traduction de l`arabe vers l`allemand

Transcription

traduction de l`arabe vers l`allemand
Traduire en Méditerranée
TRADUCTION DE L’ARABE VERS L’ALLEMAND
Dans le cadre de l’état des lieux de la traduction en Méditerranée, coproduit par la Fondation Anna Lindh et Transeuropéennes en 2010
Collecte des données, analyse et rédaction
Mona Naggar
© Transeuropéennes, Paris & Fondation Anna Lindh, Alexandrie - 2011
Préambule
La présente étude est réalisée par Transeuropéennes en partenariat avec la Fondation Anna Lindh
(Traduire en Méditerranée). Elle est une composante du premier état des lieux de la traduction en
Méditerranée que conduisent à partir de 2010 Transeuropéennes et la Fondation Anna Lindh
(programme euro-méditerranéen pour la traduction), en partenariat avec plus d’une quinzaine
d’organisations de toute l’Union pour la Méditerranée.
Partageant une même vision ample de la traduction, du rôle central qu’elle doit jouer dans les
relations euro-méditerranéennes, dans l’enrichissement des langues, dans le développement des
sociétés, dans la production et la circulation des savoirs et des imaginaires, les partenaires réunis
dans ce projet prendront appui sur cet état des lieux pour proposer et construire des actions de
long terme.
Introduction
La traduction de l’arabe vers l’allemand joue un rôle marginal dans la vie intellectuelle des
pays de langue allemande ainsi que dans le monde de l’édition. C’est ce que montrent les
sources disponibles : il n’y a en effet pas de bibliographie complète recensant les ouvrages
arabes traduits vers l’allemand. Des efforts ont été déployés dans le cadre de la collecte des
traductions littéraires1 et certains travaux ont une orientation orientaliste. Nous notons
également l’absence de données chiffrées en ce qui concerne la traduction à partir de l’arabe,
tout comme le manque d’analyse sur la réalité de la traduction à partir de l’arabe, mis à part
quelques articles de journaux. L’image véhiculée dans les médias est faussée : en effet, les
journaux et les débats télévisés en relation avec le monde arabe et l’islam monopolisent les
sujets de discussion, sans que cela ne signifie pour autant l’augmentation de l’intérêt des
lecteurs pour l’acquisition d’ouvrages traduits de l’arabe ou celui des maisons d’édition de
langue allemande pour la publication d’ouvrages de la pensée issue de cette région du
monde.
Aperçu historique
Dans les universités allemandes, l’intérêt pour la langue arabe est né au milieu du XVIe
siècle, avec l’enseignement de cette langue ; elle faisait alors partie du programme
d’enseignement de la théologie chrétienne et de l’étude de la Bible dans les instituts de
théologie.2 Les études arabes et orientales ont commencé, petit à petit, à devenir
indépendantes de la théologie au XIXe siècle, jusqu’à constituer un objet d’étude en soi.
Pendant de nombreuses décennies, les études islamiques et arabes en Allemagne se
caractérisaient par l’accent mis sur l’aspect linguistique, jusqu’à englober, plus tard, l’intérêt
pour l’histoire.
Il est possible de voir en Johann Jakob Reiske (1716-1774) le premier chercheur allemand en
langue arabe et le premier traducteur sérieux de l’arabe. Le parcours de Reiske était très
éloigné de la théologie et il est considéré, aujourd’hui, comme le fondateur des études
arabes en Allemagne. Il a traduit vers le latin les écrits du célèbre poète omeyyade Jarîr, ainsi
que La ferveur (‫)الحماسة‬, diwân (recueil) du poète abbasside al-Bahtarî, toujours à partir du
1Revue
Pensée et art (Fikrun wa Fann): « Prospection analytique des ouvrages littéraires contemporains traduits de l’arabe
vers l’allemand – du début des années 80 à 2004 », numéro. 79, 2004.
2 Johann Fuck, Histoire du mouvement orientaliste. Les études arabes et islamiques en Europe jusqu’au début du XXe siècle.
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latin. Reiske s’est tout particulièrement intéressé à la poésie pré-islamique et aux mo’allaqât.3
Vers la fin de sa vie, Reiske a été nommé professeur d’arabe à l’université de Leipzig, ouvrant
ainsi la voie, dans cette université, à l’enseignement des études arabes.
L’intérêt porté par les chercheurs allemands au Coran en tant que dénominateur commun
ainsi qu’à sa traduction vers l’allemand a débuté au milieu du XVIIe siècle et subsiste jusqu’à
ce jour. En 1694, une édition arabe du Coran est publiée à Hambourg par le prêtre Abraham
Hinckelmann. Cette édition a joué un rôle important et a circulé dans le marché du livre
européen au cours des siècles passés. Elle comprenait une introduction, en latin, sur
l’importance de la littérature et de la langue arabes dans les études consacrées à la Bible. Le
spécialiste en langues orientales et poète allemand Friedrich Rückert (1788-1866) s’en servit
pour sa traduction allemande de passages du Coran. La traduction de Rückert était la
septième du genre mais elle s’est caractérisée par sa poésie et par sa tentative de privilégier
l’aspect littéraire du Coran, ce qui lui a valu une large diffusion, encore de mise de nos jours.
Rückert s’est également consacré à la traduction vers l’allemand de travaux littéraires arabes
classiques, telles les Maqâmât d’al-Hariri, parues en 1829, republiées à plusieurs reprises et
toujours en circulation aujourd’hui.
La première traduction allemande du Coran, parue en 1772, est le fait du chercheur David
Friedrich Megerlin, apparue dans le contexte du débat chrétien contre l’islam. Cette
traduction n’a pas reçu d’échos favorables et l’un de ses critiques était le chercheur et
célèbre poète Johann Wolfgang von Goethe, qui a exprimé son souhait de voir une nouvelle
traduction, qui soit meilleure. Ainsi, la traduction de référence utilisée par Goethe lors de sa
rédaction du Divan oriental occidental (West-östlicher Diwan) est celle, faite en anglais, par
George Sale en 1734.
