Situation des auteurs dramatiques en Communauté française

Transcription

Situation des auteurs dramatiques en Communauté française
Situation des auteurs dramatiques
dans le champ des arts de la scène
en Communauté française de Belgique
Société d’auteurs internationale
BELGIQUE | FRANCE | CANADA
Etude: SACD/Promotion des Lettres
août 2006 – août 2007
Ministère de la Communauté française Wallonie-Bruxelles - Direction générale de la Culture - Service de la Promotion des Lettres
SOMMAIRE
1// INTRODUCTION
2// pour éclairer LA SITUATION DES AUTEURS - CHEMINEMENT D’UNE RéFLEXION - Brève esquisse sur les rapports entre écriture dramatique francophone et théâtres en Belgique
- carte blanche publiée dans Le Soir début 2007 par une douzaine d’auteurs dramatiques reconnus
- La place de l’auteur dramatique – Rencontre organisée par la SACD et le Festival de Spa en 2006
- Auteur dramatique, quel statut ? Rencontre du 24 mars 2007 au Théâtre National
- L’avis n°35 du Conseil du Livre de la Communauté française
- Quel théâtre pour demain et pour qui ? Journée des auteurs le 4 juin 2007 organisée par le Théâtre Le Public - Données économiques et juridiques - Les auteurs et les contrats-programmes: Analyse de 38 situations
- Statistiques de l’Observatoire des Politiques Culturelles - STATISTIQUES DE LA SACD - Analyse économique et pratique des revenus du travail de l’auteur 3
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3// Au coeur de l’étude: la voix des auteurs
- Synthèse des réponses: profils des auteurs
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4// Les propositions concrètes
- SOLUTIONS EN VUE DE COMBATTRE LA précarité DES AUTEURS
- mesures visant l’emploi des auteurs - mesures visant les commandes d’œuvres et de prestations artistiques d’auteurs - Mesures visant l’activité internationale des auteurs
- mesures visant les droits d’auteur et la gestion de ces droits
- mesures visant la fiscalité - mesures visant le chômage et autres questions sociales
- autres mesures visant la reconnaissance et l’encouragement de l’activité professionnelle d’auteur 28
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5// Conclusions provisoires
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Crédits
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1//
Introduction
La SACD et le Ministère de la Culture de la Communauté française de Belgique – Service de la Promotion des Lettres – ont souhaité établir une situation
des auteurs dramatiques dans le champ des arts de la scène.
Cette démarche s’inscrit dans le prolongement des Etats généraux de la Culture dont les conclusions soulignent la nécessité d’agir contre la précarité
économique, sociale et professionnelle des artistes, et notamment des auteurs.
Ce travail n’est pas académique. Son objet est de contribuer à élaborer des propositions concrètes d’actions de nature à améliorer la situation professionnelle
des auteurs dramatiques en Communauté française de Belgique. Il vise aussi à intervenir sur la place encore trop incertaine accordée à l’écriture
contemporaine dans le champ des arts de la scène.
Même si certaines paraissent évidentes, il aurait été inconcevable d’avancer des propositions sans recueillir l’avis des principaux intéressés d’abord, et sans
les confronter aux points de vue des autres professionnels du secteur des arts de la scène ensuite. C’est pourquoi deux questionnaires ont été réalisés
successivement.
Le premier, destiné aux auteurs, a permis d’établir une photographie instantanée actualisée de leur situation, et de recueillir leurs propositions.
Ce volet de l’étude a été réalisé par Linda Lewkowicz.
Le second, destiné aux acteurs du secteur, a permis de confronter les propositions dégagées avec les auteurs aux questions, remarques, suggestions
ou objections d’une série d’acteurs (publics ou privés) en position d’agir positivement contre la précarité professionnelle des auteurs.
Au premier rang de ces interlocuteurs privilégiés figurent les organisations patronales du champ des arts de la scène et les structures spécialisées dans
le soutien aux artistes, ou encore dans la promotion et l’édition de leurs oeuvres.
Il appartient à présent aux pouvoirs publics de mettre en œuvre sans plus tarder une politique qui rendra leur «place aux artistes». Notre conviction est que
la meilleure manière serait de réunir les différents acteurs concernés et d’établir avec eux un programme de travail pluriannuel partant des propositions ici
élaborées.
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2//
POUR éCLAIRER
LA SITUATION
DES AUTEURS
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CHEMINEMENT D’UNE RéFLEXION
Après les multiples débats sur le «statut des artistes», la
situation des créateurs et interprètes est
considérée comme bien connue. Est-ce vraiment le cas ?
Et celle des auteurs ?
Voici quelques éléments destinés à éclairer le
lecteur sur la situation professionnelle et sociale des
auteurs dramatiques en Communauté française.
Commençons par placer un cadre historique. Car rien ne
surgit de rien. Et la place accordée à l’auteur en Belgique
francophone ne se comprend pas sans quelques rappels de
l’histoire contemporaine de la création théâtrale en Communauté française.
Brève esquisse sur les rapports entre écriture
dramatique francophone et théâtres en Belgique
Comme la plupart des moments historiques, l’époque qui suit
la Libération engrange des données contrastées qui se décantent avec les années, mais dont on peut voir les effets jusqu’à
ce jour. Elle met longtemps à articuler pratique littéraire et pratique théâtrale.
Paris, encore
A la façon de Maeterlinck ou de Crommelynck, c’est le Paris
d’avant Beckett et Ionesco qui assure à Michel de Ghelderode
le succès qu’il avait tellement attendu de la Belgique de l’Entredeux-guerres. L’effet réverbérateur n’est toutefois pas immédiat
sur Bruxelles - suites de l’Epuration obligent. C’est en 1954
seulement que le Théâtre National monte Barrabas.
C’est encore à Paris que Suzanne Lilar ou Jean Mogin obtiennent
la consécration pour leurs débuts dramatiques, avec Le Burlador
(1946-47) ou A chacun selon sa faim (1950). Ils ne s’y fixent pas
pour autant mais font retour sur l’institution littéraire belge à la
différence de ceux, tel Félicien Marceau, qui doivent opter pour
la capitale française du fait des poursuites dont ils font l’objet
de la part de la justice de leurs pays en 1944-45. Marceau y
connaîtra plus que leur renommée. Des hommes de tréteaux
qui écrivent choisissent aussi la Ville-Lumière ou la France, tels
Raymond Gérôme ou Pierre Debauche.
L’édition française de l’après-guerre n’est pas en reste. Si nul ne
saura jamais ce qu’ eussent donné les éditions de l’Arche dans
l’hypothèse où Henry Bauchau en aurait conservé la maîtrise,
on sait en revanche que c’est Paris qui publie les œuvres
théâtrales complètes de Crommelynck en I967-68 (avec,
comme texte promotionnel, le renvoi au mythe fondateur
de la Flandre littéraire et picturale) ou de Ghelderode en
1950,1952,1953,1955,1957 puis 1982. C’est toujours l’édition
française qui donne à connaître en 1959 une part du Théâtre
inédit de Maeterlinck. Elle encore qui donne à lire La Ville à
voile (1967) de Paul Willems, mais aucune autre pièce de ce
maître du réalisme magique ; A bientôt monsieur Lang (1970)
et Les Clients et Les Bouffons (1974) de Louvet, mais chez deux
éditeurs différents, et là aussi sans suite durable ; ou les pièces
par lesquelles Kalisky fait déboucher sur la scène à partir de
1969, dans une forme renouvelée, les cauchemars du XXéme
siècle.
Ce n’est plus tout à fait là que la question se pose pour autant,
et ce n’est pas un hasard si Kalisky propose à son pays en 1978
la création d’un festival des écritures scéniques francophones
et songe à partir à l’assaut du Théâtre National. C’est qu’en
Belgique, la situation a changé après la Seconde Guerre
mondiale même si l’on peut en trouver certains prodromes
dans les années d’immédiat avant-guerre ou d’occupation.
La vie théâtrale institutionnelle révèle en effet une
véritable mutation structurelle, ce qui ne veut pas dire
qu’elle soit devenue un paradis pour les dramaturges.
Celle-ci modifie cependant suffisamment la donne des
décennies écoulées pour que les auteurs se prennent à espérer
être d’abord montés dans leur pays.
Bruxelles, et la décentRalisation
Un homme de théâtre installé au sein du Palais des Beaux-Arts
(Bruxelles), Claude Etienne, manifeste en effet pour l’écriture
dramatique autochtone un intérêt et une fidélité qui ne se
démentiront jamais. Il dégage -en tous les cas pour Bruxellesune forme de vrai rapport entre auteur dramatique et praticien
du théâtre. Au point de créer des collections dramatiques
propres (chez De Visscher, Brepols ou au Rideau lui-même) ; de
soutenir tout du long des auteurs tels Jean Sigrid ou Paul Willems,
lequel devient par ailleurs le magicien du Palais des Beaux-Arts
et l’inventeur d’Europalia ; ou de lancer de jeunes auteurs tels
Jacques De Decker et Pascal Vrebos dont Paul Willems a signalé,
dès 1975, les potentialités en même temps que celles d’un
Kalisky, d’un Louvet ou d’un Paul Van Den Bosch.
Mais le Rideau de Bruxelles ne constitue pas la clé du nouveau
système théâtral. Comme d’autres, il bénéficie certes d’une
aide substantielle des pouvoirs publics, celle qui relève de la
catégorie des théâtres dits agréés, esquissée par les arrêtés du
Régent inspirés par Sarah Huysmans et qui réorganisent notre
vie théâtrale. La clef de voûte du projet est en effet la création
d’un Théâtre National comportant, à l’origine, pendants
francophone et flamand.
Ces arrêtés, qui trouvent en 1957 leur formulation historique,
créent la possibilité d’instances de production théâtrales
autochtones ne fonctionnant pas uniquement sur le théâtre
commercial et le primat des grands rôles français. En revanche,
ils font une place mineure à la question de la création littéraire
nationale contemporaine –et même à son patrimoine. Et
d’autant plus qu’ils font la part belle aux adaptations par nos
compatriotes de textes étrangers. Bien des théâtres recourront
massivement à cette clause qui assure une manne budgétaire
sérieuse mais bien moins périlleuse que celle pouvant provenir
de la création de nouveaux textes d’auteurs du cru.
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Au Théâtre National, la politique de Jacques Huisman est, en
outre, loin d’être aussi ouverte et obstinée que celle de Claude
Etienne en matière de création belge contemporaine. Or, c’est
au National qu’échoient non seulement près de la moitié du
budget mais aussi la tâche de décentralisation -et donc le
travail en Wallonie, travail conçu comme étant de diffusion. Une
tradition se crée ainsi dans la grande maison, qui laisse à une
marge relative du champ le soin de la création nationale passée
et présente. Celle-ci relaiera, qui plus est, et logiquement,
davantage l’aire bruxelloise où elle est implantée que les
provinces wallonnes. Il en ira de même du Poche qui créera,
dans les années septante, René Kalisky ou Lodewijck De Boer.
Vous avez dit «Création» ?
Au niveau littéraire, et identitaire, les années d’après-guerre sont
en outre celles de la proclamation forcenée de la dénégation
de soi, parallèlement à l’enfermement dans un système proche
du vase clos. Cela ne contribue bien évidemment pas à sortir
la création autochtone d’un cercle relativement élitiste, et n’est
pas sans influer négativement sur une dynamique des arts de la
scène qui peut dès lors se soustraire à ses devoirs sans mauvaise
conscience excessive. Il faudra attendre 1976 et le holà de la
Belgitude, puis le Manifeste wallon en 1983, pour que l’on
change de vision symbolique dans le milieu culturel. Entretemps
des institutions ont été mises en place et ont prospéré, mais
selon une autre logique. Par nature, elles ont la vie longue.
Sur la longue durée, on assiste d’autre part, au sein de
l’administration de tutelle, aux méandres d’une mini-guerre
entre Arts et Lettres et Socio-culturel, rivalité qui ne fut pas sans
impact sur le champ théâtral. La diffusion institutionnelle de
celui-ci relevant par exemple du second secteur, comme l’aide
au théâtre pour la jeunesse ou au théâtre amateur entraînèrent
une gestion bicéphale du champ. Le statisme du Conseil national
de l’Art dramatique focalisé sur la pérennisation des théâtres
institutionnels issus de l’après-guerre, comme la mainmise
de fait de Jacques Huisman sur les évolutions foncières du
secteur, ne contribuèrent pas à la prise en compte suffisante
des mutations en train de s’y opérer après mai 68. L’expérience
d’ouverture aux auteurs d’un Jean-Claude Huens au National
–on y monte en 1964 L’An I de Louvet, on y commande un
Ulenspiegel à Claus, etc– s’y achève sans lendemain…
Visiblement, le terrain a été formaté pour d’autres enjeux par ses
concepteurs, et surtout ses bénéficiaires. Y entrent bien sûr en
compte la rentabilité, mais aussi une vision plus liée à la diffusion
et à la consommation qu’à la création –et, particulièrement
à la création en phase avec l’ici–, au renouvellement des
formes ou à la dramaturgie. Les Arts du spectacle paraissent
offrir aux décideurs politiques des effets plus immédiatement
perceptibles que ceux qu’offre la dynamique littéraire. Ils sont
en outre générateurs d’emplois. Or cette préoccupation est très
lisible dans les décisions de l’après-guerre qui ont présidé à la
réforme du champ théâtral.
Des auteurs entre deux chaises
Le Rideau et, un temps, Le Parc ont par ailleurs servi d’alibi à
l’ensemble du système. De la Wallonie et des marges émanent
certes des initiatives destinées à y pallier dans le courant des
années 60. Celle du Théâtre de l’Alliance par exemple, qui
sillonne la Wallonie et effectue un remarquable travail vers
le scolaire. Ou le projet d’Henri Chanal qui monte La Porte
(éditée aux éditions du Théâtre de la Communauté) de la jeune
Liliane Wouters. La mort prématurée de Chanal fut lourde de
conséquences pour le champ de la création dramaturgique du
pays. Mais l’évolution du Théâtre de la Communauté en région
liégeoise, comme la naissance du Théâtre Laboratoire Vicinal ou
du Théâtre du Parvis à Bruxelles, et leurs esthétiques respectives
au tournant des années 60-70 montrent bien que la question
est plus complexe.
