Tableau comparatif proposé par Christelle CHARRIER

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Tableau comparatif proposé par Christelle CHARRIER
Tableau comparatif proposé par Christelle CHARRIER
Le tableau ci-dessous met en évidence les incidences au niveau sociétal et familial des
bouleversements survenus en Polynésie française en l’espace de quelques décennies.
Ces incidences sont abordées de manière thématique :
- la structure de la société ;
- la religion ;
- la terre ;
- la langue ;
- le statut homme/femme ;
- le corps ;
- la maladie ;
- le cadre familial ;
- l’habitat polynésien ;
- la répartition des tâches ;
- le mariage ;
- l’enfant ;
- la mort.
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La structure de la société
Avant l’arrivée des européens
Aujourd’hui
 la société tahitienne est fortement stratifiée en trois classes principales :
- les « ari’i » au sommet de l’échelle, forment la classe aristocratique (grandes et petites
royautés). Elle correspond grossièrement à la Noblesse. « Les Ari’i étaient des personnages
sacrés, doués d’une puissance et de vertus miraculeuses ; la nourriture qu’ils avaient touchée
devenait pour tous un poison mortel, excepté pour ceux qui appartenaient au même sang. Parmi
les Ari’i, il y avait un chef de famille auquel tous les autres étaient subordonnés : c’était souvent
un enfant et presque toujours un homme jeune, car dès qu’il lui venait un fils, cet enfant était le
chef légitime et le père n’agissait plus que comme régent (…). Les Ari’i étaient probablement les
descendants des derniers conquérants qui avaient assujetti les îles. Ils avaient tant de droits et si
peu de devoirs, les peuples étaient si bien asservis et si dévotement, qu’il devait y avoir bien
longtemps que leur puissance n’avait été contestée »1
- les « ra’ atira » (sans titre mais possédant ou gérant une terre) : « les Ra’atira étaient
évidemment supérieurs aux gens qui ne possédaient rien et encore plus inférieurs aux Ari’i qui
pesaient sur eux aussi lourdement que sur la masse du peuple »2.
- les « manahune », définis comme des serviteurs des autres classes (le peuple, sans titre ni
terre) : « Les Manahune (prolétaires) ne possédaient rien. Ils habitaient la terre de l’Ari’i ou du
Raatira. Ils construisaient une maison dans les lieux qui leur étaient assignés, jouissaient à peu
d’exceptions près du fruit de leur travail et se trouvaient si rarement dépossédés, si ce n’est par
le sort de la guerre, qu’ils transmettaient habituellement leur héritage à leurs petits-enfants, avec
cette seule restriction qu’ils n’en étaient qu’usufruitiers ; mais cet usufruit ne finissait jamais dans
la même famille (…). Ils ne pouvaient guère sortir de leur caste ; ils pouvaient devenir Raatira par
un don définitif, mais rare ».3
En marge de cette pyramide sociale, existe une sorte de secte, les « arioi », hiérarchisée en huit
ordres qui « se distinguent par leurs vêtements et leurs tatouages appelés tatau ou naonao »4
La population totale de la Polynésie française est
estimée à 220 000 habitants. Elle se caractérise par
sa jeunesse et son inégale répartition :
- 43 % de la population a moins de 20 ans ;
- l’archipel de la société concentre 86 % des
habitants.
Quatre groupes ethniques composent la population :
- les Polynésiens (66,3 %) : population la moins
favorisée, surtout représentée dans les secteurs
d’activités traditionnels, pêche et agriculture et dans le
secteur secondaire (bâtiment)
- les Chinois (4,7 %) qui tiennent les commerces et
occupent des postes au niveau du gouvernement
- les Demis (16, 3%) : issus principalement de
mariages mixtes entre les colons, les administrateurs
commerçants européens et les femmes appartenant
aux grandes familles polynésienne, ils ont l’avantage,
par rapport aux Polynésiens « de souche » d’avoir
intégré les deux cultures et naviguent de l’une à
l’autre avec une facilité déconcertante, même si cette
dualité culturelle est parfois vécue péniblement.
Maîtrisant aussi bien les concepts occidentaux que
les référents culturels traditionnels (langue maohi,
danse…), jouissant d’un niveau d’instruction élevé, ils
occupent des postes qualifiés dans la fonction
publique, les banques, le transport maritime et
dominent la vie politique
-les popa’a (11,9%) : français installés pour quelques
années en Polynésie française (enseignants,
militaires,
personnel
médical,
fonctionnaires,
restaurateurs ou prestataires de tourisme…)
1
Edmont de BOVIS, 1978, « Etat de la société tahitienne avant l’arrivée des européens », PPT, Publications de la société, 74 pages
idem
3
idem
4
idem
2
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La religion
5
6
Les Tahitiens croient à un grand nombre de dieux et à une âme à peu près immortelle.
Quatre croyances : le matérialisme ou l’anéantissement complet ; le fatalisme ; la croyance à
une vie future avec rémunération du bien et du mal ; le panthéisme
Le premier dieu des Tahitiens, celui qui fut le père de tous les autres est Taaora. Sa femme est
Hina ou la Terre et son fils aîné Ora est le souverain du monde.
Le « marae » est un temple en plein vent. A l’état rudimentaire, il se compose d’une enceinte à
peu près rectangulaire et d’un autel sous forme de parallélépipède droit qui occupe le milieu entre
les deux grands côtés. L’autel est toujours nu et libre. Personne n’y monte, excepté les gens
inspirés ou démoniaques convulsionnaires et le porteur de l’idole : ce dernier personnage est
sacré, bien qu’il ne jouisse d’aucune autorité ni d’aucune influence : il doit simplement cette
qualité au contact de l’idole qui ne peut être touchée que par lui et le grand-prêtre.
Le personnel du culte se compose de :
- le maître du « marae » au nom de qui et pour le bénéfice duquel toute cérémonie était faite
- le grand-prêtre = personnage le plus important dans toutes les cérémonies du culte :
* revêtu d’un emblème qui lui confère une sorte de royauté religieuse (« maro » blanc) ;
* commande la marche de toutes les cérémonies ;
* prononce les prières les plus importantes ;
*a une influence immense et proportionnée au caractère du roi régnant en dehors de l’enceinte
du « marae » : il décide que les dieux ont besoin d’une victime et le roi la désigne : il ordonne tout
à coup certaines prières solennelles et appelle le peuple au « marae » dans les occasions
extraordinaires.
- les prêtres = fonction semblable à celles du grand-prêtre dont ils sont les subordonnés.
- les orero, prêcheurs ou rapsodes = livres vivants de la religion, de la tradition, des chants
sacrés, de la politique… Ils doivent débiter cela devant le « marae » au milieu d’une foule
immense.
