File - Citoyens des Quartiers Populaires de Perpignan

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File - Citoyens des Quartiers Populaires de Perpignan
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Soirée
« en marche pour l’égalité »
Débat du samedi 22 Juin 2013
Espace des cultures populaires à Perpignan
www.irass.org
Retranscription des éléments clés du débat par :
Martine Arino
Docteure en Sociologie, Sémiotique et Communication
Consultante à l’IRASS
Institut de recherche action en Sociologie, Sémiotique et Communication
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Citoyens des Quartiers Populaires de Perpignan
L’association Citoyens des Quartiers populaires de Perpignan a été créée le 29 Mai 2009.
Les membres fondateurs de l’association ont appartenu au collectif d’habitants créé par l’Etat et la
Ville suite aux violences urbaines de mai 2005. Ce collectif regroupait des perpignanais de toutes
origines engagés dans la vie de leur quartier à titre professionnel ou bénévole.
La création de l’association répond au souhait de mobiliser plus largement et sans attache
institutionnelle ou partisane les habitants des quartiers populaires de Perpignan.
L’association constate que le principe d’égalité (de droit, de traitement) inscrit dans les valeurs de
la République est souvent mis à mal au quotidien pour les habitants des quartiers populaires bien
souvent victimes de discriminations.
Elle souhaite agir pour faire respecter ce principe d’égalité comme l’indique son objet qui est de
promouvoir :
« - La parole et les points de vue des habitants des quartiers populaires de Perpignan
- L’égalité de droits et de traitements dans tous les domaines de la vie sociale, la lutte contre les
préjugés et représentations réciproques ainsi que toutes formes de discrimination ».
Depuis sa création, l’association a développé son action dans des actions de mobilisation citoyenne
des habitants des quartiers populaires de Perpignan et de lutte contre les discriminations.
Des soirées débat qui rassemblent à chaque fois de cent à plusieurs centaines de personnes
constituent des temps forts réguliers : « Paroles de quartiers » en décembre 2009, « Générations
d’immigrés, jusqu’à quand ? » en Octobre 2011, « le vote est l’arme de tous les citoyens » en Mars
2012 et la présente soirée « En marche pour l’égalité » en Juin 2013.
Citoyens des Quartiers populaires de Perpignan a développé au fil du temps une collaboration
confiante et respectueuse avec des associations qui œuvrent au quotidien dans les quartiers. Sans
ces associations, dont certaines ont témoigné lors de la soirée du 22 Juin, les mobilisations
importantes des habitants et la réalisation même des soirées n’auraient pas été possibles. Qu’elles en
soient remerciées ici.
Pour la soirée du 22 Juin, Citoyens des quartiers populaires a proposé à Martine Arino une
collaboration pour la mise en mémoire des débats. Le présent document est le résultat concret de
cette proposition. L’association remercie très amicalement Martine pour ce remarquable travail.
Les attentes des habitants des quartiers en termes de dignité, de reconnaissance et d’égalité de
traitement s’expriment de façon de plus en plus claire et forte à Perpignan. Citoyens des quartiers
populaires continuera résolument dans l’avenir à accompagner cette dynamique.
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Compte rendu synthétique du débat du 22 juin 2013
Cette conférence – débat s’inscrivait dans les journées « En avant pour l’égalité » qui ont eu lieu les 21 et 22
Juin 2013 à l’initiative de la préfecture des PO et de la Ville de Perpignan. Dans ce cadre, l’association Citoyens
des Quartiers Populaires, secondée par plusieurs autres associations, a mobilisé les habitants des quartiers
populaires de Perpignan autour d’une conférence- débat et d’une soirée amicale. Près de deux cents
personnes assistaient à la partie conférence –débat ; femmes et hommes de tous les quartiers de la ville et de
tous les âges. Les associations étaient également au rendez-vous des plus anciennement fondées au plus
récentes.
Discours introductif d’accueil de cette rencontre par Nadia Baklouch, Chargée de la communication,
de l’association citoyens des quartiers populaires de Perpignan1, qui souligne le souci constant de
l’association d’agir en partenariat avec les différents acteurs (institutionnels, associations locales) qui
développent des actions de lutte contre les discriminations et de promotion de l'égalité.
Puis, la nouvelle Présidente de l’association Nadia Zouala énonce le déroulement :
Projection de 2 courts métrages et 1 documentaire,
Débat animé par Gilles Thellier, délégué du défenseur des droits
En deuxième partie de ce temps de débat, intervention de Jean Paul Carrère pour la présentation de
quelques associations des différents quartiers de la ville qu’il a interviewées dans le cadre d’une
étude parue en Janvier 2013 et intitulée : « Nouvelles coopérations associatives dans les quartiers
populaires de Perpignan »2. Cette étude questionne le positionnement des associations « classiques :
éducation populaire,… » face à de nouvelles pratiques associatives, pour tenter d’identifier des
espaces coopératifs possibles permettant une mutualisation des compétences au service des besoins
et attentes des habitants.
Intervention de Gilles Thellier pour un rapide retour sur les projections.
« Les deux premières projections sont des clins d’œil extraordinaires sur le travail de
l’association citoyens des quartiers populaires de Perpignan. Puisque celle-ci promeut depuis
des années la citoyenneté dans les quartiers populaires, pour les personnes qui sont éloignées
de cette possibilité là et notamment à travers le vote.
Le message du 1er court métrage c’est : il faut aller voter. Allez-vous inscrire sur les listes
électorales avant la fin de l’année 2013. Ensuite, vous voterez parce que c’est un devoir
national de citoyen. Après la liberté du vote reste votre choix et sera en fonction de votre
conscience.
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http://www.cdqpp.fr/lassos.html
Etude disponible sur le site www.crajep-lr.fr à la rubrique : jeunes des territoires ruraux et des quartiers populaires.
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Le deuxième court métrage : Christiane et Monique (LIP V), un film de Carole Roussopoulos,
était aussi un message intéressant, ça rappelle le combat autogestionnaire des ouvriers de
LIP3dans les années 70 fortes au niveau du mouvement social. Les hommes blancs et les
femmes arabes étaient un numéro extraordinaire. »
Christiane met en évidence que le sexisme fonctionne comme le racisme, Monique propose
de remplacer dans son récit « homme » par « Blanc » et « femme » par « Arabe ». « Les
grands chefs blancs qui réfléchissent, parlent et mènent la lutte, tandis que les Arabes n’ont
qu’à suivre en se rendant utiles par de petits travaux ».
Le 3èmedocument projeté est extrait du film douce France et nous ramène 30 ans en arrière
puisque nous fêtons cette année le 30ème anniversaire de la marche des beurs. Nous avons le
privilège, la chance d’avoir Madame Samia Messaoudi, journaliste écrivaine qui va nous porter
le témoignage de cette marche des beurs à laquelle elle a participé. Elle en témoigne aussi
dans ses ouvrages.