Autre symptôme significatif, la création du Théâtre Poème
par Monique Dorsel –Henri Ronse y fit ses premiers pas. Si
la littérature s’y voit mise à la scène et commentée dans ses
avancées les plus remarquables, de fait s’y crée –et logiquement,
au vu de l’évolution comparée des champs littéraire et théâtral
en Belgique francophone–, un espace que les ‘littéraires’ vont
investir en tant qu’espace de spectacle, parfois au détriment des
formes nouvelles qui s’inventent dans le champ dramatique.
débouche d’ailleurs sur une saison belge au seuil des années
80 (elle verra la création de L’Ephémère est éternel, pièce des
années 20 de Seuphor) après avoir été le premier Belge à mettre
en scène Kalisky. Claude Etienne accueille Ronse, Brison ou
Liebens, et Europalia 80 permet d’entendre en lecture-spectacle
la version princeps de L’Homme qui avait le soleil dans sa poche
de Louvet. Quelque chose s’est scindé dans le champ théâtral
qui ne permet plus symbiose et évolution, mais violence et
voies parallèles.
L’histoire de la non-réception de Kalisky par nos grands théâtres,
comme celle de Louvet (malgré une première mise en scène
au National) laisse entrevoir le parent pauvre que représente
l’écriture dramatique propre dans le champ culturel belge de
l’époque alors qu’on se trouve en présence d’auteurs majeurs,
et qui interrogent ouvertement notre Histoire... Mais Willems
lui-même, dont le propos est en la matière plus oblique, devra à
Ronse une vie que le National lui a insuffisamment accordée, et
Bauchau attendre le règne éphémère de Jean-Claude Drouot,
place Rogier, pour voir monter une pièce publiée en 1960
(Gengis-Khan). Et c’est le Rideau, le Varia ou l’Ensemble Théâtral
Mobile qui vont réagir, par des mises en scène de ses pièces, à
la disparition prématurée de René Kalisky en 1981.
Or ces auteurs, que l’establishment théâtral ne propulse pas
vers leur premier public, et à l’égard duquel il ne crée pas une
forme de désir et de fidélité, ont écrit pour et à partir d’un ici
- et d’autant plus logiquement que des instances théâtrales s’y
étaient développées.
Or encore, leurs œuvres ne correspondent plus aux «trous»
symboliques que les oeuvres de leurs prédécesseurs
(Maeterlinck, Crommelynck ou Ghelderode) avaient comblés
en France au point d’apparaître un temps comme des moments
français. A Paris, elles sont donc perçues comme étrangères,
mais sans le bénéfice de l’exotisme –et cela, même si un metteur
en scène français de l’envergure d’Antoine Vitez les prend en
charge.
Albert-André Lheureux essaie certes de développer à l’Esprit
Frappeur une vraie passion théâtrale pour les textes, qui
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Heureusement pour les auteurs de théâtre, des éditeurs
littéraires, dont Jacques Antoine à Bruxelles, donnent à certains
de leurs textes l’existence de l’imprimé. Reste que, si l’on excepte
les Cahiers du Rideau dont la nouvelle formule voit le jour en
1976 (moment de la proclamation de la belgitude par Pierre
Mertens et Claude Javeau, et de la parution de l’anthologie
de la poésie belge revisitée par Liliane Wouters), l’articulation
entre imprimé et spectacle intégralement monté demeure
exceptionnelle.
Le moment fécond ?
Tout à ses contestations avec les grandes institutions, à ses
recherches scéniques et à sa hantise des dramaturges au sens
allemand, le Jeune Théâtre ne saisit pas non plus foncièrement
la balle dans un premier temps même si Liebens monte Louvet
en 1972 et 1977. Quelque chose, qui est de l’ordre de la synergie
et de l’étincelle entre les deux champs en mouvement, se
produit toutefois en amont et en aval immédiat de 1980, et de
la nouvelle dynamique littéraire qui se cristallise dans Europalia
Belgique.
Non seulement parce que tous les acteurs importants des
deux champs assistent à la mise en scène par Liebens dans
une adaptation de Fabien du roman de Pierre Mertens, Les
Bons Offices, et qu’une prise de conscience commune se fait
jour, mais aussi parce qu’on voit les nouveaux metteurs en
scène entrer en dialogue avec les nouveaux auteurs. Sireuil
monte ainsi Hourez (1979), Louvet (1982) ou Emond (1986). Des
penseurs comme Michel Gheude ou Claire Lejeune s’essayent à
l’écriture scénique ; des romancières comme Françoise Lalande
y viennent également, et se voient prises en charge par des
professionnels de la nouvelle scène.
Ce sera ensuite le très emblématique virage de Jean-Marie
Piemme, et sa décision d’investir entièrement le terrain
de la création dramatique à partir de 1988 et de Neige en
décembre.
Le Jeune Théâtre a définitivement opéré sa mutation. L’aventure
avait réellement pris corps avec la trajectoire exemplaire du duo
Liebens-Fabien suite à la création à Anderlecht en 1978, dans
les locaux du Théâtre Elémentaire, d’Hamlet-machine, pièce de
l’écrivain est-allemand Heiner Müller. Liebens opte alors sans
aucun esprit de retour pour la création de nouveaux textes
d’auteurs en phase avec l’aujourd’hui du monde et/ou de son
pays tandis que Michèle Fabien choisit ce nom de plume pour
entrer dans l’écriture personnelle. Les adaptations de textes qui
n’ont pas été composés pour le théâtre, comme les dramaturgies
des spectacles de Marc Liebens, se poursuivront mais toujours
et obstinément dans cette quête d’une forme d’écriture ET de
représentation adaptées à la modernité.
La création d’une collection de textes et de critiques, Didascalies
(des auteurs comme Willems ou Sigrid y sont accueillis), en
procède. Elle prolonge, mais sur un mode spécifique, la formule
inventée jadis par Claude Etienne, et se heurte à l’éternel
problème des barrages de la diffusion en France, problème
surdéterminé par ceux qui sont inhérents à la vente des
ouvrages de théâtre. Aussi une part de l’œuvre de Fabien ou de
Piemme, comme la traduction du théâtre de Pasolini, se voitelle confiée à Actes-Sud, éditeur avec lequel les Belges tenteront
ultérieurement d’autres entreprises éditoriales.
Un cours nouveau
Alors que se déploie cette dynamique globale typique des
années 80 –où l’on voit sur un tout autre registre esthétique
Henri Ronse se jeter lui aussi dans une présentation de textes
exigeants–, l’on assiste à la consolidation des nouvelles
structures de la Communauté française de Belgique et à la
scission administrative, de longue date rêvée par certains, entre
arts de la scène et de la plume. Conjointement, la dynamique
du Jeune Théâtre se parcellise. Le champ littéraire sort, quant
à lui, clairement de décennies de dénégation qui débouchent
entre autres sur la création de collections patrimoniales où
l’on trouvera progressivement certains dramaturges au format
de poche (Bertin, Crommelynck, Fabien, Fonson et Wicheler,
Ghelderode, Kalisky, Louvet, Maeterlinck, Willems, Wouters).
Mais quelque chose de la dynamique interactive entre les
deux champs, au plus violent de la création, s’effiloche ou se
transforme. Les projets de convention spécifique – et de ligne
budgétaire adaptée en conséquence – pour des instances
théâtrales cherchant prioritairement à lier textes propres et
scènes ne sont pas retenus par les autorités politiques. La RTBF
marque plus que jamais le pas dans la participation à la création
contemporaine d’auteurs belges francophones. Le National ne
manifeste pas souvent, en la matière, le dynamisme qui pourrait
être le sien. Et Liebens verra anéanti, en 1998, son projet de faire
du Marni un lieu voué à l’écriture dramatique contemporaine
articulée à l’Histoire.
Quelque chose s’est transformé au tournant des années 90,
qui voient par ailleurs Emile Lansman apparaître comme un
éditeur de théâtre à part entière, et non plus comme un éditeur
littéraire acceptant d’ouvrir une collection d’art dramatique,
ou un théâtre créer une collection spécifique. Piemme ou
Emond se démultiplient tandis que surgissent et s’imposent,
généralement édités chez Lansman, de nouveaux auteurs tels
Stanislas Cotton, Thierry Debroux, Pascale Tison, Laurent Van
Wetter, etc. Des synergies s’installent avec un grand nombre
de metteurs en scène ou d’institutions, généralement de
petite ou de moyenne dimension. Des auteurs comme Eugène
Savitzkaya, Nicole Malinconi ou Caroline Lamarche sortent des
frontières de leur genre de prédilection pour entrer aussi dans
la pratique dramatique.
Fini le temps de l’un ou l’autre géant isolé –ce qui ne veut pas
dire que la réception en profondeur de Kalisky, Willems ou
Louvet ait réellement commencé. Ouverte en revanche, l’ère
–comme l’espérance de l’époque d’ailleurs– des réseaux et des
rhizomes ! Et de formes nouvelles, rapides, intragénériques.
De nombreux auteurs bénéficient d’ailleurs de bourses à
l’écriture, voire de résidences à la Chartreuse en Avignon.
Parfois vient même la commande... Joués de-ci de-là, par des
passionnés, ou à l’intérieur de mini festivals –c’est le cas de L’L,
d’Océan-Nord, de La Balsamine et de bien d’autres. Les auteurs
dramatiques accèdent aussi, parfois, à des théâtres à plus grande
jauge comme Le Public, Les Martyrs, L’Ancre ou le Théâtre de la
Place. Sans doute inventent-ils ainsi les chemins d’un nouveau
public et de nouvelles pratiques.
Peut-on pour autant parler d’une activité dramatique
foncièrement relayée par les théâtres et par les plus importants
d’entre eux ?
07
Le temps de la création contemporaine –et de la prise en
charge de la création propre– au cœur de nos scènes a encore
du chemin devant lui.
Marc Quaghebeur
carte blanche publiée dans Le Soir début 2007 par une
douzaine d’auteurs dramatiques reconnus.
La dramatique condition de l’auteur dramatique
Signataires
Alain Cofino Gomez, Veronika Mabardi, Pietro Pizzuti, Isabelle
Bats, Stanislas Cotton, Pascale Tison, Thierry Debroux,
Layla Nabulsi, Philippe Blasband, Patrick Lerch, Eric Durnez,
Laurence Vielle
ou enfin qu’ils peuvent s’estimer heureux de pratiquer l’écrit en
dilettante… À ceux-là, on propose de petits événements ciblés, dans
de petites salles en dehors des horaires du spectacle, dont le coût de
production frôle le néant, ou encore de petits travaux de rédaction
payés très variablement selon les possibilités et le bon vouloir des
commanditaires. Certains ont la chance de cumuler les «casquettes»
(ils sont à la fois acteur et/ou metteur en scène et/ou directeur de
projet) et bénéficient du système de «chômage artiste».
Pour la plupart des auteurs dramatiques, le quotidien est une
véritable galère, menée en toute fragilité pendant quelque dix ou
quinze années avant de constater qu’aucune place ne leur a été
ménagée dans les lieux mêmes où ils pratiquent leur profession. En
effet, très peu de théâtres prennent en compte cette catégorie de
créateurs dans l’élaboration de leur budget. Souvent, on ignore ou
on nie purement et simplement notre existence artistique.
Le théâtre est fait de mots et de corps. Étonnement : force est de
constater que ceux qui produisent ces deux éléments, indispensables
à la naissance du drame et de la comédie, sont absents des grandes
structures théâtrales en Communauté française de Belgique.
Pourtant, les acteurs jouent et les auteurs écrivent et l’on peut voir
textes, voix et gestes se déployer sur nos scènes. Mais aux rangs des
rémunérés permanents par les institutions du spectacle vivant on ne
trouvera point d’acteurs, ou de façon ponctuelle, point d’auteurs, ou
à titre occasionnel de modeste perception de droits. Cette situation
tend à s’aggraver au fil du temps, donnant à voir des théâtres
dépouillés de leur nature profonde et sans doute d’une partie de leur
sens…
Il nous est donc impossible de vivre de notre activité principale et
puisque légalement nous ne pouvons émarger à aucun revenu
de remplacement, nous multiplions des emplois périphériques
au milieu théâtral. Les jeunes années passées, faites des joies que
procurent des projets menés avec plus d’énergie que de financement,
faites notamment des maigres opportunités que l’on nous accorde
avec parcimonie (par exemple : les éternelles lectures publiques
de nos textes), beaucoup d’entre nous finissent par perdre le sens
de ce qu’ils pratiquent au vu de la valeur qui est accordée à leurs
productions. Ils n’écrivent plus, ou moins, ou dans des conditions
qui peuvent faire naître l’amertume. Une chose est certaine, mis
à part quelques cas d’exception (car tous les théâtres ne sont pas
imperméables aux écritures et tous les auteurs ne sont pas exclus
de façon égale) l’écrivain dramatique survit avec peine aux mauvais
traitements artistique, politique et social dont il est l’objet. Ceci se
fait au détriment d’un patrimoine culturel qui un jour se révélera
dramatiquement appauvri.
Le constat est cinglant : la profession d’auteur dramatique se décline
entre précarité et pratique forcée de l’amateurisme. Écartés des
emplois et des subventions, les auteurs s’épuisent ou se perdent. Ils
finissent par quitter un parcours scandaleusement appauvrissant,
dont ils ne retirent aucune satisfaction puisque leurs textes sont
peu représentés et que la rémunération qui en découle reste toute
symbolique. Certains résistent encore, pour s’entendre dire qu’ils
sont une charge supplémentaire pour un paysage théâtral déjà
paupérisé ou encore qu’ils ne conviennent pas au goût du public,
Pendants quelques mois, politiques et acteurs culturels se sont
réunis autour des États généraux de la Culture où il fut question de
se représenter un univers foisonnant de création et de lui apporter
la meilleure réponse en termes d’organisation et de financement.
Des conclusions en ont été tirées par la Ministre de la Culture, de
la Jeunesse et de l’Audiovisuel et des objectifs se dessinent dont le
onzième ( www.forumculture.be ) s’intitule «Protéger la création».
