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Le système lymphatique des glandes mammaires de la chatte. Proposition de schémas d’exérèse chirurgicale en cas de tumeurs mammaires F. RAHARISON¹, G. MOGICATO2 and J. SAUTET3* Fidiniaina RAHARISON : Anatomie - Embryologie, Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse, 23 Chemin des Capelles, BP 87614, 31076 Toulouse cedex 3, FRANCE. Giovanni MOGICATO: Anatomie - Embryologie, Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse, 23 Chemin des Capelles, BP 87614, 31076 Toulouse cedex 3, FRANCE. 3 Jean SAUTET : Anatomie - Embryologie, Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse, 23 Chemin des Capelles, BP 87614, 31076 Toulouse cedex 3, FRANCE. 1 2 * Auteur chargé de la correspondance : [email protected] RÉSUMÉ La glande mammaire est un lieu de prédilection pour les néoplasies chez les carnivores. La voie lymphatique est le chemin privilégié d’essaimage pour les tumeurs mammaires chez la chatte. La connaissance anatomique de ce système n’était pas suffisamment étayée chez la chatte pour s’y référer et développer une technique d’exérèse raisonnée et conservatrice. L’étude du drainage lymphatique et la topographie des vaisseaux collecteurs ont été faites sur 50 chattes par injection indirecte, in vivo, d’encre de Chine dans le parenchyme mammaire. Tous les nœuds lymphatiques sont examinés macroscopiquement puis contrôlés histologiquement, le sens de drainage et les vaisseaux lymphatiques sont observés après diaphanisation. Parmi les 100 chaînes mammaires observées, les deux glandes mammaires intermédiaire (T2 et A1) sont drainées caudalement vers le lymphocentre inguinal superficiel et/ou cranialement vers le lymphocentre axillaire. La glande T1, la plus crâniale, draine toujours exclusivement crânialement et la glande A2, la plus caudale, draine exclusivement caudalement. Les trois glandes mammaires crâniales (T1, T2 et A1) drainent très souvent vers les nœuds lymphatiques sternaux crâniaux (100 pour cent pour T2). Cette recherche montre que la limite entre deux territoires de drainage peut exister seulement entre les glandes T2 et A1. Un plexus lymphatiques reliant deux glandes voisines n’a jamais été mis en évidence chez la chatte. L’indépendance des deux chaînes mammaires dans l’espèce féline semble donc bien réelle. Les résultats de cette étude permettent de proposer une nouvelle technique d’exérèse chirurgicale raisonnée en cas de tumeurs mammaires chez la chatte. Mots-clés : Glande mammaire, chatte, drainage et topographie lymphatique, exérèse mammaire. Introduction La glande mammaire est un lieu privilégié de néoplasie chez le chat [5]. Les plus fréquentes sont de types carcinomes, sarcomes ou mixtes [11, 17]. Les études expérimentales semblent montrer la grande importance de la vascularisation d’un organe dans les facteurs de dissémination [6]. De façon plus spécifique, les tumeurs mammaires de la chatte semblent surtout essaimer par voie lymphatique [7, 17]. Quelques auteurs [8, 17, 21, 38, 39], se sont intéressés aux tumeurs mammaires chez la chatte. Le manque de critères anatomiques les a tous conduit à recommander la mastectomie SUMMARY The lymphatic system of mammary glands in female cat. Block dissection surgical technique in the removal mammary tumors The mammary gland is a common site of neoplasms in the female cat. All the malignant tumours metastasise to a lesser or a greater extent through the lymphatic system. However the anatomical knowledge of this system is not sufficiently well known in the cat to develop a reasoned model for the extirpation of these glands in case of malignant tumours. A study of the lymph drainage in 50 female cats was done by indirect injection in vivo of India ink inside the mammary parenchyma. Mammary glands were then extracted and the thoracic cavity opened. All the