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Numéro 1 du 15 septembre 2007 http://www.clionautes.org Deux extraits des Jalons pour l’histoire du temps présent (INA) En janvier 1944, le général de Gaulle entame à partir d’Alger un périple africain qui le conduit de Dakar au Tchad en passant par Brazzaville où, devant les gouverneurs de l’Empire, il évoque la politique que la France libre entend conduire vis à vis des populations africaines. Durée : 9 min 28 s production : Le Monde Libre. En 1957, le ministre socialiste Gaston Defferre, auteur d’une loi-cadre qui doit préparer les territoires de l’Union française à l’autonomie administrative, se rend au Cameroun pour installer la première l’assemblée législative élue par un collège unique. . Durée : 44 secondes Actualités Françaises Deux extraits d’actualités cinématographiques qui présentaient au public français la position du gouvernement sur l’avenir des territoires français d’Afrique. Il n’est pas sûr, au vu des images et à l’écoute des commentaires convenus, que les spectateurs d’alors aient perçu les enjeux et les sousentendus de la politique coloniale. Pourtant 1944 et 1956 sont deux dates qui ont marqué un tournant dans l’histoire de la présence française en Afrique. Le labo des Clionautes, n°1 du 15 septembre 2007 1 ANALYSE DU PREMIER EXTRAIT A l’issue du périple qui conduit le chef de la France libre dans les colonies d’AOF et d’AEF en janvier 1944, De Gaulle déclare qu’il retourne à Alger : « où flotte une bannière, dont nul ne doute plus qu’elle soit celle de la légitimité ». (1) Un des buts de ce voyage est bien d’asseoir l’autorité du CFLN sur l’Empire libéré alors que la métropole est encore sous le joug nazi. Quelques images furtives des ce film trahissent cette situation. D’abord le générique, qui est celui des actualités du « Monde Libre » alimentées par l’office français d’informations cinématographique. Ensuite, la présence à Dakar de la marine alliée. Enfin, La foule africaine qui acclame le cortège, et sur laquelle la caméra ne s’attarde pas, agite les drapeaux des puissances alliés. En revanche l’accueil enthousiaste de la population européenne est largement montré. De Gaulle ne peut s’empêcher de noter : « c’est là pourtant que, voici trois ans, l’accès du Sénégal m’était barré à coup de canon ! » (2). Le commentaire y fait discrètement allusion quand le général passe en revue la flotte française : « une seule marine pour une seule patrie ». A chaque étape, le même accueil des autorités, les mêmes défilés de troupes coloniales. Au fur et à mesure que la caméra s’acclimate à l’Afrique elle retrouve ses habitudes coloniales : gros plans en contre plongée sur les tirailleurs, regards ethnologiques sur les fiers guerriers, manifestations de foules africaines loyales. La France est chez elle en Afrique. Dans cette France de substitution que visite le général, à Zinder au Niger qui marquait la limite de l’Afrique ralliée à De Gaulle, le commentaire invente une ligne de démarcation : « il y avait là, par la volonté de Vichy, une frontière entre deux France … » Le deuxième objectif de ce voyage est bien sûr la conférence de Brazzaville où l’on aperçoit Félix Eboué. Devant un aréopage d’administrateurs coloniaux en grande tenue, que le commentaire qualifie collectivement de : « serviteurs de la civilisation française », De Gaulle prononce le discours d’ouverture de la conférence. Le commentaire résume de façon très vague les propos tenus. La France a tiré la leçon du drame et décidé de choisir pour ceux qui dépendent d’elle des chemins nouveaux et pratiques vers un nouveau destin. Il faut avoir l’oreille très fine et un solide sens de l’analyse pour comprendre les enjeux. Il est vrai que les travaux de la conférence présidée par le haut commissaire René Pleven apporteront les précisions nécessaires et ouvriront à la voie à l’Union française. (1) Mémoires