Le nom de Johann Wolfgang von Goethe (1749-1856) est sans doute le nom allemand le plus
lié aux mondes arabe et persan, qui connaissait des rudiments d’arabe. Il était passionné par
la poésie arabe et cela s’en ressent de façon évidente dans ses écrits originaux. En 1783,
Goethe et le poète allemand Herder traduisent vers l’allemand les sept mo’allaqât, à partir de
traductions latines et anglaises.
Un autre personnage central dans le monde des études arabes est le chercheur et
traducteur autrichien Josef von Hammer-Purgstall (1856-1774) qui a publié, en 1823, une
traduction allemande des Mille et une nuits et qui est l’auteur d’un ouvrage sur l’histoire de la
littérature arabe « de ses débuts jusqu’au 12e siècle après l’Hégire ».
La période transitoire
La traduction de l’arabe s’est développée et a même inclus des récits populaires ainsi que de
la culture orale ; ainsi, Albert Socin a publié un recueil de poésie nabatéenne de la péninsule
arabique, tandis que Bruno Meißner collectait divers récits issus des différents pays arabes et
publiait une sélection de poèmes en dialecte irakien en 1903. L’une des plus importantes
réalisations fut la traduction complète des Mille et une Nuits par l’arabisant Enno Littmann
(1875-1958), parues en plusieurs tomes au cours des années 1920 et qui sont encore
aujourd’hui rééditées chez leur premier éditeur, Insel Verlag.
3
Idem, p. 112.
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Avec le déclenchement de la seconde guerre mondiale et des évènements politiques de la fin
des années 1940 et 1950, l’intérêt pour la région arabe s’est atténué, du côté allemand.
La République démocratique allemande
En deuxième position après l’Union Soviétique, l’Allemagne de l’Est possédait le deuxième
plus grand institut d’études orientales et arabes parmi les Etats socialistes de l’époque. Son
centre se situait à Berlin et à Leipzig. En outre, nous pouvons citer l’existence de l’Académie
des sciences de Berlin Est, l’Académie des sciences sociales qui dépendait du comité central
du parti socialiste allemand unifié SED, ainsi que l’Académie des sciences juridiques de
Postdam. Cette activité académique provenait de l’intérêt officiel pour les pays du TiersMonde et a donné naissance, en Allemagne de l’Est, à un nombre important de traductions
d’ouvrages d’Histoire, d’anthologies et de dictionnaires à destination des universitaires. Nous
pouvons citer, à titre d’exemple, L’anthologie du récit en Irak, publié par l’arabisante Wiebke
Walther chez Volk und Welt en 1985. D’autres anthologies sont parues dans la même
collection, portant sur le récit en Algérie (1973), en Palestine (1983) ainsi qu’en Syrie (1978).
Ce dernier ouvrage a été publié par la traductrice Doris Erpenbeck, qui s’est par la suite fait
connaître en tant que principale traductrice de Naguib Mahfouz vers l’allemand (son nom
devint, par la suite, Doris Kilias. La première traduction en allemand d’une nouvelle de
Naguib Mahfouz fut publiée en 1980 par la maison d’édition Volk und Welt, en Allemagne de
l’Est. Signalons également que l’Allemagne de l’Est a publié en allemand les premiers travaux
de poésie contemporaine arabe, comme un recueil de Moein Bseiso (1982) ou encore de
Mohammad al-Fitouri (1987).
Récentes évolutions
Littérature arabe contemporaine : nous pouvons dire de la littérature arabe
contemporaine qu’elle représentait une ‘terra incognita’ pour les locuteurs germanophones
jusqu’à la fin des années 1980. Lorsque Naguib Mahfouz a obtenu le prix Nobel de littérature
en 1988, seuls quelques rares ouvrages étaient accessibles aux lecteurs germanophones,
même si l’écrivain égyptien avait jusqu’alors publié plus d’une quarantaine de récits et
plusieurs recueils. La plupart des écrivains arabes dont la production était parvenue à cette
époque en Allemagne, en Suisse ou en Autriche étaient des francophones du Maroc ou
d’Algérie comme Tahar Ben Jelloun ou Kateb Yacine. Les orientalistes allemands avaient à
l’époque et continuent de jouer un rôle clé dans la traduction de la littérature arabe et ils
choisissaient les travaux à traduire en fonction de leur spécialisation : la poésie pré-islamique,
la poésie et la prose arabe classiques.4
Sciences humaines et sociales : la production intellectuelle arabe en langue allemande
est encore aujourd’hui très faible. Il n’y a pas d’intérêt suivi pour les publications
contemporaines sérieuses et pour les importants débats entre intellectuels. Il est fréquent
que des évènements politiques et/ou religieux suscitent un certain intérêt, qui n’en demeure
pas moins temporaire et superficiel. Ainsi en est-il de la fatwa énoncée par l’ayatollah
Khomeiny à l’encontre de l’écrivain britannique Salman Rushdie en 1988. Dans cette lignée,
un article rédigé par l’intellectuel syrien Sadik Jalal al-‘Azm a été traduit vers l’allemand. Al4
Arabische Erzählungen der Gegenwart, Hrsg. Heller, E. Und Mosbahi, H.
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‘Azm avait été l’un des rares intellectuels arabes à déclarer publiquement leur soutien à
Rushdie. De même, un essai a été traduit en 1993 et est paru dans un ouvrage. En 2005, un
petit ouvrage d’al-‘Azm, traduit à partir de l’anglais, a été publié après que celui aie obtenu le
prix Léopold Lucas dans la ville allemande de Tübingen. L’intérêt porté à Sadik Jalal al-‘Azm
provient également de la multiplication du débat autour du fondamentalisme islamique en
Europe et al-‘Azm est l’un des intellectuels arabes les plus présents dans ce débat. Malgré
cela, ses principaux travaux, rédigés dans les années 1960 et 1970 et qui sont à la base de sa
position et de son statut dans le monde intellectuel arabe contemporain n’ont pas encore
été traduits.
