La transformation de l`autoroute Sheridan à New York
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La transformation de l`autoroute Sheridan à New York
Territoires, incubateurs de santé ? Les Cahiers de l’IAU îdF n° 170-171 - septembre 2014 Paul Lecroart IAU île-de-France En Amérique du Nord, l’incidence sur la santé des politiques de transport, d’urbanisme et d’environnement commence à être reconnue. Sous la pression des citoyens, les autorités publiques prennent aussi conscience que les autoroutes urbaines héritées du XXe siècle posent de lourds problèmes d’intégration urbaine et environnementale dans la ville d’aujourd’hui. Zoom sur une opération bottom up. Construire des territoires en santé Des réponses par l’aménagement urbain La transformation de l’autoroute Sheridan à New York La Sheridan Expressway traverse violemment le South Bronx, une partie très déshéritée de l’arrondissement le plus défavorisé de New York (1,4 million d’habitants) avec des revenus inférieurs d’un tiers à la moyenne de la ville. Un tiers de la population est Noire et près de la moitié est d’origine latine. Les quelque 180 000 habitants qui résident près de la Sheridan vivent dans un environnement marqué par la présence d’autoroutes, d’industries et de grands services urbains (centrales thermiques, station d’épuration, incinérateur d’ordures). Le contexte social et environnemental L’autoroute fonctionne mal et l’absence d’accès direct au « Rungis Newyorkais », le Hunts Point Food Distribution Center, entraîne un fort trafic de camions sur la voirie locale. Ceci engendre des niveaux élevés d’insécurité routière, de bruit et de pollution de l’air. Les habitants du South Bronx sont particulièrement affectés par les maladies respiratoires et cardio-vasculaires et par l’obésité. L’autoroute forme, aussi, un obstacle infranchissable à l’accès à la rivière du Bronx et aux parcs aménagés sur ses rives. Les liaisons piétonnes interquartiers sont difficiles. Le concept de projet En 1997, l’État de New York (maître d’ouvrage) projette de reconstruire un échangeur sensé résoudre les difficultés de circulation. Ce projet est contesté par un large collectif d’associations qui propose une « Vision for the South Bronx », un contre-projet argumenté, mais radical : la suppression de l’autoroute et l’utilisation de ses emprises pour répondre aux besoins de logements. Cette hypothèse finit par être intégrée comme l’un des scénarios examinés dans le cadre de la procédure d’étude d’impact. Mais aucune décision n’est prise. En 2010, pour débloquer la situation, la Ville de New York décide de s’impliquer activement dans le projet. Elle engage une démarche de participation qui s’appuie sur des ateliers (Workshop Charrettes), et un comité de concertation ouvert aux élus, aux associations, aux milieux économiques et aux transporteurs. 146 Trois scénarios d’aménagement de l’infrastructure et de son environnement sont étudiés et évalués sur la base d’un cahier des charges défini en commun : - « Retain », autoroute améliorée ; - « Modify » ; autoroute transformée en boulevard urbain ; - « Remove », l’autoroute supprimée. À l’issue des études et d’un débat contradictoire entre les parties prenantes, Michael Bloomberg – alors maire de New York – opte en décembre 2013 pour le scénario Modify, la transformation partielle de l’autoroute en un boulevard planté. Cette solution doit permettre de réduire le trafic, le bruit et les émissions de particules, de recoudre le quartier et de redonner accès à la rivière, tout en améliorant la sécurité des piétons et la circulation des poids lourds, essentiels à l’économie locale. La réalisation d’un boulevard urbain réglé par des carrefours à feux libère un foncier délaissé qui peut accueillir des logements, des espaces publics et des commerces alimentaires de proximité ; au pays du fast food et des shopping malls, leur présence est considérée comme un facteur de lutte contre l’obésité. Quel impact global aura le projet sur la santé des populations ? La question reste posée. Mais ce projet soutenu par les habitants, les entreprises et le nouveau maire de New York (Bill de Blasio) ouvre des perspectives nouvelles pour repenser les périphéries des métropoles pénalisées par la coupure des infrastructures et les nuisances du trafic routier(1). (1) Voir Lecroart Paul, New York, Sheridan Expressway, IAU îdF (à paraître en 2014). Cette étude est la sixième d’une série sur la transformation d’autoroutes en avenues urbaines, « La ville après l’autoroute. Études de cas »(www.iau-idf.fr/debats-enjeux/avenues-metropolitaines).