SYNDICAT DES PILOTES D`AIR FRANCE
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SYNDICAT DES PILOTES D`AIR FRANCE
SPAF SYNDICAT DES PILOTES D’AIR FRANCE SPAF 12 rue des Oliviers 94320 Thiais Tel : 01 46 86 66 05 Fax : 01 46 86 09 34 Email : [email protected] DÉBATS SUR LA REPRÉSENTATIVITÉ SPÉCIFIQUE DES PILOTES Il doit tout d’abord être rappelé que dans la quasi-totalité des pays européens, tout comme aux USA, existent des organisations syndicales spécifiques du PNT (personnels navigants techniques que sont les pilotes) indépendantes. Le taux de syndicalisation de la profession est particulièrement élevé et la France n’échappe pas à cette règle : plus des deux tiers des pilotes sont syndiqués, un modèle pour les autres organisations professionnelles, que paradoxalement, il conviendrait d’éliminer ! Pourquoi une telle situation ? Elle s’explique par la nature des missions et des responsabilités de cette catégorie de personnel. L’importance du rôle des représentants syndicaux du PNT est unanimement reconnue. LES ORGANISATIONS SYNDICALES DU PNT, INTERLOCUTRICES INDISPENSABLES DE L’EMPLOYEUR ET DES POUVOIRS PUBLICS. ¾ La spécificité de l’évolution de la carrière du PNT Les conditions dans lesquelles évolue la carrière des PNT sont une des manifestations les plus évidentes du rôle des organisations syndicales. Cette évolution se fait sur la base des qualifications et de l’ancienneté et sous le contrôle de Commissions dans lesquelles siègent ensemble les représentants de l’employeur et les élus du personnel. Si les compagnies aériennes acceptent qu’une prérogative aussi essentielle de l’employeur – la gestion des carrières – relève de telles Commissions, c’est en raison de la nécessité absolue d’assurer la cohésion de corps du PNT et de ne pas la laisser troubler par des questions personnelles de carrière. L’ambiance dans le cockpit doit évidemment être sereine afin d’assurer le travail de l’équipage dans les meilleures conditions et la sécurité du vol. Chacun doit savoir que sa carrière évolue dans des conditions normales et lui assurant un avenir, qu’il s’agisse du changement d’appareil, de l’accès aux fonctions d’instructeur ou à celles de commandant de bord. Toutes ces décisions sont prises en Commission et il faut évidemment que le PNT y soit représenté par des organisations syndicales spécifiques aux pilotes, connaissant parfaitement le métier et capables de se prononcer sur toutes ces questions. ¾ Les Commissions de retour d’expérience De la même façon, c’est ensemble que les représentants de l’employeur et ceux du personnel travaillent au dépouillement systématique des boîtes noires dans une Commission regroupant les services de prévention et de sécurité des vols, les divers services techniques et les organisations syndicales du personnel navigant technique. Cette analyse des données enregistrées par les boîtes noires est un élément essentiel de la prévention. Elle permet de comprendre les erreurs commises, d’en tirer les recommandations, d’en tenir compte dans la formation et les exercices sur simulateur. La plupart des grandes compagnies aériennes en Europe ont mis en place ce type de service de retour d’expérience. Un tel travail ne peut être effectué sans l’accord et la participation active de l’ensemble des pilotes. C’est un protocole d’accord négocié avec leurs organisations syndicales qui organise la participation de celles-ci à ces Commissions de retour d’expérience et leur garantit que leurs travaux ne seront utilisés qu’à des fins de prévention, à l’exclusion de toute fin disciplinaire. ¾ La négociation des conditions de travail La technologie évolue constamment à bord des avions et le métier de pilote exige une formation permanente à ces nouvelles technologies et un contrôle des connaissances. Les conditions de travail et les changements constants de fuseau horaire ont des répercussions sur l’organisme. Des contrôles de santé sont opérés tous les ans et, à partir de 60 ans, tous les six mois. Un nombre non négligeable de pilotes perd sa licence avant l’âge de la retraite pour des raisons de santé. La négociation et les accords d’entreprise sont des outils indispensables d’organisation de l’activité des compagnies. Ces négociations doivent être menées par des organisations syndicales spécifiques du personnel navigant technique, parfaitement