Un autre exemple est l’intellectuel égyptien et chercheur en littérature comparée Nasr
Hamid Abou Zayd. Accusé de blasphème en 1995, un procès fut intenté à son encontre
auprès des tribunaux égyptiens en vue de le divorcer de son épouse. Un comité de soutien
composé d’étudiants en études islamiques et arabes en Allemagne s’est alors formé et ce
n’est que dans le cadre de cette affaire que son nom commença à se faire connaître dans
certains milieux, en Allemagne. Cela a donné lieu à la publication d’une traduction allemande
de son ouvrage Critique de la pensée religieuse5 en 1996 dans une petite maison d’édition
allemande. Dans les années qui ont suivi, deux autres ouvrages sont parus – une biographie
et des entretiens.
En 2007, la maison d’édition Suhrkamp à Francfort a créé une collection spéciale intitulée
« La maison d’édition des religions mondiales » (Verlag der Weltreligionen) dont le centre
d’intérêt se trouve être les questions intellectuelles relatives aux religions, parmi elles l’islam.
C’est dans ce cadre qu’un certain nombre de traductions de textes religieux et
philosophiques ont été publiées, telles que La sagesse de l’ishrâq de Sohrawardi, Discours
décisif sur l'accord de la religion et de la philosophie d’Averroès ainsi que le premier tome des
travaux de la chercheuse allemande spécialisée dans l’étude du Coran, Angelika Neuwirth,
qui comporte une traduction du Coran, des commentaires ainsi qu’une reclassification des
versets selon un ordre chronologique.
Les chiffres
Selon les années, de grandes disparités existent concernant les chiffres relatifs aux
traductions de l’arabe vers l’allemand. Nous pouvons cependant noter une légère hausse
survenue au cours des dernières années.
Nombre de nouveautés, de traductions et de traductions à partir de l’arabe en
Allemagne6
Année
Nombre de
nouvelles
publications en
Allemagne
Nombre de
traductions
(toutes langues
étrangères)
Nombre de
traductions à
partir de l’arabe
5
Traduction du titre par la traductrice.
Nous avons obtenu ces données à partir des communiqués de presse de la foire du livre de Francfort et de l’annuaire
annuel de la direction des statistiques allemande (Statistisches Jahrbuch, Frankfurter Buchmesse). En ce qui concerne le
nombre d’ouvrages traduits de l’arabe vers l’allemand, nous avons utilisé, pour 2010, le catalogue de la foire de Francfort.
Pour ce qui est des années précédentes, nous avons eu recours à la base de données de la bibliothèque nationale allemande
à Leipzig, qui ne recense pas forcément toutes les publications, mais la plupart d’entre elles.
6
© Transeuropéennes, Paris & Fondation Anna Lindh, Alexandrie - 2011
1996
53.793
6371
33
1997
57.680
6736
20
1998
60.819
7596
11
1999
57.678
7177
19
2000
63.021
7632
Données
insuffisantes
2001
64.618
9340
Données
insuffisantes
2002
59.916
6223
Données
insuffisantes
2003
61.538
7574
70
2004
79.144
5406
44
2005
84.415
6132
28
2006
87.510
5773
38
2007
94.507
6160
37
2008
91.951
7340
27
2009
91.357
10.599
48
2010
95.838
11.800
52
70
60
50
40
30
20
10
0
1996
1998
2000
2002
2004
2006
2008
Traductions de l’arabe vers l’allemand
1996-2010
© Transeuropéennes, Paris & Fondation Anna Lindh, Alexandrie - 2011
2010
Répartition des ouvrages traduits pour 2008
Littérature de
jeunesse
Littérature
(romans, poésie,
théâtre)
Sciences
humaines
En 2008, 27 ouvrages traduits de l’arabe vers l’allemand ont été publiés : 5 relèvent de la
littérature de jeunesse, 9 des sciences humaines et sociales et 13 de la littérature.
Les activités de « L’assemblée pour le soutien de la littérature d’Afrique, d’Asie et
d’Amérique latine » (Litprom) nous permettent de mesurer l’évolution du mouvement de
traduction de l’arabe vers l’allemand. Cette institution importante soutient la traduction de
la littérature arabe vers l’allemand depuis 1984. Depuis le début de ses activités et en
fonction des années, le nombre d’ouvrages traduits de l’arabe et parus dans les maisons
d’édition allemandes et suisses n’est pas toujours le même. Ces ouvrages constituent plus de
20% du total d’ouvrages traduits de l’arabe et parus en Allemagne et en Suisse entre 1984 et
2010.
Année
Nombre de traductions à partir de
l’arabe ayant bénéficié d’une aide
1995
8
1996
3
1997
7
1998
8
1999
2
2000
10
2001
9
2002
7
2003
5
2004
16
© Transeuropéennes, Paris & Fondation Anna Lindh, Alexandrie - 2011
2005
8
2006
6
2007
7
2008
3
2009
8
2010
8
Source : L’assemblée pour le soutien de la littérature d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine (Litprom) 7
16
14
12
10
8
Nombre de traductions
soutenues
6
4
2
0
1995
1998
2001
2004
2007
2010
Evolution du nombre de traductions soutenues par Litprom
Cette variation portant sur les nombres d’ouvrages traduits, différents selon les années, est
due à la différence du nombre des demandes présentées à l’Assemblée ainsi qu’aux décisions
prises par le comité responsable de l’allocation des aides à la traduction. Nous ne notons pas
de hausse sérieuse en 2002, après les attentats du 11 septembre et nous pouvons expliquer
la hausse importante de 2004 par le fait que le monde arabe aie été l’invité d’honneur de la
foire du livre de Francfort cette année-là. Ce chiffre a d’ailleurs rapidement baissé au cours
des années suivantes.
Si nous comparons le nombre d’ouvrages issus du monde arabe ayant bénéficié d’une aide
avec ceux des Caraïbes, d’Asie, d’Amérique latine ou d’Afrique, nous relevons que le
nombre de traductions de l’arabe vient en deuxième position, après les Etats sud-américains.
Cependant, parmi le chiffre total concernant les traductions issues du monde arabe, les
traductions d’auteurs arabes écrivant en français et en anglais sont comprises. Si nous
7
http://www.litprom.de/fileadmin/redakteure/download/Broschuere_Uebersetzungsfoerderung.pdf
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excluons donc les ouvrages initialement écrits en français et en anglais, les traductions arabes
occupent la quatrième position.