lymph nodes were examined after clearing. Out of the 100 observed mammary chains, the two intermediate mammary glands (T2, A1) may drain caudally to the superficial inguinal lymph centre and/or cranially to the axillary lymph centre. The T1 gland always drains exclusively cranially and A2 exclusively caudally. The two mammary glands (T1 and A1) often drain towards the sternal cranial lymph nodes but 100 per cent of the T2 drain towards it. This research assumes that the limit between the two directions of drainage can exist only between the glands T2 and A1. Clearing has shown several principal routes of drainage, different for each gland. No evidence existed in any of the 65 cases of lymphatic plexuses connecting two adjacent mammary glands in the female cat. The results obtained with this study permit to produce a new and more complete data that will eventually aid block dissection surgical technique in the removal of malignant tumours in cats. Keywords: Female cats, lymph drainage, lymphatic topography, mammary surgery. radicale des deux chaînes mammaires et la castration des femelles comme solution chirurgicale. Le traitement des tumeurs mammaires chez la chatte peut aussi se présenter sous diverses formes associées entre elles [18] : traitement chirurgicale [40], chimiothérapie [10, 15, 24, 33], radiothérapie, immunothérapie [30]. Même combinée avec la chimiothérapie, la chirurgie reste la mastectomie radicale. Des travaux de type prospectif ont été réalisés depuis longtemps chez la femme par TURNER - WARWICK [36] puis par HEATH et KERLIN [9], chez la chienne par RUBERTE et SAUTET [27] puis PATSIKAS et DESSIRIS [19, 20]. Cette approche n'existait pas, à notre connaissance, chez la chatte. Récemment, RAHARISON et SAUTET [25] ont travaillé Revue Méd. Vét., 2009, 160, 12, 562-568 SYSTÈME LYMPHATIQUE ET TECHNIQUE D’EXÉRÈSE CHIRURGICALE MAMMAIRE CHEZ LA CHATTE sur le drainage des glandes mammaires de la chatte, et ont précisé la topographie des vaisseaux lymphatiques dans cette espèce [26]. La meilleure connaissance de la topographie des vaisseaux collecteurs et du sens du drainage présente un intérêt appliqué direct d’ordre chirurgical : possibilité de pratiquer des exérèses mammaires limitées mais efficaces comme cela a été étudié chez la chienne [31]. Matériels et méthodes Notre expérimentation a été réalisée à Antananarivo Madagascar en 2005 (Département d’Enseignement de Sciences et Médecine Vétérinaires - Faculté de Médecine) sur 50 chattes. Une partie de travail a été effectuée à Toulouse (Unité Pédagogique d’Anatomie-Embryologie – Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse). Les chattes provenant d’Antananarivo ont été obtenues par le biais d’une campagne de prévention dans le cadre de la lutte contre la rage ; après avis favorable du comité d’éthique, nous avons eu l’autorisation d’utiliser pour notre expérimentation ces animaux devant être normalement euthanasiés. Nous avons pris des chattes de différentes races et de différents âges (de 3 mois à 8 ans). Les animaux que nous avons utilisés étaient tous en bonne santé sur le plan mammaire au moment de notre expérimentation. Parmi les 50 chattes, 11 étaient en lactation, 2 en gestation et les autres au repos. La chatte possède habituellement quatre paires de mamelles d’après leur situation anatomique [1, 3, 32] : deux thoraciques (T1 = thoracique crâniale, T2 = thoracique caudale) et deux abdominales (A1 = abdominale crâniale, A2 = abdominale caudale) (Fig. 1). Il est assez rare de trouver une paire surnuméraire, inguinale (I) et en général non fonctionnelle. 