- les oripo ou haerepo = jeunes gens destinés à la prêtrise. Ils remplissent dans les « marae »
les emplois subalternes comme assistants des simples prêtres et comme eux sont placés sous
les ordres du grand-prêtre. Ils ont une fonction spéciale : ils sont coureurs de nuit (espionnage de
leur district pendant la nuit et celui des ennemis, en temps de guerre).
- les porteurs gardiens de l’idole
- lesdémoniaques ou sorciers
On met le « rahui » ou le « tabu » sur quelqu’un ou sur quelque chose et cet homme ou cet
objet devient aussitôt sacré pour tout autre but que celui auquel il est destiné.
« La vie ma’ohi est imprégnée de religion. Rien ne se faisant sans l’accord des dieux, l’aide des
prêtres ou des « tahu’a ». L’espace est hanté d’entités agissantes et les « tapu » en règlent
l’usage. Le sacré rythme le quotidien »5« La religion des insulaires était fondée sur la terreur et la
crainte des Dieux et son observance provenait de cette source »6.
Toutes les religions sont représentées.
50% de la population se réclame de l’église
évangélique (protestants).
Les catholiques représentent 30 à 35 % de la
population.
Le reste se répartit entre les confessions mormone,
adventiste, sanito (nom local de l’église réorganisée
par Jésus-Christ et les Saints des Derniers Jours,
branche dissidente des Mormons), témoins de
Jéhovah et juive.
Les églises très influentes, disposent d’énormes
moyens financiers et jouent un rôle de premier plan
dans la vie sociale, culturelle et politique du pays
B. RIGO, 1997, « Lieux dits d’un malentendu culturel », Tahiti, Au vent des îles, 233 p.
J. DAVIS cité par J.F. Baré dans Tahiti, les temps et les pouvoirs, éditions de l’ORSROM, Paris, 1987, p. 115
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La
terre
Lien très fort entre l’individu et la terre :
- tout individu qui naît a droit à sa parcelle de terre
- la terre est indivisible (fonctionnement communautaire)
celui qui part perd son droit à la terre
La langue
La langue parlée est la langue maohi.
Importance des codes corporels (expression du visage, mimiques).
Rachat des terres par les « popa’a » ou par les
étrangers.
Mélange entre la langue française et la langue
tahitienne, ni l’une ni l’autre n’étant utilisée
correctement.
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Le statut homme/femme
Le monde des hommes/
Le monde de la noblesse
Qualité du « ra’a » (sacré)
Statut de « ra’a », c’est-àdire sacré
* la fabrication du « tapa »,
tâche typiquement attribuée
aux femmes, est réservée
aux hommes dès lors que
les « tapa » sont destinés
au « marae »
* les hommes ont
l’autorisation de manger
tout ce qui fait l’objet des
offrandes aux dieux :
viande de porc et de
volaille, poissons, noix de
coco, bananes…
« les Le monde des femmes/Le monde du peuple
Qualité du « noa » (profane)
Impossibilité d’accéder au statut qualifié de sacré
* l’accès à des activités ou des lieux sacrés et même le
contact avec des objets sacrés est interdit à toutes les
personnes non sacrées (« noa »)femmes en tant que femmes,
donc « noa », ont un caractère contaminant pour toutes les
personnes, objets ou activités de caractère sacré et sont donc
exclues des temples, « marae » et de toutes les fonctions
sacrées
ex. la fabrication d’étoffe végétale « tapa », tâche typiquement
réservée aux femmes est réservée aux hommes dès lors que
les « tapa » sont destinés au « marae »
ex. les femmes font leurs offrandes et prières derrière le
« marae » et lorsque, lors de certaines circonstances
exceptionnelles, elles y sont admises, le sol est recouvert
d’unt apis de feuilles pour qu’elles ne souillent pas le sol en le
foulant de leurs pieds
ex. elles sont impropres aux sacrifices humains
ex. les hommes sont soustraits des sacrifices humains s’ils
présentent des griffures ou des morsures sanglantes
attribuées à des marques provoquées par une femme au
cours d’un coït
* la transgression peut être punie par les dieux si elle est
connue des hommes : les femmes ont défense de toucher la
nourriture sous peine de mort car on pense qu’elles peuvent la
polluer
* la présence des femmes annule le « mana » conféré par les
prêtres lors des cérémonies précédant les expéditions
guerrières, les explorations lointaines ou encore les
entreprises de pêche, activités touchant spécifiquement au
prestige masculin et auxquelles les femmes ne doivent donc
pas participer
* les femmes ne peuvent consommer certains aliments
considérés comme sacrés : cochons ou chiens sont
réservés aux hommes, baleine, dauphin, thon, tortue, animaux
sacrés, incarnations ou messagers des dieux.
* elles ne mangent pas avec les hommes et leur nourriture
ne peut pas être préparée par un homme
* le domaine de la pêche en eau profonde, c’est-à-dire au-delà
du lagon, leur est formellement interdit : les femmes
ramassent coquillages et crustacés en lagon ou en rivière
L’homme éprouve un double sentiment d’infériorité par
rapport :
- au monde féminin
- au monde « popa’a »
Les activités traditionnelles masculines ont disparu
(travail du coprah, pêche…), remplacées par des
emplois salariés (faiblesse du gain/coût de la vie).
L’homme a du mal à trouver sa place.
Ex. mode de « séduction par la force » qui est devenu
pour quelques jeunes tahitiens un moyen pratique de
se procurer une femme, en particulier à Papeete où ils
se trouvent en concurrence permanente avec les
jeunes popa’a et sons eux-mêmes en situation de
déracinement culturel.
La femme a gardé son savoir-faire.
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Le corps
- importance de la propreté et des soins corporels :
 les Polynésiens se baignent plusieurs fois par jour
 ils ne tolèrent aucune pilosité sur leurs membres : ils s’épilent et se rasent
avec un coquillage ou une dent de cachalot
 ils se peignent à l’aide de peignes en bambou
 ils se parfument avec du santal ou d’autres plantes aromatiques
 ils portent des colliers et couronnes de fleurs
 ils passent beaucoup de temps à s’embellir
Remarque : ils utilisent des miroirs faits avec une demie noix de coco noircie au noir de fumée
et remplie d’eau pour se regarder
- valorisation de la corpulence et de la haute stature
 la maigreur renvoie à la maladie
- autres critères de beauté :
 peau claire et tatouée
 nez large et plat pour les femmes
 crâne en pain de sucre pour les hommes
Remarques :
* les massages sont pratiqués sur les nouveaux-nés pour modeler le crâne des garçons et
aplatir le nez des filles
* plus tard, la coutume du « ha’apori » est destinée à augmenter l’attractivité sexuelle : elle
consiste en de véritables cures d’engraissement et de soustraction aux rayons solaires, dans
le but d’éclaircir la peau.
Place du corps toujours première (ex. danses,
concours de « miss »…).
