File - Citoyens des Quartiers Populaires de Perpignan
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File - Citoyens des Quartiers Populaires de Perpignan
1 Soirée « en marche pour l’égalité » Débat du samedi 22 Juin 2013 Espace des cultures populaires à Perpignan www.irass.org Retranscription des éléments clés du débat par : Martine Arino Docteure en Sociologie, Sémiotique et Communication Consultante à l’IRASS Institut de recherche action en Sociologie, Sémiotique et Communication 2 Citoyens des Quartiers Populaires de Perpignan L’association Citoyens des Quartiers populaires de Perpignan a été créée le 29 Mai 2009. Les membres fondateurs de l’association ont appartenu au collectif d’habitants créé par l’Etat et la Ville suite aux violences urbaines de mai 2005. Ce collectif regroupait des perpignanais de toutes origines engagés dans la vie de leur quartier à titre professionnel ou bénévole. La création de l’association répond au souhait de mobiliser plus largement et sans attache institutionnelle ou partisane les habitants des quartiers populaires de Perpignan. L’association constate que le principe d’égalité (de droit, de traitement) inscrit dans les valeurs de la République est souvent mis à mal au quotidien pour les habitants des quartiers populaires bien souvent victimes de discriminations. Elle souhaite agir pour faire respecter ce principe d’égalité comme l’indique son objet qui est de promouvoir : « - La parole et les points de vue des habitants des quartiers populaires de Perpignan - L’égalité de droits et de traitements dans tous les domaines de la vie sociale, la lutte contre les préjugés et représentations réciproques ainsi que toutes formes de discrimination ». Depuis sa création, l’association a développé son action dans des actions de mobilisation citoyenne des habitants des quartiers populaires de Perpignan et de lutte contre les discriminations. Des soirées débat qui rassemblent à chaque fois de cent à plusieurs centaines de personnes constituent des temps forts réguliers : « Paroles de quartiers » en décembre 2009, « Générations d’immigrés, jusqu’à quand ? » en Octobre 2011, « le vote est l’arme de tous les citoyens » en Mars 2012 et la présente soirée « En marche pour l’égalité » en Juin 2013. Citoyens des Quartiers populaires de Perpignan a développé au fil du temps une collaboration confiante et respectueuse avec des associations qui œuvrent au quotidien dans les quartiers. Sans ces associations, dont certaines ont témoigné lors de la soirée du 22 Juin, les mobilisations importantes des habitants et la réalisation même des soirées n’auraient pas été possibles. Qu’elles en soient remerciées ici. Pour la soirée du 22 Juin, Citoyens des quartiers populaires a proposé à Martine Arino une collaboration pour la mise en mémoire des débats. Le présent document est le résultat concret de cette proposition. L’association remercie très amicalement Martine pour ce remarquable travail. Les attentes des habitants des quartiers en termes de dignité, de reconnaissance et d’égalité de traitement s’expriment de façon de plus en plus claire et forte à Perpignan. Citoyens des quartiers populaires continuera résolument dans l’avenir à accompagner cette dynamique. 3 Compte rendu synthétique du débat du 22 juin 2013 Cette conférence – débat s’inscrivait dans les journées « En avant pour l’égalité » qui ont eu lieu les 21 et 22 Juin 2013 à l’initiative de la préfecture des PO et de la Ville de Perpignan. Dans ce cadre, l’association Citoyens des Quartiers Populaires, secondée par plusieurs autres associations, a mobilisé les habitants des quartiers populaires de Perpignan autour d’une conférence- débat et d’une soirée amicale. Près de deux cents personnes assistaient à la partie conférence –débat ; femmes et hommes de tous les quartiers de la ville et de tous les âges. Les associations étaient également au rendez-vous des plus anciennement fondées au plus récentes. Discours introductif d’accueil de cette rencontre par Nadia Baklouch, Chargée de la communication, de l’association citoyens des quartiers populaires de Perpignan1, qui souligne le souci constant de l’association d’agir en partenariat avec les différents acteurs (institutionnels, associations locales) qui développent des actions de lutte contre les discriminations et de promotion de l'égalité. Puis, la nouvelle Présidente de l’association Nadia Zouala énonce le déroulement : Projection de 2 courts métrages et 1 documentaire, Débat animé par Gilles Thellier, délégué du défenseur des droits En deuxième partie de ce temps de débat, intervention de Jean Paul Carrère pour la présentation de quelques associations des différents quartiers de la ville qu’il a interviewées dans le cadre d’une étude parue en Janvier 2013 et intitulée : « Nouvelles coopérations associatives dans les quartiers populaires de Perpignan »2. Cette étude questionne le positionnement des associations « classiques : éducation populaire,… » face à de nouvelles pratiques associatives, pour tenter d’identifier des espaces coopératifs possibles permettant une mutualisation des compétences au service des besoins et attentes des habitants. Intervention de Gilles Thellier pour un rapide retour sur les projections. « Les deux premières projections sont des clins d’œil extraordinaires sur le travail de l’association citoyens des quartiers populaires de Perpignan. Puisque celle-ci promeut depuis des années la citoyenneté dans les quartiers populaires, pour les personnes qui sont éloignées de cette possibilité là et notamment à travers le vote. Le message du 1er court métrage c’est : il faut aller voter. Allez-vous inscrire sur les listes électorales avant la fin de l’année 2013. Ensuite, vous voterez parce que c’est un devoir national de citoyen. Après la liberté du vote reste votre choix et sera en fonction de votre conscience. 11 2 http://www.cdqpp.fr/lassos.html Etude disponible sur le site www.crajep-lr.fr à la rubrique : jeunes des territoires ruraux et des quartiers populaires. 