563 La technique consiste en une injection intra parenchymateuse en différents points autour de la papille (tétine) de 0,20 ml à 0,50 ml d’encre de Chine (Pellican). Le protocole suivant a été mis en œuvre : 1. Au préalable, une anesthésie a été réalisée avec une solution injectable de Chlorhydrate de kétamine (Chlorkétam 1000, Vétoquinol, Lure, France), par voie intra-musculaire, à la dose de 10 mg/kg de poids vif, et une injection sous cutanée de Chlorhydrate de morphine à visée antalgique, à la dose de 0,05 mg/kg de poids vif. La sédation est obtenue en cinq minutes, la partie ventrale de l’abdomen est alors rasée afin de bien voir les mamelles et de mieux palper le tissu glandulaire pour effectuer une injection correcte. 2. Après rasage, nous choisissons les mamelles à injecter : - deux mamelles à chaque chatte : soit les deux T1, soit les deux T2, soit les deux A1, soit les deux A2 pour l’étude de la limite des champs de drainage lymphatique ; - une mamelle à chaque chatte : soit T1, soit T2, soit A1, soit A2 pour l’étude de l’homolatéralité et de hétérolatéralité du drainage lymphatique. 3. Après un délai d’attente d’une vingtaine d’heures, les animaux sont sacrifiés pour pouvoir observer la migration de l’encre de chine dans les voies lymphatiques. Pour ce faire, ils sont préalablement anesthésiés par injection intramusculaire de chlorhydrate de kétamine complétée par du chlorhydrate de morphine par voie sous-cutanée. L’euthanasie est ensuite réalisée par injection intracardiaque d’une solution injectable de T 61 (N.D.), d’action narcotique, paralysante du centre respiratoire, curarisante et anesthésique. La dose utilisée est de 2 à 4 ml selon la taille et le poids de l’animal. 4. L’enlèvement de la peau qui couvre les mamelles s’effectue à partir d’une incision cutanée sur la ligne ventrale médiane de l’animal. La fixation se fait immédiatement après le prélèvement par immersion dans une solution de formol du commerce à 10 % dans l’eau. La cavité thoracique est ouverte et la présence d’encre de chine dans le nœud lymphatique sternal crânial est vérifiée. 5. Les chaînes mammaires sont ensuite soumises à la procédure de diaphanisation de Spalte Holz, citée par TOMPOSETT [35] qui a pour but de rendre transparents des tissus normalement opaques. On peut ainsi, à l’oeil nu puis à l’aide d’une loupe binoculaire, visualiser à travers le tissu glandulaire, les vaisseaux lymphatiques colorés par l’encre de chine. Les nœuds lymphatiques sont préparés pour une coloration histologique à l'Hémalun-éosine. FIGURE 1 : Dispositions des nœuds lymphatiques mammaires chez la chatte. T1 : mamelle thoracique crâniale, T2 : mamelle thoracique caudale, A1 : mamelle abdominale crâniale, A2 : mamelle abdominale caudale, a : lymphocentre axillaire, 1 : nœud lymphatique axillaire de la 1ère côte, 2 : nœud lymphatique axillaire propre, 3 : nœuds lymphatiques axillaires accessoires, 4 : nœud lymphatique épigastrique crânial, 5 : nœud lymphatique épigastrique caudal, 6 : nœud lymphatique inguinal superficiel. Revue Méd. Vét., 2009, 160, 12, 562-568 Résultats Sur un total de 100 chaînes mammaires examinées, aucun animal n’a présenté moins de quatre glandes par chaîne. Sur 50 chattes correspondant à 405 mamelles, nous avons injecté en tout 85 mamelles. Cinq animaux parmi les 50 observés possédaient une glande mammaire supplémentaire en région inguinale. 564 SAUTET (J.) ET COLLABORATEURS En coupe histologique, la présence d’encre de chine se marque par un point noir en faible grossissement. En réalité, les particules de carbone sont phagocytées par les macrophages visibles à en plus fort grossissement (Fig. 2). Nous avons retrouvé dans cette étude la totalité des nœuds lymphatiques pouvant exister à la nuance près que les nœuds lymphatiques accessoires de la première côte et épigastrique crânial n’étaient que rarement présents (Fig. 3). FIGURE 2 : Coupe histologique de nœud lymphatique. Région médullaire. H & E × 40. 