au fait d’un métier dans lequel les conditions de travail sont susceptibles d’avoir immédiatement des conséquences catastrophiques au plan de la sécurité tant pour les passagers que pour l’équipage. De même la question des vols en zones internationales dangereuses ne peut être traitée et ces vols assurés, qu’avec l’assentiment du PNT et dans des conditions négociées avec leurs organisations syndicales. Le personnel navigant est un personnel exposé de manière permanente à des dangers extérieurs mettant en péril sa vie et celle des passagers. ¾ Les prérogatives reconnues au PNT par le Code de l’aviation civile La particularité de ce métier est encore illustrée par les prérogatives reconnues par le Code de l’Aviation Civile au commandant de bord en raison des responsabilités spécifiques qui sont les siennes. Certes, comme tout salarié, le comandant est soumis au pouvoir hiérarchique de l’employeur, mais dans des conditions particulières organisées non par le Code du travail, mais par le Code de l’aviation civile. C’est ainsi que le commandant de bord peut «différer ou suspendre le départ et, en cours de vol, changer éventuellement de destination chaque fois qu’il l’estime indispensable à la sécurité et sous réserve d’en rendre compte en fournissant les motifs de sa décision. Il a également autorité sur toutes les personnes embarquées et a la faculté de débarquer toute personne parmi l’équipage ou les passagers ou toute partie du chargement qui peut présenter un danger pour la sécurité, la salubrité ou le bon ordre à bord de l’aéronef ». Le commandant de bord est délégataire de l’autorité publique puisqu’il participe par délégation à la fonction administrative de police à bord de l’aéronef. Il est également délégataire de l’employeur puisqu’il peut accomplir de sa propre autorité un certain nombre d’actes nécessaires à l’accomplissement de sa mission. Il est comme le capitaine de navire. Il faut ici souligner que même pour cette catégorie de personnel que sont les commandants de bord, l’accès aux fonctions et à la carrière s’exercent dans le cadre paritaire évoqué plus haut. Et si le commandant de bord est brutalement hors d’état d’exercer sa mission en cours de vol, le copilote le plus ancien est investi des mêmes responsabilités. Le Code de l’aviation civile organise également le fonctionnement du conseil médical de l’aéronautique civile et des centres d’expertise de médecine aéronautique qui se prononcent sur la capacité d’exercice du personnel navigant technique. Il légifère sur la durée du travail de ce personnel. Les organisations syndicales du personnel navigant technique ont une expérience de plusieurs dizaines d’années et une pratique constante de ces dispositions spécifiques, ce qui n’est évidemment pas le cas des syndicats généralistes. Le rôle indispensable et essentiel de contre pouvoir des organisations syndicales du personnel navigant technique. Après l’accident de Sharm El-cheikh, la Conférence des Présidents, sur proposition du Président de l’Assemblée Nationale, a décidé le 13 janvier 2004 de créer une mission d’information. Il s’agissait d’informer la représentation nationale sur la façon dont est assurée la sécurité des voyageurs dans le transport aérien. Pendant quatre mois, la mission a entendu plus de 150 personnes. La question des conditions de travail a fait l’objet de deux tables rondes sous leurs répercussions directes sur les « facteurs humains » dont on dit qu’ils sont à 75 ou 80% responsables des accidents aériens. En conclusion des travaux, la Présidente de la mission, Madame la Député Odile SAUGUES déclarait «Tout au long des auditions, nous avons pu appréhender avec force la place de l’homme dans la sécurité aérienne, de la conception de l’appareil à son exploitation en passant par sa maintenance. C’est naturellement sur l’homme, c’est à dire sur l’équipage et notamment sur le pilote et son copilote c’est à dire le PNT que repose la sécurité de centaines de passagers... Mon souhait, face aux risques encourus, est que la réglementation que nous appelons de nos vœux ne se fasse pas à minima au détriment des conditions de travail des personnels mais qu’elle prenne en compte tous les éléments qui permettent d’offrir à l’équipage les meilleures conditions de travail afin d’assurer la sécurité que chacun réclame». Elle exprimait ainsi