Nous, auteurs dramatiques et écrivains du spectacle vivant, voulons
profiter de l’énergie de la refonte comme de celle de la réforme et
faire entendre notre voix. Une voix oubliée. La voix rendue aphone
de ceux et celles qui ont été confinés dans le précaire, éloignés des
théâtres, des comédiens et du public.
Nous voulons que le public puisse entendre de quoi sont faits nos
mots. Ils ont été écrits pour eux !
Nous voulons que les décideurs culturels s’intéressent à nos chemins
d’écriture plus qu’à d’opportunistes projets à très court terme.
Nous voulons que le politique s’attache à professionnaliser de
manière qualitative et quantitative celles et ceux qui écrivent au
quotidien pour les scènes de notre communauté.
Nous voulons continuer, dans la sérénité et l’équilibre, l’échange
fructueux que nous menons depuis toujours avec les comédiens,
les metteurs en scène et les chorégraphes. Ils sont et resteront nos
partenaires, nos confrères, nos amis, sans lesquels ce que nous
pratiquons sur le papier ne serait que taches d’encres ridicules et
imbéciles face à la scène bouillonnante d’un art du collectif.
Nous voulons croire en un Théâtre dont tous les composants humains
partageraient l’activité comme l’emploi et les rémunérations. Un
Théâtre qui saurait trouver un équilibre entre son équipe de direction,
son équipe administrative, son équipe technique et son équipe
créative. Un Théâtre qui accepterait enfin dans son équipe créative
des auteurs de textes.
Nous voulons croire que notre précarisation n’est pas un projet
(suicidaire) et qu’une correction de cet état de fait interviendra avec
urgence.
Nous pensons qu’il est temps de changer les comportements
culturels de notre pays et de prendre en compte notre existence.
Nous pensons que ce changement peut se faire sans provoquer de
grands bouleversements et sans occasionner de déficit financier,
puisqu’il ne s’agit avant tout que de trouver un nouvel état d’esprit
pour aborder le texte, comme une part égale de ce qui fait œuvre
de théâtre.
Nous ne demandons aucune richesse, juste l’attention que requiert
une espèce dont l’activité première consiste à donner une voix au
Monde et qui dépérit du peu d’égard qui est fait à sa condition.
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La place de l’auteur dramatique – Rencontre organisée par
la SACD et le Festival de Spa en 2006
Y ont participé : Jacques De Decker, animateur; Michel Bernard,
Théâtre de Poche; Stéphanie Blanchoud, jeune auteure; Thierry
Debroux, auteur; Jean-Pierre Dopagne, auteur; Paul Emond,
auteur membre du Comité belge SACD; Dany Josse, cabinet de
la Ministre Fadila Laanan, «responsable de la précarité»;
Michel Kacenelenbogen, Théâtre Le Public; Jean Louvet, auteur;
Martine Renders, Théâtre du Rideau de Bruxelles.
Jean Louvet
Jean Louvet appartient à une génération d’auteurs qui émargeait
du social: il lui fallait vivre comme tout le monde et vivre dans la
misère, comme tout le monde. Lorsqu’il a quitté l’enseignement
pour le théâtre, il a n’a pu le faire qu’en exigeant d’être payé
autant que son salaire d’enseignant.
Frédéric Young (de la salle)
Quelques extraits (*)
La place de l’auteur semble à présent plus proche du plateau.
Les bourses d’écriture à l’ancienne semblent éloignées des
pratiques théâtrales d’aujourd’hui.
Jean-Pierre Dopagne
Michel Bernard
Jean-Pierre Dopagne se souvient, qu’à une certaine époque,
dire qu’on était auteur dramatique était presqu’une honte. S’il
a pu écrire sa première pièce c’est grâce à ses activités en tant
que délégué régional pour la SACD. Puis l’énorme succès de
L’enseigneur lui a permis de vivre de son art.
«Nous sommes une génération qui produisait tout elle-même,
on a tous participé aux États généraux du Jeune Théâtre. Les
premiers employeurs pour l’auteur seront les directeurs de
théâtre.»
Pour Jean-Pierre Dopagne, il faut deux ou trois ans de gestation
avant de commencer une oeuvre. Pour lui, il est donc essentiel
que l’on tienne compte de cette question du temps. Il serait
par exemple incapable d’écrire une pièce tous les ans, comme
doivent le faire certains auteurs de Théâtre pour l’enfance et la
jeunesse. Par ailleurs, Jean-Pierre Dopagne regrette de ne pas être
invité, en tant qu’auteur, à accompagner la pièce avec la troupe,
être invité lors des tournées et participer ainsi à sa promotion, sa
dramaturgie auprès du public.
Paul Emond
Paul Emond témoigne particulièrement sur la question du temps
et de l’argent. Il a un autre métier qui le fait vivre et doit dès lors
toujours ruser avec le temps pour arriver à écrire. Les bourses
d’écriture ou les résidences qu’il peut obtenir représentent
des solutions à cette difficulté. Pour Paul Emond, la résidence
permet en outre à l’auteur d’apprendre son métier au contact
de la scène pendant les répétitions.
Martine Renders
Directrice du Théâtre du Rideau, elle constate qu’elle se trouve
au carrefour de plusieurs phénomènes : il y a plus de structures
qui aujourd’hui présentent des auteurs contemporains et cette
situation crée du désir d’écriture. Les lectures ont augmenté au
Rideau, car c’est la seule chose que le théâtre puisse se permettre.
Martine Renders rappelle que le texte n’est qu’une partie de
l’équipe et pas toute l’équipe.
d’auteurs est en constante augmentation selon le principe de
la saine émulation.
La question de la rémunération de l’auteur à partir de la
subvention du théâtre est, pour lui, une bonne idée, pas neuve.
Dany Josse
Dany Josse estime qu’il s’est passé quelque chose d’important
ces dernières années: le créateur a été mis au centre des débats,
comme les autres corps de métier. La question qui se pose est
de savoir comment s’occuper des «laissés-pour-compte». C’est
pour tenter d’y répondre et voir où sont les problèmes qu’a été
mis en place un pôle de réflexion sur le statut de l’artiste.
Il faut être lucide: en Communauté française, l’argent continuera
à manquer. Il faut cependant répondre aux priorités des artistes.
Les résidences en institution, les bourses... sont de bonnes pistes
de travail. Pour Dany Josse, une partie de la réponse se trouve
dans les théâtres, dans les obligations des contrats-programmes.
Il faudra bien distinguer dans les budgets des théâtres le TOM
(théâtre en ordre de marche) et la part artistique.
Jacques De Decker
L’auteur dramatique n’est pas un écrivain ; dans la pratique
contemporaine il revient, comme l’auteur du XVIème siècle vers
le plateau. Très souvent, il souffre non de trahison mais de n’avoir
pas eu le temps de voir ce que l’on faisait de son travail.
Question posée par quelqu’un dans la salle : pourquoi l’auteur
est-il donc moins payé que le jeune acteur ?
Michel KacenElenbogen
Pour lui la responsabilité est entièrement celle du directeur de
théâtre, c’est lui qui décide, c’est la leçon qu’il tire de l’expérience
du Public. Mettre des auteurs belges à l’affiche n’est pas plus
risqué que n’importe quel auteur. C’est une affaire de désir, et
le désir est exponentiel. Le vrai problème est économique, le
vrai problème c’est la précarité. Il expose là un raisonnement
mathématique qui aboutit à la conclusion que les recettes ne
vont pas aller en augmentant d’autant plus que le nombre
* Les propos des intervenants ont été mis en forme.
09
Auteur dramatique, quel statut ?
Les intervenants :
Rencontre du 24 mars 2007 sur l’écriture dramatique co-organisée
par le Centre belge francophone de l’Institut International
du Théâtre et le Théâtre National
Dramaturge et traducteur (Brecht, Weiss, Müller…), Michel Bataillon est spécialiste de littérature
allemande, et est Président de la Maison Antoine Vitez.
Michel Bataillon
Jean-Rock Gaudreault
Depuis de nombreuses années, se repose régulièrement en Belgique francophone, un débat
sur la place et le statut des auteurs dramatiques dans notre paysage théâtral. Outre leur position
institutionnelle assez labile, c’est l’enjeu de la présence des auteurs sur les scènes qui interpelle
tous ceux qui sont persuadés que le sens, la signification, passe aussi par le texte. Si l’on peut
efficacement débattre de la forme du texte et des rapports entre écriture scénique et écriture
dramatique, il n’en subsiste pas moins un décalage entre le soutien (matériel-institutionnel et
symbolique) à la lecture qu’un metteur en scène opère sur une pièce de répertoire et le soutien
aux auteurs vivants. Ceux-ci sont encore souvent «mis à l’essai» pour reprendre la formule de
Kalisky désignant les «opérations» institutionnelles multiples qui ne débouchent que rarement
sur une mise en scène.
L’actualité de ce débat fondamental a conduit le Centre belge francophone de l’IIT à consacrer
une rencontre à la comparaison du statut des auteurs dans d’autres pays. Quelle est au Québec,
en France, en Russie, en Flandre, la formation de l’auteur dramatique, sa place dans l’institution
théâtrale, ses modes de reconnaissance (prix, résidences, édition, traduction...), ses rapports
avec les pouvoirs publics... ? La politique de notre Centre s’inscrit, en effet, dans le cadre de
la Convention UNESCO pour la diversité culturelle. Un de nos objectifs est d’approfondir la
connaissance des pratiques et des structures institutionnelles des théâtres dans le monde.
Cette rencontre s’est organisée en partenariat avec le Festival Ecritures du Théâtre National.
Nancy Delhalle
Il est diplômé de l’École nationale de théâtre du Canada, en écriture dramatique. Auteur (Mathieu
trop court, François trop long ; Deux pas vers les étoiles), il a obtenu plusieurs bourses d’écriture
du Conseil des Arts du Canada et du Conseil des arts et des lettres du Québec. Plusieurs de
ses textes sont édités chez Lansman. Il est membre du Conseil d’administration du Centre des
Auteurs Dramatiques.
Tania Moguilevskaia
Née à Moscou, de nationalité française, Tania Moguilevskaia est traductrice (Ivan Viripaev
notamment) et spécialiste de la nouvelle génération de dramaturges russes. Elle termine
actuellement une thèse de doctorat sous la direction de Jean-Pierre Sarrazac. Elle a co-créé et
anime le site internet consacré au théâtre russe www.theatre-russe.info.
Rudolf Rach
Rudolf Rach est directeur de L’Arche. Editeur de théâtre, L’Arche a notamment diffusé en français
l’œuvre de Bertolt Brecht et soutient l’écriture contemporaine (Edward Bond, Sarah Kane, Lars
Noren, Elfriede Jelinek…). Cet éditeur gère également les droits de représentation des pièces.
Paul Pourveur
Paul Pourveur a d’abord été scénariste et scriptdoctor pour le cinéma et la télévision avant
de se lancer dans l’écriture de textes pour le théâtre dans les années 80. Il a composé
un répertoire extraordinairement riche, réunissant d’intrigants textes de théâtre grâce
auxquels il s’est hissé parmi les plus importants pourvoyeurs de matière textuelle sur le
territoire néerlandophone. Bilingue (Paul Pourveur a été élevé dans les deux langues, il
écrit donc aussi bien en néerlandais qu’en français) il utilise la langue avec entêtement:
non seulement comme moyen d’expression, mais aussi comme objet d’intérêt artistique.
10
L’avis n°35 du Conseil du Livre
de la Communauté française
Compétent pour rendre des avis sur les différents aspects de
l’écriture et de l’édition, le Conseil du Livre s’est penché sur la
situation des auteurs début 2007. Il a émis un premier avis (l’avis
n°35) qui confirme largement les témoignages des auteurs
dramatiques et suggère des pistes concrètes afin d’améliorer
leur situation.
Extrait de l’avis n°35:
(...) Le Conseil du Livre estime devoir établir une distinction entre, d’une
part, la situation des auteurs dramatiques et, d’autre part, celle des autres
catégories d’auteurs et des illustrateurs.
1.1. Pour les auteurs dramatiques
Le Conseil du Livre :
>> constate que la part des subventions publiques dans les théâtres ou
infrastructures culturelles est largement majoritaire dans l’ensemble des
recettes (environ 80 % en moyenne) et que ceux-ci sont ainsi devenus, en
fait sinon en droit, de véritables outils de service public ;
>> estime que la hauteur de ces subventions se justifie eu égard au coût
en personnel du spectacle vivant, par définition non reproductible par un
quelconque procédé technique ;
>> s’étonne que les auteurs soient le plus souvent écartés de ce régime
de subventions au motif qu’ils sont rémunérés, pour l’essentiel, grâce aux
recettes «guichet», toujours aléatoires ;
>> estime dès lors que ces théâtres et infrastructures culturelles devraient
consacrer un pourcentage de leur subvention à la rémunération de
travaux d’écriture, par exemple :
•
•
en s’attachant des auteurs à résidence, comme en Allemagne et en
Angleterre, où c’est une pratique courante
en passant, avec des auteurs dramatiques, des commandes ou des
conventions pluriannuelles qui permettraient l’éclosion de projets
de qualité
>> suggère à cette fin que :
•
dans le cadre de leurs ressources de subventions, ces établissements
contribuent à créer un fonds de dynamisation de l’écriture
dramatique ou, à défaut, prennent en charge tout ou partie de la
rémunération de l’auteur durant le temps de la création ;
•
ces mesures soient intégrées dans les futurs contratsprogrammes passés entre eux et la Communauté française
(...)
Quel théâtre pour demain et pour qui ?