La plupart des ouvrages ayant bénéficié d’une aide pour leur traduction vers l’allemand sont
des romans. La poésie figure en deuxième position, suivie par la biographie, la nouvelle, les
essais et la prose.
La plupart des écrivains dont les ouvrages ont bénéficié d’une aide à la traduction sont
égyptiens et Naguib Mahfouz, plus particulièrement, se taille la part du lion. En outre, la
maison d’édition suisse Unionsverlag basée à Zurich a pris en charge la traduction des
œuvres complètes du prix Nobel. Nous trouvons en deuxième position des auteurs
algériens, puis palestiniens, libanais, irakiens et syriens. Quant aux auteurs dont les ouvrages
ont bénéficié du plus grand nombre de traductions, il s’agit du poète palestinien Mahmoud
Darwish, de l’auteur jordano-saoudien ‘Abd al-Rahmân Mounif, puis de l’écrivain libyen
Ibrahim al-Kouni.
L’édition arabe du prix Booker a été lancée en 2007 par la société Booker et la Emirates
Foundation à Abu-Dhabi. Le but de ce prix est de soutenir le roman arabe et sa diffusion
internationale. Le vainqueur du prix ne reçoit pas seulement une somme d’argent : il
bénéficie également de la traduction de son ouvrage vers l’anglais. Le prix Booker est ainsi
devenu, pour les éditeurs er les lecteurs arabes, le prix le plus important et il a réussi à
influencer les mouvements de traduction, tout en attirant l’attention des éditeurs étrangers
et des agents littéraires, y compris en Allemagne. En outre, cette attention ne touche pas
uniquement le vainqueur, placé en tête de la liste, mais également les six autres romans
finalistes.
Les romanciers primés ainsi que leurs finalistes au cours des années précédentes, dont les
ouvrages ont été publiés ou sont en cours de publication en allemand sont les suivants :
Bahaa Taher, L’oasis du couchant8 ; Youssef Zeidan, Azazel9, Mansoura Ezzeldine, Au-delà du
paradis10 ; Mohammed al-Bissatie, Faim11 ; Habib Selmi, Les humeurs de Marie-Claire12 ; Raja
‘Alem, Le collier des hirondelles13.
Le théâtre
Rares sont les pièces de théâtre arabes traduites vers l’allemand. Nous pouvons toutefois en
citer quelques unes : al-Hallâj (1981) et Le voyageur de nuit (1982) de Salah Abd al-Mansour,
publiées par Edition Orient. Les dramaturges arabes ne sont pas présents dans les
programmes des théâtres germanophones, même s’ils sont, de temps à autre, reçus dans
certains théâtres allemands, comme Saadallah Wannous à Weimar en 1973 et 1974. Le
Theater Mühlheim an der Ruhr travaille, depuis plus de 20 ans, à faire connaître du public
allemand la production théâtrale issue de cultures différentes, comme la culture arabe. Il
accueille, de façon régulière, des dramaturges arabes résidant en Europe ou dans les Etats
arabes, comme l’irakien Aouni Karroumi (mort en 2006). Ces rencontres n’ont cependant
8
Sunset Oasis [
]. La version française est à paraître en 2011 chez Gallimard.
La traduction française est à paraître chez Albin Michel (NdT).
10
La traduction française est à paraitre aux éditions Liana Levi (NdT).
11
La traduction française est à paraitre chez Actes Sud (NdT).
12
Traduction française parue chez Actes Sud en avril 2011 (NdT).
13
Traduction française à paraître chez Stock (NdT).
9
© Transeuropéennes, Paris & Fondation Anna Lindh, Alexandrie - 2011
pas donné lieu à des traductions allemandes notables, tout comme il n’y a pas de traduction
allemande des pièces radiophoniques arabes.
En raison de l’absence des bases de données nécessaires, nous ne nous sommes pas en
mesure d’extraire des statistiques sur le nombre de copies vendues pour les ouvrages arabes
traduits vers l’allemand. Nous relevons toutefois qu’au cours des dernières années, l’intérêt
des lecteurs germanophones s’est porté sur les traductions des ouvrages arabes classiques.
La récente publication des Mille et une nuits, parue aux éditions C.H. Beck, a été rééditée 10
fois et le Coran reste l’un des ouvrages arabes les plus traduits vers l’allemand depuis
plusieurs siècles, et est constamment réédité.14 Le traducteur et consultant auprès de la
maison d’édition suisse Lenos, Hartmut Faehndrich, confirme cette impression en déclarant
que la position de la littérature arabe sur le marché de l’édition allemand est encore très
faible et qu’elle n’a pas évolué après les attentats du 11 septembre 2001, qui ont joué un rôle
primordial, au cours des dernières années, dans les relations entre le monde arabe et
l’Occident :
« Les coutumes culturelles arabes, l’auto-réflexion arabe, les propositions
arabes sur le monde arabe – toutes ces choses, nous préférons les tirer de
l’analyse de journalistes occidentaux ou de celle d’experts (bonne ou
mauvaise) plutôt que de nous référer à des sources écrites originellement
en arabe ».15
Selon l’analyse de Faehndrich, les raisons de cette attitude résident dans le passé lointain,
sans cesse répété. L’une d’entre elles est la relation complexe de l’Europe, et de l’Allemagne
en particulier, avec le Moyen-Orient, dont le conflit israélo-palestinien représente un point
central. Hartmut Faehndrich raconte comment, lorsqu’il se préparait à traduire vers
l’allemand le roman L’Optissimiste de l’écrivain palestino-israélien Emile Habibi, la traduction
avait été refusée par une grande maison d’édition en raison de « notre relation
exceptionnelle avec Israël ». Or ce roman a été traduit vers l’hébreu et est au programme
des écoles israéliennes. D’autres facteurs peuvent entrer en compte dans le manque
d’intérêt pour les ouvrages traduits de l’arabe, comme les différences culturelles et
historiques qui exigent du lecteur européen un effort supplémentaire. Tout cela donne
naissance à une attitude indifférente, de la part du monde et du marché de l’édition, à l’égard
de la production intellectuelle arabe.