Documentaire : Douce France, la saga du mouvement "beur" (1993) « Le mouvement de
l’immigration et des quartiers populaires, cités et banlieues, a une histoire. Des rodéos des Minguettes
à la Marche pour l’Egalité et contre le racisme de 1983, de Rock against Police à la lutte contre la
double peine, des affrontements raciaux dans l’usine Talbot-Poissy en grève aux retrouvailles
communautaires autour des valeurs de justice sociale de l’Islam, en passant par le mouvement
étudiant de 1986, la mobilisation contre les lois Pasqua et la réforme du code de la nationalité, les
révoltes de Vaulx-en-Velin et de Mantes-la-Jolie contre les violences policières avec mort d’hommes
(Malik Oussekine, Abdel Benyahia, Thomas Claudio, Aïssa Ihiche, Youssef Khaïf et tant d’autres). Sans
oublier le massacre du 17 octobre 1961 à Paris... Ce film, basé sur les images d’archives de l’agence
IM’média, retrace l’histoire de luttes dans les quartiers populaires. » http://www.histoireimmigration.fr/2011/9/douce-france-la-saga-du-mouvement-beur
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Rappel historique : « C’est en 1973 que commence l’aventure autogérée des LIP. Entreprise familiale qui emploie un
millier d’ouvriers, celle-ci se trouve en difficultés et le dépôt de bilan est prévu en juin 1973.
Les ouvriers refusent les licenciements prévus (près de 500) par le repreneur, occupent l’usine, reprennent la production et
organisent la lutte. Le stock de montres est mis à l’abri pour ne pas être saisi par les forces de l’ordre et la vente s’organise
par de multiples réseaux. Le conflit est popularisé et la France entière a le regard tourné vers les LIP. Des manifestations
monstres ont lieu (Besançon, Dôle, Paris…) et de la France entière on vient soutenir les LIP et acheter des montres…
Usine menée en autogestion au lendemain de Mai 68, les LIP ont fait rêver nombre de Français et montré que les ouvriers
pouvaient s’organiser et tenir. LIP va révéler bien des ingrédients communs à d’autres combats, tels le Larzac, pour vivre
autrement et travailler au pays : la solidarité nécessaire, la simplicité évidente, la sobriété... » http://www.appelconsciences.info/spip.php?breve13
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Témoignages : de la marche pour l’égalité aux révoltes sociales de 2005:
Témoignages introduits par Gilles Thellier
Samia Messaoudi, ex-marcheuse, journaliste et écrivaine- Radio beur / Beur FM « Elle a écrit
en collaboration un ouvrage qui s’intitule 17 octobre 1961, 17 écrivains se souviennent4, mais
également Vivons ensemble avec pour sous-titre : pour répondre aux questions des enfants sur
l’immigration5.
Mohammed Mechmache : Je vais demander aussi à Mohamed Mechmache de venir nous
rejoindre. Il est aussi un témoin du combat des citoyens pour faire valoir l’égalité des droits.
Dans les slogans qui étaient proférés dans le film, on entendait : égalité des droits ! Égalité des
droits ! Égalité des droits ! Ces problèmes-là sont toujours d’actualité, au début du 21ème siècle.
Mohamed nous fera part de cette expérience qu’il conduit depuis plusieurs années,
notamment dans le cadre du collectif AC Lefeu. »
Samia Messaoudi relate son expérience de la « marche des beurs ».
« Bonsoir à tous, merci à l’association qui a organisé la commémoration de la marche pour
l’égalité et contre le racisme. Je me permets de reprendre ce qui a été dit en introduction : La
marche des beurs s’appelait en réalité la marche pour l’égalité et contre le racisme. C’est
important de le signaler car l’égalité est le mot fort et le mot clef de cette journée. Je dis « je »,
au sens où je vais vous dire quelques mots de ma vie. Ces mots sont à la fois singuliers et
parlent aussi ceux qui sont dans cette salle de ma génération. Je suis fille d’algérien, née dans
la région Parisienne. Fille d’un ouvrier de l’automobile : Qui a tout donné de sa vie d’ouvrier et
tenté d’inculquer à ses enfants un souci d’égalité et appartenir à cette France, là où je suis née.
Il disait peut-être après vos études on va repartir en Algérie. Puis, le temps, les décennies ont
fait que ces enfants et beaucoup d’enfants de l’immigration sont restés dans l’hexagone. Nous
avons construit notre histoire dans cette France. Et je quitte le je c’est important de le signifier.
Je grandis dans ce pays et je me bats pour l’égalité, parce qu’un ouvrier de l’automobile qui a
un prénom à consonance arabe n’a pas la même qu’un ouvrier qui s’appelle Roland. C’était
aussi ce que nous disait notre père. Ce souci de l’égalité a été porté dans mon histoire
personnelle, tout au long de ma vie.
Pour vivre ensemble, il est important de rappeler que des hommes et des femmes ont dû
quitter un pays d’où ils venaient. Ils avaient à apprendre à travailler dans ce pays mais aussi à
vivre ensemble en France dans un souci d’égalité.
Je me forge une dynamique militante, engagée, en plus femme. Ça m’a bien parlé ce discours
de la féministe de Lip (2ème court métrage) Je m’engage aussi sur le terrain féministe, de
l’égalité des droits des femmes. Je me retrouve dans les années 81 avec cet espoir porté par le
changement de gouvernement. C’est la vie des associations et des radios libres qui vont
pouvoir exister à part entière. Je crée avec un groupe de personnes une radio qui va être
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Editions au Nom de la Mémoire.
Editions Albin Michel Jeunesse 2012.
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« Radio Beur » à l’époque. Radio beur est née en 81. Cette vie associative porte l’expression de
l’immigration. Le verlan du mot arabe donnera le mot beur qui donnera à son tour rebeu.
Deux bonnes raisons de continuer le combat : -fille d’immigrée et -de nos parents qui se
battent pour la libération de l’Algérie même sur le territoire français car ils sont organisés. Ils
vont être aux premières loges quand il va y avoir le couvre-feu instauré par le Préfet Papon de
l’époque pour lutter contre l’organisation de manifestations. Nombre d’Algériens et de
Français vont protester contre ce couvre-feu. La marche qui va commencer en octobre va aussi
commencer à Paris sur les quais de Seine à la mémoire des Algériens qui ont été tués car ils
manifestaient contre le couvre-feu. Le couvre-feu était raciste puisque la préfecture décidait au
faciès que l’homme ne devait plus sortir après 17h jusqu’au lendemain matin. Donc on est
dans les années 81, on a une dynamique associative très importante de l’immigration et on est
dans une période assez difficile comme énoncé dans le film ; violence policière. Il y a aussi cette
violence raciste, ces contrôles aux faciès, ce rapport entre les jeunes des quartiers et la police
qui est dans une situation alarmante. Il faut s’y opposer et résister à ça. L’année 83 va être le
point culminant de ces violences puisque l’on va dénombrer un certain nombre de bavures
policières, des jeunes qui ont été tués.