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La maladie
Deux catégories de maladies :
- dans une première catégorie (les « ma’i mau »), entrent les maladies connues et
clairement identifiées ainsi que les symptômes et dont les « ra’au » - les médicaments, sont
connus (maladies naturelles ou maladies du corps)
• les maladies innées comme le « ira » = les spasmes et le « he’a » = les pertes,
qui sont traitées dès la naissance
• tous les petits bobos cutanés ou internes
ex.
les « uiui » = la bourbouille, les boutons de chaleur
les « pu’upu’u » = les boutons
les « tane » = les champignons
les « fêfê » = les furoncles
les « taupô » = les anthrax
le « hoa » = le mal de tête, la migraine, les petits malaises, les vertiges
les « aniania » = les ulcères
• plus importantes : « hota » = grippe, le « tui » = otite, « mariri » = eczéma, qui va
du simple eczéma au cancer
• plus graves, comme la lèpre (« ‘o’ovi »), la tuberculose (« tuto’o »), l’éléphantiasis
(« fe’efe’e »), maladies clairement identifiées que l’on sait soulager mais pas
guérir
Remarque : les règles sont considérées comme la maladie des femmes « ma’i avae » ou
« ma’i vahine », maladie mensuelle, tous les termes concernant les menstruations renvoyant à
l’idée de mort (« pohe »). Le froid, le contact avec l’eau glacée pendant les règles, peut les
bloquer et provoquer le « ma’i fa’ai », maladie due au blocage du flux normal du sang
menstruel, qui au lieu de sortir du corps, le remplirait, pouvant entraîner un étouffement, la
folie ou bien même la mort. Le sang des règles pollue l’eau et rend les poissons impropres à la
consommation. Il est nommé « vari », comme la boue, avec une connotation négative par
rapport à « toto », le sang dans le corps. Les femmes évitent de ramasser des fleurs et des
fruits pendant cette période par crainte que les fleurs se fânent et que les fruits se gâtent, et
les hommes évitent les rapports sexuels de peur de tomber malades, d’avoir les testicules
enflés ou d’attraper des morpions.
- l’autre catégorie (« ma’i tapiri ») concerne les maladies « qui se greffent à », « qui se
joignent à », qui « s’ajoutent » à une autre. Entrent dans cette catégorie toutes les autres
maladies très variées dont on ignore la cause, difficile à identifier et qui résistent souvent au
« ra’au » destinés aux « ma’i mau », c’est-à-dire aux vraies maladies (maladies
surnaturelles)
• les causes possibles sont aussi variées, sinon plus que les maladies identifiées
elles-mêmes
• le diagnostic est long et difficile
• il y a un lien direct entre le malade et l’au-delà
Mélange entre :
- l’allopathie (médecine occidentale)
- la médecine traditionnelle (dont les savoirs ne
sont plus transmis).
Croyances toujours très importantes.
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La maladie
La maladie (suite)
o deux grands types de maladies :
- les maladies « tupapa’u » = les maladies des morts, des revenants
- les maladies consécutives au non respect d’un « tapu »
ex. le nom donné à un enfant peut être source particulière de troubles futurs
ex. dans certains cas de troubles mentaux, c’est l’âme d’un mort qui s’intègre provisoirement
dans une personne normale
L’origine des maladies surnaturelles est donc le plus souvent liée à l’infraction d’un interdit
ou à la négligence dans les relations sociales ou familiales. Elle exige une identification
de l’offense, plus importante que le symptôme lui-même, et renvoie au monde invisible. La
maladie est donc un signe de dysfonctionnement du groupe social, une menace de sa
cohésion et doit être traitée comme telle. La reconnaissance de la transgression et la
réparation de l’offense, qui peut parfois remonter aux générations précédentes, font partie du
traitement. Les relations entre la maladie, le groupe social et le monde invisible
s’interpénètrent étroitement tout autant que le Polynésien se sent attaché, fixé par son « pito »
à sa terre (« fenua ») et lié à ses ancêtres, les « tupuna », ce terme désignant à la fois les
ancêtres et les grands-parents dans la langue tahitienne.
Dans le traitement des « ma’i apiri », le rôle social du « tahu’a » est évident quant au respect
des convenances traditionnelles et à l’effet conciliateur entre les membres de la communauté.
C’est pourquoi malade et maladie ne sont pas séparés. La présence des proches autour du
malade est considérée comme indispensable à la guérison. Quand un membre d’une famille
est malade ou a un problème, il faut regrouper les parties manquantes de la famille ou de la
communauté mais i faut surtout revenir à la création et donc à la naissance.
Après avoir diagnostiqué la maladie, le « tahu’a » essaiera de chercher de qui elle provient
pour pouvoir renvoyer la maladie aux gens qui l’ont donnée pour qu’ils puissent la guérir. La
maladie peut donc servir de prétexte ou de moyen pour exprimer ou régler ses comptes avec
la société.
« tahu’a » vient du terme « tahu » = préparer un feu et l’allumer ou préparer un discours
et le dire. Il désigne un spécialiste, c’est-à-dire celui qui possède le savoir et le pouvoir
correspondant (« mana »), qui peut officier et s’exprimer au nom de ce savoir reconnu de tous.
C’est celui qui parle, qui construit et qui met en marche – comme le feu. Le « tahu’a »
appartient La pratique du « tahu’a », la préparation des « ra’au » et leur mise en œuvre
s’effectuent toujours sur une base religieuse. La foi du patient envers les pratiques du
« tahu’a » est tout aussi importante.
Le savoir–faire peut se transmettre. Mais sans le « mana » - sans le pouvoir, sans le don,
celui-ci sera inefficace.
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La maladie (suite)
Différents spécialistes existent :presque toujours à la branche aînée d’une famille. Il est le
plus instruit du pays et on le vénère.
• les « tahu’a a ra’au » traitent par les plantes
• les « tahu’a a rapa’au » soignent par des salages pour conserver
• les « tahu’a a a hi’ohi’o » sont des voyants• les « tahu’a a taurumi » pratiquent des massages
• les « tahu’a a moemoea » sont des spécialistes des songes
• les « tahu’a a ma’i tupapa’u » sont des exorcistes
• les « tahu’a a ho’o » sont des spécialistes des sciences occultes
« Ra’au » signifie plante. Il y a, dans la mythologie polynésienne, un lien étroit entre l’homme
et la nature. La plante est comme l’homme : elle est issue du corps de Dieu et également de
l’homme.
ex. les fruits de l’arbre « mâpé » proviennent des reins – mâpé, de l’homme
ex. lors d’une naissance, on plante un arbre en même temps que le placenta – « pu fenua » =
centre de la terre.
ex. « pohe » veut dire mort, mourir, être mort, crever (plantes, animaux) ; les règles « pohe »
sont considérées comme une maladie et pendant les menstruations, les plantes deviennent
« tapu » pour la femme, sous peine de les faire mourir ; le sang « toto », prend le nom de
« vari », qui veut dire sale.
ex. lors d’une naissance, on plante un arbre en même temps que le placenta – « pu fenua » =
centre de la terre, de la femme qui vient d’accoucher
Le « tahu’a » connaît les plantes. Il connaît leurs secrets, sait comment les manipuler, quand
les utiliser, où les prendre. Il connaît la maladie et le malade, mais aussi l’entourage de la
famille. Il sait également communiquer avec l’au-delà puisqu’il a le « mana ».