1 : Cordons médullaires ; 2 : Sinus lymphatiques médullaires ; 3 : Macrophages contenant de l’encre de chine. FIGURE 3 : Nombre de nœuds lymphatiques observés en terme de pourcentages chez la chatte. DRAINAGE LYMPHATIQUE Il a été quantifié glande par glande. Pour un nombre total de 85 mamelles injectées (correspondant à 50 chattes), sur 4 mamelles seulement les nœuds lymphatiques colorés n’ont pas pu être visualisés. Les 81 autres mamelles montrent la présence d’encre de chine à l’intérieur des nœuds lymphatiques (Fig. 4), ce qui représente un taux de réussite de la technique employée de 95,2 %. Mamelle T1 draine toujours et exclusivement vers le lymphocentre axillaire. Le problème de l’homolatéralité ou de l’hétérolatéralité du drainage lymphatique ne peut être abordé qu’en injectant une seule mamelle par chatte, ce qui a été fait sur 15 individus. Mamelle A1 draine toujours vers le lymphocentre inguinal superficiel et en même temps elle draine souvent vers le lymphocentre axillaire (Fig. 6). Le drainage se fait, du même côté, crânialement vers les lymphocentres axillaire et thoracique ventral et caudalement vers le lymphocentre inguinal (Fig. 5). Mamelle A2 draine toujours et exclusivement vers le lymphocentre inguinal superficiel. FIGURE 4 : Dissection du lymphocentre inguinal après injection d’encre de chine chez la chatte. Décubitus dorsal. Vue latérale. 1 : Nœuds lymphatiques épigastriques caudaux colorés ; 2 : Nœuds lymphatiques inguinaux superficiels coloré ; 3 : Tissu adipeux ; 4 : Muscles abdominaux ; 5 : Muscle gracile. FIGURE 5 : Récapitulatif des drainages lymphatiques possibles pour une chaîne mammaire chez la chatte. L.A. : Lymphocentre axillaire L.I.S. : Lymphocentre inguinal superficiel Nl. : Nœud lymphatique Mamelle T2 draine toujours vers le lymphocentre axillaire et en même temps elle draine parfois vers le lymphocentre inguinal superficiel. Revue Méd. Vét., 2009, 160, 12, 562-568 SYSTÈME LYMPHATIQUE ET TECHNIQUE D’EXÉRÈSE CHIRURGICALE MAMMAIRE CHEZ LA CHATTE 565 Discussion CHOIX DES ANIMAUX Nous avons limité le nombre à 50 chattes, ce qui était suffisant à l'exploitation statistique dans une étude à caractère prospectif. La diversité génétique des animaux étudiés, les différents états fonctionnels glandulaires, et les âges, font que l’échantillon des animaux étudiés peut être considéré comme véritablement représentatif de la population normale. TECHNIQUE UTILISÉE La technique utilisée pour la démonstration anatomique du système lymphatique mammaire de la chatte est celle qui a été employée par SUGIMURA et al. [34] puis par VOLLMERHAUS et ROOS [37] sur le drainage lymphatique mammaire de cette espèce. Les différences fondamentales entre notre approche et celle de VOLLMERHAUS et ROOS [37] sont les suivantes. FIGURE 6 : Drainage lymphatique dans les deux directions, crâniale et caudale, après injection d’encre de chine dans la mamelle A1 chez la chatte. a : Chaîne mammaire décollée de la paroi après injection. b : Chaîne mammaire préparée par diaphanisation après injection. 1 : Nœuds lymphatiques axillaires accessoires ; 2 : Nœuds lymphatiques épigastriques caudaux ; 3 : Vaisseaux lymphatiques. Pour le drainage vers le lymphocentre thoracique ventral, nous avons observé que les mamelles T1 (87,5 %), T2 (100 %) et A1 (62,5 %) drainent vers les noeuds lymphatiques sternaux crâniaux (Fig. 5). CONNEXIONS LYMPHATIQUES ET TOPOGRAPHIE DES VAISSEAUX LYMPHATIQUES Sur 20 mamelles seulement les vaisseaux lymphatiques n’ont pas pu être visualisés. Les 65 autres mamelles montrent toutes la présence d’encre de chine à l’intérieur des vaisseaux lymphatiques, ce qui représente un taux de réussite de la technique employée de 76,4 %. La disposition rencontrée par chaque glande mammaire est la suivante : à partir du plexus subaréolaire, un ou plusieurs vaisseaux lymphatiques collecteurs se dirigent vers les nœuds lymphatiques drainant le territoire intéressé. Il peut exister deux types de connexions lymphatiques : interglandulaires