Maîtres Laitiers du
Cotentin (MLC) de Valognes
(près de Cherbourg), les
mesures et les automatismes sont présents à tous les étages, sur
tous les équipements. N’empêche que le
personnel reste près des équipements du
process, à surveiller le bon roulement du
processus de fabrication, à
Aller à l’essentiel
donner un coup de main
aux automatismes en cas de
La fromagerie de MLC à
besoin. Pourtant, depuis
Valognes produit 5 000 tonnes
peu (juillet 2001), à la
de fromage par an
faveur d’une rénovation, la
Les automates présents sur le
fromagerie s’est équipée d’un
site, commençaient à connaître
des pannes, justifiant une opéposte de supervision
ration de revamping
sophistiqué pour assurer le
pilotage des lots de fabrica Pierre Guerin, qui obtient le
contrat de rénovation, conserve
tion et réaliser les opérales modes de marche mis en œuvre
tions de traçabilité et de
jusque là et rajoute un système de
maintenance. Mais ici pas
supervision/traçabilité
d’esbroufe : le poste se fait
La gestion du procédé batch
très discret, dans un local
mise en place est conforme à l’esen plein milieu de l’atelier.
prit de la norme S88.01, mais plus
simple à mettre en œuvre
Les vues d’écran sont
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Architecture de l’automatisme
ETHERNET
Superviseur
Monitor Pro
Console
ETHERNET TCP/IP
XBTF
TSX 57
Cuves à fromage
XBTE
TSX 57
Chaine de pressage
TSX 57
Bac mécanisé
L’atelier de fabrication des fromages comprend deux sections (coagulation et pressage),chacune pilotée par un automate programmable.
Un terminal graphique présent dans chaque atelier indique aux opérateurs l’état du process et le séquencement des opérations.
La recette (qui comprend jusqu’à 50 étapes) de chaque lot de fabrication est paramétrée au niveau du superviseur.Les programmes correspondants sont automatiquement générés puis transférés dans les automates.
sobres, les opérateurs ne sont pas en permanence devant l’écran. Rien à voir avec
les salles de contrôle-commande que l’on
trouve dans certaines industries, avec de
nombreux écrans, des écrans vidéo, des
imprimantes et des opérateurs scotchés à
leur poste…
Une installation homogène
A MLC, la supervision joue un rôle
important mais il n’est pas question que
le fonctionnement de l’ensemble de l’usine en dépende. « Nous avons délibérément opté
pour une conduite locale des équipements, faite par
les “hommes de l’art”. De plus, nous souhaitions que
les équipements de process ne soient pas à la merci
d’une défaillance d’un automate programmable. Dans
la fabrication des fromages, certaines opérations sont
critiques et on ne peut pas s’autoriser des immobilisations de plus de 5 minutes de certains équipements de production. », explique Nicolas
Jarossay, responsable production du site.
En quelque sorte, la rénovation de l’installation n’a pas fondamentalement remis
en cause les options d’automatismes rete-
nues en 1988, lors de la mise en route
de la fromagerie. Les opérateurs présents
dans les ateliers continuent d’activer sur
place l’enchaînement des opérations. Et
en cas de panne de l’automatisme, des
panneaux à voyants et boutons reliés
directement aux capteurs et actionneurs
leur permettent de piloter manuellement
les équipements.
Cette continuité obéit à une certaine
logique. En effet, la remise à niveau des
automatismes des équipements, décidée
début 2001, n’était pas justifiée par un
manque d’efficacité de l’usine, ni même
par la nécessité d’ajouter de nouvelles
fonctionnalités. En fait, s’il fallait faire
quelque chose, c’est parce que les automatismes eux-mêmes commençaient à
causer quelques soucis : la connectique
était responsable de pannes à répétition,
l’automate PB 400 de Merlin Gerin et le
TSX 87 de Telemecanique donnaient des
signes de lassitude. Un appel d’offres est
alors lancé pour rénover les automatismes
des deux ateliers de fabrication, l’un assuMESURES 743 - MARS 2002
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On voit ici l’interface homme-machine de l’atelier de pressage,qui donne un
état précis de la situation de l’atelier et permet à l’opérateur de valider ou
d’arrêter les opérations.