Puis, il arrive mars 83 campagne municipale, campagne de l’extrême droite à l’époque
l’argument était : « 4 millions d’immigrés dehors, ça donne 4 millions d’emplois ». Comme si
ça allait solutionner le problème du chômage. Là aussi cette violence raciste se développe
auprès de ce parti d’extrême droite. Et là il faut réagir et dénoncer. On commence à
s’organiser à Paris dans des associations, à la radio, radio beur. Moi je suis journaliste déjà et
on commence à faire des émissions à inviter les auditeurs pour témoigner de ce qu’ils vivent
dans les quartiers. Caisse de résonnance de tout le tissu social au niveau de la radio. 08/83 :
deux personnes viennent nous voir à la radio, qui sont : le prêtre des Minguettes, Christian
Delorme et Toumi Djaidja.
Il s’agit des deux personnes que l’on voit dans le film qui sont à l’initiative de la marche. Cette
volonté de traverser la France pour dire non au racisme. Ils viennent nous voir à la radio car ils
savent que ça va être un lieu privilégié de tissage de réseau dans la région parisienne et pour
accueillir la marche. La radio que je représente à l’époque. Il va se créer à Paris un collectif
pour accueillir la marche pour l’égalité et contre le racisme.
Donc on est une trentaine de personnes et d’associations. On se réunit dans un quartier très
populaire à Paris du 20ème arrondissement. C’est là que vont se tenir toutes les
réunions pendant plus de deux mois et deux fois par semaine pour organiser l’accueil.
Qui va organiser ? Dans quelle banlieue ?
La marche est arrivée à Paris le 3 décembre. Moi je décide d’aller marcher pour voir ce qui se
passe sur le terrain. A l’époque on faisait les choses par téléphone, on donnait rendez vous aux
marcheurs pour qu’ils témoignent de leur accueil. Moi je suis allée marcher pendant 8 jours
avec les marcheurs, à partir de Valence. Une équipe de jeunes hommes et de jeunes femmes,
très intéressante du point de social, très diversité. Au départ Christian et Toumi mais après, il y
avait une dynamique très collective. Je les ai rejoints une semaine après mais je faisais partie
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de la famille. C’était difficile pour moi de quitter la marche car on vit des choses très fortes. On
rencontre des gens qui viennent partager des histoires, des histoires très particulières qui sont
celles de ce que vivent les gens dans les quartiers. J’ai hâte d’entendre comment vous vivez ces
questions de discriminations, d’égalité.. À Perpignan.
La marche a été porteuse de revendication dans toutes les régions, du combat de l’égalité. Que
reste-t-il de la marche aux jours d’aujourd’hui ? C’est-à-dire 30 ans après. Il a des réelles
revendications qu’il faut encore porter. Je crois que c’est ça qui m’anime encore dans cet
engagement.
On marche encore. En 81, c’était l’égalité du droit de vote pour les citoyens immigrés.
Promesse en 2012 non tenue depuis 30 ans ce combat est encore à mener, il y a des injustices
qui restent encore. Il y a eu certes des avancées, on pourrait les rappeler.
Le politique n’entend pas les revendications qui sont portées. Les jeunes issus de l’immigration,
la diversité tous ces termes qui sont employés. Les jeunes ne demandent pas d’ailleurs d’être
appelés ainsi. Quand on fractionne des jeunes dans un pays on sait aussi ce que cela veut dire.
Nouveau collectif pour la commémoration du 30 ième anniversaire de la marche, on se
retrouve toujours dans le même local du centre social, du 20 ième et on évoque ce qui fait qu’il y
a toujours des manques en matière d’égalité.
Si on est ici à Perpignan, c’est bien parce que l’on doit se battre ensemble pour gagner
l’égalité ! je vous remercie. »
 Gilles Thellier : « Je vais donner maintenant la parole à Mohammed Mechmache : Le feu qui
est né en 1983, il l’a retrouvé dans son quotidien en 2005. Mohammed. Mechmache s’est aussi
mobilisé pour porter la parole des habitants. Vous allez nous raconter ça ».
 Mohamed Mechmache « Bonsoir ! On tient à remercier l’association des citoyens des quartiers
populaires de Perpignan de nous avoir accueillis. Cà n’est pas la première fois. Lors de notre 1er
tour de France en 2006, on a tissé des liens avec cette association. Ce 1er tour de France, ça a
été 120 villes et plus de 20 000 doléances. Le film ne nous appartient pas il a été produit par
IM’média qui nous l’a mis à disposition cette année pour illustrer notre initiative. Il pourrait
s’intituler aujourd’hui, « ceux qui marchent encore 30 ans après », les revendications de 1983,
restent d’actualité en 2013. Elles ne sont toujours pas réglées malheureusement malgré les
promesses. Il y a encore ces violences policières et nombres de gamins encore morts et des
procès qui n’ont pas abouti. A ce sujet, j’ai une pensée pour Zyed Benna, et Bouna Traoré 6 qui
sont morts poursuivis par des policiers en 2005 à Clichy-sous-Bois qui a été le déclencheur des
révoltes sociales en 2005. Je dis révoltes et pas émeutes comme une catégorie d’hommes et de
femmes avait voulu les nommer. Ils avaient préféré parler de démission des parents, de la
polygamie, du rap comme s’ils étaient responsables de ce qui c’était passé en 2005. Nous
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Le 27 octobre 2005, Zyed Benna, 17 ans, et Bouna Traoré, 15 ans, étaient morts, électrocutés dans un transformateur
EDF alors qu’ils essayaient d’échapper à un contrôle de police. Un troisième adolescent, également réfugié dans le
transformateur, avait été grièvement blessé. L’évènement avait mis le feu à Clichy-sous-Bois et marqué le début de trois
semaines de révoltes dans les banlieues françaises.
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avons simplement décidé de lui donner un autre sens avec notre collectif. Le collectif ACELEFEU
veut dire liberté, Egalité, Fraternité, Ensemble Unis, les valeurs de la République. On est acteur
et auteur. Lors du premier tour (des présidentielles de 2012), on a été force de propositions ;
120 en tout. ACLEFEU a 8 ans d’existence, il continue à se battre tout simplement pour
ramener le droit commun. Dans les quartiers populaires, le droit commun a dû mal à arriver.
Lors de la dernière campagne Présidentielle, les quartiers étaient exclus du discours politique.