Journée des auteurs le 4 juin 2007 organisée par
le Théâtre Le Public
Y sont intervenus : Thierry Debroux, Valérie Lemaître, Philippe
Blasband, LayLa Nabulsi, Olivier Coyette, René Bizac, Thomas
Gunzig, et le lendemain Jean Marie Piemme
Extrait d’un texte de David Lescot,
choisi et lu par Olivier Coyette:
«Moi j’ai fini avant les autres. J’ai fini le premier, avant tout le monde,
j’ai travaillé seul, j’ai douté, j’ai souffert seul, j’ai voulu arrêter. Je n’ai pas
arrêté. J’ai fini. J’ai donné le texte. On a lu le texte. J’étais là. J’ai écouté. J’ai
espéré qu’il se passe quelque chose. Les acteurs n’avaient pas tous lu le
texte avant. Certains ont buté, c’était la première lecture. Et je leur ai voulu
beaucoup de mal. Ensuite on m’a demandé de ne plus venir. On m’a dit
s’il te plaît on ne préfère pas tu comprends. Et j’ai très bien compris, j’ai dit
d’accord bien sûr c’est mieux, quand l’auteur est là c’est l’horreur quand
l’auteur est là c’est impossible. Et pendant deux mois je n’ai rien su je n’ai
rien vu. J’ai appelé parfois et on m’a dit que ça se passait bien, que ça se
passait très bien, que c’était difficile, très difficile très dur, mais que c’était
du bonheur, et qu’il fallait couper des choses.
Et j’ai dit évidemment c’est normal, je m’y attendais, on ne peut pas tout,
c’est normal, alors sentez-vous très libre et coupez tout ce que vous voulez,
c’est vous qui décidez, coupez si vous pensez qu’il faut couper. Et dès qu’on
m’a dit quoi dès qu’on m’a dit ce qui n’y serait pas j’ai dit vraiment, j’ai dit
ça vraiment ça vous n’y arrivez pas ça m’embête quand même parce que
ça. Ça c’est ce que j’aime le plus c’est le plus important. Si vous enlevez ça.
Enlevez tout le reste à la rigueur mais gardez ça. Alors on m’a dit qu’on
verrait, qu’on réessaierait mais que vraiment ça ne sonnait pas qu’on ne
comprenait pas que ça compliquait qu’il fallait faire des choix mais qu’on
réessaierait quand même et qu’on verrait bien.
Et maintenant c’est la première on va entendre et on va voir. Et je vais être
au milieu des autres, mais un peu différent des autres. Parce que je suis le
seul à qui quelque chose va revenir. C’est ça l’auteur. C’est celui à qui ça
revient le soir de la première. Les spectateurs ça leur parvient (ou ça ne leur
parvient pas). L’auteur ça lui revient. Ou ça ne lui revient pas. Le metteur
c’est autre chose. Le metteur le soir de la première, c’est l’impuissance c’est
avoir envie d’arrêter et de reprendre et pas pouvoir. Les acteurs le soir de la
première c’est les pompiers, c’est le sauvetage. Ils font ce qu’ils peuvent. Il
manque toujours une semaine. Si vous aimez les prématurés venez aux
premières venez à l’hôpital. Sinon attendez une semaine et venez voir le
gosse à la maison, chez lui, dans ses meubles.
Je suis allé au guichet des invitations. J’ai d’abord demandé combien
de temps ça durait. On m’a dit deux heures deux heures cinq. Comment
c’est possible deux heures cinq. J’ai écrit une pièce d’une heure vingt. Ils en
ont fait un spectacle de deux heures cinq. Je sais ce que j’ai écrit. Je sais
combien de temps ça dure. Je travaille au chronomètre. Et au gueuloir.
Je me joue la pièce tout seul chez moi, devant l’horloge. Et je me repère
au nombre de signes. Le temps ça rigole pas avec moi. Et celle-là c’est une
pièce de cinquante-cinq mille signes. Et cinquante-cinq mille signes c’est
une heure vingt c’est tout. Comment ils ont pu faire deux heures avec ça.
En coupant mon passage préféré en plus. Parce qu’ils l’ont coupé ça je suis
prêt à le parier.
Et après seulement j’ai demandé ma place, et on m’a dit quel nom ? Et
quand j’ai dit mon nom on m’a dit «ah !» et on m’a fait un sourire.
C’est plein. Y a du gratin. Ça va être un peu froid. Comme toujours. En
m’installant j’ai une pensée pour Heiner Müller répondant à une journaliste
qui s’inquiétait que ses textes ne soient pas compris par le public : «Ce n’est
pas mon problème, c’est le problème du metteur en scène.» Et le mien de
metteur en scène ? Qu’est-ce qu’il aura ajouté, comme fiction à lui, à ma
fiction à moi ?
La prochaine fois, je me choisirai un metteur en scène à la Copeau, s’il
en reste. Le texte, les acteurs, un plateau nu, là au moins. Ou alors je ferai
comme Valère N fait souvent. Je le ferai tout seul, pour être sûr qu’il n’y ait
pas de metteur en scène.
Je sais qu’on me demandera mais vous n’avez pas peur de ne pas avoir la
distance nécessaire ? La distance nécessaire. Y a pas que la distance dans
la vie. Dans le théâtre non plus d’ailleurs.
Ou alors je me prendrai un metteur en scène à la Langhoff, et il
m’explosera tout ça, et il me dynamitera tout ça, et comme ça ce sera
réglé une fois pour toutes. Et on n’en parlera plus.
Le noir tombe. Et le silence. Je pense : «L’auteur ce n’est quand même pas
le dernier des derniers.» Qui a dit ça déjà ? «L’auteur ce n’est quand même
pas le dernier des derniers.» Il faudrait que je vérifie mais je crois bien que
c’est Stanislavski. Qu’est-ce qu’il en savait lui de toutes façons ? Qu’est-ce
qu’il en savait ?»
11
Données économiques et juridiques
Catégorie (selon subsides sur la
durée du Contrat-programme)
Une autre façon d’aborder la situation des auteurs et les
moyens de l’améliorer consiste à se pencher sur les réalités
chiffrées. Il y en a plusieurs. La réalité des contratsprogrammes et des missions dévolues en matière d’écriture
par des auteurs de la Communauté française. Les données
macroéconomiques rassemblées par l’Observatoire des
Politiques Culturelles sur les recettes et les charges des
opérateurs les mieux subventionnés. Enfin, les données
disponibles à la SACD. Ces données sont globalement fiables
et expriment fidèlement les réalités générales ainsi décrites.
<1.000.000 euros
De > 1.000.000
à < 3.000.000 euros
Toison d’or,Vaudeville, MET, Baladins du miroir,
Envers, Transquinquenal, Utopia, Nouveau
Méridien, Sygne, Cie Dussenne, Infini Théâtre,
Grand Midi, Marni, la Valette, Arlequin, Equipe,
Eveil, LL
Total des subsides pour cette catégorie :
9 M euros
Arsenic, Voltaire, la Vie, Groupov, Océan Nord
Total des subsides pour cette catégorie:
8.,3 M euros
45 créations ou reprises
(généralement «hors adaptations»)
soit 1 par 2 années d’activités
6 créations ou reprises
(généralement «hors adaptations»)
Océan Nord a une obligation «d’attention»
soit < 1 par 2 années d’activités
de >3.000.000
à <5.000.000 euros
Les auteurs et les contrats-programmes
Analyse de 38 situations
De nombreux contrats-programmes comportent des missions
en matière de création ou de reprise d’ouvrages d’auteurs
belges francophones ou d’adaptations écrites par des auteurs
belges francophones. Comme celles-ci sont formulées sur
l’ensemble de la durée du contrat (4 ou 5 ans généralement),
les données financières le sont aussi. Nous avons analysé 38
contrats-programmes et leurs dispositions concernant les
auteurs.
Missions sur la durée du contrat-programme
De >5.000.000
à > 10.000.000 euros
Ancre, le 140, le Poche, les Galeries, Le Public,
la Place, la Balsamine, Les Tanneurs
Total des subsides pour cette catégorie:
29. M euros
Mons.be dipose d’un contrat-programme
pluridisciplinaire
44 créations ou reprises
(généralement «hors adaptations») dont
plus de la moitié à la Balsamine et au Public
soit en moyenne une par an
Le Varia, Namur, Le Parc, le Rideau,
L’Atelier Jean Vilar
Total des subsides pour cette catégorie:
34.6 M euros
23 créations ou reprises
(généralement «hors adaptations»)
soit en moyenne une par an
>de 10.000.000 euros
TNB (>30 M euros)
«Promotion de l’écriture dramatique»
aucune obligation de création ou de
reprise d’auteurs de la CF
La plupart mentionne l’obligation de respecter la législation sur les droits d’auteur.
Le contrat-programme du Théâtre National comprend des affectations selon les postes budgétaires. C’est une innovation.
Il est toutefois frappant de constater que la rémunération des auteurs se situe exclusivement dans le poste comptable
615 «exploitation théâtrale», et n’est pas mentionnée au poste 6201 «équipe artistique» (comédiens, metteurs en scène,
scénographes, maquilleuses, etc…).
12
Statistiques de l’Observatoire des Politiques
Culturelles
STATISTIQUES DE LA SACD
Les statistiques de l’Observatoire indiquent la charge réelle
du droit d’auteur dans l’économie théâtrale professionnelle
subventionnée : moins de 2 %.
Pourquoi un pourcentage si faible ?
L’analyse est très simple à faire : le droit d’auteur est assis quasi
exclusivement sur la billetterie (et les ventes de spectacles)
qui représentent 20 % seulement en moyenne des produits
globaux des théâtres.
Le taux réel moyen de perception étant de 9 % environ, 9 % de
20 % = 1,8 % du total des produits.
Dans la mesure où les auteurs ne sont quasi jamais rémunérés
pour leur travail d’écriture, leur rémunération est coupée de la
subvention, c-à-d de deux-tiers des produits des théâtres.
La SACD a pour mission légale de percevoir auprès des théâtres
les droits dus aux auteurs et ayants droit qui y sont affiliés ou
qui lui ont donné mandat en contrepartie de l’autorisation
d’exploiter les œuvres protégées par la loi.
Cette perception s’effectue pour tous les auteurs et ayants
droit affiliés ou mandataires. Parmi ceux-ci, un petit nombre
sont des auteurs résidant en Communauté française. D’autres
auteurs et ayants droit sont affiliés à d’autres sociétés (la Sabam
notamment) ou gèrent leurs droits individuellement.
Les statistiques suivantes concernent les perceptions générales
de la SACD d’abord, puis ensuite les perceptions pour les seuls
auteurs et ayants droit résidant en Communauté française.
Les perceptions de droits de la SACD auprès de 37 théâtres et
compagnies du secteur théâtral «de service public», données
2004-2006, s’élèvent à 2,5 millions euros.Soit une moyenne
annuelle pour ces 3 années de 825.000 euros.
Quatre théâtres représentent 50 % des encaissements : Théâtre
des Galeries, Théâtre de Namur, Théâtre le Public et l’Atelier
Théâtral Jean Villar.
Ensemble, les autres Centres Dramatiques Régionaux
représentent annuellement un peu plus de 100.000 euros en
moyenne.
Vue globale :
Examen des bilan et comptes de résultats d’une quarantaine
de théâtres professionnels période 1997 à 2001
1997
Catégorie
<10.000 euros par an
MET, Baladins du miroir, Envers, Transquinquennal, Utopia, , Sygne, Cie Dussenne, Infini
Théâtre, Grand Midi, Marni, Arlequin, Equipe,
Eveil, Balsamine, les Tanneurs, Océan Nord,
Arsenic, Groupov, Mons.be, le 140, Ancre,
Montant moyen : 3.250 euros/an
1998
1999
2000
2001
moyenne
Produits 32
35,2
35,9
38,5
36,3
35,58
dont
subv
22,3
23,3
23,8
24,5
22,98
dont
5,8
billetterie
+ ventes
7,4
7
8,8
6,9
7,18
De > 10.000 à < 25.000 euros Le Varia, Toison d’or, Nouveau Méridien, la
Valette,Volter, la Vie, Vaudeville,
Montant moyen : 17.150 euros/an
Droits
0,57
0,67
0,6
0,72
0,62
0,636
de >25.000 à <50.000 euros
Le Poche, Le Rideau, TNB, la Place,
Montant moyen : 32.650 euros/an
dont
subv
1,78%
1,90% 1,67% 1,87% 1,71% 1,79%
Le Parc, Atelier Jean Vilar
Montant moyen : 79.750 euros/an
dont
9,83%
billetterie
+ ventes
9,05% 8,57% 8,18% 8,99% 8,92%
De >50.000 à >100.000
euros
de 100.000 à 150.000 euros
Le Public, les Galeries, Namur,
Montant moyen : 115.300 euros/an
Total
37 théâtres et compagnies
Montant moyen (2004/2006) :
22.300 euros/an
Montant médian (2004/2006):
8.378 euros/an
21
Les données disponibles à la SACD confirment ces analyses.
13
Perceptions pour les auteurs résidant en Belgique, données 2002 – 2004 SACD uniquement,
perceptions en CF uniquement
Les 50 auteurs premiers en terme de répartition
– Moyenne 2002/2004
Catégorie
Le salaire minimum est défini
par la loi. Il est fonction de
l’âge et de la formation d’un
individu.
Le salaire minimal d’un travailleur diplômé
s’élève à 1683,55 euros par mois.
Soit sur 12 mois un budget de 28.890 euros
/an, et avec 13 mois et pécule de vacances, de
33.343 euros.
En 2004, le revenu annuel brut moyen
dans le secteur de l’industrie et des services
s’élevait à 40.575 euros, selon Eurostat.
<1.000 euros par an
322 auteurs
Montant moyen :
245 euros/an de perceptions brutes
De 1.000 à < 2.000 euros
39 auteurs
Montant moyen :
1.419 euros/an de perceptions brutes
De 2.000 à <5.000 euros
33 auteurs
Montant moyen :
3.048 euros/an de perceptions brutes
De 5.000 à > 10.000 euros
9 auteurs
Montant moyen :
6.887 euros/an de perceptions brutes
De 10.000 et plus
2 auteurs
Montant moyen :
15.073 euros/an de perceptions brutes
Total
405 auteurs
Montant moyen (2004/2006) :
807 euros/an
Montant médian (2004/2006):
223 euros/an
Source : http://www.references.be/art26367
Olivier Appart, Thilde Barboni, Christian Baggen, Philippe
Blasband, Serge Bodart, Bernard Breuse, Antonio Cecchinato,
José Brouwers, Jean Collette, Bernard Cogniaux, Paul Emond,
Frédéric Flamand, Jean-Michel Frère, Bernard Damien, Danielle
De Boeck, Thierry Debroux, Jacques de Decker, Charlie
Degotte, Jacques Delcuvellerie, Christine Delmotte, Eric De
Staercke, Michel Dezoteux, Jean-Pierre Dopagne, Claude
Enuset, Philippe Geluck, Damien Gillard, Nathan Grigorieff,
Sandrine Hooge, Jean-Claude Idée, Marcel Kervan, Marie-Paule
Kumps, Jean Louvet, Sébastien Ministru, Alain Moreau, Sophie
Museur, Layla Nabulsi, Jean-Marie Piemme, Guy Pion, Paul
Pourveur, Dominique Seron, Patrick Ridremont, Eric-Emmanuel
Schmitt, Yoris Van Hanswijck (succession «Bosman» ), Laurent
Van Wetter, Philippe Vauchel, Pascal Vrebos, Jean-François Viot,
Fernand Wicheler (succession «Beulemans»), Paul Willems,
Martine Willequet.