rant la coagulation du lait, l’autre le pressage du caillé (voir encadré “Deux
grandes opérations : la coagulation et le
pressage). Ce cahier des charges, assez
général dans les fonctionnalités demandées, a été peaufiné par la suite au fur et
mesure des discussions menées avec les
fournisseurs. N’ayant pas de service automatismes intégré, MLC n’est pas directif
dans les choix techniques, souhaitant simplement une solution d’ensemble homogène. Et comme souvent en pareil cas,
c’est la solution d’un fournisseur déjà
dans la place qui est retenue. En l’occurrence la société française Pierre
Guerin, qui avait installé en 1988 la
“chaudronnerie” des équipements
de process (les cuves, notamment)
assurant l’opération de coagulation
du lait, et bien sûr les automatismes
associés. Pour des raisons de cohérence, Pierre Guerin se voit également
confier la rénovation des automatismes de l’atelier de pressage, dans
lequel elle n’était pas intervenue
jusque là.
Partenaire depuis de longues
années de la fromagerie, Pierre Guerin a su proposer une solution
répondant bien aux attentes. « Nous
connaissions la qualité du service de Pierre
Guerin, ce qui a évidemment joué en sa
faveur. Nous connaissant bien, elle avait
répondu à notre appel d’offres avec un dossier
proposant des solutions s’accordant bien avec
nos pratiques. Nous avions notamment été
attirés par la grande souplesse pour changer
de mode de marche (automatique/manuel)
et par les nouvelles fonctionnalités apportées, notamment pour le paramétrage des
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Les “vieilles“ boîtes à boutons présentes en bout de chacune des lignes de pressage ont été
Les automates programmables sont regroupés dans une des
conservées.Celles-ci servent à reprendre en manuel le fonctionnement des opérations,au cas armoires électriques,sur lesquelles sont ramenées les entrées/soroù l’automate de pilotage connaîtrait une défaillance.
ties câblées de façon classique (en fil à fil).
opérations et pour la traçabilité. L’ergonomie des
vues d’écran et leur exploitation aisée nous avaient
également séduits », se souvient Jean-Pierre
Doraphé, chef d’atelier fabrication et
affinage.
Dans la solution retenue, des automates
Premium TSX57 de Schneider succèdent aux
modèles Merlin Gerin (pour les cuves de coagulation) et Telemecanique (pour les machines
de pressage), deux sociétés qui appartiennent aujourd’hui au groupe Schneider. Ceuxci sont regroupés dans un local électrique
et reliés au superviseur par un réseau Ether-
net 10 Base-T sous TCP/IP avec une
connectique standard RJ-45. Les
connexions aux capteurs et actionneurs se
font par des liaisons fil à fil classiques. « En
fait, comme souvent dans les opérations de revamping,
nous avons conservé les capteurs existants et leur câblage. L’implémentation d’une solution à bus de terrain
nous aurait obligé à tout recâbler,et la solution se serait
révélée trop onéreuse », explique Hubert Gautronneau, responsable de la division “Automatisation Réalisation Services” de Pierre
Guerin.Cette option a également permis de
gagner du temps : à peine 9 jours ont été
Deux grandes opérations : la coagulation et le pressage
Le site de Valognes des Maîtres Laitiers du
Cotentin fabrique deux grands types de fromages : la raclette et le St Paulin, tous deux à
base de lait de vache. La fromagerie exploite sa
propre marque (Valco).
La fromagerie traite 40 millions de litres de lait
par an et fabrique 5 000 tonnes de fromage.
Les fromages fabriqués à Valognes appartiennent à la famille des fromages à pâte pressé non
cuite, dans laquelle on trouve aussi le Cantal, le
Reblochon, le St Nectaire, le Morbier, le Laguiole, le Salers, l’Ossau-Iraty, etc.
Le process de fabrication comprend deux
grandes phases : la préparation en cuve, suivie
d’une opération de pressage.
Le lait livré à la fromagerie est d’abord entreposé dans des cuves de maturation. Ce lait est
ensuite transféré dans des cuves de
12 000 litres où démarre la fabrication proprement dite du fromage. L’introduction dans ces
cuves de ferments, présure et autres ingré-
dients entraîne la coagulation du lait. La phase
de coagulation prend environ une demi-heure.
Après décaillage, on obtient un mélange de
caillé et de lactosérum. Une partie (environ
5 000 l) du lactosérum est ensuite retiré de la
cuve, le reste est mélangé avec le caillé pour
obtenir un mélange homogène.