Les « tahu’a » sont excellents en chirurgie et réussissent des guérisons surprenantes. Ils
pratiquent l’amputation des membres et réduisent luxations et fractures. Ils sont même
capables d’insérer une pièce de bois quand un morceau d’os manque dans une fracture
compliquée, de telle façon que l’os peut se développer à nouveau sur le bois. Ils pratiquent
également la trépanation pour traiter les fractures du crâne.
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Le cadre familial
Le concept de famille7 est rendu en plusieurs termes :
• « utuafare » (éthymologiquement : les limites, le cadre spatial dans lequel est
implanté la maison)
• « fetii » (parenté dans son acception la plus large)
• « opu » (le ventre)
• « huaa » (ancêtre – « tupuna » ; probablement un dérivé de « hua », désignant
notamment le sexe de la femme)
• « huaai » (composé formé de « hua » et de « ai » : consommer mais aussi
copuler ; descendance)
- de tous ces termes, « utuafare » est sans doute le seul qui peut recouvrir le sens du
latin « familia, ae » (à partir duquel s’est formé famille), dans l’acception large du terme, c’està-dire, l’ensemble des personnes vivant dans une maison. Mais lui seul, ne peut cerner de
manière satisfaisante.
“utu”
+
“a”
+
“fare”
terme polysémique
possessif
maison/toit/abri/refuge
- les limites
- les lèvres
* « utu » évoque un cadre, un contour, une entrée, des limites spatiales et temporelles ; un
contenant que l’œil ou l’esprit peuvent appréhender.
*« utuafare » = les limites de la maison
* « utuafare » définit est une école de la gestion matérielle au quotidien, conditionnée par les
rigueurs de la vie, à la limite de la survie, comme peuvent en témoigner :
- la lutte pour la survie et le mythe du paradis
= société enracinée dans une économie de cueillette dans une situation de
dépendance permanente
- les fantasmes enfouis dans la mémoire collective (légendes)
= les légendes polynésiennes construites sur des représentations essentielles de la
vie
ex. le « uru » en raison de sa chair et le cocotier, compte tenu de son breuvage, sont
présentés comme des antidotes symboliques contre la mort consécutive à la faim et à la soif
et constituent des indicateurs de la précarité de la vie
- « umu iti » et récupération folklorique
= le « umu iti » connu aujourd’hui comme tour de magie sous l’appellation « la marche
du feu » est en réalité un énorme four, dans lequel on fait cuire des racines de « auti »,
très sucrées, ainsi que des racines de « ape » en période de disette pour nourrir la
population
Passage d’une structure familiale élargie de type
communautaire à une structure familiale de type
nucléaire empruntée au modèle occidental.
- complexité des configurations familiales et
confusion voire absence de repères
- éducation : les parents biologiques doivent
assurer leur rôle d’éducateurs. Ils sont souvent
démunis pour remplir cette mission :
ex. le temps de sommeil de l’enfant n’est pas
respecté : les enfants se couchent tard (télé, jeux
vidéo jeux dans le quartier…) et se lèvent tôt pour
prendre le ramassage scolaire
ex. l’alimentation de l’enfant n’est pas ou est mal
assurée : les enfants arrivent à l’école sans avoir pris
de petit déjeuner et le repas pris à la cantine est
parfois le seul repas quotidien normal de l’enfant
7
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Le cadre familial
- pratiques et croyances
ex. les fosses à « mahi-mahi », énormes trous dans lesquels fermentait le fruit de « uru »,
aliment de base pour tout le village pendant les périodes de disette.
ex. certains modes de cuisson du poisson permettant de le conserver pendant plus
longtemps (au minimum une semaine)
ex. respect quasiment religieux que les Polynésiens vouent au calendrier lunaire, ce
calendrier étant la synthèse de plusieurs générations d’expériences accumulées, dans la
connaissance du milieu marin (mouvements migratoires des différentes espèces de poissons,
périodes de frai…) ou des cycles de la nature.
- témoignages ou attestations de la langue
= présence de termes d’origine polynésienne, qui permettent d’opposer, à des
périodes fastes et d’abondance, désignées par « auhune », des saisons dites de
disette et de famine « oe » ou de sécheresse « paura »
- « ngutuafare » = économiser, mettre de côté
= dans des conditions de vie aussi incertaines, un individu seul, voire un groupe
restreint, de la dimension d’une famille de conception occidentale, n’y survivrait pas. Le
groupe élargi, la famille constellaire trouve donc ici toute sa justification. Dans cette optique, le
« utuafare » peut se définir comme un ensemble de bras, la mise en commun d’intelligences
et d’expériences individuelles au service de la subsistance et de la vie économique du
groupe »
- deux emplois différents de « ngutuafare » : un emploi nominal attribué au parler paumotu
de l’île de Anaa et de Vahiatahi, avec le sens habituel de « famille », « cercle familial » ou
« maison »
- un emploi prédicatif attribué au seul parler de Vahitahi, avec les sens d’ « épargner », d’
« économiser » : l’épargne ne concerne ici pas l’argent mais la nourriture dans ses trois
composantes obligatoires « maa », « miti » et « inai ». C’est la capacité du groupe à mettre
de côté de la nourriture, en quantité suffisante et en prévision des jours où l’abondance n’est
plus au rendez-vous.
Enfin, dans le vocable « utuafare », le morphème « fare » doit être associé à la notion d’abri
ou de refuge, notion par ailleurs intimement liée à l’idée vague et confuse mais très présente
d’un besoin de sécurité et de protection
ex. les conditions d’hygiène de vie normale ne sont
pas toujours respectées sans parler des problèmes
familiaux
plus
graves
(violence,
alcoolisme,
toxicomanie…) pouvant perturber gravement les
enfants
ex. les échanges entre adultes et enfants sont limités
ex.
les
conflits
d’autorité
sont
fréquents
(disqualification de l’autorité parentale, place de la
grand-mère, place du père…)
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L’habitat polynésien
Une des caractéristiques de l’habitat polynésien réside dans le fait qu’il ne se limite pas à un
seul fare. Il en comporte plusieurs, chacun d’eux ayant une fonction spécifique.
- « te fare ta’otor’aa » = la maison pour dormir
- « te fare tama’ara’a » = la maison pour manger
- « te fare tutu » = la maison pour cuisiner
- « te fare papa » = la maison pour se baigner
- « te fare ahima’a » = la maison du four tahitien
« te faaapu » = la plantation
Tout autour, se trouvent des arbres fruitiers plantés soit isolément ou en nombre limité
« tumu », soit en bosquets et sur une certaine superficie « uru » et qui montrent que la notion
« utuafare » est essentiellement tournée vers la notion de subsistance.