Nous nous sommes dit que ça n’était pas possible. Alors nous avons l’idée d’occuper pendant 3
jours, un bâtiment sur Paris que l’on avait appelé le « Ministère de la crise des banlieues ». Le
message aux hommes politiques était le suivant : puisque vous avez du mal à aller à la
banlieue, elle viendra à vous. Depuis, on a remis la question des quartiers populaires dans le
champ politique. Le collectif ça n’est pas que des actions, c’est aussi réfléchir autour de la
mémoire, de sa restitution, et de sa transmission mais encore dans le champ de la citoyenneté,
redonner la parole à ceux qui ne l’ont pas. Pas des porte paroles mais des porte voix. Notre
association a aussi pour projet de travailler avec les associations des quartiers populaires pour
faire valoir leurs droits et leurs devoirs. Pour dire simplement ou on décide de subir ou de
changer les choses par le droit de vote. Il faut réveiller les consciences, on sait qu’il y a des
choses qui n’avancent pas. Qu’est-ce que l’on fait nous, pour que les choses avancent ?
Le collectif AC LEFEU a décidé alors de se présenter aux élections en 2008 (municipales Noisy le
Sec). Il a été la 2ème force de la ville. Aujourd’hui, un mouvement politique au sens noble du
politique. Rien n’est impossible. Cette année c’est la caravane pour la mémoire et les luttes
dans les quartiers. Il faut savoir que les choses ont évolué. Il faut rendre hommage aux anciens
qui se sont battus. Je pense au MIB, Mouvement de l'Immigration et des Banlieues. Ils se sont
battus contre la double peine des étrangers condamnés pénalement : la prison et la reconduite
au pays. Il n’y avait pas de raison qu’ils soient punis une seconde fois, en étant expulsés. S’ils
ne l’avaient pas fait vous ne seriez pas nés sur le territoire français. Il est important de le
rappeler et de parler de mémoire et de transmission. 2013, c’est une année particulière,
nombre de militants revendiquent la même chose qu’il y a 30 ans : de pouvoir : d’avoir les
mêmes droits que les autres. On n’en veut pas plus mais on en veut surtout pas moins. Il y a
une mémoire, il y a eu des luttes dans ces quartiers qui n’ont pas été retransmises dans les
livres. Il y a une partie de notre jeunesse qui ne sait pas que s’il y a eu des améliorations c’est
grâce à nos parents et nos grands-parents. Je leur rends hommage. Que l’on appelle
aujourd’hui : Chibanis. Je tiens à les remercier et je pense que l’on arrivera jamais à la hauteur
de ce qu’ils ont fait. »
 Gilles Thellier : « Troisième témoignage après la dimension nationale, je vais appeler Jean Paul
Carrère avec les associations avec lesquelles, il a travaillé au sujet d’une étude sur la
coopération associatives. Jean Paul Carrère a l’expérience des politiques conduites localement
dans les quartiers depuis 40 ans. Maintenant, nous allons laisser les perpignanais débattre.
Merci »
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La dynamique associative perpignanaise dans les quartiers
 Jean Paul Carrère : « L’objectif de mon intervention c’est de mettre en lumière les dynamiques
collectives sur Perpignan (que beaucoup d’entre vous connaissent d’ailleurs) et qui sont
représentées par de nombreuses personnes dans cette salle. J’ai travaillé dans ces quartiers
depuis 40 ans en commençant par le Bas Vernet en 1972. Les associations qui intervenaient
dans ces quartiers et qui sont, entre autres, les grandes associations d’éducation populaire
ont souhaité mieux connaitre les dynamiques collectives qu’elles voyaient émerger ces
dernières années. Pour cela on m’a demandé de faire une étude. J’ai donc été rencontrer les
nouvelles associations présentes dans les quartiers populaires de Perpignan. Je ne détaillerai
pas cette étude qui est disponible sur le site du crajep-lr (voir précédemment en bas de la
page 2) et sur le site de la ligue de l’enseignement 66. Donc, j’ai rencontré 17 associations sur
les 20 que j’avais repérées et qui comme par hasard se sont créées après les violences de mai
2005. Je rejoints Mohamed sur le point de la mobilisation des habitants suite aux épisodes de
« révoltes sociales ».
Ce qui fait qu’il y a un certain nombre d’individus, de groupes qui se sont dit après 2005, il
serait temps que l’on s’organise collectivement. Je prendrai le temps de citer ces 17
associations même si elles ne sont pas toutes autour de la table. J’ai rencontré :
 Haut Vernet : Cambiem, Mosaïque du Vernet,
 Moyen Vernet : La Renaissance, Vernet au féminin, Bouge ton quartier
 Bas Vernet : Les Jardins du Bas Vernet, les mamans de l’Enfance, ASCBV, Turkuaz, Solidarité
Féminine, La Roseraie Services
 Champ de Mars : Solidarité Jeunesse Roussillon
 Mailloles : AJC Mailloles/Divers Cité, les Jardins de Mailloles
 Saint Martin : Olympique Club de Perpignan, CREF
 Autres : Citoyens des Quartiers Populaires, Idencité.
La réalité associative perpignanaise dans les quartiers est donc riche. J’ai demandé aujourd’hui à 5
associations d’être présentes. Cambiem qui est une association gitane du Nouveau logis aurait dû s’y
rajouter mais le Président n’a pas pu venir. Je dirai quand même quelques mots de cette association.
Nous avons autour de la table les associations suivantes:
Les mamans de l’enfance, Vernet au féminin, AJC Mailloles, Jeunesse sans frontière (qui vient de se
créer à Saint Martin), Citoyens des quartiers populaires.
Dans les quartiers, il y a des dynamiques collectives, nous n’avons pas que des individus. Des gens
s’organisent. Nous allons passer 20 minutes avec ces associations pour en savoir plus. Qu’est-ce
qu’elles font ? Je vais leur demander de se présenter et de présenter l’association. Mais aussi de dire
ce qu’elles veulent changer et quelles sont leurs valeurs.
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Les mamans de l’enfance, une association sur le Bas Vernet.
 La vice-présidente Nassiba Moulayssouigha : « Notre association a été créée en 2010 par un
groupe de mamans. Nos enfants fréquentent l’école élémentaire du Pont Neuf. On suit le
mouvement (de prise de parole collective) sans le savoir depuis un moment. Parce que si l’on a
créé l’association c’était pour faire changer les choses, pour nos enfants. Parce que l’on
trouvait que ce que l’on nous offrait ce n’était pas comme tous les enfants de tous les autres
quartiers. »
 La trésorière Nadia Hadjaoui : « On avait décidé d’ouvrir cette association pour sortir les
mamans du Bas Vernet, les intégrer à des sorties et manifestations différentes et diverses en
dehors du quartier du Bas Vernet. Chose que les mamans n’avaient pas la possibilité de faire.