La foire internationale du livre de Francfort dont l’invité d’honneur en 2004 était le monde
arabe n’a pas réussi à transformer cet état des choses, même si le marché du livre allemand a
vécu, lors de la période de préparation de cet évènement, des activités d’une richesse
exceptionnelle : la réédition d’ouvrages classiques d’éminents orientalistes ou encore de
traductions de l’arabe vers l’allemand qui avaient été épuisées, par la maison d’édition Olms
grâce à un financement arabe exceptionnel. Cependant, ces différentes initiatives n’ont pas
réussi à influencer de manière positive et sur le long terme les mouvements de traduction.
En été 2011, le poète syrien Adonis a obtenu le prix littéraire Goethe, remis par la ville de
Francfort (Goethepreis der Stadt Frankfurt). Ce prix est distribué tous les trois ans à des
14
Voir à ce sujet les listes bibliographiques fournies dans le cadre de la présente étude. Nous notons par exemple, en 2007, la
parution de 5 éditions ou rééditions différentes du Coran. Il y a eu en 2006 deux nouvelles éditions du Coran, et en 2005
cinq autres.
15
http://www.hartmutfaehndrich.ch/PDF/Arab_Lit_und_11__Sept.pdf
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auteurs internationaux dont on estime qu’ils ont laissé une empreinte dans la production
littéraire internationale. Il est possible que cela donne naissance à un intérêt accru pour les
traductions d’Adonis vers l’allemand – la première traduction d’un recueil de ses poésies est
parue chez Edition Orient en 1988. Publiée alors à 2000 exemplaires, elle n’a toujours pas
été entièrement écoulée – ou pour les traductions de poèmes d’autres auteurs mais il est
peu probable que cela aie une influence sur le long terme.
Les maisons d’édition
L’intérêt pour la littérature arabe contemporaine dans les pays germanophones est parti de
petites maisons d’édition basées en Allemagne et en Suisse. Tandis qu’aucune maison
d’édition ayant pignon sur rue ne s’est intéressée aux textes arabes et à leur publication en
allemand, des maisons d’édition comme l’Edition Orient ont traduit Ghada al-Samman ou
encore Taha Hussein et publié, en 1982, la première traduction d’un ouvrage de Naguib
Mahfouz (en Allemagne de l’Ouest). Un autre exemple est la maison d’édition du livre arabe,
Das Arabische Buch, rebaptisée par la suite Maison d’édition de Hans Schiler (Hans Schiler
Verlag) qui a permis de lancer, en allemand, le poète palestinien Mahmoud Darwish ou
l’écrivain libanais Elias al-Khoury et qui est, encore aujourd’hui, l’une des pionnière de la
publication de la poésie arabe traduite, y compris les publications bilingues de poètes arabes
comme Ounsi al-Hajj, ‘Abd al-Wahhab al-Bayati, Badr Chaker al-Sayyab ou encore Sargon
Boulos.
Quant à la maison d’édition qui publie le plus la littérature arabe traduite, il s’agit de la petite
maison d’édition suisse Lenos, située à Basel et créée en 1970. Elle a commencé à publier
des ouvrages littéraires traduits de l’arabe en 1983 et compte à ce jour plus d’une centaine
de titres à son actif.
Au cours des dernières années, deux petites maisons d’édition, spécialisées dans la
publication de la jeune littérature arabe contemporaine ont vu le jour : Lisan à Basel, en
Suisse et la maison d’édition Allawi (d’après le nom de son directeur, ‘Abd al-Rahman Allawi)
à Cologne.
De grandes maisons d’édition telles que la C.H. Beck publient de temps à autre des romans
arabes traduits, d’auteurs comme Gamal al-Ghitany ou Elias al-Khoury. Cette maison
d’édition publie également une collection originale, intitulée « La nouvelle bibliothèque
orientale » (Neue Orientatlische Bibliothek) qui comprend des traductions d’œuvres
orientales (arabes ou persanes), majoritairement classiques – Ibn ‘Arabi, Ibn Battuta,
L’introduction d’Ibn Khaldoun, la poésie d’Abou al-‘Alaa al-Ma’arri – ainsi que quelques titres
plus récents, comme l’anthologie de la poésie arabe contemporaine ou l’anthologie du roman
arabe contemporain. Selon Tanja Warter, la responsable de presse, les titres traduits de
l’arabe représentent 1 à 2 % du total du catalogue de la maison d’édition.
Les titres traduits de l’arabe représentent 50% du catalogue des petits éditeurs comme la
maison d’édition Hans Schiler. Le nombre d’exemplaires imprimés diffère selon les titres :
ainsi, jusqu’en août 2011, environ 1000 exemplaires de Mahmoud Darwish avaient été
vendus, alors que la traduction allemande du poète omani Saif al-Rahbi n’a pas été vendue à
plus de 300 exemplaires. Pour la première édition d’un ouvrage de poésie, le nombre de
copies ne dépasse généralement pas 500, alors qu’elle est de 1000 pour les romans.
Signalons également qu’il est très difficile de vendre les ouvrages d’écrivains non connus,
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comme Rabih Jaber : la première édition allemande du roman de ce jeune auteur libanais n’a
pas dépassé les 300 copies.16
Disponibilité des ressources et production intellectuelle
Les dictionnaires et glossaires arabe-allemand ne sont pas nombreux et ne sont pas mis à
jour régulièrement. Le dictionnaire le plus utilisé par les étudiants et les traducteurs est sans
doute celui de Hans Wehr.17 Signalons également la présence de quelques dictionnaires, plus
modestes, centrés sur un domaine de spécialisation tel le dictionnaire de la politique, de
l’économie et de la géographie d’Ingelore Goldmann et Hans-Herman Elsäßer, paru en 1999.
Quant à l’arabe classique, l’orientaliste Manfred Ullmann poursuit son travail de publication
d’un dictionnaire arabe-allemand, tome après tome.