4 Le deuxième court métrage : Christiane et Monique (LIP V), un film de Carole Roussopoulos, était aussi un message intéressant, ça rappelle le combat autogestionnaire des ouvriers de LIP3dans les années 70 fortes au niveau du mouvement social. Les hommes blancs et les femmes arabes étaient un numéro extraordinaire. » Christiane met en évidence que le sexisme fonctionne comme le racisme, Monique propose de remplacer dans son récit « homme » par « Blanc » et « femme » par « Arabe ». « Les grands chefs blancs qui réfléchissent, parlent et mènent la lutte, tandis que les Arabes n’ont qu’à suivre en se rendant utiles par de petits travaux ». Le 3èmedocument projeté est extrait du film douce France et nous ramène 30 ans en arrière puisque nous fêtons cette année le 30ème anniversaire de la marche des beurs. Nous avons le privilège, la chance d’avoir Madame Samia Messaoudi, journaliste écrivaine qui va nous porter le témoignage de cette marche des beurs à laquelle elle a participé. Elle en témoigne aussi dans ses ouvrages. Documentaire : Douce France, la saga du mouvement "beur" (1993) « Le mouvement de l’immigration et des quartiers populaires, cités et banlieues, a une histoire. Des rodéos des Minguettes à la Marche pour l’Egalité et contre le racisme de 1983, de Rock against Police à la lutte contre la double peine, des affrontements raciaux dans l’usine Talbot-Poissy en grève aux retrouvailles communautaires autour des valeurs de justice sociale de l’Islam, en passant par le mouvement étudiant de 1986, la mobilisation contre les lois Pasqua et la réforme du code de la nationalité, les révoltes de Vaulx-en-Velin et de Mantes-la-Jolie contre les violences policières avec mort d’hommes (Malik Oussekine, Abdel Benyahia, Thomas Claudio, Aïssa Ihiche, Youssef Khaïf et tant d’autres). Sans oublier le massacre du 17 octobre 1961 à Paris... Ce film, basé sur les images d’archives de l’agence IM’média, retrace l’histoire de luttes dans les quartiers populaires. » http://www.histoireimmigration.fr/2011/9/douce-france-la-saga-du-mouvement-beur 3 Rappel historique : « C’est en 1973 que commence l’aventure autogérée des LIP. Entreprise familiale qui emploie un millier d’ouvriers, celle-ci se trouve en difficultés et le dépôt de bilan est prévu en juin 1973. Les ouvriers refusent les licenciements prévus (près de 500) par le repreneur, occupent l’usine, reprennent la production et organisent la lutte. Le stock de montres est mis à l’abri pour ne pas être saisi par les forces de l’ordre et la vente s’organise par de multiples réseaux. Le conflit est popularisé et la France entière a le regard tourné vers les LIP. Des manifestations monstres ont lieu (Besançon, Dôle, Paris…) et de la France entière on vient soutenir les LIP et acheter des montres… Usine menée en autogestion au lendemain de Mai 68, les LIP ont fait rêver nombre de Français et montré que les ouvriers pouvaient s’organiser et tenir. LIP va révéler bien des ingrédients communs à d’autres combats, tels le Larzac, pour vivre autrement et travailler au pays : la solidarité nécessaire, la simplicité évidente, la sobriété... » http://www.appelconsciences.info/spip.php?breve13 5 Témoignages : de la marche pour l’égalité aux révoltes sociales de 2005: Témoignages introduits par Gilles Thellier Samia Messaoudi, ex-marcheuse, journaliste et écrivaine- Radio beur / Beur FM « Elle a écrit en collaboration un ouvrage qui s’intitule 17 octobre 1961, 17 écrivains se souviennent4, mais également Vivons ensemble avec pour sous-titre : pour répondre aux questions des enfants sur l’immigration5. Mohammed Mechmache : Je vais demander aussi à Mohamed Mechmache de venir nous rejoindre. Il est aussi un témoin du combat des citoyens pour faire valoir l’égalité des droits. Dans les slogans qui étaient proférés dans le film, on entendait : égalité des droits ! Égalité des droits ! Égalité des droits ! Ces problèmes-là sont toujours d’actualité, au début du 21ème siècle. Mohamed nous fera part de cette expérience qu’il conduit depuis plusieurs années, notamment dans le cadre du collectif AC Lefeu. » Samia Messaoudi relate son expérience de la « marche des beurs ». « Bonsoir à tous, merci à l’association qui a organisé la commémoration de la marche pour l’égalité et contre le racisme. Je me permets de reprendre ce qui a été dit en introduction : La marche des beurs s’appelait en réalité la marche pour l’égalité et contre le racisme. C’est important de le signaler car l’égalité est le mot fort et le mot clef de cette journée. Je dis « je », au sens où je vais vous dire quelques mots de ma vie. Ces mots sont à la fois singuliers et parlent aussi ceux qui sont dans cette salle de ma génération. Je suis fille d’algérien, née dans la région Parisienne. Fille d’un ouvrier de l’automobile : Qui a tout donné de sa vie d’ouvrier et tenté d’inculquer à ses enfants un souci d’égalité et appartenir à cette France, là où je suis née. Il disait peut-être après vos études on va repartir en Algérie. Puis, le temps, les décennies ont fait que ces enfants et beaucoup d’enfants de l’immigration sont restés dans l’hexagone. Nous avons construit notre histoire dans cette France. Et je quitte le je c’est important de le signifier. Je grandis dans ce pays et je me bats pour l’égalité, parce qu’un ouvrier de l’automobile qui a un prénom à consonance arabe n’a pas la même qu’un ouvrier qui s’appelle Roland. C’était aussi ce que nous disait notre père. Ce souci de l’égalité a été porté dans mon histoire personnelle, tout au long de ma vie. Pour vivre ensemble, il est important de rappeler que des hommes et des femmes ont dû quitter un pays d’où ils venaient. Ils avaient à apprendre à travailler dans ce pays mais aussi à vivre ensemble en France dans un souci d’égalité. Je me forge une dynamique militante, engagée, en plus femme. Ça m’a bien parlé ce discours de la féministe de Lip (2ème court métrage) Je m’engage aussi sur le terrain féministe, de l’égalité des droits des femmes. Je me retrouve dans les années 81 avec cet espoir porté par le changement de gouvernement. C’est la vie des associations et des radios libres qui vont pouvoir exister à part entière. Je crée avec un groupe de personnes une radio qui va être 4 5 Editions au Nom de la Mémoire. Editions Albin Michel Jeunesse 2012. 6 « Radio Beur » à l’époque. Radio beur est née en 81. Cette vie associative porte l’expression de l’immigration. Le verlan du mot arabe donnera le mot beur qui donnera à son tour rebeu. Deux bonnes raisons de continuer le combat : -fille d’immigrée et -de nos parents qui se battent pour la libération de l’Algérie même sur le territoire français car ils sont organisés. Ils vont être aux premières loges quand il va y avoir le couvre-feu instauré par le Préfet Papon de l’époque pour lutter contre l’organisation de manifestations. Nombre d’Algériens et de Français vont protester contre ce couvre-feu. La marche qui va commencer en octobre va aussi commencer à Paris sur les quais de Seine à la mémoire des Algériens qui ont été tués car ils manifestaient contre le couvre-feu. Le couvre-feu était raciste puisque la préfecture décidait au faciès que l’homme ne devait plus sortir après 17h jusqu’au lendemain matin. Donc on est dans les années 81, on a une dynamique associative très importante de l’immigration et on est dans une période assez difficile comme