le blocage anesthesique cervical a l`hopital national de kati a propos

Transcription

le blocage anesthesique cervical a l`hopital national de kati a propos
LETTRE A L’EDITEUR
LE BLOCAGE ANESTHESIQUE CERVICAL
A L’HOPITAL NATIONAL DE KATI
A PROPOS DE 22 CAS A LA BUPIVACAÏNE
YAO. MING*. KEITA. B **, XU. S IJIE*, FANE. M**, DIALLO. S**.
RESUME
L’étude a porté sur 22 patients ayant bénéficié d’un
blocage cervical à l’Hôpital National de Kati : 6 cas de
bloc cervical superficiel bilatéral associé un bloc profond unilatéral ; 12 cas de blocage cervical superficiel
bilatéral et 4 cas de blocage cervical superficiel unilatéral.
La bu p ivacaïne 0,3 % a été utilisée comme pro d u i t
anesthésique à raison de 4 ml d’un côté dans le bloc cervical profond et 10 à 12 ml de chaque côté dans le bloc
cervical superficiel.
Les patients avaient reçu 7,5 - 10 mg de Diazépam en
intra-veineuse (I.V.) avant l’incision cutanée. Dans les
cas de thyroïdectomie, on a administré 25 - 50 mg de
péthidine en IV avant le traitement chirurgical de la
partie supérieure de la glande.
Dans 21 cas le blocage a été total et satisfaisant ; dans
1 cas l’adjonction de Kétamine a été nécessaire à cause
de l’insuffisance de l’analgésie. Il a été observé 3 cas
d’augmentation de la pression artérielle avec accélération du pouls. Un cas d’enrouement de la voix de courte
durée a été noté dans la série.
Le blocage anesthésique cervical à la bupivacaïne s’est
avéré très efficace et avantageux ; car il permet d’obtenir une durée remarquable et une conservation de la
conscience du patient pendant l’intervention, et aussi
d’éviter la résection des nerfs laryngés supérieurs et
récurrents lors des thyroïdectomies.
Mots clés : Bloc cervical, bupivacaïne 0,3 %, anesthésie
loco-régionale.
SUMMARY
This study discusses the efficacy of cervical nerve plexus
block anaesthesia (CNPB) in cervical operation with
Bupivacaine.
22 patients were selected with CNPB: 6 cases were used
deep CNBA of one side and superficial CNPB of both
sides ; 12 cases selected with superficial CNPB of both
sides ; 4 cases with superficial CNPB one side only.
4 ml of 0.3 % Bupivacaine were used in deep CNPB and
10-12 ml in superficial CNPB each side. Two medicaments were injected intravenous : 7.5-10mg Diazepam pre operation for all cases, 25-50 mg pethidine
while operating upper-edge of thyroid gland.
21 patients with CNPB were successful, 1 case could not
stand painful of draw and used Ke t a m i n e, 3 cases
increased blood pressure or/and heart rate during operation, 1 case had lost his voice only for 2 hours post
anaesthesia.
It was concluded that CNPB with Bupivacaine provide
well anaesthesia and longer lasting time, especially the
patients could keep awake during operation so as to not
to damage the recurrent nerve.
Key words : Cervical block, Bupivacaine 0,30 %, localregional, anaesthesia.
INTRODUCTION
Le bloc cervical est pratiqué depuis 1884. La technique a
connu depuis, une évolution dans le mode de ponction
ainsi que dans le choix de l’utilisation des produits anesthésiques. Ce qui a rendu la méthode simple, efficace et
sécurisante. Actuellement en clinique, on utilise fréquemment la méthode d’injection unique de WINNIR (5) : 19
en 1997, 3 en 1998 à l’Hôpital National de Kati. Dans le
cadre de cette étude, il a été réalisé 22 blocs cervicaux
pour les interventions chirurgicales du cou avec la bupivacaïne à 0,3 %.
METHODOLOGIE
Il s’agit d’une étude prospective réalisé du 29 juillet 1997
au 5 mars 1998 portant sur 22 patients pour évaluer l’effet
anesthésique du bloc cervical dans les interventions chirur-
* Mission Médicale Chinoise au Mali.
**Service Anesthésie - Réanimation de l’Hôpital National de Kati - BP 16
- Bamako (Mali).
Médecine d'Afrique Noire : 2000, 47 (6)
YAO. MING. KEITA. B, XU. S IJIE, FANE. M, DIALLO. S
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gicales du cou. Les critères d’inclusion ont été les suivants :
patients ASA 1 ou ASA 2, chirurgie du cou, consentement
du patient.
gauche, à l’aide d’une aiguille N°7, ponctionner entre
les deux doigts en direction inférieure, intério-postérieure jusqu’à atteindre l’apophyse de la 4ème vertèbre
cervicale, aspirer pour voir s’il n’y a pas de sang ou de
LCR ; administrer 4 ml de bupivacaïne à 0,3 % ou 2 3 ml à 0,5%.