Organisations et institutions
La plus importante organisation de soutien à la traduction de l’arabe vers l’allemand est
« L’assemblée pour le soutien de la littérature d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine »
(Gesellschaft zur Förderung der Literatur aus Afrika, Asien und Lateinamerika). Créée en
1984, elle a pour objectif de soutenir la traduction littéraire de ces pays et « de développer
les échanges littéraires du sud au nord et de soutenir la publication d’œuvres d’auteurs issus
de ces continents. L’attention est portée, en premier lieu, sur les travaux d’auteurs absents
ou peu présents sur le marché du livre en Allemagne. Dans cette optique, la situation
économique du pays concerné ne joue aucun rôle : la priorité est donnée à l’importance
littéraire des ouvrages d’un auteur ou de la littérature d’un pays par rapport aux pays
germanophones ».18
La commission spéciale chargée de l’examen des demandes de soutien à la traduction était
dans un premier temps composée de représentants de la section spéciale dédiée à la culture
au sein du Ministère des affaires étrangères allemand, du Ministère allemand des échanges
économiques et du développement, de la commission de l’enseignement pour le
développement et des médias de l’Eglise protestante, de l’organisation Inter Nationes,
chargée de promouvoir la culture allemande à l’étranger, de l’institut allemand des relations
extérieures (Institut für Auslandsbeziehungen), de l’organisation pour le soutien de la
littérature et d’un expert en littérature. La composition de la commission a par la suite
évolué, en intégrant l’institution suisse Pro Helvetia. Par ailleurs, l’organisation Inter
Nationes a fusionné avec l’Institut Goethe, dont le représentant siège désormais au sein de
la commission. Enfin, pour des raisons économiques, l’organe dépendant de l’Eglise
protestante s’est retiré et un deuxième expert en littérature a intégré la commission.19
Le budget de l’assemblée pour le soutien de la littérature d’Afrique, d’Asie et d’Amérique
latine (Litprom) provient du Ministère des affaires étrangères allemand et, depuis 1993, de
l’institution suisse Pro Helvetia. Litprom accorde un soutien à hauteur de 50 à 90% du
16
D’après le directeur de la maison d’édition, Hans Schiler.
Hans Wehr: Arabisches Wörterbuch für die Schriftsprache der Gegenwart Arabisch-Deutsch
18
http://www.litprom.de/fileadmin/redakteure/download/Broschuere_Uebersetzungsfoerderung.pdf
17
19
Idem, page 8.
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montant demandé, c’est-à-dire 3000€ par ouvrage. Si celui-ci est volumineux – dans le cas de
certains romans – ce soutien peut atteindre les 6000€.20
Il n’existe pas d’institution arabe soutenant financièrement la traduction de la production
intellectuelle arabe vers d’autres langues, dont l’allemand. Ce point est constamment évoqué
et critiqué par les traducteurs, les écrivains et les universitaires germanophones intéressés
par le monde arabe. Il existe cependant des organismes officiels et religieux, actifs dans les
domaines spécifiques liés à la propagande et au prosélytisme.
La question des droits d’auteur
Dans le monde arabe, la plupart des auteurs conservent leurs droits et les maisons d’édition
en charge de la publication de leurs ouvrages dans leur langue originale ne jouent pas un rôle
majeur dans ce domaine. Certains relient cette question au manque de popularité de la
littérature et de la prose arabes traduites : l’éditeur ne bénéficie d’aucune incitation pour la
vente des droits à des éditeurs étrangers.21 Il nous faut également tenir compte, ici, de la
relation, souvent obscure, qui lie l’éditeur arabe à l’auteur et qui reflète la réalité du secteur
de l’édition et de l’écrit dans le monde arabe : le manque de professionnalisme.
Les maisons d’édition germanophones concluent des contrats de traduction et de publication
directement avec les auteurs. Dernièrement, certains écrivains – en particulier ceux qui ont
acquis une notoriété mondiale grâce à la vente de leurs livres – traitent avec les maisons
d’édition en passant par un agent littéraire, tel l’écrivain égyptien Alaa al-Aswani.
Pourcentage des traductions de l’arabe par rapport aux autres langues
Nous n’avons pas réussi à trouver de chiffres sur le pourcentage de traduction de l’arabe
vers l’allemand en comparaison à d’autres langues. Cependant, de nombreux indicatifs (voir
le paragraphe « Récents évolutions ») tendent à montrer que l’arabe est l’une des langues les
moins importantes pour ce qui est de la traduction dans les pays germanophones. Les
langues les plus importantes sont l’anglais, puis le français, ensuite le russe et l’italien.
Mécanismes de contrôle de la traduction
Des correcteurs appartenant aux maisons d’édition qui publient les traductions se chargent
de la révision de la version allemande : ils accordent une attention particulière au style et au
respect des règles de grammaire. Les maisons d’édition travaillent également avec des
correcteurs freelances. Les mécanismes de contrôle des traductions arabes ne diffèrent pas
de ceux utilisés pour les autres langues ou même pour les publications en allemand.
20
21
Idem, page 9.
Abdalrahman Al-Alawi in: Kerstin Knipp/qantara.de: http://de.qantara.de/Ein-ungehobener-Schatz/623c586i1p312/
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Publications bilingues
Selon nos statistiques, il y en a plus de 25 depuis 1995. Elles concernent principalement la
poésie, les nouvelles, la littérature de jeunesse et les ouvrages religieux islamiques. La
littérature de jeunesse bilingue a pour cible la jeune génération qui naît et grandit dans une
famille désirant l’éduquer dans les deux langues, que ce soit dans les pays germanophones ou
dans les pays arabophones : les enfants peuvent ainsi prendre connaissance de la production
intellectuelle des deux cultures, tout en apprenant à parler les deux langues.
Les maisons d’édition Heiderhoff, Gutke, Ammann et Hans Schiler publient des recueils de
poésie bilingues. De ces quatre maisons d’édition, c’est celle de Hans Schiler qui en a publié
le plus (plus de 10 à ce jour). Selon lui, le choix de la bilingualité est dû au fait que le cas
particulier de la traduction de la poésie nécessite une réécriture du texte poétique, très
différente de la traduction littérale. Les lecteurs maîtrisant les deux langues peuvent ainsi
comparer l’original à l’adaptation et suivre le processus de traduction et les choix du
traducteur.