énoncé dans le film ; violence policière. Il y a aussi cette violence raciste, ces contrôles aux faciès, ce rapport entre les jeunes des quartiers et la police qui est dans une situation alarmante. Il faut s’y opposer et résister à ça. L’année 83 va être le point culminant de ces violences puisque l’on va dénombrer un certain nombre de bavures policières, des jeunes qui ont été tués. Puis, il arrive mars 83 campagne municipale, campagne de l’extrême droite à l’époque l’argument était : « 4 millions d’immigrés dehors, ça donne 4 millions d’emplois ». Comme si ça allait solutionner le problème du chômage. Là aussi cette violence raciste se développe auprès de ce parti d’extrême droite. Et là il faut réagir et dénoncer. On commence à s’organiser à Paris dans des associations, à la radio, radio beur. Moi je suis journaliste déjà et on commence à faire des émissions à inviter les auditeurs pour témoigner de ce qu’ils vivent dans les quartiers. Caisse de résonnance de tout le tissu social au niveau de la radio. 08/83 : deux personnes viennent nous voir à la radio, qui sont : le prêtre des Minguettes, Christian Delorme et Toumi Djaidja. Il s’agit des deux personnes que l’on voit dans le film qui sont à l’initiative de la marche. Cette volonté de traverser la France pour dire non au racisme. Ils viennent nous voir à la radio car ils savent que ça va être un lieu privilégié de tissage de réseau dans la région parisienne et pour accueillir la marche. La radio que je représente à l’époque. Il va se créer à Paris un collectif pour accueillir la marche pour l’égalité et contre le racisme. Donc on est une trentaine de personnes et d’associations. On se réunit dans un quartier très populaire à Paris du 20ème arrondissement. C’est là que vont se tenir toutes les réunions pendant plus de deux mois et deux fois par semaine pour organiser l’accueil. Qui va organiser ? Dans quelle banlieue ? La marche est arrivée à Paris le 3 décembre. Moi je décide d’aller marcher pour voir ce qui se passe sur le terrain. A l’époque on faisait les choses par téléphone, on donnait rendez vous aux marcheurs pour qu’ils témoignent de leur accueil. Moi je suis allée marcher pendant 8 jours avec les marcheurs, à partir de Valence. Une équipe de jeunes hommes et de jeunes femmes, très intéressante du point de social, très diversité. Au départ Christian et Toumi mais après, il y avait une dynamique très collective. Je les ai rejoints une semaine après mais je faisais partie 7 de la famille. C’était difficile pour moi de quitter la marche car on vit des choses très fortes. On rencontre des gens qui viennent partager des histoires, des histoires très particulières qui sont celles de ce que vivent les gens dans les quartiers. J’ai hâte d’entendre comment vous vivez ces questions de discriminations, d’égalité.. À Perpignan. La marche a été porteuse de revendication dans toutes les régions, du combat de l’égalité. Que reste-t-il de la marche aux jours d’aujourd’hui ? C’est-à-dire 30 ans après. Il a des réelles revendications qu’il faut encore porter. Je crois que c’est ça qui m’anime encore dans cet engagement. On marche encore. En 81, c’était l’égalité du droit de vote pour les citoyens immigrés. Promesse en 2012 non tenue depuis 30 ans ce combat est encore à mener, il y a des injustices qui restent encore. Il y a eu certes des avancées, on pourrait les rappeler. Le politique n’entend pas les revendications qui sont portées. Les jeunes issus de l’immigration, la diversité tous ces termes qui sont employés. Les jeunes ne demandent pas d’ailleurs d’être appelés ainsi. Quand on fractionne des jeunes dans un pays on sait aussi ce que cela veut dire. Nouveau collectif pour la commémoration du 30 ième anniversaire de la marche, on se retrouve toujours dans le même local du centre social, du 20 ième et on évoque ce qui fait qu’il y a toujours des manques en matière d’égalité. Si on est ici à Perpignan, c’est bien parce que l’on doit se battre ensemble pour gagner l’égalité ! je vous remercie. » Gilles Thellier : « Je vais donner maintenant la parole à Mohammed Mechmache : Le feu qui est né en 1983, il l’a retrouvé dans son quotidien en 2005. Mohammed. Mechmache s’est aussi mobilisé pour porter la parole des habitants. Vous allez nous raconter ça ». Mohamed Mechmache « Bonsoir ! On tient à remercier l’association des citoyens des quartiers populaires de Perpignan de nous avoir accueillis. Cà n’est pas la première fois. Lors de notre 1er tour de France en 2006, on a tissé des liens avec cette association. Ce 1er tour de France, ça a été 120 villes et plus de 20 000 doléances. Le film ne nous appartient pas il a été produit par IM’média qui nous l’a mis à disposition cette année pour illustrer notre initiative. Il pourrait s’intituler aujourd’hui, « ceux qui marchent encore 30 ans après », les revendications de 1983, restent d’actualité en 2013. Elles ne sont toujours pas réglées malheureusement malgré les promesses. Il y a encore ces violences policières et nombres de gamins encore morts et des procès qui n’ont pas abouti. A ce sujet, j’ai une pensée pour Zyed Benna, et Bouna Traoré 6 qui sont morts poursuivis par des policiers en 2005 à Clichy-sous-Bois qui a été le déclencheur des révoltes sociales en 2005. Je dis révoltes et pas émeutes comme une catégorie d’hommes et de femmes avait voulu les nommer. Ils avaient préféré parler de démission des parents, de la polygamie, du rap comme s’ils étaient responsables de ce qui c’était passé en 2005. Nous 6 Le 27 octobre 2005, Zyed Benna, 17 ans, et Bouna Traoré, 15 ans, étaient morts, électrocutés dans un transformateur EDF alors qu’ils essayaient d’échapper à un contrôle de police. Un troisième adolescent, également réfugié dans le transformateur, avait été grièvement blessé. L’évènement avait mis le feu à Clichy-sous-Bois et marqué le début de trois semaines de révoltes dans les banlieues françaises. 