Sur la même terre, ou, selon la taille de cette dernière, sur une terre voisine : une petite
plantation qui sert le plus souvent de champ d’appoint, d’accès facile et sûr, pour les jours
notamment où le temps se montre peu clément.
Le « utuafare » est en étroite relation avec :
- la grande plantation « faaapu » côté montagne
- la pirogue (« va’a »), qui permettra au Polynésien de se procurer le « ina’i » (poisson)
source de protéines.
Le repas comporte nécessairement trois éléments de base :
- « te maa’ » constitué essentiellement de fruits de la terre (« uru », taro…)
- « te miti » (le liant) constitué de lait de coco dilué ou d’amande de noix de coco mis à
fermenter selon diverses préparations »
- un « ina’i » (source de protéines)
La notion de « utu a fare » est associée à :
• une notion de survie
• une notion de cercle familial
C’est une conception essentiellement économique de la vie de groupe.
Influence du modèle occidental entraînant
destructuration de la famille polynésienne
« traditionnelle »
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une
dite
La répartition des tâches
Les activités quotidiennes sont réparties différemment selon les sexes et beaucoup d’entre
elles se déroulent au sein du groupe de même sexe et volontiers de même classe d’âge.
L’homme (homme du dehors)
* l’homme est chargé de l’édification et de la
réfection des « fare », des temples et des
pirogues.
* la pêche en pirogue lui est réservée
* il collecte les plantains en montagne et
travaille dans le « faaapu »
* il chasse le cochon sauvage
=> il assure la nourriture par la pêche
(sauf en rivière) ou la culture
* il prépare le four tahitien et fait cuire les
repas
La femme (femme du dedans)
* la femme ramasse coquillages et
crustacés en lagon ou en rivière
* elle s’occupe de la maisonnée :
• elle est la servante de son mari,
qui use rudement de son autorité
• elle apprête la nourriture et ne
s’attable pas avec les hommes
• elle s’occupe de l’éducation des
enfants (en particulier les filles)
• elle fabrique le « tapa », les
vêtements, tresse les nattes,
cordages et voiles
L’économie domestique a glissé d’une économie de
subsistance vers une économie fondée, au moins
partiellement sur les salaires.
De nouveaux besoins ont été créés, qui concernent
les objets tels que les voitures, scooters, postes de
télévision ou moteurs hors bord.
Un grand nombre d’activités, à l’intérieur et autour de
la maison, sont effectuées indifféremment par les
hommes et par les femmes. Mais certaines tâches
demeurent,
théoriquement
ou
non,
encore
sexuellement réparties
Ex. les hommes pêchent en mer, mais la pêche dans
le lagon est aussi l’affaire des femmes, les hommes
étant accaparés par leur emploi.
Ex. ils construisent ou réparent les « fare » mais le
tressage des feuilles de couverture en « ni’au » reste
plutôt un travail féminin, quoi que les hommes s’y
adonnent parfois lorsque de grandes quantités sont
nécessaires
Ex. les femmes, principalement, s’occupent des
jeunes enfants qui pourtant se promènent souvent
aussi dans les bras des hommes
Ex. la préparation du « ma’a » occupe une grande
partie du temps des femmes mais les repas
importants font l’objet d’une collaboration : les
hommes s’occupent de la construction du four et du
réchauffement des pierres tandis que les femmes
préparent et enveloppent
Ex l’exploitation des cocoteraies reste l’affaire des
hommes qui « font le coprah » alors que l’artisanat est
typiquement féminin.
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Le mariage
Le mariage formel existe. Il consiste en une reconnaissance publique, souvent marquée par
une cérémonie avec les familles et les amis, et implique une co-résidence et un accord tacite
sur des échanges mutuels de biens et de services, sexuels en particulier.
Le demi-mariage a lieu :
- quand l’union se fait sans l’accord des deux familles
- quand il s’agit d’une union maritale mais avec un deuxième conjoint, femme ou homme
Un nom de mariage est donné au couple. L’épouse ne prend donc pas le nom de son
conjoint. Il s’agit simplement d’un nouveau nom, qui s’ajoutera à tous ceux dont ils ont déjà
hérité et qu’ils transmettront éventuellement sous la forme d’un patronyme intergénérationnel
à la progéniture de leur choix.
Le caractère facilement réversible des unions entraîne de nombreuses et rapides séparations.
Cette fragilité du lien et la préférence pour un partenaire plus beau entraînent de fréquents
remariages avec un conjoint plus jeune.
Entre époux, toute la gamme des sentiments se rencontre depuis l’affection altruiste, jusqu’à la
haine homicide.
Un homme qui frappe sa femme est amoureux et sait garder sa « vahine ».
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Autour de l’enfant
8
1- La conception de la grossesse
Le sperme, « tatea », affecte le sang de l’utérus qui sinon donnerait les règles et les deux
vont former le fœtus.
« La grossesse est une période de fragilité qui peut exposer à des attaques de
sorcellerie car elle peut susciter l’envie d’une personne de la famille élargie ou de voisins »8

si quelqu’un en veut à la femme enceinte ou s’il est jaloux, il va lui jeter un sort et
elle aura mal au ventre ou sa grossesse ne se passera pas bien
Le fœtus est perçu comme un organisme fragile qui peut subit des attaques envieuses de
l’entourage et les effets de forces invisibles et maléfiques.
Un savoir familial transmis par les femmes et reçu des « tupuna » permet de protéger la
mère et le bébé en lui évitant la plupart des maladies.
Certains « ra’au » sont interdits car ils risquent de favoriser les fausses couches.
Le « ra’au he’a » est fortement recommandé afin de purifier l’intérieur du corps de la future
mère.
Le « ra’ au parari » est prévu après l’accouchement pour nettoyer l’intérieur du corps et le
débarrasser des caillots de sang.
2- La naissance et le choix du prénom
Le choix du nom doit, de manière préventive, se faire avec beaucoup de circonspection.
Toutefois, si ce choix a été fait de façon inadéquate, le nom pourra toujours être changé plus
tard.
On donne à l’enfant un nom du « marae » familial, afin de lui transmettre les terres et la
fonction qui y est attachée. De la sorte, l’appartenance de l’enfant à sa famille étant réalisée,
elle garantit en conséquence la reproduction du « opu ho’e », c’est-à-dire l’unité des frères et
des sœurs des parents et celle de leur descendance. Mais pour que ce don du nom puisse
se faire, le « marae » attend un contre don qui consiste à confier à la terre une partie de
l’être qui vient au monde. Sans l’établissement de ce lien vital, l’accomplissement de la
destinée de l’enfant ne sera que partielle ou devra requérir d’autres procédés pour se
réaliser.