de guerre, L’unité, 1942-1944, page 227, Plon 1956. (2) idem, page 226 (3) texte complet du discours de Brazzaville, idem, pages 477-480 ANALYSE DU DEUXIEME EXTRAIT Gaston Defferre, ministre de l’Outre mer dans le gouvernement de front républicain de Guy Mollet, a fait adopter par le parlement une loi-cadre sur les territoires coloniaux de l’Union française en juin 1956. Une loi-cadre permet de fixer les principes généraux, l’application se fait ensuite au cas par cas par décret. Cet artifice législatif permet de contourner la pression des lobbies coloniaux qui peuvent bloquer les réformes au parlement. La situation est tendue. Le Maroc vient d’obtenir son indépendance en mars après une période troublée. La question algérienne reste brûlante, et les manifestations des soldats rappelés trouble la métropole. Les autres colonies d’Afrique ne sont pas aussi calmes qu’il y paraît. Il faut agir vite. Pour qui observe attentivement les images, derrière le ministre, dès la décente de l’avion se profile l’ombre blanche et discrète de Pierre Messmer en uniforme de gouverneur. Sa présence s’explique pour une triple raison : ancien de l’école d’outre-mer, officier de la légion c’est un bon connaisseur de l’administration coloniale ; il est en outre directeur de cabinet de Gaston Defferre et a pris une part active à la rédaction de la loi-cadre, enfin il vient remplacer l’ancien Haut-commissaire Roland Pré, qui a réprimé avec fermeté en mai 1955 les manifestations nationalistes de l’UPC. Le commentaire parle d’indépendance, c’est bien sûr inexact. Le ministre vient installer l’Assemblée législative élue pour la première fois par un collège unique et qui remplace la vieille assemblée territoriale. Les images s’attardent sur l’exécutif présidé par André-Marie M’Bida. Cette première expérience d’autonomie administrative a été favorisée par la situation du Cameroun, ancienne colonie allemande, ancien mandat de la SDN, sur laquelle l’ONU exerce une tutelle et pousse à la décolonisation. Le labo des Clionautes, n°1 du 15 septembre 2007 2 Les deux vidéos des Jalons peuvent être utilisés ensemble ou séparément, elles peuvent être visionnées en totalité ou par extraits. Il n’y a pas d’usage canonique, c’est au professeur, en fonction du temps dont il dispose et des objectifs qu’il fixe, de choisir l’utilisation qui lui convient le mieux. Ce qui suit ne sont que des suggestions d’utilisation. Correspondance avec les programmes du lycée : Terminales L, ES, la décolonisation. Terminale S : Colonisation et décolonisation. Première activité : Quelques arrêts sur image pour donner du sens au périple africain du chef de la France libre et poser le contexte. Contenu des images Interprétation possible Le générique des actualités « Le monde libre » La superposition rapide d’images des divers fronts où combattent les alliés, les drapeaux qui évoquent les « Nations unies ». La présence marquée des alliés à Dakar qui fut longtemps vichyssoise montre que l’autorité gaulliste dans la région est encore récente. Foule africaine de Dakar agitant les drapeaux alliés. De Gaulle à Dakar, passe en revue les troupes américaines, anglaises et coloniales Deuxième activité : En visionnant l’ensemble ou quelques extraits du film de 1944, proposer aux élèves un fil conducteur : comment sont représentés les Africains ? (Façon de filmer, apparence, rôle, fonctions). Comment sont représentés les Français ? (Foule, officiels, conférence de Brazzaville, tenues uniformes) Que nous apprennent ces actualités sur la situation de l’Afrique française en 1944 ? Troisième activité : Etude croisée des images de la conférence de Brazzaville et des textes produits à cette occasion pour montrer le passage de l’Empire colonial à l’Union française. 