Quant aux ouvrages religieux bilingues, comme les traductions des hadiths du prophète
Muhammad, des prières ou du Coran, l’objectif est à peu près le même que celui invoqué par
l’éditeur Hans Schiler : le lecteur maîtrisant les deux langues peut ainsi suivre la traduction. A
cela s’ajoute le caractère sacré, pour les musulmans pratiquants, de la langue arabe, en
particulier celle du Coran et des hadiths.
Le statut des traducteurs et les coûts de traduction
La situation des traducteurs qui traduisent la littérature ou les sciences humaines et sociales
dans les pays germanophones est très mauvaise. Peu d’entre eux peuvent vivre des revenus
générés grâce à leurs traductions et cela concerne également les traducteurs de l’arabe vers
l’allemand. Le traducteur le plus prolifique est Hartmut Faehndrich, qui cumule, en plus de
son travail de traducteur, d’autres activités.
L’association des traducteurs littéraires germanophones (Verband deutschsprachiger
Literaturübersetzer) offre aux traducteurs des conseils et défend leurs intérêts. Elle réclame,
depuis de nombreuses années, l’augmentation de la rémunération des traducteurs et a
intenté plusieurs procès auprès des tribunaux allemands en ce sens. A titre indicatif, pour la
période 2004-2008, une page composée de 30 lignes, elles-mêmes composées de 60 signes
est payée 17€83 pour une édition à couverture rigide (hardcover) et 15€30 pour une
édition de poche. L’association indique que la rémunération des traducteurs en Allemagne
est inférieure à celle d’autres Etats européens comme la France, la Grande-Bretagne ou
encore la Norvège.22
Il existe en Allemagne 16 instituts universitaires où il est possible d’apprendre l’arabe, dans le
cadre de filières d’études islamiques ou arabes. A cela s’ajoutent d’autres instituts
universitaires qui enseignent la traduction dans le cadre de filières de traduction, comme à
l’institut Germesheim, dépendant de l’université de Mainz. En Suisse, il y a 4 instituts (à
Genève, Zurich, Bern et Basel) et il existe en Autriche un institut dépendant de l’université
de Vienne, et un autre à l’université de Graz.
22
Verband deutschsprachiger Übersetzer, VdÜ: www.literaturuebersetzer.de
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De nombreux traducteurs de premier plan ont obtenu leur diplôme universitaire en études
islamiques ou arabes avant de s’orienter vers la traduction. Ainsi, Doris Kilias, traductrice de
Naguib Mahfouz, a étudié la littérature arabe à l’université de Humboldt à Berlin Est.
Hartmut Faehndrich, qui a traduit plus de 45 œuvres littéraires a suivi des études islamiques
dans des universités allemandes et américaines. Ceci s’applique également aux générations
plus jeunes, comme Larissa Bender, la traductrice de ‘Abd al-Rahmân Mounif ou encore
Stefan Weidner, le traducteur d’Adonis vers l’allemand. A cela s’ajoute une troisième
catégorie, composée de la deuxième ou troisième génération des fils et filles d’immigrés
arabes en Europe.
Les cycles de formation des traducteurs de l’arabe
Il n’y a pas de cycles de formation réguliers pour les traducteurs de l’arabe. L’association des
traducteurs littéraires germanophones en a organisé quelques uns, et la fondation allemande
Bosch en a financé quelques autres. Le traducteur Hartmut Faehndrich, qui a supervisé
certains d’entre eux, note que l’intérêt des traducteurs est limité, pour plusieurs raisons :
leur manque d’assiduité, le manque de temps et le peu d’intérêt, pour certains, d’entretenir
des relations entre eux.23
Prix et subventions
Nous pouvons relever l’existence de nombreux prix destinés aux traducteurs et aux œuvres
traduites, en Allemagne, en Suisse et en Autriche mais elles ne sont pas spécifiques à la
traduction de l’arabe. Nous pouvons citer, à titre d’exemple, « Le prix de la littérature
allemande » (Deutscher Literaturpreis), qui récompense également la littérature de jeunesse
étrangère traduite vers l’allemand ou encore le prix von Cotta pour la traduction, le prix
Albatros lancé par l’écrivain allemand Günter Grass, le prix d’art du land de la Westphalie du
Nord (Kunststiftung NRW) er le prix de la ville de Vienne pour la traduction.
Le prix du livre du cheikh Zayed a été lancé en 2006. Il s’agit d’un prix annuel qui
récompense les ouvrages traduits de et vers l’arabe. Il est financé par la commission d’AbuDhabi pour la culture et les arts.
Le prix du roi Abdallah pour la traduction est décerné aux ouvrages scientifiques ou de
sciences humaines et sociales traduits de et vers l’arabe.
Il existe également des bourses octroyées à des traducteurs pour la réalisation de projets
spécifiques ; nous pouvons ainsi citer le Fonds de littérature allemand (Deutscher
Literaturfonds) ou le Fonds de traduction allemand (Deutscher Übersetzerfonds) qui
proposent des bourses de voyage ou de travail.
Censure, autocensure
Aucune censure n’est exercée sur les ouvrages allemands traduits de l’arabe et il n’y a pas, à
notre connaissance, d’autocensure chez les traducteurs de l’arabe.
23
Selon le traducteur lui-même.
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Critique
Les publications récentes – y compris les traductions – sont recensées dans les pages
culturelles des quotidiens et des hebdomadaires. Les recensions mettent le plus souvent
l’accent sur le contenu de l’ouvrage et abordent rarement la question de la qualité de la
traduction ou du style du traducteur. Les petites maisons d’édition, qui souffrent d’un budget
limité en matière de publicité, se plaignent du peu d’intérêt des médias influents pour leurs
publications et de l’attention exclusive donnée aux maisons d’édition importantes. Mais ces
recensions sont essentielles parce qu’elles permettent d’orienter l’attention du public vers
les publications récentes.
Certains sites Internet et revues spécialisés sur le Moyen-Orient publient également des
recensions, comme le périodique Zenith24, également disponible en ligne ou encore Qantara25
qui paraît en plusieurs langues, dont l’allemand et qui met en lumière des publications
récentes en allemand dans des domaines divers. Le site est financé par le Ministère des
affaires étrangères allemand.