une vision que partageait Monsieur Jean PIERSON quand il déclarait, il y a quelques années, à l’époque où il était le gérant d’AIRBUS, «les pilotes de ligne sont les derniers remparts sécuritaires, l’ultime défense à bord des avions, quels qu’en soient les automatismes ». Dans la situation actuelle, où les compagnies sont soumises à une très grande concurrence et où les préoccupations de productivité, de rentabilité et d’économie sont particulièrement fortes, il importe que les organisations syndicales des pilotes puissent exercer la fonction nécessaire de contre-pouvoir. Ou bien voulons-nous que se reproduise dans l’aérien la désastreuse situation qui prévaut dans la marine marchande laquelle a subi une dérégulation sauvage source de nombreuses catastrophes? Il peut justement y avoir contradiction entre les préoccupations de rentabilité et de concurrence et les conditions de travail les meilleures pour assurer une sécurité optimum. Ainsi, ce sont les syndicats du PNT qui ont imposé le respect par AIR FRANCE d’un poids maximum pour les bagages en cabine. AIR FRANCE, soucieuse de l’aspect commercial, hésitait à imposer à ses clients une limitation du poids des bagages cabines. Cependant, les rack à bagages sont conçus pour un poids donné et lors de passages en zone de forte turbulence certains d’entre eux s’étaient déjà effondrés sur les passagers. ¾ La prévention du terrorisme Dans la prévention du terrorisme, devenu un enjeu permanent, c’est avec le concours des organisations syndicales du PNT que peuvent être mises en place les conditions les plus propices à assurer la sûreté des passagers de l’équipage. Il leur arrive de refuser ponctuellement de desservir certaines destinations jugées trop dangereuses par leurs représentants. Il faut rappeler que ce sont les organisations syndicales des pilotes qui ont imposé que soit mise en place la fouille des bagages des passagers. A l’origine, dans les années 1970, lorsque ces dangers sont apparus en pleine lumière, des consignes syndicales ont été lancées pour la fouille des bagages. Les employeurs ont rechigné à la mise en place des contrôles nécessaires pour des raisons de coût et aussi de ponctualité des vols. Des procédures ont même été engagées contre les organisations syndicales qui soutenaient ces revendications. ¾ Cette vigilance des organisations syndicales est également nécessaire face aux pouvoirs publics. La DGAC Il est apparu dans plusieurs circonstances que la Direction Générale de l’Aviation Civile, très souvent confrontée aux pressions des compagnies aériennes et des constructeurs, a du mal à leur résister. L’accident du Concorde en est un exemple manifeste. En effet, les faiblesses du Concorde étaient apparues dès 1978 au cours d’un vol Washington/Paris qui avait nécessité l’interruption du vol et le retour à la case départ en raison de fuites aux réservoirs. Des mesures ont bien été prises, mais qui se sont révélées totalement inefficaces puisque l’enquête judiciaire a établi qu’avant l’accident, l’exploitation du Concorde a été marquée par plus de 70 incidents graves, dont plus de 10 fois des fuites aux réservoirs. Or, nonobstant ces multiples incidents précurseurs, l’exploitation s’est poursuivie jusqu’au moment de la catastrophe. Les mesures nécessaires (renforcement des réservoirs par du Kevlar et adoption de pneus à structure radiale n’éclatant pas) qui ont été prises après l’accident auraient pu l’être dès les années 1990, comme l’a montré l’enquête judiciaire. La DGAC, parfaitement informée de cette situation, a laissé se poursuivre l’exploitation dans des conditions dangereuses et c’est ce qui explique la mise en examen, puis le renvoi devant le Tribunal correctionnel du responsable du SFACT. Un autre exemple résulte de l’accident survenu à Saint Odile en 1992. A l’époque de l’arrivée de l’A320, AIR INTER qui était compagnie de lancement de l’appareil, avait demandé une dérogation pour ne pas équiper les appareils de la flotte avec le système avertisseur de proximité de sol (GPWS) qui contrecarrait ses procédures d’exploitation (vitesses élevées en approche notamment). Cet équipement était pourtant installé sur les avions d’Air France et tous les airbus livrés à cette époque. La DGAC avait bien légèrement accordé cette dérogation. Or lors des débats relatifs à cet accident, l’avocat général