et internodales. Nous n'avons jamais observé de connexions lymphatiques interglandulaires. Les connexions lymphatiques internodales, n’ont été observées que sur trois animaux entre des nœuds lymphatiques épigastriques caudaux doubles. La liaison des deux composants était alors assurée par plusieurs vaisseaux pouvant prendre la forme d’un plexus. Revue Méd. Vét., 2009, 160, 12, 562-568 - Ils ont travaillé sur des cadavres tandis que nous avons choisi d’injecter des animaux vivants afin de nous rapprocher au mieux des conditions physiologiques du drainage lymphatique. - Nous avons injecté une seule glande par chaîne mammaire, tandis qu’ils ont injecté les quatre glandes de la chaîne en utilisant une couleur différente par glande. Ceci peut poser des difficultés d’interprétation sur le sens de drainage quand les nœuds lymphatiques présentent un mélange de plusieurs couleurs. - Concernant la visualisation des vaisseaux lymphatiques marqués par l’encre de chine, notre taux de réussite est de 76,4 %, ce qui est nettement supérieur à ce qui avait été obtenu chez la chienne (46,8 %) par RUBERTE et al. [28]. Ni SUGIMURA et al. [34], ni MEIER [13], ni PATSIKAS et DESSIRIS [19, 20], ni VOLLMERHAUS et ROOS [37], ni PEREIRA et al. [23] ne font part du taux de réussite de leurs injections chez la chienne et la chatte. - Concernant le marquage des nœuds lymphatiques, notre taux de réussite est de 95,2 %. Ce taux est également supérieur à ce qui avait été obtenu chez la chienne (88,5 %) par RUBERTE [29]. Aucun des autres auteurs cités précédemment ne précise le taux de réussite pour la technique employée. La prise en compte de deux types de critères, anatomiques et histologiques, nous a permis de nous assurer la fiabilité dans l’identification de structures observées, les vaisseaux lymphatiques et les nœuds lymphatiques. RÉSULTATS Le drainage de chaque chaîne mammaire peut-être qualifié de « thoracoabdominal », situé latéralement à l’enchaînement des glandes mammaires, depuis la région axillaire jusqu’à la région inguinale. Globalement, le nombre de nœuds lymphatiques appartenant aux différents lymphocentres est en accord avec la littérature. 566 Ce sont principalement SUGIMURA et al. (1956) et MEIER [13] qui ont essayé de les répertorier. Nos résultats sont comparés avec ceux de ces auteurs dans la figure 7. SAUTET (J.) ET COLLABORATEURS Le sens de drainage des glandes T2 et A1 mis en évidence par ce travail apparaît donc parfois contraire aux résultats précédemment publiés. Cette contradiction soulève la question de l’existence d’une limite entre deux directions de drainage : en existe-il une ou bien plusieurs ? Pour VOLLMERHAUS et ROOS [37], cette limite entre les deux directions d’écoulement, d’une part vers le lymphocentre axillaire, d’autre part vers le lymphocentre inguino-fémoral, est variable. Elle est située, selon les animaux, dans trois emplacements différents : soit entre T1 et T2, soit entre T2 et A1, soit entre A1 et A2. Nous affirmons au contraire que la seule limite qui peut exister, chez certains individus seulement, est située entre les glandes T2 et A1 (Fig. 8). FIGURE 7 : Comparaison du nombre moyen des nœuds lymphatiques rencontrés dans une chaîne mammaire (selon différents auteurs) chez la chatte. Nous pouvons noter les principales différences révélées par notre étude : Le nœud lymphatique épigastrique crânial n’a été trouvé que dans 10 % des chaînes mammaires (16 % des chattes). SUGIMURA et al. [34] en avait dénombrés 4 % tandis que MEIER [13] n’en avait relevé aucun. BARONE [1] mentionne simplement qu’on peut les rencontrer quelques fois chez le chat. Le nombre moyen de nœuds lymphatiques axillaires accessoires est de 1,73 (Fig. 7) dans notre étude tandis qu’il est plus élevé (3,21) pour SUGIMURA et al. [34]. Les nœuds lymphatiques axillaires de la 1ère côte et les