Notre but était de faire des sorties avec les familles ; maman, enfant et papa quand il en avait
la possibilité. De leur ouvrir les portes de certains centres d’attraction, de cinéma, de zoo… des
choses que les familles ne pouvaient pas faire parce qu’elles n’étaient pas véhiculées. Les
moyens n’étaient pas adaptés. On essayait de s’organiser des animations pour se rencontrer
entre maman. Là on arrive à faire des manifestations inter quartiers. »
 Jean Paul Carrère : « Quand j’ai rencontré l’association au début, j’ai demandé quel
était son objet. J’y ai passé du temps. Je suis allé à une présentation des activités de
l’association. Il y avait une cinquantaine de personnes, avec des poussettes et des enfants. Au
début, on me dit que l’objet c’est d’organiser des activités familiales. On discute et au bout
d’un moment, on me dit mais ce que l’on veut pour nos enfants, nos familles c’est qu’ils aient
accès aux mêmes services que les enfants qui habitent le quartier du Palais des congrès de
Perpignan. On veut aussi que l’école où vont nos enfants soit à la même hauteur que les autres
écoles et ait la même réputation. L’objet de l’association c’est une volonté de changer un peu
le quotidien et faire en sorte que les familles du quartier du bas Vernet soient au même niveau
que les autres familles.
Association Cambiem au Vernet (Nouveau Logis) :
 Jean-Paul Carrère : Je vais parler très rapidement pour Claude (Antonin Reyes) qui est le
Président d’une association gitane : « Cambiem » du Quartier Nouveau Logis de Perpignan. Ils
sont quelques-uns à avoir créé une association sur ce quartier pour changer le mode de
fonctionnement que l’on peut avoir dans la communauté gitane à Perpignan : « on fonde une
association pour organiser des sorties à Port Aventura ». Quelque fois c’était un peu pour ça.
Je ne veux pas dire que Port Aventura, ça n’est pas des bonnes sorties mais que créer une
association pour ça.. Claude et quelques-uns ont dit : on veut arrêter ce système-là. On veut
vraiment dans le quartier représenter des avis des habitants. Quand les élus viennent et qu’ils
nous questionnent, chacun donne son opinion. A la place ayons une démarche collective, qu’on
en discute ensemble. Voilà l’objet de l’association. Je trouvais cette démarche intéressante.
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Vernet au Féminin à Vernet Salanque :
 Karima Dembri responsable de l’association: l’association a été créée le 15 décembre
2010. On avait eu trois décès dans le quartier, ça a donné naissance à une dynamique où les
familles se sont retrouvées pour s’entre aider. Nous nous sommes aperçus qu’il y avait des
mamans qui ne se connaissaient absolument pas. Pendant plus de cinq jours des repas ont été
organisés, des garages ont été prêtés. Il s’est créé un lien social que l’on a décidé de perdurer.
Au début on se réunissait par petit groupe dans la rue. Enfin un public féminin car on s’adresse
surtout aux mamans et aux jeunes filles. Aujourd’hui, on a plus de 100 familles. Les mamans
participent aux ateliers coutures, cuisines, animation sociale culturelle et une équipe de
football. Une équipe de foot dans un quartier ça a été un peu compliqué au début. Pour notre
première année de football, on a été championnes. Cette association émane de l’idée des
mamans. C’est ce qui fait qu’elle perdure et marche. On ne force personne, les idées partent
des mamans, nous essayons de réaliser avec elles ce qui est possible. On essaie de créer des
projets et développer le lien social. On est vraiment sur le développement du lien social. Je
tenais aussi à vous dire que aussi que nous avons été lauréates du prix « talent des cités ». Ce
qui est important à dire c’est que pour une petite association, on est montées au Sénat. C’est
vrai que pour nous c’est une nouvelle image de la femme de quartier et une valorisation pour
l’association. »
 Jean Paul Carrère : « Karima m’a dit : l’association a vraiment pris ses marques quand
on a eu le prix talent des cités et des financements de la fondation de France. J’insiste làdessus car les associations ne peuvent pas se permettre de le dire, moi oui. Sur le territoire
Perpignanais quand on est une association on est plus ou moins obligé de dire de quel côté on
est. Ça c’est redoutable pour une association car elle représente des habitants, des opinions,
des points de vue divers. Le fait d’avoir un financement qui n’était pas Perpignanais, pas
départemental, pas régional, a permis d’asseoir la crédibilité de l’association et donc elle a pu
exister et être plus libre avec les différentes collectivités et institutions. C’est quelque chose qui
m’a à chaque fois été dit quand j’ai fait l’étude auprès des associations : « on est obligé à un
moment donné de négocier. On est l’objet de pressions des uns et des autres. Ce qui n’est pas
très sain pour la vie démocratique. Je trouve que les associations s’en tirent bien parce qu’elles
ne sont pas dupes. Chacun trouve sa stratégie et arrive, je le constate, à garder une certaine
indépendance d’esprit au moins. Ce qui est important pour être crédible auprès des gens des
quartiers. Je voudrai souligner le rôle important des équipements sociaux de proximité que
sont les centres sociaux, les maisons de quartier… qui ont servi d’aide à la création de ces
associations et cela de manière indépendante.
AJC Mailloles junior association de la Cité Ensoleillée
 Monaim Taharraste (18ans) le Président de l’association AJC Mailloles : « On existe
depuis 2004. Je suis la 3ème génération de l’association. Au départ cette association était créée
pour la citoyenneté. On a été à Paris, au Sénat, à Bruxelles, à New York, à Washington. Nous
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avons rencontré tous ces députés pour en savoir plus sur ce qu’était l’organisation politique.
On est partis l’année dernière à Marrakech, rencontrer d’autres associations dans le cadre
d’échange de jeunes. Nous avons aussi un projet humanitaire sur la santé : la mucoviscidose.
C’est pour sensibiliser à cette maladie qui existe et que les gens ne connaissent pas. Il est
important de donner pour trouver un remède. C’est pour cela que je me bats et que je suis là
aujourd’hui. »
 Jean Paul Carrère : « Il y a une tombola pour la mucoviscidose. Ce qui est important
pour cette association c’est le fait d’être une association junior. C’est la troisième génération.
C’est-à-dire des mineurs qui s’organisent. Il y a un tutorat. Au fur et à mesure que les jeunes
arrivent à 18 ans, ils sont remplacés par une autre équipe. Comme ça, il y a des générations de
jeunes qui passent et s’initient à des attitudes citoyennes et à des engagements collectifs. Avec
les Francas, ils préparent une structure associative pour les tous petits. C’est très original ce
travail en chaîne.
Association Jeunesse sans frontières de Saint Martin
 Abdel Kadouri membre de l’association jeunes sans frontières : « l’association est née
en novembre 2012, en fait c’est nous qui nous sommes pris en main car on n’avait qu’une
association sportive dans le quartier et pas d’autres moyens de se regrouper. Cette
association c’est pour faire des activités, sortir les jeunes des quartiers, essayer de faire des
projets avec d’autres associations et voir ce que d’autres font. La génération 90, on a été un
peu délaissé. On fait face à des discriminations, à de la déscolarisation… L’objectif c’est de
lutter contre les discriminations. Nous allons chercher des soutiens dans les collectivités, les
mairies et tout ça… »
 Jean Paul Carrère : « Abdel a participé à la table ronde où il témoignait des
discriminations à l’emploi. Ensuite Jeunes sans frontières, c’est la 2ème fois qu’ils participent à
l’organisation de soirée de ce type avec l’association des quartiers populaires.