8 avons simplement décidé de lui donner un autre sens avec notre collectif. Le collectif ACELEFEU veut dire liberté, Egalité, Fraternité, Ensemble Unis, les valeurs de la République. On est acteur et auteur. Lors du premier tour (des présidentielles de 2012), on a été force de propositions ; 120 en tout. ACLEFEU a 8 ans d’existence, il continue à se battre tout simplement pour ramener le droit commun. Dans les quartiers populaires, le droit commun a dû mal à arriver. Lors de la dernière campagne Présidentielle, les quartiers étaient exclus du discours politique. Nous nous sommes dit que ça n’était pas possible. Alors nous avons l’idée d’occuper pendant 3 jours, un bâtiment sur Paris que l’on avait appelé le « Ministère de la crise des banlieues ». Le message aux hommes politiques était le suivant : puisque vous avez du mal à aller à la banlieue, elle viendra à vous. Depuis, on a remis la question des quartiers populaires dans le champ politique. Le collectif ça n’est pas que des actions, c’est aussi réfléchir autour de la mémoire, de sa restitution, et de sa transmission mais encore dans le champ de la citoyenneté, redonner la parole à ceux qui ne l’ont pas. Pas des porte paroles mais des porte voix. Notre association a aussi pour projet de travailler avec les associations des quartiers populaires pour faire valoir leurs droits et leurs devoirs. Pour dire simplement ou on décide de subir ou de changer les choses par le droit de vote. Il faut réveiller les consciences, on sait qu’il y a des choses qui n’avancent pas. Qu’est-ce que l’on fait nous, pour que les choses avancent ? Le collectif AC LEFEU a décidé alors de se présenter aux élections en 2008 (municipales Noisy le Sec). Il a été la 2ème force de la ville. Aujourd’hui, un mouvement politique au sens noble du politique. Rien n’est impossible. Cette année c’est la caravane pour la mémoire et les luttes dans les quartiers. Il faut savoir que les choses ont évolué. Il faut rendre hommage aux anciens qui se sont battus. Je pense au MIB, Mouvement de l'Immigration et des Banlieues. Ils se sont battus contre la double peine des étrangers condamnés pénalement : la prison et la reconduite au pays. Il n’y avait pas de raison qu’ils soient punis une seconde fois, en étant expulsés. S’ils ne l’avaient pas fait vous ne seriez pas nés sur le territoire français. Il est important de le rappeler et de parler de mémoire et de transmission. 2013, c’est une année particulière, nombre de militants revendiquent la même chose qu’il y a 30 ans : de pouvoir : d’avoir les mêmes droits que les autres. On n’en veut pas plus mais on en veut surtout pas moins. Il y a une mémoire, il y a eu des luttes dans ces quartiers qui n’ont pas été retransmises dans les livres. Il y a une partie de notre jeunesse qui ne sait pas que s’il y a eu des améliorations c’est grâce à nos parents et nos grands-parents. Je leur rends hommage. Que l’on appelle aujourd’hui : Chibanis. Je tiens à les remercier et je pense que l’on arrivera jamais à la hauteur de ce qu’ils ont fait. » Gilles Thellier : « Troisième témoignage après la dimension nationale, je vais appeler Jean Paul Carrère avec les associations avec lesquelles, il a travaillé au sujet d’une étude sur la coopération associatives. Jean Paul Carrère a l’expérience des politiques conduites localement dans les quartiers depuis 40 ans. Maintenant, nous allons laisser les perpignanais débattre. Merci » 9 La dynamique associative perpignanaise dans les quartiers Jean Paul Carrère : « L’objectif de mon intervention c’est de mettre en lumière les dynamiques collectives sur Perpignan (que beaucoup d’entre vous connaissent d’ailleurs) et qui sont représentées par de nombreuses personnes dans cette salle. J’ai travaillé dans ces quartiers depuis 40 ans en commençant par le Bas Vernet en 1972. Les associations qui intervenaient dans ces quartiers et qui sont, entre autres, les grandes associations d’éducation populaire ont souhaité mieux connaitre les dynamiques collectives qu’elles voyaient émerger ces dernières années. Pour cela on m’a demandé de faire une étude. J’ai donc été rencontrer les nouvelles associations présentes dans les quartiers populaires de Perpignan. Je ne détaillerai pas cette étude qui est disponible sur le site du crajep-lr (voir précédemment en bas de la page 2) et sur le site de la ligue de l’enseignement 66. Donc, j’ai rencontré 17 associations sur les 20 que j’avais repérées et qui comme par hasard se sont créées après les violences de mai 2005. Je rejoints Mohamed sur le point de la mobilisation des habitants suite aux épisodes de « révoltes sociales ». Ce qui fait qu’il y a un certain nombre d’individus, de groupes qui se sont dit après 2005, il serait temps que l’on s’organise collectivement. Je prendrai le temps de citer ces 17 associations même si elles ne sont pas toutes autour de la table. J’ai rencontré : Haut Vernet : Cambiem, Mosaïque du Vernet, Moyen Vernet : La Renaissance, Vernet au féminin, Bouge ton quartier Bas Vernet : Les Jardins du Bas Vernet, les mamans de l’Enfance, ASCBV, Turkuaz, Solidarité Féminine, La Roseraie Services Champ de Mars : Solidarité Jeunesse Roussillon Mailloles : AJC Mailloles/Divers Cité, les Jardins de Mailloles Saint Martin : Olympique Club de Perpignan, CREF Autres : Citoyens des Quartiers Populaires, Idencité. La réalité associative perpignanaise dans les quartiers est donc riche. J’ai demandé aujourd’hui à 5 associations d’être présentes. Cambiem qui est une association gitane du Nouveau logis aurait dû s’y rajouter mais le Président n’a pas pu venir. Je dirai quand même quelques mots de cette association. Nous avons autour de la table les associations suivantes: Les mamans de l’enfance, Vernet au féminin, AJC Mailloles, Jeunesse sans frontière (qui vient de se créer à Saint Martin), Citoyens des quartiers populaires. Dans les quartiers, il y a des dynamiques collectives, nous n’avons pas que des individus. Des gens s’organisent. Nous allons passer 20 minutes avec ces associations pour en savoir plus. Qu’est-ce qu’elles font ? Je vais leur demander de se présenter et de présenter l’association. Mais aussi de dire ce qu’elles veulent changer et quelles sont leurs valeurs. 10 Les mamans de l’enfance, une association sur le Bas Vernet. La vice-présidente Nassiba Moulayssouigha : « Notre association a été créée en 2010 par un groupe de mamans. Nos enfants fréquentent l’école élémentaire du Pont Neuf. On suit le mouvement (de prise de parole collective) sans le savoir depuis un moment. Parce que si l’on a créé l’association c’était pour faire changer les choses, pour nos enfants. Parce que l’on trouvait que ce que l’on nous offrait ce n’était pas comme tous les enfants de tous les autres quartiers. » La trésorière Nadia Hadjaoui : « On avait décidé d’ouvrir cette association pour sortir les mamans du Bas Vernet, les intégrer à des sorties et manifestations différentes et diverses en dehors du quartier du Bas Vernet. Chose que les mamans n’avaient pas la possibilité de faire. Notre but était de faire des sorties avec les familles ; maman, enfant et papa quand il en avait la possibilité. De leur ouvrir les portes de certains centres d’attraction, de cinéma, de zoo… des choses que les familles ne pouvaient pas faire parce qu’elles n’étaient pas véhiculées. Les moyens n’étaient pas adaptés. On essayait de s’organiser des animations pour se rencontrer entre maman. Là on arrive à faire des manifestations inter quartiers. » Jean