Dans les légendes, la conception est possible par simple passage d’un dieu au-dessus d’une
reine endormie. Lorsqu’une reine attend son premier enfant, on considère que c’est le dieu,
plus que le père, qui l’a fécondé. Toute naissance n’est donc pas attendue – parce
qu’espérée, voulue et désirée, mais annoncée, ou plus justement signalée, par un
ensemble d’empreintes signifiantes ou de signes regroupés sous le terme indigène de
« tapao ». Les modes de signalement sont divers et relèvent en règle général du
paranormal.
Guy FEVE, « Polynésie, Polynésiens, hier et aujourd’hui », L’Harmattan, Paris, 215 p.
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Autour de l’enfant (suite)
Mais la voie la plus couramment employée pour annoncer la venue d’un enfant est encore et
de loin celle des songes à caractère prémonitoire. Quand le sens du songe est manifeste,
les parents ont la certitude de n’être pour l’enfant qui vient que des géniteurs et des
protecteurs. L’enfant est en un sens déjà investi d’une mission dont ils n’ont pas la paternité
ni la propriété.
Leur rôle se bornera à assurer le bon développement physiologique de l’enfant et à favoriser
l’épanouissement de sa personnalité, en tendant à préserver à celui-ci le maximum
d’autonomie dans les seules limites acceptables de sa sécurité.
Dès que la venue de l’enfant est signalée, la question du nom qu’il devra porter à sa
naissance se pose. Elle peut être résolue immédiatement ou être l’objet d’une véritable
quête pour les parents. Car si le récipient généalogique est un véritable réservoir de noms
créés et recréés, un seul lui conviendra. Ce sont des personnes proches de la famille –
grands-parents notamment, qui donnent le nom des aînés, selon qu’il s’agisse d’un garçon
ou d’une fille, à l’occasion du mariage de leurs enfants. Ils donnent à ceux-ci en même temps
le nom de mariage (« i’oa fa’aipoipo ») qu’ils porteront toute leur vie et qui charge la nouvelle
fonction qu’ils vont revêtir en couple dans l’existence.
Trouver le nom juste et le donner contient toujours un risque : celui de se tromper et de
faire porter à l’enfant un terme d’adresse dont l’interpellation pourra avoir des conséquences
dommageables pour sa santé et son développement, voir sa vie. Mais une alternative reste
toujours à leur portée. Dans le cours de la vie de l’enfant, ils peuvent toujours faire tomber le
nom (« top i’oa ») et les interdits (« tapu ») qui lui sont attachés et lui en donner un autre. Un
individu peut donc changer de nom tout au long de sa vie.
3-Rituels autour de la naissance
Un certain nombre de soins et rituels vont investir le nom de son pouvoir. Ces soins et rituels
qui entourent la naissance de l’enfant se fondent sur un même principe : l’enfant signalé doit
être protégé dès sa naissance de ceux qui voudraient interférer sur le cours de son destin.
ex. on mêlera par exemple à ses vêtements des feuilles de « nono » destinées à éloigner les
mauvais esprits
ex. le corps du bébé sera enduit de « mono’i »
ex. on fera absorber au nouveau-né certaines décoctions afin de le protéger de l’intérieur et la
personne la plus avisée de la famille ira même jusqu’à lui retenir la respiration à l’aide de son
propre souffle
ex. on recueillera son cordon ombilical et le placenta de la mère
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Autour de l’enfant (suite)
Le cordon ombilical (« pito » = centre, axe) et le placenta (« pu fenua » = ventre de la
terre) sont les deux pièces maîtresse de la fixation de la destinée de l’enfant.
Le « pito » est la représentation exacte du fondement de la terre et le « pu fenua » celle du
roc.
Un arsenal symbolique aux règles très précises permet de mettre le processus de
rattachement de l’enfant à son nouveau monde. Le placenta et le cordon ombilical sont
enfouis au pied du marae familial. Ils sont ainsi confiés aux gardiens de la destinée de
l’enfant, afin qu’ils le protègent et le fortifient.
Si la préparation du cordon ombilical sectionné au moment de l’accouchement ne demande
pas d’attention particulière, celle du placenta suit des rituels très précis. Le placenta est
considéré comme sacré : c’est une « poche de vie » du bébé, une « partie du corps vivant ».
De ce fait, il est nécessaire qu’il soit protégé des forces surnaturelles et des forces
invisibles et donc :
• soit conservé à l’intérieur du « marae » familial ou ancestral au titre de relique
car il est considéré comme l’essence de l’enfant
• soit enterré en un lieu particulier avec enracinement en ce lieu

la pousse de l’arbre fruitier qui sera planté deviendra le symbole de la croissance
de l’enfant
• soit jeté dans le lagon

tel ou tel personnage de la communauté pourra être le gardien et le protecteur
d’une passe ou d’un lagon dans lequel son « pito » aura été jeté
Le placenta doit être préparé par un homme : soit le père de l’enfant, l’oncle, le grand-père,
voire un « tahu’a », afin que son enfouissement ou son immersion aux premières lueurs de
l’aube bénéficie de la force d’attraction solaire naissante, en ces instants où les esprits sont au
repos. Enduit de « mono’i », le placenta est massé doucement afin qu’il s’imprègne
lentement de cette douce protection. Enveloppé de feuilles de « nono » qui lui assurent une
protection définitive, il est ensuite enroulé soigneusement dans un morceau de « tapa ». Le
soleil n’a pas encore frappé la terre de ses rayons que l’officiant doit se trouver à l’endroit où il
aura préparé le trou pour y enfouir les entrailles de la mère. Cet enfouissement (ou
immersion) doit se faire à l’instant même où les premiers rayons de soleil inondent le lieu
choisi. Tout au long des différentes opérations, l’officiant prononce une série d’incantations :
aux ancêtres pour les remercier de leur confiance, à la terre et aux animaux gardiens pour
leur confier l’enfant, et aux dieux tutélaires responsables de cette naissance.
Ceci fait, l’enfant est intégré au groupe comme nouveau membre : il acquiert certains
droits et devoirs sur le sol ou la mer, qui forment à partir de ce moment-là sa part d’héritage et
de responsabilité. Dans ce cas précis, l’officiant reproduit dans la litanie incantatoire la ligne
de filiation suivant laquelle l’enfant pourra faire remonter sa généalogie jusqu’à l’anc^tre
fondateur. A partir de là, l’enfant est « mau », c’est-à-dire fixé, vrai et définitif.
Quant au « pito », nom qui désigne le morceau de cordon ombilical desséché qui tombe du
nombril dans les semaines qui suivent la naissance, un sort particulier lui est réservé. Il est
conservé à l’abri puis enterré dans le sol familial ou jeté dans le lagon : s’il est enterré, l’enfant
restera attaché à la terre ; en revanche, s’il est jeté à la mer, il partira et ce sera un grand
voyageur.