Citoyens des Quartiers Populaires de Perpignan
 Nadia Zouala présidente de l’association Citoyen des Quartiers Populaires : « Citoyen
des Quartiers Populaires est officielle depuis 2009, les membres fondateurs de cette
association faisaient partie du comité institutionnel qui a été fondé par l’Etat et la ville après
les émeutes de 2005. Ce comité se réunissait régulièrement pour réfléchir sur l’engagement
citoyen, et la lutte contre les discriminations. Au bout de quelques temps, ce comité s’est
effacé et ses membres ont décidé de poursuivre leur lutte en créant cette association. Le but
de notre association c’est de promouvoir la parole des habitants. Aujourd’hui, on peut dire que
notre association a atteint son objectif. Puisque nous avons réussi à fédérer toutes ces
associations. »
 Jean Paul Carrère : « La force du lien entre les quartiers, c’est aussi, à titre d’exemple, la
création aussi d’une association : Niyat (bonne intention) qui mutualise les moyens de toutes
les autres. Une association inter quartiers : qui peut répondre de manière solidaire à un besoin
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d’une famille (à l’occasion d’un deuil) sur Perpignan. Cet exemple montre la capacité des
habitants à se mobiliser. Je tiens à dire mon admiration pour la dynamique associative de ces
quartiers. Les familles qui y habitent n’y vivent pas de manière très facile. Les habitants
pourraient très vite se laisser aller à une sorte de fatalisme mais non, il y a de l’énergie : Nous
nous en sortirons si nous nous mobilisons, il faut que les affaires des habitants des quartiers
soient prises en main par les habitants des quartiers. A Perpignan, il y a une dynamique. Celle
ci est rarement considérée et reconnue et n’est pas toujours favorisée par les instances qui
dirigent. Elles voient d’un mauvais œil que les gens deviennent autonomes et puissent dire des
choses par eux-mêmes. Mais continuez, continuons, dans tous les cas, nous serons avec vous.
Merci ! »
Débat avec la salle :
 Gilles Thellier : « Il y a déjà une petite synthèse qui a été faites par rapport aux actions
conduites sur la ville de Perpignan par J.P. Carrère. Maintenant, on va faire circuler la parole.
Le combat pour l’égalité des droits n’est pas encore terminé. Les personnes qui sont là, vont
répondre à vos questions. La parole est à la salle. Dites à qui vous posez la question. »
 1ère question de la salle : « Je pose la question à tout le monde. C’est sur deux choses :
le local et le national. Je suis à Saint Jacques depuis 2 ans. Je milite dans beaucoup
d’associations ; sur la Palestine et autre chose. Je voulais vous interpeller au sujet du Musée
de la honte qui s’est ouvert à Perpignan. On était 40 pour manifester contre le Musée de
l’Algérie Française et des français d’Algérie. Financé par moitié par la ville de Perpignan et
l’Etat et inauguré par Gérard Longuet. J’ai deux enfants, deux garçons qui vont aller à l’école
dans pas très longtemps. Il est question de les envoyer avec leurs professeurs visiter ce musée.
Ce musée c’est les bienfaits de la colonisation, il n’y a aucune trace des massacres. Le cercle
algérianiste gère ce musée, ça me révolte. Je pense que les Perpignanais ne savent pas que
leurs impôts ont été là-dedans. Nationalement, j’aimerai que les associations de quartier se
bougent sur les questions d’islamophobie ambiante. Il y a eu des actes islamophobes sur des
femmes musulmanes qui portaient le voile à Béziers et sur des hommes aussi. Dernièrement
trois sœurs ont été agressées à Argenteuil. C’est deux poids et deux mesures dans ce pays.
Demain, une femme chrétienne ou une religieuse ou une femme lambda se fait agresser, vous
allez voir les médias, le Ministre de l’intérieur qui va réagir. Et là se sont des femmes
musulmanes et le Ministre de l’intérieur n’a pas eu de réaction. Le soit disant conseil
consultatif des musulmans de France n’a pas réagi. Le collectif des femmes pour l’égalité a fait
un communiqué comme l’Union Juive Française pour la Paix (UJFP). Je ne vais pas vous le lire
pour ne pas mobiliser la parole. On est capable de faire passer les médias sur la tuerie de
Toulouse, les assassinats monstrueux au sein de la communauté juive en France. Mais sur ces
agressions-là, où une femme a perdu son bébé de trois mois, rien. On a remis sa parole en
doute, les médias, la mairie. On lui a dit de calmer le jeu pour ne pas faire d’émeutes. Restez
tranquille. »
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 M. Mechmache : « Ce que tu évoques, je le partage au sujet du sentiment de deux
poids et de deux mesures. On en est conscients. On sait qu’aujourd’hui il y a quelque chose de
récurrent notamment, reconnaitre cette histoire d’islamophobie. Le discours politique a du mal
à dénoncer. Pour ma part, il m’a été donné la mission par le Ministre de la ville, de travailler
sur la participation des habitants. Comment faire en sorte que les habitants puissent participer
pour avoir le pouvoir d’agir. Ce que vous avez évoqué tout à l’heure, il va y avoir des
propositions qui vont aller dans ce sens. Il y aura des financements pour les habitants de
quartier autour de projets. Pour Argenteuil, ça fait une semaine entre le ministère de
l’intérieur et Argenteuil que j’interviens, parce que j’ai des interlocuteurs, pour dire que c’est
gravissime. On est à la porte d’une crise politique dans les quartiers, c’est le fruit de
l’exclusion. Il y a une catégorie d’habitants qui n’ont plus place pourtant ils sont français à part
entière. Ils aimeraient avoir le même droit commun. Il y a des avancées le Préfet a reçu la
famille et le lendemain le chef de cabinet de Valls. Ça ne suffit pas, je pense qu’aujourd’hui on
a besoin d’entendre les paroles d’un Ministre ou du Président qui dirait si on touche à une
citoyenne française, qu’elle soit musulmane, juive,… on touche à la République. Tout
simplement pour éviter une crise politique. »
 Autre intervention à la tribune : « je voudrais réagir par rapport aux médias.
Aujourd’hui c’est une journée contre la discrimination. On ne peut pas parler de discrimination
sans parler de médias. Quand on regarde la TV même moi, j’ai peur des quartiers populaires !.
Pour quelqu’un qui ne connait pas, c’est normal que ça fasse peur. A un moment donné, on se
pose la question : qu’est-ce que l’on fait. C’est ça le but des associations pour faire des
journées comme aujourd’hui, travailler avec les collectifs. C’est comme cela que nous ferons
évoluer les mentalités.