Paul Carrère : « Quand j’ai rencontré l’association au début, j’ai demandé quel était son objet. J’y ai passé du temps. Je suis allé à une présentation des activités de l’association. Il y avait une cinquantaine de personnes, avec des poussettes et des enfants. Au début, on me dit que l’objet c’est d’organiser des activités familiales. On discute et au bout d’un moment, on me dit mais ce que l’on veut pour nos enfants, nos familles c’est qu’ils aient accès aux mêmes services que les enfants qui habitent le quartier du Palais des congrès de Perpignan. On veut aussi que l’école où vont nos enfants soit à la même hauteur que les autres écoles et ait la même réputation. L’objet de l’association c’est une volonté de changer un peu le quotidien et faire en sorte que les familles du quartier du bas Vernet soient au même niveau que les autres familles. Association Cambiem au Vernet (Nouveau Logis) : Jean-Paul Carrère : Je vais parler très rapidement pour Claude (Antonin Reyes) qui est le Président d’une association gitane : « Cambiem » du Quartier Nouveau Logis de Perpignan. Ils sont quelques-uns à avoir créé une association sur ce quartier pour changer le mode de fonctionnement que l’on peut avoir dans la communauté gitane à Perpignan : « on fonde une association pour organiser des sorties à Port Aventura ». Quelque fois c’était un peu pour ça. Je ne veux pas dire que Port Aventura, ça n’est pas des bonnes sorties mais que créer une association pour ça.. Claude et quelques-uns ont dit : on veut arrêter ce système-là. On veut vraiment dans le quartier représenter des avis des habitants. Quand les élus viennent et qu’ils nous questionnent, chacun donne son opinion. A la place ayons une démarche collective, qu’on en discute ensemble. Voilà l’objet de l’association. Je trouvais cette démarche intéressante. 11 Vernet au Féminin à Vernet Salanque : Karima Dembri responsable de l’association: l’association a été créée le 15 décembre 2010. On avait eu trois décès dans le quartier, ça a donné naissance à une dynamique où les familles se sont retrouvées pour s’entre aider. Nous nous sommes aperçus qu’il y avait des mamans qui ne se connaissaient absolument pas. Pendant plus de cinq jours des repas ont été organisés, des garages ont été prêtés. Il s’est créé un lien social que l’on a décidé de perdurer. Au début on se réunissait par petit groupe dans la rue. Enfin un public féminin car on s’adresse surtout aux mamans et aux jeunes filles. Aujourd’hui, on a plus de 100 familles. Les mamans participent aux ateliers coutures, cuisines, animation sociale culturelle et une équipe de football. Une équipe de foot dans un quartier ça a été un peu compliqué au début. Pour notre première année de football, on a été championnes. Cette association émane de l’idée des mamans. C’est ce qui fait qu’elle perdure et marche. On ne force personne, les idées partent des mamans, nous essayons de réaliser avec elles ce qui est possible. On essaie de créer des projets et développer le lien social. On est vraiment sur le développement du lien social. Je tenais aussi à vous dire que aussi que nous avons été lauréates du prix « talent des cités ». Ce qui est important à dire c’est que pour une petite association, on est montées au Sénat. C’est vrai que pour nous c’est une nouvelle image de la femme de quartier et une valorisation pour l’association. » Jean Paul Carrère : « Karima m’a dit : l’association a vraiment pris ses marques quand on a eu le prix talent des cités et des financements de la fondation de France. J’insiste làdessus car les associations ne peuvent pas se permettre de le dire, moi oui. Sur le territoire Perpignanais quand on est une association on est plus ou moins obligé de dire de quel côté on est. Ça c’est redoutable pour une association car elle représente des habitants, des opinions, des points de vue divers. Le fait d’avoir un financement qui n’était pas Perpignanais, pas départemental, pas régional, a permis d’asseoir la crédibilité de l’association et donc elle a pu exister et être plus libre avec les différentes collectivités et institutions. C’est quelque chose qui m’a à chaque fois été dit quand j’ai fait l’étude auprès des associations : « on est obligé à un moment donné de négocier. On est l’objet de pressions des uns et des autres. Ce qui n’est pas très sain pour la vie démocratique. Je trouve que les associations s’en tirent bien parce qu’elles ne sont pas dupes. Chacun trouve sa stratégie et arrive, je le constate, à garder une certaine indépendance d’esprit au moins. Ce qui est important pour être crédible auprès des gens des quartiers. Je voudrai souligner le rôle important des équipements sociaux de proximité que sont les centres sociaux, les maisons de quartier… qui ont servi d’aide à la création de ces associations et cela de manière indépendante. AJC Mailloles junior association de la Cité Ensoleillée Monaim Taharraste (18ans) le Président de l’association AJC Mailloles : « On existe depuis 2004. Je suis la 3ème génération de l’association. Au départ cette association était créée pour la citoyenneté. On a été à Paris, au Sénat, à Bruxelles, à New York, à Washington. Nous 12 avons rencontré tous ces députés pour en savoir plus sur ce qu’était l’organisation politique. On est partis l’année dernière à Marrakech, rencontrer d’autres associations dans le cadre d’échange de jeunes. Nous avons aussi un projet humanitaire sur la santé : la mucoviscidose. C’est pour sensibiliser à cette maladie qui existe et que les gens ne connaissent pas. Il est important de donner pour trouver un remède. C’est pour cela que je me bats et que je suis là aujourd’hui. » Jean Paul Carrère : « Il y a une tombola pour la mucoviscidose. Ce qui est important pour cette association c’est le fait d’être une association junior. C’est la troisième génération. C’est-à-dire des mineurs qui s’organisent. Il y a un tutorat. Au fur et à mesure que les jeunes arrivent à 18 ans, ils sont remplacés par une autre équipe. Comme ça, il y a des générations de jeunes qui passent et s’initient à des attitudes citoyennes et à des engagements collectifs. Avec les Francas, ils préparent une structure associative pour les tous petits. C’est très original ce travail en chaîne. Association Jeunesse sans frontières de Saint Martin Abdel Kadouri membre de l’association jeunes sans frontières : « l’association est née en novembre 2012, en fait c’est nous qui nous sommes pris en main car on n’avait qu’une association sportive dans le quartier et pas d’autres moyens de se regrouper. Cette association c’est pour faire des activités, sortir les jeunes des quartiers, essayer de faire des projets avec d’autres associations et voir ce