épigastriques crâniaux ne sont pas toujours présents ce qui rejoint les observations d’autres auteurs [1, 6]. On doit cependant noter que ces nœuds lymphatiques sont, en raison de leur très petite taille, difficiles à mettre en évidence quand ils ne sont pas colorés. C’est le problème des « faux négatifs », leur fréquence est vraisemblablement plus élevée que nous ne l’avons relevée ici. Il existe un large consensus pour dire que les chaînes mammaires des carnivores drainent crânialement vers le lymphocentre axillaire et caudalement vers le lymphocentre inguinal superficiel [13, 19, 20, 23, 28, 31, 34, 37]. En outre, il est admis que la glande T1 draine presque exclusivement vers le lymphocentre axillaire et que la glande A2 draine toujours et exclusivement vers le lymphocentre inguinal superficiel. MEIER [13] et VOLLMERHAUS et ROOS [37] considèrent, chez la chatte, que T2 et A1 peuvent drainer indifféremment crânialement ou caudalement, mais sans quantifier leur assertion. Au contraire, nous avons démontré ici que T2 draine toujours crânialement et parfois dans les deux directions, et que A1 draine toujours caudalement et souvent dans les deux directions. De plus, nous n’avons jamais rencontré de glande T2 drainant exclusivement caudalement et de glande A1 drainant exclusivement crânialement. FIGURE 8 : Limite entre deux directions de drainage chez la chatte selon Raharison et Sautet (2006). La seule limite possible se trouve entre T2 et A1, marquée par une ligne. L.A. : Lymphocentre axillaire L.I.S. : Lymphocentre inguinal superficiel Le principe de drainage est le même chez la chienne comme l’ont montré RUBERTE et al. [28], puis PATSIKAS et DESSIRIS [19, 20], PEREIRA et al. [22, 23]. Dans cette espèce, les mamelles des extrémités, T1 et I, drainent respectivement exclusivement crânialement et caudalement. Les deux mamelles intermédiaires, T2, et A1, peuvent drainer dans les deux directions. La troisième mamelle intermédiaire, A2, draine caudalement comme la dernière. La différence réside dans l’existence de connexions lymphatiques entre les mamelles T2, A1 et A2, ce qui n’est pas sans conséquence sur l’application chirurgicale à l’exérèse de tumeurs [31]. Nous n’avons pas réussi à mettre en évidence des voies de drainage directes entre les trois mamelles crâniales et les nœuds lymphatiques sternaux crâniaux comme cela avait été fait chez la chienne par RUBERTE et al. [28] et SAUTET et al. [31]. On ne peut donc dire si ces voies existent chez la chatte ou bien si les nœuds lymphatiques sternaux crâniaux sont la station secondaire du lymphocentre axillaire. Nous n’avons jamais observé de connexions lymphatiques entre deux glandes mammaires adjacentes chez la chatte. Par contre, chez la chienne [28] de telles connexions sont relativement fréquentes sous forme de vaisseaux lymphatiques reliant les plexus subaréolaires de T2 et de A1 ou sous forme de plexus lymphatiques entre les plexus subaréolaires de A1 et de A2. Par contre, PATSIKAS et DESSIRIS [19, 20] n’ont pas pu mettre en évidence ces communications chez la chienne. Nous n’avons jamais rencontré non plus de vaisseaux qui relient les glandes des deux côtés, ce qui correspondant aux observations de RUBERTE et al. [28] et SAUTET et al. [31] Revue Méd. Vét., 2009, 160, 12, 562-568 SYSTÈME LYMPHATIQUE ET TECHNIQUE D’EXÉRÈSE CHIRURGICALE MAMMAIRE CHEZ LA CHATTE chez la chienne. PATSIKAS et DESSIRIS [20] suggèrent cependant l’existence de tels vaisseaux entre les mamelles T1 droite et gauche de la chienne sans toutefois avoir pu les mettre en évidence. Plus globalement ces communications lymphatiques entre les mamelles des deux côtés semblent rarissimes dans les conditions physiologiques chez nos espèces domestiques. Elles n’ont été signalées que chez la vache par BAUM [2], BARONE [1] et chez la chienne en cas de tumeurs mammaires par