1 - On expliquera la symbolique du lieu et les plans sur Félix Eboué et le général de Larminat qui sont montrés mais non cités. Description de la bonne société coloniale venue en famille assister à la l’ouverture de la conférence. (Contextualisation en image) 2 - Etude d’extraits du discours d’ouverture du général de Gaulle qui fixe les grandes orientations. (par exemple) « En Afrique française, comme dans tous les autres territoires où des hommes vivent sous notre drapeau, il n’y aurait aucun progrès, si les hommes sur leur terre natale, n’en profitaient pas moralement et matériellement… » 3 – Etude d’extraits des recommandations de la conférence : (par exemple) « Les fins de l'œuvre de civilisation accomplie par la France dans les colonies écartent toute idée d'autonomie, toute possibilité d'évolution hors du bloc français de l'Empire ; la constitution éventuelle, même lointaine, de self-governments dans les colonies est à écarter. » Quatrième activité : L’année 1956, un tournant dans la politique coloniale française, la loi-cadre 1 – Le Cameroun indépendance ou autonomie ? L’image montre le ministre Defferre félicitant M’Bida, président de l’assemblée législative camerounaise. Derrière le futur gouverneur du territoire Pierre Messmer. Contrairement à ce que dit que commentaire le Cameroun n’est pas indépendant. Le pays bénéficie seulement de l’autonomie administrative, sous contrôle de la France. Le Togo connaîtra la même évolution. Cette autonomie sera ensuite étendue à l’Afrique de l’ouest. Ces mesures préparent l’indépendance qui intervient en 1960 pour la plupart des territoires. 2 – Mise en place du contexte de 1956-1957 - intensification de la guerre en Algérie avec implication de la métropole, bataille d’Alger - indépendance du Maroc après celle de la Tunisie - Crise de Suez - C’est dans ce contexte qu’est adopté la loi-cadre Defferre et qu’elle est appliquée Le labo des Clionautes, n°1 du 15 septembre 2007 3 Sur le web Cliotextes : Le discours de Brazzaville et autres textes sur la décolonisation et France en Afrique Culture.fr : Georgette Elgey, Gaston Defferre fait adopter la loi-cadre sur l'évolution des territoires d'outre-mer Le Cameroun français, 1916-1960 : article sur le site de l’ambassade de France au Cameroun. Cameroun link : article sur Um Nyobe, leader nationaliste fondateur de l’UPC Les Nations Unies et la décolonisation : recueil de documents, résolutions, carte du monde en 1945. Le monde Diplomatique : en 1960 Georges Chaffard dresse un bilan de la loi-cadre Defferre A Lire Charles De Gaulle, Mémoires de Guerre, tome 2, L’unité 1942-1944, Plon, Paris 1956 Mongo Beti, Main basse sur le Cameroun, Éditions des peuples noirs, 1984. Charles-Robert Ageron, Marc Michel, François Bédarida, L’Afrique française : l’heure des indépendances, CNRS, 1992. André Nouschi, Les armes retournées : colonisation et décolonisation françaises Belin, 2005 Yves Benot, Massacres coloniaux 1944-1950, la mise au pas des colonies françaises, La découverte 1994. Claude Liauzu,(dir) Colonisation droit d’inventaire, Armand Colin, 2004 A découvrir Nos collègues qui enseignent dans les lycées et collège en Nouvelle Calédonie ont un programme spécifique qui prend en compte l’histoire du territoire. C’est dans ce cadre que l’académie de Nouvelle Calédonie propose un travail, pour des terminales BEP, sur « Les années 1956-1958 et la loi-cadre Defferre » Dossier pdf. Le dossier organise la réflexion autour de deux problématiques : Pourquoi la loi cadre Defferre est elle considérée comme une avancée vers la décolonisation ? Un ancrage dans la république ou un pas vers l’autonomie ? Cet éclairage néo-calédonien (voir la leçon) est une bonne occasion d’élargir notre horizon métropolitain Au sommaire du prochain numéro L’auteur Claude Robinot, enseigne au lycée Geoffroy Saint-Hilaire à Etampes et à l’Iufm de l’académie de Versailles. [email protected] Le labo des Clionautes, n°1 du 15 septembre 2007 Approche du traumatisme nucléaire par le cinéma par Lionel Lacour 4