que d’autres font. La génération 90, on a été un peu délaissé. On fait face à des discriminations, à de la déscolarisation… L’objectif c’est de lutter contre les discriminations. Nous allons chercher des soutiens dans les collectivités, les mairies et tout ça… » Jean Paul Carrère : « Abdel a participé à la table ronde où il témoignait des discriminations à l’emploi. Ensuite Jeunes sans frontières, c’est la 2ème fois qu’ils participent à l’organisation de soirée de ce type avec l’association des quartiers populaires. Citoyens des Quartiers Populaires de Perpignan Nadia Zouala présidente de l’association Citoyen des Quartiers Populaires : « Citoyen des Quartiers Populaires est officielle depuis 2009, les membres fondateurs de cette association faisaient partie du comité institutionnel qui a été fondé par l’Etat et la ville après les émeutes de 2005. Ce comité se réunissait régulièrement pour réfléchir sur l’engagement citoyen, et la lutte contre les discriminations. Au bout de quelques temps, ce comité s’est effacé et ses membres ont décidé de poursuivre leur lutte en créant cette association. Le but de notre association c’est de promouvoir la parole des habitants. Aujourd’hui, on peut dire que notre association a atteint son objectif. Puisque nous avons réussi à fédérer toutes ces associations. » Jean Paul Carrère : « La force du lien entre les quartiers, c’est aussi, à titre d’exemple, la création aussi d’une association : Niyat (bonne intention) qui mutualise les moyens de toutes les autres. Une association inter quartiers : qui peut répondre de manière solidaire à un besoin 13 d’une famille (à l’occasion d’un deuil) sur Perpignan. Cet exemple montre la capacité des habitants à se mobiliser. Je tiens à dire mon admiration pour la dynamique associative de ces quartiers. Les familles qui y habitent n’y vivent pas de manière très facile. Les habitants pourraient très vite se laisser aller à une sorte de fatalisme mais non, il y a de l’énergie : Nous nous en sortirons si nous nous mobilisons, il faut que les affaires des habitants des quartiers soient prises en main par les habitants des quartiers. A Perpignan, il y a une dynamique. Celle ci est rarement considérée et reconnue et n’est pas toujours favorisée par les instances qui dirigent. Elles voient d’un mauvais œil que les gens deviennent autonomes et puissent dire des choses par eux-mêmes. Mais continuez, continuons, dans tous les cas, nous serons avec vous. Merci ! » Débat avec la salle : Gilles Thellier : « Il y a déjà une petite synthèse qui a été faites par rapport aux actions conduites sur la ville de Perpignan par J.P. Carrère. Maintenant, on va faire circuler la parole. Le combat pour l’égalité des droits n’est pas encore terminé. Les personnes qui sont là, vont répondre à vos questions. La parole est à la salle. Dites à qui vous posez la question. » 1ère question de la salle : « Je pose la question à tout le monde. C’est sur deux choses : le local et le national. Je suis à Saint Jacques depuis 2 ans. Je milite dans beaucoup d’associations ; sur la Palestine et autre chose. Je voulais vous interpeller au sujet du Musée de la honte qui s’est ouvert à Perpignan. On était 40 pour manifester contre le Musée de l’Algérie Française et des français d’Algérie. Financé par moitié par la ville de Perpignan et l’Etat et inauguré par Gérard Longuet. J’ai deux enfants, deux garçons qui vont aller à l’école dans pas très longtemps. Il est question de les envoyer avec leurs professeurs visiter ce musée. Ce musée c’est les bienfaits de la colonisation, il n’y a aucune trace des massacres. Le cercle algérianiste gère ce musée, ça me révolte. Je pense que les Perpignanais ne savent pas que leurs impôts ont été là-dedans. Nationalement, j’aimerai que les associations de quartier se bougent sur les questions d’islamophobie ambiante. Il y a eu des actes islamophobes sur des femmes musulmanes qui portaient le voile à Béziers et sur des hommes aussi. Dernièrement trois sœurs ont été agressées à Argenteuil. C’est deux poids et deux mesures dans ce pays. Demain, une femme chrétienne ou une religieuse ou une femme lambda se fait agresser, vous allez voir les médias, le Ministre de l’intérieur qui va réagir. Et là se sont des femmes musulmanes et le Ministre de l’intérieur n’a pas eu de réaction. Le soit disant conseil consultatif des musulmans de France n’a pas réagi. Le collectif des femmes pour l’égalité a fait un communiqué comme l’Union Juive Française pour la Paix (UJFP). Je ne vais pas vous le lire pour ne pas mobiliser la parole. On est capable de faire passer les médias sur la tuerie de Toulouse, les assassinats monstrueux au sein de la communauté juive en France. Mais sur ces agressions-là, où une femme a perdu son bébé de trois mois, rien. On a remis sa parole en doute, les médias, la mairie. On lui a dit de calmer le jeu pour ne pas faire d’émeutes. Restez tranquille. » 14 M. Mechmache : « Ce que tu évoques, je le partage au sujet du sentiment de deux poids et de deux mesures. On en est conscients. On sait qu’aujourd’hui il y a quelque chose de récurrent notamment, reconnaitre cette histoire d’islamophobie. Le discours politique a du mal à dénoncer. Pour ma part, il m’a été donné la mission par le Ministre de la ville, de travailler sur la participation des habitants. Comment faire en sorte que les habitants puissent participer pour avoir le pouvoir d’agir. Ce que vous avez évoqué tout à l’heure, il va y avoir des propositions qui vont aller dans ce sens. Il y aura des financements pour les habitants de quartier autour de projets. Pour Argenteuil, ça fait une semaine entre le ministère de l’intérieur et Argenteuil que j’interviens, parce que j’ai des interlocuteurs, pour dire que c’est gravissime. On est à la porte d’une crise politique dans les quartiers, c’est le fruit de l’exclusion. Il y a une catégorie d’habitants qui n’ont plus place pourtant ils sont français à part entière. Ils aimeraient avoir le même droit commun. Il y a des avancées le Préfet a reçu la famille et le lendemain le chef de cabinet de Valls. Ça ne suffit pas, je pense qu’aujourd’hui on a besoin d’entendre les paroles d’un Ministre ou du Président qui dirait si on touche à une citoyenne française, qu’elle soit musulmane, juive,… on touche à la République. Tout simplement pour éviter une crise politique. » Autre intervention à la tribune : « je voudrais réagir par rapport aux médias. Aujourd’hui c’est une journée contre la discrimination. On ne peut pas parler de discrimination sans parler de médias. Quand on regarde la TV même moi, j’ai peur des quartiers populaires !. Pour quelqu’un qui ne connait pas, c’est normal que ça fasse peur. A un moment donné, on se pose la question : qu’est-ce que l’on fait. C’est ça le but des associations pour faire des journées comme aujourd’hui, travailler avec les collectifs. C’est comme cela que nous ferons évoluer les mentalités. 