insistait sur le fait qu’il avait été démontré au cours de l’instruction que l’alarme du GPWS se serait déclenchée entre 14 et 17 secondes avant l’impact, ce qui aurait permis à n’en pas douter à l’équipage alerté, lequel se savait au dessus du relief des Vosges, de réagir de façon appropriée. Ce sont entre autres les syndicats de pilotes, parties civiles qui ont permis de mettre en évidence les négligences et manquements qui ont contribué à la catastrophe. Sans les syndicats de pilotes, aucune enquête indépendante ne pourrait être garantie. Le récent crash du AF 447 montre déjà la discordance qui s’entend entre les représentants de pilotes et le discours convenu officiel. L’agence pour la sécurité aérienne en Europe (EASA) En 2006, l’Europe demandait que la réglementation future sur le temps de travail et de repos des équipages soit étayée médicalement et scientifiquement conformément à sa propre législation. (CE n° 216/2008) En juillet 2008, une nouvelle réglementation a pourtant été mise en place sans attendre ces données scientifiques et techniques en violation de cette directive européenne. En septembre 2008 cette étude scientifique et médicale a été remise à l’EASA, laquelle affirme sur son site : « la mission de l’agence est de promouvoir le plus haut niveau possible de sécurité de l’aviation civile ». Cette étude fait de nombreuses recommandations en considérant que certaines parties de la réglementation en vigueur sur les temps de travail et de repos des équipages sont inacceptables (actuellement 13 à 14h de jour et 11h45 de nuit). . Il faut savoir que les équipages AIR FRANCE, constitués de deux seuls pilotes (dont l’un pourra bientôt avoir 65 ans), font toutes les nuits des retours des US ou des Antilles et se posent au petit matin après une nuit blanche sans aucune prise de repos, ce que ne permet pas la réglementation applicable aux équipages américains. Les compagnies européennes font feu de tout bois pour tenter de discréditer les scientifiques qui ont rédigé ce rapport et demandent à l’EASA de ne pas en tenir compte pour préserver la productivité des équipages. Au lieu d’agir rapidement et d’amender la réglementation pour se conformer aux résultats de cette étude, l’EASA a décidé d’en pondérer les conclusions afin d’en limiter les conséquences économiques. L’EASA oublie ainsi sa mission. Il ne s’agit plus pour elle de promouvoir le plus haut niveau possible de sécurité mais de maintenir la sécurité à un niveau qui ne pénalise pas les objectifs de l’exploitant. C’est aux syndicats des pilotes qu’il appartient aujourd’hui de dénoncer cette situation et de rappeler l’EASA à sa mission dont un rapport de la chambre des Communes Britannique a mis en doute sa capacité à assurer la sécurité du transport aérien en Europe (8 novembre 2006- HC 809). Dans tous les pays européens et occidentaux, il existe des syndicats spécifiques indépendants de pilotes de ligne. Cette particularité n’est pas le fait d’un corporatisme mais correspond à l’impérative nécessité qu’interviennent dans la gestion de la carrière des PNT, de leurs conditions de travail et dans la prévention en matière de sécurité et de sûreté des organisations syndicales composées de professionnels expérimentés. Nos collègues des syndicats généralistes doivent le comprendre et l’admettre. En outre, les organisations syndicales des Personnels Navigants Techniques des différents pays sont représentées dans les instances internationales telles que, l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI) ou l’EASA qui organisent la sécurité du transport aérien mondial ou en Europe. Ces instances internationales verraient évidemment d’un très mauvais œil le bouleversement qu’entraînerait la disparition des syndicats spécifiques du PNT en France. Au vu de ce qui a été exposé et qui a trait à la sécurité et à la sûreté des passagers, il serait pour le moins étrange qu’une représentativité spécifique soit déniée aux pilotes, alors qu’elle a été reconnue aux journalistes. Mesdames et Messieurs les Parlementaires, nous portons le deuil de nos camarades et ceci doit vous rappeler combien vous avez besoin des pilotes pour assurer la sécurité du transport aérien dans ce pays. Garantissez leur ce droit et nos collègues n’auront peut-être pas payé en vain de leur vie leur passion pour ce métier si particulier.