14
Analyse économique et pratique des revenus du
travail de l’auteur
Il convient ici de distinguer le temps consacré à l’écriture du temps
consacré à la production et à la diffusion.
Que font les auteurs ?
Quelle est la nature sociale de leur prestation ?
Les flux économiques qui peuvent être qualifiés de «revenus»
pour les auteurs (en dehors de toute qualification fiscale) sont les
suivants :
Les auteurs écrivent, soit d’initiative personnelle, soit sur
commande d’un tiers (éditeur, théâtre, institution, mécène,…).
Cette activité peut être une pratique «d’amateur», une activité
professionnelle «secondaire», une activité professionnelle
«principale». Dans la réalité, les situations personnelles sont bien
sûr souvent confuses. Elles évoluent rapidement, ne sont pas
univoques.
Le besoin de s’exprimer est aussi vieux que l’humanité, l’écriture
en est une forme. Elle ne se tarira pas. Même sous les dictatures,
même dans les conditions les plus épouvantables, le besoin
de dire, d’écrire a survécu tant que les individus survivaient.
Ainsi, la source de l’écriture ne se tarira jamais. Certains la qualifient
de «vocationnelle».
Les revenus financiers qui s’en dégagent pour les auteurs
«amateurs» sont bienvenus, mais ils ne sont pas nécessaires.
Aucun amateur ne fonde sa vie sur les flux économiques que
produirait de façon inattendue son écriture.
Ainsi, la rémunération généralement proposée à cette catégorie
d’auteurs est constituée pour l’essentiel du privilège d’être
enfin joué, édité et diffusé vers le public. Et vu ou lu par celui-ci.
Parfois…
Chaque auteur accorde à cette monnaie de Narcisse le taux de
change qu’il entend.
Lorsque l’écriture s’avère une activité professionnelle, principale
ou secondaire, la situation est toute autre.
L’écrivain fait le choix de se consacrer à son métier d’auteur,
il renonce à un autre métier (gardien d’immeuble, bibliothécaire,
cadre commercial, député européen…), il renonce surtout à
s’agiter pour se créer un flux régulier de revenus professionnels
étrangers à son métier d’auteur .
De ses revenus d’écrivain dépend sa survie économique et sociale.
Et celle de sa famille.
D’un point de vue sociologique, l’auteur conçu comme
professionnel change de statut.
La nature même de sa prestation a changé. Bon ou mauvais, son
temps de travail doit désormais entrer en jeu dans nos réflexions.
Et dans le calcul de ses revenus.
•
Les aides publiques à l’écriture
•
Les primes d’écriture ou de commande (non remboursables)
•
Les droits d’auteurs sur les exploitations réalisées par les
théâtres (y compris les à-valoir remboursables)
•
Les droits d’auteurs sur les exploitations réalisées par l’éditeur
(y compris les à-valoir remboursables)
•
Les droits d’auteur sur les exploitations secondaires et
dérivées (traductions, adaptations, produits dérivés)
•
Les droits d’auteur en provenance des licences légales ou de
la gestion collective obligatoire
•
Les revenus de prestations diverses associées
(articles, lectures, conférences, etc.)
Ces revenus sont de natures très différentes:
•
•
•
Les aides publiques sont des subsides et dépendent de la
capacité de l’auteur (et de son entourage professionnel) à
paraître comme étant le choix légitime et pertinent – mais
jamais garanti - d’affectation d’une fraction du budget
disponible (compétition symbolique).
La prime d’écriture et de commande est la catégorie de
rémunération la plus proche de celle qui peut exister dans
d’autres professions (salaire ou cachet lié au travail investi).
Elle est rare, et plus rarement encore objectivée par des
critères clairs.
Les droits d’auteur «primaires» constituent une association
à la recette générée par l’exploitation par le théâtre ou par
l’éditeur du répertoire de l’auteur; c’est un partage du succès
«commercial» indivisé.
•
Les droits d’auteur «secondaires et dérivés» constituent une
association à la recette générée par l’exploitation par des tiers
du répertoire de l’auteur.
•
Les droits d’auteur découlant des dispositifs organisés par
les pouvoirs publics au bénéfice des usagers (reprographie,
copie privée, prêt public) sont généralement perçus par les
créateurs comme des «revenus d’aubaine», dont ils sont peu
informés et surtout incapables de prévoir l’impact sur leur
budget.
•
Les revenus divers sont le plus souvent des rémunérations
pour des prestations publiques dont le montant varie selon
le temps investi, la notoriété du créateur, la générosité de
l’institution.
Comme on le voit, dans la plupart des cas, c’est le créateur
qui supporte quasi intégralement le risque économique de
son travail «d’écriture». Il investit dans son œuvre et espère
en partager le retour sur recettes avec les théâtres ou les
éditeurs.
Le copyright anglais conçoit cela mieux que le droit d’auteur
français qui permet à l’écrivain de conserver ce statut de
«premier investisseur».
Notons ici que son travail ne s’arrête pas à la conception-rédaction.
Il suit la création ou la fabrication, se mobilise pour la diffusion et la
création, cultive son public.
Dans le domaine de l’édition, si les aides publiques se sont
développées, mais restent limitées en regard des besoins, les
primes de commande et les à-valoir des éditeurs, elles, diminuent
ou disparaissent, selon ce que disent les auteurs. Macroéconomiquement, elles sont peut-être d’un volume constant (à
vérifier), mais s’avèrent certainement dispersées sur un nombre
croissant d’auteurs et de titres.
Dans le domaine du théâtre de service public en Communauté
française par contre, les subsides dominent largement l’économie
du secteur (autour de 70 % des ressources). L’auteur reste néanmoins
isolé, refoulé des mécanismes de rémunération normaux grâce à
l’intermittence. Le travail d’écriture n’est généralement pas pris en
compte, ou par une prime d’écriture de 1.000 à 1.500 euros.
15
Notons enfin que les rémunérations en droits d’auteur ont une
double qualité particulière qui doit être mentionnée ici :
En pratique, la marge de négociation par rapport aux minima
dépasse exceptionnellement 20 %.
•
Les revenus provenant des éditeurs (primes, à-valoir,
droits primaires ou secondaires)
Isolé, l’auteur a un très faible pouvoir dans la négociation du
partage des recettes générées par son oeuvre, sauf dans le cas
d’un succès commercial espéré ou avéré. L’examen des modèles
de contrat d’édition le démontre.
Pour rompre son isolement et objectiver sans doute la discussion,
supprimer l’argument du «plaisir d’écrire», l’auteur professionnel
se tournera donc souvent soit vers des agents, soit vers des
sociétés d’auteurs, ou encore vers des avocats.
Intermédiaires spécialisés en négociation, ces derniers font
tampon dans des relations qui s’avèrent en fait d’une rare
violence économique entre auteurs et éditeurs.
L’intervention de ces tiers modifie-t-elle de manière significative
la situation économique des auteurs ? Dans l’économie de la
vente du livre, assez peu sans doute vu le déséquilibre entre
le pouvoir de négociation d’un individu et les concentrations
éditoriales et de distributions massives qui gèrent désormais
«l’Industrie du Savoir», avec la bénédiction des pouvoirs publics.
Dans les droits secondaires et dérivés, sans doute bien plus pour
autant que les œuvres s’y prêtent.
Le coût est élevé (de 10 à 30 %), et vient en déduction de la seule
part de l’auteur.
•
A la différence des subsides, il s’agit de droits qui ne
dépendent pas juridiquement du bon vouloir du Prince
(enfin, sauf quand le Prince est le payeur…)
La nature même de ces rémunérations est censée garantir
l’indépendance du créateur, et donc la liberté d’expression
et de pensée.
Par le lien économique ininterrompu ainsi établi entre le public
et le créateur, ce dernier ne devrait en théorie dépendre que de
son succès, et demeurer libre de s’exprimer comme il l’entend.
De la négociation des rémunérations
La qualité d’une source de revenus pour un auteur professionnel
dépend largement de l’impact qu’il peut avoir sur la détermination
de son montant et sur sa fréquence. Elle dépend aussi du coût
des intermédiaires impliqués.
Examinons rapidement la nomenclature des rémunérations
sous cet angle :
Les subsides directs
L’auteur, seul, peut avoir le sentiment, réel ou illusoire, d’avoir
un fort impact sur l’obtention du subside, et sa répétition, selon
son «intelligence» institutionnelle ou son réseau de soutien
professionnel et personnel (les voies du Seigneur étant…comme
vous le savez). Il peut négocier l’obtention d’aides publiques,
mais rarement en discuter le montant.
Le coût de ces démarches n’est pas négligeable.
Agissant en collectif, les auteurs ont sans doute un impact
sur l’ampleur du budget d’aide et ses modalités de gestion.
Mais dans quelle mesure réellement ? C’est un phénomène qu’il
serait bon d’analyser.
Les revenus provenant des théâtres
La particularité en est que les auteurs y disposent d’une capacité
individuelle à négocier au cas par cas, mais à partir des minima
généraux négociés généralement par la SACD (ou la SABAM),
ou établis par elles comme usages acceptés par les usagers.
Il convient aussi d’aborder ici la question - délicate - de la reddition
des comptes et des paiements par les éditeurs. Car la conformité
de ces actes aux dispositions légales ou contractuelles dépend
in fine de la capacité de l’auteur à en négocier le respect.
Ce caractère négociable de l’application du contrat est sans
doute ce qui surprend le plus les néophytes de ce secteur aux
usages séculaires et particuliers.
Combien de «jeunes auteurs» ne pensent-ils pas que la cession
intégrale de leurs droits pour toute la durée de la propriété
littéraire mérite réellement contrepartie ? Même en cas de
diffusion modeste…
Dans bien des cas, la réalité s’avère décevante. Ou approximative.
Ou affublée de multiples déductions et impossibilités
inattendues.
Elle rend ainsi encore plus imprévisible le revenu de l’auteur,
malgré les apparences d’un cadre juridique protecteur.
Les revenus découlant des sociétés d’auteurs
a) Les revenus en gestion collective légale (reprographie, copie
privée, prêt public, câble) ou «de facto» (radio/télévision)
L’auteur n’y négocie généralement pas son revenu, dont le calcul
mutualiste se fait en divisant une masse financière disponible
par le nombre d’œuvres bénéficiaires. Le résultat est pondéré
par des critères de moins en moins nombreux et de plus en plus
objectifs (genre, durée, caractéristique de l’exploitation).
Comme coopérateur, le créateur peut intervenir sur la définition
et l’application des règles de répartition, ainsi que sur la qualité
et le coût de la gestion. Il est mandant et peut exiger qu’on lui
rende compte de façon très détaillée.
Appuyés par des organismes de contrôle suspicieux par
fonction, les professionnels n’hésitent plus à intervenir ainsi
de façon croissante dans la gestion des sociétés d’auteurs
auxquelles ils appartiennent. Ceci ne manque pas de provoquer
des affrontements parfois violents entre différentes catégories
d’auteurs (ou d’ayants droit) devant se partager une masse
financière perçue au nom de tous.
Peu de gens s’en doutent, la gestion de ces relations entre auteurs
(ou ayants droit), mêlant besoin d’argent et considérations
symboliques, n’est pas sans rappeler les meilleurs moments du
«Salaire de la peur».
Restons positifs, l’auteur peut aussi contribuer à l’accroissement
des sommes perçues en s’impliquant dans le travail de négociation
des sociétés d’auteurs pour de meilleures rémunérations.
Dans le cas où les revenus des auteurs sont reversés à des
intermédiaires, de facto la transparence diminue, la capacité de
l’auteur à exiger la reddition des comptes s’estompe, ainsi que le
contrôle public. Quoiqu’on en dise, les cas ne sont pas rares où
ces rémunérations légales n’aboutissent pas aux auteurs malgré
les engagements pris par les intermédiaires. Les prétextes les plus
fréquents sont la couverture des à-valoir ou le coût administratif
des opérations de reversement.
16
b) Les revenus en gestion collective volontaire
Du niveau de la rémunération des auteurs
Pour ceux qui écrivent, il s’agit principalement du Spectacle
vivant géré par la SACD (cf.ci-dessus).
Signalons enfin que certains auteurs ont confié à la Scam la
gestion du droit primaire de leur répertoire «littéraire», mais il
s’agit clairement de cas particuliers (successions, religieux, etc.).
Il est un dernier aspect à aborder :
les Américains disent cela vite et bien : How much ?
Est-il paradoxal d’estimer que le niveau même de la rémunération
pourrait en modifier la nature ?
Au jeu des signifiants, le «Combien» indique aussi quelque
chose. Bien évidemment.
Les revenus divers
Ces revenus sont ceux où l’auteur, ou son agent, sont en
apparence les plus libres de négocier avec les commanditaires
de la prestation (libraires, bibliothécaires, collectivités, institutions
publiques culturelles, associations, etc.).
Toutefois, l’argument de la «promotion» transforme bien des
cachets espérés en Monnaie de Narcisse une nouvelle fois.
La «libre négociation» entre partenaires, salariés protégés
d’institutions d’un côté, et auteurs en situation précaire de l’autre
débouche sur des aberrations stupéfiantes.
Comme ce centre littéraire dont l’animateur salarié protestait
avec la plus haute énergie contre les 47 euros de droits de
lecture publique que la SACD lui avait facturés !
