Le 29 novembre dernier a eu lieu une manifestation sur le thème de

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Le 29 novembre dernier a eu lieu une manifestation sur le thème de
Le 29 novembre dernier a eu lieu une manifestation sur le thème de la dépendance fournisseur,
avec trois intervenants de renom : Jean-Claude Volot (président du groupe Dedienne et ancien
Médiateur National des Relations Inter-entreprises), Cyrille Pourrat (Senior Vice President
Procurement Excellence chez BuyIn - l'entité d'achats commune de Orange FT et Deutsche
Telekom) et Pascal Delval (Directeur des Achats Indirects Groupe de Auchan).
Les trois intervenants ont partagé leurs expériences et bonnes pratiques sur le thème de la
dépendance fournisseur - donneur d'ordre, à la fois du point de vue de la dépendance du
fournisseur à son Client, et du point de vue de la dépendance du Donneur d’ordre à son
fournisseur.
Cyrille Pourrat est passé par les Achats de France Télécom avant d'intégrer BuyIn, la JV Orange
FT et Deutsche Telekom dédiée aux achats de réseaux, équipements clients et plateformes des
deux sociétés. A retenir de son intervention :
La création de BuyIn est l’une des réponses que les deux opérateurs ont souhaité apporter à
leur problématique de dépendance à certains fournisseurs, notamment des constructeurs
comme Apple ou Samsung, qui sont devenus en quelques années complétement dominants et
incontournables sur le segment des équipements Clients. Mais même avec cette centrale de
négociation, le poids combiné de France Telecom et de Deutsche Telekom reste relativement
modeste sur le marché (la JV a permis de préserver la position concurrentielle, mais dans un
marché qui s’est concentré, n’a pas permis de l’améliorer). Sur ce même segment, le manque de
concurrence face aux deux acteurs majeurs rend les négociations prix limitées voire
inexistantes, et la négociation se fait surtout sur la disponibilité des produits.
Les discussions sur cette problématique de dépendance ont mis en évidence les challenges liés
au business model des opérateurs, qui sont challengés par les fournisseurs à la fois sur la partie
« historique » de la fourniture (les terminaux) mais aussi sur la vente de Services, avec un
transfert (rapide) de la Valeur Ajoutée vendue au client final vers les plateformes de services
des fournisseurs, ce qui risque de cantonner rapidement les opérateurs à un rôle de
« transporteurs de contenu » avec une faible VA.
Pascal Delval a ensuite apporté son témoignage au travers de ses expériences en France mais
surtout à l'international, puisqu'il a participé à la création de très nombreuses centrales d'achats
du Groupe Auchan dans son expansion internationale, notamment en Asie et en Russie, ou au
Etats-Unis. A retenir de son intervention :
Sur le sujet de la dépendance du Client à son fournisseur, la leçon à retenir est que la meilleure
façon de sortir d’une dépendance est de se passer d’un fournisseur, ce qui peut supposer de
changer son concept commercial ou de l’adapter, mais est toujours possible, la dépendance
étant le plus souvent plus une barrière psychologique qu’une réelle impossibilité. A titre
d’exemple on peut citer le cas de Decathlon, qui peu après sa création souhaitait vendre des
cycles, mais s’était heurté au refus du leader du marché (les cycles Mercier) de lui fournir du
matériel : Decathlon a choisi de développer lui-même sa propre marque, et est aujourd’hui
leader du marché en France alors que les cycles Mercier ont disparu.
Sur le sujet de la dépendance du fournisseur à son Client, le message est finalement similaire :
dans beaucoup de pays, la notion de rapport de force lié à la dépendance est souvent inversée.
En Russie par exemple, les négociations avec des fournisseurs qui rempliraient des critères de
dépendances en France (donc seraient considérés comme en position de faiblesse dans une
négociation) ne vont pas du tout obéir aux mêmes règles, et la faiblesse supposée non
seulement n’existera pas, mais c’est le Client, surtout s’il applique des pratiques non adaptées à
la culture locale, qui risque de se retrouver en position de faiblesse (ou a minima dans une
impasse). Si une partie du problème est culturel, c’est donc que dans beaucoup de cas, les
barrières liées à la notion de dépendance sont psychologiques.
Jean-Claude Volot est l'auteur du rapport Volot, sur le dispositif juridique concernant les
relations interentreprises et la sous-traitance. Il a été Médiateur national des relations interentreprises entre 2010 et 2012. Il est également chef d'entreprise puisqu'il est à la tête du
Groupe Dedienne. A retenir de son intervention :
Il est capital de suivre le taux de dépendance, car s’il est trop élevé, il conduit quasiment
systématiquement à des dérives, qu’elles soient voulues ou purement « mécaniques ». Le suivi
doit être systématique, la barrière de 15 à 20 % de taux de dépendance devant être le taux
maximum à tolérer.
Cependant, une fois que le taux est suivi, il est important d’analyser de façon pragmatique ces
taux de dépendances, et de ne pas appliquer de règle systématique : exemple des consultants
indépendants, qui vont rapidement se retrouver en dépendance du client chez lequel ils
travaillent : une règle stricte ne devrait pas être appliquée, et chaque situation doit être
analysée, comme également des cas de figure de projets qui vont temporairement impliquer
beaucoup de ressources fournisseurs, créant une dépendance temporaire (au regard des
chiffres) qui doit être relativisée : à cet égard, les pratiques du secteur du BTP peuvent être
citées en exemple vertueux.
Il est également important de beaucoup communiquer avec les fournisseurs identifiés, en leur
notifiant les taux élevés constatés, et en travaillant avec eux sur leurs plans d’actions pour
diminuer le taux de dépendance.