Vient alors la deuxième étape de la fabrication, celle du pressage, réalisée dans un atelier séparé. Le caillé extrait des cuves est mis
dans des moules cylindriques où il est pressé en plusieurs étapes et prend sa forme
définitive. Le fromage pressé obtenu est
ensuite extrait du moule et transféré en
saumure puis en salle d’affinage où il
séjourne de quinze jours à huit semaines.
L’atelier de pressage comporte une partie
“mécanisation”, assurant les opérations de
démoulage, de manutention et de nettoyage
des moules.
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nécessaires pour réaliser le basculement
complet (incluant le décâblage, le recâblage et la mise en service) de l’ancienne installation vers la nouvelle.
L’installation rénovée n’a pas eu de
mal à se faire accepter par
le personnel
Les
recettes de fabrication sont pilotées par le logiciel
batch installé sur le poste de supervision.La terminologie adoptée n’est pas sans rappeler celle de la norme S88.01.
de la fromagerie. Car elle leur apporte de
nouvelles fonctionnalités, tout en évitant
de bousculer leurs habitudes. Par exemple,
au niveau des cuves de coagulation, chaque
opération (brassage, mélange, extraction
du lactosérum, vidange, etc.) est automatisée, comme par le passé. Et c’est toujours
l’opérateur qui valide manuellement l’enchaînement de certaines séquences. Pour
cela, une balise lumineuse l’avertit qu’une
opération est achevée et qu’il peut passer à
la suivante. Pour suivre plus précisément
son process, il dispose désormais d’une
interface homme-machine locale qui lui
donne de nombreuses indications sur les
volumes, la durée et la vitesse de rotation
des outils de brassage, etc. Jusque là, il
devait s’appuyer sur les indications données par des indicateurs de tableau. Ces
indicateurs et les synoptiques “à l’ancienne”
Des Grafcet donnent une idée très précise du déroulement du
process et permettent de localiser un problème éventuel.
gravés sur des tableaux ont été
conservés de façon à ce qu’en cas
de panne de l’automate programmable, la conduite des opérations puisse
être reprise en mode manuel.
Au niveau de l’atelier de pressage, c’est
un peu la même chose. Chaque chaîne
dispose d’un automatisme qui lui est
propre. L’automate programmable assure le pilotage de l’ensemble. Ici aussi, une
interface homme-machine a été mise en
place pour donner des informations sur
le fonctionnement de l’atelier.
Au bout du compte, la principale avancée
se situe au niveau de la supervision. MLC
souhaitant une solution aussi homogène
que possible, Pierre Guerin a opté pour le logi-
Au service du goût et de la santé…
Le slogan de Pierre Guerin est tout
un programme : “Au service du goût
et de la santé”. On l’aura compris, la
société œuvre essentiellement dans
les industries agro-alimentaire, pharmaceutiques et biotechnologiques.
Elle est également présente en cosmétologie, mais là aussi, il est question de (bon) goût.
Les équipements fabriqués par Pierre Guerin (groupe Fives-Lille) sont
destinés aux liquides : ils sont très
divers, et comprennent notamment
des cuves, pompes, vannes, des systèmes d’agitation, de mélange et de
nettoyage en place (NEP). La société
propose des lignes automatisées
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ciel Monitor Pro sous Windows NT de
Schneider (qui est lui-même basé sur FactoryLink d’US Data,avec qui la société française a un accord de partenariat). Le logiciel
va au-delà d’une supervision classique et
assure des fonctions de MES (Manufacturing Execution System). Pour l’aide à la
maintenance, Pierre Guerin a développé un
diagramme Grafcet décrivant l’enchaînement des séquences de chaque poste
automatisé de l’usine. Ces Grafcet identifient clairement l’étape en cours et indiquent (par un repère couleur) la présence d’un problème éventuel. Par
le passé, pour arriver au
même résultat, il
fallait faire
appel
complètes. Sa division Arès (Automatisation, Réalisation, Services),
forte d’une quarantaine de personnes, est spécialisée dans les automatismes de process, aussi bien sur
les applications nouvelles que sur les
rénovations. Elle intègre les automates, logiciels de supervision et
bus de terrain de la plupart des
grands constructeurs.
Pierre Guerin emploie 460 personnes et a réalisé un chiffre d’affaires de 55 M€ l’an dernier.