Un montant déraisonnable qui mettait en péril toute perspective
de travail promotionnel en faveur d’auteurs… qui ne lui avaient
rien demandé !
Au niveau de l’auteur individuel, le montant généré par chacune
des différentes sources de revenus va leur conférer à chacune
une signification différente.
Bien que ce soit sans doute le total qui va consacrer le statut
«professionnel» de l’auteur. Ou à tout le moins, celui de
«professionnel rémunéré».
A partir de quel niveau une rémunération, un revenu peut-il être
considéré comme «professionnel».
Ou suffit-il qu’il s’agisse de la contrepartie même misérable d’une
prestation professionnelle ?
Du Copyleft
Ultime avatar de la propension universelle à considérer que les
auteurs devraient se contenter de négocier des quatrièmes de
couverture et autres images d’eux-mêmes pour se nourrir, il faut
citer l’intrusion du copyleft dans les secteurs artistiques.
Prenons le domaine du Livre, en dehors des 20 ou 25
«meilleures ventes», il est plus que vraisemblable que
l’investissement de l’auteur (son temps d’écriture) ne
puisse pas être rémunéré par le partage de la recette.
L’industrie du livre - qui vit désormais de la rotation rapide
des titres - ne peut pas (ou plus ?) garantir aux auteurs une
probabilité satisfaisante de retrouver leur investissement
professionnel dans l’écriture. La vente semble payer une
contribution à l’édition et certainement à la promotion.
Guère plus dans la grande majorité des cas.
Stratégie intéressante dans le secteur informatique car
débouchant sur des prestations spécialisées bien rémunérées, le
copyleft appliqué par «copier-coller» dans le secteur artistique
prend la signification suivante : il est conseillé aux auteurs de
négocier la gratuité universelle de leur œuvre.
Tout simplement, d’en faire don à l’humanité. Pour toujours mais
moyennant of course la mention de leur nom !
Certaines institutions culturelles bienveillantes estiment déjà
qu’il pourrait s’agir d’un bon critère pour juger de la modernité
et de la pertinence de la démarche du créateur… Une sorte
d’indice de son engagement personnel au Service de la Cause…
L’accès à certains subsides et à certaines résidences pourraient
un jour en dépendre.
Face à une concurrence acharnée (et mondialisée), une exigence
croissante de professionnalisme s’impose aux auteurs. Mais la
chaîne du livre n’a peut-être pas les moyens de rémunérer ce
phénomène de professionnalisation, du moins par la vente des
livres. On touche ici à l’identité culturelle, ou plus précisément à
ses capacités de renouvellement artistique.
Le «deal» traditionnel par lequel un auteur, désormais
professionnel ou espérant le devenir, cède tout, et pour toujours,
pour une espérance moyenne de revenu global de 1.000 à
15.000 euros brut, soulèvera des contestations de plus en plus
nombreuses. Et violentes. Elles ont commencé à apparaître
dans les boîtes à e-mail. Et dans le développement de certaines
activités auto-éditrices, variantes du copyleft.
Dans le domaine du théâtre de service public en Belgique
francophone, les revenus réels bruts moyens selon la recette
guichet sont aisés à calculer :
250 places payées X 10 euros en moyenne/place X 10 % (T°de
perception)= 300 euros par séance.
Une série représente généralement une quinzaine de séances,
soit au total 3.915 euros brut, frais SACD/Sabam compris. De
2.000 à 2.400 euros de revenus nets, après frais, impôts et charges
sociales.
Une fois encore, seul le temps consacré à la production
du spectacle et à la promotion de ce spectacle peut être
rémunéré par un tel budget, le temps d’écriture n’est pas
payé. D’où le cri d’alarme des auteurs professionnalisés
pour répondre aux exigences croissantes du secteur et
du public, mais confrontés à une situation financière
réellement impossible.
17
3//
AU COEUR DE
L’éTUDE:
LA VOIX DES
AUTEURS
18
Synthèse des réponses au questionnaire «auteurs»
Comme il est désormais généralement entendu que des auteurs existent et écrivent en
Communauté française, à un niveau de compétence professionnelle moyen qui n’est
manifestement pas différent de celui des autres professions principales des arts de la
scène (Directeurs, metteurs en scène, comédiens, compositeurs, décorateurs…),
il est évidemment utile de savoir qui ils sont, comment ils vivent et ce qu’ils souhaitent…
Et le chemin le plus direct est de le leur demander.
Avant de parler en leur nom, pour être certains de n’oublier (presque…) personne,
nous avons donc adressé plus de 300 questionnaires à des auteurs identifiés comme tels
par la SACD et la Promotion des Lettres .
Au jour de la rédaction de ce rapport, 85 réponses ont été obtenues et traitées par
Linda Lewkowicz, auteure elle-même et rédactrice de Scènes, dans le souci de
préserver toutes les nuances exprimées.
Linda a également interviewé de façon plus approfondie une quinzaine d’auteurs pour
enrichir notre connaissance de leurs situations. Elle a pensé aux auteures aussi…
19
PROFIL DE L’AUTEUR
À la lecture des tableaux qui suivent, on verra bien que les auteurs
dramatiques de la CF ont majoritairement (88%) un bon niveau scolaire.
Seuls 12% d’entre eux n’ont jamais terminé leurs études primaires et/ou
secondaires.
Âge – membre SACD - niveau d’étude – activité – statut professionnel – revenus L’ouverture est notre base de réflexion. Combien d’auteurs ont été sollicités, qui sont ceux qui ont répondu, leur
âge, leur niveau d’étude, leur activité et statut professionnel, leur revenus, leur œuvre... À ce stade de la réflexion,
nous tenterons de connaître notre «échantillon». De tracer, nonobstant les réticences, un profil cible.
Au départ, on contacte 325 auteurs , avec une dominante masculine (33/67%).
À l’arrivée, la tendance se confirme et dans les mêmes proportions (34/66%).
Sollicitations
325
Féminin
108
Masculin
217
Réponses
85
26%
Base de l’enquête
73
22%
33%
Refus
10
12%
Féminin
25
34%
67%
Avis partiels 2
2%
Masculin
48
66%
Après avoir relancé l’ensemble des auteurs sollicités (jusqu’à trois fois pour certains...), les compteurs s’arrêtent, à
la mi-novembre, à quatre-vingt-cinq réponses, soit 26%. En supprimant les dix refus explicites et deux avis trop
partiels, l’analyse se basera finalement sur septante-trois avis.
Niveau d’études
Primaire
1
1%
Secondaire
8
11%
Supérieur
39
53%
Licence
19
26%
Doctorat
6
8%
73
100%
Artistiques
29
40%
Non artistiques
44
60%
73
100%
Type d’études
Âge
Membre SACD
66
90%
Autre
7
10%
20-30
2
3%
73
100%
30-40
22
30%
40-50
24
33%
50-60
12
16%
60-70
8
11%
70-80
4
5%
89-90
1
1%
73
100%
Soit 22% du total des auteurs sollicités.
Le profil qui se dégage des 73 réponses de notre enquête est un homme entre 30 et 50 ans, qui a fait des
études supérieures, non artistiques. Il est membre de la SACD, «intermittent» du spectacle (nous y reviendrons)
n’ayant aucun statut lié directement à son activité d’auteur. Il pratique plusieurs métiers dont l’écriture et le jeu
qui arrivent en tête des statistiques.
Cet «auteur cible» est auteur dramatique, scénariste, traducteur,
parolier... : écrivain au sens large ; mais aussi chanteur, humoriste,
marionnettiste, comédien... : homme du spectacle au sens large.
Lorsqu’il présente son activité dite «accessoire», c’est encore l’écriture
qui arrive au premier plan : il est auteur dramatique, scénariste, traducteur,
parolier... : écrivain au sens large. Mais ce n’est plus la scène qui lui prend son
temps mais ce qui l’entoure : il est conseiller, dramaturge, chercheur, scriptdoctor, rédacteur, pigiste, journaliste, critique... ou professeur, animateur
d’atelier d’écriture, enseignant, conférencier, coach, pédagogue, formateur...
20
Ouvrir la réflexion sur la situation des auteurs dramatiques en Belgique francophone en
occultant ainsi la part féminine, n’est-ce pas déjà scier la branche sur laquelle 34% des
répondant(e)s sont assis(e)s? Y aurait-il donc quelques différences entre auteurs et auteures en
Communauté française de Belgique ? La réponse est «Oui», parfois. A
Du simple point de vue de l’âge, par exemple, ce sont elles qui font pencher la balance dans la
tranche 30-50 ans, pendant que les hommes se distribuent sur une tranche plus large qui va de
30 à 70 ans.PR
Quant aux types d’activité, hommes et femmes entretiennent le même rapport. La
différence se marque plutôt, nous le verrons, quant aux statuts officiels et aux revenus des
unes et des autres. Les auteurs énoncent pas moins de 39 métiers différents confirmant
ainsi le fait que chacun (sans exception), en plus de son métier d’auteur, pratique au moins
une autre activité. Certains déclarent jusqu’à quatre fonctions. Ce qui lie toutes ces fonctions
les unes aux autres, c’est qu’elles s’exercent toutes autour de la scène, de sa conception ou
de son analyse. Ils ne sont que 15% à pratiquer une activité qui n’a rien à voir avec le monde
du spectacle. Ainsi, pour la facilité de lecture, et permettre quelques
«statistiques» nous avons rassemblé les différents métiers en quelques termes génériques.
Âge au fémininO
Profession principale
Âge au masculin
20-30
1
4%
20-30
1
2%
Auteur
25
34%
23%
30-40
10
40%
30-40
12
25%
En scène
24
33%
22%
40-50
10
40%
40-50
14
29%
Créateur de la scène 21
29%
19%
50-60
4
16%
50-60
8
17%
Hors scène
16
22%
15%
25
100%
60-70
8
17%
Transmission
11
15%
10%
70-80
4
8%
Organisateur
9
12%
8%
89-90
1
2%
Penseur/critique
2
3%
2%
48
100%
73 répondants
108
148%
100%
Niveau au féminin
Primaire
0
0%
Doctorat
0
0%
Licence
7
28%
Secondaire
2
8%
Supérieur
16
64%
25
100%
Type d’études ( f )
Artistiques
Non Artistiques
Profession accessoire
76%
Auteur
28
48%
30%
6
24%
Transmission
17
29%
18%
25
100%
Penseur/critique
17
29%
18%
En scène
11
19%
12%
Créateur de la scène 11
19%
12%
Organisateur
6
10%
6%
Hors scène
3
5%
3%
58 répondants
108
160%
100%
19
Type d’études ( m)
Du point de vue des études, seuls
Rles garçons (dans ce dépouillement)
vont jusqu’au doctorat (13%) et se
distribuent sur l’ensemble des niveaux.
Les filles font des études supérieures
et imposent, par le nombre (76%), la
tendance de l’étude artistique.
Artistiques
25
52%
Non Artistiques
23
48%
48
100%
Hors scène = employé, cuisinier, retraité, père au foyer,…
En scène = chanteur, humoriste, marionnettiste, comédien,…
Auteur = auteur dramatique, scénariste, traducteur, parolier,…
Transmission = professeur, coach, formateur, animateur d’atelier, pédagogue,…
Créateur de la scène = metteur en scène, costumier, ingénieur du son, réalisateur,…
Penseur : journaliste, pigiste, rédacteur, dramaturge,…
Organisateur : organisateur culturel, directeur de Cie,…
21
L’on voit très clairement que l’activité, sauf pour 15% d’entre eux, est toujours liée aux arts de
la scène. Le nombre d’activités dépasse largement le nombre des répondants. Au point que
si l’on additionnait l’activité principale à l’activité secondaire, on arriverait à plus de quatre
métiers (4,1111) par auteur. Si c’est là la moyenne, soulignons que ce n’est qu’une moyenne et
que tous les auteurs n’entrent pas dans le même moule. Je n’arrive pas à entrer dans les cases du
questionnaire, parce qu’il présage d’un auteur qui écrit des pièces qui sont publiées et puis jouées et
puis reprises. Ce qui ne ressemble pas à ce que je vis. Je n’ai travaillé de cette façon que trois fois dans
mon parcours. Les activités ne se pratiquent pas nécessairement en même temps, certains
auteurs passent d’une activité à l’autre, d’autres les cumulent, mais en ce qui concerne l’écriture,
activité d’excellence, une fois le pied dans l’engrenage, cela ne s’arrête jamais et cela pour 56%
d’entre eux qui disent écrire tout le long de l’année.
PROFIL DE L’OEUVRE
Notons enfin que si certains auteurs déclarent avoir parfois plusieurs éditeurs (Luc Pire,
éditions du Cerisier, Didascalie, les Cahiers du Rideau, les Éperonniers, feu le Groupe Aven...),
l’éditeur (heureusement/malheureusement) incontournable pour l’ensemble des auteurs
francophones de la Communauté française de Belgique (et d’ailleurs) s’appelle Émile
Lansman.
REVENUS – STATUTS
D’une façon générale, le revenu de l’auteur ressemblerait à son activité : multiple. 50%
des auteurs déclarent tirer leur revenu de leur activité principale, 33% reçoivent encore
un revenu complémentaire du chômage alors que seulement 8% d’entre eux se disent
chômeurs à part entière. La moitié des auteurs est rémunérée pour l’activité principale mais
seulement un tiers d’entre eux se définit comme salarié, un autre comme «intermittent».
D’où provient le revenu ?
Oeuvres dramatiques publiées
118
44%
Oeuvres lues publiquement
113
42%
Métier principal
56
50%
Oeuvres créées
192
72%
Métier accessoire
7
6%
Oeuvres reprises
70
26%
Prestations d’indépendant
1
1%
1
1%
Oeuvres traduites
46
17%
Autre
Oeuvres exploitées (au sens large)
à l’étranger
93
35%
Droits d’auteurs/droits voisins/bourses
14
13%
Chômage
33
29%
Ensemble des oeuvres écrites entre 2001 et
2006 par 56 oeuvres
267
112
100%
Salarié
26
36%
Indépendant
3
4%
Intermittent*
28
38%
Autre
10
14%
Chômeur
6
8%
73
100%
Statut
En ne se fiant qu’à notre échantillon, la Communauté française a vu naître 267 œuvres
dramatiques de 2001 à 2006, soit cinq saisons. Ce qui ferait, en moyenne, 53 œuvres par année,
soit près d’une œuvre par auteur (0,8).
