L`argument de la vitesse de croissance spectaculaire du bambou

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L`argument de la vitesse de croissance spectaculaire du bambou
1. LA PRODUCTIVITÉ DU BAMBOU L’argument de la vitesse de croissance spectaculaire du bambou (record de plus de 90 cm/jour) basé sur le déploiement des nouveaux chaumes est trompeur pour le grand public. En réalité il faut au bambou, au minimum 5 semaines pour atteindre la taille adulte et 3 à 6 ans pour que la paroi du chaume soit mâture suivant l’usage requis. Il est à noter que plusieurs méthodes permettent de reconnaître l’âge des bambous : le marquage distinctif, la sonorité par percussion ou l’observation de la coloration des chaumes et/ou du dessèchement des branches basses. Par ailleurs, cette croissance aérienne ne peut être obtenue que sous réserve d’un réseau de rhizomes suffisants et de conditions climatiques favorables. Bien que la biomasse totale d’une bambousaie (partie aérienne + souterraine) de bambous géants soit estimée en Chine à 167t/ha, les rendements annuels moyens exportables dans ce pays, qui possède certains climats similaires à l’Europe, sont compris qu’entre 10 et 15 tonnes en vert/ha. Des pointes sont toutefois possibles entre 20 et 30 t en vert/ha pour certaines provinces plus arrosées aux sols fertiles et climats plus chauds sur des versants bien exposés. En effet, en Chine, la productivité du bambou augmente considérablement avec le niveau des précipitations annuelles. Les chiffres donnés ici sont ceux de la FAO. Des exportations plus importantes à l’hectare sont indiquées pour des coupes à blanc, mais elles ne sont valables que l’année considérée, ce qui est souvent source de confusion sur les rendements annuels et réels du bambou une fois l’établissement de la bambousaie obtenu. Selon l’Unesco, une coupe rase nécessite 8 à 9 ans pour obtenir la même longueur de chaumes, alors que si on épargne uniformément 10 % des chaumes on économise de 1 à 2 ans. Elle est ramenée à 3 ou 4 ans avec la coupe d’un chaume sur 2. Le mode d’exploitation jardiné avec extraction biannuelle des chaumes de 4 à 6 ans et fertilisation, est la façon traditionnelle de le cultiver la plus productive, mais qui nécessite le plus de main d’œuvre, sachant que seulement la moitié des surfaces en Chine sont cultivées de cette manière. Les bambous tropicaux cespiteux en monoculture donnent de meilleurs rendements avec un plafond à 38 t en vert/ha/an en assolement triennal bien qu’il soit difficile de statuer sur ce point, tant les informations disponibles sont partielles et disparates suivant les pays, les lieux et les espèces considérées. Une source d’erreur provient du mode de calcul du rendement, variable suivant les pays et qui est généralement basé sur le nombre de chaumes (bambou sympodial) ou de touffes (bambous cespiteux) à l’hectare auquel est appliqué un coefficient de transformation en tonnage de bois en vert (ou sec) exportable. Le manque de données fiables sur les ressources et rendements en bambou sur certains continents s'explique également par la faible activité économique marchande du bambou sur place (cas de l’Amérique latine) ou de son image de « mauvaise herbe » (cas de l’Afrique). Quoiqu’il en soit, le bambou « mao zhu » (ndlr : Moso) ou Phyllotachys pubescens (syn edulis) est l’espèce à croissance sympodiale la plus intéressante dans l’empire du milieu pour sa productivité, la qualité du bois et ses turions très appréciés sur les marchés locaux. Selon, LIANTAIRAN ingénieur forestier au Ministère chinois des forêts, « sa croissance demande la moitié ou les deux tiers du temps nécessaire pour un bois ordinaire, et son rendement est double ». À tel point qu’il couvre actuellement 71 % des surfaces en bambous de la Chine. Pour ses calculs, la Chine considère que la partie exploitée du chaume de Moso pèse 15 Kg en vert. D’après les rendements annoncés à la FAO, le prélèvement annuel correspond donc à un chaume/an pour 5 à 15 m² de terrain, suivant la fertilité des sols, les pratiques culturales et le climat. Le développement d’une culture mono spécifique fertilisée présente cependant un risque élevé de parasitisme, de maladies cryptogamiques et d’épuisement des sols. Une étude sur la monoculture du bambou par rapport à une culture mixte (bambous en mélange avec des arbres) montre une baisse de la productivité de 25% de la bambousaie après 11 ans ainsi qu’une perte important de la biodiversité (‐90 % de bactéries et ‐45% de champignons) et de qualité des sols. L’INBAR recommande donc la culture durable du bambou, en mélange forestier ce que commence à pratiquer la Chine. Dans ce cas et sans fertilisation, les rendements seraient limités à 7.1 t en sec de chaumes utilisables/ha/an L’argument de la productivité de la monoculture du bambou est un peu moins fondé en Europe. Sous nos climats tempérés ou les climats nord‐américains comparables avec des espèces de bambous géants adaptées (Phyllostachys pubescens, Ph. bambusoides, Ph.viridis, Ph.nigra ‘Henonis’, …) et fertilisés, les essais nord‐
américains montrent qu’on peut s’attendre à des rendements compris entre 11 et 14 t en vert/ha/an (soit un maximum de 15 m³/ha). En Belgique, les essais du Centre De Recherches Agronomiques (CRA) de Gembloux, sur une espèce de taille moyenne (Phyllotachys spectabilis) montrent une production totale annuelle (non fertilisé ni irrigué) de 60 t de chaumes en vert par ha/an à partir de la 6° année, ce qui correspondrait à un rendement annuel moyen de 10‐12 tonnes en vert/ha/an. Pour les jardiniers que nous sommes, cela correspond à 1 à 1,2 kg de chaumes en vert produits par m² et par an. Il n’existe pas à ma connaissance d’essais et d’information sur les rendements en France. Selon M. Francois PUECH, membre de l’AEB et artisan du bambou, les productions sur les bambouseraies géantes qu’il exploite (Ph. pubescens, Ph. viridiglaucescens, Ph. viridis, Ph. nigra ‘Henonis’ et Ph. violascens) sous le climat particulièrement propice du pays basque sont beaucoup plus importantes. En moyenne, après une phase d’établissement de 14 ans et l’éclaircissement de la bambousaie, il obtient chaque année un chaume de 15 m de haut tous les 2 m². Avec l’hypothèse d’un poids du chaume de 15Kg en vert, on obtiendrait 75 t de chaumes en vert/ha/an. Stockage de cannes de Phyllostachys spp. Document AEB soumis à réactualisation (version du 16 avril 2014) et n'engageant que la responsabilité de son auteur. Droits d’utilisation du texte et des photos réservés à un usage individuel ou familial 

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