 2ème question : « Bonjour, je pose la question à Mme Messaoudi. Moi je ne connais pas
l’histoire de France. En 1983, quel était le Président ?
 S. Messaoudi : « c’était le Président François Mitterrand, le parti socialiste. »
 La Présidente des Citoyens des Quartiers Populaires : « C’est important ce que dit la
dame ici. Beaucoup ne connaissent pas l’histoire de la France. Notre association c’est aussi le
devoir de transmettre à nos enfants et puis aux habitants des quartiers populaires l’histoire de
la France. Dans les livres scolaires, il manque beaucoup, beaucoup de choses qui ne sont pas
étudiées. C’est à travers mon militantisme que j’ai découvert l’histoire de la France et pas à
l’école.
 3ème question : « Je voudrais savoir s’il y a quelqu’un qui représente la Municipalité de
Perpignan ? »
 Gilles Thellier : « pas ici Madame, mais dans l’assemblée il y a quelqu’un. Je ne voudrai
pas que l’on tombe dans un débat, voilà… »
 L’habitante : « Non mais ça n’est pas pour ça Monsieur, c’est savoir si dans la
municipalité on connaissait les associations qui travaillent sur la discrimination. Je ne sais pas
si je m’exprime bien ».
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 Gilles Thellier : « Vous voulez savoir si la municipalité reconnaissait leur combat ? »
 L’habitante : « oui ! »
 Gilles Thellier : « On ne va pas créer de débat sur ce sujet. Madame va vous donner des
éléments de réponses qui sont les siens. Je ne sais pas si elle engage la Municipalité derrière. »
 La salle : « Je voudrais m’exprimer en tant qu’élue. Je ne représente pas la municipalité
de Perpignan car je suis conseillère municipale d’opposition. Ca fait plusieurs années que je
participe à vos réunions. Ce que je trouve de marquant c’est la vitalité du mouvement
associatif. Ce qu’il y a intéressant c’est qu’il permet à tous les citoyens de pouvoir participer à
la vie publique. La voie associative peut préparer un certain nombre à un aboutissement
politique qui est important et nécessaire. Et c’est vrai que le tableau qui a été dressé est signe
du dynamisme et je l’espère d’éviter les émeutes de 2005. »
 M. Mechmache : « Je voudrais rebondir. Tout à l’heure dans ma présentation, je vous ai
dit qu’en 2005, il n’était pas question d’émeute mais de révolte sociale. Croyez-moi, la
sémantique est importante. Si vous parlez d’émeute et que vous allez voir dans un
dictionnaire, vous comprendrez. Une révolte sociale car les conditions de vie étaient
intolérables. Les gens se sont automutilés. Comme quand il y a quelqu’un qui ne va pas bien et
qui fait une tentative de suicide, pour expliquer aux autres qu’il ne va pas bien. Les révoltes en
2005 n’ont pas duré une nuit dans un quartier mais 21 nuits dans toute la France. Rappelezvous l’état de siège a été décrété pour régler le problème, comme pendant la guerre et à
Nouméa. Quand les pêcheurs sont montés au parlement européen on a qualifié, ça de
pêcheurs en colère. Par contre quand c’est les jeunes c’est tout de suite des gens violents et
tout le reste. Maintenant sur les gouvernements qui se sont succédés. Il y a un partage des
pouvoirs. Des choses ont été faites et d’autre pas. D’autres ont aussi parlé d’identité nationale.
Si on cherche, on finira par trouver d’un côté comme de l’autre des choses. Maintenant c’est
simplement se dire qu’est-ce que nous faisons pour que les choses changent ? On n’est pas un
problème mais une partie de la solution. Quand on parle du vivre ensemble, j’ai envie d’aller
plus loin que le vivre ensemble. J’ai envie de rappeler à des gens, qu’il y a des gens qui sont
morts ensemble. On a dépassé le vivre ensemble. Quand on est mort ensemble c’est qu’il y a
des gens de couleurs, de religions différentes qui ont décidé de combattre ensemble. On a fait
pas mal de tables rondes sur ce sujet. On va rendre un rapport le 8 juillet sur les enjeux
essentiels. Si ce rapport est accepté, ça va faire changer les choses au sujet de la démocratie
participative des habitants. Redonner du sens à la citoyenneté, les habitants du coup vont
pouvoir décider. »
 S. Messaoudi : « Je voudrais répondre au Monsieur, sur le Musée local ici à Perpignan.
Tout à l’heure, l’histoire de la mort ensemble, le vivre ensemble, ça fait penser à l’égalité. Il y a
la réalité du passé colonial de la France. Quand dans les manuels scolaires, il n’apparait pas
cette histoire commune d’un passé colonial, qu’est-ce que l’on peut dire aux élèves ? Le passé
colonial n’est pas glorifiant pour la France. L’empire colonial est monstrueux. Mon rapport à
l’universalité me fait penser que le colonialisme est une injustice totale. L’égalité pour moi
n’est pas qu’une expression, le droit de vote. Je sais que l’histoire de Perpignan c’est aussi une
histoire d’exil. Il y a eu des vagues de communautés étrangères qui se sont installées sur ce
territoire. Il serait intéressant de faire un musée de la diversité, plutôt qu’un musée à la gloire
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du passé colonial. Mon association, Au nom de la mémoire et d’autres ont commencé à lancer
un appel pour dénoncer ces musées et aussi les stèles. La vigilance des citoyens c’est de
dénoncer ce qui se dit là, d’un passé colonial. Ne pas le reconnaitre, c’est ne pas reconnaitre
l’histoire de la vague d’immigration dans ce pays. La France s’est forgée avec les flux
migratoires. Ça doit s’inscrire dans la vie citoyenne, éducative dans les manuels scolaires. »
 Autre question de la salle : « Bonjour, je suis le porte-parole des jeunes démocrates. Je
vais vous faire une suggestion. 1er point : L’état devrait arrêter de déverser des millions dans
les banlieues pour la rénovation et plutôt soutenir les entreprises et les petits commerces.
Dans les banlieues, la plupart des gens veulent devenir entrepreneurs. C’est pour cacher la
misère. Il faut soutenir les projets dans les entreprises.
2ème point, un message d’espoir, ce pays s’est construit sur l’immigration. Quand les espagnols
et les italiens sont arrivés ils ont été victimes de racisme et mis dans des camps. Je pense au
camp de Rivesaltes. Il a fallu des générations pour que le racisme se dissipe. Je pense que pour
la population magrébine ça sera pareil. Il faut être patient. »
 A la tribune : « Monsieur je ne sais pas si vous mesurez ce que certains peuples
subissent à longueur de journée. Dans l’histoire de France, il y a la réponse à votre question.