2ème question : « Bonjour, je pose la question à Mme Messaoudi. Moi je ne connais pas l’histoire de France. En 1983, quel était le Président ? S. Messaoudi : « c’était le Président François Mitterrand, le parti socialiste. » La Présidente des Citoyens des Quartiers Populaires : « C’est important ce que dit la dame ici. Beaucoup ne connaissent pas l’histoire de la France. Notre association c’est aussi le devoir de transmettre à nos enfants et puis aux habitants des quartiers populaires l’histoire de la France. Dans les livres scolaires, il manque beaucoup, beaucoup de choses qui ne sont pas étudiées. C’est à travers mon militantisme que j’ai découvert l’histoire de la France et pas à l’école. 3ème question : « Je voudrais savoir s’il y a quelqu’un qui représente la Municipalité de Perpignan ? » Gilles Thellier : « pas ici Madame, mais dans l’assemblée il y a quelqu’un. Je ne voudrai pas que l’on tombe dans un débat, voilà… » L’habitante : « Non mais ça n’est pas pour ça Monsieur, c’est savoir si dans la municipalité on connaissait les associations qui travaillent sur la discrimination. Je ne sais pas si je m’exprime bien ». 15 Gilles Thellier : « Vous voulez savoir si la municipalité reconnaissait leur combat ? » L’habitante : « oui ! » Gilles Thellier : « On ne va pas créer de débat sur ce sujet. Madame va vous donner des éléments de réponses qui sont les siens. Je ne sais pas si elle engage la Municipalité derrière. » La salle : « Je voudrais m’exprimer en tant qu’élue. Je ne représente pas la municipalité de Perpignan car je suis conseillère municipale d’opposition. Ca fait plusieurs années que je participe à vos réunions. Ce que je trouve de marquant c’est la vitalité du mouvement associatif. Ce qu’il y a intéressant c’est qu’il permet à tous les citoyens de pouvoir participer à la vie publique. La voie associative peut préparer un certain nombre à un aboutissement politique qui est important et nécessaire. Et c’est vrai que le tableau qui a été dressé est signe du dynamisme et je l’espère d’éviter les émeutes de 2005. » M. Mechmache : « Je voudrais rebondir. Tout à l’heure dans ma présentation, je vous ai dit qu’en 2005, il n’était pas question d’émeute mais de révolte sociale. Croyez-moi, la sémantique est importante. Si vous parlez d’émeute et que vous allez voir dans un dictionnaire, vous comprendrez. Une révolte sociale car les conditions de vie étaient intolérables. Les gens se sont automutilés. Comme quand il y a quelqu’un qui ne va pas bien et qui fait une tentative de suicide, pour expliquer aux autres qu’il ne va pas bien. Les révoltes en 2005 n’ont pas duré une nuit dans un quartier mais 21 nuits dans toute la France. Rappelezvous l’état de siège a été décrété pour régler le problème, comme pendant la guerre et à Nouméa. Quand les pêcheurs sont montés au parlement européen on a qualifié, ça de pêcheurs en colère. Par contre quand c’est les jeunes c’est tout de suite des gens violents et tout le reste. Maintenant sur les gouvernements qui se sont succédés. Il y a un partage des pouvoirs. Des choses ont été faites et d’autre pas. D’autres ont aussi parlé d’identité nationale. Si on cherche, on finira par trouver d’un côté comme de l’autre des choses. Maintenant c’est simplement se dire qu’est-ce que nous faisons pour que les choses changent ? On n’est pas un problème mais une partie de la solution. Quand on parle du vivre ensemble, j’ai envie d’aller plus loin que le vivre ensemble. J’ai envie de rappeler à des gens, qu’il y a des gens qui sont morts ensemble. On a dépassé le vivre ensemble. Quand on est mort ensemble c’est qu’il y a des gens de couleurs, de religions différentes qui ont décidé de combattre ensemble. On a fait pas mal de tables rondes sur ce sujet. On va rendre un rapport le 8 juillet sur les enjeux essentiels. Si ce rapport est accepté, ça va faire changer les choses au sujet de la démocratie participative des habitants. Redonner du sens à la citoyenneté, les habitants du coup vont pouvoir décider. » S. Messaoudi : « Je voudrais répondre au Monsieur, sur le Musée local ici à Perpignan. Tout à l’heure, l’histoire de la mort ensemble, le vivre ensemble, ça fait penser à l’égalité. Il y a la réalité du passé colonial de la France. Quand dans les manuels scolaires, il n’apparait pas cette histoire commune d’un passé colonial, qu’est-ce que l’on peut dire aux élèves ? Le passé colonial n’est pas glorifiant pour la France. L’empire colonial est monstrueux. Mon rapport à l’universalité me fait penser que le colonialisme est une injustice totale. L’égalité pour moi n’est pas qu’une expression, le droit de vote. Je sais que l’histoire de Perpignan c’est aussi une histoire d’exil. Il y a eu des vagues de communautés étrangères qui se sont installées sur ce territoire. Il serait intéressant de faire un musée de la diversité, plutôt qu’un musée à la gloire 16 du passé colonial. Mon association, Au nom de la mémoire et d’autres ont commencé à lancer un appel pour dénoncer ces musées et aussi les stèles. La vigilance des citoyens c’est de dénoncer ce qui se dit là, d’un passé colonial. Ne pas le reconnaitre, c’est ne pas reconnaitre l’histoire de la vague d’immigration dans ce pays. La France s’est forgée avec les flux migratoires. Ça doit s’inscrire dans la vie citoyenne, éducative dans les manuels scolaires. » Autre question de la salle : « Bonjour, je suis le porte-parole des jeunes démocrates. Je vais vous faire une suggestion. 1er point : L’état devrait arrêter de déverser des millions dans les banlieues pour la rénovation et plutôt soutenir les entreprises et les petits commerces. Dans les banlieues, la plupart des gens veulent devenir entrepreneurs. C’est pour cacher la misère. Il faut soutenir les projets dans les entreprises. 