André Schwartzbart vient de mourir, il a écrit trois œuvres dans sa vie, ses œuvres vont peut-être
marquer les siècles à venir ?
Ces données ne recouvrent qu’une part de la réalité. Il suffit de se pencher un peu sur le
parcours personnel des auteurs pour s’apercevoir que certains (29%) écrivent plus d’une pièce
par année, d’autres de deux à quatre, une dernière va jusqu’à déclarer onze œuvres en moyenne.
Il y a autant de personnalités et de pratiques qu’il y a d’auteurs dramatiques, comme nous le
verrons dans le chapitre des habitudes. J’écris, je rencontre des gens, j’échange des bouts de texte
avec eux, parfois un livre circule et des gens me rencontrent...
Ces œuvres qui arrivent sur le marché semblent avoir une autre vie que celle du tiroir où il fait
trop noir, puisque les auteurs déclarent que 72% de leurs oeuvres sont créées, 44% publiées et
que 35% dépassent nos frontières. Notons que pour quelques auteurs vivant déjà «à l’étranger»,
la question de l’exploitation à l’étranger prenait un sens nouveau. Étranger pour qui ?
*Sous l’appellation «intermittent» que nous avons empruntée à nos voisins français, nous
avons logé tous les auteurs qui passent régulièrement du statut de chômeur à celui de
salarié – sans tenir compte du fait que ces derniers bénéficieraient ou non des avantages du
«statut d’artiste» proposé par le bureau de chômage.
22
Comme nous le signalions déjà dans le profil, s’il y a peu de différences entre un auteur qui écrit
et une auteure qui écrit, d’un point de vue social, la différence est intéressante à soulever. Alors
mêmes qu’ils pratiquent tous et toutes au moins une activité en plus de leur métier d’écrivain,
on constate que les auteures se confinent dans les statuts d’intermittentes (aller-retour au
bureau de chômage) et de chômeuses à 80%. Pendant que les hommes se déclarent salariés,
indépendants ou autres à 58%. Et chômeurs/intermittents à «seulement» 33%.
Revenus au féminin
Principal
Statut au féminin
18
44%
Salarié
5
20%
0
0%
Accessoire
2
5%
Indépendant
Indépendant
1
2%
Intermittent
15
60%
Autre
1
2%
Autre
2
8%
Droits d’auteurs
1
2%
Chômeur
3
12%
Chômage
18
44%
25
100%
41
100%
Revenus au masculin
La situation des auteurs dramatiques baigne dans le flou social le plus absolu :
J’aimerais avant toute chose comprendre ce qu’il faut faire pour pouvoir écrire, sans perdre ce
statut. Les informations sont difficiles à glaner et à comprendre… Un flou que l’auteur partage
avec ses pairs comme avec son fiscaliste : Je n’ai pas d’inscription sociale particulière, je suis
payé de façon très diverse : contrats de salariés, droits d’auteur, bourses, à-valoir, prestations
d’indépendant… Le fiscaliste s’arrache les cheveux et moi aussi. Un flou administratif qui se
retourne souvent contre lui : Il faut tout de même se rendre compte qu’ on nous demande de
ne pas dépasser un plafond, sans quoi il nous faut rembourser, par jour de chômage , 1/312e
de l’excédent. Voilà ce que dit la loi. Ce n’est pas de l’ordre du trop perçu, mais d’un plafond trop
bas : une pièce jouée 20 à 30 fois dépasse le barème . Je suis au chômage et ne peux écrire qu’en
dehors des heures légales... Un auteur écrit tout le temps... Une situation administrative tellement
complexe qu’il est parfois plus simple de rester chez soi à ne rien faire, pour ne pas perdre son
statut... En travaillant, c’est un vrai casse-tête. …
RECONNAISSANCE
À cette étape du questionnaire on cherche à savoir comment l’auteur se définit et s’il se
sent reconnu ou non. On lui suggère quelques propositions pour améliorer cette situation.
Et on lui demande sa position.
Statut au masculin
Principal
38
53%
Salarié
21
44%
Accessoire
5
7%
Indépendant
3
6%
Indépendant
0
0%
Intermittent
13
27%
Autre
1
1%
Autre
8
17%
Droits d’auteurs
13
18%
Chômeur
3
6%
Chômage
15
21%
25
100%
72
100%
Sous la dénomination «autre», l’on comprend que les auteurs pensent a) L’auteur est à charge. b)
L’auteur est retraité. c) L’auteur bénéficie de «l’avantage artiste» au chômage et ne se considère
donc pas comme chômeur. d) L’auteur dispose d’un statut à l’étranger – en l’occurrence ici celui
d’auteur. e) L’auteur ne sait tout simplement pas.
Ici comme ailleurs, la question des revenus (et du statut) est extrêmement difficile à synthétiser.
S’il est très probable que, rien ne garantissant la confidentialité du questionnaire, certains auteurs
aient pu choisir le «secret bancaire» ; s’il est tout aussi probable que seuls ceux qui vivent dans la
plus extrême précarité auraient donné l’état chiffré de la dramatique situation qui est la leur… ,
au vu des réponses, ce qui est donné, c’est qu’un certain nombre d’auteurs n’auraient peut-être
pas pu calculer leurs gains réguliers tant leur situation financière est à l’image de leur activité et
de leur statut : multiple et intermittente.
C’est quoi un auteur dramatique ? Comment se définit-il de réponses en réponses ?
C’est d’abord un(e) artiste qui écrit du théâtre, mais pas seulement et il tient à ce qu’on
ne l’oublie pas. Il écrit aussi des romans, des scénarii de films ou de BD, des textes
journalistiques, des poèmes.... Il gagne d’ailleurs mieux sa vie en étant écrivain, au sens large,
qu’auteur dramatique, au sens strict. C’est un homme (ou une femme) qui lit, écrit et analyse
le texte avec une autre acuité et une autre sensibilité qu’un professeur de français. Une
femme (ou un homme) qui sait mettre en scène, jouer, faire de la dramaturgie. Un homme
(ou une femme) qui connaît certains milieux théâtraux et sociaux mieux que d’autres. Une
femme (ou un homme) porteuse (ou porteur) de rêves et d’utopies. Un homme (ou une
femme) capable de faire la difficile promotion de son œuvre et de celle de ses pairs. Une
femme (ou un homme) capable de faire le lien entre le dedans et le dehors de la scène.
Un homme (ou une femme) qui peut donner une cohérence à une saison. Une femme (ou
un homme) pas nécessairement en phase avec les tendances du jour mais susceptible de
reformuler le présent. Une femme (ou un homme) vivant(e) que l’on peut mettre à la fête.
C’est vrai, pourquoi attendre qu’il soit mort pour lui serrer la pince ?
23
Souhaiteriez-vous que vos compétences soient reconnues ?
Par le diplôme – ouvrir une section «auteur dramatique»
7
10%
En offrant plus de visibilité par les prix, médaille,…
18
25%
Par une reconnaissance des pouvoirs publics ?
37
51%
Autres propositions
47
64%
Les propositions concrètes sont rassemblées au chapitre G :
«Pour une diminution de la précarité»
La reconnaissance, pour 76% (25+51) des auteurs, passe par les pouvoirs publics et la visibilité
des prix, médailles et bourses.
Non, la plupart des auteurs ne veulent pas d’un diplôme ou de l’ouverture d’une section
«auteur dramatique» dans les écoles. Le talent ne s’apprend pas. Ils ne sont que 10% à trouver
l’idée intéressante.
Questionner l’habitude d’écriture de l’écrivain, connaître les différentes facettes de son
métier, c’est intégrer, dans la réflexion ou l’élaboration d’une politique le concernant, le
concret de son quotidien. Si la question est la professionnalisation de l’auteur ; s’il est
temps de lui permettre de vivre de son métier, alors avant de lui composer un espace
politique et social, on doit savoir que l’espace temps réel d’un auteur est incernable. C’est un
métier d’obsessionnel. Même si on essaie de trouver des moments dans la journée, des espaces...
Seconde constatation : L’écriture a un enjeu qui n’est pas individuel. Comment l’auteur travaille n’a
aucune importance (s’il fume cinquante clopes, s’il prie, se drogue...). Il n’y a pas de loi, les règles
c’est les auteurs qui se les donnent, se les inventent. Ce qui est «dangereux», ce sont les méthodes
pour reconnaître ce travail, on pourrait les mettre dans une catégorie dans laquelle ils n’entrent
pas.
La plupart des auteurs (46%) disent écrire alternativement sous leur propre impulsion et
à la commande. Ils écrivent régulièrement, tout au long de l’année (55%), et plutôt chez
eux (64%). Très peu d’auteurs semblent avoir besoin de la scène pour écrire, ce qui pourrait
s’expliquer par le fait que 62% (voir profil de l’auteur) exercent déjà un métier lié à scène et
qu’elle serait donc déjà inscrite en eux ? En additionnant ceux qui ont besoin de la scène et
d’un cadre, on arrive à 42% d’auteurs qui préfèreraient l’entourage à l’isolement.
Habitudes D’éCRITURE
Comment ?
AUTEURS ASSOCIéS à une institution culturelle
À la commande (théâtre, metteur en scène,...)
21
30%
Au projet initié par vous-même (bourse,…)
30
43%
Alternativement l’un et l’autre
32
46%
Sans encadrement particulier
24
Tout au long de l’année, du mois, de la semaine…
Auteurs associés
15
21%
Auteurs non associés
56
77%
33%
Réponses incomplètes
2
3%
73
100%
38
55%
Pendant certaines périodes
21
30%
Pas d’habitude
11
16%
À ce point de l’enquête, c’est le désir, la possibilité, l’importance, la pertinence... de replacer
l’auteur dramatique dans son «biotope originel» (institutions culturelles et 64% des
institutions théâtrales) que nous questionnons. Plus de 10% des auteurs pensent que
c’est une bonne, très bonne, voire excellente idée de convaincre les organismes culturels
d’intégrer des auteurs dramatiques dans leurs projets. 59% n’émettent pas d’avis. 43%
veulent trouver une juste alternance entre le dehors et le dedans.
N’importe où
23
33%
N’importe où, mais isolé
15
22%
N’importe où, mais dans un endroit public
9
13%
Chez moi
44
64%
Besoin de la scène (des comédiens, ...) pour créer
15
22%
Besoin d’un cadre (résidence, atelier, théâtre…)
14
20%
Quand ?
Où ?
Cette situation, hors des institutions, vous convient-elle ?
Pas d’avis
33
59%
Oui
16
29%
Non
7
13%
56
100%
Habitudes d’écriture : 69 répondants
24
Oui, pour 79% des auteurs (non associés) qui répondent à ce questionnaire aux allures d’«offre
d’emploi» , cela semble une bonne idée d’entrer, sous contrat, dans une institution. Certains le
veulent tellement que, pris au jeu et/ou aux abois, ils déposent leurs meilleures cartes :
je parle six langues, je jongle avec les «mots objets», j’ai une connaissance intime de certains
milieux sociaux, du travail collectif, de la mise en scène, du jeu musical, j’ai une grande capacité de
lecture, je peux conseiller en matière de gestion.... Oui, chaque auteur a bien quelques compétences
«originales» à offrir à son employeur. Ce n’est là qu’une caractéristique individuelle, et il faudrait
les rencontrer chacun, un à un, avant d’imaginer une entrée dans les contrats-programmes qui
coincerait tous les autres dans les mêmes cases. Oui, «entrer en institution, est une bonne idée, MAIS
il faut que l’auteur soit engagé en tant qu’auteur ! Je ne supporte plus qu’on me dise ce que je dois
écrire, ni comment écrire, ni pourquoi ou pour qui. Bref, je ne supporte pas d’être «exécutante» de
la pensée d’autrui. C’est une bonne idée si l’auteur a le temps d’écrire et de gérer son temps. Oui,
c’est une bonne idée, sauf s’il y a incompatibilité entre les parties ? C’est une bonne idée, si l’auteur
n’est pas un bouche-trou. Si on ne lui fait pas écrire tout et n’importe quoi. C’est une bonne idée à
condition que l’auteur reste un auteur et qu’il y ait des projets. Oui mais le risque c’est que l’institution
s’investisse avec un auteur et que cela ne donne rien ? C’est une bonne idée si l’auteur peut garder
son autonomie. Oui mais si l’auteur devient une espèce de fonctionnaire, «d’auteur d’État»,
prisonnier de sa structure ? C’est une bonne idée si c’est la SACD qui gère ses contrats . Oui mais ne
risque-t-on pas d’être un alibi ? C’est une bonne idée si les spécificités de l’auteur, de sa création sont
prises au sérieux. S’il me semble indispensable de protéger et de promouvoir davantage la création,
je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée de visser l’auteur à un statut spécifique ou à une
institution. C’est toute la difficulté d’une profession par essence volatile.
C’est une bonne idée à condition que l’on incite l’organisme et non l’oblige. Oui, c’est une bonne
idée mais pas pour être le «rédacteur secrétaire». C’est une bonne idée si on peut garder sa liberté.
Oui mais l’avantage, c’est l’argent. Oui mais comme ce sera pas un travail d’auteur dramatique :
l’avantage c’est le désavantage.
Fonctions des auteurs déjà associés
Directeur de Cie
5
33%
Metteur en scène
3
20%
Auteur dramatique
2
13%
Comédien
2
13%
Responsable des publications
2
13%
Conseiller artistique
1
7%
Programmateur/organisateur
1
7%
Dramaturge
1
7%
Communication
1
7%
Administration
1
7%
Il ne faut pas trouver un emploi pour l’auteur, il faut faire vivre l’écriture. Et ce n’est peut-être
pas un vœu innocent... lorsqu’on questionne les auteurs déjà associés, d’une façon ou d’une
autre, à un organisme culturel ou théâtral, on constate que ce n’est pas le métier d’auteur
qui revient avec le plus d’occurrences mais celui de directeur ou de metteur en scène.