 M. Mechmache : « Ne penses-tu pas qu’il y a de l’espoir dans ce qui s’organise à
Perpignan ? S’il se passe ça c’est que les gens ont compris. Si le droit commun avait été installé
dès le départ on n’en serait pas là à rééquilibrer les choses. Sur l’entreprenariat, je suis
d’accord avec toi. C’est une manière de sortir du quartier. Le problème c’est qu’aujourd’hui
l’entreprenariat ça n’est pas le collectif. On veut rendre l’entrepreneur individualiste et ça ne
tire pas les autres vers le haut. Moi je suis d’accord avec l’entreprenariat à condition que ça
devienne collectif. Les entreprises doivent prendre en charge ceux qui à côté ne peuvent pas
faire autre chose.
 Autre question dans la salle : L’islamophobie, je pense que ça n’est pas le bon terme
parce que ça n’est pas une maladie mais du racisme. Racisme qui prétend que tous les arabes
sont des gens avec la religion de l’islam. Or tout simplement c’est un choix de certains
individus de rejeter les autres. En second, je crois que les subventions aux associations sont le
nerf de la guerre pour créer des emplois, donner des moyens aux quartiers. Elles servent
malheureusement de pression sur les associations. Chaque papa, chaque association a un rôle
à jouer auprès des enfants. Il y a des choses qui doivent se porter ainsi. On ne peut pas tout
attendre de l’éducation nationale et de ses enseignants. Je suis un ancien enseignant. Nous
n’avons pas besoin de paroles mais d’actes. »
 Gilles Thellier : d’autres questions ?
 Une autre question dans la salle : « je vais poser la question à Mme Messaoudi. Est-ce
qu’il n’y a pas quelque chose à faire pour que les jeunes des quartiers s’intéressent aux
médias ? 1 une action spécifique à destination des jeunes, En second, est-ce que les
associations n’ont pas intérêt à communiquer au-delà du quartier pour se faire connaitre ? »
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 S. Messaoudi : « Je donne des cours de journalisme dans ce que l’on appelle la presse
parlée. Je suis journaliste de radio. Dans ce centre de formation qui n’est pas banal puisque
c’est le centre de formation du journalisme, rue du Louvre à Paris. Ca n’est pas rien. Selon leurs
statistiques, ils forment la moitié des journalistes de France. 2 ème centre après celui de Lille.
Dans la session de cette année, la moitié des journalistes venait des quartiers. Ce qui signifie
qu’il y a une envie de faire de la radio et je crois qu’il y en a de plus en plus. Quand je lis un
article, je regarde au bas, la consonance du non de l’auteur. Il y a de plus en plus de noms à
consonance étrangère. Il y a une volonté de travailler sur toutes les questions et pas seulement
celles des banlieues ou d’immigration. Là aussi ça devient une marginalité insupportable. Moi,
j’étais dans un journal féminin Français. De plus en plus le métier de journaliste et d’autres
sont ouverts à des gens de toutes origines.
Rachid Ahrab nous a raconté la galère qu’il a eu. Des sacs postaux d’insultes car ça n’est pas
un arabe qui va faire le journal télévisé. C’était monstrueux. Le média c’est le sensationnel. Les
jeunes filles d’Argenteuil ont fait trois minutes, dans les médias alors que ça méritait plus de
trois minutes. Les médias sont importants dans nos vies. Tous les gens regardent le 20h même
cinq minutes. En 2005, tu retenais ce qui c’était passé dans les quartiers. A un moment donné,
l’info est essentielle et on a un rôle important. C’est une responsabilité de donner
l’information. »
 Gilles Thellier : Une dernière question ?
 La salle : Bonjour ce que je viens d’écouter c’est ce que l’on entend toujours dans les
associations. Les débats, les conférences, c’est un état dans les quartiers qui est toujours le
même. Que ça soit la droite ou la gauche qui passe. Aujourd’hui les habitants des quartiers
devraient militer pour l’engagement politique. C’est-à-dire de directement faire des listes. Un
message à faire passer à ceux qui restent dans cette victimisation. Arrêtez de laisser les gens
penser à notre place. Il y aura intégration quand on cessera de parler d’intégration. On est à la
troisième génération, bientôt la quatrième. On parle la langue, on est loyal, on reste la loi. »
 M. Mechmache : « Les médias en deux mots pas de l’information mais de l’orientation.
Il y en a qui s’organise. Il y a aussi le net où les gens communiquent ce qui ne se dit pas. Les
quartiers ne sont pas des déserts politiques. Ceux qui sont issus du milieu associatif c’est une
bonne école à un moment donné, ils vont passer à autre chose. On n’est pas un problème mais
une partie de la solution. AC LEFEU a gardé le cap promouvoir la citoyenneté, réveiller les
consciences, faire en sorte que les gens s’inscrivent sur les listes électorales. On est aussi
capables de se présenter à des échéances. On a franchi le palier. On s’est dit il faut y aller.
Résultat on a fini 2ème force de la ville aux législatives. En 2008, nous avons un mouvement qui
s’appelle « Emergence », parce que l’on n’est plus dans des revendications ; mais j’ai des idées
je vais les transmettre moi-même. Nous avons un mouvement avec 5 délégations (délégations
données par le Maire aux élus). Ça n’est pas de la victimisation. On est force de proposition.
Vous avez des gens à Emergence qui s’organisent pour changer les choses. C’est la possibilité
d’être aux manettes. »
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 Gilles Thellier : « Merci ! La dernière intervention était intéressante. Il n’y a pas
d’opposition entre l’engagement associatif et l’engagement politique. Il y a une dimension
politique dans l’engagement associatif. Au sens où quand on milite pour une association on
milite pour le bien de la cité. L’engagement politique est souvent considéré comme un
engagement politicien. Il reste du travail pour que tous les groupes sociaux soient à égalité de
droit. Ils ne sont pas des victimes mais des acteurs de la vie publique. »
Nadia Baklouch conclut la soirée en invitant les participants à un buffet et une soirée amicale
et festive.
Nos remerciements pour leur participation précieuse à l’organisation de cette soirée-débat :
La CASA MUSICALE,
L’Institut Jean-Vigo,
Les associations :
AJC Mailloles
Les mamans de l’enfance
Vernet au Féminin
Jeunesse Sans Frontière,
Le délégué Départemental des défenseurs des droits
Jean-Paul Carrère
Mohammed Mechmache et le Collectif AC LEFEU
Samia Messaoudi journaliste et écrivaine
Ainsi que :
La Préfecture des P.O
La Ville de Perpignan
La DRJSCS
------------------------------------------------------CQPP – Citoyens des Quartiers Populaires,
Siège social : 11 RUE DES CARMES
66000 PERPIGNAN
Adresse correspondance : 65 rue Louise Michel
66330 Cabestany
adresse mail : [email protected]
Contact : Nadia Baklouch
Chargée de la Communication de l'association
Tel. : 06 13 67 66 68
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Avec le soutien de la Préfecture des Pyrénées Orientales, de la Ville de Perpignan, La DRJSCS et de la
CAF.