PEREIRA et al. [23]. APPLICATIONS CLINIQUES C’est ainsi que les résultats de notre étude, joints à ceux des précédents travaux sur le sens du drainage de chaque glande mammaire [13, 34, 37], permettent de proposer un des néoplasies malignes de la chatte. Le principe est le suivant : n’effectuer que l’exérèse nécessaire et indispensable par la technique chirurgicale dite de « block dissection » [12], afin d’éviter toute amputation inutile. Ainsi on ne retirera, outre le nœud lymphatique drainant la mamelle directement touchée et la mamelle atteinte elle même, que celles qui lui sont éventuellement reliées par voie lymphatique et enfin, les nœuds lymphatiques drainant ces dernières. On voit bien tout de suite, d’après nos résultats qui démontrent l’absence de connexions lymphatiques entre différentes glandes, que la technique sera différente de celle préconisée chez la chienne [31]. Chez la chatte, nous proposons donc le schéma d’exérèse résumé dans la figure 9. 567 La probabilité de succès d’interventions chirurgicales effectuées sur une des trois glandes mammaires crâniales peut être significativement réduite en raison du drainage des ces glandes par les nœuds lymphatiques sternaux crâniaux dans l’hypothèse où ce drainage serait direct. En effet, ces noeuds sont difficilement accessibles chirurgicalement pour l’exérèse (thoracotomie). Si les Nll. sternaux crâniaux ne reçoivent que la lymphe secondaire en provenance du lymphocentre axillaire, ce qui reste à démontrer, le problème est alors totalement différent. Ceci constitue une différence importante avec les résultats obtenus chez la chienne [27, 28, 31] où le drainage vers ce lymphocentre thoracique est beaucoup moins fréquent. Il conviendrait aussi de vérifier si l’ipsilatéralité du drainage lymphatique chez la chatte n’est pas altéré en cas de tumeurs mammaires comme ceci vient d’être démontré récemment chez la chienne par PEREIRA et al. [23]. En conclusion, lors d’une mastectomie, il convient, dans la recherche des nœuds lymphatiques, de se souvenir qu’ils sont tous alignés le long du bord latéral de l’ensemble des glandes mammaires. Globalement nos résultats rejoignent ceux des travaux précédents, apportent des précisions concernant le sens du drainage lymphatique et la typologie des voies de ce drainage mammaire. Ces premiers résultats permettent déjà de proposer une amélioration des techniques d’exérèse chirurgicales actuelles. Ils mériteraient d’être complétés par l’étude plus fine des voies de drainage vers les lymphocentres thoraciques et par la recherche de l’existence de communications lymphatico-veineuses comme cela a été fait chez la chienne [27]. Ces perspectives nécessiteront la mise en œuvre d’autres techniques telles que les injections-corrosions vasculaires, la lymphographie ou même la lymphoscintigraphie, comme cela vient d’être fait chez la chienne [22] et bien sûr l’histologie. Remerciements Les auteurs voudraient remercier vivement les étudiants vétérinaires malgaches (Première promotion) du Département d’Enseignement de Sciences et Médecine Vétérinaires - Faculté de Médecine (Université d’Antananarivo), tous les membres du laboratoire d’Anatomie – Embryologie, Isabelle Raymond et Céline Bleuart du laboratoire d’Anatomie Pathologique (Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse 31). Sans eux, ce travail n’aurait pas été possible. Bibliographie 1. - BARONE R. : Anatomie comparée des Mammifères domestiques, Tome 5 : Angiologie, 904 pages, Vigot frères Editeurs, Paris, 1996. FIGURE 9 : Propositions de schémas d’exérèses mammaires chez la chatte. Mamelle affectée par la tumeur primaire : a. mamelle thoracique crâniale ; b. mamelle thoracique caudale ; c. mamelle abdominale crâniale ; d. mamelle abdominale caudale. Extension de l’exérèse. Revue Méd. 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