2ème point, un message d’espoir, ce pays s’est construit sur l’immigration. Quand les espagnols et les italiens sont arrivés ils ont été victimes de racisme et mis dans des camps. Je pense au camp de Rivesaltes. Il a fallu des générations pour que le racisme se dissipe. Je pense que pour la population magrébine ça sera pareil. Il faut être patient. » A la tribune : « Monsieur je ne sais pas si vous mesurez ce que certains peuples subissent à longueur de journée. Dans l’histoire de France, il y a la réponse à votre question. M. Mechmache : « Ne penses-tu pas qu’il y a de l’espoir dans ce qui s’organise à Perpignan ? S’il se passe ça c’est que les gens ont compris. Si le droit commun avait été installé dès le départ on n’en serait pas là à rééquilibrer les choses. Sur l’entreprenariat, je suis d’accord avec toi. C’est une manière de sortir du quartier. Le problème c’est qu’aujourd’hui l’entreprenariat ça n’est pas le collectif. On veut rendre l’entrepreneur individualiste et ça ne tire pas les autres vers le haut. Moi je suis d’accord avec l’entreprenariat à condition que ça devienne collectif. Les entreprises doivent prendre en charge ceux qui à côté ne peuvent pas faire autre chose. Autre question dans la salle : L’islamophobie, je pense que ça n’est pas le bon terme parce que ça n’est pas une maladie mais du racisme. Racisme qui prétend que tous les arabes sont des gens avec la religion de l’islam. Or tout simplement c’est un choix de certains individus de rejeter les autres. En second, je crois que les subventions aux associations sont le nerf de la guerre pour créer des emplois, donner des moyens aux quartiers. Elles servent malheureusement de pression sur les associations. Chaque papa, chaque association a un rôle à jouer auprès des enfants. Il y a des choses qui doivent se porter ainsi. On ne peut pas tout attendre de l’éducation nationale et de ses enseignants. Je suis un ancien enseignant. Nous n’avons pas besoin de paroles mais d’actes. » Gilles Thellier : d’autres questions ? Une autre question dans la salle : « je vais poser la question à Mme Messaoudi. Est-ce qu’il n’y a pas quelque chose à faire pour que les jeunes des quartiers s’intéressent aux médias ? 1 une action spécifique à destination des jeunes, En second, est-ce que les associations n’ont pas intérêt à communiquer au-delà du quartier pour se faire connaitre ? » 17 S. Messaoudi : « Je donne des cours de journalisme dans ce que l’on appelle la presse parlée. Je suis journaliste de radio. Dans ce centre de formation qui n’est pas banal puisque c’est le centre de formation du journalisme, rue du Louvre à Paris. Ca n’est pas rien. Selon leurs statistiques, ils forment la moitié des journalistes de France. 2 ème centre après celui de Lille. Dans la session de cette année, la moitié des journalistes venait des quartiers. Ce qui signifie qu’il y a une envie de faire de la radio et je crois qu’il y en a de plus en plus. Quand je lis un article, je regarde au bas, la consonance du non de l’auteur. Il y a de plus en plus de noms à consonance étrangère. Il y a une volonté de travailler sur toutes les questions et pas seulement celles des banlieues ou d’immigration. Là aussi ça devient une marginalité insupportable. Moi, j’étais dans un journal féminin Français. De plus en plus le métier de journaliste et d’autres sont ouverts à des gens de toutes origines. Rachid Ahrab nous a raconté la galère qu’il a eu. Des sacs postaux d’insultes car ça n’est pas un arabe qui va faire le journal télévisé. C’était monstrueux. Le média c’est le sensationnel. Les jeunes filles d’Argenteuil ont fait trois minutes, dans les médias alors que ça méritait plus de trois minutes. Les médias sont importants dans nos vies. Tous les gens regardent le 20h même cinq minutes. En 2005, tu retenais ce qui c’était passé dans les quartiers. A un moment donné, l’info est essentielle et on a un rôle important. C’est une responsabilité de donner l’information. » Gilles Thellier : Une dernière question ? La salle : Bonjour ce que je viens d’écouter c’est ce que l’on entend toujours dans les associations. Les débats, les conférences, c’est un état dans les quartiers qui est toujours le même. Que ça soit la droite ou la gauche qui passe. Aujourd’hui les habitants des quartiers devraient militer pour l’engagement politique. C’est-à-dire de directement faire des listes. Un message à faire passer à ceux qui restent dans cette victimisation. Arrêtez de laisser les gens penser à notre place. Il y aura intégration quand on cessera de parler d’intégration. On est à la troisième génération, bientôt la quatrième. On parle la langue, on est loyal, on reste la loi. » M. Mechmache : « Les médias en deux mots pas de l’information mais de l’orientation. Il y en a qui s’organise. Il y a aussi le net où les gens communiquent ce qui ne se dit pas. Les quartiers ne sont pas des déserts politiques. Ceux qui sont issus du milieu associatif c’est une bonne école à un moment donné, ils vont passer à autre chose. On n’est pas un problème mais une partie de la solution. AC LEFEU a gardé le cap promouvoir la citoyenneté, réveiller les consciences, faire en sorte que les gens s’inscrivent sur les listes électorales. On est aussi capables de se présenter à des échéances. On a franchi le palier. On s’est dit il faut y aller. Résultat on a fini 2ème force de la ville aux législatives. En 2008, nous avons un mouvement qui s’appelle « Emergence », parce que l’on n’est plus dans des revendications ; mais j’ai des idées je vais les transmettre moi-même. Nous avons un mouvement avec 5 délégations (délégations données par le Maire aux élus). Ça n’est pas de la victimisation. On est force de proposition. Vous avez des gens à Emergence qui s’organisent pour changer les choses. C’est la possibilité d’être aux manettes. » 18 Gilles Thellier : « Merci ! La dernière intervention était intéressante. Il n’y a pas d’opposition entre l’engagement associatif et l’engagement politique. Il y a une dimension politique dans l’engagement associatif. Au sens où quand on milite pour une association on milite pour le bien de la cité. L’engagement politique est souvent considéré comme un engagement politicien. Il reste du travail pour que tous les groupes sociaux soient à égalité de droit. Ils ne sont pas des victimes mais des acteurs de la vie publique. » Nadia Baklouch conclut la soirée en invitant les participants à un buffet et une soirée amicale et festive. Nos remerciements pour leur participation précieuse à l’organisation de cette soirée-débat : La CASA MUSICALE, L’Institut Jean-Vigo, Les associations : AJC Mailloles Les mamans de l’enfance Vernet au Féminin Jeunesse Sans Frontière, Le délégué Départemental des défenseurs des droits Jean-Paul Carrère Mohammed Mechmache et le Collectif AC LEFEU Samia Messaoudi journaliste et écrivaine Ainsi que : La Préfecture des P.O La Ville de Perpignan La DRJSCS ------------------------------------------------------CQPP – Citoyens des Quartiers Populaires, Siège social : 11 RUE DES CARMES 66000 PERPIGNAN Adresse correspondance : 65 rue Louise Michel 66330 Cabestany adresse mail : [email protected] Contact : Nadia Baklouch Chargée de la Communication de l'association Tel. : 06 13 67 66 68 --------------------------------------------------------- 19 Avec le soutien de la Préfecture des Pyrénées Orientales, de la Ville de Perpignan, La DRJSCS et de la CAF.