* Bloc anesthésique superficiel : derrière le milieu du
rebord postérieur du muscle sterno-cléido-mastoïdien,
ponctionner avec une aiguille N°7 perpendiculaire à la
surface, franchir la peau, le tissu sous-cutané et l’aponévrose cervicale, on éprouve une sensation de perforation, administrer 10-12 ml 0,3 % de bu p iva c a ï n e,
après aspiration s’il n’y a pas de sang, ni de LCR.
Les critères de non-inclusion : tumeur très volumineuse,
p atient ASA III, ASA IV, ASA V, très mauvais état
général, dyspnée pré-opératoire ou de décubitus.
Tous les patients ont eu un bilan clinique et paraclinique :
p ression art é ri e l l e, nu m é ration fo rmule sanguine, taux
d’hémoglobine ou hématocrite, groupage sanguin Rhésus,
temps de saignement, temps de coag u l ation. La fi ch e
comportait le diagnostic (ou motif de l’intervention) l’état
général, la prémédication, le type d’anesthésie et la qualité
du bloc, les incidents et accidents observés.
Tous les patients ont reçu 7,5-10 mg de diazépam en I.V
avant l’incision cutanée. Dans les cas de thyroïdectomie,
avant l’intervention chirurgicale de la partie supérieure de la
glande, on injecte 25-50 mg de péthidine (Dolosal) en I.V.
Dans 12 cas d’adénomes thyroïdiens, on a pratiqué le bloc
superficiel bilatéral et dans 6 cas (tumeur volumineuse et
cancer thyroïdien) on a réalisé le bloc cervical profond du
côté de la lésion et superficiel bilatéral. Dans 4 cas (2
fractures de la clavicule, un lipome cervical, un kyste chylaire), on a pratiqué un bloc cervical superficiel unilatéral.
METHODE ANESTHESIOUE
Patient en décubitus dorsal, avec inclinaison controlatérale
de la tête, un oreiller placé sous le dos.
* Bloc cervical profond : 1,5 cm en dessus du milieu du
rebord postérieur du muscle sterno-cléido-mastoïdien,
palper légèrement l’ap o p hyse tra n s ve rse de la 4è
vertèbre cervicale avec l’index et le médius de la main
RESULTATS
1. Répartition de la méthode anesthésique selon l’efficacité et effet secondaire
Méthode anesthésique
Nb de
cas
Efficacité
Effets secondaires
Bon
Mauvais
Pression
artérielle
Pulsation
Enrouement
de la voie
Bloc profond unilatéral +
bloc superficiel bilatéral
6
6
0
2
1
1
Bloc superficiel bilatéral
12
11
1
0
1
0
Bloc superficiel unilatéral
4
4
0
0
0
0
Total
22
21
1
2
2
1
2. Répartition des patients selon le sexe
Sexe
Nb de cas
%
Féminin
16
72,7
Masculin
6
27,3
Total
22
100
3 . L’âge moyen dans la série a été 34,5 ans avec comme
extrêmes 18 et 60 ans
Médecine d'Afrique Noire : 2000, 47 (6)
4. Classification selon la classe ASA (American Society
of Anesthesiologists)
Classe ASA
Nb de cas
%
ASA1
7
31,8
ASA 2
15
68,2
Total
22
100
LE BLOCAGE ANESTHESIQUE…
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5. Répartition des patients selon les indications
Inidications oépratoires
Nb de cas
%
Adénome thyroïdien
16
72,7
Cancer thyroïdien
2
9,1
Fracture de la clavicule
2
9,1
Lipome cervical
1
4,55
Kyste chylaire
1
4,55
Total
22
100
6. Répartition par rapport aux autres anesthésies
Types d'anesthésie
Nb de cas
%
Anesthésie générale
2
8,3
Bloc cervical
22
91,7
Total
24
100
7. La nature du produit et durée du bloc
La bu p ivacaïne a été utilisée chez tous les patients à
100 %. La durée moyenne du bloc a été de 150 minutes.
8. Répartition selon les incidents
Incidents
Nb de cas
%
Enrouement de la voix
1
4,54
Insuffisance d'analgésie
1
4,54
Elévation de la PA et/ou
accélération du pouls
3
4,54
COMMENTAIRES ET DISCUSSIONS
A notre connaissance c’est la première étude faite au Mali
sur le sujet. Il est caractérisé par une simplicité d’exécution, une rareté des complications et surtout une stabilité
hémodynamique remarquable.
1) Les nerfs spinaux I, II, III, IV et leurs branches, se
reliant sous forme d’anneaux, forment le plexus cervical
au niveau de l’apophyse. Chaque circonférence nerveuse
donne une ramification du plexus profond et superficiel.
Le plexus superficiel longe le rebord postérieur du muscle
sterno-cléïdo-mastoïdien.