A cela s’ajoutent les revues et périodiques spécialisés dans les études islamiques et arabes
comme Davo, publié par le groupe de travail allemand spécialisé dans l’étude du MoyenOrient.
Disponibilité des traductions
Les bibliothèques universitaires et publiques proposent aux spécialistes et au public la
possibilité de consulter les traductions de l’arabe. Cela dépend de la taille de la bibliothèque
et du budget qu’elle consacre à l’achat de nouveaux ouvrages. La bibliothèque nationale
allemande (Deutsche Nationalbibliothek) à Francfort et à Leipzig collecte toutes les
publications allemandes sur le marché du livre, tous les ans. Le catalogue en ligne n’est pas
exhaustif mais couvre un nombre important de publications.
Jusqu’en 1997, la bibliothèque universitaire de Tübingen se concentrait sur la collecte
d’ouvrages relatifs au Moyen-Orient et à l’Afrique du Nord. Cette mission a ensuite été
déléguée à la bibliothèque universitaire de Halle.
Les ventes et les rééditions
Il est difficile d’obtenir des maisons d’édition les chiffres précis des ventes mais il est de
notoriété publique que peu de livres bénéficient d’une deuxième ou d’une troisième
réédition.
Critique permanente : les universitaires et écrivains germanophones s’accordent à dire que
la littérature et la prose arabes traduites vers l’allemand ne sont pas suffisamment
représentés, par rapport à la production intellectuelle en arabe26 et qu’il n’existe pas de
véritable intérêt, chez les grandes maisons d’édition, pour la production intellectuelle arabe.
24
25
26
http://www.zenithonline.de
http://www.qantara.de
Katharina Mommsen S.30 in: Die Minze erbühlt in der Minze von Ilma Rakus.
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L’éditeur Hans Schiler note qu’au cours des dernières années, la vente d’ouvrages traduits de
l’arabe vers l’allemand est en recul. Selon lui, cela est dû au fait que la qualité de la traduction
de nombreux titres présents sur le marché du livre germanophone laisse à désirer, ce qui ne
permet pas d’attirer de nouveaux lecteurs.27
L’intérêt des médias (journaux et revues importantes, programmes spéciaux de radio ou de
télévision) se concentre sur un nombre très limité d’ouvrages qui se taillent la part du lion
lorsqu’il s’agit de couverture médiatique. Bénéficiant de l’intérêt des lecteurs, des auditeurs
et des spectateurs, ils sont réédités à plusieurs reprises, comme le roman de la jeune
auteure saoudienne Rajaa al-Sane’ qui a eu un succès sans précédent dans les pays
germanophones. Son roman est d’ailleurs également paru en format de poche et sur CDRom. Un autre exemple est le roman d’Alaa al-Aswani, L’immeuble Yaacoubian. L’exemple le
plus récent est Taxi, de Khaled al-Khamissi, publié en 2011 en plusieurs épisodes dans la
revue Süddeutsche Zeitung. La publication du livre d’al-Khamissi a coïncidé avec le
« printemps arabe » et la révolution égyptienne contre le président égyptien Hosni
Moubarak. Il est évident que la mise en lumière d’un titre par les médias est déterminante
pour son succès ou son échec sur le marché.
Critères de sélection
Les critères de sélection des ouvrages arabes à traduire vers l’allemand diffèrent selon les
maisons d’édition.
Selon la responsable de presse de la maison d’édition C.H. Beck, un comité d’édition spécial
choisit les nouveaux titres à traduire pour « La nouvelle bibliothèque orientale ». Le principal
critère est la qualité de la traduction ainsi que l’importance de l’ouvrage classique candidat à
la publication. En ce qui concerne la littérature contemporaine, outre la qualité de la
traduction, une attention particulière est accordée au travail artistique et à l’universalité de
l’œuvre.
Selon le directeur de la maison d’édition Hans Schiler, le choix de la poésie à traduire vers
l’allemand dépend de l’importance du poète et de son rôle dans la littérature arabe
contemporaine. Il consulte pour cela un poète arabe, familier avec la poésie arabe, qui est
chargé de superviser la traduction de l’œuvre. En ce qui concerne la traduction de romans,
la maison d’édition privilégie les ouvrages contemporains d’auteurs qui bénéficient d’une
certaine diffusion en Europe.
Quant à la maison d’édition suisse Lenos, la plus prolifique en matière de publication de
littérature arabe, elle suit depuis le début des années 1980 une démarche similaire à celle de
la maison d’édition Hans Schiler : elle collabore étroitement avec le traducteur et spécialiste
de la littérature arabe Hartmut Faehndrich, qui suggérait aux responsables de la maison
d’édition les titres à traduire. Cependant, cette collaboration a pris fin il y a peu de temps 28
et la maison d’édition suit désormais les conseils de grandes agences littéraires.
La traductrice Leila Shamma’, qui a créé une agence littéraire chargée de représenter des
écrivains arabes sur le marché germanophone souligne l’intérêt du secteur de l’édition
allemand pour le livre arabe mais note que l’ignorance de la langue arabe par les employés de
ce secteur constitue un obstacle majeur parce qu’ils ne sont pas au courant de l’activité
27
28
Selon le directeur de la maison d’édition, Hans Schiler.
Selon le traducteur Hartmut Faehndrich.
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littéraire et culturelle dans le monde arabe.29 Le traducteur Hartmut Faehndrich partage cet
avis et déclare : « de nombreux ouvrages candidats à la traduction sont proposés par le
traducteur, c’est-à-dire qu’il effectue des recherches autour du livre, qu’il le lit puis le
conseille. Tout cela constitue un travail supplémentaire, non rémunéré, tandis que ceux qui
accomplissent ce travail pour les langues occidentales sont des maisons d’édition ou des
agences spécialisées ».30
29
30
Leila Shamma’, Fikrun wa fann, numéro 79, 2004.
Hartmut Fähndrich: Übersetzung zwischen Kulturen, in: fikrun wa fann [Pensée et art]. 79, 2004
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Sources
ä
: 79, 2004
Lexikon Arabischer Autoren des 19. und 20. Jahrhunderts, Khalid Al-Maaly und Mona Naggar (Hrsg.),
Heidelberg 2004
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