La fonction d’auteur dramatique ne prendrait qu’un huitième (13%) du contrat.
Être associé convient-il?
Oui
2
13%
Non
6
40%
Pas d’avis
7
47%
Non, être associé à une institution (ou tout autre association culturelle) ne convient pas
à 40% à la fonction d’auteur quand ce dernier est engagé. Les témoignages les plus
préoccupants nous viennent par exemple d’un auteur responsable des publications :
Je gagne de l’argent oui, pas assez, je dispose d’une couverture sociale, je suis reconnue sur le
marché du travail, je rencontre des gens, assez bien, passionnants... Mais je n’écris plus. On n’a pas
intégré dans mon contrat ACS cette qualité particulière : je suis un auteur» . L’autre témoignage,
plus inquiétant encore, raconte l’histoire d’un écrivain qui a passé 15 ans de sa vie à
composer les programmes du théâtre qui l’avait engagé et n’y a vu qu’une seule de ses
pièces jouées. Le directeur avait peur de faire du favoritisme, qu’on se rassure, il n’y en a pas eu.
Si donc l’auteur veut, sous certaines conditions (à définir avec son employeur potentiel)
entrer en institution, que lui manque-t-il pour le convaincre définitivement de la pertinence
de cette embauche ?
Il ne manque rien aux auteurs, il suffit de les lire. Il y a un vrai débat à avoir sur ce que c’est que la
culture, les gens ne s’amusent pas, ils travaillent.
Il lui manque un soutien clair, structurel, institutionnel et financier ; il lui manque des
moyens, des supports, de la visibilité, il lui manque la reconnaissance de son travail
d’auteur par les décideurs, le public, les médias... Il lui manque les contacts avec les bonnes
personnes, le temps pour prendre ces contacts et constituer un groupe de pression, il
lui manque une promotion régulière et visible dans les médias, il lui manque un statut
fluide lui permettant d’entrer et sortir comme il le veut dans l’institution désireuse de... Aux
décideurs, il manque une réelle écoute de leurs créateurs, une confiance en ce potentiel
capable de porter loin la voix de la Communauté. En Communauté française, on est toujours
mis à la diète, considéré comme des gagne-petits. Dans une culture du «metteur en scène roi»,
il manque aux directeurs et programmateurs de théâtre un esprit d’ouverture, sortir du vase
clos, il manque la croyance/confiance au fait que l’on peut fidéliser un public à l’écriture
contemporaine, il manque un vrai désir de rencontre, la passion de l’inconnu.
Ce qui peut effrayer ou constituer un frein pour le directeur d’institution, c’est l’image individualiste
de l’auteur. Des personnalités trop engagées ce n’est pas toujours ce que cherchent les milieux
culturels. On cherche une fonction et pas des personnes autonomes.
25
POUR UNE DIMINUTION DE LA PRéCARITé
Moyens proposés pour sortir de la précarité
a) Des contrats de salariés avec des organismes des arts de la scène
32
44%
b) Des commandes garanties pour indépendants
7
10%
c) Une augmentation des droits d’auteur et droits voisins
12
16%
d) Des conventions publiques pluriannuelles
11
15%
e) Un droit aux allocations de chômage sans contrainte ou limite
18
25%
f ) Des résidences de longue durée
16
22%
g) En pratiquant une multi-activité soutenue par des dispositifs publics
17
23%
h) Autre proposition (à préciser)
21
29%
Et puisqu’il n’y a pas de statut ou d’environnement sociopolitique qui conviennent pour que
vive une «corporation» d’auteurs, nous leur avons demandé d’imaginer ce qui serait le mieux
pour eux.
Nous constatons que les auteurs dramatiques de notre enquête ne dédaignent pas les
contrats de salariés avec les organismes des arts de la scène (44%) : l’intégration d’un auteur
dans une institution peut être une solution pour celui qui le décide, mais s’il ne fait pas un
travail d’auteur, cela ne sert pas nécessairement son travail d’auteur. Quelques auteurs (25%),
s’appuyant sur ce qui existe déjà, proposent d’offrir à l’auteur une allocation de chômage sans
limite.
Beaucoup des initiatives proposées valent sans doute la peine d’être creusées , c’est pourquoi,
à partir de leur propre expérience, 29% des auteurs proposent aux experts potentiels qui se
pencheront sur leurs cas, quelques directions de recherche...
POINT DE VUE SUR LE CHôMAGE
Certains pensent que la vache maigre est le prix de la liberté. Soit on écrit pour le prince, soit
on est condamné à «l’errance dans la forêt noire». Et Vive la démerde.
D’une façon générale on pourrait dire que toutes les citations vont dans le même sens
«touche pas à mon chômage» - la demande pressante est : donnons un vrai statut d’auteur à
l’auteur. Un auteur n’est pas toujours intermittent, pas toujours travailleur salarié, pas toujours
sous contrat, pas toujours au chômage….Par contre, une fois le pied à l’étrier : l’auteur ne
descend jamais en chemin.
Je me suis toujours considéré (en me déculpabilisant) comme soutenu par l’état à travers l’ONEM.
Les droits sont une très maigre rétribution en comparaison de la longue période d’écriture. J’ai donc
considéré que c’était un juste retour des choses.
26
4//
LES PROPOSITIONS
CONCRèTES
28
SOLUTIONS EN VUE DE COMBATTRE LA PRéCARITE DES AUTEURS
Combattre la précarité des artistes ? Chiche !
Commençons par les plus exposés dans le champ théâtral, les auteurs dramatiques,
aux revenus professionnels d’écriture si bas qu’on ne peut espérer en vivre. Améliorer
la situation concrète des auteurs pour leur permettre d’être des auteurs dramatiques
en activité, investis dans les projets et les équipes de création, c’est possible. Diverses
propositions offrent des solutions concrètes. Le reste est affaire de prise de
conscience, de volonté et de partage plus équitable des ressources disponibles.
Ce catalogue de propositions concrètes a été élaboré sur base des expériences belges
ou étrangères connues, des suggestions formulées par les auteurs eux-mêmes dans le
passé ou à l’occasion de cette étude, des suggestions de certains experts.
mesures visant l’emploi des auteurs
L’objectif est de créer une dizaine d’ETP «d’écriture» au sein du champ théâtral professionnel
d’ici 3 ans.
- Dans les organismes de production et de diffusion,
Il est proposé de lancer une concertation avec les employeurs du secteur, encadrée par la
Communauté française, afin de développer l’emploi spécifique des auteurs en tant qu’auteurs.
Différentes formules, liées à la création de spectacles ou à des mises en résidence devront être
explorées, en se basant sur des expériences belges ou étrangères.
- Hors ces institutions
Il est proposé de créer une structure intermédiaire, financée par certains fonds du secteur
et par une contribution liée à la subvention, permettant l’emploi et la mise en résidence
d’auteurs en Belgique comme à l’étranger.
29
mesures visant les commandes d’œuvres et de prestations artistiques
d’auteurs
L’objectif est de générer des revenus à hauteur d’une dizaine de professionnels au sein du
champ théâtral professionnel d’ici 3 ans.
- Dans les organismes de production et de diffusion
Il est proposé de lancer une concertation avec les employeurs du secteur, encadrée par la
Communauté française, afin de développer la commande d’oeuvres et la prestation artistique
des auteurs. Un volume donné de commandes de ce type devrait être précisé dans les futurs
contrats-programmes.
- Hors ces institutions
Il est proposé de créer une structure intermédiaire, financée par certains fonds du secteur
et par une contribution liée à la subvention, permettant de développer la commande et la
prestation artistique des auteurs.
Mesures visant l’activité internationale des auteurs
Avec l’aide du CGRI, il est proposé de développer l’envoi d’auteurs en résidence à l’étranger.
Il est proposé d’évaluer le travail des structures de promotion en regard du soutien accordé
aux auteurs, et de définir un premier programme de 3 ans.
mesures visant le droit d’auteur et la gestion de ces droits
Il est proposé de prendre en compte le temps d’écriture dans le calcul des droits.
Il est proposé d’intégrer tout ou partie de la subvention dans le calcul des droits de façon à
atteindre un niveau de rémunération professionnel conforme aux minima légaux.
mesures visant le chômage et autres questions sociales
Il est proposé de rechercher avec les autorités compétentes des moyens techniques
d’éviter les effets négatifs du décalage entre le moment de l’écriture et celui où des revenus
d’écriture sont générés.
Il est proposé de neutraliser une partie des revenus d’écriture en regard des plafonds établis
par l’ONEM, notamment lorsqu’il s’agit de bourses d’un montant modeste.
autres mesures visant la reconnaissance et l’encouragement de l’activité
professionnelle d’auteur
Il est proposé de lancer une concertation avec le Ministère de l’Enseignement afin de
faire le bilan des actions menées (asbl…) et de développer un nouveau programme de
sensibilisation à l’écriture et au théâtre dans les différents niveaux, fondés sur les auteurs.
Il est proposé de maintenir et de développer toutes les opportunités de création, de
captation et diffusion dans les médias audiovisuels, et notamment à la RTBF radio et
télévision.
Il est proposé d’encourager davantage le travail de promotion des auteurs des quelques
organismes spécialisés SACD, CED.
Il est proposé d’encourager le développement d’une collection théâtrale internationale,
en partenariat avec des organismes belges et étrangers (SACD, Lansman, Seneffe côté
Communauté française, …à l’étranger).
Il est proposé de soutenir des lieux «banc d’essai» pour les auteurs.
Il est proposé de développer des ateliers d’écriture, sorte de formation interprofessionnelle.
Il est proposé d’aider le paiement des droits d’auteur par des compagnies au projet ou non
structurées, et dont le travail expérimental et les conditions économiques ne permettent pas
de garantir des niveaux minimaux de rémunération aux auteurs.
Il est proposé de réunir les auteurs et les écoles supérieures artistiques pour y développer
une relation précoce entre auteurs et jeunes praticiens du théâtre.
mesures visant la fiscalité
Il est proposé de développer une publication spécifique destinée aux Directeurs de théâtre,
metteurs en scène, animateurs, etc. consacrée aux auteurs et à l’écriture.
Il est proposé d’établir une fiscalité adaptée et progressive des droits d’auteur et autres revenus
de l’écriture, dans l’esprit des propositions Monfils/Lalieux.
Il est proposé de développer des supports «marketing» de promotion des auteurs vers le
grand public.
Il est proposé d’élargir l’abri fiscal (tax shelter) aux arts de la scène, moyennant des
mécanismes adéquats évitant la captation des ressources par les intermédiaires
30
5//
CONCLUSIONS PROVISOIRES
Propositions et réactions dessinent les axes d’une place nouvelle pour les auteurs dans le champ des arts de la scène.
Elle n’émergera pas en quelques jours. C’est à un nouveau statut positif, et non à une nouvelle intermittence, qu’il
convient d’aboutir.
Les propositions formulées ici, dans un premier temps avec les auteurs, sont adressées à présent à celles et ceux
qui sont en mesure de pousser plus loin les réflexions et mieux encore d’agir dans le cadre de leurs missions et de
leurs budgets : responsables des théâtres et des lieux de diffusion ; responsables politiques et de l’administration
de la Communauté française ou d’autres niveaux de pouvoir ; associations professionnelles, metteurs en scène et
comédiens reconnus, personnalités de la culture, journalistes, membres des commissions consultatives, …
Nous attendons avec intérêt toutes leurs remarques, propositions, précisions pour les intégrer à la version finale de ce
document et dessiner ainsi les axes d’une place nouvelle pour les auteurs dans le champ des arts de la scène.
Celle-ci n’émergera pas en quelques jours, mais la présente étude est une première étape indispensable. La Ministre
de la Culture, Fadila Laanan, s’est engagée durant les Etats généraux de la Culture à assurer le suivi de ce dossier.
La SACD de son côté poursuivra le dialogue avec tous les intervenants et continuera à interpeller tous les
responsables du secteur public des arts de la scène pour que les présentes propositions soient suivies de réalisations
concrètes. Avec un seul but : aboutir à un statut viable pour les auteurs dramatiques et les préserver de cette
intermittence subie qui leur est si aisément proposée comme solution.
32
Cette étude a été réalisée par la Sacd et le Service de la Promotion des
Lettres de la Commmunauté française de Belgique.
CRéDITS
Y ont contribué:
Linda Lewkowicz, Frédéric Young,
Marc Quaghebeur, Nancy Delhalle,
Anne Vanweddingen, Tania Nasielski.
Ed. responsable: Frédéric Young
Rue du Prince Royal 87 - 1050 Bruxelles
Mise en page: Artitude
Couverture
1. Thilde Barboni
© Thilde Barboni
6. Jean Louvet
© Jean Louvet
11. Luc Maelghem
© Lansmann
16. Pietro Pizzuti
© Daniel Locus
21. Stanislas Cotton
© Sophie Treinen
2. Paul Pourveur
© Luc Van Eeckhout
7. Luc Dumont
© Lansmann
12. Jean-Marie Piemme
© Alice Piemme
17. Christine Delmotte
© Christine Delmotte
22. François Clarinval
© François Clarinval
3. Paul Emond
© Daniel Locus
8. Alain Cofino Gomez
© Alain Cofino Gomez
13. Marie Destrait
© F. Dufays
18. Christian Baggen
© Christian Baggen
23. Marie Mandy
© Marie Mandy
4. Eric Emmanuel Schmitt
© Catherine Cabrol
9. Veronika Mabardi
© Lansmann
14. Adolphe Nysenholc
© Christine Blanchez
19. Caroline Lamarche
© Caroline Lamarche
24. Eric Durnez
© Lansmann
5. Virginie Thirion
© Virginie Thirion
10. Thierry Debroux
© Thierry Debroux
15. Claire Swyzen
© Claire Swyzen
20. Claire Lejeune
© Lansmann
25. Alain Van Crugten
© Alain Van Crugten
Sommaire
1//
6
1
2
3
2//
10
8
3//
11
4//
12
5
7
p.2
p.3
18
16
p.4
20
21
23
22
17
13
9
19
14
15
4
5//
p.18
24
25
p.28
p.32
33