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4- Soins
L’enfant est considéré comme un être fragile. Il doit être l’objet des plus grands soins.
Trois grands types de soins chez le nourrisson peuvent être retenus :
41- Les massages
Les massages ont une grande importance dans la culture polynésienne. Ils sont soit
préventifs ou esthétiques et pratiqués de manière familiale, soit thérapeutiques et
pratiqués par des spécialistes.
La technique est très codifiée. Le massage débute par le sommet du crâne, appelé « nini »,
base de l’implantation des cheveux. Les épis sont particulièrement redoutés, dans cette zone
qui joue un grand rôle dans les représentations tahitiennes du corps : le froid, notamment,
peut pénétrer le corps du bébé par cet endroit et entraîner des maladies ; les épis des
cheveux situés à cet endroit peuvent être le signe de futurs troubles nerveux chez l’enfant.
C’est pourquoi la mère accorde un soin particulier à cette zone.
- les massages corporels
- les soins externes (essentiellement des bains à base de décoction de feuilles)
- les « ra’au » internes que l’on donne par la bouche, le plus souvent à bas de plantes
Les massages familiaux sont pratiqués dès la naissance par la mère, qui détient le plus
souvent ce savoir de sa propre mère ou de sa belle-mère. Ils sont effectués avec du
« mono’i », qui a des propriétés médicinales propres.
Les massages ne sont pas seulement censés avoir une action externe pour assouplir ou
affermir les membres – voir redresser un membre en mauvaise position, ils ont aussi une
action interne. Ils sont réputés bons pour la santé et la croissance du bébé, qui doit être
massé tous les jours.
dans la petite enfance nécessitent des traitements par la bouche, toujours pour la plupart à
base de plantes médicinales, qui nécessitent des dosages particuliers et donc l’intervention de
spécialistes.
Il en est ainsi du « ira », maladie qui peut se manifester par des convulsions et des maux
de tête, mais également par bien d’autres signes (taches bleues mongolites, très fréquentes
chez les bébés polynésiens, coloration verdâtre des selles, sursauts des bébés au bruit…). Il
existe plusieurs formes de « ira », toutes aussi redoutées les unes que les autres, car le bébé
peut mourir d’un coup de cette maladie.
Lors de sa naissance, il est connu que le nouveau-né peut être encombré par des mucosités
ou glaires appelées « nanu ». C’est le père qui sera chargé de le débarrasser de ce qui peut
gêner sa respiration, en aspirant lui-même ces mucosités à l’aide de sa bouche. Certaines
plantes sont réputées avoir des propriétés médicinales propres, mais sont aussi et en même
temps réputées pour chasser les mauvais esprits : le « nono » par exemple, de même, les
9
B. DANIELSON
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« mono’i », utilisé depuis toujours pour enduire les « tiki » et leur conserver leur « mana ».
42- Les bains
Les bains à base de décoction de feuilles sont extrêmement pratiqués. Ils impliquent une
bonne connaissance des plantes concernées, une cueillette qui se fait le plus souvent en
famille, car elles doivent être utilisées fraîches et non séchées.
43- Les « ra’au »
Certaines maladies particulièrement redoutées
44- Le tatouage
L’enfant a un caractère sacré (cf. mythe de l’enfant-roi) qui peut être expliqué par le concept
de « mana ». Le « mana » ou pouvoir surnaturel, se transmet de père en fils, mais sa force
est héritée à la fois du père et de la mère et c’est pourquoi « elle double à chaque génération
9
et un enfant est donc toujours plus puissant que ses parents » . A sa naissance, l’enfant est
donc considéré comme supérieur à ses parents. Le fils d’une famille au pouvoir prend par
conséquent le gouvernement dès sa naissance. A partir de ce jour, le père ne règne qu’au
nom de son fils et lorsque celui-ci est majeur, il se retire. L’autorité des parents s’en trouve
sérieusement compromise.
Les rites de désacralisation, « amo’a » seront pratiqués tout au long de l’enfance pour
neutraliser ce caractère éventuellement dangereux.
ex.
le tatouage
- les enfants sont tatoués au creux du coude une dizaine de jours après la naissance : trois
petits points qui devaient les rendre moins « tapu », les désacraliser après leur sortie du
ventre de la mère
- les garçons sont tatoués plus tard que les filles, vers l’âge de 13 ans, après la circoncision.
- les filles sont ensuite tatouées à l’âge de 9 ou 10 ans au bassin, fesses, cuisses, parfois
jusqu’aux genoux, quelquefois les pieds ; plus tard, lorsqu’elles sortent de la puberté, la
tradition veut qu’elles soient tatouées sur les mains, les paupières, le menton, les seins et le
dos.
5- L’éducation
L’éducation est confiée à trois pôles :
- les parents congénitaux = responsabilité essentiellement nutritionnelle ; relations
viscérales
Remarque : place du père : ambivalence (importance de « aau » = les tripes ou les réactions
viscérales primaires) : grande tendresse/grande violence
- les oncles et les tantes désignées par « papa + prénom » ou « maman + prénom » =
rôle éducatif- les cousins, cousines, frères et sœurs = la fratrie (la langue tahitienne ne fait
pas de distinction entre les termes « taea’e » pour les frères et cousins et « tuahine » pour les
sœurs et cousines) = rôle de socialisation et en même temps d’initiation
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Remarque : à noter l’excessive pudeur voire la pudibonderie des adultes face à l’enfant à l’égard de la
chose sexuelle. On ne parle pas de ces choses là, c’est sale : « mea ha’airiri ». Les jeunes filles avec
leurs premières règles et les garçons avec la nécessaire circoncision doivent se débrouiller seuls. Et
c’est là que deviennent opérationnelles les hiérarchies d’âge et/ou de sexe : les aînés sont là pour tenir
lieu d’initiateurs aux plus jeunes.
L’enfant vit au milieu de ces trois pôles et c’est la présence simultanée de ces trois pôles qui permet à
l’enfant, dans la famille, de s’épanouir
6- Le fa’a’amu
pratique du faa’amu = circulation d’enfant au sein de la société traditionnelle polynésienne
Le terme de « faa’amu » est construit à partir de « fa’a » qui signifie « faire » et de « amu » qui veut dire
« manger ». il s’agit donc, d’un point de vue terminologique, de la fonction nourricière. Cette pratique a
un caractère commun, ordinaire, habituel dans la culture polynésienne.
La notion de famille et de lien de sang apparaît souvent dans l’étude du « fa’a’amura’a », avec, parfois,
de manière sous-jacente, des notions d’héritage et de transmission des terres.
L’essentiel est l’organisation sociale.
L’adoption est un instrument de contrôle social visant à maintenir l’individu à sa place dans le
groupe et à l’empêcher ainsi de s’affirmer au détriment du groupe.