Arrivé au milieu il sort de l’espace sous le fascia pour
s’étaler en surface et innerver la peau et les autres structures superficielles.
La ramification du plexus profond innerve les muscles et
les autres tissus profonds.
2) Nous avions constaté comme LIN GX (1) une durée
d’action longue de la bupivacaïne à 0,3 % par rapport à la
lidocaïne. Une durée maximale de 290 mn a été obtenue
dans notre série.
3) Nous avions constaté une augmentation de la PA de
9,1 % contre 10,1 % pour LIU WD (2) Cependant nous
avions remarqué :
- une augmentation de la pulsation post anesthésique de
30 par mn (de plus que le chiffre basal pré-anesthésique).
- une variation de la pression artérielle post-anesthésique
par rapport à la pression artérielle basale pré-anesthésique (P. systolique augmente de 30 mmHg ou P. diastolique de 20 mmHg).
- une augmentation de la PA ou/et pulsation avant l’incision : prévenue par l’administration de Diazépam.
- 1 cas d’augmentation de la PAS de 40 mmHg, maîtrisée
par l’administration de 50 ug de nitroglycérine.
- 2 autres cas stabilisés au bout d’une heure sans administration de médicaments.
Il est souhaitable de proscrire l’adrénaline chez les patients
à antécédents d’hypertension artérielle, de tachycardie, ou
d’hyperthyroïdie. Il faudra assurer un traitement pré-opératoire de ces patients et une surveillance stricte per-opératoire de la circulation hémodynamique à intervalle réduit.
4) Contrairement à MING HX (3) nous n’avons pas utilisé
la Nifédipine.
5) Comme WENG WZ (4) nous avions fait la ponction au
niveau d’un côté ; car le nerf récurrent et le nerf diaphragmatique se trouvant en profondeur du plexus cervical, le
bloc bilatéral profond peut entraîner une inhibition de la
respiration. Cependant nous avions constaté un enrouement de la voix dû au bloc du nerf récurrent pendant 90
mn environ chez un patient. La récupération a été rapide
sans traitement.
6) A l’instar de WINNIR (5) et YANG YX (8) nous avons
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YAO. MING. KEITA. B, XU. S IJIE, FANE. M, DIALLO. S
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utilisé la méthode de ponction unique au cours de notre
étude.
7) Nous n’avons pas décelé de tro u bles re s p i rat o i re s ,
constatation partagée par XU MY (6). Le bloc cervical n’a
pas d’influence sur la P02 et la PC02, sauf en cas de bloc
b i l at é ral profond pouvant entraîner une inhibition de la
respiration (le bloc cervical profond doit se limiter exclusivement à un côté).
8) Pour XU ZB (7) la direction de l’aiguille de ponction ne
doit pas être parallèle à l’apophyse transverse des vertèbres
c e rvicales. Cette précaution que nous avons re s p e c t é e
permet d’éviter la pénétration dans le trou inter-vertébral
ou le canal vertébral.
Le bloc cervical provoque l’anesthésie de tout le cou, de la
partie supérieure du thorax en raison de la diffusion du
produit anesthésique en dessous de l’aponévrose cervicale
et du blocage de la conduction d’une grande partie du
plexus profond.
CONCLUSION
La chirurgie de la région cervicale est fréquente au Mali.
Elle est pratiquée presque exclusivement sous Anesthésie
Générale.
Le présent travail est une contribution pour élargir l’éventail du choix de l’anesthésie. Le bloc cervical offre sécurité
réelle et un coût intéressant.
Le patient a la possibilité de conserver la conscience en per
opératoire et de parler à la demande de son chirurgien au
cours de l’acte opératoire. La prévention de la section des
nerfs récurrents est optimale.
REMERCIEMENTS
* Au Dr. Salif TRAORE qui a traduit le texte du chinois
en français,
* Au Pr. Liansong XU qui a vérifié et révisé le texte en
français,
* Au Pr Abdoulaye Diallo qui nous a conseillé pour la
rédaction finale.
BIBLIOGRAPHIE
1 - LIN Gaoxiang
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Revue d’Anesthésiologie Chinoise, 1992, 12 : 301.
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R e ch e rche et analyse sur les causes de l’augmentation de la tension
artérielle à l’issue du bloc cervical anesthésique.
Revue d’anesthésiologie clinique, 1990, 6 : 183.
3 - MING Hongxing, HUANG Yaozhong, TU Jisan.
Médecine d'Afrique Noire : 2000, 47 (6)
Observation sur l’utilisation de la Nifédipine pour la prévention contre la
réaction due au blocage anesthésique du plexus cervical.
Revue d’Anesthésiologie Chinoise, 1994, 14 : 214.
4. WENG Wenzao, HUANG Bing, LIANG Rui et al.
Analyse des complications péri opératoires anesthésiques des tumeurs
maxillo-faciales et cervicales.
Revue d’Anesthésiologie Chinoise, 1993, 13 : 143 - 144.