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Le vieux maçon et la grâce, 14
L’ange du Seigneur posa son regard sur le maçon et garda le silence. Le maçon, ne sachant quelle
attitude avoir et trouvant ce silence gênant risqua une question.
« Qu’est-ce que cette puissante forteresse de laquelle vous sortez ?
- Elle représente la demeure de Dieu dans ton âme. C’est là que tu peux Le rencontrer et Lui parler,
c’est le château de l’âme dont parle sainte Thérèse d’Avila. Notre Seigneur l’a évoqué dans l’Evangile
lorsqu’Il a dit : Toi, quand tu pries, entre dans ta chambre et, ayant fermé ta porte, prie ton Père qui
est dans le secret, et ton Père qui voit dans le secret te donnera en retour (Mt 6,6). Tant que tu ne
chercheras pas à entrer dans ton âme, tu éprouveras de grandes difficultés dans la prière. Hélas, ce
siècle ne favorise pas l’intimité avec Dieu et en multiplie les obstacles, même dans la sainte Eglise.
Ainsi par exemple, certains fidèles arrivent systématiquement en retard à la messe dominicale et,
de ce fait, se privent volontairement de la préparation de leur âme à la rencontre avec Dieu. On ne
plonge pas dans la prière comme dans une piscine ; il faut un temps de silence et de recueillement
pour s’y préparer. Même dans les églises, avant la messe qui est le moment privilégié où on se
prépare à rencontrer Dieu, il faut que vous polluiez cet instant par d’incessants bavardages avec le
voisin ou la voisine, comme si l’église était un lieu mondain de rencontres. De ce fait, vous vous
interdisez mutuellement de rencontrer votre Dieu, et par le bruit occasionné par vos discussions,
vous empêchez les rares fidèles qui le désirent à entrer dans l’intimité de leur âme. Je connais un
prêtre qui, pour se recueillir avant la messe, était obligé de sortir de son église ! Avoue que c’est un
comble ! La liturgie de la messe permet cette rencontre sublime, mais elle suppose un minimum de
recueillement. Sa dynamique vous fait entrer progressivement dans le mystère qui est célébré pour
aboutir au point culminant que sont la consécration et la communion. Mais là encore, vous vous êtes
arrangés pour que la dissipation fasse son œuvre, particulièrement au moment de l’offerte vobis
pacem qui est le moment de l’échange de la paix. En soi, cette habitude est loin d’être mauvaise,
mais elle est devenue un prétexte à la distraction.
- Vous pensez qu’il faudrait supprimer l’échange de la paix ?
- Non, mais le faire de manière plus convenable. Dans son livre de 2001, L’esprit de la Liturgie (Ad
Solem), le cardinal Joseph Ratzinger, futur Pape Benoît XVI, regrette que l’échange du signe de paix
génère une certaine agitation parmi les fidèles. Souhaitant modérer ce geste, qui peut prendre des
expressions excessives, suscitant un peu de confusion dans l’assemblée juste avant la communion,
Benoît XVI a donc demandé dans l’exhortation apostolique Sacramentum Caritatis, d’étudier la
possibilité de placer le geste de paix à un autre moment, par exemple avant la présentation des dons
à l’autel, comme cela se faisait à l’origine. Ce n’est pas le texte de l’ordo missae actuel qu’il faut
réformer ; ce sont les pratiques des paroisses. Cette monition, offerte vobis pacem, est non
seulement optionnelle, mais en plus elle n’implique nullement que cela sous entende des effusions.
L’habitude même de se serrer la main en disant la paix du Christ n’est pas mentionnée. La rubrique
du missel indique qu’il faut que le geste soit sobre. L’intention d’inviter les fidèles à la paix dans la
messe de Paul VI n’est pas sans intérêt. Ce geste de réconciliation répond à l’injonction du Christ : Si
donc tu présentes ton offrande à l'autel, et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose
contre toi, laisse là ton offrande devant l'autel, et va d'abord te réconcilier avec ton frère (Mt 5, 2324). Dans la liturgie, il suit le souhait qu’adresse le prêtre aux fidèles : « Que la paix du Seigneur soit
toujours avec vous. » C’est bien de la paix du Seigneur dont il est question, et non d’une simple
réconciliation d’homme à homme. Le fait que le baiser de paix parte du prêtre (en l’occurrence le
Christ) donne au geste de transmission de proche en proche un sens symbolique beaucoup plus fort.
C’est la paix du Seigneur qui se communique. Dans la lettre du préfet de la congrégation en charge
de la liturgie, le cardinal Antonio Cañizares Llovera, il est précisé que le dicastère s’est ainsi adressé
aux conférences épiscopales pour étudier cette problématique. Il s’agissait d’avoir leur avis sur le
maintien ou non du signe de la paix avant la communion, afin d’améliorer la compréhension et le
déroulement de ce geste. Après une profonde réflexion, il est apparu convenable de maintenir le rite
de la paix à sa place traditionnelle et de ne pas introduire de changements structurels dans le missel
romain, lit-on dans cette circulaire. Plusieurs autres dispositions pratiques sont également
mentionnées, afin de mieux exprimer ce signe et de modérer les excès qui suscitent de la confusion
dans l’assemblée liturgique juste avant la communion. La lettre souligne ainsi que ce geste n’est pas
obligatoire, qu’il peut être omis, et qu’il doit même l’être dans certains cas. La paix doit se donner
par des gestes appropriés et il convient au besoin de changer les nouvelles éditions du missel dans
les pays où des gestes profanes auraient été adoptés pour le signe de la paix. D’autres abus devront
être évités : la missive demande ainsi de ne pas introduire de chant de paix, comme par exemple
pour la France : la paix, elle aura ton visage, que les fidèles ne se déplacent pas au moment de ce
geste ou encore que le prêtre ne quitte pas l’autel pour aller donner la paix à quelques fidèles.
Comme tu peux donc le remarquer, il y a encore beaucoup à faire dans ce domaine, et c’est la raison
pour laquelle certains prêtres omettent ce geste au cours de la messe. »
Notre maçon, dont l’esprit avait à peine effleuré la question du recueillement depuis des années, se
rendait compte qu’il y avait là une grave lacune dans sa vie spirituelle. Pour lui, être catholique
signifiait agir, faire, aider les autres, être charitable et généreux, avoir le souci des autres... Le reste
le dépassait un peu. Il lui revint alors en mémoire cette phrase de saint Paul : ce n’est plus moi qui
vis, mais le Christ qui vit en moi (Ga 2,20).
L’ange poursuivit :
« Le chant grégorien, c’est l’oraison qui s’est faite musique (Henri Potiron, à l’occasion de l’éloge
funèbre de dom Mocquereau en 1930). Or, vous avez également supprimé de vos messes ce trésor
incomparable de vie spirituelle qu’est le chant grégorien qui aide, par son rythme et sa mélodie, à
entrer dans la prière et à goûter le sens du sacré. Vous l’avez remplacé par des cantiques dont les
paroles sont souvent, hélas, ni édifiantes ni fidèles à la liturgie, et dont bien souvent la mélodie et le
rythme ne permettent ni de vous recueillir ni de prier.
- Permettez-moi de vous interrompre, mais franchement, le latin n’est ni compris ni aimé
aujourd’hui ! Vous ne voulez tout de même pas que nous revenions à une pratique d’un autre âge,
inadaptée à la jeunesse et en décalage avec le siècle! »
La suite après les fêtes de Noël…