=> « faa’amu » par les grands-parents = pérennité du système social qui cherche à englober
toutes les Cette organisation, élément de cohésion sociale, est une garantie contre l’apparition des
individualismes : les enfants étaient répartis et communs.
Le « faa’amu » a une fonction intra et inter-familiale qui ne permet pas l’individualisation.
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La mort
*mort physique (« pohe ») = étape, passage obligé voulu par les dieux, épisode de
l’existence terrestre qui se poursuivra ailleurs sous une forme plus spirituelle.
 la mort n’est donc jamais une fin ni un anéantissement de la personnalité
humaine. Il y a disparition de l’âme (« tino » qui deviendra « tupapa’u ») et
libération de l’âme du défunt.
 la mort est donc acceptée sans crainte
Les circonstances entraînant la mort (vieillesse, accident, maladies) le rang social du défunt et
sa personnalité auront une influence sur le déroulement du rite funéraire mais plus encore sur
la destinée de son âme.
* le cas le plus simple : la mort par vieillesse
L’homme est préparé depuis longue date à cette éventualité. Il est en paix avec son entourage
et avec lui-même. Si quelques problèmes résiduels subsistent, ils doivent être discutés
préalablement au départ. La séparation doit en effet se produire dans la paix totale.
Lorsque l’agonie commence, la famille fait cercle autour du mourant en faisant bloc pour le
protéger de l’intrusion d’un esprit malfaisant qui pourrai prélever son âme prématurément. Le
prêtre attache des plumes (« ura ») aux doigts du mourant pour éloigner les mauvais
esprits et confectionne une sorte de chapeau appelé « fau –maire », qui, au décès, devra
recueillir provisoirement l’enveloppe charnelle
La mort réelle n’est prononcée qu’environ trois jours après la mort apparente, temps
nécessaire pour garantir la séparation de l’âme et du corps. Le corps sera toujours appelé
« tino » et non pas « tupapa’u » (cadavre). Pendant cette période, l’âme, si elle a quitté le
corps, se trouve à proximité et peut réintégrer le corps. C’est la période du «’otaha’a » ou
« ta’iha’a ». La famille exprime sa profonde douleur mais aussi, en la matérialisant, la douleur
et le désarroi de l’âme qui refuse de quitter son enveloppe charnelle. La profonde douleur
pour les Polynésiens, comme pour n’importe qui, si elle provoque des larmes, des cris, des
gémissements bien compréhensibles, est plutôt réservée voire muette. Il s’agit donc d’un rite
ostentatoire pouvant aller jusqu’à des scarifications, qui s’adresse aux dieux et en
particulier à Hina, déesse de l’immortalité et mère des premiers hommes. L’âme du défunt, à
travers les vivants, implore Hina de ne pas la séparer de son enveloppe charnelle (« ha’a »).
La décision de Hina se manifeste par la position de l’âme sur l’une ou l’autre des deux pierres.
La première pierre symbolise le non-retour, la séparation définitive, c’est-à-dire la mort réelle.
Sur la seconde pierre, l’âme retournera dans le monde des vivants et réintègrera son
enveloppe charnelle.
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La mort
L’annonce de la mort réelle déclenche pour les parents, les amis et tout le district, la période
de deuil (« heva »).
Un grand prêtre est demandé aussitôt que la mort est constatée afin de célébrer les obsèques
qui commencent par le « ha’utira’a-tupapa’u » où il demande d’abord à l’esprit de réintégrer le
corps et au corps de se réveiller : aucune signe de vie n’apparaissant, il annonce
officiellement « ua umuhia te vaua e te atua » (les dieux ont pris son âme), c’est-à-dire la mort
véritable.
Le corps est placé sur le « fata-tupapa’u ». Il est lavé, huilé, parfumé et habillé. Le
parfum joue un rôle important car il éloigne les esprits qui ne le supportent pas. Cette phase
peut durer de 1 mois à 1 an.
Le prêtre examine alentour pour trouver des signes indiquant la cause du décès. En l’absence
de signes particuliers, la mort est naturelle. Une branche de « ti » est déposée près du corps
pour son âme dans l’au-delà et le prêtre commence son invocation aux dieux, appelée « tuihana » (prière pour le repos de l’esprit) qui se termine en s’adressant au mort : « tourne ton
visage vers les Ténèbres, ne fais pas revenir ton regard sur la terre »
Le corps est exposé quelques jours dans le « fare » couvert de « tapa » blanc, de guirlandes
et de fleurs. Parents et amis rendent hommage au disparu, ce qui donne lieu à une
recrudescence des lamentations pouvant aller jusqu’à des scènes de délire pour un
personnage important ou aimé. Ce qui reste du corps est à nouveau enveloppé de « tapa »
et de nattes puis enterré sur les terres familiales, dans le « marae » familial si la famille en
possède un. Avant la mise en terre, le corps (« tino ») est veillé jour et nuit par la famille.
L’âme du disparu est présente ou à proximité immédiate. Il est important qu’elle soit
totalement rassurée qu’il n’existe plus aucune animosité contre elle. Cette attitude hâte le
départ progressif de l’âme pour le long voyage qu’elle effectuera, étape par étape, jusqu’au
lieu de rassemblement des âmes et des dieux.
Au cours de la première étape, l’âme se rend dans un lieu particulier de l’île toujours situé du
côté du soleil couchant (« ta’o’a o te ra »), le lieu des ancêtres. Cet endroit est symbolisé par
deux pierres : « ofa’i-ora » et « ofa’i-pohe ». Si l’âme se pose sur la première pierre, elle peut
retourner dans son enveloppe charnelle. Si elle se pose sur l’autre, c’est la séparation
définitive d’avec le corps.
De la seconde étape, située au-dessus du mont Tamehani, les âmes ont encore la possibilité
de revenir à proximité de leurs parents et de leurs amis pour les aider ou les protéger.
L’âme d’un homme insatisfait ou méchant peut être la cause de malheur pour une personne
ou un village entier. Rôdant à proximité des « fare », elle se manifeste par des apparitions,
des cauchemars, des maladies rendant la vie impossible. Seule l’intervention d’un « tahu’a »
peut libérer les individus de cette malédiction.
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* la mort consécutive à une maladie n’est jamais naturelle car la maladie est toujours le
résultat d’une mauvaise action, d’un manquement aux règles établies, d’un irrespect envers
les dieux ou la volonté d’un tiers qui veut du mal. Il faut donc rapidement trouver l’origine du
mauvais sort afin de rétablie la paix et prendre les « ra’au » indiqués par le « tahu’a ».
Le sort de l’âme des femmes mortes en couche est réellement poignant. Il reste longtemps à
proximité, réclamant son enfant, puis s’éloigne progressivement rejoindre un lieu que toutes
les femmes connaissent, situé en principe dans les endroits sombres ou encaissés des
vallées, dans les « mape » ou au contraire le flanc des falaises abruptes.
On ne laisse encore aujourd’hui aucune dépouille sans surveillance.
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