Pierre Guerin
BP 12 - 79210 Mauze
Tél. : 05 49 26 30 58
Fax : 05 49 26 07 75
Les
synoptiques ont
été conçus avec des symboles graphiques explicites,des vues
peu chargées mais offrant la possibilité
d’accéder rapidement aux détails,avec un souci de
simplicité d’utilisation.
à la console automate, ce qui n’était pas à la
portée du premier technicien de maintenance venu. Du coup, lorsqu’il y avait un
problème, les techniciens allaient sur place
vérifier individuellement chaque entrée et
chaque sortie pour localiser le défaut.
« Désormais, grâce à la supervision, lorsqu’il y a une
panne due à une entrée ou une sortie,nous savons rapidement localiser physiquement l’entrée concernée »,
explique Philippe Marie, du service maintenance de MLC. Le technicien qui est sur
place peut alors identifier la cause du défaut,
s’il s’agit d’une pièce bloquée, d’une
connexion ou d’un capteur ou d’une vanne défectueux. Les responsables de MLC ont
souhaité que ces informations de diagnostic restent localisées au niveau du superviseur. Sur d’autres sites automatisés par Pierre Guerin,les informations de diagnostic sont
affichées en clair sur des terminaux opérateurs présents au pied des machines.
Une implémentation “light”
de la S88.01
Pierre Guerin,et plus précisément sa division
Arès spécialisée dans la conduite de procédés, a apporté un soin tout particulier à
l’ergonomie des pages d’écran. L’esthéMESURES 743 - MARS 2002
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tique a été soignée mais c’est surtout le
côté pratique qui a été recherché. Les opérateurs sont en effet des techniciens travaillant en atelier qui n’avaient pas de culture en supervision. C’est ainsi que les
icônes représentant les différents organes
du process adoptent un graphisme très réaliste. Les vues d’écran prennent différentes
formes : les synoptiques ont été adoptés
pour représenter le fonctionnement des
cuves alors que les tableaux ont été préférés pour représenter les machines de pressage (qui comportent beaucoup de capteurs et actionneurs). Un Grafcet est associé
à chaque poste et peut être visualisé à tout
instant pour indiquer l’état d’avancement
du cycle.
Par essence, une fromagerie fabrique des
lots, avec des variantes de l’un à l’autre.
Elle met en œuvre un process batch, et
qui dit process batch dit norme S88.01
(relayée par la norme EN 61512) ou
Astrid. « Le système d’automatisme qui pilote le
process de MLC a été développé dans l’esprit de la
S88.01, mais nous l’avons simplifié de façon à ce
qu’il colle bien aux besoins de la fromagerie, tout en
réduisant son coût »,explique M. Gautronneau.
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L’atelier de pressage est difficile à représenter sous forme de synoptiques graphiques.Pierre Guerin a opté pour une représentation
synthétique qui permet de voir en un coup d’œil l’état de l’atelier.
Par exemple, les ressources physiques de
l’installation (les cuves à fromage et les
équipements annexes) ne sont pas
allouées dynamiquement par le système,
car la conception de l’atelier permet
d’affecter ces ressources dans les recettes.
Il n’est pas non plus nécessaire de créer
les conditions des transitions entre les
phases. Autre différence par rapport à la
norme S88.01, les écrans de saisie pour
modifier les recettes ne se présentent pas
sous forme de Grafcet comme dans la
plupart des progiciels de type “batch
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manager”, car ce genre d’interface, plus
souple mais aussi plus complexe pour une
personne peu familiarisée aux automatismes, ne s’est pas révélé adapté à l’application de MLC.
Le logiciel permet de piloter la fabrication à partir de recettes entièrement
configurables, que le responsable de production peut créer et modifier luimême. Celui-ci dispose ainsi d’une grande souplesse et d’une grande autonomie
pour s’adapter aux évolutions de production.
Dans la conception de cette application
batch, il a fallu penser aux modes de
marches dégradées, car en industrie
fromagère, il est obligatoire de respecter scrupuleusement les cadences définies, faute de quoi c’est l’ensemble de
l’atelier qui se trouve désorganisé. Pour
cela, les phases servant à bâtir des
recettes peuvent être lancées unitairement par l’opérateur, pour pallier à
d’éventuels aléas de fabrication. C’est
en quelque sorte un mode semi-automatique.
Jean-François Peyrucat
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